Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-03-14
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 14 mars 1890 14 mars 1890
Description : 1890/03/14 (A19,N6633). 1890/03/14 (A19,N6633).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Dix-neuvième année. — Ne 6,633
CINQ Centimes — Paris et Départements - CINQ Centimes
x rEnI th MARS 1800
LE XIT SIECLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN
RÉDACTION
Il 4 IB, aue mon
PARIS
DIRECTEUR POLITIQUE
A. - ÉDOUARD PORTALIS
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Adr—s télégraphique : ZIX. SIÈCLE — PARIS
TRÈS PROCHAINEMENT
Lé XIXe SIÈCLE
Publiera un grand 'roman-feuilleton
inédit, spécialement - écrit pour ses
lecteurs.
LE BUDGET
La commission du budget n'a pas
encore quarante-huit heures d'exis-
tence. Déjà elle a provoqué les appré-
ciations les plus passionnées et les
plus contradictoires.
Je ne me charge pas, quant à moi,
de tirer son horoscope. Le métier de
prophète est, par le temps qui court,
sujet à trop de risques. Abstention est
sagesse. Mieux vaut attendre les évé-
nements.
Ce qui est certain, c'est que, des
onze bureaux de la Chambre, il n'y en
a peut-être pas deux où les candidats
ne se soient trouvés d'accord pour cri-
tiquer le projet de budget élaboré par
le gouvernement.
Comment de cet accord dans le
blâme serait-il résulté le choix de
commissaires décidés à l'approbation?
Mystère. Aussi bien, la majorité a-t-
elle dès à présent, comme on le dit,
la volonté arrêtée d'adopter des pro-
jets qui sont soumis à son examen? Je
n'en sais rien, et, au vrai, je ne le
crois pas.
Ce qui a pu induire en erreur les
nouvellistes, c'est qu'ils ont remarqué
dans les rangs de la commission nou-
velle nombre de députés d'humeur
pacifique et que ne hante point l'en-
vie de culbuter les ministères pour
rien, pour le plaisir.
Je comprends et je partage cette
crainte légitime des crises inutiles.
Mais il y a quelque chose de supérieur
à l'intérêt du ministère, c'est l'intérêt
de la République. Amicus Plato, sed
magis arnica veritas.
Or, la commission du budget n'ou-
bliera pas que la besogne où elle va
s'atteler est la plus dure et la plus
importante de toutes les œuvres que
la législature actuelle doit mener
à terme. Le premier budget de cette
Chambre influera sur toute son exis-
tence parlementaire.
Elle y va marquer l'orientation
qu'elle veut suivre en matière finan-
cière. Il y a parmi les commissaires
élus quelques anciens qui firent par-
tie de la commission du budget de
1886. Ils pourront rappeler avec fruit
à leurs collègues son édifiante his-
toire, comment elle ne se présenta de-
vant la Chambre que pour être, sans
plus de cérémonie, invitée à rempor-
ter le budget qu'elle apportait, pour
en construire un autre plus conforme
à l'attente de la Chambre et du pays,
et comment la déroute de la commis-
sion entraîna la retraite du ministère
Freycinet. La commission du budget
qui vient d'être élue veut-elle recom-
mencer cette histoire? Il n'est pas
vraisemblable.
Eh bien! si elle veut éviter le sort
de sa devancière, il n'y a pas deux
procédés à suivre : il n'y en a qu'un.
Il lui faut se placer en face du bud-
get qu'on lui apporte et se demander
s'il réalise les souhaits formulés, il n'y
a pas six mois, par le corps électoral
tout entier.
Comment peut-on résumer les pro-
positions. gouvernementales? Elles
s'accusent par trois traits : l'emprunt,
l'impôt, l'augmentation des dépen-
ses.
Que l'emprunt proposé ait des avan-
tages, nous ne le nions pas. Il conso-
lide une partie de la dette flottante.
Il remplace un créancier qui prend
A 0/0 d'intérêt par un autre qui ne de-
mande que 3. Mais il est puéril de dire,
comme l'écrit dans son exposé des
motifs M. Rouvier, que si la Chambre
souscrit à cette mesure financière, elle
substituera au système mauvais des
caisses multiples un budget unique, et
que ci l'ère des emprunts sera closes.
Le budget ne sera pas unifié, puis-
que à côté du budget ordinaire subsis-
teront, même après la suppression du
budget extraordinaire de la guerre,
quatre caisses spéciales : pour la ga-
rantie d'intérêt, pour certaines avan-
ces des chambres de commerce, pour
des dépenses d'enseignement, pour les
chemins vicinaux.
Quant à l'affirmation que ilous ne
reverrons plus d'emprunts, celui-là
voté, nous avons déjà entendu cette
chanson, elle ne trompe plus per-
sonne. D'autre part, une fois les
130 millions de dépenses militaires in-
corporés au budget, quand les en dé-
tachera-t-on? Le budget ressemble
fort à cet antre dont parle le fabu-
liste r l'entrée en est aisée et la sortie
invisible. Sied-il, dans de telles condi-
tions et pour un si maigre résultat, de
faire un emprunt?. C'est au moins
douteux.
Ce qui ne l'est pas, c'est le danger,
à six mois des élections générales,
d'inaugurer l'œuvre législative par la
création d'impôts nouveaux. J'entends
qu'on nous offre, en guise de compen-
sation, une réforme discutable de l'im-
pôt des boissons, une réduction par-
tielle de l'impôt sur les propriétés non
bâties qui agréera fort aux grands
propriétaires, et une amorce de la re-
vision du cadastre.
Mais la contre-partie est là, qui
n'est pas mince. C'est l'augmentation
de l'impôt sur les propriétés bâties :
gare aux petits locataires ! Ils ont le
dos bon. C'est l'augmentation des li-
cences des débitants. A Paris seule-
ment, c'est un impôt nouveau de 190
francs par an imposé à chaque débi-
tant, sans qu'il reçoive aucune com-
pensation. C'est le régime des sucres
modifié. C'est le droit sur les vinaigres
triplé. C'est tous les bouilleurs de cru
— et le fisc sait s'ils sont nombreux —
soumis à tous les agréments de l'exer-
cice. C'est enfin l'augmentation de
156 francs à ââ5 francs de l'impôt sur
l'alcool, entraînant à sa suite une frau-
de doublée et des falsifications nouvel-
les. Voulez-vous additionner les caté-
gories de consommateurs touchés par
ces diverses mesures? Entendez-vous
quel concert de récriminations et d'a-
nathèmes saluerait un pareil budget?
Ce n'est pas tout.
Voici le bouquet. Les contribuables
que n'atteindraient pas directement
ces « réformes » n'échapperont pas à
l'augmentation de leur cote. Les dé-
penses du budget ordinaire dépassent
de 71 millions celles du budget précé-
dent.
Telle est, dans ses grandes lignes, le
budget du gouvernement. Il ne peut
pas être voté par cette Chambre.
La formule qui eut jadis tant de
succès : ni emprunts, ni impôts, est
auj ourd'hui démodée. Soit. Je me
permets d'en offrir une autre, d'ail-
leurs moins négative, aux médita-
tions de la commission du budget. Elle
tient en deux mots : Economies et
réformes.
A. Millerand.
Le XIXe SIU G LE publiera demain la
» Vie de Paris » par Henry Fouauier.
INCIDENT DE FRONTIÈRE
Arrestation d'un Français par les fo-
restiers allemands
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Belfort, la mars.
Un habitant de Vauthiermont, petite lo-
calité frontière située au sud de la Cha-
pelle-sous-Rougemont, se promenait avant-
hier dans les champs. Par mégarde il avait
franchi la frontière. Aussitôt deux gardes
forestiers allemands se ruèrent sur lui, le
terrassèrent, et, après lui avoir ligotté les
bras, l'entraînèrent vers Dannemarie d'où
il fut dirigé sur Mulhouse.
Pour donner un caractère de légalité à
cette arrestation, les gardes accusent notre
compatriote d'avoir braconné, mais aucun
gibier n'avait pourtant été trouvé entre ses
mains au moment de l'arrestation.
NOUVELLE GRÈVE A SAINT-ETIENNE
Menaces des mineurs. — Sur les lieux.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Saint-Etienne, 12 mars.
Une grève de mineurs vient de se décla-
rer aux mines du Cros, près de Saint-
Etienne, appartenant au baron de Roche-
taillée. Des délégués ont été envoyés au di-
recteur, M. Des vignes.
Les mineurs ont décidé qu'ils empêche-
raient les ouvriers du poste de nuit de des-
cendre.
La police et la gendarmerie ont été en-
voyées sur les lieux.
LE CHEF DE LA SURETÉ DE MADRID
DÉCORÉ
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Madrid, 12 mars.
