Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-02-24
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 24 février 1890 24 février 1890
Description : 1890/02/24 (A19,N6615). 1890/02/24 (A19,N6615).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Dix-neuvième année. - N* 6,619
CINQ GcntilïlOS PaÎie et Départemefitf - CINO Centlibes
LUNDI 24 FÉVRIER 1890
LE XIX1 SIÈCLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN
RÉDACTION
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PARIS
IIRECTEU RPOLITIQUE
A. » EDOUARD PORTALIS
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La question du duc d'Orléans
LES
ÉLECTIONS AU REICHSTA6
Déroute des gouvernementaux
SUR LA POLICE DES MŒURS
LA QUESTION
DUCALE
Le compte rendu officieux du con-
seil des ministres d'hier nous apprend
que le gouvernement a arrêté sa réso-
lution en ce qui concerne le duc d'Or-
léans, et que cette décision sera tenue
secrète jusqu'à nouvel ordre. Le ren-
seignement n'est ni très précis ni très
compromettant. Tel qu'il est, il laisse
la question entière, et le gouvernement
L reste complètement libre de faire re-
k conduire « le premier conscrit de
France" à la frontière ou de le garder
sous les verrous. Dans un cas comme
dans l'autre, c'est sous sa responsabilité
qu'il agira et qu'il doit agir. Il n'a pas
à prendre l'avis préalable du Parle-
ment, lequel ne partage pas avec le
président de la République l'exercice
du droit de grâce, mais peut seule-
ment, dans le cas où il estimerait
qu'un usage abusif du droit aurait été
fait, blâmer le ministre responsable.
Si l'on ne consultait que l'opinion pu-
blique, le sentiment général se mon-
trerait sans doute fort indifférent à
l'égard du duc d'Orléans. Sauf quel-
ques douzaines de royalistes et de
boulangistes associés à une bande de
camelots dont l'enthousiasme n'avait
riende spontané, Paris, aussi bien que
la dernière commune de la frontière,
ont appris sans aucune émotion l'ar-
rivée du duc d'Orléans; ils sont restés
parfaitement tranquilles à la nouvelle
de son arrestation et de sa condamna-
tion; quelle que soit la suite de l'équi-
pée, il faut dès maintenant que les
royalistes se résignent à ce qu'elle ne
donne aucune émotion à l'immense
majorité des Français.
Si quelque chose peut guider le gou-
vernement et lui indiquer la solution
qu'il convient de donner à cette af-
faire, c'est bien plutôt l'attitude des
royalistes eux-mêmes et la prévision
des conséquences possibles de la dé-
termination qu'il prendra. Dès que le
duc d'Orléans est entré en France, le
gouvernement a pensé contrairement
à l'avis, exprimé de certains côtés,
qu'il conviendrait de le reconduire à
la frontière, après lui avoir adressé
une semonce comme à un collégien
indiscipliné : il a pensé que, puisqu'il
y avait une loi s'appliquant au cas du
duc d'Orléans, cette loi était faite
pour être respectée et que le meilleur
moyen de la faire respecter était de
l'appliquer. Les manifestations roya-
listes qui se sont produites à cette oc-
casion, comme l'approbation donnée
à l'acte du duc d'Orléans par les télé-
grammes du comte et de la comtesse
de Paris, ont prouvé que, dans l'esprit
des monarchistes, l'équipée princière
n'était pas un enfantillage ou l'acte
irréfléchi d'un jeune homme, mais un
acte politique sur lequel on comptait
pour réveiller en France le sentiment
monarchique. On a organisé des dé-
monstrations ; on a fait signer et pu-
blié des adresses de félicitation au
prince pour la « crânerie" de son atti-
tude; on a, tout naturellement, cons-
pué en même temps le gouvernement
de la République. En un mot, on a
fait tout ce qu'on a pu pour bien éta-
blir que, si le duc d'Orléans deman-
dait, en apparence, une gamelle, il ne
serait pas fâché, en réalité, de la man-
ger sur la première marche du trône,
sinon sur le trône même, vacant par
l'abdication éventuelle de son père.
Le gouvernement s'est donc trouvé
en face, non plus d'un fanatique du
pantalon garance, mais d'un préten-
dant, consacré tel par l'enthousiasme
de ses amis eux-mêmes, et la question,
douteuse, si l'on veut, au premier jour,
de savoir si l'on avait affaire à un
jeune homme irréfléchi ou à un ad-
vérsaire politique avide de réclame et
désireux de montrer qu'il ne s'embar-
rassait pas dans des scrupules de lé-
galité, s'est précisée. C'est cela même
qui peut guider la conduite du gou-
vernement. Si la grâce intervenait
immédiatement après l'expiration des
délais d'appel, la loi serait respectée
dans sa lettre; elle le serait moins
dans son esprit. Les prétendants pour-
raient s'imaginer qu'ils peuvent sauter
à pieds joints par-dessus la frontière
et que le tarif de ce plaisir, fixé en
apparence à un emprisonnement de
deux à cinq ans, est, dans la prati-
qU?, abaissé à une détention de dix
jours, qu'abrègent encore largement
le plaisir des visites et les distractions
culinaires. A ce prix-là, il n'y aurait
pas un seul prétendant qui ne se don-
nât, de temps à autre, la satisfaction
de venir narguer le gouvernement et
réchauffer le zèle de ses amis.
