Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-03-30
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 30 mars 1890 30 mars 1890
Description : 1890/03/30 (A19,N6649). 1890/03/30 (A19,N6649).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
- 1-e
Dix-neuvième années 8AII CINQ Centimes — Paris et Dépanementa - CIN 0 Centimes DIMANCHE 30 MARS 1803
JOURNAL RÉPUBLICAIN
REDACTION
A4S, Rue Montmartre
Pü18
DIBECTEUR POLITIQUE
A. * ÉDOVARD PORTALIS
PRIX DE L'ABONNERENT :
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Départements — 71; - 12 f.; — 241
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149, Rue Montmartre
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PRIX DE L'ABOMEKWT :
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MfMM télégriphlquo : XIX* SIÉCXE — PARIS
LES ÉCONOMIES
Les vacances de Pâques vont s'ou-
vrir avant que la Chambre ait pu, à
propos du projet d'emprunt, se livrer
à un premier examen de la question
financière. Mais, dans la séance de
jeudi, la discussion d'un modeste cré-
dit supplémentaire de deux millions
pour primes à la marine marchande
a pris un développement inusité et
peut en quelque sorte être considérée
comme la préface des discussions fi-
nancières prochaines. Le crédit sup-
plémentaire ne servait guère que de
prétexte, et on l'a vite oublié ; mais,
pour théorique et presque parasitaire
que fût ce débat, il a eu un résultat
assez important, puisque la commis-
sion du budget, par l'organe de M.
Casimir-Perier, son président, a pris
l'engagement de dresser le bilan de
notre situation financière.
Ce bilan a été bien souvent réclamé,
et s'il avait été dressé, nous ne ver-
rions plus se produire les évaluations
fantaisistes des financiers de l'opposi-
tion, qui jonglent avec les milliards
de notre dette et qui, dans un intérêt
politique, surtout à l'approche des
élections, alarment le pays en nous
présentant comme menacés d'une ban-
queroute. Il est très regrettable que la
législature dernière, qui avait pris des
engagements très précis, y ait man-
qué sur ce point comme sur tant d'au-
tres, et il est encore très regrettable
qu'avant-hier ce soit à un membre de
la Droite que l'on ait laissé l'initia-
tive apparente de cette mesure. Le
président de la commission du budget
et le ministre des finances ont pu à
bon droit répondre qu'ils étaient as-
sez soucieux de leur devoir pour n'a-
voir pas besoin d'être invités à faire
connaître la situation exacte de nos
finances. Grâce à cette déclaration et
à l'engagement implicite.. qu'elle con-
tenait, ils ont pu faire repousser la
proposition de résolution déposée par
la Droite. Mais celle-ci n'en revendi-
quera pas moins l'honneur d'avoir eu
l'initiative de l'établissement du bilan,
et nous pouvons nous attendre à la
voir faire de cet argument une arme
qu'il eût été préférable de ne pas lui
laisser.
Le débat d'avant-hier a eu encore
pour résultat de permettre à la Cham-
bre d'indiquer, avec plus de précision
que ne l'avait fait l'élection de la com-
mission du budget, ses vues sur l'o-
rientation financière qu'elle se pro-
pose. Tous les orateurs, à quelque
parti qu'ils appartiennent, se sont
prononcés pour une politique d'éco-
nomies. Récemment, M. Pelletan di--
sait qu'il était facile de réaliser cent
millions d'économies, et M. Paul de
Cassagnac, enchérissant, évaluait à
cent vingt millions les économies réa-
lisables. M. Germain va plus loin : il
les évalue à deux ou trois cents mil-
lions. La marge n'est pas médiocre,
et, de la part d'un financier de pro-
fession, on pouvait attendre une esti-
mation plus précise. M. Germain n'a
pas dit sur quelles parties du budget
il pensait réaliser ces économies. Il se
réserve de faire sa démonstration
a quand le moment sera venu". Nous
souhaitons que ce moment arrive bien-
tôt, car il nous tarde de connaître le
procédé de M. Germain.
Un journal de l'Union libérale s'est
bien chargé, hier,. de nous indiquer
comment il fallait s'y prendre pour
réaliser des économies. Mais, comme
il commet une grosse erreur de fait
en signalant notamment l'unification
de notre dette et la conversion du
l 1/S 0/0 en 3 0/0 perpétuel, alors
que cette conversion ne peut s'effec-
tuer avant 1893, nous hésitons à croire
qu'il ait fidèlement traduit la pensée
de M. Germain. Néanmoins, le pro-
cédé qui nous est exposé ne manque
pas d'intérêt. Il consiste, en effet, à
« modifier la loi scolaire », à « reviser
la loi militaire" et à » restreindre
l'immense et ruineux programme de
travaux publics". Les journaux de
l'Union libérale n'ont pas le mérite
de l'invention. Avant eux, la Droite,
dans une proposition déposée au cours
de la dernière législature, avait si-
gnalé, comme source d'économies
considérables, la modification de la
loi scolaire et la restriction du plan
de travaux publics. Depuis lors, dans
toutes les discussions financières, elle
a développé ce programme sans se
lasser jamais. L'Union libérale n'a pas
même le mérite d'avoir perfectionné
le système en aj outant la revision de
la loi militaire. Bien que le vote de
cette loi soit récent, la Droite a déjà
signalé les économies que sa revision
procurerait.
Venant des hommes de l'Union libé-
rale, ce programme ne contient qu'une
nouveauté. Jusqu'ici, ce petit groupe
n'avait parlé que d'une politique de
conciliation fondée sur quelques con-
cessions à la Droite. Mais il se défen-
dait de rien abandonner de ce qu'il
appelait les principes essentiels de ces
réformes ; tout au plus offrait-il d'ap-
pliquer les lois « dans un esprit de
modération M. Cette tactique n'a pas
réussi à lui concilier l'amitié et le dé-
vouement de la Droite, même de la
Droite « indépendante M. Celle-ci lui a
même déclaré avec une certaine bru-
talité qu'elle ne pouvait avoir rien de
commun avec lui. Le Centre-Gauche,
ou l'Union libérale, comme on voudra,
cherche à la faire revenir à de meil-
leurs sentiments en lui faisant de nou-
velles concessions qui, cette fois, vont
jusqu'à un complet renoncement. Il
prend purement et simplement le pro-
gramme de la Droite. Il en sera pro-
bablement pour ses avances, qui ser-
viront seulement à montrera la Droite
l'ardent désir qu'il éprouve de reve-
nir, n'importe à quel prix, aux affai-
res. Mais le parti républicain a déjà
eu l'occasion de montrer qu'il était
assez fort dans la Chambre pour ré-
sister même aux efforts coalisés de la
Droite, des boulangistes et du Centre-
Gauche, et qu'il était résolu à ne rien
abandonner des réformes démocrati-
ques. La. recette de M. Germain n'a
donc aucune chance d'être mise en
pratique, et c'est assurément par
d'autres moyens que la majorité cher-
chera à réaliser le désir, dont elle est
tout entière animée, de faire des éco-
nomies et de mettre notre situation
financière à l'abri des critiques qu'elle
a, à diverses reprises, encourues.
Le XIXe SIÈCLE publiera demain la
Chronique », par M. Paul Ginisty.
LA SANTÉ DE GUILLAUME Il
Excitation maladive. — Voyages re-
commandés.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 28 mars.
Je vous confirme une information que
je vous ai donnée précédemment, à propos
des inquiétudes que cause à l'entourage
impérial la maladie nerveuse dont souffre
Guillaume Il.
Ses médecins voudraient lui voir repren-
dre ses voyages en mer, et lui conseillent
de retourner en Suède et en Norvège d'où
il était revenu plus calme.
Ils sont très préoccupés de son mysti-
cisme, de son état d'excitation continuelle,
des emportements auxquels il se livre sous-
le plus léger prétexte.
Cet état de santé de l'empereur aurait
contribué, plus que les incidents relatés, à
la retraite de M. de Bismarck.
ENCORE UN ESPION
A Epinal. — Syndicat d'espionnage
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Epinal, 28 mars.
La police a arrêté aujourd'hui un per-
sonnage allemand qu'on voyait rôder ici
depuis quelques jours. C'est à la suite des
aveux de Niemeyer, qui vient d'être con-
damné, et des indications qu'il a fournies,
qu'un mandat d'arrêt a été lancé contre ce
nouvel espion.
Une volumineuse correspondance a été
saisie chez lui.
Il n'y a plus de doute : c'est tout un syn-
dicat d'espionnage qui fonctionne dans
notre région. Les révélations de Niemeyer
en ont fourni la preuve.
TAPAGE ALLEMAND EN SUISSE
La punition des agresseurs
(DE HOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
- Berne, 28 mars.
De grave incidents; qui ont vivement
impressionné la population, viennent de
se produire à Baie.