M. Alejos Pita, chef de la sûreté à Madrid,
est décoré de la Légion d'honneur pour servi-
ces exceptionnels (rendus sans doute à la po-
lice française.
SUICIDE D'UN ANCIEN OFFICIER
Un acte de désespoir. — Sauvé malgré
lui.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Angers, 19 mars.
Hier soir, vers cinq heures, un ancien of-
ficier du 68° de ligne s'est jeté à l'eau près
du pont de la Haute-Chaîne. Tout aussitôt,
M. Delaporte, patron du bateau-lavoir, et
Michel, pêcheur, se portèrent au secours de
ce désespéré, qu'ils furent assez heureux
pour retirer au bout de quelques mi-
nutes.
Le malheureux respirait encore, et, grâce
à des soins énergiques, il put être complè-
tement rappelé à la vie. Il fut transporté à
l'hôpital.
Il déclara se nommer Marc Malapert, âgé
de quarante-cinq ans, né à Charroux (Ille-
et-Vilaine). C'est le dénuement profond
dans lequel il se trouvait qui a poussé au
suicide cet ancien membre de l'armée fran-
çaise.
L'EXPLOSION DE MORFA
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Londres, 12 mars.
Voici quelques nouveaux détails sur la ca-
tastrophe de la houillère de Morfa :
« L'on avait craint d'abord 160 victimes. On
espère qu'il y en aura seulement de 150 à U0 ;
mais on n'en saura jamais le nombre exact,
car la mine est en feu. On n'a pu retirer que
A cadavres ; on en a découvert 9 autres en lam-
beaux.
» Les sauveteurs courent les plus grands
dangers ; plusieurs ont subi des commeuce-
ments d'asphyxie. »
L'ASSISTANCE MEDICALE
DANS LES CAMPAGNES
Un projet de loi de M. Bourgeois. —
Une grave question. — Le conseil
supérieur de l'Assistance pu-
blique. — Le devoir des
communes et des dépar-
tements. — Le pre-
mier pas.
L'autre jour, en réponse à l'interpellation
de M. Camille Dreyfus, le nouveau minis-
tre de l'intérieur, M. Léon Bourgeois, a an-
noncé à la Chambre le dépôt prochain d'un
projet de loi sur l'assistance médicale dans
les campagnes.
M. Bourgeois venait précisément de pren-
dre part, au conseil supérieur de l'Assis-
tance publique, à la discussion du rapport
y relatif déposé et défendu par M. le doc-
teur Dreyfus-Brisac, médecin des hôpi-
taux.
Cette grave question de l'organisation
d'une assistance médicale dans les campa-
gnes avait déjà fait l'objet, l'an dernier,
d'un débat assez long, et elle n'a pu abou-
tir que tout dernièrement, en dépit d'ob-
jections assez fortes formulées par quel-
ques-uns des membres du conseil supé-
rieur.
Préoccupation légitime
Il y a si longtemps que les pouvoirs pu-
blics se préoccupent d'assurer aux indi-
gents de nos villages les secours médicaux
et pharmaceutiques gratuits 1 Pour les com-
munes pourvues de bureaux de bienfai-
sance, pour celles qui bénéficient, grâce au
département, d'un service de néiecine gra-
tuite, il n'y a rien à dire : l'organisation est
loin d'être parfaite, il s'en faut ; mais elle
loin
existe en réalité.
Il est même permis de dire que, partout
où il y a un médecin, les pauvres ne sont
pas délaissés ; le corps médical n'a jamais
encouru le reproche de manquer de géné-
rosité, c'est une justice à lui rendre.
Mais tout cela ne suffit pas ; la charité
privée elle-même ne parvient pas à remé-
dier aux lacunes de notre organisation ad-
ministrative. Il n'est pas un homme de
cœur qui n'ait gémi de cette situation fâ-
cheuse, lamentable même. Ce sera l'hon-
neur de la République d'avoir enfin abordé
ce problème difficile et d'en poursuivre cou-
rageusement la solution pratique.
La Chambre ne va pas tarder à être saisie
d'un projet de loi qui, tout en prêtant le
flanc à certaines critiques, constitue en
tout cas un progrès sur la législation exis-
tante.
Obligation nécessaire
L'essentiel, en cette matière, est d'établir
le principe de l'obligation pour les com-
munes et les départements de soigner les
indigents malades. Une fois le principe
posé, les conséquences s'en feront sentir à
un moment donné.
Le conseil supérieur a voté le principe
de l'obligation d'une assistance médicale
gratuite. Chaque département est tenu d'or-
ganiser un service de cette nature, une
partie de la dépense étant à sa charge et
l'autre partie incombant aux communes.
L'article 3 du projet dispose que « toute
commune @ (ou syndicat de communes) est
pourvue d'un dispensaire où ne sont don-
nées que des consultations externes, et rat-
tachée à une infirmerie ou hôpital géné-
ral ».
Cette prescription, très.désirable, ne peut
évidemment être considérée que comme
un objectif à atteindre. Avant de générali-
ser les dispensaires, infirmeries ou hôpi-
taux, il faudra commencer par le commen-
cement, c'est-à-dire créer partout, d'une
manière sérieuse, un service de médecine
gratuite. Mais la loi ne peut faire autrement
que de marquer le but vers lequel doivent
tendre tous les efforts.
Le nouveau service
Comment fonctionnera le nouveau ser-
vice ? D'après le projet, au moyen d'un bu-
reau d'assistance publique et grâce à l'éta-
blissement d'une liste spéciale d'indigents.
Il y aura dans la pratique plus d'une dif-
ficulté au point de vue de la confection de
ces listes, et cela pour ce motif qu'elles
serviront en même temps à régler le do-
micile de secours pour les émigrants des
communes.
Ainsi, par exemple, un habitant d'une
commune de la Creuse travaille à Paris ou
à Lyon ; il y tombe malade. En vertu de la
loi de 1851, sur les cas d'urgence, il est ad-
mis dans un hôpital de Paris ou de Lyon.
Au bout de cinq jours, les frais de traite-
ment, si ce malade est inscrit sur la liste
des indigents médicaux de sa commune,
sont à la charge de cette commune d'ori-
gine.
Inversement,les Parisiens ou les Lyonnais,
qui recevront les secours du bureau d'as-
surance médicale à Besançon ou à Orléans
devront être inscrits à il Paris ou à Lyon,
pour avoir droit aux secours médicaux et
pharmaceutiques gratuits.
A défaut d'un domicile de secours com-
munal, ces nécessiteux pourront avoir un
domicile de secours départemental.
Tout cela est un peu compliqué en ap-
parence, mais indispensable pour le fonc-
tionnement d'un service général d'assis-
tance gratuite.
Gros problème à résoudre
Il ne s'agit pas, en cette affaire, des se-
cours en argent distribués par les bureaux
de bienfaisance, mais purement et simple-
ment de l'assistance médicale gratuite à
domicile ou dans des hôpitaux et hospices.
C'est déjà, comme on le voit, un assez gros
problème à résoudre, et, en raison des res-
sources insuffisantes d'un trop grand nom-
bre de petites communes, l'ensemble d'un
département doit intervenir pour soulager
des misères trop grandes et des souffrances
trop criantes.
Ce projet de loi, inspiré par un large sen-
timent de philanthropie, est d'une haute
importance pour les campagnes. Il fera cer-
tainement honneur aux assemblées et au
gouvernement qui le mettront sur pied et
qui le rendront viable. C'est un suj et pal-
pitant d'actualité, sur lequel nous aurons
plus d'une fois l'occasion de revenir, puis-
qu'il entralnera prochainement de longs et
intéressants débats au Parlement.
LE BUDGET DE 1891
Constitution de la commission. — Allo-
cution du président. — M. Freppel
et les cultes.
La commission du budget a nommé son
bureau. Président, M. Jules Roche, élu par
S6 voix sur 28 votants ; vice-présidents,
MM, Casimir-Perier, - voix, et Antonin
Proust, 95 voix, sur 28 votants; secrétaires,
MM. Poincaré, Rathier, Pichon et Ley-
gues.
En prenant possession du fauteuil de la
présidence, M. Jules Roche a prononcé une
allocution dont voici l'analyse :
Le pays a manifesté qu'il veut que nous
lui donnions des finances solides et le mo-
ment des solutions est venu.
Il y a deux ans que la commission du bud-
get déclarait déjà l'impossibilité de rester
dans les voies financières où l'on se trouvait.
Depuis, la nécessité n'a fait que s'accroître.
Il n'y a pas à se faire d'illusions sur les mé-
thodes à adopter en vue d'équilibrer le bud-
get. Sans doute, il faut poursuivre la réalisa-
tion des économies, mais le champ n'en est
pas illimité.
