Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-02-25
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 25 février 1890 25 février 1890
Description : 1890/02/25 (A19,N6616). 1890/02/25 (A19,N6616).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7560155k
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Dix-neuvième année. — N° 6,616 CIN 0 C0HtlïXlGS Païis et Départements - CINQ Centimes MARDI FÉVRIER 1800
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LA FRANCE ET LA RUSSIE
Correspondance de Saint-Pétersbourg
; LE CAS DU GÉNÉRAL CASTEX
0
A propos des viandes étrangères
LA FIN D'UN ÉTUDIANT
LES TARIFS
De toutes les questions que la com-
mission des chemins de fer aura à
étudier, il n'en est pas, sans doute, de
plus grave que celle des tarifs des
grandes compagnies.
Elle vient d'être mise à l'ordre du
jour de ses travaux par le dépôt, sur
le bureau de la Chambre, d'une pro-
position de M. Camille Pelletan. Son
'exposé des motifs n'est autre que le
texte du très remarquable rapport
L présenté l'an dernier sur ce suj et par
le député des Bouches-du-Rhône.
On sait combien vives et répétées
ont été les plaintes du commerce, de
l'industrie, de l'agriculture, au sujet
des conditions que mettent au trans-
port de leurs produits les grandes com-
pagnies de chemins de fer.
Ces plaintes sont-elles injustifiées
ou seulement exagérées? Deux chiffres
vont répondre. La taxe moyenne de
petite vitesse était, en France, de
5 cent. 99 en 1866. Vingt ans après,
en 1885, elle s'élève encore à 5 cent. 9À.
Un centième de centime de diminu-
tion tous les quatre ans, c'est mai-
gre.
D'autant que c'est une loi générale
dont on peut vérifier l'application
dans tous les pays qui nous avoisi-
nent, que l'abaissement graduel des
tarifs. Veut-on des exemples?
En Allemagne, la diminution en dix
ans sur l'ensemble des chemins de fer
est de plus d'un centime. La moyenne
des prix, pour la tonne kilométrique,
tombe de 6 cent. 26 à 5 cent. 10. Ré-
sultat : une économie annuelle de
175 millions pour la production alle-
mande sous toutes ses formes.
En Autriche, c'est plus remar-
quable encore. De 1880 à 1886, la
moyenne des tarifs descende de 6
centimes 78 à 5 centimes 15. Aux
Pays-Bas, les réductions sont de près
de moitié. En Amérique, on est arrivé
à des résultats vraiment merveilleux.
On peut citer une compagnie qui, de
186A à 1881, a réduit ses taxes de 10
centimes à 3 centimes. Dans les Etats-
Unis tout entiers, la moyenne des ta-
rifs s'est abaissée en 1886 jusqu'à 3
centimes 3.
On comprend maintenant si nos
producteurs ont de bonnes raisons
pour dénoncer la rapacité des compa-
gnies françaises. Comment ne jette-
raient-ils pas les hauts cris lorsqu'ils
comparent, par exemple, le prix de la
tonne kilométrique de houille en Fran-
ce et dans les nations rivales ?
Nul produit plus nécessaire : le
pain de l'industrie, l'a-t-on appelé
avec raison. Il paie pour une même
quantité et une même distance 3 cent.
16 en Prusse, À cent. 63 pour les trois
quarts de notre pays.
Les conséquences de cette élévation
de nos tarifs sont multiples et désas-
treuses. La plus évidente est le ralen-
tissement du trafic. De 1883 à 1886,
tandis que le réseau ferré accroissait
de onze cents lieues l'étendue du terri-
toire qu'il couvre, la quantité des mar-,
chandises qu'il transporte tombait de :
11 milliards de tonnes kilométriques à
9 milliards 367 millions. On ne peut
attribuer cette diminution à la seule
crise qui pesa à cette époque sur le
commerce et l'industrie. La preuve
que l'exagération du prix des trans-
ports en fut la cause déterminante
est facile à rapporter. A la même épo-
que, le réseau de l'Etat, le seul qui ait
diminué ses prix dans une proportion
sérieuse, accroissait d'une façon con-
tinue son trafic, et le mouvement des
voies navigables, où les taxes sont ex-
trêmement réduites, s'augmentait de
hOO millions de tonnes kilométriques.
Cette constatation répond du même
coup à l'objection classique qui attend
les partisans de la diminution des ta-
rifs. a Prenez garde, leur réplique-
t-on, votre désir part d'un bon natu-
rel, mais il n'est point raisonné. Si
vous abaissez les taxes de transport,
du même coup, vous réduisez les re-
cettes. Et la garantie d'intérêt d'entrer
en danse. Et l'Etat, c'est-à-dire M.
Tout-le-Monde, d'être obligé de sortir
de sa poche de quoi combler des insuf-
fisances qui n'auront été créées que
4ans l'intérêt des transporteurs, c'est-
à-dire, somme toute, d'une mino-
rité. »
,)l convient d'abord de répondre que
l'effet d'incidence des tarifs de trans-
port atteint en l'espèce tous les con-
sommateurs, et que, par suite, l'effet
dénoncé se produisit-il, on ne ferait
que rendre d'une main ce qu'on a reçu
de l'autre.
Mais le raisonnement est tout entier
inexact, parce que les prémisses mê-
mes en sont fausses. Ce serait une er-
reur, en effet, de s'imaginer que l'a-
baissement des tarifs doive entraîner,
comme une conséquence immédiate et
directe, la diminution des recettes.
On néglige, en effet, ce détail essen-
tiel que le premier résultat de la di-
minution des tarifs est de provoquer
l'augmentation des transports. Il suf-
fit, pour s'en convaincre, de jeter les
yeux sur la Belgique, où les diminu-
tions successives de tarifs opérées de
1859 à 1869 se sont traduites par des
augmentations de recettes. C'est un
exemple. On en pourrait citer beau-
coup d'autres.
Ainsi, les grandes compagnies peu-
vent et doivent abaisser leurs tarifs.
Qui les y amènera, sinon le gouver-
nement, qui seul a qualité et autorité
pour leur parler? La dernière Chambre
l'avait compris. Elle avait invité, dès
1886, le gouvernement à entrer en re-
lations avec les compagnies pour faire
améliorer les tarifs, et aussi à consti-
tuer la grande commission qui, aux
termes des Conventions de 1883, de-
vait entreprendre la revision des taxes
de transport.
Le vote de 1886 est resté jusqu'à
présent lettre morte, et cette commis-
sion, qui devrait fonctionner depuis
sept ans, n'existe point encore. Sa
création est le premier acte par lequel
doit S'affirmer la volonté réformatrice
de la Chambre et du gouvernement.
Le pays attend qu'ils fassent leur
devoir.
A. Millerand.
Le XIXe SIECLE publiera demain la
t) Vie da Paris. par Henry Fouquier.
LA SITUATION EN BULGARIE
Révolution imminente — Les conseils
d'abdication de la princesse
Clémentine.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Belgrade, 23 février.
Les nouvelles de Sofia reçues ici présen-
tent la situation en Bulgarie comme très
menaçante pour la paix des Etats de la
péninsule des Balkans.
On est à la veille de graves événements.
Le prince Ferdinand de Cobourg, qui jus-
qu'ici avait réussi à se maintenir malgré
l'hostilité de la Russie, a perdu énormé-
ment de terrain dans l'opinion populaire.
Le parti russophile a reconquis une grande
influence.
La mère du prince de Cobourg, la prin-
cesse Clémentine d'Orléans, femme très in-
telligente et perspicace, conseille avec in-
sistance à son fils d'abdiquer, car elle com-
prend bien que sa position n'est plus tena-
ble. Le prince Ferdinand hésite; il recon-
naît bien que sa mère a raison, mais il croit
que son honneur lui impose d'attendre les
événements, et au besoin de les subir.
Dans ces derniers jours, le prince a reçu
de nombreuses lettres contenant des me-
naces de mort à propos de l'arrestation du
major Panitza; on lui signifie que, si ce
dernier est condamné, ces menaces seront
mises immédiatement à exécution.
Le clergé orthodoxe, très influent dans
les campagnes, prêche ouvertement le ren-
versement du prince de Cobourg, qui est
catholique.
Des tentatives de révolte ont eu lieu dans
diverses villes. A Sofia même on vient en-
core d'arrêter une dizaine de soldats qui
injuriaient le prince.
ÉCROULEMENT D'UNE VILLE
Ruines sur ruines. — Les victimes. —
Une destitution.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Naples, 23 février.
L'écroulement d'Arenuccia a coûté la vie
à vingt-deux hommes.
Le palais Noce, à Monticalvario, est en
ruines. Un seul blessé.
La maison numéro 62, rue Duchesca, s'est
abaissée de dix centimètres sur cinquante
mètres de superficie.