Des ouvriers allemands, venant de Lor-
rach, dans le grand-duché de Bade, où ils
étaient allés tirer au sort, ont parcouru la
ville en nombreux groupes de vingt à cin-
quante individus, en chantant à tue-tête :
« Les fusils partiront, les Suisses tombe-
ront ».
Une de ces bandes se rua sur un poste
de police pour délivrer un camarade.
Une vingtaine d'arrestations ont été opé-
rées.
Le tribuanl de police a jugé aujourd'hui
les individus arrêtés, qui ont tous été con-
damnés à des peines variant de deux à six
jours de prison.
L'OR DU RHIN
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Bâle, 28 mars.
Une compagnie s'est formée pour l'exploita-
tion des sables aurifères du Rhin. On sait que
de Bâle à Bingen les sables du fleuve don-
nent à un patient lavage de quoi rémunérer par-
fois la journée des orpailleurs. Quelqu'un a
fait le calcul, on ne dit pas sur quelles bases,
qu'il y a, de Rheinan, dans le canton de Zu-
qu'il y à Pa, hilippsburg, dans le grand-duché de
rich,
Bade, pour 120 millions de francs d'or mêlé aux
sables du fleuve.
UN TORPILLEUR COULÉ
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rochefort, 28 mars.
Le torpilleur hQ a été coulé aujourd'hui par
suite d'un fausse manœuvre, en Charente,
près de Rochefort, par la Boutonne, navire de
l'Etat. Il n'y a eu aucun accident de personne.
On considère le renflouage comme pos-
sible.
L'ÉLECTION DE SAINT-DIÉ
La commission chargée de procéder à une
enquête sur l'élection de M. Picot à Saint-Dié
s'est réunie hier.
M. Viger a donné lecture du rapport de la
sous-commission qui avait été chargée de pro-
céder à une enquête à Saint-Dié.
Après cette lecture, la commission a unani-
mement conclu à l'annulation des opérations
électorales.
M. Viger a été chargé de déposer un rapport
en ce sens. , r"
,
LA
CONFÉRENCE DE BERLIN
RtsoiimoMS montes
Les travaux terminés. — Les vœux. —
Les résultats des trois commissions.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 28 mars.
La conférence a terminé ses travaux au-
jourd'hui. Les différentes résolutions des
commissions ont été rédigées sous forme
de vœux.
Chaque commission a établi un rapp ort
exposant les différentes phases de la dis-
cussion et résumant les résolutions adop-
tées.
Le repos du dimanche
10La commission du travail du dimanche a
décidé qu'il serait désirable que, dans cha-
que pays, un jour de repos hebdomadaire
fût assuré à tous les ouvriers. Ce jour de
repos serait fixé au dimanche.
Ces dispositions ont été adoptées à l'una-
nimité, sauf le choix du dimanche, sur le-
quel les délégués français se sont abs-
tenus.
Des exceptions ont été admises pour les
exploitations qui exigent une continuité de
production et pour les industries qui ne
fonctionnent que dans certaines saisons;
mais même dans ces cas exceptionnels, il
serait à désirer que chaque ouvrier ait un
dimanche libre sur deux. Pour déterminer
les exceptions, il conviendrait qu'une en-
tente s'établisse entre les divers gouverne-
ments. Les délégués français ont voté con-
tre cette décision,
Au cours de la discussion, M. Tolain a
émis l'avis que la première question doit
viser le repos hebdomadaire et non pas le
repos du dimanche.
Le travail dans les mines
2° La commission des mines a adopté à
l'unanimité l'avis qu'il serait désirable que
la sécurité des mineurs et la salubrité des
travaux soient assurées par tous les moyens
dont dispose la science; que la surveillance
de l'Etat s'exerce efficacement, que les in-
génieurs des exploitations possèdent une
expérience et une compétence technique
dûment constatées ; que les relations entre
les mineurs et les ingénieurs soient plus
étroites, afin d'avoir un caractère de con-
fiance et de respect mutuels.
Elle a adopté que les institutions de pré-
voyance garantissant les mineurs et leurs
familles en cas de maladies, d'accidents,
d'incapacité de travail prématurée, soient
de plus en plus développées ; que pour
assurer la continuité dans la production
du charbon, on s'efforce de prévenir les
grèves.
Le meilleur moyen préventif consisterait
dans des associations mixtes des patrons
et des ouvriers, réglant les différends s'il
en survenait et soumettant à l'arbitrage les
litiges non résolus à l'amiable.
La limite d'âge à laquelle les enfants peu-
vent descendre dans les mines devrait être
progressivement élevée à quatorze ans.
Pour les pays méridionaux, cette limite se-
rait fixée à douze ans.
Le travail souterrain serait défendu aux
femmes.
Chaque pays reste libre d'assurer selon
sa législation ces dispositions.
Les délégués français, tout en adhérant
au principe de la limite de quatorze ans,
ont fait des réserves, basées sur les diffi-
cultés du recrutement des apprentis.
Le travail des enfants et des adoles-
cents.
30 La commission du travail des enfants
et des jeunes ouvriers dans les établisse-
ments industriels a voté les résolutions
concernant le travail des enfants. Elle a
émis le vœu que les enfants n'ayant pas
atteint un certain âge soient exclus, que
la limite soit fixée à douze ans et pour les
pays méridionaux à dix ans. Ces limites
sont identiques pour toutes les indus-
tries.
Il serait désirable que les enfants aient
satisfait aux prescriptions de l'instruction
primaire; que les enfants au-dessous de
1A ans ne travaillent ni la nuit ni le di-
manche ; que le travail effectif ne dépasse
pas six heures par jour, interrompues par
un repos d'une demi-heure ; que les en-
fants soient exclus des occupations insalu-
bres.
Les résolutions concernant le travail des
jeunes ouvriers sont les suivantes :
Il serait désirable que les jeunes gens de
IJ. à 16 ans ne travaillent ni la nuit ni le di-
manche ; que le travail effectif soit de dix
heures, avec le même repos que les enfants
et les mêmes restrictions au sujet des oc-
cupations insalubres.
Le travail des femmes
La commission du travail des femmes a
décidé qu'il serait désirable que les filles
et femmes âgées de plus de seize ans ne
travaillent ni la nuit ni le dimanche; que
le travail effectif ne dépasse pas onze heu-
res par jour, interrompues par un repos
d'une heure et demie au moins ; que des
exceptions soient admises pour certaines
industries; que des restrictions soient pré-
vues pour les occupations particulièrement
insalubres; que les femmes qui sont accou-
chées ne soient admises au travail que
quatre semaines après l'accouchement.
Les réserves de M. Delahaye
Au cours de la discussion,M.Delahaye a dé-
claré,en son nom personnel, être d'avis que
la durée du travail effectif des femmes et
des filles de tout âge soit limité dans les
établissements industriels ; mais que,
ayant reçu un mandat déterminé concer-
nant le travail des adultes, il fait des réser-
ves à cet égard.
Le départ
Les travaux de la conférence sont main-
tenant terminés.
La signature du protocole sommaire aura
lieu demain; après cette formalité, la con-
férence sera close solennellement.
Les délégués ont été invités à dîner ce
soir, vendredi, par M. le baron de Berlepsch,
ministre du commerce.
Demain soir, il y a grande réception chez
M. Herbette, ambassadeur de France.
M. Jules Simon a avisé M. Ribot qu'il
quitterait Berlin lundi. Aussitôt arrivé à
Paris, M. Jules Simon rendra compte de sa
mission au ministre des affaires étran-
gères.
LA TÊTE COUPÉE
Investigations à Nîmes. — L'expéditeur
arrêté.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Nîmes, 28 mars.
Les recherches entreprises aux messa-
geries de la gare ont fait découvrir sur les
registres de la compagnie au'un t;nljs p.¡-;¡.Ît
été expédié à la date du 5 août, à M. Jean
René, 76, rue de la Chaussée-d'Antin, Paris.
L'adresse étant inconnue, l'objet expédié
resta en gare, mais un employé télégraphia
à son collègue de Nimes d'avoir à se méfier
de l'expéditeur. Ce dernier, qui était un
jeune commis de magasin, nommé Prou,
envoyait dans toutes les directions des colis
à des noms et des adresses faux et se faisait
donner des débours de 50 et 60 centimes.
Quand, quelques jours plus tard, le jeune
garnement se présenta pour envoyer un
colis, on l'arrêta, et il fut interrogé. Les
boîtes ou les sacs qu'il expédiait ne conte-
naient que des pierres de chaux qu'il fai-
sait passer pour des marchandises.
C'était lui qui avait, le 5 août, expédié des
pierres calcinées.
A Prou fut écroué à la prison de Nîmes et,
l'enquête faite sur son compte ayant fait
découvrir d'autres méfaits commis à Mar-
seille, il fut mis à la disposition du par-
quet de cette ville, où il se trouve enfermé
encore à l'heure actuelle.