Le budget se décompose en grands services
distincts : dette, armee, marine, frais de ré-
gie.
Ce qui pèse sur le pays, ce sont surtout les
services de l'armée, qui ont augmenté la dette
d'un milliard.
Vous verrez, dans ce budget, combien il est
nécessaire de refondre la question du budget
extraordinaire. On a cru que l'on pourrait le
faire disparaître.
En réalité, la charge du budget extraordi-
naire, avec toutes les dépenses d'emprunt qui
s'y rattachent, s'élève a un chiffre extrême-
ment lourd.
Il ne m'appartient pas de me prononcer sur
les solutions. Nous en aborderons l'étude dans
un égal esprit de sincérité,
La commission a décidé de ne pas se par-
tager en sous-commissions. Il n'y aura
qu'une sous-commission pour l'examen du
budget des recettes.
La commission a nommé rapporteurs :
M. Siegfried, pour le commerce; M. Bastid,
pour les postes et télégraphes ; M. Lemire
de Vilers, pour les colonies ; M. Horteur,
pour la justice;
MM. Labrousse, pour l'agriculture ; Fran-
cis Charmes, pour les affaires étrangères ;
Reinach, pour l'intérieur; Saint-Romme,
pour le service pénitentiaire ; Dupuy
(Haute-Loire), pour l'instruction publique ;
Pelletan, pour les conventions; l'amiral
Vallon, pour les invalides; Çochery, pour
la guerre ; Foiliet, pour les travaux publics;
Gerville-Réache, pour la marine; Labus-
sière, pour l'Algérie, et Proust, pour les
beaux-arts.
Un incident
M. Freppel avait été nommé rapporteur
du budget des cultes, sans concurrent; mais
la commission, comprenant l'effet fâcheux
que pourrait faire cette nomination, est
revenue sur sa décision en décidant, sur la
proposition de M. Gerville-Réache, que l'on
voterait de nouveau sur les attributions de
rapport qui avaient été faites sans qu'il
y eût de compétition.
Malgré les protestations de l'évêque d'An-
gers, cette proposition a été adoptée, et M.
Leygues a été nommé rapporteur du bud-
get des cultes.
ASSASSINÉE A COUPS DE HACHE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Epinal, 12 mars.
Mme veuve Braunwart, buraliste à Char-
mes, a été trouvée assassinée ce matin. La tête
avait été broyée à coups de hache.
Le vol est le mobile du crime. L'assassin est
inconnu encore.
------
AU o ',HOMEY
Les dernières nouvelles. — Dépêches
de M. Bayol. — Mort d'une
amazone.
Une dépêche en date de Kotonou, 11 mars,
annonce l'arrivée du Kerguelen.
Ce croiseur va concourir à la surveil-
lance de la côte, avec les autres bâtiments
qui se trouvent déjà dans le golfe de
Bénin.
Ajoutons que cette surveillance est d'au-
tant plus facile que la côte est entièrement
plate sur une profondeur de vingt kilomè-
tres envion.
Tout va bien à bord du Kerguelen.
Les dernières nouvelles officielles reçues
de Kotonou portent que le roi de Daho-
mey, après être resté quatre jours à Go-
domey, sans oser attaquer nos postes, s'est
retiré avec les amazones dans le Lama. Le
reste de son armée est resté à Godomey et
s'y fortifie.
On évalue à un millier d'hommes les
pertes subies par les Dahoméens depuis le
commencement des opérations.
Dans l'affaire du h, la générale des ama-
zones, Allada, a été tuée, ainsi qu'un grand
nombre de cabacérès.
D'après un renseignement parvenu à M.
Bayol au moment où il envoyait ce télé-
gramme, les Europens faits prisonniers par
les Dahoméens auraient été ramenés à
Wyddah.
Cette nouvelle, si elle se confirme, per-
mettrait d'espérer la prochaine libération
de nos compatriotes.
D'autre part, nous apprenons qu'une dé-
pêche de M. Bayol, reçue hier matin au
sous-secrétariat des colonies, rapporte que
la mort d'Allada, la commandante des
amazones qui forment la garde du corps
du roi de Dahomey, tuée dans le combat
du h mars, a produit une vive émotion
dans l'armée du roi.
M. Bayol considère la situation comme
excellente, sous la seule condition qu'on
lui fournisse les subsides suffisants pour
faire face aux éventualités.
Les troupes du roi de Dahomey conti-
nuent à camper à 18 kilomètres de Koto-
nou. Elles n'ont point bougé depuis lors et
n'ont manifesté aucune intention agressive.
L'administration ne compte pas recevoir
de dépêche importante avant une hui-
taine de jours, c'est-à-dire avant l'époque
où les nouveaux renforts récemment expé-
diés seront arrivés à destination et auront
commencé leur mouvement sur Wyddah.
Le gouvernement a, en effet, décidé l'oc-
cupation de Wyddah.
UN PSEUDO-SERGLNT
Arrestation d'un escroc
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rambouillet, 12 mars.
On parle beaucoup dans notre ville d'une
arrestation assez singulière qui a été opé-
rée hier dans la soirée, à la sous-intendance
militaire.
Un individu,'wuni de faux papiers mili-
taires et porteur de la tenue d'un sergent
d'infanterie, se présentait dans les bureaux
de la sous-intendance et demandait qu'on
lui délivrât une feuille de route pour se
rendre à Perpignan.
En même temps, il montrait différents
papiers dont il s'était déjà servi pour faire
des dupes, notamment à Melun, et que le
parquet et l'autorité militaire avaient
signalés à la suite des premières escro-
queries.
L'officier de service fit aussitôt arrêter le
pseudo-sergent et le fit conduire, sous
bonne escorte, à Versailles.
CHRONIQUE
Le New-York Herald publiait, il y a
quelques jours, dans ses colonnes, l'entre-
filet suivant :
« A l'asile des sourds-muets situé sur
la route d'Old-Kent, près de Londres, on
a donné une représentation théâtrale
unique en son genre, et du plus haut
intérêt. M. le cjpcteur Elliot, le directeur
de l'institution, a écrit une sorte d'adap-
tation de Richard III qui, sous sa direc-
tion, a été jouée par quelques élèves, de-
vant le lord-maire et sa femme.
» Cette étrange représentation prouve
l'efficacité de la méthode orale pure. Les
jeunes acturs ont dit leurs rôles d'une
façon absolument distincte, mais comme
le pourrait aire un étranger parlant l'an-
glais, et do nant rigoureusement à cha-
que syllabe l'accent qui lui convient. »
Le directeur de la Revue internationale
de l'enseignement des sourds-muets, M. L.
Goguillot, a, dans le numéro qui vient
de paraître, pris texte de cette représen-
tation pour présenter quelques observa-
tions sur les sourds-muets au théâtre.
Comme la Revue internationale de l'en-
seignement des sourds-muets est un re-
cueil très spécial et peu répandu, je
crois qu'il ne sera pas inutile de repro-
duire ici quelques-unes des réflexions du
savant professeur.
Le sourd-muet au théâtre peut y être
considéré soit comme acteur, soit comme
auditeur*
Comme acteur, mon Dieu ! il n'y a pas
grand'chose à en dire. Il est clair que des
représentations comme celle dont parle
le New-York Herald sont de pures curio-
sités ; elles n'ont d'autre but que de frap-
per l'esprit du public et de gagner à la
cause de la méthode orale d'utiles
adhésions. Les sourds-muets, s'ils parais-
saient sur la scène en qualité d'artistes,
n'y pourraient guère jouer que la panto-
mime, et il paraît, si j'en crois M. L. Go-
guillot, qu'ils y apportent le plus sou-
vent, en effet, des aptitudes exception-
nelles.
Je m'en rapporte à lui sur ce point. Je
ferai remarquer, pourtant, que les pre-
mières qualités d'un bon mime sont et la
mobilité de la physionomie et la vivacité
du regard.
Tous les sourds que j'ai eu l'occa-
sion de voir avaient, au contraire, l'œil
étonné, arrêté, presque terne; le visage
ne bougeait pas : il était celui d'un hom-
me dont on dit par badinage qu'il est
sorti. Mais je ne veux pas entrer en dis-
cussion avec M. Goguillot. Il est évident
qu'en cette matière il en sait plus que
moi et s'y connait mieux.
Voyons plutôt les sourds-muets au
théâtre, quand ils y vont pour regarder
le spectacle, quand ils font partie du pu-
blic.
Vous savez que les sourds, instruits
aujourd'hui par la méthode orale, lisent
couramment la parole sur les lèvres des
gens avec qui ils causent. Mais il faut que
ces gens articulent avec netteté et figu-
rent les mots par les mouvements qu'ils
impriment à leurs lèvres.
