Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-02-28
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 28 février 1890 28 février 1890
Description : 1890/02/28 (A19,N6619). 1890/02/28 (A19,N6619).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Dix-neuvième annécT — N°'6,6f9 v
CINQ Ceiitimes- Parle et Départements - CINQ Centimes
VENDREDI 23 FÉVRIER 1890
JOURNAL RÉPUBLICAIN
RÉDACTION
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PAMB
DIRECTEUR POLITIQUE
A. - EDOUARD PORTALIS
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Adressa télégraphique : XIX. sIÈCLE: - PARIS
ÈUNION DES DÉPUTÉS RÉPUBLICAINS
LA
CONFÉRENCE DE BERLIN
H. Georges Hugo et les nsnriers
ACQUITTEMENT DE M. DE CAUNES
(Un adultère en province)
LES MÉDECINS
Le temps est passé où, pour rendre
leurs ordonnances, les médecins enfi-
laient la robe et coiffaient le bonnet
pointu. En notre siècle démocratique,
l'uniformité du costume est un hom-r
mage rendu au principe de l'égalité,
à peu près comme l'hypocrisie est un
hommage rendu à la vertu. On ne
connaît plus guère que les gens du
Palais qui soient obligés de s'affubler
d'un vêtement de circonstance pour
Mf se livrer à l'exercice de leur profes-
sion.
Mais si les médecins ont perdu leur
-- robe, ils ont gardé leur privilège. Il
faut encore une autorisation en due
forme de la Faculté pour purgare, sei-
gnare, clysterium donare. L'exhibition
d'un diplôme est nécessaire à qui veut
soigner ses semblables, et l'on ne peut
pas être médecin comme on est négo-
ciant, artiste ou littérateur.
C'est dans le but, dit-on, de proté-
ger le public contre les charlatans et
les empiriques, que l'obligation du di-
plôme a été imposée. La précaution
prise atteint-elle le but qu'on s'est
proposé en l'établissant? Serait-il,
au contraire, expédient d'y renoncer?
La question pourrait offrir matière à
d'intéressantes et platoniques contro-
verses. L'intérêt pratique en est mé-
diocre, car personne, en France, ne
songe, que je sache, à réclamer la li-
berté de la médecine.
Mais si l'on ne propose point d'a-
broger les dispositions essentielles de
la loi du 19 ventôse an XI qui régle-
mente l'exercice de la profession mé-
dicale, on se préoccupe fort de les
modifier, même de les étendre. La
Chambre est saisie de plusieurs pro-
jets sur la matière.
C'est ainsi qu'on semble d'accord
pour supprimer l'officiat de santé. Au
moins l'entente s'est-elle établie là-
dessus entre les auteurs de plusieurs
projets. Il est permis de croire, au
reste, que les candidats à ce sous-doc-
torat deviendront bientôt de plus en
plus rares, avec les dispositions nou-
velles de la loi militaire qui n'accorde
plus qu'aux docteurs la dispense de
deux ans de service.
On paraît aussi disposé à refuser
aux médecins étrangers le droit d'exer-
cer en France, s'ils n'ont obtenu le
même diplôme que nos compatriotes.
C'est une mesure de protection, comme
dit l'un des auteurs des projets. Et
tout, comme certains médicaments, la
protection en cet instant à la vogue.
Il faut reconnaître d'ailleurs qu'il ne
paraît que juste de soumettre les
étrangers au même régime que les
Français, en France. Il conviendrait
toutefois de ne pas écarter, par une
mesure trop brutalement générale,
des praticiens et des savants de dis-
tinction, qui peuvent puissamment
contribuer aux progrès de l'art médi-
cal. Le problème réclame un examen
attentif et désintéressé.
Mais tandis qu'on éliminerait ainsi
du corps médical un certain nombre
- de ses membres, — officiers de santé,
docteurs étrangers,-on s'efforce par
d'autres moyens de lui conquérir de
nouvelles recrues.
Depuis plusieurs années, il est fait
de louables efforts pour relever le ni-
veau d'une profession qui touche de
près à l'art médical, qui en est une des
branches secondaires. Nous voulons
parler de la profession de dentiste.
Des écoles dentaires ont été fondées à
Paris, un enseignement s'y est installé.
Il a été justement encouragé par les
assemblées délibérantes et les pouvoirs
publics.
Voici aujourd'hui que l'on parle de
réglementer la profession elle-même.
La proposition en est faite à la Cham-
bre par M. le docteur David, qui a
toute qualité pour prendre la question
en main.
Dorénavant, nul ne pourrait exercer
la profession de dentiste s'il n'était
muni, sinon du titre de docteur, au
moins d'un diplôme spécial délivré
1 par une Faculté de l'Etat. D'aucuns
même vont plus loin et réclament
comme condition sine qua non le di-
plôme de docteur.
Il nous semble que c'est aller un
peu loin. Nous démêlons fort bien les
mobiles qui guident les auteurs de ces
propositions. Il y en a de fort légi-
times. Il. en est qu'il est peçjnis de
trouver peu sérieux. Certains mem-
bres de la corporation se trouvent
froissés en leur amour-propre
qu'on soit libre d'exercer l'état de
dentiste comme on fait celui de cha-
pelier ou de bottier. Mais je me per-
mets de trouver un habile cordonnier
de beaucoup supérieur à un mala-
droit dentiste, fût-il d'ailleurs doc-
teur de toutes les facultés.
C'est toujours la vieille et ridicule
distinction entre les professions libé-
rales et les autres. Nous sommes tra-
vaillés, — plus Chinois cent fois que
les fils du Ciel, — de l'amour du bou-
ton et de la manie du mandarinat.
Les titres de noblesse s'en vont, mais
les diplômes leur succèdent, et les dé-
corations. Après avoir réclamé l'éga-
lité pour tous avec une passion fa-
rouche, chacun s'acharne avec un
empressement comique à se distinguer
de son voisin.
La question est bien simple. La
santé publique est-elle intéressée à ce
que la profession de dentiste soit tout
aussi strictement réglementée que celle
de médecin? Sans doute, le publiccest
intéressé à ce qu'un enseignement
odontologique sérieux soit donné
dans les Facultés de l'Etat, que des
cliniques dentaires soient installées
dans les hôpitaux, que les cours
suivis aient pour sanction un certifi-
cat spécial. Qu'on punisse rigoureuse-
ment l'usurpation du titre officiel, à
merveille.
Le public ainsi sera prévenu. Il
pourra s'adresser, en connaissance de
cause, aux praticiens qui lui offrent
le plus de garanties. L'Etat, les com-
munes, les établissements publics ré-
serveront, s'ils le jugent bon, leur
clientèle aux diplômés. C'est bien,
mais c'est suffisant.
Pas de réglementation inutile. A
l'heure où l'on fait de si judicieux ef-
forts pour jeter bas l'ordre des avo-
cats, allons-nous faire naître des cor-
porations nouvelles? Le moment serait
mal choisi.
A. Millerand.
Le XIXe SIECLE publiera demain la
» Vie de Paris » par Henry Fouquier.
HERBERT DE BISMARCK A NICE
Séjour à Paris. — Une disgrâce
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 26 février.
On annonce le prochain départ du comte
Herbert de Bismarck pour Nice, où se trou-
vent en ce moment quelques-uns de ses
amis intimes, dont le baron Greinier et le
baron Hans de Bleichsrœder.
Le comte de Bismarck passera par Bruxel-
les et Paris,où il séjournera quelques jours.
Il sera accompagné de M. le baron de Nols-
tein, ancien secrétaire du prince de Bis-
marck, actuellement conseiller intime du
ministre des affaires étrangères.
On remarque à Berlin que ce voyage
donne une certaine confirmation aux bruits
qui ont couru d'un refroidissement sur-
venu dans les rapports de l'empereur et du
comte.
On donne comme explication de cette
disgrâce l'attitude jugée déplacée du comte
Herbert dans les observations qu'il aurait
présentées à l'empereur au sujet de ses
projets économiques.
AGAPES BOULANGISTES
Plus d'indiscrètions.-Un banquet com-
mémoratif à Tours.
Le comité boulangiste a tenu hier sa réu-
nion ordinaire, et, comme peu de choses
intéressantes ont été débattues, il a été dé-
cidé qu'à l'avenir les membres devront gar-
der le silence le plus absolu sur les délibé-
rations du comité, car, des indiscrétions
ayant été commises, plusieurs membres ont
menacé d'envoyer leur démission.
Toutefois, nous savons que le comité a
accepté l'invitation que vient de lui adres-
ser le nouveau « comité républicain natio-
nal anti-opportuniste d'Indre-et-Loire" à
un banquet qui aura lieu à Tours le 16
mars prochain, à l'occasion de l'anniver-
saire du voyage du général Boulanger en
1889 à Tours, et du succès des candidats
boulangistes aux élections de Paris.