Voilà ce que l'agent de la Sûreté de Paris
a appris immédiatement en arrivant à Nî-
mes. Il a recueilli tous les renseignements
à la gare et s'est rendu au domicile de la
mère de Prou, qui a reconnu sur les feuilles
d'expédition les signatures apposées par
son fils.
Mais ce gamin n'est pas, croit-on, l'expé-
diteur de la tête coupée, non plus que du
colis envoyé de Nimes et déclaré effets d'ha-
billement, lequel a été retrouvé à Bercy
presque en même temps que la tête de
femme.
Ce paquet renfermait des linges ensan-
glantés et des vêtements d'homme.
Il est cependant bizarre qu'il se soit trou-
vé que l'auteur de ces envois ait donné
comme fausse adresse du destinataire M.
René, 76, rue de la Chaussée-d'Antin, le
gamin se servant, lui aussi, -de ce nom et
de cette rue pour expédier des pierres cal-
cinées.
On sait le jeune Prou très vicieux, capa-
ble de bien des méfaits ; peut-être le ou les
assassins se seront-ils servis de lui comme
d'un instrument.
Le procureur de la République a fait opé-
rer des recherches, à la suite desquelles il
est presque établi que le colis contenant la
tête de femme a été envoyé de Nîmes à
Marseille, puis à Nice, d'où il revint à Mar-
seille, à Lyon, puis enfin à Paris.
LA LOI SUR LA PRESSE
On sait que M. Camille Pelletan a déposé
hier sur le bureau de la Chambre le rapport
de la commission relative au régime de la
presse.
La commission a décidé qu'elle ne deman-
derait pas à la Chambre de discuter ce rap-
port avant les vacances de Pâques. Dans le cas
où une motion de discussion immédiate se-
rait produite à la tribune, la commission se
mettrait à la disposition de la Chambre, mais
en indiquant qu'elle désirerait que le débat
fut renvoyé aux premiers jours de la rentrée.
CHRONIQUE
Vous avez pu remarquer, en plus d'une
occasion, combien j'aimais à lire les re-
vues spéciales et à tirer de leurs colon-
nes, les sujets d'articles que je crois pro-
pres à piquer la curiosité du grand pu-
blic. C'est tout bénéfice pour lui et pour
moi. Ceux qui écrivent pour ces revues
sont en effet des gens qui savent ce dont
ils parlent et qui en parlent avec compé-
tence. Il y a toujours profit à les écouter,
et lorsqu'ils traitent une question qui,
tout en étant professionnelle, peut inté-
resser la foule, ils fournissent au jour-
naliste tous les documents dont il a be-
soin. Pour moi, je les lis toujours avec
fruit.
Et c'est ainsi que je parcours, chaque
semaine, la livraison d'un journal qui a
pour titre : l'Architecture, et qui est l'or-
gane de la Société des architectes fran-
çais.
Dans un des derniers numéros, j'y ai
rencontré un article où nous étions pris à
partie, nous autres journalistes, par un
architecte, M. F. Roux.
L'article débute par ces mots, pleins
d'amertume :
« Je lisais dans un des numéros de
l'année dernière, à propos du pavillon des
forêts à l'Exposition, une protestation
contre « les étranges errements de la
» presse quotidienne, qui paraît vouloir
» enlever systématiquement aux archi-
» tectes la paternité de leurs œuvres ».
» Je trouvais, continue M. Roux, cette
protestation exagérée ; je ne suppose pas
que MM. les journalistes veuillent avec in-
tention priver les architectes de la pa-
ternité de leurs œuvres ; je ne les soup-
çonne pas du tout d'être animés à notre
égard de cet esprit de vandalisme dont je
voyais l'autre jour encore un spécimen
en - parcourant le parc de Montsouris, par
derrière l'ex-Bardo de 1867, sur la colonne
du méridien de Paris.
» MM. les journalistes, et surtout les
reporters, écoutent ceux qui parlent, et,
pressés d'écrire, ils ne contrôlent rien.
L'architecte exécute, mais ne parle pas ;
on ne l'entend pas; on ne dit donc rien
de lui. »
Je comprends la mauvaise humeur de
MM. les architectes. Mais, quoi qu'en dise
M. Roux, ce n'est pas la faute des journa-
listes si leur nom ne brille pas au fron-
ton de leurs œuvres, s'il ne reste pas
dans la mémoire des hommes. La tradi-
tion de ce silence remonte à des temps
très anciens et qui ont précédé de deux
mille ans la naissance du journalisme.
De tous les artistes, c'est l'architecte
qui toujours, dans notre siècle comme
dans les siècles passés, a été le moins
connu par son nom, le moins célébré par
ses contemporains et par la postérité.
Demandez à un homme instruit, à un
homme qui a fait ses classes, comme il y
en a tant chez nous dans notre bourgeoi-
sie, demandez-lui de qui sont les bas-re-
liefs du Parthénon; il n'y en a pas un qui
ne répondra sans hésiter : de Phidias. La
gloire de Phidias a traversé les siècles.
Mais demandez-lui, pour voir, de qui est
le Parthénon lui-même. Etes-vous sûr
qu'il répondra tout de suite : Ictinus?
Combien y a-t-il en France, et dans toute
l'Europe, de personnes instruites qui ne
savent même pas l'existence de cet Icti-
nus, qui a conçu et exécuté la plus belle
œuvre:de l'antiquité classique.
Chose singulière! il n'y a pas d'art
plus grand, plus complexe, plus difficile
que celui de l'architecture. Il n'y en a pas
non plus où les ehefs-d'œuvre soient
moins nombreux, puisque, pour les me-
ner à bonne fin, il ne suffit pas chez l'ar-
tiste d'un grand génie : il faut encore un
concours de circonstances, aussi rares
qu'heureuses, qui lui permette de prodi-
guer les millions sans contrôle. Eh bien,
ces chefs-d'œuvre restent presque tous
anonymes. La foule les admire et n'en
connaît pas les auteurs. Elle ne s'inquiète
point de leurs noms.
Je voyais ces jours-ci dans les journaux
le compte rendu d'une lecture que M.
Reinach a faite à l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres. Il y était question
de fouilles entreprises sur le lieu d'un
temple aujourd'hui détruit, mais dont
les anciens nous ont parlé comme d'une
merveille de l'art grec. On a trouvé, à ce
qu'il parait, la médaille commémorative
de sa fondation. Sur cette médaille étaient
écrits ces mots : C'est le divin Aristénète
qui m'a élevé.
Le divin Aristénète! Il est bien pro-
bable qu'il avait, tout comme M. Roux,
la conscience de son œuvre, et qu'autour
de lui les artistes qui le connaissaient
rendaient justice à son mérite. Peut-être
était-ce eux qui lui avaient décerné cette
épithète de divin, dont il n'aurait pas
sans doute eu l'aplomb de s'emparer lui-
même. A défaut des œuvres des peintres
et des sculpteurs de la vieille Grèce, dont
la plupart ont péri, nous savons leurs
noms, qui nous ont été transmis d'âge
en âge par l'admiration du genre hu-
main. Mais des architectes, il ne reste
rien, pas même les noms.
Quand nous autres journalistes, par-
lant d'un monument contemporain, nous
ne mentionnons pas l'architecte, ce n'est
pas du tout, comme paraît le croire
M. F. Roux, pour lui faire une niche;
c'est pour nous conformer à un vieil
usage, dont j'ignore absolument et l'ori-
gine et la raison. Je dirai même à M. Roux
que c'est nous qui, les premiers, avons
rompu avec cette tradition séculaire :
c'est nous qui, le jour où fut découvert et
inauguré le nouvel Opéra, avons jeté
urbi et orbi le nom de l'architecte, M.
Charles Garnier. Ce nom est un des pre-
miers dans l'architecture qui soient de-
venus populaires, et nous y avons été
pour quelque chose.
M. Roux a l'air de croire à notre mau-
vaise volonté. Je penserais plus volontiers
que, de tous les arts, l'architecture est le
plu'diffioile à comprendre, à goûter et
à juger. Le nombre des .oonnaisseun est
extrêmement petit. La littérature s'a-
dresse à des milliers de lecteurs ; la mu-
sique également, et la peinture même
attire et retient les yeux d'un public con-
sidérable. La sculpture n'a déjà qu'un
petit nombre d'initiés, et ce public se
rétrécit encore quand il s'agit d'archi-
tecture.
La foule passe devant un monument
sans être séduite par la logique de l'en-
semble, par la belle distribution des par-
ties, par la magnifique eurythmie de la
construction. Elle ne s'arrête guère qu'à
un détail qui la frappe, et qu'elle loue ou
qu'elle critique sans mesure.
— Ce qui m'ennuie, me disait un des
premiers architectes de ce temps-ci,
quand je lis les appréciations qu'on fait
de mon œuvre, c'est qu'on s'en prend à
ce qui ne serait dans un long poème qu'une-
faute d'orthographe, échappée à l'atten-
tion d'un correcteur. La faute y est sans
doute; mais, pour un homme de l'art, c'est
une peccadille qui ne vaut pas qu'on en
parle.