Le directeur du bureau de surveillance
des travaux urbains a été destitué par le
conseil municipal.
On se demande quel sera le résultat de
cette destitution sur les écroulements.
LA GUERRE AUX LIVRES FRANÇAIS
Les grammaires françaises bannies de
l'Alsace-Lorraine
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Strasbourg, 23 février.
On prête ici au statthalter d'Alsace-Lor-
raine l'intention d'interdire prochainement
l'entrée dans les provinces annexées des
livres français en général et des livres d'en-
seignement en particulier. Ces derniers,
notamment les grammaires de la langue
française, sont encore très répandues dans
les écoles de l'Alsace -Lorraine. Or, d'après
un rapport qui a été fait au prince de
Hohenlohe, les livres de provenance fran-
çaise empoisonnent l'esprit de la jeunesse
alsacienne-lorraine. Ces livres contien-
draient, en effet, d'après ce rapport, des
allusions dissimulées à la revanche. Cer-
tains libraires français ne reculeraient
même pas devant une propagande encore
plus accentuée en cachant des emblèmes
chauvins sous la forme d'annonces ou de
prospectus joints aux livres qu'ils expé-
dient en Alsace-Lorraine.
Il se cache sans doute sous ces dénoncia-
tions intéressées l'inspiration de quelque
éditeur allemand jaloux de voir que les
Alsaciens-Lorrains achètent plus d'ouvrages
français que de livres anemand.
FRANCE ET RUSSIE
UN ARTICLE DU MESSAGER RUSSE"
Menées de la quadruple alliance. — Di-
plomatie française et russe. — Di-
vergences et points de contact.
- Le rôle d'un ambassadeur.
—Ni boulangistes ni réac-
tionnaires. — Aveu-
glement de Na-
poléon III.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Saint-Pétersbourg, 20 février.
On s'entretient beaucoup, ici, d'un article
paru dans le dernier numéro du Messager
russe, une revue dont le directeur a l'avan-
tage d'être actuellement fort bien en cour.
Je me borne à en découper et à en traduire
les principaux passages ils présenteront
pour vous assez d'intérêt, je pense, sans
qu'il soit besoin d'y joindre aucun com-
mentaire. Vous remarquerez seulement que
le rédacteur, adoptant une opinion, ou
plutôt une façon de dire fort répandue en
Russie, considère comme un fait accompli
l'accession de l'Angleterre à l'alliance des
puissances centrales, qui se trouve ainsi
dénommée, sous sa plume, « la quadruple
alliance ».
Le président et le tsar
« Il est d'usage, dans les différentes cours
de l'Europe, que le chef de l'Etat saisisse
l'occasion qui lui est offerte par les récep-
tions du Jour de l'An pour prononcer quel-
ques paroles en l'honneur de la paix. Cette
année, l'usage en question n' a été observé
dans aucune des capitales des pays faisant
partie de la quadruple alliance. Il n'a pas
été question de paix à la cour des souve-
rains qui s'intitulent « membres de la Ligue
de la paix. » Seul le président Carnot, dans
son discours adressé au corps diplomatique
a accusé nettement les tendances pacifiques
de la France, son désir de vivre en bonne
intelligence avec ses voisins, ainsi que l'em-
pressement du gouvernement français à
contribuer de toutes ses forces au maintien
du repos universel. Quinze jours plus tard
nous avons accueilli avec joie l'expression
des mêmes sentiments pacifiques dans les
conclusions du rapport annuel présenté à
l'empereur par le ministre des finances de
Russie, lesquelles conclusions ont reçu leur
sanction dans la réponse faite par l'empe-
reur lui-même à une adresse de félicitation
du gouverneur général de Moscou.
Attitude des puissances centrales
"Une telle coïncidence n'est pas un effet du
hasard. Elle démontre l'identité de la ligne
politique suivie par les deux grands Etats
situés aux deux extrémités de l'Europe. Si
les puissances intermédiaires avaient réel-
lement à cœur la paix et l'équilibre de cette
partie du monde, elles devraient se féliciter
du parfait accord qui règne entre la France
et la Russie et le considérer comme une
garantie de la tranquillité générale Or,elles
ne cessent d'employer tous leurs efforts à
l'effet de troubler cet accord, voire même
de le rompre. N'indiquent-elles pas ainsi
que l'union franco-russe est un obstacle
insurmontable, qui les empêche de mettre
à exécution leurs propres velléités de vio-
lente expansion ? »
L'auteur de l'article attribue à cette dis-
position des puissances de la quadruple
alliance les ineptes calomnies qui ont couru
touchant l'attitude du président Carnot, à
qui on a attribué le dessein, tantôt d'aller
saluer l'empereur d'Allemagne à Bruxelles,
faute d'oser entreprendre une démarche
directe à Berlin, tantôt d'expédier à Metz
un envoyé spécial pour faire complimenter
le conquérant en plein pays annexé. De là
à conclure à on ne sait quelle tentative de
rapprochement entre la France et l'Alle-
magne, et, par voie de conséquence, à une
tension des rapports entre le gouvernement
français et la chancellerie russe, il n'y avait
qu'un pas. Il a été franchi. Mais de telles
insinuations ne sauraient tenir devant un
examen sérieux des faits, et l'opinion pu-
blique en Russie n'a pas pris le change.
Elle a recherché comme base d'appréciation
des données plus positives.
Légères dissidences
Voici en quels termes le Messager russe
définit la situation respective des deux
puissances :
« Quatre questions internationales ont
donné lieu, dans ces derniers mois, à des
pourparlers diplomatiques : la pacification
de la Crète; la prétention de l'Italie d'as-
sumer la représentation de l'Abyssinie
dans ses rapports avec les autres puis-
sances; la conversion de la Dette égyp-
tienne; la conclusion de l'emprunt bul-
gare.
"Dans la première de ces questions, le cabi-
net impérial proposait de confier le soin de
pacifier l'île à une commission consulaire
appelée à intervenir, avec un rôle de mé-
diation,entre les autorités turques et la po-
pulation chrétienne. Cette proposition a été
déclinée par toutes les grandes puissan-
ces, sans en excepter la France.
» Dans l'affaire de l'Abyssinie, nous avions
paru compter sur l'accession des Français
a notre protestation contre les prétentions
italiennes, tandis que la chancellerie du
quai d'Orsay s'est bornée à accuser simple-
ment réception de la note par laquelle
l'ambassadeur du roi Humbert avait fait
connaître la conclusion d'un traité avec le
Négus.
Motifs invoqués
» La diplomatie française motive ses dé-
cisions par les considérations suivantes :
En Crète, dit-elle, la France veut avant tout
le rétablissement de l'ordre et de la tran-
quillité. Or l'expérience nous prouve que la
mesure projetée par la cour de Russie n'est
rien moins qu'efficace, et, loin de conduire
au but désiré, elle ne pourrait que contri-
buer à perpétuer l'état de trouble et de dé-
sordre.
Quant à l'attitude à prendre touchant l'A-
byssinie, l'ambassadeur de Russie àParis ne
s'en est ouvert vis-à-vis du ministre des
affaires étrangères de la République que
cinq semaines après l'échange de notes
qui eut lieu entre celui-ci et le marquis de
Menabrea, et il convient d'ajouter que la
note française ne préjuge en rien le fond
de la question et réserve toute liberté de
la résoudre dans tel ou tel sens, le jour où
les grandes puissances auront pris connais-
sance du texte même du traité.
"Voilà à quoi se réduit, en réalité, le pré-
tendu désaccord entre la diplomatie russe
et la diplomatie française.
Communauté de vues
» En revanche, dans les questions d'E--
gypte et de Bulgarie, le cabinet de Paris a
adopté exactement le même point de vue
que celui de Saint-Pétersbourg; il a admis
sans réserve le bien fondé des arguments
et des conclusions présentés par la chan-
cellerie russe.