Il semblerait donc naturel que le sourd
eût plus de plaisir, comprenant mieux,
au théâtre que dans un salon. Car, au
théâtre, les acteurs devraient parler plus
lentement, articuler avec plus de force et
de précision, et faire toujours, le plus
souvent tout au moins, face au public.
Mais il paraît qu'il n'en va pas ainsi, et
M. Goguillot m'a bien amusé, en nous
faisant part de l'indignation et des do-
léances de ses sourds-muets. Il ne se doute
pas lui-même de l'appui qu'il prête à nos
critiques. 1
Que de fois, nous aussi, nous sommes-
nous plaint qu'aujourd'hui nos acteurs
eussentpris l'habitude de tourner le dosau
public et de parler à demi-voix, sous pré-
texte que c'est ainsi qu'on parle dans le
monde. Parler à demi-voix, ce ne serait
rien encore. Car on peut baisser le ton
et arriver à se. faire entendre, même
dans une salle assez vaste. Mais ils n'arti-
culent plus, ils ne détachent plus les
consonnes, ils ne les marquent plus par
un son bien net, et, par cela même, ils ne
les figurent plus par le mouvement des
lèvres. Nous entendons mal, et les sourds,
qui entendent par les yeux, n'entendent
rien du tout.
On se moque beaucoup des conventions
du temps passé. Les personnages se ran-
geaient en scène, face au public, et celui
dont c'était le tour de parler s'avançait à
la rampe et envoyait ce qu'il avait à dire
dans le visage des spectateurs. J'avoue
que c'étaient là des mises en scène un peu
froides et bien hiératiques. Elles avaient
du bon pourtant : on ne perdait pas un
mot de la pièce, et un sourd même, s'il
s'en fût trouvé en ce temps-là d'instruits
par la méthode orale, eût pu suivre le
drame sur les lèvres de l'acteur, qui regar-
dait la bonne articulation et la diction
nette comme les premiers mérites du co-
médien.
11 va sans dire que le spectacle qui con-
vient le mieux au public très spécial des
sourds-muets, c'est la pantomime. Ils
sont évidemment plus aptes à la com-
prendre que nous, puisqu'ils ont dès l'en-
fance pris l'habitude de suivre une con-
versation sur la physionomie et de devi-
ner le langage par le geste.
Mais il n'y a plus guère de pantomime,
bien que nous ayons en ces dernières an-
nées tâché de relever le genre du discré-
dit où il est tombé.
Pour qu'une pantomime puisse être
comprise aisément des sourds, tout aussi
bien que de ceux qui ne le sont pas, il
faut prendre garde de ne pas vouloir faire
exprimer des idées auxquelles elle est ré-
fractaire. Ainsi, M. Goguillot remarque
avec beaucoup de sens qu'elle ne peut
s'exprimer ni au passé ni au futur.
Ainsi, par exemple, voici la, première
I | phrase du ballet d'Armida s.
« Ebé, entourée de ses compagnes, qui
cherchent à la tirer de ses sombres pen-
sées, déplore sa triste destinée; celui
qu'elle aime, Tébaldo, ne sortira pas
vainqueur du grand tournoi qu'on va
donner en son honneur."
La pantomime rendra aisément la tris-
tesse d'Ebéîeelle-oi n'a qu'à verser des lar-
mes, c'est un signe évident et compris
par tout le monde qu'elle a du chagrin.
Ses compagnes l'entourent, la lutinent,
la taquinent, la caressent, dansent autour
d'elle. Elles montrent par là qu'elles veu-
lent la tirer de ses sombres pensées. Jus-
que-là tout va bien. Mais comment l'àc-
trice en scène pourrait-elle exprimer
qu'elle aime Tébaldo, — nous ne l'avons
pas encore vu, Tébaldo, -- et que, si elle
pleure, c'est parce qu'il sera peut-être
vaincu dans un tournoi donné en son
honneur?
Dans une comédie parlée, il n'y aurait
rien de si simple : l'actrice en scène s'é-
crierait: « 0 mon cher Tébaldo! dire qu'on
va donner un tournoi en ton honneur et
que peut-être tu n'en sortiras pas vain-
queurl » Tout aussitôt nous serions au
courant.
Mais en pantomime on ne peut mon-
trer qu'une succession de faits, se dérou-
lant, au présent, les uns après les autres,
dans un ordre rigoureusement analyti-
que. Ainsi, là, il faudrait d'abord nous
montrer Tébaldo témoignant son amour
à Ebé, qui le comblerait de caresses; il
faudrait nous étaler ensuite le spectacle
du tournoi. Tébaldo se revêtirait d'une
armure", et Ebé lui dirait par gestes :
« Va combattre », et elle regarderait avec
appréhension son adversaire. Les deux
rivaux partis, si nous la voyions verser
des larmes, jeter des yeux inquiets du
côté où se passe le tournoi, tandis que
ses compagnes dansent autour d'elle,
nous nous dirions : Voilà une femme qui
est très inquiète des suites de l'aventure;
elle se demande si son chevalier sortira
vainqueur du tournoi; voilà des jeunes
filles qui cherchent à la tirer. de ses som-
bres pensées.
La pantomime est un composé de ta-
bleaux qui devraient pouvoir se passer
de légendes, comme ces dessins de Wil-
lette, de Steinlen, ou de Caran-d'Ache que
publie chaque semaine le journal le Chat-
Noir. On pourrait mimer ces dessins,
comme on doit pouvoir dessiner une pan-
tomime.
«D'où l'on pourrait conclure, dit M. Go-
guillot, qu'un bon dessinateur est apte à
composer les meilleures pantomimes, et
que les sourds-muets doivent avoir des
aptitudes spéciales pour le dessin, ce
qui est unfait depuis longtemps établi. »
La conséquence n'est pas tout à fait
juste. On peut être un excellent dessina-
teur et n'avoir pas cette sorte d'imagina-
tion que déploient les Willette, les Stein-
len et les Caran-d'Ache dans la composi-
tion de ces tableaux qui, se succédant
l'un à l'autre, donnent tous les moments
d'une même action. C'est là une aptitude
particulière : ces messieurs sont des
hommes de théâtre, qui ont pour outil
le crayon. Ils pourraient dessiner fort mal
et avoir de très heureuses idées de comé-
die.
J'ignorais que les sourds-muets eus-
sent généralement le goût du dessin. C'est
là une observation curieuse.
Francisque S-ucey.
LA CONFÉRENCE D; BERLIN
Guillaume II pressé. — La question
sociale en trois semaines.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 12 mars.
L'empereur tient absolument à ce que la
conférence soit réunie avant la fin de la
semaine. Il a passé outre aux attermoie-
ments et aux demandes de délais prove-
nant de l'Angleterre.
Il mettra la même hâte à presser les tra-
vaux de la conférence, car il espère pou-
voir en mentionner les résultats dans son
discours à l'ouverture du Reichstag, qui se
réunira le 15 avril, ou même, à ce qu'on
annonce, dès le 8, c'est-à-dire trois se-
maines après la première réunion de la
conférence.
Cette précipitation fait une assez mau-
vaise impression dans le monde officiel et
diplomatique.
M. de Bismarck ne veut se mêler de rien
et se tient à l'écart de toute cette affaire.
Refus de Bade, du Wurtemberg et du
Portugal.
(DB NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 12 mars.
Je vous confirme que le grand-duché de
Bade ne sera pas représenté a la conférence
non plus que le Wurtemberg. On dit même
que deux seulement des Etats confédérés,
la Bavière et la Hesse, auront des délégués.
Le Portugal renonce également à l'invita-
tion qui lui a été adressée en même temps
qu'à l'Espagne ; la situation est trop grave
pour que ce petit pays se préoccupe d'autre
chose que de ses démêlés avec l'Angleterre.
La représentation de l'Allemagne
Berlin, 12 mars.
Voici la liste complète des délégués du
gouvernement allemand à la conférence
ouvrière.
Ce seront : MM. de Berlepsch, ministre du
commerce; Kopp, prince-évêque de Colo-
gne. Magdeburg, sous-secrétaire d'Etat;
Reichardt, conseiller au ministère des af-
faires étrangères ; Lohmann, conseiller de
gouvernement ; Hauchecorne, conseiller des
mines: Laudmann, conseiller du gouverne-
ment bavarois; Heye, conseiller de com-
merce; Edouard Kœchlin, manufacturier
alsacien.
M. Kayser, conseiller de légation, rem-
plira les fonctions de secrétaire de la con-
férence.
L'ANGLETERRE A BERLIN
(D'UN CORRESPONDANT)
Londres. 13 mars.