Ce qui fait plus enrager encore d'au-
tres architectes, c'est qu'on leur reproche
des défauts qui sont réels, mais qui ne
sont pas de leur fait. M. Roux en donne
un exemple assez amusant. Il s'agit d'un
article qu'il a trouvé dans un journal, où
le reporter, parlant de la nouvelle gare
Saint-Lazare et de l'hôtel Terminus qui
la double, avait dit, après avoir critiqué
la position relative de l'un et de l'au-
tre :
« L'effet d'art qu'a cherché l'architecte
est manqué. »
Pourquoi supposer, s'écrie M. Roux,
que l'architecte a cherché dans cet arran-
gement particulier un effet d'art? Il
est évident qu'en matière d'effet d'art,
l'architecte s'est attaché à la gare unique-
ment. Etant donnée l'ordonnance qui se
déploie derrière ce malencontreux Termi-
nus, il ne fait doute pour personne que
le monument eût énormément gagné à
être débarrassé de ce pâté encombrant, et
que l'architecte en eùt été heureux tout
le premier.
Si l'effet d'art est manqué, ce qui est
vrai, il ne serait que juste de n'en pas
faire remonter la responsabilité à l'archi-
tecte, dont ce n'est pas la faute. Pourquoi
ne pas supposer plutôt que si l'architecte
a ainsi disposé les choses,c'est qu'il y a été
contraint par la Compagnie, qui l'a obligé,
une fois la gare aux harmonieuses pro-
portions heureusement terminée, de je-
ter devant un hôtel de rapport qui coupe
la perspective.
Ces pauvres architectes! On ne les
nomme pas quand ils ont, grâce à un
concours de circonstances favorables,
élevé un chef-d'œuvre ; et si, par hasard,
l'homme qui paie leur a forcé la main
et fait commettre une bévue, c'est à eux
que l'on ne manque pas de s'en prendre
nommément. Vraiment, ils n'ont pas de
chance, et je ne vois pas trop ce que l'on
peut faire à cela.
M. F. Roux nous conseille de nous ren-
seigner sur leur art avant d'en parler.
L'avis est boh. Mais le public s'y connai-
tra-t-il mieux, s'y intéressera-t-il davan-
tage? L'architecture restera longtemps
encore, et peut-être toujours, un art hau-
tain et fermé.
Francisque Sarcey.
ÉLBCTIONS IUNICIP ALES
LES CANDIDATS
Avant la bataille. — Arrondissemenu.
et quartiers. — Compétitions et
compétiteurs.
CINQUIÈME ARRONDISSEMENT
Quartier du Jardin-des-Plantes
M. Collin, conseiller sortant radical, l'un
des doyens du conseil, a pour adversaire
républicain M. Atout-Taillefer, candidat de
même nuance. Les candidatures boulan-
gistes ne manquent pas; la plus sincère de
toutes est celle de M. Lenglé, ancien dé-
pute, candidat malheureux aux élections
législatives dernières j l'investiture lui est
disputée par M. Lacavalerie, étudiant; M.
Feltesse, ex-blanquiste; M. Sourdot, de la
Ligue des patrtotes et M. Girard, collection-
neur de timbres-poste. Il y a du choix,
comme on voit.
Quartier du Val-de-Grâce
Ce quartier était représenté Par M. Gaston
Carle, aujourd'hui préfet, qui n'a pas été
remplacé. Il y a donc place nette et les
compétitions sont nombreuses.
Du côté républicain, les candidats
avérés sont: M. Lampué, adjoint au
maire, et M. Da.tardy, tous deux radicaux.
et M. Pigeonneau, présenté par l'Union li-
bérale. On annonce, en outre, la candida-
ture de M Albert Leroy, républicain mo-
déré, et celle de M. de Beaumont, républi-
caint indépendant.
Du côté boulangiste, le comité national
soutiendra probablement M. Lecouturier, et
la Ligue anti-sémique, M. Mordacq, prési-
dent du syndicat des employés révoqués.
Quartier de la Sorbonne
Le conseiller sortant, M. Deschamps, ra-
dical, sera sans doute le candidat unique
des républicains. Le comité Naquet lui
oppose M. Larcher, également appuyé par
la Ligue des patriotes.
Quartier Saint-Victor
M. Frédéric Sauton, conseiller sortant;
n'aura pas certainement de compétiteur ré-
publicain.
En revanche, les boulangistes ont, dès à
présent, trois candidats. M. Boicervoise.
ouvrier potier d'étain, socialiste révolu-
tionnaire; M. -Pierre Versini, publiciste, et
M. Delisle, négociant.
SIXIÈME ARRONDISSEMENT
Quartier de l'Odéon
Ce quartier est , actuellement représenté
par M. le docteùr Armand Despi-ès, député,
qui naturellement ne se représente pas.
Du côte des républicains, les candidatu-
res sont nombreuses et toutes ne sont peut-
être pas connues. Il y a dès maintenant M.
Alix, de l'Union libérale; M. Ferdeuil pré-
senté par le comité républicain progressiste
de l'arrondissement; M. Wegmann, négo-
ciant, radica}.
En dehors de toute classification politi..
que,M. Ratel se présentera comme candidat
du petit commerce.
M. Alpy, monarchiste, est candidat de
droite.
Les boulangistes purs soutiennent l\I.Aut.
chisky, secrétaire de M. Naquet, et lesanti
sémites M. Poujade ; les socialistes révo-
lutionnaires ont pour candidat M. Bou-
tet.
Quartier de la Monnaie
M. Albert Pétrot, conseiller sortant radi-
cal, a pour concurrent modéré M. Herbet
et pour concurrent possibiliste M. Gali-
ment.
Les monarchistes se compteront sur le
nom de M. Chaulin. De leur côté, les bou-
langistes ont pour candidat le commandant
Biot, de la Ligue des patriotes.
Quartier Notre-Dame-des-Champs
Le conseiller sortant est M. Deville con-
servateur anti-boulangiste.
Les républicains ont deux candidats, l'un
radical, M. Vallet; l'autre modéré, M. Jus-
tin Stock. -
Le candidat boulangiste serait M. Bace.
Quartier Saint-Germain-des-Prés
M. Hector Dépassé, conseillant sortant,
républicain, a pour compétiteurs M. Cumi-
nal, radical-socialiste, et M. Proche, candi-
dat de l'Union libérale.
Les concurrents boulangistes sont M. Poi-
gnant, publiciste, et M. Verdan, de la Ligue
des patriotes.
M. Gollée se présente comme candidat
du petit commeree.
Les monarchistes purs n'ont v pris encore
aucune décision.
SEPTIÈME ARRONDISSEMENT
Quartier Saint-Thomas-d'Aquin
Le conseiller sortant est M. Ferdinand
Duval, ancien préfet, président du comité
conservateur de la Seine.
Le comité républicain a fait choix pour
le combattre de M. Wickersheimer, ancien
député.
Les boulangistes auront certainement
pour candidat M. Albert Hans, de la Liiu
des patriotes, et peut-être M. Bois-Glavv
journaliste
Quartier des Invalides
M. Denys Cochin, conseiller sortant, con-
servateur anti-boulangiste, est jusqu'à ce
moment le seul candidat connu. La pédSt
de électorale n'a pas, à proprement parler
commencé dans ce quartier paisible. Il n'est
pas douteux, toutefois, que le comité da
M. Mermeix soutiendra dans la lutte un
candidat de son choix.
Quartier de l'Ecole-Militaire
M. Lerollé, conseiller sortant, est un des
membres de la Droite du conseil actuel qui
ont fait campagne avec M. Ferdinand Du-
val et M. Denys Cochin contre le boulan-
gisme. ;
On compte trois candidats boulangistes :
M. Lacroix-Mie, ex-blanquiste; M. Le Me-
nuet, de la Ligue des patriotes, M. Coulon;
employé révoqué des postes et télégraphes.
antisémite.
Quartier du Gros-Caillou
Le conseiller sortant, M. Arsène Lopin.
radical, n'aura pas de compétiteur ré lnu-*
blicain.
Les boulangistes ont deux candidats : M.
Delagneau, qui sera soutenu par le comité
national, et M. Sellier, ex-blanquiste, ap-
puyé par la Ligue des patriotes.
On assure, d'autre part, que M. Edouard
Drumont affronterait la lutte dans cette
circonscription municipale.