Le comité central sera représenté par
MM. Laguerre,Millevoye, GoussotetJourde.
En dehors de ces représentants à titre
officiel, MM. Naquet, Déroulède, Laur , Ro-
bert Mitchell, Pierre Richard, Le Hérissé et
Marius Martin ont promis leur concours.
UNE REINE CONTRE UN JOURNALISTE
Un procès intéressant
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTIouLÜm)
Belgrade, 36 février.
Un procès qui pourra devenir célèbre va
être bientôt plaidé à Belgrade.
Il est intenté par la reine Nathalie à
M. Vladimir Djordjevitch, ancien ministre
de l'instruction publique et actuellement
directeur du journal Otasbina (la Patrie),
pour avoir prétendu que la reine Nathalie
aurait déclaré qu'elle favoriserait toujours
l'influence russe, lors même que la Russie
serait l'ennemie de la dynastie des Obre-
nowitch.
La reine a démenti de tels propos ; mais
M. Djordjevitch, loin de se rétracter, a
maintenu ses affirmations. D'où les pour-
suites judiciaires.
M. ZOLA EN RUSSIE
'¡'E NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Saint-Pétersbourg, 26 février.
Les ,Î').:i,lrnanx de notre ville annoncent que
M. Zola ddcliné l'invitation de la Société lit-
téraire. q ici, à venir faire quelques confé-
rences (,ii;vaut le public pétersbourgeois.
LES RÉPUBLICAINS
RÉUNION PLÉNIÈRE
DES DÉPUTÉS DE LA MAJORITÉ
La question des grandes réunions. —
L'accord entre la majorité et le gou-
vernement. — Les anciens dépu-
tés et les nouveaux. — La
proposition adoptée.
La réunion plénière des gauches a eu lieu
hier, ainsi que nous l'avions annoncé.
A trois heures et quart, M. Noël Parfait,
président, a pris place au bureau et a dé-
claré la séance ouverte.
M. de Lanessan rappelle que les réu-
nions plénières devaient être périodiques et
soutient qu'elles constituent le meilleur
moyen de consolider l'union des représen-
tants républicains du pays.
Il a fait part au gouvernement de la réu-
nion de ce jour. Le président du conseil lui'
a déclaré qu'il y assisterait avec plusieurs
de ses collègues.
M. de Lanessan termine en disant que
l'acçord entre les membres de la majorité
et les membres du gouvernement ne pou-
vait qu'être fertile en bons résultats, et de-
vait produire une excellente impression sur
le suffrage universel et sur les fonctionnai-
res.
M. Clech présente quelques observa-
tions. « Il me paraît, dit-il, que l'union
n'est pas suffisamment grande entre les
anciens et les nouveaux députés. Les nou-
veaux élus sont encore imolé;3 et ne se con-
naissent pas entre eux.
"Ils ont eu peu de place dans la formation
de la commission des 55. Il serait à désirer
qu'ils fussent plus largement traités lors de
la formation de la commission du bud-
get. »
M. Bouge proteste contre le sens de ces
observations : « L'accord est aussi complet
que possible entre les anciens et les nou-
veaux venus. » Il s'élève contre tout élé-
ment de division.
M. Delpech appuie la protestation de
M. Bouge.
M. Pourquery de Boisserin appelle
sur les nouveaux venus la bienveillance
des anciens :
« La réunion plénière doit être une école
où les nouveaux se formeront. »
Il ajoute :
« Je demande la rédaction d'un pro-
gramme des réformes à accomplir, pro-
gramme qui représentera le minimum des
opinions des uns et le maximum des con-
cessions des autres.
» Pourquoi ne nommerait-on pas une
commission chargée de se livrer à ce tra-
vail ? S'il se trouve un ministère pour l'ac-
cepter, la majorité arrivera à la un de son
mandat avec la conscience de l'avoir bien
rempli.
» Ce sera l'œuvre dé la législature et nous
aurons ainsi assuré la stabilité ministérielle.
Ce n'est pas trop de trois ans pour accom-
plir la réforme de l'impôt, la réforme finan-
cière, pour aboutir à la réforme, sociale. »
Proposition Dreyfus
M. Camille Dreyfus constate que le
gouvernement n'est pas présent et propose
de lever la séance. Il pense qu'il est inutile
d'avoir recours en temps ordinaire au sys-
tème des réunions plénières, qui n'ont leur
raison d'être que quand la République est
en péril et qu'il se trouve un ministère pour
se mettre à la tête de la majorité.
— Nous sommes ici en famille, dit l'ora-
teur, et nous pouvons parler librement.
Eh bien ! ce qui se passe depuis le com-
mencement de la législature démontre la
nécessité de reconstituer les groupes. On
ne peut travailler que dans les groupes, ce
qui n'empêche pas la majorité de se ral-
lier à une action commune. Voyez ce qui
s'est passé lors de la dernière législature :
les groupes se sont trouvés d'accord pour
défendre la République.
— Après l'avoir mise à mal ! crie un mem-
bre.
— C'est comme le sabre de M. Joseph
Prudhomme ! reprend un alltre.
Groupes d'études
M. Chautemps combat l'opinion de M.
Dreyfus.
« Les réunions plénières n'empêcheront
pas l'initiative parlementaire de se mani-
fester.
» Ce que l'on cherche actuellement, c'est
une méthode de travail.
» Il n'y a pas d'opinion favorable à la re-
constitution des groupes politiques, mais
on pourrait constituer des groupes d'étude
pour des réformes déterminées, telles que
la réforme administrative, la réforme fis-
cale, la réforme judiciaire, la réforme so-
ciale, etc., analogues au groupe industriel,
au groupe agricole. »
M. Lockroy s'étonne, quand on voit
tant de républicains réunis dans une même
salle, qu'on puisse critiquer le principe
des réunions plénières.
« On a fait l'expérience des groupes et on
a vu à quels résultats déplorables on a
abouti.
"Si l'on ne forme que des groupes d'études
économiques, il faut renoncer à étudier les
questions politiques, car ce n'est pas en
séance publique et devant des adversaires
que l'on peut provoquer certains dé-
bats.
» Il est donc bon que le gouvernement
vienne s'entretenir de ces choses avec la
majorité. Il est bon qu'il vienne également
s'expliquer sur les réformes à l'ordre du
jour et sur les questions sociales qui solli-
citent l'attention des représentants du
pays. »
M. Chautemps. — Je demande qu'on
vote sur ma proposition.
A ce moment, M. Tirard et M. Rouvier
entre dans la salle, puis MM. Faye et Yves
Guyot.
Discours de M. Tirard
M. Tirard prend aussitôt la parole et
s'exprime ainsi :
Messieurs,
J'ai pensé qu'il pouvait y avoir avantage à
nous mettre en relations intimes avec la ma-
jorité républicaine. Il paraît qu'en acceptant
de me rendre, à cette réunion, j'ai commis un
crime, que j'ai compromis notre dignité et
que j'ai affaibli le gouvernement, et que nous
sommes les prisonniers de la majorité ou de
la partie de la majorité qui a pris l'initiative
de cette réunion. On a dit qu'en ce faisant,
notre seule pensée avait été de conserver nos
portefeuilles.
Ces commentaires désobligeants n'ont rien
qui me trouble. Je crois que le gouverne-
ment, sans rien sacrifier, sans rien perdre de
son autorité, peut venir causer avec la majo-
rité des questions qui intéressent le pays.
Cette coutume n'est pas nouvelle. Elle existe
dans tous les pays libres : la Belgique, l'An-
gleterre.
Notre premier devoir est de donner satis-
faction au uava. Il v a un point sur lequel le
veux m'expliquer, c'est celui relatif à la situa-
tion économique dans laquelle nous nous
trouvons. Quelle est cette situation ?
M. Tirard expose que les traités de com-
merce expirent dans deux ans. On dit que
ce délai est bien court pour prendre des
décisions graves, préparer l'établissement
d'un tarif général, pour étudier les ques-
tions qui s'y rattachent. De là une certaine
inquiétude. On fait remarquer que, lors de
l'établissement du tarif actuel, il a fallu une
enquête qui a duré de 1876 à 1882. Mais c'est
qu'a cette époque rien n'avait été fait et que
l'ancien régime douanier datait de la fin du
dernier siècle. Il fallait établir les droits
ad valorem et les droits spécifiques.