Sir John Gorst, avocat, secrétaire politique
au département de l'Inde, est désigne comme
premier délégué de l'Angleterre à la conte,
rence de Berlin,
m
CINQ Centimes — Paris et Départements - CINQ Centimes
x rEnI th MARS 1800
LE XIT SIECLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN
RÉDACTION
Il 4 IB, aue mon
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DIRECTEUR POLITIQUE
A. - ÉDOUARD PORTALIS
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TRÈS PROCHAINEMENT
Lé XIXe SIÈCLE
Publiera un grand 'roman-feuilleton
inédit, spécialement - écrit pour ses
lecteurs.
LE BUDGET
La commission du budget n'a pas
encore quarante-huit heures d'exis-
tence. Déjà elle a provoqué les appré-
ciations les plus passionnées et les
plus contradictoires.
Je ne me charge pas, quant à moi,
de tirer son horoscope. Le métier de
prophète est, par le temps qui court,
sujet à trop de risques. Abstention est
sagesse. Mieux vaut attendre les évé-
nements.
Ce qui est certain, c'est que, des
onze bureaux de la Chambre, il n'y en
a peut-être pas deux où les candidats
ne se soient trouvés d'accord pour cri-
tiquer le projet de budget élaboré par
le gouvernement.
Comment de cet accord dans le
blâme serait-il résulté le choix de
commissaires décidés à l'approbation?
Mystère. Aussi bien, la majorité a-t-
elle dès à présent, comme on le dit,
la volonté arrêtée d'adopter des pro-
jets qui sont soumis à son examen? Je
n'en sais rien, et, au vrai, je ne le
crois pas.
Ce qui a pu induire en erreur les
nouvellistes, c'est qu'ils ont remarqué
dans les rangs de la commission nou-
velle nombre de députés d'humeur
pacifique et que ne hante point l'en-
vie de culbuter les ministères pour
rien, pour le plaisir.
Je comprends et je partage cette
crainte légitime des crises inutiles.
Mais il y a quelque chose de supérieur
à l'intérêt du ministère, c'est l'intérêt
de la République. Amicus Plato, sed
magis arnica veritas.
Or, la commission du budget n'ou-
bliera pas que la besogne où elle va
s'atteler est la plus dure et la plus
importante de toutes les œuvres que
la législature actuelle doit mener
à terme. Le premier budget de cette
Chambre influera sur toute son exis-
tence parlementaire.
Elle y va marquer l'orientation
qu'elle veut suivre en matière finan-
cière. Il y a parmi les commissaires
élus quelques anciens qui firent par-
tie de la commission du budget de
1886. Ils pourront rappeler avec fruit
à leurs collègues son édifiante his-
toire, comment elle ne se présenta de-
vant la Chambre que pour être, sans
plus de cérémonie, invitée à rempor-
ter le budget qu'elle apportait, pour
en construire un autre plus conforme
à l'attente de la Chambre et du pays,
et comment la déroute de la commis-
sion entraîna la retraite du ministère
Freycinet. La commission du budget
qui vient d'être élue veut-elle recom-
mencer cette histoire? Il n'est pas
vraisemblable.
Eh bien! si elle veut éviter le sort
de sa devancière, il n'y a pas deux
procédés à suivre : il n'y en a qu'un.
Il lui faut se placer en face du bud-
get qu'on lui apporte et se demander
s'il réalise les souhaits formulés, il n'y
a pas six mois, par le corps électoral
tout entier.
Comment peut-on résumer les pro-
positions. gouvernementales? Elles
s'accusent par trois traits : l'emprunt,
l'impôt, l'augmentation des dépen-
ses.
Que l'emprunt proposé ait des avan-
tages, nous ne le nions pas. Il conso-
lide une partie de la dette flottante.
Il remplace un créancier qui prend
A 0/0 d'intérêt par un autre qui ne de-
mande que 3. Mais il est puéril de dire,
comme l'écrit dans son exposé des
motifs M. Rouvier, que si la Chambre
souscrit à cette mesure financière, elle
substituera au système mauvais des
caisses multiples un budget unique, et
que ci l'ère des emprunts sera closes.
Le budget ne sera pas unifié, puis-
que à côté du budget ordinaire subsis-
teront, même après la suppression du
budget extraordinaire de la guerre,
quatre caisses spéciales : pour la ga-
rantie d'intérêt, pour certaines avan-
ces des chambres de commerce, pour
des dépenses d'enseignement, pour les
chemins vicinaux.
Quant à l'affirmation que ilous ne
reverrons plus d'emprunts, celui-là
voté, nous avons déjà entendu cette
chanson, elle ne trompe plus per-
sonne. D'autre part, une fois les
130 millions de dépenses militaires in-
corporés au budget, quand les en dé-
tachera-t-on? Le budget ressemble
fort à cet antre dont parle le fabu-
liste r l'entrée en est aisée et la sortie
invisible. Sied-il, dans de telles condi-
tions et pour un si maigre résultat, de
faire un emprunt?. C'est au moins
douteux.
Ce qui ne l'est pas, c'est le danger,
à six mois des élections générales,
d'inaugurer l'œuvre législative par la
création d'impôts nouveaux. J'entends
qu'on nous offre, en guise de compen-
sation, une réforme discutable de l'im-
pôt des boissons, une réduction par-
tielle de l'impôt sur les propriétés non
bâties qui agréera fort aux grands
propriétaires, et une amorce de la re-
vision du cadastre.
Mais la contre-partie est là, qui
n'est pas mince. C'est l'augmentation
de l'impôt sur les propriétés bâties :
gare aux petits locataires ! Ils ont le
dos bon. C'est l'augmentation des li-
cences des débitants. A Paris seule-
ment, c'est un impôt nouveau de 190
francs par an imposé à chaque débi-
tant, sans qu'il reçoive aucune com-
pensation. C'est le régime des sucres
modifié. C'est le droit sur les vinaigres
triplé. C'est tous les bouilleurs de cru
— et le fisc sait s'ils sont nombreux —
soumis à tous les agréments de l'exer-
cice. C'est enfin l'augmentation de
156 francs à ââ5 francs de l'impôt sur
l'alcool, entraînant à sa suite une frau-
de doublée et des falsifications nouvel-
les. Voulez-vous additionner les caté-
gories de consommateurs touchés par
ces diverses mesures? Entendez-vous
quel concert de récriminations et d'a-
nathèmes saluerait un pareil budget?
Ce n'est pas tout.
Voici le bouquet. Les contribuables
que n'atteindraient pas directement
ces « réformes » n'échapperont pas à
l'augmentation de leur cote. Les dé-
penses du budget ordinaire dépassent
de 71 millions celles du budget précé-
dent.
Telle est, dans ses grandes lignes, le
budget du gouvernement. Il ne peut
pas être voté par cette Chambre.
La formule qui eut jadis tant de
succès : ni emprunts, ni impôts, est
auj ourd'hui démodée. Soit. Je me
permets d'en offrir une autre, d'ail-
leurs moins négative, aux médita-
tions de la commission du budget. Elle
tient en deux mots : Economies et
réformes.
A. Millerand.
Le XIXe SIU G LE publiera demain la
» Vie de Paris » par Henry Fouauier.
INCIDENT DE FRONTIÈRE
Arrestation d'un Français par les fo-
restiers allemands
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Belfort, la mars.
Un habitant de Vauthiermont, petite lo-
calité frontière située au sud de la Cha-
pelle-sous-Rougemont, se promenait avant-
hier dans les champs. Par mégarde il avait
franchi la frontière. Aussitôt deux gardes
forestiers allemands se ruèrent sur lui, le
terrassèrent, et, après lui avoir ligotté les
bras, l'entraînèrent vers Dannemarie d'où
il fut dirigé sur Mulhouse.
Pour donner un caractère de légalité à
cette arrestation, les gardes accusent notre
compatriote d'avoir braconné, mais aucun
gibier n'avait pourtant été trouvé entre ses
mains au moment de l'arrestation.
NOUVELLE GRÈVE A SAINT-ETIENNE
Menaces des mineurs. — Sur les lieux.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Saint-Etienne, 12 mars.
Une grève de mineurs vient de se décla-
rer aux mines du Cros, près de Saint-
Etienne, appartenant au baron de Roche-
taillée. Des délégués ont été envoyés au di-
recteur, M. Des vignes.
Les mineurs ont décidé qu'ils empêche-
raient les ouvriers du poste de nuit de des-
cendre.
La police et la gendarmerie ont été en-
voyées sur les lieux.
LE CHEF DE LA SURETÉ DE MADRID
DÉCORÉ
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Madrid, 12 mars.
M. Alejos Pita, chef de la sûreté à Madrid,
est décoré de la Légion d'honneur pour servi-
ces exceptionnels (rendus sans doute à la po-
lice française.