HUITIÈME ARRONDISSEMENT
Quartier des Champs-Elysées
Ce quartier est actuellement ren"'Áa
Dix-neuvième années 8AII CINQ Centimes — Paris et Dépanementa - CIN 0 Centimes DIMANCHE 30 MARS 1803
JOURNAL RÉPUBLICAIN
REDACTION
A4S, Rue Montmartre
Pü18
DIBECTEUR POLITIQUE
A. * ÉDOVARD PORTALIS
PRIX DE L'ABONNERENT :
Parte IMIM* 6L; là M, Ht; 301
Départements — 71; - 12 f.; — 241
union Postale- BL; - ML; — Ma
im •bonnement» parUmidêê Véê 15ito chaqn» Moi»
âdmn tèlfigraphlqiM : XIX* gltCIJt — PMM
ADMINISTRATION >•
149, Rue Montmartre
PAMS
«aMEUM D'A II MO»CES
MM; LAGRANGE, CES? al 01
,.
PRIX DE L'ABOMEKWT :
farla. MM, 5f.; SâMfc lll; hit, SOI.
86partemnta - îl; - 12 U - ML
Won Postale - 94 - 18 L; - 321
La .,." parimt du l"»l 15 de ekaqa» moig
MfMM télégriphlquo : XIX* SIÉCXE — PARIS
LES ÉCONOMIES
Les vacances de Pâques vont s'ou-
vrir avant que la Chambre ait pu, à
propos du projet d'emprunt, se livrer
à un premier examen de la question
financière. Mais, dans la séance de
jeudi, la discussion d'un modeste cré-
dit supplémentaire de deux millions
pour primes à la marine marchande
a pris un développement inusité et
peut en quelque sorte être considérée
comme la préface des discussions fi-
nancières prochaines. Le crédit sup-
plémentaire ne servait guère que de
prétexte, et on l'a vite oublié ; mais,
pour théorique et presque parasitaire
que fût ce débat, il a eu un résultat
assez important, puisque la commis-
sion du budget, par l'organe de M.
Casimir-Perier, son président, a pris
l'engagement de dresser le bilan de
notre situation financière.
Ce bilan a été bien souvent réclamé,
et s'il avait été dressé, nous ne ver-
rions plus se produire les évaluations
fantaisistes des financiers de l'opposi-
tion, qui jonglent avec les milliards
de notre dette et qui, dans un intérêt
politique, surtout à l'approche des
élections, alarment le pays en nous
présentant comme menacés d'une ban-
queroute. Il est très regrettable que la
législature dernière, qui avait pris des
engagements très précis, y ait man-
qué sur ce point comme sur tant d'au-
tres, et il est encore très regrettable
qu'avant-hier ce soit à un membre de
la Droite que l'on ait laissé l'initia-
tive apparente de cette mesure. Le
président de la commission du budget
et le ministre des finances ont pu à
bon droit répondre qu'ils étaient as-
sez soucieux de leur devoir pour n'a-
voir pas besoin d'être invités à faire
connaître la situation exacte de nos
finances. Grâce à cette déclaration et
à l'engagement implicite.. qu'elle con-
tenait, ils ont pu faire repousser la
proposition de résolution déposée par
la Droite. Mais celle-ci n'en revendi-
quera pas moins l'honneur d'avoir eu
l'initiative de l'établissement du bilan,
et nous pouvons nous attendre à la
voir faire de cet argument une arme
qu'il eût été préférable de ne pas lui
laisser.
Le débat d'avant-hier a eu encore
pour résultat de permettre à la Cham-
bre d'indiquer, avec plus de précision
que ne l'avait fait l'élection de la com-
mission du budget, ses vues sur l'o-
rientation financière qu'elle se pro-
pose. Tous les orateurs, à quelque
parti qu'ils appartiennent, se sont
prononcés pour une politique d'éco-
nomies. Récemment, M. Pelletan di--
sait qu'il était facile de réaliser cent
millions d'économies, et M. Paul de
Cassagnac, enchérissant, évaluait à
cent vingt millions les économies réa-
lisables. M. Germain va plus loin : il
les évalue à deux ou trois cents mil-
lions. La marge n'est pas médiocre,
et, de la part d'un financier de pro-
fession, on pouvait attendre une esti-
mation plus précise. M. Germain n'a
pas dit sur quelles parties du budget
il pensait réaliser ces économies. Il se
réserve de faire sa démonstration
a quand le moment sera venu". Nous
souhaitons que ce moment arrive bien-
tôt, car il nous tarde de connaître le
procédé de M. Germain.
Un journal de l'Union libérale s'est
bien chargé, hier,. de nous indiquer
comment il fallait s'y prendre pour
réaliser des économies. Mais, comme
il commet une grosse erreur de fait
en signalant notamment l'unification
de notre dette et la conversion du
l 1/S 0/0 en 3 0/0 perpétuel, alors
que cette conversion ne peut s'effec-
tuer avant 1893, nous hésitons à croire
qu'il ait fidèlement traduit la pensée
de M. Germain. Néanmoins, le pro-
cédé qui nous est exposé ne manque
pas d'intérêt. Il consiste, en effet, à
« modifier la loi scolaire », à « reviser
la loi militaire" et à » restreindre
l'immense et ruineux programme de
travaux publics". Les journaux de
l'Union libérale n'ont pas le mérite
de l'invention. Avant eux, la Droite,
dans une proposition déposée au cours
de la dernière législature, avait si-
gnalé, comme source d'économies
considérables, la modification de la
loi scolaire et la restriction du plan
de travaux publics. Depuis lors, dans
toutes les discussions financières, elle
a développé ce programme sans se
lasser jamais. L'Union libérale n'a pas
même le mérite d'avoir perfectionné
le système en aj outant la revision de
la loi militaire. Bien que le vote de
cette loi soit récent, la Droite a déjà
signalé les économies que sa revision
procurerait.
Venant des hommes de l'Union libé-
rale, ce programme ne contient qu'une
nouveauté. Jusqu'ici, ce petit groupe
n'avait parlé que d'une politique de
conciliation fondée sur quelques con-
cessions à la Droite. Mais il se défen-
dait de rien abandonner de ce qu'il
appelait les principes essentiels de ces
réformes ; tout au plus offrait-il d'ap-
pliquer les lois « dans un esprit de
modération M. Cette tactique n'a pas
réussi à lui concilier l'amitié et le dé-
vouement de la Droite, même de la
Droite « indépendante M. Celle-ci lui a
même déclaré avec une certaine bru-
talité qu'elle ne pouvait avoir rien de
commun avec lui. Le Centre-Gauche,
ou l'Union libérale, comme on voudra,
cherche à la faire revenir à de meil-
leurs sentiments en lui faisant de nou-
velles concessions qui, cette fois, vont
jusqu'à un complet renoncement. Il
prend purement et simplement le pro-
gramme de la Droite. Il en sera pro-
bablement pour ses avances, qui ser-
viront seulement à montrera la Droite
l'ardent désir qu'il éprouve de reve-
nir, n'importe à quel prix, aux affai-
res. Mais le parti républicain a déjà
eu l'occasion de montrer qu'il était
assez fort dans la Chambre pour ré-
sister même aux efforts coalisés de la
Droite, des boulangistes et du Centre-
Gauche, et qu'il était résolu à ne rien
abandonner des réformes démocrati-
ques. La. recette de M. Germain n'a
donc aucune chance d'être mise en
pratique, et c'est assurément par
d'autres moyens que la majorité cher-
chera à réaliser le désir, dont elle est
tout entière animée, de faire des éco-
nomies et de mettre notre situation
financière à l'abri des critiques qu'elle
a, à diverses reprises, encourues.
Le XIXe SIÈCLE publiera demain la
Chronique », par M. Paul Ginisty.
LA SANTÉ DE GUILLAUME Il
Excitation maladive. — Voyages re-
commandés.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 28 mars.
Je vous confirme une information que
je vous ai donnée précédemment, à propos
des inquiétudes que cause à l'entourage
impérial la maladie nerveuse dont souffre
Guillaume Il.
Ses médecins voudraient lui voir repren-
dre ses voyages en mer, et lui conseillent
de retourner en Suède et en Norvège d'où
il était revenu plus calme.
Ils sont très préoccupés de son mysti-
cisme, de son état d'excitation continuelle,
des emportements auxquels il se livre sous-
le plus léger prétexte.
Cet état de santé de l'empereur aurait
contribué, plus que les incidents relatés, à
la retraite de M. de Bismarck.
ENCORE UN ESPION
A Epinal. — Syndicat d'espionnage
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Epinal, 28 mars.
La police a arrêté aujourd'hui un per-
sonnage allemand qu'on voyait rôder ici
depuis quelques jours. C'est à la suite des
aveux de Niemeyer, qui vient d'être con-
damné, et des indications qu'il a fournies,
qu'un mandat d'arrêt a été lancé contre ce
nouvel espion.
Une volumineuse correspondance a été
saisie chez lui.
Il n'y a plus de doute : c'est tout un syn-
dicat d'espionnage qui fonctionne dans
notre région. Les révélations de Niemeyer
en ont fourni la preuve.
TAPAGE ALLEMAND EN SUISSE
La punition des agresseurs
(DE HOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
- Berne, 28 mars.