Pour une infraction beaucoup moin-
dre, puisqu'elle consistait seulement
en une protestation trop vive dans sa
forme, malgré l'éclat des services ren-
dus, malgré la neutralité de son atti-
tude, le duc d'Aumale n'a obtenu sa
grâce qu'après deux ans d'exil. Le duc
d'Orléans ne remplit aucune des con-
ditions qui militaient en faveur de son
grand-oncle, et, s'il était gracié main-
tenant, l'opinion publique, malgré son
indifférence, ne pourrait s'empêcher
de se demander ce qui lui vaut cette
indulgence extrême, qu'elle ne serait
sans doute pas disposée à approuver.
Quant à la majorité républicaine de
la Chambre, elle en montrerait cer-
tainement une assez vive émotion.
Beaucoup de républicains hésite-
raient sans doute, malgré leur dé-
sir d'éviter les crises ministérielles,
à approuver la conduite du gouver-
nement, et celui-ci sortirait du dé-
bat affaibli, à supposer même que la
Droite le soutînt, ce qui n'est pas dé-
montré. Franchement, ce n'est pas la
peine que le gouvernement s'expose à
un affaiblissement ou à une chute
pour les beaux yeux du duc d'Orléans.
Son emprisonnement ne gêne que lui
et il n'avait qu'à ne pas s'y exposer.
Mais les monarchistes seraient trop
contents si son escapade avait pour
résultat une crise ministérielle, et ce
n'est pas l'affaire des républicains de
leur donner ce plaisir.
AU CONSEIL DES MINISTRES
Le général Hubert-Castex
Sur la proposition de M. de Freycinet,
ministre de la guerre, le conseil a décidé
que le général Hubert-Castex serait traduit
devant un conseil d'enquête, en raison des
adieux qu'il a adressés à la 2e brigade de
dragons en quittant son commandement.
Convocation d'électeurs
Les conseillers municipaux de l'Ariège,
de l'Eure et du Finistère sont convoqués
pour le 9 mars prochain, à l'effet de nom-
mer leurs délégués pour les élections séna-
toriales qui auront lieu le 13 avril dans ces
départements.
UNE CAUSE CÉLÈBRE EN RUSSIE
Sept juifs accusés d'assassinat
VDE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Saint-Pétersbourg, 22 février.
Devant le tribunal de district, à Wilebok,
a commencé, il y a deux jours, le procès de
sept juifs accusés d'avoir assassiné un in-
dividu pour toucher une prime d'assurance
de 50,000 roubles sur sa vie.
Les autorités militaires ont pris des
précautions pour garder les accusés et les
israélites de la ville contre la colère de la
foule.
JOURNALISTES MYSTIFIES
Un publiciste éminent. — La presse
romaine.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 22 février.
Hier, l'Association de la presse romaine
était réunie au grand complet. Il s'agissait
de fêter la venue à Rome d'un publiciste
éminent de Buenos-Ayres, M. Davilla, di-
recteur du journal la Prensa.
Force toasts ont été échangés en l'hon-
neur de l'éminent confrère.
Or, ce matin, on découvre que le sieur
Davilla n'est ni journaliste ni directeur de
la Prensa, lequel s'appelle Edoresdo Labos.
Davilla a tout simplement mystifié l'Asso-
ciation des journalistes. Le plus curieux,
c'est que M. Bonghi, président de l'Asso-
ciation, est en même temps correspondant,
pour Rome, de la Prensa. On juge de l'a-
hurissement des journalistes romains, ainsi
mystifiés.
LES SOCIALISTES ALLEMANDS
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Francfort, 22 février.
Parmi les candidats socialistes allemands,
on relève les professions suivantes : a me-
nuisiers, 10 mécaniciens, 8 typographes, 8 cor-
donniers, 6 négociants, h ouvriers cigariers,
5 fabricants de cigares, 3 hôteliers, 3 maçons,
3 modeleurs, 2 doreurs, 2 pharmaciens, 8 pu-
blicistes, 2 tourneurs, dont Bebel.
LES RAPATRIÉS DU TONKIN
Note ministérielle relative au renvoi
dans les foyers.