SUICIDE D'UN ANCIEN OFFICIER
Un acte de désespoir. — Sauvé malgré
lui.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Angers, 19 mars.
Hier soir, vers cinq heures, un ancien of-
ficier du 68° de ligne s'est jeté à l'eau près
du pont de la Haute-Chaîne. Tout aussitôt,
M. Delaporte, patron du bateau-lavoir, et
Michel, pêcheur, se portèrent au secours de
ce désespéré, qu'ils furent assez heureux
pour retirer au bout de quelques mi-
nutes.
Le malheureux respirait encore, et, grâce
à des soins énergiques, il put être complè-
tement rappelé à la vie. Il fut transporté à
l'hôpital.
Il déclara se nommer Marc Malapert, âgé
de quarante-cinq ans, né à Charroux (Ille-
et-Vilaine). C'est le dénuement profond
dans lequel il se trouvait qui a poussé au
suicide cet ancien membre de l'armée fran-
çaise.
L'EXPLOSION DE MORFA
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Londres, 12 mars.
Voici quelques nouveaux détails sur la ca-
tastrophe de la houillère de Morfa :
« L'on avait craint d'abord 160 victimes. On
espère qu'il y en aura seulement de 150 à U0 ;
mais on n'en saura jamais le nombre exact,
car la mine est en feu. On n'a pu retirer que
A cadavres ; on en a découvert 9 autres en lam-
beaux.
» Les sauveteurs courent les plus grands
dangers ; plusieurs ont subi des commeuce-
ments d'asphyxie. »
L'ASSISTANCE MEDICALE
DANS LES CAMPAGNES
Un projet de loi de M. Bourgeois. —
Une grave question. — Le conseil
supérieur de l'Assistance pu-
blique. — Le devoir des
communes et des dépar-
tements. — Le pre-
mier pas.
L'autre jour, en réponse à l'interpellation
de M. Camille Dreyfus, le nouveau minis-
tre de l'intérieur, M. Léon Bourgeois, a an-
noncé à la Chambre le dépôt prochain d'un
projet de loi sur l'assistance médicale dans
les campagnes.
M. Bourgeois venait précisément de pren-
dre part, au conseil supérieur de l'Assis-
tance publique, à la discussion du rapport
y relatif déposé et défendu par M. le doc-
teur Dreyfus-Brisac, médecin des hôpi-
taux.
Cette grave question de l'organisation
d'une assistance médicale dans les campa-
gnes avait déjà fait l'objet, l'an dernier,
d'un débat assez long, et elle n'a pu abou-
tir que tout dernièrement, en dépit d'ob-
jections assez fortes formulées par quel-
ques-uns des membres du conseil supé-
rieur.
Préoccupation légitime
Il y a si longtemps que les pouvoirs pu-
blics se préoccupent d'assurer aux indi-
gents de nos villages les secours médicaux
et pharmaceutiques gratuits 1 Pour les com-
munes pourvues de bureaux de bienfai-
sance, pour celles qui bénéficient, grâce au
département, d'un service de néiecine gra-
tuite, il n'y a rien à dire : l'organisation est
loin d'être parfaite, il s'en faut ; mais elle
loin
existe en réalité.
Il est même permis de dire que, partout
où il y a un médecin, les pauvres ne sont
pas délaissés ; le corps médical n'a jamais
encouru le reproche de manquer de géné-
rosité, c'est une justice à lui rendre.
Mais tout cela ne suffit pas ; la charité
privée elle-même ne parvient pas à remé-
dier aux lacunes de notre organisation ad-
ministrative. Il n'est pas un homme de
cœur qui n'ait gémi de cette situation fâ-
cheuse, lamentable même. Ce sera l'hon-
neur de la République d'avoir enfin abordé
ce problème difficile et d'en poursuivre cou-
rageusement la solution pratique.
La Chambre ne va pas tarder à être saisie
d'un projet de loi qui, tout en prêtant le
flanc à certaines critiques, constitue en
tout cas un progrès sur la législation exis-
tante.
Obligation nécessaire
L'essentiel, en cette matière, est d'établir
le principe de l'obligation pour les com-
munes et les départements de soigner les
indigents malades. Une fois le principe
posé, les conséquences s'en feront sentir à
un moment donné.
Le conseil supérieur a voté le principe
de l'obligation d'une assistance médicale
gratuite. Chaque département est tenu d'or-
ganiser un service de cette nature, une
partie de la dépense étant à sa charge et
l'autre partie incombant aux communes.
L'article 3 du projet dispose que « toute
commune @ (ou syndicat de communes) est
pourvue d'un dispensaire où ne sont don-
nées que des consultations externes, et rat-
tachée à une infirmerie ou hôpital géné-
ral ».
Cette prescription, très.désirable, ne peut
évidemment être considérée que comme
un objectif à atteindre. Avant de générali-
ser les dispensaires, infirmeries ou hôpi-
taux, il faudra commencer par le commen-
cement, c'est-à-dire créer partout, d'une
manière sérieuse, un service de médecine
gratuite. Mais la loi ne peut faire autrement
que de marquer le but vers lequel doivent
tendre tous les efforts.
Le nouveau service
Comment fonctionnera le nouveau ser-
vice ? D'après le projet, au moyen d'un bu-
reau d'assistance publique et grâce à l'éta-
blissement d'une liste spéciale d'indigents.
Il y aura dans la pratique plus d'une dif-
ficulté au point de vue de la confection de
ces listes, et cela pour ce motif qu'elles
serviront en même temps à régler le do-
micile de secours pour les émigrants des
communes.
Ainsi, par exemple, un habitant d'une
commune de la Creuse travaille à Paris ou
à Lyon ; il y tombe malade. En vertu de la
loi de 1851, sur les cas d'urgence, il est ad-
mis dans un hôpital de Paris ou de Lyon.
Au bout de cinq jours, les frais de traite-
ment, si ce malade est inscrit sur la liste
des indigents médicaux de sa commune,
sont à la charge de cette commune d'ori-
gine.
Inversement,les Parisiens ou les Lyonnais,
qui recevront les secours du bureau d'as-
surance médicale à Besançon ou à Orléans
devront être inscrits à il Paris ou à Lyon,
pour avoir droit aux secours médicaux et
pharmaceutiques gratuits.
A défaut d'un domicile de secours com-
munal, ces nécessiteux pourront avoir un
domicile de secours départemental.
Tout cela est un peu compliqué en ap-
parence, mais indispensable pour le fonc-
tionnement d'un service général d'assis-
tance gratuite.
Gros problème à résoudre
Il ne s'agit pas, en cette affaire, des se-
cours en argent distribués par les bureaux
de bienfaisance, mais purement et simple-
ment de l'assistance médicale gratuite à
domicile ou dans des hôpitaux et hospices.
C'est déjà, comme on le voit, un assez gros
problème à résoudre, et, en raison des res-
sources insuffisantes d'un trop grand nom-
bre de petites communes, l'ensemble d'un
département doit intervenir pour soulager
des misères trop grandes et des souffrances
trop criantes.
Ce projet de loi, inspiré par un large sen-
timent de philanthropie, est d'une haute
importance pour les campagnes. Il fera cer-
tainement honneur aux assemblées et au
gouvernement qui le mettront sur pied et
qui le rendront viable. C'est un suj et pal-
pitant d'actualité, sur lequel nous aurons
plus d'une fois l'occasion de revenir, puis-
qu'il entralnera prochainement de longs et
intéressants débats au Parlement.
LE BUDGET DE 1891
Constitution de la commission. — Allo-
cution du président. — M. Freppel
et les cultes.
La commission du budget a nommé son
bureau. Président, M. Jules Roche, élu par
S6 voix sur 28 votants ; vice-présidents,
MM, Casimir-Perier, - voix, et Antonin
Proust, 95 voix, sur 28 votants; secrétaires,
MM. Poincaré, Rathier, Pichon et Ley-
gues.
En prenant possession du fauteuil de la
présidence, M. Jules Roche a prononcé une
allocution dont voici l'analyse :
Le pays a manifesté qu'il veut que nous
lui donnions des finances solides et le mo-
ment des solutions est venu.
Il y a deux ans que la commission du bud-
get déclarait déjà l'impossibilité de rester
dans les voies financières où l'on se trouvait.
Depuis, la nécessité n'a fait que s'accroître.
Il n'y a pas à se faire d'illusions sur les mé-
thodes à adopter en vue d'équilibrer le bud-
get. Sans doute, il faut poursuivre la réalisa-
tion des économies, mais le champ n'en est
pas illimité.
Le budget se décompose en grands services
distincts : dette, armee, marine, frais de ré-
gie.