» Dans ces deux affaires, qui affectent
directement les intérêts de la Russie, la
France a résolument pris fait et cause
pour la Russie, tandis que toutes les autres
grandes puissances, — toutes, sans excep-
tion, — ont manifesté une opinion diffé-
rente. »
Le Messager russe fait observer qu'en
comparaison de ces deux questions, celles
de Crète et d'Abyssinie peuvent être consi-
dérées comme étant pour la Russie tout à
fait de second plan. Si donc les raisons allé-
guées par la diplomatie française ne sont
que des prétextes dilatoires pour éviter de
froisser hors de tous motifs pressants l'An-
gleterre et l'Italie, et de les jeter définitive-
ment dans les bras de l'Allemagne, on ne
saurait en faire un grief. « En revendiquant,
dit le rédacteur de l'article, pour la Russie
le droit de conformer sa politique aux in-
térêts exclusifs de l'Etat et du peuple russes,
nous ne pouvons pas contester à la France
celui de se guider dans la sienne par des
considérations national^ françaises, d'au-
tant plus que celles-ci, loin d'exclure sa so-
lidarité avec la Russie, démontrent au con-
traire la nécessité d'y donner une sanction
matérielle. »
M. de Mohrenheim
L'auteur de l'article, sans rien préciser,
semble faire allusion à des susceptibilités
injustes, manifestées par l'ambassadeur de
Russie à Paris, dont le rôle n'aurait point
été aussi conciliant ni aussi net en ces cir-
constances que le pouvaient faire espérer
ses sympathies hautement affirmées pour
notre pays. Voici en quels termes il s'ex-
prime :
« A la place de notre ambassadeur, nous
aurions préféré une discussion franche et
contradictoire sur des différences d'appré-
ciation qui résultent nécessairement de la
multiplicité des intérêts de deux pays aussi
dissemblables, un échange d'idées amical,
seul moyen d'arriver à la conciliation, et
nous n'aurions point marqué notre éton-
nement de ne pas rencontrer une soumis-
sion aveugle et tacite du -ministère fran-
çais en face de nos exigences. Au con-
traire, un trop facile abandon ne nous
aurait, nous l'avouons, inspiré ni l'estime
ni la confiance, ces deux conditions essen-
tielles du succès dans toute action com-
mune, et nous aurait plutôt portés à soup-
çonner quelque piège de mauvaise foi,
quelque leurre prémédité. Il importe à la
Russie de pouvoir, en certaines occurrences,
faire fond solidement sur la France, et il
importe qu'elle n'aille point chercher ses
garanties chez des hommes descendus du
pouvoir qui ne rêvent que d'y remonter et
qui, en nous assurant de leur soumission,
n'ont ûautre objet que de réconquérir,
grâce à notre concours actif, une place re-
grettée.
Tradition nouvelle
» Pour ces raisons, il nous est agréable
de constater que le gouvernement actuel,
dans son ensemble, a maintes fois prouvé,
non par des paroles, mais par des actes,
de quel prix il tenait l'amitié de la Russie
et combien il était disposé à la payer d'une
cordiale réciprocité. Nous n'avons prêté
aucune autorité, quant à nous, ni aucune
valeur aux élucubrations récentes que
nous a envoyées de Paris un bonapartiste
évincé des affaires. La politique prônée par
le colonel Stoffel, ancien agent militaire de
Napoléon III à Berlin, a déjà subi l'épreuve
de l'expérience. C'est celle-là même que
suivait l'empereur quand il a cru de
bonne foi jouer, pendant la guerre de Cri-
mée, le rôle de champion de la liberté et de
la civilisation. A ses yeux aussi, la Russie
« barbare » apparaissait comme une mena-
ce perpétuelle à l'Occident « civilisé ", et le
mirage de la conquête russe lui a caché le
danger réel qui menaçait la France, nous
voulons dire les projets belliqueux de l'Al-
lemagne convoitant les provinces fron-
tières.
Le coup de foudre qui a éclaté sur la
France en 1870 a ramené les Français à la
raison. Il leur en coûta cher de s'être laissé
entrainer par des utopies politiques et de
leur avoir sacrifié les intérêts réels de la
patrie. La troisième République a su répu-
dier dans sa politique étrangère les erreurs
dangereuses du second empire, que nul ne
dénonça et ne combattit avec plus de vi-
gueur que Gambetta. Il élabora un nouveau
programme politique sur la base d'une en-
tente avec la Russie, l'alliée naturelle de la
France. Nous n'avons aucune raison de
supposer que ce programme ait été modifié
ou abandonné par les détenteurs actuels du
pouvoir en France, dont la plupart ont été
ses disciples et ses collaborateurs.
Avances repoussées
» Pour nous, poursuit le Messager russe,
ce n'est pas le gouvernement français qui
menacera jamais l'existence de l'accord
franco-russe. Ce qui l'ébranlera, c'est bien
plutôt l'intervention d'une bande d'aventu-
riers sans scrupules et sans mandat, à ré-
putation compromise, se livrant à des
démonstrations grotesques, et aussi les ef-
forts de la presse réactionnaire qui s'obstine
à monopoliser les sympathies russes à son
profit Etant donné le prestige incontesta-
ble dont jouit en ce moment le nom russe
en France, on conçoit que les uns comme
les autres s'appliquent à l'exploiter en leur
faveur. Les partis politiques exclus du
pouvoir s'en servent comme d'une arme
préférée ; il se font ce raisonnement : « Si,
d'après le proverbe, les amis de nos amis
sont nos amis, pourquoi n'essaierions-nous
pas de faire passer nos adversaires pour
ceux de la Russie? »
» Nous n'examinerons pas jusqu'à quel
point monarchistes et boulangistes sont
sincères lorsqu'ils nous assurent de leur
dévouement sans borne à la Russie, mais
nous devons bien nous dire qu'en tout état
de cause leur amitié est sans valeur pour
notre pays. Baser là-dessus notre politique
à l'égard de la France, en attendre une
augmentation de l'influence russe, n'est-ce
pas la même chose que de chercher à cap-
ter les bonnes grâces de l'Italie par l'en-
tremise du ci-devant roi de Naples, ou cel-
les de M. de Bismarck par l'intermédiaire
du fils du roi de Hanovre ?
» En Bulgarie, où nous avons eu si sou-
vent recours précisément à des procédés
analogues, une amère expérience aurait
dû nous enseigner que toute ingérence dans
les affaires intérieures d'un pays étranger
entraine immanquablement une altération
dans les rapports internationaux avec ce
même pays. De plus, la France n'est pas la
Bulgarie. Quelque modestes que soient par
Leur caractère personnel les hommes d'Etat
qui la gouvernent, ils sont pénétrés de la
conscience de sa dignité comme grande
puissance universelle, réglant elle-même
ses destinées.
» Hâtons-nous d'ajouter que jamais la
diplomatie russe n'a eu garde d'envisager
autrement la France et qu'elle s'est abstenue
avec un soin jaloux de toute accointance
compromettante avec l'opposition monar-
chiste ou boulangiste. -
Une erreur de la diplomatie russe
Par malheur, elle n'a pas toujours été
aussi réservée dans les préférences qu'elle
marquait aux différentes nuances du parti
gouvernemental et même aux personnes
des ministres qui se sont succédé au palais
du quai d'Orsay. Nous devons relever cette
particularité anormale qu'il arrivait par-
fois que le même ministre n'était pas si-
niultanément - considéré comme persona
grata à l'hôtel de la rue de Grenelle à Paris
et à celui du Pont-des-Chantres à Saint-
Pétersbourg.
» Toutes ces combinaisons de convenan-
ces individuelles ne sont pas dans l'esprit
des instructions reçues et doivent être
répudiées. Ce n'est qu'à cette condition que
nous jugeons possible l'établissement entre
les deux cabinets d'un accord confiant et
complet, si impérieusement réclamé par
les intérêts réciproques de la France et de
la Russie.
Nécessité de l'accord
t; Nous ne saurions le répéter assez sou-
vent, les deux pays ont besoin l'un de l'au-
tre dans une mesure parfaitement égale,
avec cette nuance essentielle pourtant que,
pour la France,l'alliance russe est une ques-
tion de vie ou de mort; car en admettant,
— ce qui est inadmissible — ou en suppo-
sant — ce qui n'est guère supposable —
qu'en cas de guerre avec la Russie l'Alle-
magne se décidât à acheter la neutralité de
la France au prix de la restitution des pro-
vinces conquises en 1870, qui empêcherait
les Allemands, une fois qu'ils auraient ré-
glé leur compte avec la Russie, de repren-
dre à leur aise à la France non seulement
l'Alsace et la Lorraine, mais encore d'au-
tres territoires propres à servir à l'agran-
dissement de l'Allemagne. ou à celui de
ses alliés? Le prince de Bismarck n'a-t-il
pas déclaré de longue date, avec cette fran-
chise cynique dont il a le monopole, que le
sort par lui réservé à la France est « son
» partage, l'anéantissement de son unité sé-
culaire, et la formation sur ses ruines de
« plusieursEtats semi-indépendants?
L'ESCLAVAGE
Dans les possessions allemandes en
Afrique
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 23 février.
M. Krause, l'explorateur africain, affirme de
nouveau, dans une lettre publiée par la Gazette
do h* Crotsr, que la traite dba caclavos existe
dans les possessions allemandes en Afrique.
M. Krauze cite de nombreuses preuves à
l'ap p ui.
LA CONFÉRENCE SUISSE ABANDONNÉE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berne, 23 février.
Le Conseil fédéral se voit dans la néces-
sité d'ajourner la conférence internatio-
nale pour, la protection des ouvriers qui
avait été convoquée pour le 5 mai. Il cède
le pas à la conférence allemande.