A la date du 20 février, le ministre de la
guerre a signé une note prescrivant que les
militaires de la classe 1885 et ceux libéra-
bles du service actif d'ici au 30 juin 1891,
« rapatriés du Tonkin M, seront envoyés
dans leurs foyers et classés dans la réserve
de l'armée active.
Le renvoi s'effectuera au iur et à mesure
des rapatriements, et dès à présent pour
les ayants-droit qui sont déjà rentrés.
Les militaires rapatriés faisant partie des
catégories ci-dessus et qui sont actuelle-
ment en congé seront maintenus dans
leurs foyers et classés dans la réserve.
Les hommes des régiments étrangers li-
bérables avant le 1er janvier 1891 et rapa-
triés du Tonkin seront, avec leur consens
tement, renvoyés ou maintenus dans leurs
foyers et classés, s'il y a lieu, dans la ré-
serve.
MORT DU PEINTRE CASANOVA
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Madrid, 22 février.
La peintre Jover y Casanova, professeur à
l'Ecole de peinture, chargé par le Sénat du
tableau représentant le serment prêté par la
reine-régente devant les Cortes, vient de mou-
rir, emporté en quelques jours car une fluxion
de poitrine.
M. EDOUARD PORTALIS
AUX ÉLECTEURS
ARRONDISSEMENT-DE GIEN
La lutte entre la République et la réac>
tion. — Le cas de M. Loreau. —
Appel à l'union des républi-
cains.
[M. Edouard Portalis adresse aux électeurs
de l'arrondissement de Gien la lettre suivante :]
Chers concitoyens,
Après une enquête à l'impartialité de la-
quelle la Droite elle-même, par l'organe de
M. le marquie la Ferronnays, a été obli-
gée de rendre hommage, la Chambre des
députés a jugé que le scrutin qui, le 6 oc-
tobre, avait donné à M. Loreau une majo-
rité de 76 voix, devait être annulé, comme
ayant été vicié par « des diffamations
inouïes », par « la corruption » et par une
« odieuse pression
Dans ma lettre de remerciement aux
7,32A électeurs qui, le 6 octobre, m'avaient
donné leurs libres suffrages, je vous disais
que, le jour prochain où le suffrage univer-
sel serait de nouveau appelé à se prononcer
dans notre arrondissement, nous nous re-
trouverions tous unis autour du même dra-
peau, et que ce jour-là la victoire serait la
récompense de votre patience et de vos ef-
forts.
Electeurs, ce jour est venu.
Une nouvelle élection doit avoir lieu le 9
mars prochain.
J'ai peu de chose à ajouter à mes précé-
dentes déclarations. Je tiens cependant à
vous redire que, si je suis votre élu, je met-
trai mon honneur à rester à la Chambre ce
que j'étais avant le 6 octobre et ce que je
suis encore dans la lutte d'aujourd'hui : le
représentant, non de telle ou telle fraction
du parti républicain, mais le représentant
de tous les républicains sans distinction de
nuances ni de groupes.
Je ferai tous mes efforts pour maintenir
l'union qui s'est faite à la Chambre dans le
parti républicain par l'ajournement des
questions qui le divisaient. Ce sont les in-
térêts de tous les républicains que je veux
défendre, c'est avec le concours de tous les
républicains que je veux poursuivre l'ac-
complissement des réformes que la démo-
cratie attend de la République.
Quant à nos adversaires, nous les avons
vus à l'œuvre. Nous pouvons prévoir qu'ils
ne reculeront devant aucune manœuvre
pour tromper le suffrage universel. Cette
fois encore ils vont se dire républicains,
mais personne ne sera leur dupe.
S'ils étaient républicains, ils ne seraient
pas soutenus par toute la réaction.
S'ils étaient républicains, ils n'auraient
pas employé les procédés qui les ont fait
condamner par les tribunaux correction-
nels.
S'ils étaient républicains, la majorité ré-
publicaine n'aurait pas eu à chasser de ses
rangs celui qui a dû à ces procédés d'oc-
cuper momentanément un siège de député.
Les électeurs n'oublieront pas que la ma-
jorité qui a prononcé l'invalidation de M.
Loreau est exclusivement républicaine, et
que la minorité qui a voté contre l'invali-
dation comprend tous ceux qui n'ont cessé'
de combattre la République dans le but
avoué de la renverser. -
Ils n'oublieront pas que M. Loreau n'a
trouvé pour plaider sa cause qu'un mem-
bre de la Droite, M. de la Ferronnays.
Aucune équivoque ne pourra désormais
prévaloir contre l'écrasante réalité des
faits.
Aujourd'hui comme hier, la lutte est en-
tre les partisans de la République et ses
ennemis masqués ou non.
L'issue d'une pareille lutte dans l'arron-
dissement de Gien ne saurait être dou-
teuse.