Ce qui pèse sur le pays, ce sont surtout les
services de l'armée, qui ont augmenté la dette
d'un milliard.
Vous verrez, dans ce budget, combien il est
nécessaire de refondre la question du budget
extraordinaire. On a cru que l'on pourrait le
faire disparaître.
En réalité, la charge du budget extraordi-
naire, avec toutes les dépenses d'emprunt qui
s'y rattachent, s'élève a un chiffre extrême-
ment lourd.
Il ne m'appartient pas de me prononcer sur
les solutions. Nous en aborderons l'étude dans
un égal esprit de sincérité,
La commission a décidé de ne pas se par-
tager en sous-commissions. Il n'y aura
qu'une sous-commission pour l'examen du
budget des recettes.
La commission a nommé rapporteurs :
M. Siegfried, pour le commerce; M. Bastid,
pour les postes et télégraphes ; M. Lemire
de Vilers, pour les colonies ; M. Horteur,
pour la justice;
MM. Labrousse, pour l'agriculture ; Fran-
cis Charmes, pour les affaires étrangères ;
Reinach, pour l'intérieur; Saint-Romme,
pour le service pénitentiaire ; Dupuy
(Haute-Loire), pour l'instruction publique ;
Pelletan, pour les conventions; l'amiral
Vallon, pour les invalides; Çochery, pour
la guerre ; Foiliet, pour les travaux publics;
Gerville-Réache, pour la marine; Labus-
sière, pour l'Algérie, et Proust, pour les
beaux-arts.
Un incident
M. Freppel avait été nommé rapporteur
du budget des cultes, sans concurrent; mais
la commission, comprenant l'effet fâcheux
que pourrait faire cette nomination, est
revenue sur sa décision en décidant, sur la
proposition de M. Gerville-Réache, que l'on
voterait de nouveau sur les attributions de
rapport qui avaient été faites sans qu'il
y eût de compétition.
Malgré les protestations de l'évêque d'An-
gers, cette proposition a été adoptée, et M.
Leygues a été nommé rapporteur du bud-
get des cultes.
ASSASSINÉE A COUPS DE HACHE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Epinal, 12 mars.
Mme veuve Braunwart, buraliste à Char-
mes, a été trouvée assassinée ce matin. La tête
avait été broyée à coups de hache.
Le vol est le mobile du crime. L'assassin est
inconnu encore.
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AU o ',HOMEY
Les dernières nouvelles. — Dépêches
de M. Bayol. — Mort d'une
amazone.
Une dépêche en date de Kotonou, 11 mars,
annonce l'arrivée du Kerguelen.
Ce croiseur va concourir à la surveil-
lance de la côte, avec les autres bâtiments
qui se trouvent déjà dans le golfe de
Bénin.
Ajoutons que cette surveillance est d'au-
tant plus facile que la côte est entièrement
plate sur une profondeur de vingt kilomè-
tres envion.
Tout va bien à bord du Kerguelen.
Les dernières nouvelles officielles reçues
de Kotonou portent que le roi de Daho-
mey, après être resté quatre jours à Go-
domey, sans oser attaquer nos postes, s'est
retiré avec les amazones dans le Lama. Le
reste de son armée est resté à Godomey et
s'y fortifie.
On évalue à un millier d'hommes les
pertes subies par les Dahoméens depuis le
commencement des opérations.
Dans l'affaire du h, la générale des ama-
zones, Allada, a été tuée, ainsi qu'un grand
nombre de cabacérès.
D'après un renseignement parvenu à M.
Bayol au moment où il envoyait ce télé-
gramme, les Europens faits prisonniers par
les Dahoméens auraient été ramenés à
Wyddah.
Cette nouvelle, si elle se confirme, per-
mettrait d'espérer la prochaine libération
de nos compatriotes.
D'autre part, nous apprenons qu'une dé-
pêche de M. Bayol, reçue hier matin au
sous-secrétariat des colonies, rapporte que
la mort d'Allada, la commandante des
amazones qui forment la garde du corps
du roi de Dahomey, tuée dans le combat
du h mars, a produit une vive émotion
dans l'armée du roi.
M. Bayol considère la situation comme
excellente, sous la seule condition qu'on
lui fournisse les subsides suffisants pour
faire face aux éventualités.
Les troupes du roi de Dahomey conti-
nuent à camper à 18 kilomètres de Koto-
nou. Elles n'ont point bougé depuis lors et
n'ont manifesté aucune intention agressive.
L'administration ne compte pas recevoir
de dépêche importante avant une hui-
taine de jours, c'est-à-dire avant l'époque
où les nouveaux renforts récemment expé-
diés seront arrivés à destination et auront
commencé leur mouvement sur Wyddah.
Le gouvernement a, en effet, décidé l'oc-
cupation de Wyddah.
UN PSEUDO-SERGLNT
Arrestation d'un escroc
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rambouillet, 12 mars.
On parle beaucoup dans notre ville d'une
arrestation assez singulière qui a été opé-
rée hier dans la soirée, à la sous-intendance
militaire.
Un individu,'wuni de faux papiers mili-
taires et porteur de la tenue d'un sergent
d'infanterie, se présentait dans les bureaux
de la sous-intendance et demandait qu'on
lui délivrât une feuille de route pour se
rendre à Perpignan.
En même temps, il montrait différents
papiers dont il s'était déjà servi pour faire
des dupes, notamment à Melun, et que le
parquet et l'autorité militaire avaient
signalés à la suite des premières escro-
queries.
L'officier de service fit aussitôt arrêter le
pseudo-sergent et le fit conduire, sous
bonne escorte, à Versailles.
CHRONIQUE
Le New-York Herald publiait, il y a
quelques jours, dans ses colonnes, l'entre-
filet suivant :
« A l'asile des sourds-muets situé sur
la route d'Old-Kent, près de Londres, on
a donné une représentation théâtrale
unique en son genre, et du plus haut
intérêt. M. le cjpcteur Elliot, le directeur
de l'institution, a écrit une sorte d'adap-
tation de Richard III qui, sous sa direc-
tion, a été jouée par quelques élèves, de-
vant le lord-maire et sa femme.
» Cette étrange représentation prouve
l'efficacité de la méthode orale pure. Les
jeunes acturs ont dit leurs rôles d'une
façon absolument distincte, mais comme
le pourrait aire un étranger parlant l'an-
glais, et do nant rigoureusement à cha-
que syllabe l'accent qui lui convient. »
Le directeur de la Revue internationale
de l'enseignement des sourds-muets, M. L.
Goguillot, a, dans le numéro qui vient
de paraître, pris texte de cette représen-
tation pour présenter quelques observa-
tions sur les sourds-muets au théâtre.
Comme la Revue internationale de l'en-
seignement des sourds-muets est un re-
cueil très spécial et peu répandu, je
crois qu'il ne sera pas inutile de repro-
duire ici quelques-unes des réflexions du
savant professeur.
Le sourd-muet au théâtre peut y être
considéré soit comme acteur, soit comme
auditeur*
Comme acteur, mon Dieu ! il n'y a pas
grand'chose à en dire. Il est clair que des
représentations comme celle dont parle
le New-York Herald sont de pures curio-
sités ; elles n'ont d'autre but que de frap-
per l'esprit du public et de gagner à la
cause de la méthode orale d'utiles
adhésions. Les sourds-muets, s'ils parais-
saient sur la scène en qualité d'artistes,
n'y pourraient guère jouer que la panto-
mime, et il paraît, si j'en crois M. L. Go-
guillot, qu'ils y apportent le plus sou-
vent, en effet, des aptitudes exception-
nelles.
Je m'en rapporte à lui sur ce point. Je
ferai remarquer, pourtant, que les pre-
mières qualités d'un bon mime sont et la
mobilité de la physionomie et la vivacité
du regard.
Tous les sourds que j'ai eu l'occa-
sion de voir avaient, au contraire, l'œil
étonné, arrêté, presque terne; le visage
ne bougeait pas : il était celui d'un hom-
me dont on dit par badinage qu'il est
sorti. Mais je ne veux pas entrer en dis-
cussion avec M. Goguillot. Il est évident
qu'en cette matière il en sait plus que
moi et s'y connait mieux.
Voyons plutôt les sourds-muets au
théâtre, quand ils y vont pour regarder
le spectacle, quand ils font partie du pu-
blic.
Vous savez que les sourds, instruits
aujourd'hui par la méthode orale, lisent
couramment la parole sur les lèvres des
gens avec qui ils causent. Mais il faut que
ces gens articulent avec netteté et figu-
rent les mots par les mouvements qu'ils
impriment à leurs lèvres.