Je veux, ajoute le président du conseil,
rassurer les inquiétudes. Le terrain est dé-
blayé par les travaux accomplis en 1882. Les
questionnaires ont été envoyés, les réponses
arrivent. Certaines sont en retard ; mais des
lettres de rappel ont été écrites et le gouver-
nement vous présentera, dans un délai qui ne
peut être éloigné, un nouveau tarif général,
qui sera aussi favorable que possible aux in-
térêts du p
Mais le rôft!'" du gouvernement est difficile,
et il lui faut tenir compte de considérations
générales, car la France ne vit pas isolée en
Europe.
J'espère que nous pourrons prochainement
discuter ensemble ces grandes questions.
En terminant, M. Tirard ajoute que le
gouvernement ne prend pas l'engagement
de se.rendre à toutes les réunions plénières,
mais * il sera heureux de le faire toutes les
fois qu'il constatera qu'il y a intérêt à con-
férer avec la majorité.
M. Bourgeois, du Jura, demande que le
gouvernement étudie l'établissement d'un
tarif intérieur fiscal sur certaines matières,
comme, par exemple, la laine et la soie, qui
ne figurent au tarif général des douanes
que pour des chiffres insignifiants.
M. Millerand demande à interroger le
gouvernement sur une question qui préoc-
cupe vivement l'opinion publique.
Il s'agit de l'attitude que compte prendre
le gouvernement à l'occasion de la confé-
rence de Berlin.
M. Tirard déclare qu'il ne peut ré-
pondre à cette question et qu'il sera obligé
de se retirer si une discussion s'engageait
sur ce point.
En présence de cette déclaration, M. Mil-
lerand n'insiste pas.
Motion de Lanessan
M. de Lanessan remercie M. Millerand
de n'avoir pas insisté. Il propose de renon-
cer à la périodicité des réunions et de lais-
ser au gouvernement le soin de convoquer
la majorité quand il le jugera néces-
saire.
Cette motion est adoptée à l'unanimité.
M. Dujardin- Beaumetz demande à M.
Rouvier de fournir quelques explications
sur le budget.
M. Rouvier répond qu'il n'a pas les élé-
ments nécessaires pour le faire. Le budget
sera prochainement distribué. Il est donc
préférable, pour fournir des explications,
d'attendre que la majorité ait pris connais-
sance de ce document.
La réunion comprenait deux cents dépu-
tés républicains environ.
LA CONFERENCE DE BERLIN
La France et l'Angleterre à Berlin. —
Les motifs de M. Spuller. — Un
nouveau type de diplomates..
Les invitations à la conférence convoquée
à Berlin par l'empereur Guillaume II ont
été, e ce qu'annoncent les journaux offi-
cieux allemands, remises mardi dernier
aux diverses puissances.
La date de la réunion est très rapprochée :
elle est fixée au samedi 15 mars.
Après messieurs les Anglais
Le gouvernement français a fait connaî-
tre déjà son intention d'accepter l'invitation
allemande et de se faire représenter à la
conférence. Il a réglé son attitude sur celle
de l'Angleterre qui, d'après les déclarations
faites à la Chambre des communes par le
sous-secrétaire d'Etat au Foreing-Office,
sir J. Fergusson, a accepté de participer à
la conférence à la condition que la législa-
tion internationale qui y sera élaborée soit
en accord avec les principes de la législa-
tion anglaise.
Une note émanée du ministre des affai-
res étrangères annonce que M. Spuller est
décidé à envoyer, comme délégués de la
France à la conférence, plusieurs écono-
mistes, mais en faisant d'avance un certain
nombre de réserves.
Une conférence platonique
Ces réserves sont déjà, en partie, rendues
superflues par l'attitude de l'Allemagne,
qui a modifié ses premières propositions
et se borne maintenant à réunir une confé-
rence purement économique et théorique,
sur les questions ouvrières, comme celle
que la Suisse avait convoquée et qu'elle
s'est décidée à ajourner sine die.
Cette conférence n'ayant à prendre au-
cune résolution obligatoire pour les Etats
qui y auront pris part, et ne pouvant que
formuler des avis et poser, s'il y a lieu, des
principes théoriques de législations, ne sera
pas composée de diplomates, mais de délé-
gués des divers pays, ayant autorité et com-
pétence dans les questions économiques
Le français langue diplomatique
Les discussions de la conférence auront
lieu, autant que possible, en français ; c'est
en français que seront rédigés les procès-
verbaux, les actes et les conclusions de
tout genre. -
Cet emploi de la langue française n'est
pas une concession faite à la France ou ré-
clamée par elle : c'est l'application d'une
règle diplomatique qui a toujours force de
loi et qui veut que la langue française soit
employée dans les tractations entre pays
qui ne parlent pas la même langue.
Non seulement le traité de Berlin de 1878
et la convention du Congo, discutée et con-
clue à Berlin, ont été rédigés en français
ainsi que leurs protocoles, mais c'est en
langue française qu'ont été dressés la con-
vention de Samoa et ses protocoles entre
l'Angleterre, les Etats-Unis et l'Allemagne,
représentés à Berlin par des plénipoten-
tiaires parlant anglais et allemand.
On annonce que la conférence sera pré-
sidée, non par le prince de Bismarck ou
son fils, mais par M. de Berlepsch, le
nouveau ministre du commerce choisi par
l'empereur Guillaume.
L'abandon de la conférence suisse
Notre correspondant particulier nous
adresse 9, ce sujet la dépêche suivante :
« Berne, 26 février.
» Dans nos sphères officielles, on déclare
qu'il aurait suffi qu'un seul gouvernement
exprimât son désir de voir maintenir la
conférence de Berne pour que celle-ci fût
maintenue. On est étonné que la France
n'ait pas fait une déclaration dans ce sens. »
CHRONIQUE
Ce m'est toujours un plaisir de philoso-
pher sur les contradictions des jugements
umains. -
L'histoire que je vais conter est bien
simple, bien commune, et elle s'est dé-
nouée, comme tant d'autres du même
genre, devant les assises. C'est là que je
l'ai recueillie.
Un cordonnier, du nom de Protandaro,
avait séduit une jeune couturière, Thé-
rèse Daniel ; il lui avait formellement pro-
mis de se marier avec elle, et elle n'avait
cédé à ses instances que sur cette pro-
messe. La réalité de cet engagement a été
plus tard établie aux débats, et, du reste,
le galant cordonnier n'a jamais nié qu'il
l'eût pris. Il s'est contenté de dire que
ces sortes de paroles ne comptaient
point.
La pauvre fille devient enceinte. Elle
réclame l'exécution de la promesse qui lui
avait été faite. Elle représente en vain à
son amant qu'elle n'a jamais appartenu
qu'à lui, que cet enfant qui va venir crée
entre eux deux un lien qu'il serait mons-
trueux de rompre. L'homme ne lui ré-
pond qu'en la jetant à la porte. Car ils
vivaient maritalement.
Supposons que cet infortunée coutu-
rière eut introduit une instance devant
les tribunaux ét, s'armant de cette pro-
messe de mariage que son amant ne con-
testait pas, l'eût sommé de la tenir, il est
probable qu'elle n'aurait obtenu des ju-
ges qu'une remontrance sur le danger
que courent les jeunes filles à écouter
trop complaisamment les propos séduc-
teurs des Don Juan ; on l'eût, après lui
avoir fait un petit bout de morale, débou-
tée de sa demande, et elle s'en fût retour-
née avec sa courte honte.
Le monde eût approuvé. Vous me direz
que le monde ne prend pas trop garde
aux amours des cordonniers et des cou-
turières. Mais il y a monde et monde, et
chaque condition sociale a le sien. Le
monde où vivent les couturières et les
cordonniers aurait donné tort à la jeune
fille : c'était à elle à ne pas se laisser en-
jôler ; il aurait répété le refrain de la chan-
son célèbre :
V'la c'que c'est,
C'est bien fait,
Fallait pas qu'y aille 1
C'est bien fait.
Elle eût été perdue de réputation, mon-
trée au doigt, vilipendée, insultée peut-
être, tandis que l'heureux gaillard, envié
et feté de ses camarades, se serait amusé
avec eux du chagrin et de la honte de la
pauvre fille.
C'est ainsi en effet que les choses se
passent dans notre pays chevaleresque.
Mais voici que la trop sensible coutu-
rière, furieuse d'avoir été trompée et dé-
laissée, se munit d'un flacon de vitriol,
guette son infidèle au passage et lui en
lance le contenu à la figure. Le liquide
corrosif atteint l'œil droit, qui sera à ja-
mais perdu.