De grave incidents; qui ont vivement
impressionné la population, viennent de
se produire à Baie.
Des ouvriers allemands, venant de Lor-
rach, dans le grand-duché de Bade, où ils
étaient allés tirer au sort, ont parcouru la
ville en nombreux groupes de vingt à cin-
quante individus, en chantant à tue-tête :
« Les fusils partiront, les Suisses tombe-
ront ».
Une de ces bandes se rua sur un poste
de police pour délivrer un camarade.
Une vingtaine d'arrestations ont été opé-
rées.
Le tribuanl de police a jugé aujourd'hui
les individus arrêtés, qui ont tous été con-
damnés à des peines variant de deux à six
jours de prison.
L'OR DU RHIN
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Bâle, 28 mars.
Une compagnie s'est formée pour l'exploita-
tion des sables aurifères du Rhin. On sait que
de Bâle à Bingen les sables du fleuve don-
nent à un patient lavage de quoi rémunérer par-
fois la journée des orpailleurs. Quelqu'un a
fait le calcul, on ne dit pas sur quelles bases,
qu'il y a, de Rheinan, dans le canton de Zu-
qu'il y à Pa, hilippsburg, dans le grand-duché de
rich,
Bade, pour 120 millions de francs d'or mêlé aux
sables du fleuve.
UN TORPILLEUR COULÉ
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rochefort, 28 mars.
Le torpilleur hQ a été coulé aujourd'hui par
suite d'un fausse manœuvre, en Charente,
près de Rochefort, par la Boutonne, navire de
l'Etat. Il n'y a eu aucun accident de personne.
On considère le renflouage comme pos-
sible.
L'ÉLECTION DE SAINT-DIÉ
La commission chargée de procéder à une
enquête sur l'élection de M. Picot à Saint-Dié
s'est réunie hier.
M. Viger a donné lecture du rapport de la
sous-commission qui avait été chargée de pro-
céder à une enquête à Saint-Dié.
Après cette lecture, la commission a unani-
mement conclu à l'annulation des opérations
électorales.
M. Viger a été chargé de déposer un rapport
en ce sens. , r"
,
LA
CONFÉRENCE DE BERLIN
RtsoiimoMS montes
Les travaux terminés. — Les vœux. —
Les résultats des trois commissions.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 28 mars.
La conférence a terminé ses travaux au-
jourd'hui. Les différentes résolutions des
commissions ont été rédigées sous forme
de vœux.
Chaque commission a établi un rapp ort
exposant les différentes phases de la dis-
cussion et résumant les résolutions adop-
tées.
Le repos du dimanche
10La commission du travail du dimanche a
décidé qu'il serait désirable que, dans cha-
que pays, un jour de repos hebdomadaire
fût assuré à tous les ouvriers. Ce jour de
repos serait fixé au dimanche.
Ces dispositions ont été adoptées à l'una-
nimité, sauf le choix du dimanche, sur le-
quel les délégués français se sont abs-
tenus.
Des exceptions ont été admises pour les
exploitations qui exigent une continuité de
production et pour les industries qui ne
fonctionnent que dans certaines saisons;
mais même dans ces cas exceptionnels, il
serait à désirer que chaque ouvrier ait un
dimanche libre sur deux. Pour déterminer
les exceptions, il conviendrait qu'une en-
tente s'établisse entre les divers gouverne-
ments. Les délégués français ont voté con-
tre cette décision,
Au cours de la discussion, M. Tolain a
émis l'avis que la première question doit
viser le repos hebdomadaire et non pas le
repos du dimanche.
Le travail dans les mines
2° La commission des mines a adopté à
l'unanimité l'avis qu'il serait désirable que
la sécurité des mineurs et la salubrité des
travaux soient assurées par tous les moyens
dont dispose la science; que la surveillance
de l'Etat s'exerce efficacement, que les in-
génieurs des exploitations possèdent une
expérience et une compétence technique
dûment constatées ; que les relations entre
les mineurs et les ingénieurs soient plus
étroites, afin d'avoir un caractère de con-
fiance et de respect mutuels.
Elle a adopté que les institutions de pré-
voyance garantissant les mineurs et leurs
familles en cas de maladies, d'accidents,
d'incapacité de travail prématurée, soient
de plus en plus développées ; que pour
assurer la continuité dans la production
du charbon, on s'efforce de prévenir les
grèves.
Le meilleur moyen préventif consisterait
dans des associations mixtes des patrons
et des ouvriers, réglant les différends s'il
en survenait et soumettant à l'arbitrage les
litiges non résolus à l'amiable.
La limite d'âge à laquelle les enfants peu-
vent descendre dans les mines devrait être
progressivement élevée à quatorze ans.
Pour les pays méridionaux, cette limite se-
rait fixée à douze ans.
Le travail souterrain serait défendu aux
femmes.
Chaque pays reste libre d'assurer selon
sa législation ces dispositions.
Les délégués français, tout en adhérant
au principe de la limite de quatorze ans,
ont fait des réserves, basées sur les diffi-
cultés du recrutement des apprentis.
Le travail des enfants et des adoles-
cents.
30 La commission du travail des enfants
et des jeunes ouvriers dans les établisse-
ments industriels a voté les résolutions
concernant le travail des enfants. Elle a
émis le vœu que les enfants n'ayant pas
atteint un certain âge soient exclus, que
la limite soit fixée à douze ans et pour les
pays méridionaux à dix ans. Ces limites
sont identiques pour toutes les indus-
tries.
Il serait désirable que les enfants aient
satisfait aux prescriptions de l'instruction
primaire; que les enfants au-dessous de
1A ans ne travaillent ni la nuit ni le di-
manche ; que le travail effectif ne dépasse
pas six heures par jour, interrompues par
un repos d'une demi-heure ; que les en-
fants soient exclus des occupations insalu-
bres.
Les résolutions concernant le travail des
jeunes ouvriers sont les suivantes :
Il serait désirable que les jeunes gens de
IJ. à 16 ans ne travaillent ni la nuit ni le di-
manche ; que le travail effectif soit de dix
heures, avec le même repos que les enfants
et les mêmes restrictions au sujet des oc-
cupations insalubres.
Le travail des femmes
La commission du travail des femmes a
décidé qu'il serait désirable que les filles
et femmes âgées de plus de seize ans ne
travaillent ni la nuit ni le dimanche; que
le travail effectif ne dépasse pas onze heu-
res par jour, interrompues par un repos
d'une heure et demie au moins ; que des
exceptions soient admises pour certaines
industries; que des restrictions soient pré-
vues pour les occupations particulièrement
insalubres; que les femmes qui sont accou-
chées ne soient admises au travail que
quatre semaines après l'accouchement.
Les réserves de M. Delahaye
Au cours de la discussion,M.Delahaye a dé-
claré,en son nom personnel, être d'avis que
la durée du travail effectif des femmes et
des filles de tout âge soit limité dans les
établissements industriels ; mais que,
ayant reçu un mandat déterminé concer-
nant le travail des adultes, il fait des réser-
ves à cet égard.
Le départ
Les travaux de la conférence sont main-
tenant terminés.
La signature du protocole sommaire aura
lieu demain; après cette formalité, la con-
férence sera close solennellement.
Les délégués ont été invités à dîner ce
soir, vendredi, par M. le baron de Berlepsch,
ministre du commerce.
Demain soir, il y a grande réception chez
M. Herbette, ambassadeur de France.
M. Jules Simon a avisé M. Ribot qu'il
quitterait Berlin lundi. Aussitôt arrivé à
Paris, M. Jules Simon rendra compte de sa
mission au ministre des affaires étran-
gères.
LA TÊTE COUPÉE
Investigations à Nîmes. — L'expéditeur
arrêté.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Nîmes, 28 mars.
Les recherches entreprises aux messa-
geries de la gare ont fait découvrir sur les
registres de la compagnie au'un t;nljs p.¡-;¡.Ît
été expédié à la date du 5 août, à M. Jean
René, 76, rue de la Chaussée-d'Antin, Paris.
L'adresse étant inconnue, l'objet expédié
resta en gare, mais un employé télégraphia
à son collègue de Nimes d'avoir à se méfier
de l'expéditeur. Ce dernier, qui était un
jeune commis de magasin, nommé Prou,
envoyait dans toutes les directions des colis
à des noms et des adresses faux et se faisait
donner des débours de 50 et 60 centimes.
Quand, quelques jours plus tard, le jeune
garnement se présenta pour envoyer un
colis, on l'arrêta, et il fut interrogé. Les
boîtes ou les sacs qu'il expédiait ne conte-
naient que des pierres de chaux qu'il fai-
sait passer pour des marchandises.
C'était lui qui avait, le 5 août, expédié des
pierres calcinées.