CHRONIQUE
Je sais bien que j'ai le public presque
tout entier contre moi en cette affaire, et
que c'est une absurdité de prétendre avoir
raison contre tout le monde. Tout ce que
j'écrirai sur la matière ou rien, ce sera la
même chose ; je ne l'ignore pas. Il y a des
courants contre lesquels c'est folie de
lutter. Eh bien ! n'importe ! Comme, après
tout, il se trouve encore un petit nombre
de bons esprits qui n'ont pas cédé à l'en-
traînement général, comme ils n'ont pas
de journal où exprimer leur désapproba-
tion, c'est à moi, qui pense comme eux,
de traduire leur pensée au dehors, de
m'inscrire contre l'engouement de la foule.
Vous savez que le conseil supérieur de
l'instruction publique a profondément
modifié le système de punition en usage
dans les établissements d'éducation qui
dépendent de l'Etat. Jusqu'à ce jour, les
moyens de répression employés dans les
lycées et dans les collèges étaient ceux
qu'avait édictés la loi du 7 avril 185A. De-
puis ces dernières années, c'est-à-dire à
partir de 1883 , on en avait supprimé
quelques-uns, atténué quelques autres;
on avait fait beaucoup pour enlever à
l'ensemble de la discipline scolaire son
antique caractère de rigueur inexora-
ble. Il semblait qu'on fût arrivé jus-
qu'aux dernières limites de l'indulgence.
On a poussé plus avant.
Je vous ai déjà parlé des seules puni-
tions que l'on ait laissées aux mains des
maîtres, punitions qui doivent être, a dit
M. le ministre, morales et réparatrices.
Nous avons pris la liberté de railler dou-
cement ce mot de réparatrices, dont il
nous avait paru malaisé de déterminer
au juste la signification. Nous n'étions
pas entré dans le détail.
Voici qu'un des plus fermes esprits du
répétitorat, un de ceux qui ont fait le
plus d'honneur à la rédaction de la Ré-
forme universitairr , me fait l'amitié de
m'écrire ce que pensent ses collègues de
cette réforme. Je savais déjà tout ce
qu'il me dit, car j'ai reçu beaucoup de
lettres sur ce sujet. Mais la sienne est
particulièrement ferme et nette. J'en cite
quelques extraits. Après avoir énuméré
les punitions autorisées par le conseil
suprême, il ajoute :
«. Le règlement nouveau subordonne,
pour les professeurs, le droit de les in-
fliger à certains dispositifs dont je ne par-
lerai point, n'étant pas professeur moi-
même. Il le supprime totalement aux
maîtres répétiteurs.
A l'heure qu'il est, un maître répéti-
teur n'a plus le droit de punir. Il a trente
élèves à surveiller, depuis l'heure où ils
se lèvent jusqu'à l'heure où ils se cou-
chent. Une fois couchés, sa surveillance
ne doit pas s'endormir. Il les a même la
nuit sous sa garde; il est avec eux dix-
huit heures sur vingt-quatre, et, pou?
faire respecter son autorité, il n'a plus
d'autre ressource que la mauvaise note.
Sur le cahier de notes journalières, il
inscrit au passif du délinquant une mau-
vaise note. Le proviseur, à qui elle est
communiquée, décide qu'il y a ou qu'il
n'y a pas lieu de punir le coupable. Son
verdict n'est connu que le samedi, jour
où la liste des élèves consignés est pro-
clamée dans les études. Le maître répéti-
teur est donc entièrement désarmé vis-
à-vis de ses élèves et obligé cependant de
maintenir l'ordre et de réprimer tous les
écarts contraires à la règle. Est-ce que les
données d'un pareil problème ne choquent
pas le bon sens le plus élémentaire?
Mais il y a mieux encore : Outre la sur-
veillance pure et simple des études, les
maîtres répétiteurs ont aussi à surveiller
les élèves pendant les cours de gymnas-
tique, d'écriture, de chant et d'instruc-
tion religieuse. Pour une cause ou pour
une autre, les professeurs chargés de ces
cours sont réputés incapables de faire eux-
mêmes leur discipline. On les délivre de
ce soin, qui est confié à un maître répéti-
teur. Et c'est ici que l'on peut admirer la
logique du nouveau règlement.
Ce maître, en effet, qui devra pendant
une heure ou deux faire l'office de gar-
dien de la paix dans la classe du profes-
seur, ce maître n'a pas le droit de punir
lui-même, et ce droit est réservé à ce pro-
fesseur assez dépourvu d'autorité person-
nelle pour qu'il lui faille un protecteur
appelé à sauvegarder son prestige ab-
sent. Enfin, s'il se produit quelque gros
désordre, le professeur sera de plano à
l'abri de responsabilités, qui retombe-
ront lourdement sur le malheureux maî-
tre répétiteur.
Voilà l'étrange situation créée par le
nouveau règlement.
Il est impossible que cette situation se
prolonge longtemps sans devenir une
source de graves difficultés administra-
tives. De deux choses l'une : ou bien la
présence du maître doit être efficace, et
dans ce cas, il faut lui rendre le droit de
punir ; ou bien cette présence n'est qu'une
précaution illusoire, et alors il est inad-
missible que l'on inflige aux maîtres ré-
pétiteurs l'humiliation d'assister, impuis-
sants, à des manifestations tapageuses,
qui, tout en ne les visant pas toujours
directement, ne laissent pas cependant
que de porter atteinte au semblant d'au-
torité, qu'ils ont su à grand'peine conser-:
ver après les nouvelles réformes. »
Une fois sur cette pente, mon corres-
pondant ne s'arrête plus. Il va jusqu'à
dire que les réformes semblent avoir été
faites contre les répétiteurs. Je ne vais
pas jusque-là ; mais je me joins à lui pour
dire qu'il n'y a de discipline dans un
établissement d'éducation publique que
si les maîtres répétiteurs ont assez d'au-
torité pour la maintenir.
« Un proviseur, si remarquable qu'il
soit, ne peut avoir un bon lycée qu'au-
tant que ses maîtres sont respectés des
élèves ; ce sont eux qui font la maison ce
qu'elle est. Qu'on leur ôte les moyens
d'appliquer la règle, et l'on verra se pro-
duire partout des désordres analogues à
ceux qui ont déjà affligé les établisse-
ments réputés jusqu'ici comme des sanc-
tuaires de la discipline et du travail.
» Je n'insiste pas ; il y aura lieu certai-
nement de revenir sur ce sujet au mois
d'avril ou de mai, époque où la sève
monte, où les élèves deviennent particu-
lièrement difficiles à tenir. »
Ces doléances sont justes. Ce que l'on
peut dire de mieux, c'est que cette to-
quade de la discipline sans punitions
passera, comme ont déjà passé tant d'au-
tres toquades; c'est surtout que de la
théorie à la pratique il y a loin.
Ainsi, il est très vrai que le pensum a.
été supprimé. Il l'a même été à grand
bruit. On l'a chassé honteusement de
l'Université. On a chanté sur tous les
tons ses défauts. Avait-il assez fait de
mal ! C'était lui qui, pendant les récréae
tions, courbait les élèves sur leur pa-
pier et les condamnait au travail abru-
tissant d'en noircir les feuilles.
Il n'y a donc plus de pensum. Quand un
élève est en faute, on lui inflige un devoir
supplémentaire, qu'il fera un des jours de
congé de la semaine, soit le jeudi, soit le
dimanche. Je ne vois pas bien la diffé-
rence d'un devoir supplémentaire avec
un pensum. Vous pouvez bien contrain-
dre l'enfant à rester en étude, assis sur
son banc, tandis que les autres jouent:
vous pouvez les contraindre encore à
écrire. Je vous défie de l'obliger à piocher
un devoir supplémentaire, s'il ne veut
pas se livrer à ce travail. Le devoir sup-
plémentaire tourne forcément au pensum,
et c'est le pensum, en effet, sous un autre
nom.
Je ne récrimine point, moi qui ne crois
pas que l'on puisse rien obtenir des en-
fants sans un système de punitions où
entre le pensum. Mais que deviennent les
théories de ceux qui prétendaient avoi.
enterré le pensum à jamais ?
Il a bien fallu garder aussi la privation
de sortie, quels que soient les inconvé-
nients de cette punition. Comme elle
demeure à peu près seule, on en arrive à
la multiplier. -
— U est embetantî me disait l'autre
jour un petit bonhomme. Maintenant ois.
ne connaît plus que ça : on nous prive de
sortie. J'aimais bien mieux quand j'avais
des pensums à faire.
Le fait est qu'il n'est pas commode
d'échelonner les punitions , quand on
n'en a qu'une qui soit sérieuse. Et quand
un gamin a son dimanche pris, s'il lui
plaît de faire du bruit ou d'ennuyer un
maître, quel recours a-t-on contre lui ?
Il est maître de la situation.