Voilà sans doute une action abomina-
ble. Personne n'a le droit de venger soi-
même ses injures, et surtout de les ven-
ger de cette façon-là. S'il peut encore y
avoir quelque hardiesse à se jeter sur un
homme un couteau à la main, à cou-
rir, pour le tuer, le risque d'un mau-
vais coup, il n'y a rien de plus vil et par
conséquent de. moins excusable que d'at-
tendre, tapie dans l'ombre, qu'il passe,
de lui lancer sournoisement du vitriol au
visage, et de s'enfuir. La femme qui agit
de la sorte ajoute donc à une faute, déjà
condamnée par le monde, un crime qui
ne peut qu'être exécré par lui. Il semble
qu'elle doive ameuter contre elle l'opinion
publique.
Ah ! que vous êtes loin de compte !
Il est vrai que l'on arrête Thérèse Daniel
et qu'on la traduit devant les assises.
Mais là, elle trouve tous les esprits retour-
nés en sa faveur. Le cordonnier arrive,
son emplâtre sur l'œil, pour déposer, et le
président renvoie à sa place ce vilain
borgne, après l'avoir tancé d'importance
sur l'horreur de sa conduite. Il est hué
de l'auditoire. Elle, c'est une autre affai-
re: on l'interroge avec douceur; on la
plaint; les femmes pleurent tandis qu'elle
conte sa malheureuse aventure ; le banc
des accusés lui est un piédestal où elle se
dresse, le front nimbé d'une auréole. Le
ministère public ne requiert contre elle
que pour la forme ; il sollicite les circons-
tances atténuantes ; il abandonnerait l'ac-
cusation s'il osait, car il la sait perdue
d'avance.
Le jury se retire pour en délibérer, et
ne délibère point. Il acquitte d'un même
élan à l'unanimité. S'il en avait le droit,
c'est le borgne qu'il condamnerait aux
galères. Le misérable! réduire une femme
à lui jeter du vitriol à la figure! Ah!
qu'elle a dû souffrir! Et l'on ne peut rien
contre lui ! On peut tout au moins lui in-
fliger une leçon, en acquittant avec ac-
clamation son infortunée victime, la vi-
trioleuse 1
Le chef du jury rentre en séance, il lit
d'un air de triomphe le veiiLict vengeur,
le verdict d'acquittement ; le public ap-
plaudit, les femmes fondent en larmes;
Thérèse Daniel s'évanouit, presque suffo-
quée de reconnaissance et de joie.
Ah ! mon Dieu ! la voilà qui se trouve
mal ! On s'empresse autour d'elle ; les ju-
rés se réunissent et font une collecte ; les
avocats joignent leur obole. On lui remet
la somme avec des compliments et des
excuses ; c'est une héroïne ; le cordonnier
n'a plus qu'à se cacher. Pour un peu, on
lui ferait un mauvais parti.
Ne trouvez-vous pas cette contradiction
bien curieuse ?
L'homme promet le mariage à une fille,
la séduit, la rend mère et l'abandonne.
Si la fille se plaint et réclame le mariage
par les voies légales, personne ne l'écoute;
elle est déshonorée, et l'amant fait le ioli
coeur, avec l'approbation de tout I(
monde.
Si, au contraire, elle se venge bass
ment, lâchement, par un procédé abomi-
nable; si elle commet un crime qui est
une infamie, on l'admire, on l'acclame,
on lui donne de l'argent, on la reconduit
en triomphe, et l'amant, honteux, confus
et borgne, se terre dans son déshon-
neur.
Et, cependant, ces inexplicables extra-
vagances s'expliquent; car tout s'explique
en ce bas monde, tout ayant sa raison
d'être.
Le Code, sur certains points, n'est plus
en harmonie avec nos mœurs. Il ne recon-
nait aucune valeur aux promesses de ma-
riage, il défend la recherche de la pater-
nité. Tout le monde sent bien qu'il y a
des cas où la loi aboutit à des conséquen-
ces absurdes et sauvages. Il est clair que,
dans le cas qui nous occupe, si la loi avait
pu quelque chose pour cette malheureuse
fille, séduite et rendue mère par un love-
lace; si elle avait pu forcer le père à re-
connaître son enfant et à l'élever, à don-
ner, au défaut de son cœur et de sa vie,'
un dédommagement à la mère, un dédit
pour résiliation de contrat, cette Thérèse
Daniel s'en fût contentée ; ou si elle ne
l'avait pas fait, si, après avoir obtenu sa-
tisfaction, elle se fût vengée encore, elle
n'eût pas manqué de se mettre à dos tout
le public ; il y aurait eu sur elle un grand
haro. ,-.
Mais l'appui de la loi lui a manque.
Tout le monde se dit qu'elle n'avait plus
d'autre ressource qu'un parti violent ; on
lui sait un certain gré de l'avoir pris crâ-
nement, au hasard de ce qui pourrait ar-
river. Elle apparaît comme une justicière;
s'armant du droit naturel contre le droit
écrit, vengeresse de la morale, opprimée
en sa personne et désertée par la loi.
Et remarquez que dans toutes les affai-
res de ce genre, c'est ainsi que les choses
se terminent, par l'apothéose de la femme
criminelle. Il n'y a de tous ces faits qu'une
conclusion à tirer : c'est que si, en effet,
notre Code est dans quelques-uns.de ses
articles en formelle contradiction avec le
droit naturel et avec le sentiment du
peuple, il faut absolument le reviser.
Il est de fort mauvais exemple de
voir acquittées coup sur coup toutes les
femmes trompées qui se vengent de leur
amant ou de leur mari par le vitriol, le
poignard ou le pistolet. Mais on n'obtien-
dra jamais une condamnation du jury,
tant que les avocats pourront invoquer
en faveur des vitrioleuses des excuses
fournies par le Code, tant qu'on pourra
les considérer comme des victimes de la
loi.
Francisque Saroey.
LE LEGS RAMPAL
Arrestation d'un agent infidèle.
Il y a quelques années. M. Rampal lais-
sait, après décès, un million de fortune à
la Ville de Paris, à la charge pour elle d'en
employer le revenu à des prêts à consentir
à des associations ouvrières.
La préfecture de la Seine avait charge do
l'administration de ce legs M. Dupenlouz,
commis-rédacteur, qui avait dans ses attri-
butions la surveillance des asiles de nuit.
Au mois d'octobre dernier, M. Dupenlouz
engageait ou essayait d'engager au Mont-
de-piété « cinq cents" draps de lit achetés
pour le service des asiles.
La supercherie de cet agent était trop
apparente. Il fut mis à la retraite d'office.
sans qu'aucune poursuite judiciaire fût
demandée contre lui. Il n'a, du reste,
rien perdu pour attendre.
Il y a quelques jours, la Ville de Paris ré-'
clamait a un syndicat d'ouvriers en me-
nuiserie la somme de 7,000 francs, que cette
association devait sur un emprunt fait au
legs Rampai. L'administrateur délégué de
cette société avait entre les mains un reçu.
de cette somme, qui avait été versée entre
les mains de M. Dupenlouz.
Interrogé, cet agent infidéle a tout avoué;
il a été écroué aussitôt à Mazas.
HOME RULE SUR TOUTE LA LIGNE
Réunion à Westminster. — Décisions.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Londres, 96 février.
L'idée du home mie, c'est-à-dire de l'ad{
tonomie des grandes divisions du Royaume.
Uni, ne s'applique pas seulement à l'Ir-
lande : elle commence à faire des progrès?
dans la Grande-Bretagne proprement aiteg
à prendre le caractère d'un programme po-
litique et à rallier un embryon de parti
destiné à croître et à jouer un rôle parle*
mentaire.
Les home rulers écossais et gallois ont
tenq. hier une réunion à Westminster. Ils
ont adopté une résolution portant que.
l'heure était venue où les populations der
l'Ecosse et du pays de Galles devaient pren-
dre la direction de leurs propres affaires*
tout en respectant la suprématie du Parle-
ment impérial.
On a décidé la nomination d'un comité
de douze membres chargé de travailler à la
réalisation de l'œuvre ci-dessus mentionnéer
et de faire un rapport qui sera lu dans una
prochaine conférence à laquelle seront con-
voqués, si cela est jugé nécessaire, des mem-
bres anglais et irlandais.
LE DRAME DE METERLING
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Vienne, 86 février. »
La baronne de Vetsera, mère de la jeune vi
time du drame de Meyerling, a remis entre lei,
mains d'un éditeur anglais une nouvelle bro-
chure qui sera publiée dans le courant dll
mois de mars prochain. 1
L'ÉLECTION DE SAINT-DIÉ
La commission d'enquête sur l'élection Pi £
cot a élu président M. Buvignier et secrétaire
M. Cornudet.
- Elle a désigné une délégation de sept mem-y
bres chargée d'aller procéder à l'enquête,
Saint-Dié. Cette délégation comprend M. Jule:
Develle, président ; M. Viger, secrétaire, et MM j
Cordier, Trouillot, Merlou, Horteur et Caza*
vieilh.