Tandis que lu arrondissements du
Loiret ont nommé des députés qui font par-
tie de la majorité républicaine, l'arrondis-
sement de Gien, si républicain, ne voudra
pas faire exception ; il ne voudra pas être
représenté par un homme de la Droite, par
un homme dont l'élection serait un triom-
phe pour tous les ennemis de la Républi-
que.
C'est donc avec la plus entière confiance
que je fais appel à tous les républicains. Je
leur demande leurs suffrages au nom de la
Patrie qui, pour être grande, forte et pros-
père, a besoin de paix et d'union.
Vive l'Union des républicains!
Vive la République !
A.-EDOUARD PORTALIS,
candidat républicain.
Gien, place du Château, le 17 février 1890.
LE DUC D'ORLÉANS
LA SITUATION EXACTE
La question au conseil des ministres.
— Dans les couloirs de la Chambre,
— Interpellation et proposition
ajournées. — A la Con-
ciergerie.
Le duc d'Orléans n'est pas gracié. La note
publiée dans le dernier numéro du XIXe
Siècle était exacte d'un bout à l'autre.
Dans le conseil des ministres tenu hier
sous la présidence de M. Carnot, la question
de la grâce a été examinée ; la majorité
des membres du gouvernement était, en
principe, d'avis de gracier le duc d'Orléans;
telle était également l'opinion du président
de la République.
Toutefois, il fut convenu que MM. Tirard,
Thévenet et Constans seraient chargés de
s'entendre pour la fixation du jour et de
l'heure où le prince devrait être reconduit
à la frontière.
Dans le but de se renseigner sur les
dispositions des membres du Parlement,
les ministres se trouvaient presque tous à
quatre heures au Palais-Bourbon. Ces dis-
positions ne leur ont pas semblé favora-
bles à la mesure de clémence.
A la Chambre
On leur fit observer que la grâce du duc
d'Orléans, avant tout commencement d'exé-
cution de la peine à laquelle il a été condam-
né, produirait une très mauvaise impres-
sion dans le pays, où on la considérerait
comme une infraction au principe d'éga-
lité des citoyens devant la loi, que cette
mesure ne répondait pas au sentiment pu-
bhc et que la majorité de la Chambre s'y
montrerait hostile.
Et, en effet, la nouvelle que la grâce avait
été signée avait produit à la Chambre une
vive émotion. On parlait d'une interpella-
tion immédiate de M. Camille Pelletan ou
de M. Maujan, au nom dç la majorité répu-
blicaine. Les socialistes annonçaient, d'au-
tre part, leur intention de déposer une de-
mande d'aministie motivée signée de MM.
Dumay, Prost et Baudin et dont voici le
texte :
Messieurs,
Contrairement à l'attente publique, les vic-
times de notre mauvaise organisation sociale,
condamnées après les événements de Mont-
ceau-les-Mines, Decazeville, .Lyon et autres
théâtres de grèves, n'ont bénéficié que de grâ-
ces partielles depuis leur condamnation, même
pendant l'année du centenaire.
Après l'usage que vient de faire M. le prési-
dent de la République du droit de grâce que
lui octroie la Constitution, en faveur d'un
descendant d'une famille dont les chefs ont si
souvent employé les fusillades sommaires
contre les revendications populaires, nous
estimons que le moment est venu de penser à
ceux dont tout le crime fut de protester trop
haut contre les iniquités sociales dont ils
étaient victimes.
En conséquence, les soussignés ont l'hon-
neur de vous proposer d'urgence le projet de
loi suivant :
Article unique. — Amnistie pleine et entière
est accordée a tous les condamnés pour faits
de grève ou faits connexes survenus depuis
dix ans à Lyon, Montceau-les-Mines, Decaze-
ville et autres centres miniers ou industriels.
Enfin M. Baudin, député, devait deman-
der la mise en tête de l'ordre du jour de la
proposition de M. Moreau relative à l'am-
nistie pour tous les délits politiques. Le dé-
puté socialiste du Cher a, en effet, apporté
cette dernière demande à la tribune —
comme on le verra d'autre part, — et a sans
peine obtenu satisfaction. C'est même le
seul incident qui, de ce chef, se soit produit
en séance.
De nombreux députés, parmi lesquels
MM. Clémenceau et Ribot, se rendirent au
banc des ministres pour leur faire connaî-
tre leur sentiment absolument opposé à la
grâce immédiate.
Dans ces conditions, les ministres, après
en avoir délibéré à la Chambre même,
firent officieusement savoir que toute me-
sure de grâce serait ajournée. Officielle-
ment, M. Tirard déclara à M. Maujan, qui
avait l'intention d'interpeller, et à MM.