A Prou fut écroué à la prison de Nîmes et,
l'enquête faite sur son compte ayant fait
découvrir d'autres méfaits commis à Mar-
seille, il fut mis à la disposition du par-
quet de cette ville, où il se trouve enfermé
encore à l'heure actuelle.
Voilà ce que l'agent de la Sûreté de Paris
a appris immédiatement en arrivant à Nî-
mes. Il a recueilli tous les renseignements
à la gare et s'est rendu au domicile de la
mère de Prou, qui a reconnu sur les feuilles
d'expédition les signatures apposées par
son fils.
Mais ce gamin n'est pas, croit-on, l'expé-
diteur de la tête coupée, non plus que du
colis envoyé de Nimes et déclaré effets d'ha-
billement, lequel a été retrouvé à Bercy
presque en même temps que la tête de
femme.
Ce paquet renfermait des linges ensan-
glantés et des vêtements d'homme.
Il est cependant bizarre qu'il se soit trou-
vé que l'auteur de ces envois ait donné
comme fausse adresse du destinataire M.
René, 76, rue de la Chaussée-d'Antin, le
gamin se servant, lui aussi, -de ce nom et
de cette rue pour expédier des pierres cal-
cinées.
On sait le jeune Prou très vicieux, capa-
ble de bien des méfaits ; peut-être le ou les
assassins se seront-ils servis de lui comme
d'un instrument.
Le procureur de la République a fait opé-
rer des recherches, à la suite desquelles il
est presque établi que le colis contenant la
tête de femme a été envoyé de Nîmes à
Marseille, puis à Nice, d'où il revint à Mar-
seille, à Lyon, puis enfin à Paris.
LA LOI SUR LA PRESSE
On sait que M. Camille Pelletan a déposé
hier sur le bureau de la Chambre le rapport
de la commission relative au régime de la
presse.
La commission a décidé qu'elle ne deman-
derait pas à la Chambre de discuter ce rap-
port avant les vacances de Pâques. Dans le cas
où une motion de discussion immédiate se-
rait produite à la tribune, la commission se
mettrait à la disposition de la Chambre, mais
en indiquant qu'elle désirerait que le débat
fut renvoyé aux premiers jours de la rentrée.
CHRONIQUE
Vous avez pu remarquer, en plus d'une
occasion, combien j'aimais à lire les re-
vues spéciales et à tirer de leurs colon-
nes, les sujets d'articles que je crois pro-
pres à piquer la curiosité du grand pu-
blic. C'est tout bénéfice pour lui et pour
moi. Ceux qui écrivent pour ces revues
sont en effet des gens qui savent ce dont
ils parlent et qui en parlent avec compé-
tence. Il y a toujours profit à les écouter,
et lorsqu'ils traitent une question qui,
tout en étant professionnelle, peut inté-
resser la foule, ils fournissent au jour-
naliste tous les documents dont il a be-
soin. Pour moi, je les lis toujours avec
fruit.
Et c'est ainsi que je parcours, chaque
semaine, la livraison d'un journal qui a
pour titre : l'Architecture, et qui est l'or-
gane de la Société des architectes fran-
çais.
Dans un des derniers numéros, j'y ai
rencontré un article où nous étions pris à
partie, nous autres journalistes, par un
architecte, M. F. Roux.
L'article débute par ces mots, pleins
d'amertume :
« Je lisais dans un des numéros de
l'année dernière, à propos du pavillon des
forêts à l'Exposition, une protestation
contre « les étranges errements de la
» presse quotidienne, qui paraît vouloir
» enlever systématiquement aux archi-
» tectes la paternité de leurs œuvres ».
» Je trouvais, continue M. Roux, cette
protestation exagérée ; je ne suppose pas
que MM. les journalistes veuillent avec in-
tention priver les architectes de la pa-
ternité de leurs œuvres ; je ne les soup-
çonne pas du tout d'être animés à notre
égard de cet esprit de vandalisme dont je
voyais l'autre jour encore un spécimen
en - parcourant le parc de Montsouris, par
derrière l'ex-Bardo de 1867, sur la colonne
du méridien de Paris.
» MM. les journalistes, et surtout les
reporters, écoutent ceux qui parlent, et,
pressés d'écrire, ils ne contrôlent rien.
L'architecte exécute, mais ne parle pas ;
on ne l'entend pas; on ne dit donc rien
de lui. »
Je comprends la mauvaise humeur de
MM. les architectes. Mais, quoi qu'en dise
M. Roux, ce n'est pas la faute des journa-
listes si leur nom ne brille pas au fron-
ton de leurs œuvres, s'il ne reste pas
dans la mémoire des hommes. La tradi-
tion de ce silence remonte à des temps
très anciens et qui ont précédé de deux
mille ans la naissance du journalisme.
De tous les artistes, c'est l'architecte
qui toujours, dans notre siècle comme
dans les siècles passés, a été le moins
connu par son nom, le moins célébré par
ses contemporains et par la postérité.
Demandez à un homme instruit, à un
homme qui a fait ses classes, comme il y
en a tant chez nous dans notre bourgeoi-
sie, demandez-lui de qui sont les bas-re-
liefs du Parthénon; il n'y en a pas un qui
ne répondra sans hésiter : de Phidias. La
gloire de Phidias a traversé les siècles.
Mais demandez-lui, pour voir, de qui est
le Parthénon lui-même. Etes-vous sûr
qu'il répondra tout de suite : Ictinus?
Combien y a-t-il en France, et dans toute
l'Europe, de personnes instruites qui ne
savent même pas l'existence de cet Icti-
nus, qui a conçu et exécuté la plus belle
œuvre:de l'antiquité classique.
Chose singulière! il n'y a pas d'art
plus grand, plus complexe, plus difficile
que celui de l'architecture. Il n'y en a pas
non plus où les ehefs-d'œuvre soient
moins nombreux, puisque, pour les me-
ner à bonne fin, il ne suffit pas chez l'ar-
tiste d'un grand génie : il faut encore un
concours de circonstances, aussi rares
qu'heureuses, qui lui permette de prodi-
guer les millions sans contrôle. Eh bien,
ces chefs-d'œuvre restent presque tous
anonymes. La foule les admire et n'en
connaît pas les auteurs. Elle ne s'inquiète
point de leurs noms.
Je voyais ces jours-ci dans les journaux
le compte rendu d'une lecture que M.
Reinach a faite à l'Académie des inscrip-
tions et belles-lettres. Il y était question
de fouilles entreprises sur le lieu d'un
temple aujourd'hui détruit, mais dont
les anciens nous ont parlé comme d'une
merveille de l'art grec. On a trouvé, à ce
qu'il parait, la médaille commémorative
de sa fondation. Sur cette médaille étaient
écrits ces mots : C'est le divin Aristénète
qui m'a élevé.
Le divin Aristénète! Il est bien pro-
bable qu'il avait, tout comme M. Roux,
la conscience de son œuvre, et qu'autour
de lui les artistes qui le connaissaient
rendaient justice à son mérite. Peut-être
était-ce eux qui lui avaient décerné cette
épithète de divin, dont il n'aurait pas
sans doute eu l'aplomb de s'emparer lui-
même. A défaut des œuvres des peintres
et des sculpteurs de la vieille Grèce, dont
la plupart ont péri, nous savons leurs
noms, qui nous ont été transmis d'âge
en âge par l'admiration du genre hu-
main. Mais des architectes, il ne reste
rien, pas même les noms.
Quand nous autres journalistes, par-
lant d'un monument contemporain, nous
ne mentionnons pas l'architecte, ce n'est
pas du tout, comme paraît le croire
M. F. Roux, pour lui faire une niche;
c'est pour nous conformer à un vieil
usage, dont j'ignore absolument et l'ori-
gine et la raison. Je dirai même à M. Roux
que c'est nous qui, les premiers, avons
rompu avec cette tradition séculaire :
c'est nous qui, le jour où fut découvert et
inauguré le nouvel Opéra, avons jeté
urbi et orbi le nom de l'architecte, M.
Charles Garnier. Ce nom est un des pre-
miers dans l'architecture qui soient de-
venus populaires, et nous y avons été
pour quelque chose.
M. Roux a l'air de croire à notre mau-
vaise volonté. Je penserais plus volontiers
que, de tous les arts, l'architecture est le
plu'diffioile à comprendre, à goûter et
à juger. Le nombre des .oonnaisseun est
extrêmement petit. La littérature s'a-
dresse à des milliers de lecteurs ; la mu-
sique également, et la peinture même
attire et retient les yeux d'un public con-
sidérable. La sculpture n'a déjà qu'un
petit nombre d'initiés, et ce public se
rétrécit encore quand il s'agit d'archi-
tecture.
La foule passe devant un monument
sans être séduite par la logique de l'en-
semble, par la belle distribution des par-
ties, par la magnifique eurythmie de la
construction. Elle ne s'arrête guère qu'à
un détail qui la frappe, et qu'elle loue ou
qu'elle critique sans mesure.