CINQ Ceiitimes- Parle et Départements - CINQ Centimes
VENDREDI 23 FÉVRIER 1890
JOURNAL RÉPUBLICAIN
RÉDACTION
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DIRECTEUR POLITIQUE
A. - EDOUARD PORTALIS
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Le» abonnement» partent da 1" et 15 de chaque mois
Adressa télégraphique : XIX. sIÈCLE: - PARIS
ÈUNION DES DÉPUTÉS RÉPUBLICAINS
LA
CONFÉRENCE DE BERLIN
H. Georges Hugo et les nsnriers
ACQUITTEMENT DE M. DE CAUNES
(Un adultère en province)
LES MÉDECINS
Le temps est passé où, pour rendre
leurs ordonnances, les médecins enfi-
laient la robe et coiffaient le bonnet
pointu. En notre siècle démocratique,
l'uniformité du costume est un hom-r
mage rendu au principe de l'égalité,
à peu près comme l'hypocrisie est un
hommage rendu à la vertu. On ne
connaît plus guère que les gens du
Palais qui soient obligés de s'affubler
d'un vêtement de circonstance pour
Mf se livrer à l'exercice de leur profes-
sion.
Mais si les médecins ont perdu leur
-- robe, ils ont gardé leur privilège. Il
faut encore une autorisation en due
forme de la Faculté pour purgare, sei-
gnare, clysterium donare. L'exhibition
d'un diplôme est nécessaire à qui veut
soigner ses semblables, et l'on ne peut
pas être médecin comme on est négo-
ciant, artiste ou littérateur.
C'est dans le but, dit-on, de proté-
ger le public contre les charlatans et
les empiriques, que l'obligation du di-
plôme a été imposée. La précaution
prise atteint-elle le but qu'on s'est
proposé en l'établissant? Serait-il,
au contraire, expédient d'y renoncer?
La question pourrait offrir matière à
d'intéressantes et platoniques contro-
verses. L'intérêt pratique en est mé-
diocre, car personne, en France, ne
songe, que je sache, à réclamer la li-
berté de la médecine.
Mais si l'on ne propose point d'a-
broger les dispositions essentielles de
la loi du 19 ventôse an XI qui régle-
mente l'exercice de la profession mé-
dicale, on se préoccupe fort de les
modifier, même de les étendre. La
Chambre est saisie de plusieurs pro-
jets sur la matière.
C'est ainsi qu'on semble d'accord
pour supprimer l'officiat de santé. Au
moins l'entente s'est-elle établie là-
dessus entre les auteurs de plusieurs
projets. Il est permis de croire, au
reste, que les candidats à ce sous-doc-
torat deviendront bientôt de plus en
plus rares, avec les dispositions nou-
velles de la loi militaire qui n'accorde
plus qu'aux docteurs la dispense de
deux ans de service.
On paraît aussi disposé à refuser
aux médecins étrangers le droit d'exer-
cer en France, s'ils n'ont obtenu le
même diplôme que nos compatriotes.
C'est une mesure de protection, comme
dit l'un des auteurs des projets. Et
tout, comme certains médicaments, la
protection en cet instant à la vogue.
Il faut reconnaître d'ailleurs qu'il ne
paraît que juste de soumettre les
étrangers au même régime que les
Français, en France. Il conviendrait
toutefois de ne pas écarter, par une
mesure trop brutalement générale,
des praticiens et des savants de dis-
tinction, qui peuvent puissamment
contribuer aux progrès de l'art médi-
cal. Le problème réclame un examen
attentif et désintéressé.
Mais tandis qu'on éliminerait ainsi
du corps médical un certain nombre
- de ses membres, — officiers de santé,
docteurs étrangers,-on s'efforce par
d'autres moyens de lui conquérir de
nouvelles recrues.
Depuis plusieurs années, il est fait
de louables efforts pour relever le ni-
veau d'une profession qui touche de
près à l'art médical, qui en est une des
branches secondaires. Nous voulons
parler de la profession de dentiste.
Des écoles dentaires ont été fondées à
Paris, un enseignement s'y est installé.
Il a été justement encouragé par les
assemblées délibérantes et les pouvoirs
publics.
Voici aujourd'hui que l'on parle de
réglementer la profession elle-même.
La proposition en est faite à la Cham-
bre par M. le docteur David, qui a
toute qualité pour prendre la question
en main.
Dorénavant, nul ne pourrait exercer
la profession de dentiste s'il n'était
muni, sinon du titre de docteur, au
moins d'un diplôme spécial délivré
1 par une Faculté de l'Etat. D'aucuns
même vont plus loin et réclament
comme condition sine qua non le di-
plôme de docteur.
Il nous semble que c'est aller un
peu loin. Nous démêlons fort bien les
mobiles qui guident les auteurs de ces
propositions. Il y en a de fort légi-
times. Il. en est qu'il est peçjnis de
trouver peu sérieux. Certains mem-
bres de la corporation se trouvent
froissés en leur amour-propre
qu'on soit libre d'exercer l'état de
dentiste comme on fait celui de cha-
pelier ou de bottier. Mais je me per-
mets de trouver un habile cordonnier
de beaucoup supérieur à un mala-
droit dentiste, fût-il d'ailleurs doc-
teur de toutes les facultés.
C'est toujours la vieille et ridicule
distinction entre les professions libé-
rales et les autres. Nous sommes tra-
vaillés, — plus Chinois cent fois que
les fils du Ciel, — de l'amour du bou-
ton et de la manie du mandarinat.
Les titres de noblesse s'en vont, mais
les diplômes leur succèdent, et les dé-
corations. Après avoir réclamé l'éga-
lité pour tous avec une passion fa-
rouche, chacun s'acharne avec un
empressement comique à se distinguer
de son voisin.
La question est bien simple. La
santé publique est-elle intéressée à ce
que la profession de dentiste soit tout
aussi strictement réglementée que celle
de médecin? Sans doute, le publiccest
intéressé à ce qu'un enseignement
odontologique sérieux soit donné
dans les Facultés de l'Etat, que des
cliniques dentaires soient installées
dans les hôpitaux, que les cours
suivis aient pour sanction un certifi-
cat spécial. Qu'on punisse rigoureuse-
ment l'usurpation du titre officiel, à
merveille.
Le public ainsi sera prévenu. Il
pourra s'adresser, en connaissance de
cause, aux praticiens qui lui offrent
le plus de garanties. L'Etat, les com-
munes, les établissements publics ré-
serveront, s'ils le jugent bon, leur
clientèle aux diplômés. C'est bien,
mais c'est suffisant.
Pas de réglementation inutile. A
l'heure où l'on fait de si judicieux ef-
forts pour jeter bas l'ordre des avo-
cats, allons-nous faire naître des cor-
porations nouvelles? Le moment serait
mal choisi.
A. Millerand.
Le XIXe SIECLE publiera demain la
» Vie de Paris » par Henry Fouquier.
HERBERT DE BISMARCK A NICE
Séjour à Paris. — Une disgrâce
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 26 février.
On annonce le prochain départ du comte
Herbert de Bismarck pour Nice, où se trou-
vent en ce moment quelques-uns de ses
amis intimes, dont le baron Greinier et le
baron Hans de Bleichsrœder.
Le comte de Bismarck passera par Bruxel-
les et Paris,où il séjournera quelques jours.
Il sera accompagné de M. le baron de Nols-
tein, ancien secrétaire du prince de Bis-
marck, actuellement conseiller intime du
ministre des affaires étrangères.
On remarque à Berlin que ce voyage
donne une certaine confirmation aux bruits
qui ont couru d'un refroidissement sur-
venu dans les rapports de l'empereur et du
comte.
On donne comme explication de cette
disgrâce l'attitude jugée déplacée du comte
Herbert dans les observations qu'il aurait
présentées à l'empereur au sujet de ses
projets économiques.
AGAPES BOULANGISTES
Plus d'indiscrètions.-Un banquet com-
mémoratif à Tours.
Le comité boulangiste a tenu hier sa réu-
nion ordinaire, et, comme peu de choses
intéressantes ont été débattues, il a été dé-
cidé qu'à l'avenir les membres devront gar-
der le silence le plus absolu sur les délibé-
rations du comité, car, des indiscrétions
ayant été commises, plusieurs membres ont
menacé d'envoyer leur démission.
Toutefois, nous savons que le comité a
accepté l'invitation que vient de lui adres-
ser le nouveau « comité républicain natio-
nal anti-opportuniste d'Indre-et-Loire" à
un banquet qui aura lieu à Tours le 16
mars prochain, à l'occasion de l'anniver-
saire du voyage du général Boulanger en
1889 à Tours, et du succès des candidats
boulangistes aux élections de Paris.