On répond à toutes ces objections par dû
belles phrases. Mais les mots sont des
mots. Il faut voir les choses comme elle
sont,
francisque Sarcey*
*
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LA FRANCE ET LA RUSSIE
Correspondance de Saint-Pétersbourg
; LE CAS DU GÉNÉRAL CASTEX
0
A propos des viandes étrangères
LA FIN D'UN ÉTUDIANT
LES TARIFS
De toutes les questions que la com-
mission des chemins de fer aura à
étudier, il n'en est pas, sans doute, de
plus grave que celle des tarifs des
grandes compagnies.
Elle vient d'être mise à l'ordre du
jour de ses travaux par le dépôt, sur
le bureau de la Chambre, d'une pro-
position de M. Camille Pelletan. Son
'exposé des motifs n'est autre que le
texte du très remarquable rapport
L présenté l'an dernier sur ce suj et par
le député des Bouches-du-Rhône.
On sait combien vives et répétées
ont été les plaintes du commerce, de
l'industrie, de l'agriculture, au sujet
des conditions que mettent au trans-
port de leurs produits les grandes com-
pagnies de chemins de fer.
Ces plaintes sont-elles injustifiées
ou seulement exagérées? Deux chiffres
vont répondre. La taxe moyenne de
petite vitesse était, en France, de
5 cent. 99 en 1866. Vingt ans après,
en 1885, elle s'élève encore à 5 cent. 9À.
Un centième de centime de diminu-
tion tous les quatre ans, c'est mai-
gre.
D'autant que c'est une loi générale
dont on peut vérifier l'application
dans tous les pays qui nous avoisi-
nent, que l'abaissement graduel des
tarifs. Veut-on des exemples?
En Allemagne, la diminution en dix
ans sur l'ensemble des chemins de fer
est de plus d'un centime. La moyenne
des prix, pour la tonne kilométrique,
tombe de 6 cent. 26 à 5 cent. 10. Ré-
sultat : une économie annuelle de
175 millions pour la production alle-
mande sous toutes ses formes.
En Autriche, c'est plus remar-
quable encore. De 1880 à 1886, la
moyenne des tarifs descende de 6
centimes 78 à 5 centimes 15. Aux
Pays-Bas, les réductions sont de près
de moitié. En Amérique, on est arrivé
à des résultats vraiment merveilleux.
On peut citer une compagnie qui, de
186A à 1881, a réduit ses taxes de 10
centimes à 3 centimes. Dans les Etats-
Unis tout entiers, la moyenne des ta-
rifs s'est abaissée en 1886 jusqu'à 3
centimes 3.
On comprend maintenant si nos
producteurs ont de bonnes raisons
pour dénoncer la rapacité des compa-
gnies françaises. Comment ne jette-
raient-ils pas les hauts cris lorsqu'ils
comparent, par exemple, le prix de la
tonne kilométrique de houille en Fran-
ce et dans les nations rivales ?
Nul produit plus nécessaire : le
pain de l'industrie, l'a-t-on appelé
avec raison. Il paie pour une même
quantité et une même distance 3 cent.
16 en Prusse, À cent. 63 pour les trois
quarts de notre pays.
Les conséquences de cette élévation
de nos tarifs sont multiples et désas-
treuses. La plus évidente est le ralen-
tissement du trafic. De 1883 à 1886,
tandis que le réseau ferré accroissait
de onze cents lieues l'étendue du terri-
toire qu'il couvre, la quantité des mar-,
chandises qu'il transporte tombait de :
11 milliards de tonnes kilométriques à
9 milliards 367 millions. On ne peut
attribuer cette diminution à la seule
crise qui pesa à cette époque sur le
commerce et l'industrie. La preuve
que l'exagération du prix des trans-
ports en fut la cause déterminante
est facile à rapporter. A la même épo-
que, le réseau de l'Etat, le seul qui ait
diminué ses prix dans une proportion
sérieuse, accroissait d'une façon con-
tinue son trafic, et le mouvement des
voies navigables, où les taxes sont ex-
trêmement réduites, s'augmentait de
hOO millions de tonnes kilométriques.
Cette constatation répond du même
coup à l'objection classique qui attend
les partisans de la diminution des ta-
rifs. a Prenez garde, leur réplique-
t-on, votre désir part d'un bon natu-
rel, mais il n'est point raisonné. Si
vous abaissez les taxes de transport,
du même coup, vous réduisez les re-
cettes. Et la garantie d'intérêt d'entrer
en danse. Et l'Etat, c'est-à-dire M.
Tout-le-Monde, d'être obligé de sortir
de sa poche de quoi combler des insuf-
fisances qui n'auront été créées que
4ans l'intérêt des transporteurs, c'est-
à-dire, somme toute, d'une mino-
rité. »
,)l convient d'abord de répondre que
l'effet d'incidence des tarifs de trans-
port atteint en l'espèce tous les con-
sommateurs, et que, par suite, l'effet
dénoncé se produisit-il, on ne ferait
que rendre d'une main ce qu'on a reçu
de l'autre.
Mais le raisonnement est tout entier
inexact, parce que les prémisses mê-
mes en sont fausses. Ce serait une er-
reur, en effet, de s'imaginer que l'a-
baissement des tarifs doive entraîner,
comme une conséquence immédiate et
directe, la diminution des recettes.
On néglige, en effet, ce détail essen-
tiel que le premier résultat de la di-
minution des tarifs est de provoquer
l'augmentation des transports. Il suf-
fit, pour s'en convaincre, de jeter les
yeux sur la Belgique, où les diminu-
tions successives de tarifs opérées de
1859 à 1869 se sont traduites par des
augmentations de recettes. C'est un
exemple. On en pourrait citer beau-
coup d'autres.
Ainsi, les grandes compagnies peu-
vent et doivent abaisser leurs tarifs.
Qui les y amènera, sinon le gouver-
nement, qui seul a qualité et autorité
pour leur parler? La dernière Chambre
l'avait compris. Elle avait invité, dès
1886, le gouvernement à entrer en re-
lations avec les compagnies pour faire
améliorer les tarifs, et aussi à consti-
tuer la grande commission qui, aux
termes des Conventions de 1883, de-
vait entreprendre la revision des taxes
de transport.
Le vote de 1886 est resté jusqu'à
présent lettre morte, et cette commis-
sion, qui devrait fonctionner depuis
sept ans, n'existe point encore. Sa
création est le premier acte par lequel
doit S'affirmer la volonté réformatrice
de la Chambre et du gouvernement.
Le pays attend qu'ils fassent leur
devoir.
A. Millerand.
Le XIXe SIECLE publiera demain la
t) Vie da Paris. par Henry Fouquier.
LA SITUATION EN BULGARIE
Révolution imminente — Les conseils
d'abdication de la princesse
Clémentine.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Belgrade, 23 février.
Les nouvelles de Sofia reçues ici présen-
tent la situation en Bulgarie comme très
menaçante pour la paix des Etats de la
péninsule des Balkans.
On est à la veille de graves événements.
Le prince Ferdinand de Cobourg, qui jus-
qu'ici avait réussi à se maintenir malgré
l'hostilité de la Russie, a perdu énormé-
ment de terrain dans l'opinion populaire.
Le parti russophile a reconquis une grande
influence.
La mère du prince de Cobourg, la prin-
cesse Clémentine d'Orléans, femme très in-
telligente et perspicace, conseille avec in-
sistance à son fils d'abdiquer, car elle com-
prend bien que sa position n'est plus tena-
ble. Le prince Ferdinand hésite; il recon-
naît bien que sa mère a raison, mais il croit
que son honneur lui impose d'attendre les
événements, et au besoin de les subir.
Dans ces derniers jours, le prince a reçu
de nombreuses lettres contenant des me-
naces de mort à propos de l'arrestation du
major Panitza; on lui signifie que, si ce
dernier est condamné, ces menaces seront
mises immédiatement à exécution.
Le clergé orthodoxe, très influent dans
les campagnes, prêche ouvertement le ren-
versement du prince de Cobourg, qui est
catholique.
Des tentatives de révolte ont eu lieu dans
diverses villes. A Sofia même on vient en-
core d'arrêter une dizaine de soldats qui
injuriaient le prince.
ÉCROULEMENT D'UNE VILLE
Ruines sur ruines. — Les victimes. —
Une destitution.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Naples, 23 février.
L'écroulement d'Arenuccia a coûté la vie
à vingt-deux hommes.
Le palais Noce, à Monticalvario, est en
ruines. Un seul blessé.
La maison numéro 62, rue Duchesca, s'est
abaissée de dix centimètres sur cinquante
mètres de superficie.
Le directeur du bureau de surveillance
des travaux urbains a été destitué par le
conseil municipal.
On se demande quel sera le résultat de
cette destitution sur les écroulements.