— Ce qui m'ennuie, me disait un des
premiers architectes de ce temps-ci,
quand je lis les appréciations qu'on fait
de mon œuvre, c'est qu'on s'en prend à
ce qui ne serait dans un long poème qu'une-
faute d'orthographe, échappée à l'atten-
tion d'un correcteur. La faute y est sans
doute; mais, pour un homme de l'art, c'est
une peccadille qui ne vaut pas qu'on en
parle.
Ce qui fait plus enrager encore d'au-
tres architectes, c'est qu'on leur reproche
des défauts qui sont réels, mais qui ne
sont pas de leur fait. M. Roux en donne
un exemple assez amusant. Il s'agit d'un
article qu'il a trouvé dans un journal, où
le reporter, parlant de la nouvelle gare
Saint-Lazare et de l'hôtel Terminus qui
la double, avait dit, après avoir critiqué
la position relative de l'un et de l'au-
tre :
« L'effet d'art qu'a cherché l'architecte
est manqué. »
Pourquoi supposer, s'écrie M. Roux,
que l'architecte a cherché dans cet arran-
gement particulier un effet d'art? Il
est évident qu'en matière d'effet d'art,
l'architecte s'est attaché à la gare unique-
ment. Etant donnée l'ordonnance qui se
déploie derrière ce malencontreux Termi-
nus, il ne fait doute pour personne que
le monument eût énormément gagné à
être débarrassé de ce pâté encombrant, et
que l'architecte en eùt été heureux tout
le premier.
Si l'effet d'art est manqué, ce qui est
vrai, il ne serait que juste de n'en pas
faire remonter la responsabilité à l'archi-
tecte, dont ce n'est pas la faute. Pourquoi
ne pas supposer plutôt que si l'architecte
a ainsi disposé les choses,c'est qu'il y a été
contraint par la Compagnie, qui l'a obligé,
une fois la gare aux harmonieuses pro-
portions heureusement terminée, de je-
ter devant un hôtel de rapport qui coupe
la perspective.
Ces pauvres architectes! On ne les
nomme pas quand ils ont, grâce à un
concours de circonstances favorables,
élevé un chef-d'œuvre ; et si, par hasard,
l'homme qui paie leur a forcé la main
et fait commettre une bévue, c'est à eux
que l'on ne manque pas de s'en prendre
nommément. Vraiment, ils n'ont pas de
chance, et je ne vois pas trop ce que l'on
peut faire à cela.
M. F. Roux nous conseille de nous ren-
seigner sur leur art avant d'en parler.
L'avis est boh. Mais le public s'y connai-
tra-t-il mieux, s'y intéressera-t-il davan-
tage? L'architecture restera longtemps
encore, et peut-être toujours, un art hau-
tain et fermé.
Francisque Sarcey.
ÉLBCTIONS IUNICIP ALES
LES CANDIDATS
Avant la bataille. — Arrondissemenu.
et quartiers. — Compétitions et
compétiteurs.
CINQUIÈME ARRONDISSEMENT
Quartier du Jardin-des-Plantes
M. Collin, conseiller sortant radical, l'un
des doyens du conseil, a pour adversaire
républicain M. Atout-Taillefer, candidat de
même nuance. Les candidatures boulan-
gistes ne manquent pas; la plus sincère de
toutes est celle de M. Lenglé, ancien dé-
pute, candidat malheureux aux élections
législatives dernières j l'investiture lui est
disputée par M. Lacavalerie, étudiant; M.
Feltesse, ex-blanquiste; M. Sourdot, de la
Ligue des patrtotes et M. Girard, collection-
neur de timbres-poste. Il y a du choix,
comme on voit.
Quartier du Val-de-Grâce
Ce quartier était représenté Par M. Gaston
Carle, aujourd'hui préfet, qui n'a pas été
remplacé. Il y a donc place nette et les
compétitions sont nombreuses.
Du côté républicain, les candidats
avérés sont: M. Lampué, adjoint au
maire, et M. Da.tardy, tous deux radicaux.
et M. Pigeonneau, présenté par l'Union li-
bérale. On annonce, en outre, la candida-
ture de M Albert Leroy, républicain mo-
déré, et celle de M. de Beaumont, républi-
caint indépendant.
Du côté boulangiste, le comité national
soutiendra probablement M. Lecouturier, et
la Ligue anti-sémique, M. Mordacq, prési-
dent du syndicat des employés révoqués.
Quartier de la Sorbonne
Le conseiller sortant, M. Deschamps, ra-
dical, sera sans doute le candidat unique
des républicains. Le comité Naquet lui
oppose M. Larcher, également appuyé par
la Ligue des patriotes.
Quartier Saint-Victor
M. Frédéric Sauton, conseiller sortant;
n'aura pas certainement de compétiteur ré-
publicain.
En revanche, les boulangistes ont, dès à
présent, trois candidats. M. Boicervoise.
ouvrier potier d'étain, socialiste révolu-
tionnaire; M. -Pierre Versini, publiciste, et
M. Delisle, négociant.
SIXIÈME ARRONDISSEMENT
Quartier de l'Odéon
Ce quartier est , actuellement représenté
par M. le docteùr Armand Despi-ès, député,
qui naturellement ne se représente pas.
Du côte des républicains, les candidatu-
res sont nombreuses et toutes ne sont peut-
être pas connues. Il y a dès maintenant M.
Alix, de l'Union libérale; M. Ferdeuil pré-
senté par le comité républicain progressiste
de l'arrondissement; M. Wegmann, négo-
ciant, radica}.
En dehors de toute classification politi..
que,M. Ratel se présentera comme candidat
du petit commerce.
M. Alpy, monarchiste, est candidat de
droite.
Les boulangistes purs soutiennent l\I.Aut.
chisky, secrétaire de M. Naquet, et lesanti
sémites M. Poujade ; les socialistes révo-
lutionnaires ont pour candidat M. Bou-
tet.
Quartier de la Monnaie
M. Albert Pétrot, conseiller sortant radi-
cal, a pour concurrent modéré M. Herbet
et pour concurrent possibiliste M. Gali-
ment.
Les monarchistes se compteront sur le
nom de M. Chaulin. De leur côté, les bou-
langistes ont pour candidat le commandant
Biot, de la Ligue des patriotes.
Quartier Notre-Dame-des-Champs
Le conseiller sortant est M. Deville con-
servateur anti-boulangiste.
Les républicains ont deux candidats, l'un
radical, M. Vallet; l'autre modéré, M. Jus-
tin Stock. -
Le candidat boulangiste serait M. Bace.
Quartier Saint-Germain-des-Prés
M. Hector Dépassé, conseillant sortant,
républicain, a pour compétiteurs M. Cumi-
nal, radical-socialiste, et M. Proche, candi-
dat de l'Union libérale.
Les concurrents boulangistes sont M. Poi-
gnant, publiciste, et M. Verdan, de la Ligue
des patriotes.
M. Gollée se présente comme candidat
du petit commeree.
Les monarchistes purs n'ont v pris encore
aucune décision.
SEPTIÈME ARRONDISSEMENT
Quartier Saint-Thomas-d'Aquin
Le conseiller sortant est M. Ferdinand
Duval, ancien préfet, président du comité
conservateur de la Seine.
Le comité républicain a fait choix pour
le combattre de M. Wickersheimer, ancien
député.
Les boulangistes auront certainement
pour candidat M. Albert Hans, de la Liiu
des patriotes, et peut-être M. Bois-Glavv
journaliste
Quartier des Invalides
M. Denys Cochin, conseiller sortant, con-
servateur anti-boulangiste, est jusqu'à ce
moment le seul candidat connu. La pédSt
de électorale n'a pas, à proprement parler
commencé dans ce quartier paisible. Il n'est
pas douteux, toutefois, que le comité da
M. Mermeix soutiendra dans la lutte un
candidat de son choix.
Quartier de l'Ecole-Militaire
M. Lerollé, conseiller sortant, est un des
membres de la Droite du conseil actuel qui
ont fait campagne avec M. Ferdinand Du-
val et M. Denys Cochin contre le boulan-
gisme. ;
On compte trois candidats boulangistes :
M. Lacroix-Mie, ex-blanquiste; M. Le Me-
nuet, de la Ligue des patriotes, M. Coulon;
employé révoqué des postes et télégraphes.
antisémite.
Quartier du Gros-Caillou
Le conseiller sortant, M. Arsène Lopin.
radical, n'aura pas de compétiteur ré lnu-*
blicain.
Les boulangistes ont deux candidats : M.
Delagneau, qui sera soutenu par le comité
national, et M. Sellier, ex-blanquiste, ap-
puyé par la Ligue des patriotes.
On assure, d'autre part, que M. Edouard
Drumont affronterait la lutte dans cette
circonscription municipale.
HUITIÈME ARRONDISSEMENT
Quartier des Champs-Elysées
Ce quartier est actuellement ren"'Áa
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