Le comité central sera représenté par
MM. Laguerre,Millevoye, GoussotetJourde.
En dehors de ces représentants à titre
officiel, MM. Naquet, Déroulède, Laur , Ro-
bert Mitchell, Pierre Richard, Le Hérissé et
Marius Martin ont promis leur concours.
UNE REINE CONTRE UN JOURNALISTE
Un procès intéressant
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTIouLÜm)
Belgrade, 36 février.
Un procès qui pourra devenir célèbre va
être bientôt plaidé à Belgrade.
Il est intenté par la reine Nathalie à
M. Vladimir Djordjevitch, ancien ministre
de l'instruction publique et actuellement
directeur du journal Otasbina (la Patrie),
pour avoir prétendu que la reine Nathalie
aurait déclaré qu'elle favoriserait toujours
l'influence russe, lors même que la Russie
serait l'ennemie de la dynastie des Obre-
nowitch.
La reine a démenti de tels propos ; mais
M. Djordjevitch, loin de se rétracter, a
maintenu ses affirmations. D'où les pour-
suites judiciaires.
M. ZOLA EN RUSSIE
'¡'E NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Saint-Pétersbourg, 26 février.
Les ,Î').:i,lrnanx de notre ville annoncent que
M. Zola ddcliné l'invitation de la Société lit-
téraire. q ici, à venir faire quelques confé-
rences (,ii;vaut le public pétersbourgeois.
LES RÉPUBLICAINS
RÉUNION PLÉNIÈRE
DES DÉPUTÉS DE LA MAJORITÉ
La question des grandes réunions. —
L'accord entre la majorité et le gou-
vernement. — Les anciens dépu-
tés et les nouveaux. — La
proposition adoptée.
La réunion plénière des gauches a eu lieu
hier, ainsi que nous l'avions annoncé.
A trois heures et quart, M. Noël Parfait,
président, a pris place au bureau et a dé-
claré la séance ouverte.
M. de Lanessan rappelle que les réu-
nions plénières devaient être périodiques et
soutient qu'elles constituent le meilleur
moyen de consolider l'union des représen-
tants républicains du pays.
Il a fait part au gouvernement de la réu-
nion de ce jour. Le président du conseil lui'
a déclaré qu'il y assisterait avec plusieurs
de ses collègues.
M. de Lanessan termine en disant que
l'acçord entre les membres de la majorité
et les membres du gouvernement ne pou-
vait qu'être fertile en bons résultats, et de-
vait produire une excellente impression sur
le suffrage universel et sur les fonctionnai-
res.
M. Clech présente quelques observa-
tions. « Il me paraît, dit-il, que l'union
n'est pas suffisamment grande entre les
anciens et les nouveaux députés. Les nou-
veaux élus sont encore imolé;3 et ne se con-
naissent pas entre eux.
"Ils ont eu peu de place dans la formation
de la commission des 55. Il serait à désirer
qu'ils fussent plus largement traités lors de
la formation de la commission du bud-
get. »
M. Bouge proteste contre le sens de ces
observations : « L'accord est aussi complet
que possible entre les anciens et les nou-
veaux venus. » Il s'élève contre tout élé-
ment de division.
M. Delpech appuie la protestation de
M. Bouge.
M. Pourquery de Boisserin appelle
sur les nouveaux venus la bienveillance
des anciens :
« La réunion plénière doit être une école
où les nouveaux se formeront. »
Il ajoute :
« Je demande la rédaction d'un pro-
gramme des réformes à accomplir, pro-
gramme qui représentera le minimum des
opinions des uns et le maximum des con-
cessions des autres.
» Pourquoi ne nommerait-on pas une
commission chargée de se livrer à ce tra-
vail ? S'il se trouve un ministère pour l'ac-
cepter, la majorité arrivera à la un de son
mandat avec la conscience de l'avoir bien
rempli.
» Ce sera l'œuvre dé la législature et nous
aurons ainsi assuré la stabilité ministérielle.
Ce n'est pas trop de trois ans pour accom-
plir la réforme de l'impôt, la réforme finan-
cière, pour aboutir à la réforme, sociale. »
Proposition Dreyfus
M. Camille Dreyfus constate que le
gouvernement n'est pas présent et propose
de lever la séance. Il pense qu'il est inutile
d'avoir recours en temps ordinaire au sys-
tème des réunions plénières, qui n'ont leur
raison d'être que quand la République est
en péril et qu'il se trouve un ministère pour
se mettre à la tête de la majorité.
— Nous sommes ici en famille, dit l'ora-
teur, et nous pouvons parler librement.
Eh bien ! ce qui se passe depuis le com-
mencement de la législature démontre la
nécessité de reconstituer les groupes. On
ne peut travailler que dans les groupes, ce
qui n'empêche pas la majorité de se ral-
lier à une action commune. Voyez ce qui
s'est passé lors de la dernière législature :
les groupes se sont trouvés d'accord pour
défendre la République.
— Après l'avoir mise à mal ! crie un mem-
bre.
— C'est comme le sabre de M. Joseph
Prudhomme ! reprend un alltre.
Groupes d'études
M. Chautemps combat l'opinion de M.
Dreyfus.
« Les réunions plénières n'empêcheront
pas l'initiative parlementaire de se mani-
fester.
» Ce que l'on cherche actuellement, c'est
une méthode de travail.
» Il n'y a pas d'opinion favorable à la re-
constitution des groupes politiques, mais
on pourrait constituer des groupes d'étude
pour des réformes déterminées, telles que
la réforme administrative, la réforme fis-
cale, la réforme judiciaire, la réforme so-
ciale, etc., analogues au groupe industriel,
au groupe agricole. »
M. Lockroy s'étonne, quand on voit
tant de républicains réunis dans une même
salle, qu'on puisse critiquer le principe
des réunions plénières.
« On a fait l'expérience des groupes et on
a vu à quels résultats déplorables on a
abouti.
"Si l'on ne forme que des groupes d'études
économiques, il faut renoncer à étudier les
questions politiques, car ce n'est pas en
séance publique et devant des adversaires
que l'on peut provoquer certains dé-
bats.
» Il est donc bon que le gouvernement
vienne s'entretenir de ces choses avec la
majorité. Il est bon qu'il vienne également
s'expliquer sur les réformes à l'ordre du
jour et sur les questions sociales qui solli-
citent l'attention des représentants du
pays. »
M. Chautemps. — Je demande qu'on
vote sur ma proposition.
A ce moment, M. Tirard et M. Rouvier
entre dans la salle, puis MM. Faye et Yves
Guyot.
Discours de M. Tirard
M. Tirard prend aussitôt la parole et
s'exprime ainsi :
Messieurs,
J'ai pensé qu'il pouvait y avoir avantage à
nous mettre en relations intimes avec la ma-
jorité républicaine. Il paraît qu'en acceptant
de me rendre, à cette réunion, j'ai commis un
crime, que j'ai compromis notre dignité et
que j'ai affaibli le gouvernement, et que nous
sommes les prisonniers de la majorité ou de
la partie de la majorité qui a pris l'initiative
de cette réunion. On a dit qu'en ce faisant,
notre seule pensée avait été de conserver nos
portefeuilles.
Ces commentaires désobligeants n'ont rien
qui me trouble. Je crois que le gouverne-
ment, sans rien sacrifier, sans rien perdre de
son autorité, peut venir causer avec la majo-
rité des questions qui intéressent le pays.
Cette coutume n'est pas nouvelle. Elle existe
dans tous les pays libres : la Belgique, l'An-
gleterre.
Notre premier devoir est de donner satis-
faction au uava. Il v a un point sur lequel le
veux m'expliquer, c'est celui relatif à la situa-
tion économique dans laquelle nous nous
trouvons. Quelle est cette situation ?
M. Tirard expose que les traités de com-
merce expirent dans deux ans. On dit que
ce délai est bien court pour prendre des
décisions graves, préparer l'établissement
d'un tarif général, pour étudier les ques-
tions qui s'y rattachent. De là une certaine
inquiétude. On fait remarquer que, lors de
l'établissement du tarif actuel, il a fallu une
enquête qui a duré de 1876 à 1882. Mais c'est
qu'a cette époque rien n'avait été fait et que
l'ancien régime douanier datait de la fin du
dernier siècle. Il fallait établir les droits
ad valorem et les droits spécifiques.