Baudin et Prost, qui allaient déposer leur
proposition d'amnistie, « que les ministres
n'avaient pas à délibérer sur l'affaire du
duc d'Orléans ». Ce qui revenait à dire que
le duc n'avait pas été et ne serait pas en-
core gracié.
Dans ces conditions, toute idée d'inter-
pellation et de proposition d'amnistie fut
abandonnée.
LA NOTE A PAYER
Le duc d'Orléans, à la veille de quitter la
Conciergerie, a soldé sa note au restaurant
du Barreau. La gamelle a coûté cher au
jeune duc. Arrêté le 7 février, ses divers
repas,où le filet à la d'Orléans alternait avec
les poulardes à la Henri IV et avec les per-
dreaux à la Chambord, lui ont coûté la jolie
somme de 1,A5A francs 65 centimes! Pour
trente repas, c'est coquet ; une cinquantaine
de francs par repas ! Le duc a donné encore
5h francs pour les frais du service. Ce sont
MM. les ducs de Luynes et d'Alençon qui
ont payé.
Dernière heure
D'après nos renseignements, et nous les
tenons de bonne source, le duc d'Orléans
quittera la conciergerie aujourd'hui et sera
transféré dans une autre prison.
Le « XIXe Siècle » publiera demain la
a Chronique » par M. Francisque Sarcey.
L'AFFAIRE DES MÉTAUX
Devant la chambre des mises en
accusation. — La défense de M. Se-
crétan et la partie civile. — Un
nouveau réquisitoire.
L'affaire des Métaux est actuellement
pendante devant la chambre des mises en
accusation.
On sait qu'il s'agit de savoir si les admi-
nistrateurs de la société des Métaux seront,
sans distinction, impliqués dans les pour-
suites.
L'ordonnance en écarte 29 sur 33, « parce
qu'ils déclarent, dit-elle, qu'ils ignoraient
les agissements de M. Secrétan. »
Celui-ci soutient, d'ailleurs, que rien
n'est plus inexact, et il base même sa dé-
fense sur ce qu'il aurait fait connaître tous
ses traités au comité de direction et au
conseil d'administration.
La partie civile a eu connaissance du sys-
tème de défense de M. Secrétan, et c'est ce
qui l'a décidée à faire appel de l'ordon-
nance.
— Elle ne peut admettre, quant à elle, dit
son avocat, Me Jullemier, dans le mémoire
qu'il a déposé à cet égard devant la cham-
bre des mises en accusation, qu'une dis-
tinction aussi arbitraire puisse être faite
entre tous les administrateurs d'une société
d'autant plus que jamais les séances d'un
conseil d'administration n'ont été aussi ré-
gulièrement suivies.
Le dossier de l'affaire est actuellement
entre les mains de M. l'avocat général Sy-
monet, qui l'examine avec le plus grand
soin.
C'est mardi qu'il prononcera son réqui-
sitoire devant la chambre des mises en ac-
cusation. Ce réquisitoire très important ne
tiendra pas moins de toute l'audience.
L'arrêt sera probablement rendu ven-
dredi.
AU DAHOMEY
Prise de Cotonou
Nous apprenons que M. le commandant
Terrillon a enlevé hier, après une rapide
et brillante attaque, le village de Cotonou,
au Dahomey, qu'il a immédiatement for-
tifié.
Nous avons eu quatre blessés.
Les chefs dahoméens ont été faits prison-
niers.
Nous étions donc bien informé quand, il
y a quelques jours, nous annoncions les
événements qui se préparaient au Daho-
mey.
COUPS DE REVOLVER
SUR UN JOURNALISTE
A propos d'un article
(D'UN CORRESPONDANT)
Marseille, 22 février.
Le journal satirique le Pavé ayant pu-
blié un article où M. Auguste Marin, poète
marseillais, était violemment pris à partie,
ce dernier, rencontrant cet après-midi,
sur le boulevard National, M. Georges
Martz, secrétaire de la rédaction du Pavé,
a eu avec lui un court échange de paroles,
à la suite duquel il a tiré sur M. Martz trois
coups de revolver sans l'atteindre.
Aussitôt désarmé par les passants, M. Ma-
rin a exprimé ses regrets de l'acte qu'il ve-
nait d'accomplir.