Il semblerait donc naturel que le sourd
eût plus de plaisir, comprenant mieux,
au théâtre que dans un salon. Car, au
théâtre, les acteurs devraient parler plus
lentement, articuler avec plus de force et
de précision, et faire toujours, le plus
souvent tout au moins, face au public.
Mais il paraît qu'il n'en va pas ainsi, et
M. Goguillot m'a bien amusé, en nous
faisant part de l'indignation et des do-
léances de ses sourds-muets. Il ne se doute
pas lui-même de l'appui qu'il prête à nos
critiques. 1
Que de fois, nous aussi, nous sommes-
nous plaint qu'aujourd'hui nos acteurs
eussentpris l'habitude de tourner le dosau
public et de parler à demi-voix, sous pré-
texte que c'est ainsi qu'on parle dans le
monde. Parler à demi-voix, ce ne serait
rien encore. Car on peut baisser le ton
et arriver à se. faire entendre, même
dans une salle assez vaste. Mais ils n'arti-
culent plus, ils ne détachent plus les
consonnes, ils ne les marquent plus par
un son bien net, et, par cela même, ils ne
les figurent plus par le mouvement des
lèvres. Nous entendons mal, et les sourds,
qui entendent par les yeux, n'entendent
rien du tout.
On se moque beaucoup des conventions
du temps passé. Les personnages se ran-
geaient en scène, face au public, et celui
dont c'était le tour de parler s'avançait à
la rampe et envoyait ce qu'il avait à dire
dans le visage des spectateurs. J'avoue
que c'étaient là des mises en scène un peu
froides et bien hiératiques. Elles avaient
du bon pourtant : on ne perdait pas un
mot de la pièce, et un sourd même, s'il
s'en fût trouvé en ce temps-là d'instruits
par la méthode orale, eût pu suivre le
drame sur les lèvres de l'acteur, qui regar-
dait la bonne articulation et la diction
nette comme les premiers mérites du co-
médien.
11 va sans dire que le spectacle qui con-
vient le mieux au public très spécial des
sourds-muets, c'est la pantomime. Ils
sont évidemment plus aptes à la com-
prendre que nous, puisqu'ils ont dès l'en-
fance pris l'habitude de suivre une con-
versation sur la physionomie et de devi-
ner le langage par le geste.
Mais il n'y a plus guère de pantomime,
bien que nous ayons en ces dernières an-
nées tâché de relever le genre du discré-
dit où il est tombé.
Pour qu'une pantomime puisse être
comprise aisément des sourds, tout aussi
bien que de ceux qui ne le sont pas, il
faut prendre garde de ne pas vouloir faire
exprimer des idées auxquelles elle est ré-
fractaire. Ainsi, M. Goguillot remarque
avec beaucoup de sens qu'elle ne peut
s'exprimer ni au passé ni au futur.
Ainsi, par exemple, voici la, première
I | phrase du ballet d'Armida s.
« Ebé, entourée de ses compagnes, qui
cherchent à la tirer de ses sombres pen-
sées, déplore sa triste destinée; celui
qu'elle aime, Tébaldo, ne sortira pas
vainqueur du grand tournoi qu'on va
donner en son honneur."
La pantomime rendra aisément la tris-
tesse d'Ebéîeelle-oi n'a qu'à verser des lar-
mes, c'est un signe évident et compris
par tout le monde qu'elle a du chagrin.
Ses compagnes l'entourent, la lutinent,
la taquinent, la caressent, dansent autour
d'elle. Elles montrent par là qu'elles veu-
lent la tirer de ses sombres pensées. Jus-
que-là tout va bien. Mais comment l'àc-
trice en scène pourrait-elle exprimer
qu'elle aime Tébaldo, — nous ne l'avons
pas encore vu, Tébaldo, -- et que, si elle
pleure, c'est parce qu'il sera peut-être
vaincu dans un tournoi donné en son
honneur?
Dans une comédie parlée, il n'y aurait
rien de si simple : l'actrice en scène s'é-
crierait: « 0 mon cher Tébaldo! dire qu'on
va donner un tournoi en ton honneur et
que peut-être tu n'en sortiras pas vain-
queurl » Tout aussitôt nous serions au
courant.
Mais en pantomime on ne peut mon-
trer qu'une succession de faits, se dérou-
lant, au présent, les uns après les autres,
dans un ordre rigoureusement analyti-
que. Ainsi, là, il faudrait d'abord nous
montrer Tébaldo témoignant son amour
à Ebé, qui le comblerait de caresses; il
faudrait nous étaler ensuite le spectacle
du tournoi. Tébaldo se revêtirait d'une
armure", et Ebé lui dirait par gestes :
« Va combattre », et elle regarderait avec
appréhension son adversaire. Les deux
rivaux partis, si nous la voyions verser
des larmes, jeter des yeux inquiets du
côté où se passe le tournoi, tandis que
ses compagnes dansent autour d'elle,
nous nous dirions : Voilà une femme qui
est très inquiète des suites de l'aventure;
elle se demande si son chevalier sortira
vainqueur du tournoi; voilà des jeunes
filles qui cherchent à la tirer. de ses som-
bres pensées.
La pantomime est un composé de ta-
bleaux qui devraient pouvoir se passer
de légendes, comme ces dessins de Wil-
lette, de Steinlen, ou de Caran-d'Ache que
publie chaque semaine le journal le Chat-
Noir. On pourrait mimer ces dessins,
comme on doit pouvoir dessiner une pan-
tomime.
«D'où l'on pourrait conclure, dit M. Go-
guillot, qu'un bon dessinateur est apte à
composer les meilleures pantomimes, et
que les sourds-muets doivent avoir des
aptitudes spéciales pour le dessin, ce
qui est unfait depuis longtemps établi. »
La conséquence n'est pas tout à fait
juste. On peut être un excellent dessina-
teur et n'avoir pas cette sorte d'imagina-
tion que déploient les Willette, les Stein-
len et les Caran-d'Ache dans la composi-
tion de ces tableaux qui, se succédant
l'un à l'autre, donnent tous les moments
d'une même action. C'est là une aptitude
particulière : ces messieurs sont des
hommes de théâtre, qui ont pour outil
le crayon. Ils pourraient dessiner fort mal
et avoir de très heureuses idées de comé-
die.
J'ignorais que les sourds-muets eus-
sent généralement le goût du dessin. C'est
là une observation curieuse.
Francisque S-ucey.
LA CONFÉRENCE D; BERLIN
Guillaume II pressé. — La question
sociale en trois semaines.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 12 mars.
L'empereur tient absolument à ce que la
conférence soit réunie avant la fin de la
semaine. Il a passé outre aux attermoie-
ments et aux demandes de délais prove-
nant de l'Angleterre.
Il mettra la même hâte à presser les tra-
vaux de la conférence, car il espère pou-
voir en mentionner les résultats dans son
discours à l'ouverture du Reichstag, qui se
réunira le 15 avril, ou même, à ce qu'on
annonce, dès le 8, c'est-à-dire trois se-
maines après la première réunion de la
conférence.
Cette précipitation fait une assez mau-
vaise impression dans le monde officiel et
diplomatique.
M. de Bismarck ne veut se mêler de rien
et se tient à l'écart de toute cette affaire.
Refus de Bade, du Wurtemberg et du
Portugal.
(DB NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 12 mars.
Je vous confirme que le grand-duché de
Bade ne sera pas représenté a la conférence
non plus que le Wurtemberg. On dit même
que deux seulement des Etats confédérés,
la Bavière et la Hesse, auront des délégués.
Le Portugal renonce également à l'invita-
tion qui lui a été adressée en même temps
qu'à l'Espagne ; la situation est trop grave
pour que ce petit pays se préoccupe d'autre
chose que de ses démêlés avec l'Angleterre.
La représentation de l'Allemagne
Berlin, 12 mars.
Voici la liste complète des délégués du
gouvernement allemand à la conférence
ouvrière.
Ce seront : MM. de Berlepsch, ministre du
commerce; Kopp, prince-évêque de Colo-
gne. Magdeburg, sous-secrétaire d'Etat;
Reichardt, conseiller au ministère des af-
faires étrangères ; Lohmann, conseiller de
gouvernement ; Hauchecorne, conseiller des
mines: Laudmann, conseiller du gouverne-
ment bavarois; Heye, conseiller de com-
merce; Edouard Kœchlin, manufacturier
alsacien.
M. Kayser, conseiller de légation, rem-
plira les fonctions de secrétaire de la con-
férence.
L'ANGLETERRE A BERLIN
(D'UN CORRESPONDANT)
Londres. 13 mars.
Sir John Gorst, avocat, secrétaire politique
au département de l'Inde, est désigne comme
premier délégué de l'Angleterre à la conte,
rence de Berlin,
m
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