LA GUERRE AUX LIVRES FRANÇAIS
Les grammaires françaises bannies de
l'Alsace-Lorraine
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Strasbourg, 23 février.
On prête ici au statthalter d'Alsace-Lor-
raine l'intention d'interdire prochainement
l'entrée dans les provinces annexées des
livres français en général et des livres d'en-
seignement en particulier. Ces derniers,
notamment les grammaires de la langue
française, sont encore très répandues dans
les écoles de l'Alsace -Lorraine. Or, d'après
un rapport qui a été fait au prince de
Hohenlohe, les livres de provenance fran-
çaise empoisonnent l'esprit de la jeunesse
alsacienne-lorraine. Ces livres contien-
draient, en effet, d'après ce rapport, des
allusions dissimulées à la revanche. Cer-
tains libraires français ne reculeraient
même pas devant une propagande encore
plus accentuée en cachant des emblèmes
chauvins sous la forme d'annonces ou de
prospectus joints aux livres qu'ils expé-
dient en Alsace-Lorraine.
Il se cache sans doute sous ces dénoncia-
tions intéressées l'inspiration de quelque
éditeur allemand jaloux de voir que les
Alsaciens-Lorrains achètent plus d'ouvrages
français que de livres anemand.
FRANCE ET RUSSIE
UN ARTICLE DU MESSAGER RUSSE"
Menées de la quadruple alliance. — Di-
plomatie française et russe. — Di-
vergences et points de contact.
- Le rôle d'un ambassadeur.
—Ni boulangistes ni réac-
tionnaires. — Aveu-
glement de Na-
poléon III.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Saint-Pétersbourg, 20 février.
On s'entretient beaucoup, ici, d'un article
paru dans le dernier numéro du Messager
russe, une revue dont le directeur a l'avan-
tage d'être actuellement fort bien en cour.
Je me borne à en découper et à en traduire
les principaux passages ils présenteront
pour vous assez d'intérêt, je pense, sans
qu'il soit besoin d'y joindre aucun com-
mentaire. Vous remarquerez seulement que
le rédacteur, adoptant une opinion, ou
plutôt une façon de dire fort répandue en
Russie, considère comme un fait accompli
l'accession de l'Angleterre à l'alliance des
puissances centrales, qui se trouve ainsi
dénommée, sous sa plume, « la quadruple
alliance ».
Le président et le tsar
« Il est d'usage, dans les différentes cours
de l'Europe, que le chef de l'Etat saisisse
l'occasion qui lui est offerte par les récep-
tions du Jour de l'An pour prononcer quel-
ques paroles en l'honneur de la paix. Cette
année, l'usage en question n' a été observé
dans aucune des capitales des pays faisant
partie de la quadruple alliance. Il n'a pas
été question de paix à la cour des souve-
rains qui s'intitulent « membres de la Ligue
de la paix. » Seul le président Carnot, dans
son discours adressé au corps diplomatique
a accusé nettement les tendances pacifiques
de la France, son désir de vivre en bonne
intelligence avec ses voisins, ainsi que l'em-
pressement du gouvernement français à
contribuer de toutes ses forces au maintien
du repos universel. Quinze jours plus tard
nous avons accueilli avec joie l'expression
des mêmes sentiments pacifiques dans les
conclusions du rapport annuel présenté à
l'empereur par le ministre des finances de
Russie, lesquelles conclusions ont reçu leur
sanction dans la réponse faite par l'empe-
reur lui-même à une adresse de félicitation
du gouverneur général de Moscou.
Attitude des puissances centrales
"Une telle coïncidence n'est pas un effet du
hasard. Elle démontre l'identité de la ligne
politique suivie par les deux grands Etats
situés aux deux extrémités de l'Europe. Si
les puissances intermédiaires avaient réel-
lement à cœur la paix et l'équilibre de cette
partie du monde, elles devraient se féliciter
du parfait accord qui règne entre la France
et la Russie et le considérer comme une
garantie de la tranquillité générale Or,elles
ne cessent d'employer tous leurs efforts à
l'effet de troubler cet accord, voire même
de le rompre. N'indiquent-elles pas ainsi
que l'union franco-russe est un obstacle
insurmontable, qui les empêche de mettre
à exécution leurs propres velléités de vio-
lente expansion ? »
L'auteur de l'article attribue à cette dis-
position des puissances de la quadruple
alliance les ineptes calomnies qui ont couru
touchant l'attitude du président Carnot, à
qui on a attribué le dessein, tantôt d'aller
saluer l'empereur d'Allemagne à Bruxelles,
faute d'oser entreprendre une démarche
directe à Berlin, tantôt d'expédier à Metz
un envoyé spécial pour faire complimenter
le conquérant en plein pays annexé. De là
à conclure à on ne sait quelle tentative de
rapprochement entre la France et l'Alle-
magne, et, par voie de conséquence, à une
tension des rapports entre le gouvernement
français et la chancellerie russe, il n'y avait
qu'un pas. Il a été franchi. Mais de telles
insinuations ne sauraient tenir devant un
examen sérieux des faits, et l'opinion pu-
blique en Russie n'a pas pris le change.
Elle a recherché comme base d'appréciation
des données plus positives.
Légères dissidences
Voici en quels termes le Messager russe
définit la situation respective des deux
puissances :
« Quatre questions internationales ont
donné lieu, dans ces derniers mois, à des
pourparlers diplomatiques : la pacification
de la Crète; la prétention de l'Italie d'as-
sumer la représentation de l'Abyssinie
dans ses rapports avec les autres puis-
sances; la conversion de la Dette égyp-
tienne; la conclusion de l'emprunt bul-
gare.
"Dans la première de ces questions, le cabi-
net impérial proposait de confier le soin de
pacifier l'île à une commission consulaire
appelée à intervenir, avec un rôle de mé-
diation,entre les autorités turques et la po-
pulation chrétienne. Cette proposition a été
déclinée par toutes les grandes puissan-
ces, sans en excepter la France.
» Dans l'affaire de l'Abyssinie, nous avions
paru compter sur l'accession des Français
a notre protestation contre les prétentions
italiennes, tandis que la chancellerie du
quai d'Orsay s'est bornée à accuser simple-
ment réception de la note par laquelle
l'ambassadeur du roi Humbert avait fait
connaître la conclusion d'un traité avec le
Négus.
Motifs invoqués
» La diplomatie française motive ses dé-
cisions par les considérations suivantes :
En Crète, dit-elle, la France veut avant tout
le rétablissement de l'ordre et de la tran-
quillité. Or l'expérience nous prouve que la
mesure projetée par la cour de Russie n'est
rien moins qu'efficace, et, loin de conduire
au but désiré, elle ne pourrait que contri-
buer à perpétuer l'état de trouble et de dé-
sordre.
Quant à l'attitude à prendre touchant l'A-
byssinie, l'ambassadeur de Russie àParis ne
s'en est ouvert vis-à-vis du ministre des
affaires étrangères de la République que
cinq semaines après l'échange de notes
qui eut lieu entre celui-ci et le marquis de
Menabrea, et il convient d'ajouter que la
note française ne préjuge en rien le fond
de la question et réserve toute liberté de
la résoudre dans tel ou tel sens, le jour où
les grandes puissances auront pris connais-
sance du texte même du traité.
"Voilà à quoi se réduit, en réalité, le pré-
tendu désaccord entre la diplomatie russe
et la diplomatie française.
Communauté de vues
» En revanche, dans les questions d'E--
gypte et de Bulgarie, le cabinet de Paris a
adopté exactement le même point de vue
que celui de Saint-Pétersbourg; il a admis
sans réserve le bien fondé des arguments
et des conclusions présentés par la chan-
cellerie russe.