M. Martz a refusé de porter plainte.
CHRONIQUE
Ce n'est pas une chose peu curieuse
que ce réveil inattendu d'intérêt, qu'il
faut bien constater, pour les études ca-
balistiques, pour tout ce qui touche âu
merveilleux, pour tout ce qui est du do-
maine de l'occulte. Je suis, avec quelque
étonnement, le mouvement d'attention
qui se manifeste pour des choses qu'on
eût traitées de billevesées il n'y a pas
longtemps. Un appétit de surnaturel
semble être venu à nombre d'esprits, au-
jourd'hui, qui ont de la culture et du raf-
finement. Le sentiment de l'ignorance
humaine sur les mystères de la vie et de
la mort pousse à admettre toutes les hy-
pothèses, à n'en rejeter aucune, de prime
abord, comme chimérique. On raconte de
sang-froid d'extraordinaireshistoiresd'ap-
paritions, de cas de dédoublement de l'ê-
tre, d'évocations suivies de résultats, de
miracles de toute sorte. Dans un congrès
dont les membres ont abandonné l'éti-
quette de spirites, pour adopter celle plus
grave de « spiritualistes », n'a-t-on pas
voté récemment une déclaration qui pro-
clamait la réalité des relations entre les
vivants et les morts ?
On dirait qu'un vertige entraîne vers
les plus singulières croyances. On remet
en honneur le grimoire et toutes les
vieilles sciences hermétiques. Ir se re-
trouve de modernes alchimistes qui re-
cherchent la pierre philosophale. Des
revues, comme l'Initiation, se sont fon-
dées, qui traitent ex professo de ces
étranges matières. Un de ces mages mo-
dernes, qui signe Papus, parle de la di-
vination d'après le Tarot des bohémiens
en homme qui ne badine point. Tel autre
réhabilite l'astrologie et étudie l'influence
des planètes sur les destinées de ses con-
temporains : il est vrai qu'il se trompe
parfois dans ses calculs. Je l'avais notam-
ment entendu prédire à Louis Ulbach
qu'il périrait dans un naufrage ! M. Jules
Lermina, qui se plaît à écrire de très ef-
frayants contes fantastiques, vient de
donner, ainsi qu'un livre classique, un
manuel de magie pratique qui restera
comme un document typique sur la pé-
riode de fièvre mystique qui s'est empa-
rée de ce temps-ci, plus contagieuse qu'on
ne croit, malgré les préoccupations cou-
rantes, ordinairement positives. -
Je crois, pour ma part, qu'il n'y a pas
qu'à railler, mais qu'il vaudrait mieux
rechercher les causes de ce mouvement,
né sans doute d'un vague besoin de rem-
placer les religions qui s'écroulent, de la
lassitude des systèmes philosophiques
impuissants à tout expliquer par la rai-
son, d'une sorte d'excitation cérébrale,
aussi, qui ne se contente plus des choses
simples comme aliment intellectuel.
Cependant, il y a encore quelques scep-
tiques qui ne se font point faute de tour-
ner en plaisanterie toutes ces « diable-
ries M, sans le moindre respect. C'est ainsi
qu'une revue américaine publiait, dans
une de ses dernières livraisons, un conte
assez plaisant, dans son comique à la
pince-sans-rire, rappelant un peu la ma-
nière de l'humoriste Mark Twain. Ce
badinage vaut peut-être la peine d'être
résumé.
L'auteur anonyme imagine donc qu'un
jeune homme a versé dans ces troublan-
tes rêveries. Il est plein de ferveurs pour
les études occultes, et M. Joséphin Péla-
dan lui-même lui devrait rendre des
points en fait de zèle pour les problèmes
mystérieux. Il est familier avec les doc-
trines merveilleuses écloses dans les mo-
nastères du Thibet, il s'est assimilé tous
les traités de sorcellerie, il lit couram-
ment dans les vieux livres de cabale. Tout
d'abord, il n'a cherché là qu'une occupa-
tion curieuse, qu'une distraction peu ba-
nale. Puis cela le « pose » un peu auprès
de ses amis, cette connaissance de tant
de choses d'une abstraction redoutable.
Je crois, entre parenthèses, que ce souci
n'est pas étranger non plus à quelques-
uns de ceux qui, chez nous, témoignent
tant d'intérêt pour tout ce surnaturel ;
ils mettent quelque coquetterie à se dire
« initiés iy.
Toutefois, notre cabaliste s'avise, comme
un simple profane, de s'éprendre d'une
jolie personne, quelque miss Maud ou
quelque miss Kate, qui, elle, ne songe
guère, en vraie fille de Yankees qu'elle
est, qu'aux choses de la terre. La posses-
sion de mines de pétrole ou d'actions de
florissantes sociétés industrielles lui pa-
raît préférable aux plus surprenantes ré-
vélations. L'adepte demande sa , main, et
a le chagrin de se voir repoussé, comme
insuffisamment millionnaire.
Il se désole, puis il pense que toute
sa science n'a peut-être pas simplement
une valeur spéculative. S'il pouvait ar-
river à produire de l'or dans ses four-
neaux d'alchimiste ! Mais ses tentatives,
où il épuise ses dernières ressources,
restent vaines, et, sur ces entrefaites, la
positive jeune fille accueille favorable-
ment un gentleman médiocrement sédui-
sant, mais dont les revenus se chiffrent
par le nombre le plus imposant de
dollars.