Je veux, ajoute le président du conseil,
rassurer les inquiétudes. Le terrain est dé-
blayé par les travaux accomplis en 1882. Les
questionnaires ont été envoyés, les réponses
arrivent. Certaines sont en retard ; mais des
lettres de rappel ont été écrites et le gouver-
nement vous présentera, dans un délai qui ne
peut être éloigné, un nouveau tarif général,
qui sera aussi favorable que possible aux in-
térêts du p
Mais le rôft!'" du gouvernement est difficile,
et il lui faut tenir compte de considérations
générales, car la France ne vit pas isolée en
Europe.
J'espère que nous pourrons prochainement
discuter ensemble ces grandes questions.
En terminant, M. Tirard ajoute que le
gouvernement ne prend pas l'engagement
de se.rendre à toutes les réunions plénières,
mais * il sera heureux de le faire toutes les
fois qu'il constatera qu'il y a intérêt à con-
férer avec la majorité.
M. Bourgeois, du Jura, demande que le
gouvernement étudie l'établissement d'un
tarif intérieur fiscal sur certaines matières,
comme, par exemple, la laine et la soie, qui
ne figurent au tarif général des douanes
que pour des chiffres insignifiants.
M. Millerand demande à interroger le
gouvernement sur une question qui préoc-
cupe vivement l'opinion publique.
Il s'agit de l'attitude que compte prendre
le gouvernement à l'occasion de la confé-
rence de Berlin.
M. Tirard déclare qu'il ne peut ré-
pondre à cette question et qu'il sera obligé
de se retirer si une discussion s'engageait
sur ce point.
En présence de cette déclaration, M. Mil-
lerand n'insiste pas.
Motion de Lanessan
M. de Lanessan remercie M. Millerand
de n'avoir pas insisté. Il propose de renon-
cer à la périodicité des réunions et de lais-
ser au gouvernement le soin de convoquer
la majorité quand il le jugera néces-
saire.
Cette motion est adoptée à l'unanimité.
M. Dujardin- Beaumetz demande à M.
Rouvier de fournir quelques explications
sur le budget.
M. Rouvier répond qu'il n'a pas les élé-
ments nécessaires pour le faire. Le budget
sera prochainement distribué. Il est donc
préférable, pour fournir des explications,
d'attendre que la majorité ait pris connais-
sance de ce document.
La réunion comprenait deux cents dépu-
tés républicains environ.
LA CONFERENCE DE BERLIN
La France et l'Angleterre à Berlin. —
Les motifs de M. Spuller. — Un
nouveau type de diplomates..
Les invitations à la conférence convoquée
à Berlin par l'empereur Guillaume II ont
été, e ce qu'annoncent les journaux offi-
cieux allemands, remises mardi dernier
aux diverses puissances.
La date de la réunion est très rapprochée :
elle est fixée au samedi 15 mars.
Après messieurs les Anglais
Le gouvernement français a fait connaî-
tre déjà son intention d'accepter l'invitation
allemande et de se faire représenter à la
conférence. Il a réglé son attitude sur celle
de l'Angleterre qui, d'après les déclarations
faites à la Chambre des communes par le
sous-secrétaire d'Etat au Foreing-Office,
sir J. Fergusson, a accepté de participer à
la conférence à la condition que la législa-
tion internationale qui y sera élaborée soit
en accord avec les principes de la législa-
tion anglaise.
Une note émanée du ministre des affai-
res étrangères annonce que M. Spuller est
décidé à envoyer, comme délégués de la
France à la conférence, plusieurs écono-
mistes, mais en faisant d'avance un certain
nombre de réserves.
Une conférence platonique
Ces réserves sont déjà, en partie, rendues
superflues par l'attitude de l'Allemagne,
qui a modifié ses premières propositions
et se borne maintenant à réunir une confé-
rence purement économique et théorique,
sur les questions ouvrières, comme celle
que la Suisse avait convoquée et qu'elle
s'est décidée à ajourner sine die.
Cette conférence n'ayant à prendre au-
cune résolution obligatoire pour les Etats
qui y auront pris part, et ne pouvant que
formuler des avis et poser, s'il y a lieu, des
principes théoriques de législations, ne sera
pas composée de diplomates, mais de délé-
gués des divers pays, ayant autorité et com-
pétence dans les questions économiques
Le français langue diplomatique
Les discussions de la conférence auront
lieu, autant que possible, en français ; c'est
en français que seront rédigés les procès-
verbaux, les actes et les conclusions de
tout genre. -
Cet emploi de la langue française n'est
pas une concession faite à la France ou ré-
clamée par elle : c'est l'application d'une
règle diplomatique qui a toujours force de
loi et qui veut que la langue française soit
employée dans les tractations entre pays
qui ne parlent pas la même langue.
Non seulement le traité de Berlin de 1878
et la convention du Congo, discutée et con-
clue à Berlin, ont été rédigés en français
ainsi que leurs protocoles, mais c'est en
langue française qu'ont été dressés la con-
vention de Samoa et ses protocoles entre
l'Angleterre, les Etats-Unis et l'Allemagne,
représentés à Berlin par des plénipoten-
tiaires parlant anglais et allemand.
On annonce que la conférence sera pré-
sidée, non par le prince de Bismarck ou
son fils, mais par M. de Berlepsch, le
nouveau ministre du commerce choisi par
l'empereur Guillaume.
L'abandon de la conférence suisse
Notre correspondant particulier nous
adresse 9, ce sujet la dépêche suivante :
« Berne, 26 février.
» Dans nos sphères officielles, on déclare
qu'il aurait suffi qu'un seul gouvernement
exprimât son désir de voir maintenir la
conférence de Berne pour que celle-ci fût
maintenue. On est étonné que la France
n'ait pas fait une déclaration dans ce sens. »
CHRONIQUE
Ce m'est toujours un plaisir de philoso-
pher sur les contradictions des jugements
umains. -
L'histoire que je vais conter est bien
simple, bien commune, et elle s'est dé-
nouée, comme tant d'autres du même
genre, devant les assises. C'est là que je
l'ai recueillie.
Un cordonnier, du nom de Protandaro,
avait séduit une jeune couturière, Thé-
rèse Daniel ; il lui avait formellement pro-
mis de se marier avec elle, et elle n'avait
cédé à ses instances que sur cette pro-
messe. La réalité de cet engagement a été
plus tard établie aux débats, et, du reste,
le galant cordonnier n'a jamais nié qu'il
l'eût pris. Il s'est contenté de dire que
ces sortes de paroles ne comptaient
point.
La pauvre fille devient enceinte. Elle
réclame l'exécution de la promesse qui lui
avait été faite. Elle représente en vain à
son amant qu'elle n'a jamais appartenu
qu'à lui, que cet enfant qui va venir crée
entre eux deux un lien qu'il serait mons-
trueux de rompre. L'homme ne lui ré-
pond qu'en la jetant à la porte. Car ils
vivaient maritalement.
Supposons que cet infortunée coutu-
rière eut introduit une instance devant
les tribunaux ét, s'armant de cette pro-
messe de mariage que son amant ne con-
testait pas, l'eût sommé de la tenir, il est
probable qu'elle n'aurait obtenu des ju-
ges qu'une remontrance sur le danger
que courent les jeunes filles à écouter
trop complaisamment les propos séduc-
teurs des Don Juan ; on l'eût, après lui
avoir fait un petit bout de morale, débou-
tée de sa demande, et elle s'en fût retour-
née avec sa courte honte.
Le monde eût approuvé. Vous me direz
que le monde ne prend pas trop garde
aux amours des cordonniers et des cou-
turières. Mais il y a monde et monde, et
chaque condition sociale a le sien. Le
monde où vivent les couturières et les
cordonniers aurait donné tort à la jeune
fille : c'était à elle à ne pas se laisser en-
jôler ; il aurait répété le refrain de la chan-
son célèbre :
V'la c'que c'est,
C'est bien fait,
Fallait pas qu'y aille 1
C'est bien fait.
Elle eût été perdue de réputation, mon-
trée au doigt, vilipendée, insultée peut-
être, tandis que l'heureux gaillard, envié
et feté de ses camarades, se serait amusé
avec eux du chagrin et de la honte de la
pauvre fille.
C'est ainsi en effet que les choses se
passent dans notre pays chevaleresque.
Mais voici que la trop sensible coutu-
rière, furieuse d'avoir été trompée et dé-
laissée, se munit d'un flacon de vitriol,
guette son infidèle au passage et lui en
lance le contenu à la figure. Le liquide
corrosif atteint l'œil droit, qui sera à ja-
mais perdu.