» Dans ces deux affaires, qui affectent
directement les intérêts de la Russie, la
France a résolument pris fait et cause
pour la Russie, tandis que toutes les autres
grandes puissances, — toutes, sans excep-
tion, — ont manifesté une opinion diffé-
rente. »
Le Messager russe fait observer qu'en
comparaison de ces deux questions, celles
de Crète et d'Abyssinie peuvent être consi-
dérées comme étant pour la Russie tout à
fait de second plan. Si donc les raisons allé-
guées par la diplomatie française ne sont
que des prétextes dilatoires pour éviter de
froisser hors de tous motifs pressants l'An-
gleterre et l'Italie, et de les jeter définitive-
ment dans les bras de l'Allemagne, on ne
saurait en faire un grief. « En revendiquant,
dit le rédacteur de l'article, pour la Russie
le droit de conformer sa politique aux in-
térêts exclusifs de l'Etat et du peuple russes,
nous ne pouvons pas contester à la France
celui de se guider dans la sienne par des
considérations national^ françaises, d'au-
tant plus que celles-ci, loin d'exclure sa so-
lidarité avec la Russie, démontrent au con-
traire la nécessité d'y donner une sanction
matérielle. »
M. de Mohrenheim
L'auteur de l'article, sans rien préciser,
semble faire allusion à des susceptibilités
injustes, manifestées par l'ambassadeur de
Russie à Paris, dont le rôle n'aurait point
été aussi conciliant ni aussi net en ces cir-
constances que le pouvaient faire espérer
ses sympathies hautement affirmées pour
notre pays. Voici en quels termes il s'ex-
prime :
« A la place de notre ambassadeur, nous
aurions préféré une discussion franche et
contradictoire sur des différences d'appré-
ciation qui résultent nécessairement de la
multiplicité des intérêts de deux pays aussi
dissemblables, un échange d'idées amical,
seul moyen d'arriver à la conciliation, et
nous n'aurions point marqué notre éton-
nement de ne pas rencontrer une soumis-
sion aveugle et tacite du -ministère fran-
çais en face de nos exigences. Au con-
traire, un trop facile abandon ne nous
aurait, nous l'avouons, inspiré ni l'estime
ni la confiance, ces deux conditions essen-
tielles du succès dans toute action com-
mune, et nous aurait plutôt portés à soup-
çonner quelque piège de mauvaise foi,
quelque leurre prémédité. Il importe à la
Russie de pouvoir, en certaines occurrences,
faire fond solidement sur la France, et il
importe qu'elle n'aille point chercher ses
garanties chez des hommes descendus du
pouvoir qui ne rêvent que d'y remonter et
qui, en nous assurant de leur soumission,
n'ont ûautre objet que de réconquérir,
grâce à notre concours actif, une place re-
grettée.
Tradition nouvelle
» Pour ces raisons, il nous est agréable
de constater que le gouvernement actuel,
dans son ensemble, a maintes fois prouvé,
non par des paroles, mais par des actes,
de quel prix il tenait l'amitié de la Russie
et combien il était disposé à la payer d'une
cordiale réciprocité. Nous n'avons prêté
aucune autorité, quant à nous, ni aucune
valeur aux élucubrations récentes que
nous a envoyées de Paris un bonapartiste
évincé des affaires. La politique prônée par
le colonel Stoffel, ancien agent militaire de
Napoléon III à Berlin, a déjà subi l'épreuve
de l'expérience. C'est celle-là même que
suivait l'empereur quand il a cru de
bonne foi jouer, pendant la guerre de Cri-
mée, le rôle de champion de la liberté et de
la civilisation. A ses yeux aussi, la Russie
« barbare » apparaissait comme une mena-
ce perpétuelle à l'Occident « civilisé ", et le
mirage de la conquête russe lui a caché le
danger réel qui menaçait la France, nous
voulons dire les projets belliqueux de l'Al-
lemagne convoitant les provinces fron-
tières.
Le coup de foudre qui a éclaté sur la
France en 1870 a ramené les Français à la
raison. Il leur en coûta cher de s'être laissé
entrainer par des utopies politiques et de
leur avoir sacrifié les intérêts réels de la
patrie. La troisième République a su répu-
dier dans sa politique étrangère les erreurs
dangereuses du second empire, que nul ne
dénonça et ne combattit avec plus de vi-
gueur que Gambetta. Il élabora un nouveau
programme politique sur la base d'une en-
tente avec la Russie, l'alliée naturelle de la
France. Nous n'avons aucune raison de
supposer que ce programme ait été modifié
ou abandonné par les détenteurs actuels du
pouvoir en France, dont la plupart ont été
ses disciples et ses collaborateurs.
Avances repoussées
» Pour nous, poursuit le Messager russe,
ce n'est pas le gouvernement français qui
menacera jamais l'existence de l'accord
franco-russe. Ce qui l'ébranlera, c'est bien
plutôt l'intervention d'une bande d'aventu-
riers sans scrupules et sans mandat, à ré-
putation compromise, se livrant à des
démonstrations grotesques, et aussi les ef-
forts de la presse réactionnaire qui s'obstine
à monopoliser les sympathies russes à son
profit Etant donné le prestige incontesta-
ble dont jouit en ce moment le nom russe
en France, on conçoit que les uns comme
les autres s'appliquent à l'exploiter en leur
faveur. Les partis politiques exclus du
pouvoir s'en servent comme d'une arme
préférée ; il se font ce raisonnement : « Si,
d'après le proverbe, les amis de nos amis
sont nos amis, pourquoi n'essaierions-nous
pas de faire passer nos adversaires pour
ceux de la Russie? »
» Nous n'examinerons pas jusqu'à quel
point monarchistes et boulangistes sont
sincères lorsqu'ils nous assurent de leur
dévouement sans borne à la Russie, mais
nous devons bien nous dire qu'en tout état
de cause leur amitié est sans valeur pour
notre pays. Baser là-dessus notre politique
à l'égard de la France, en attendre une
augmentation de l'influence russe, n'est-ce
pas la même chose que de chercher à cap-
ter les bonnes grâces de l'Italie par l'en-
tremise du ci-devant roi de Naples, ou cel-
les de M. de Bismarck par l'intermédiaire
du fils du roi de Hanovre ?
» En Bulgarie, où nous avons eu si sou-
vent recours précisément à des procédés
analogues, une amère expérience aurait
dû nous enseigner que toute ingérence dans
les affaires intérieures d'un pays étranger
entraine immanquablement une altération
dans les rapports internationaux avec ce
même pays. De plus, la France n'est pas la
Bulgarie. Quelque modestes que soient par
Leur caractère personnel les hommes d'Etat
qui la gouvernent, ils sont pénétrés de la
conscience de sa dignité comme grande
puissance universelle, réglant elle-même
ses destinées.
» Hâtons-nous d'ajouter que jamais la
diplomatie russe n'a eu garde d'envisager
autrement la France et qu'elle s'est abstenue
avec un soin jaloux de toute accointance
compromettante avec l'opposition monar-
chiste ou boulangiste. -
Une erreur de la diplomatie russe
Par malheur, elle n'a pas toujours été
aussi réservée dans les préférences qu'elle
marquait aux différentes nuances du parti
gouvernemental et même aux personnes
des ministres qui se sont succédé au palais
du quai d'Orsay. Nous devons relever cette
particularité anormale qu'il arrivait par-
fois que le même ministre n'était pas si-
niultanément - considéré comme persona
grata à l'hôtel de la rue de Grenelle à Paris
et à celui du Pont-des-Chantres à Saint-
Pétersbourg.
» Toutes ces combinaisons de convenan-
ces individuelles ne sont pas dans l'esprit
des instructions reçues et doivent être
répudiées. Ce n'est qu'à cette condition que
nous jugeons possible l'établissement entre
les deux cabinets d'un accord confiant et
complet, si impérieusement réclamé par
les intérêts réciproques de la France et de
la Russie.
Nécessité de l'accord
t; Nous ne saurions le répéter assez sou-
vent, les deux pays ont besoin l'un de l'au-
tre dans une mesure parfaitement égale,
avec cette nuance essentielle pourtant que,
pour la France,l'alliance russe est une ques-
tion de vie ou de mort; car en admettant,
— ce qui est inadmissible — ou en suppo-
sant — ce qui n'est guère supposable —
qu'en cas de guerre avec la Russie l'Alle-
magne se décidât à acheter la neutralité de
la France au prix de la restitution des pro-
vinces conquises en 1870, qui empêcherait
les Allemands, une fois qu'ils auraient ré-
glé leur compte avec la Russie, de repren-
dre à leur aise à la France non seulement
l'Alsace et la Lorraine, mais encore d'au-
tres territoires propres à servir à l'agran-
dissement de l'Allemagne. ou à celui de
ses alliés? Le prince de Bismarck n'a-t-il
pas déclaré de longue date, avec cette fran-
chise cynique dont il a le monopole, que le
sort par lui réservé à la France est « son
» partage, l'anéantissement de son unité sé-
culaire, et la formation sur ses ruines de
« plusieursEtats semi-indépendants?
L'ESCLAVAGE
Dans les possessions allemandes en
Afrique
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 23 février.
M. Krause, l'explorateur africain, affirme de
nouveau, dans une lettre publiée par la Gazette
do h* Crotsr, que la traite dba caclavos existe
dans les possessions allemandes en Afrique.
M. Krauze cite de nombreuses preuves à
l'ap p ui.
LA CONFÉRENCE SUISSE ABANDONNÉE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berne, 23 février.
Le Conseil fédéral se voit dans la néces-
sité d'ajourner la conférence internatio-
nale pour, la protection des ouvriers qui
avait été convoquée pour le 5 mai. Il cède
le pas à la conférence allemande.