Hélas ! va-t-elle vraiment lui échapper
à jamais ? Toute sa magie ne lui servira-
t-elle de rien ? Aura-t-il inutilement pâli
sur les bouquins les plus poudreux pour
être, en présence de cette fâcheuse éven-
tualité, complètement désarmé ? Eh bien,
non, il fera appel aux puissances infer-
nales. Et voici, en effet, qu'il se livre
aux conjurations prescrites par les rites,
consistant en fumigations où se mêlent
les racines de cardamome, de gingembre,
de cinnamome, de macis et de storax ca-
lamité. C'est le Diable qu'il évoque.
Il a pris soin, pour prononcer les for-
mules indiquées, de se vêtir d'une robe
rouge, constellée de signes cabalistiques,
et, sans trembler, il attend messire Sa-
tan. Quand la fumée des parfums se dis-
sipe, il aperçoit, en effet, devant lui, le
Diable lui-même, qui le regarde, les bras
croisés. Celui-ci porte bien son costumEt
classique, mais arrangé à la dernière
mode, le pourpoint couleur feu étant
remplacé par un habit de même nuance.
- Pourquoi nie déranges-tu? demande"
t-il, après avoir souri de l'appareil dans
lequel le jeune homme a cru le reeevoirJ
l'estimant évidemment ridicule et sut
ranné.
L'autre, qui en est encore aux procédéS
classiques, lui explique qu'il désire lui
vendre son âme, à la condition qu'il de
viendra fabuleusement riche et qu'il
pourra épouser la femme qu'il aime.
Le Diable ne témoigne pas d'un gran4
empressement à accepter la proposition*;
Enfin, comme un banquier qui a pesé la
pour et le contre d'une spéculation, il
pond s i
— Ça peut se faire tout de même..J.
Il tire un calepin de sa poche, y inscrit -
quelques mots, après avoir légèrement
mouillé son crayon sur sa langue.
— Nous disons. dix ans de rêves ad
complis, de parfaites félicités. Puis toit
âme m'appartient. C'est convenu ?
— C'est convenu, reprend le jeune
homme, qui parle déjà en maître. Fais
donc jaillir de l'or, transforme-moi en
nabab.
Mais le Diable, d'un geste, tempère sott
impatience. - -,
— Un instant, s'il te plait. Signons 1$
pacte.
— Soit. Veux-tu quelques gouttes <1$
mon sang?
— Oh! de l'encre noire suffit, pourvtf
que le traité soit bien en règle. As-tu und
feuille de papier timbré?. Non?. Heilf
reusement j'en ai toujours sur moi.
Le Diable s'assoit, rédige l'acte sel Ou
les formes, minutieusement, passe la
plume au futur damné, qui signe rapide^
ment.
— Maintenant, s'écrie celui-ci, obéiSl
moi, procure-moi les richesses que je d44
sire.. *
— Minute ! dit Satan, il faut faire erfc
registrer Vacte ! J'ai été plus d'une fois
dupé, tu comprends. A présent, je prends
toutes mes précautions. Je ne te ser-
virai que quand ce papier sera dûment
revêtu de tous les sceaux nécessaires,
quand nous aurons passé au bureau de
l'enregistrement. Malheureusement pour
toi, reprend-il en regardant sa mon-
tre, l'heure est déjà avancée, et il est fer-
mé. Il faudra attendre à demain.
— Mais c'est tout de suite qu'il me faut
ces trésors 1
— Désolé, mon cher garçon, mais je ne
fais pas de sentiment en affaires.
Et le Diable disparaît. et le jeune ca-
baliste se réveille de son rêve, se retrou-
vant le nez sur un des livres de magie
devant lesquels il s'était endormi.
Cette conception d'un diable moderne,
pratique, pas romanesque du tout, ne
manque pas de quelque fantaisie, n'est-
ce pas ? L'innocente satire du conteur,
c'était précisément de l'avoir fait beau-
coup plus froid et plus sensé que ceux
qui se plongent aujourd'hui, comme
par un singulier anachronisme, en Ges
troublantes étudesu
Paul Ginisty.
LES ELECTIONS.
ALLEMANDES - - - - '.-
DÉFAITE DU GOUVERNEMENT.
Les socialistes plus victorieux qu'ont
ne le croyait. — Le gouvernement
en minorité. — La dissolution
en vue.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 22 février.
Les derniers résultats connus donnent 2P
socialistes élus et A3 en ballottage.
Les progressistes gagnent trois sièges.