Voilà sans doute une action abomina-
ble. Personne n'a le droit de venger soi-
même ses injures, et surtout de les ven-
ger de cette façon-là. S'il peut encore y
avoir quelque hardiesse à se jeter sur un
homme un couteau à la main, à cou-
rir, pour le tuer, le risque d'un mau-
vais coup, il n'y a rien de plus vil et par
conséquent de. moins excusable que d'at-
tendre, tapie dans l'ombre, qu'il passe,
de lui lancer sournoisement du vitriol au
visage, et de s'enfuir. La femme qui agit
de la sorte ajoute donc à une faute, déjà
condamnée par le monde, un crime qui
ne peut qu'être exécré par lui. Il semble
qu'elle doive ameuter contre elle l'opinion
publique.
Ah ! que vous êtes loin de compte !
Il est vrai que l'on arrête Thérèse Daniel
et qu'on la traduit devant les assises.
Mais là, elle trouve tous les esprits retour-
nés en sa faveur. Le cordonnier arrive,
son emplâtre sur l'œil, pour déposer, et le
président renvoie à sa place ce vilain
borgne, après l'avoir tancé d'importance
sur l'horreur de sa conduite. Il est hué
de l'auditoire. Elle, c'est une autre affai-
re: on l'interroge avec douceur; on la
plaint; les femmes pleurent tandis qu'elle
conte sa malheureuse aventure ; le banc
des accusés lui est un piédestal où elle se
dresse, le front nimbé d'une auréole. Le
ministère public ne requiert contre elle
que pour la forme ; il sollicite les circons-
tances atténuantes ; il abandonnerait l'ac-
cusation s'il osait, car il la sait perdue
d'avance.
Le jury se retire pour en délibérer, et
ne délibère point. Il acquitte d'un même
élan à l'unanimité. S'il en avait le droit,
c'est le borgne qu'il condamnerait aux
galères. Le misérable! réduire une femme
à lui jeter du vitriol à la figure! Ah!
qu'elle a dû souffrir! Et l'on ne peut rien
contre lui ! On peut tout au moins lui in-
fliger une leçon, en acquittant avec ac-
clamation son infortunée victime, la vi-
trioleuse 1
Le chef du jury rentre en séance, il lit
d'un air de triomphe le veiiLict vengeur,
le verdict d'acquittement ; le public ap-
plaudit, les femmes fondent en larmes;
Thérèse Daniel s'évanouit, presque suffo-
quée de reconnaissance et de joie.
Ah ! mon Dieu ! la voilà qui se trouve
mal ! On s'empresse autour d'elle ; les ju-
rés se réunissent et font une collecte ; les
avocats joignent leur obole. On lui remet
la somme avec des compliments et des
excuses ; c'est une héroïne ; le cordonnier
n'a plus qu'à se cacher. Pour un peu, on
lui ferait un mauvais parti.
Ne trouvez-vous pas cette contradiction
bien curieuse ?
L'homme promet le mariage à une fille,
la séduit, la rend mère et l'abandonne.
Si la fille se plaint et réclame le mariage
par les voies légales, personne ne l'écoute;
elle est déshonorée, et l'amant fait le ioli
coeur, avec l'approbation de tout I(
monde.
Si, au contraire, elle se venge bass
ment, lâchement, par un procédé abomi-
nable; si elle commet un crime qui est
une infamie, on l'admire, on l'acclame,
on lui donne de l'argent, on la reconduit
en triomphe, et l'amant, honteux, confus
et borgne, se terre dans son déshon-
neur.
Et, cependant, ces inexplicables extra-
vagances s'expliquent; car tout s'explique
en ce bas monde, tout ayant sa raison
d'être.
Le Code, sur certains points, n'est plus
en harmonie avec nos mœurs. Il ne recon-
nait aucune valeur aux promesses de ma-
riage, il défend la recherche de la pater-
nité. Tout le monde sent bien qu'il y a
des cas où la loi aboutit à des conséquen-
ces absurdes et sauvages. Il est clair que,
dans le cas qui nous occupe, si la loi avait
pu quelque chose pour cette malheureuse
fille, séduite et rendue mère par un love-
lace; si elle avait pu forcer le père à re-
connaître son enfant et à l'élever, à don-
ner, au défaut de son cœur et de sa vie,'
un dédommagement à la mère, un dédit
pour résiliation de contrat, cette Thérèse
Daniel s'en fût contentée ; ou si elle ne
l'avait pas fait, si, après avoir obtenu sa-
tisfaction, elle se fût vengée encore, elle
n'eût pas manqué de se mettre à dos tout
le public ; il y aurait eu sur elle un grand
haro. ,-.
Mais l'appui de la loi lui a manque.
Tout le monde se dit qu'elle n'avait plus
d'autre ressource qu'un parti violent ; on
lui sait un certain gré de l'avoir pris crâ-
nement, au hasard de ce qui pourrait ar-
river. Elle apparaît comme une justicière;
s'armant du droit naturel contre le droit
écrit, vengeresse de la morale, opprimée
en sa personne et désertée par la loi.
Et remarquez que dans toutes les affai-
res de ce genre, c'est ainsi que les choses
se terminent, par l'apothéose de la femme
criminelle. Il n'y a de tous ces faits qu'une
conclusion à tirer : c'est que si, en effet,
notre Code est dans quelques-uns.de ses
articles en formelle contradiction avec le
droit naturel et avec le sentiment du
peuple, il faut absolument le reviser.
Il est de fort mauvais exemple de
voir acquittées coup sur coup toutes les
femmes trompées qui se vengent de leur
amant ou de leur mari par le vitriol, le
poignard ou le pistolet. Mais on n'obtien-
dra jamais une condamnation du jury,
tant que les avocats pourront invoquer
en faveur des vitrioleuses des excuses
fournies par le Code, tant qu'on pourra
les considérer comme des victimes de la
loi.
Francisque Saroey.
LE LEGS RAMPAL
Arrestation d'un agent infidèle.
Il y a quelques années. M. Rampal lais-
sait, après décès, un million de fortune à
la Ville de Paris, à la charge pour elle d'en
employer le revenu à des prêts à consentir
à des associations ouvrières.
La préfecture de la Seine avait charge do
l'administration de ce legs M. Dupenlouz,
commis-rédacteur, qui avait dans ses attri-
butions la surveillance des asiles de nuit.
Au mois d'octobre dernier, M. Dupenlouz
engageait ou essayait d'engager au Mont-
de-piété « cinq cents" draps de lit achetés
pour le service des asiles.
La supercherie de cet agent était trop
apparente. Il fut mis à la retraite d'office.
sans qu'aucune poursuite judiciaire fût
demandée contre lui. Il n'a, du reste,
rien perdu pour attendre.
Il y a quelques jours, la Ville de Paris ré-'
clamait a un syndicat d'ouvriers en me-
nuiserie la somme de 7,000 francs, que cette
association devait sur un emprunt fait au
legs Rampai. L'administrateur délégué de
cette société avait entre les mains un reçu.
de cette somme, qui avait été versée entre
les mains de M. Dupenlouz.
Interrogé, cet agent infidéle a tout avoué;
il a été écroué aussitôt à Mazas.
HOME RULE SUR TOUTE LA LIGNE
Réunion à Westminster. — Décisions.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Londres, 96 février.
L'idée du home mie, c'est-à-dire de l'ad{
tonomie des grandes divisions du Royaume.
Uni, ne s'applique pas seulement à l'Ir-
lande : elle commence à faire des progrès?
dans la Grande-Bretagne proprement aiteg
à prendre le caractère d'un programme po-
litique et à rallier un embryon de parti
destiné à croître et à jouer un rôle parle*
mentaire.
Les home rulers écossais et gallois ont
tenq. hier une réunion à Westminster. Ils
ont adopté une résolution portant que.
l'heure était venue où les populations der
l'Ecosse et du pays de Galles devaient pren-
dre la direction de leurs propres affaires*
tout en respectant la suprématie du Parle-
ment impérial.
On a décidé la nomination d'un comité
de douze membres chargé de travailler à la
réalisation de l'œuvre ci-dessus mentionnéer
et de faire un rapport qui sera lu dans una
prochaine conférence à laquelle seront con-
voqués, si cela est jugé nécessaire, des mem-
bres anglais et irlandais.
LE DRAME DE METERLING
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Vienne, 86 février. »
La baronne de Vetsera, mère de la jeune vi
time du drame de Meyerling, a remis entre lei,
mains d'un éditeur anglais une nouvelle bro-
chure qui sera publiée dans le courant dll
mois de mars prochain. 1
L'ÉLECTION DE SAINT-DIÉ
La commission d'enquête sur l'élection Pi £
cot a élu président M. Buvignier et secrétaire
M. Cornudet.
- Elle a désigné une délégation de sept mem-y
bres chargée d'aller procéder à l'enquête,
Saint-Dié. Cette délégation comprend M. Jule:
Develle, président ; M. Viger, secrétaire, et MM j
Cordier, Trouillot, Merlou, Horteur et Caza*
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