CHRONIQUE
Je sais bien que j'ai le public presque
tout entier contre moi en cette affaire, et
que c'est une absurdité de prétendre avoir
raison contre tout le monde. Tout ce que
j'écrirai sur la matière ou rien, ce sera la
même chose ; je ne l'ignore pas. Il y a des
courants contre lesquels c'est folie de
lutter. Eh bien ! n'importe ! Comme, après
tout, il se trouve encore un petit nombre
de bons esprits qui n'ont pas cédé à l'en-
traînement général, comme ils n'ont pas
de journal où exprimer leur désapproba-
tion, c'est à moi, qui pense comme eux,
de traduire leur pensée au dehors, de
m'inscrire contre l'engouement de la foule.
Vous savez que le conseil supérieur de
l'instruction publique a profondément
modifié le système de punition en usage
dans les établissements d'éducation qui
dépendent de l'Etat. Jusqu'à ce jour, les
moyens de répression employés dans les
lycées et dans les collèges étaient ceux
qu'avait édictés la loi du 7 avril 185A. De-
puis ces dernières années, c'est-à-dire à
partir de 1883 , on en avait supprimé
quelques-uns, atténué quelques autres;
on avait fait beaucoup pour enlever à
l'ensemble de la discipline scolaire son
antique caractère de rigueur inexora-
ble. Il semblait qu'on fût arrivé jus-
qu'aux dernières limites de l'indulgence.
On a poussé plus avant.
Je vous ai déjà parlé des seules puni-
tions que l'on ait laissées aux mains des
maîtres, punitions qui doivent être, a dit
M. le ministre, morales et réparatrices.
Nous avons pris la liberté de railler dou-
cement ce mot de réparatrices, dont il
nous avait paru malaisé de déterminer
au juste la signification. Nous n'étions
pas entré dans le détail.
Voici qu'un des plus fermes esprits du
répétitorat, un de ceux qui ont fait le
plus d'honneur à la rédaction de la Ré-
forme universitairr , me fait l'amitié de
m'écrire ce que pensent ses collègues de
cette réforme. Je savais déjà tout ce
qu'il me dit, car j'ai reçu beaucoup de
lettres sur ce sujet. Mais la sienne est
particulièrement ferme et nette. J'en cite
quelques extraits. Après avoir énuméré
les punitions autorisées par le conseil
suprême, il ajoute :
«. Le règlement nouveau subordonne,
pour les professeurs, le droit de les in-
fliger à certains dispositifs dont je ne par-
lerai point, n'étant pas professeur moi-
même. Il le supprime totalement aux
maîtres répétiteurs.
A l'heure qu'il est, un maître répéti-
teur n'a plus le droit de punir. Il a trente
élèves à surveiller, depuis l'heure où ils
se lèvent jusqu'à l'heure où ils se cou-
chent. Une fois couchés, sa surveillance
ne doit pas s'endormir. Il les a même la
nuit sous sa garde; il est avec eux dix-
huit heures sur vingt-quatre, et, pou?
faire respecter son autorité, il n'a plus
d'autre ressource que la mauvaise note.
Sur le cahier de notes journalières, il
inscrit au passif du délinquant une mau-
vaise note. Le proviseur, à qui elle est
communiquée, décide qu'il y a ou qu'il
n'y a pas lieu de punir le coupable. Son
verdict n'est connu que le samedi, jour
où la liste des élèves consignés est pro-
clamée dans les études. Le maître répéti-
teur est donc entièrement désarmé vis-
à-vis de ses élèves et obligé cependant de
maintenir l'ordre et de réprimer tous les
écarts contraires à la règle. Est-ce que les
données d'un pareil problème ne choquent
pas le bon sens le plus élémentaire?
Mais il y a mieux encore : Outre la sur-
veillance pure et simple des études, les
maîtres répétiteurs ont aussi à surveiller
les élèves pendant les cours de gymnas-
tique, d'écriture, de chant et d'instruc-
tion religieuse. Pour une cause ou pour
une autre, les professeurs chargés de ces
cours sont réputés incapables de faire eux-
mêmes leur discipline. On les délivre de
ce soin, qui est confié à un maître répéti-
teur. Et c'est ici que l'on peut admirer la
logique du nouveau règlement.
Ce maître, en effet, qui devra pendant
une heure ou deux faire l'office de gar-
dien de la paix dans la classe du profes-
seur, ce maître n'a pas le droit de punir
lui-même, et ce droit est réservé à ce pro-
fesseur assez dépourvu d'autorité person-
nelle pour qu'il lui faille un protecteur
appelé à sauvegarder son prestige ab-
sent. Enfin, s'il se produit quelque gros
désordre, le professeur sera de plano à
l'abri de responsabilités, qui retombe-
ront lourdement sur le malheureux maî-
tre répétiteur.
Voilà l'étrange situation créée par le
nouveau règlement.
Il est impossible que cette situation se
prolonge longtemps sans devenir une
source de graves difficultés administra-
tives. De deux choses l'une : ou bien la
présence du maître doit être efficace, et
dans ce cas, il faut lui rendre le droit de
punir ; ou bien cette présence n'est qu'une
précaution illusoire, et alors il est inad-
missible que l'on inflige aux maîtres ré-
pétiteurs l'humiliation d'assister, impuis-
sants, à des manifestations tapageuses,
qui, tout en ne les visant pas toujours
directement, ne laissent pas cependant
que de porter atteinte au semblant d'au-
torité, qu'ils ont su à grand'peine conser-:
ver après les nouvelles réformes. »
Une fois sur cette pente, mon corres-
pondant ne s'arrête plus. Il va jusqu'à
dire que les réformes semblent avoir été
faites contre les répétiteurs. Je ne vais
pas jusque-là ; mais je me joins à lui pour
dire qu'il n'y a de discipline dans un
établissement d'éducation publique que
si les maîtres répétiteurs ont assez d'au-
torité pour la maintenir.
« Un proviseur, si remarquable qu'il
soit, ne peut avoir un bon lycée qu'au-
tant que ses maîtres sont respectés des
élèves ; ce sont eux qui font la maison ce
qu'elle est. Qu'on leur ôte les moyens
d'appliquer la règle, et l'on verra se pro-
duire partout des désordres analogues à
ceux qui ont déjà affligé les établisse-
ments réputés jusqu'ici comme des sanc-
tuaires de la discipline et du travail.
» Je n'insiste pas ; il y aura lieu certai-
nement de revenir sur ce sujet au mois
d'avril ou de mai, époque où la sève
monte, où les élèves deviennent particu-
lièrement difficiles à tenir. »
Ces doléances sont justes. Ce que l'on
peut dire de mieux, c'est que cette to-
quade de la discipline sans punitions
passera, comme ont déjà passé tant d'au-
tres toquades; c'est surtout que de la
théorie à la pratique il y a loin.
Ainsi, il est très vrai que le pensum a.
été supprimé. Il l'a même été à grand
bruit. On l'a chassé honteusement de
l'Université. On a chanté sur tous les
tons ses défauts. Avait-il assez fait de
mal ! C'était lui qui, pendant les récréae
tions, courbait les élèves sur leur pa-
pier et les condamnait au travail abru-
tissant d'en noircir les feuilles.
Il n'y a donc plus de pensum. Quand un
élève est en faute, on lui inflige un devoir
supplémentaire, qu'il fera un des jours de
congé de la semaine, soit le jeudi, soit le
dimanche. Je ne vois pas bien la diffé-
rence d'un devoir supplémentaire avec
un pensum. Vous pouvez bien contrain-
dre l'enfant à rester en étude, assis sur
son banc, tandis que les autres jouent:
vous pouvez les contraindre encore à
écrire. Je vous défie de l'obliger à piocher
un devoir supplémentaire, s'il ne veut
pas se livrer à ce travail. Le devoir sup-
plémentaire tourne forcément au pensum,
et c'est le pensum, en effet, sous un autre
nom.
Je ne récrimine point, moi qui ne crois
pas que l'on puisse rien obtenir des en-
fants sans un système de punitions où
entre le pensum. Mais que deviennent les
théories de ceux qui prétendaient avoi.
enterré le pensum à jamais ?
Il a bien fallu garder aussi la privation
de sortie, quels que soient les inconvé-
nients de cette punition. Comme elle
demeure à peu près seule, on en arrive à
la multiplier. -
— U est embetantî me disait l'autre
jour un petit bonhomme. Maintenant ois.
ne connaît plus que ça : on nous prive de
sortie. J'aimais bien mieux quand j'avais
des pensums à faire.
Le fait est qu'il n'est pas commode
d'échelonner les punitions , quand on
n'en a qu'une qui soit sérieuse. Et quand
un gamin a son dimanche pris, s'il lui
plaît de faire du bruit ou d'ennuyer un
maître, quel recours a-t-on contre lui ?
Il est maître de la situation.
On répond à toutes ces objections par dû
belles phrases. Mais les mots sont des
mots. Il faut voir les choses comme elle
sont,
francisque Sarcey*
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