Le centre catholique reste intact. DécoQi
fiture complète des nationaux-libéraux. -
On estime que les socialistes auront.
après les scrutins de ballottage, environ Ji)
sièges.La majorité gouvernementale n'existe
plus. Ses pertes sont estimées à U5 sièges
environ.
On assure que l'empereur a fait mander
le chancelier et que celui-ci lui conseille de
revenir en arrière et d'accepter sa démis-
sion. -
En tous cas, les bruits les plus pessimistes
sont en circulation. Dans les cercles gou*
vernementaux, on parle de dissolution et
on insiste pour que l'empereur confie, en
vue d'une nouvelle campagne électorale, la
ministère de l'intérieur à M. de Puitkam
mer, l'ancien ministre congédié par Frédê
rie
merI, II et qui parlait dernièrement, dans
un discours à ses électeurs poméraniens, de
mitrailler les socialistes.
On est convaincu que, si la dissolution
était prononcée, l'empereur changerait do
tactique et choisirait comme plate-forma
électorale les questions de politique ext^
rieure.
Les résultats connus "-
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER} J
Berlin, 22 février. <
Il y a, ce soir, 318 résultats connus suÊ,
397 élections.
Sur ces 318 élections, il y a Mh résultats
définitifs et 11A ballottages. -
Sont élus définitivement 68 candidats des
partis de l'ancienne majorité parlement,
taire.
Conservateurs purs. W,
Conservateurs libres. le
Nationaux-libéraux t • 1A
Gouvernementaux, en tout. 68
Les partis opposants ont fait passer I3Ô
députés :
Centre. 76
Progressistes 1 h
Socialistes. 17
Indépendant 1
Démocrates .,. 3
Polonais. 10
Danois. 1
Alsaciens-Lorrains. II.
Opposition. 136 élus:
Les candidats en présence dans les l ur
ballottages comprennent 85 gouvernement
CINQ GcntilïlOS PaÎie et Départemefitf - CINO Centlibes
LUNDI 24 FÉVRIER 1890
LE XIX1 SIÈCLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN
RÉDACTION
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PARIS
IIRECTEU RPOLITIQUE
A. » EDOUARD PORTALIS
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La question du duc d'Orléans
LES
ÉLECTIONS AU REICHSTA6
Déroute des gouvernementaux
SUR LA POLICE DES MŒURS
LA QUESTION
DUCALE
Le compte rendu officieux du con-
seil des ministres d'hier nous apprend
que le gouvernement a arrêté sa réso-
lution en ce qui concerne le duc d'Or-
léans, et que cette décision sera tenue
secrète jusqu'à nouvel ordre. Le ren-
seignement n'est ni très précis ni très
compromettant. Tel qu'il est, il laisse
la question entière, et le gouvernement
L reste complètement libre de faire re-
k conduire « le premier conscrit de
France" à la frontière ou de le garder
sous les verrous. Dans un cas comme
dans l'autre, c'est sous sa responsabilité
qu'il agira et qu'il doit agir. Il n'a pas
à prendre l'avis préalable du Parle-
ment, lequel ne partage pas avec le
président de la République l'exercice
du droit de grâce, mais peut seule-
ment, dans le cas où il estimerait
qu'un usage abusif du droit aurait été
fait, blâmer le ministre responsable.
Si l'on ne consultait que l'opinion pu-
blique, le sentiment général se mon-
trerait sans doute fort indifférent à
l'égard du duc d'Orléans. Sauf quel-
ques douzaines de royalistes et de
boulangistes associés à une bande de
camelots dont l'enthousiasme n'avait
riende spontané, Paris, aussi bien que
la dernière commune de la frontière,
ont appris sans aucune émotion l'ar-
rivée du duc d'Orléans; ils sont restés
parfaitement tranquilles à la nouvelle
de son arrestation et de sa condamna-
tion; quelle que soit la suite de l'équi-
pée, il faut dès maintenant que les
royalistes se résignent à ce qu'elle ne
donne aucune émotion à l'immense
majorité des Français.
Si quelque chose peut guider le gou-
vernement et lui indiquer la solution
qu'il convient de donner à cette af-
faire, c'est bien plutôt l'attitude des
royalistes eux-mêmes et la prévision
des conséquences possibles de la dé-
termination qu'il prendra. Dès que le
duc d'Orléans est entré en France, le
gouvernement a pensé contrairement
à l'avis, exprimé de certains côtés,
qu'il conviendrait de le reconduire à
la frontière, après lui avoir adressé
une semonce comme à un collégien
indiscipliné : il a pensé que, puisqu'il
y avait une loi s'appliquant au cas du
duc d'Orléans, cette loi était faite
pour être respectée et que le meilleur
moyen de la faire respecter était de
l'appliquer. Les manifestations roya-
listes qui se sont produites à cette oc-
casion, comme l'approbation donnée
à l'acte du duc d'Orléans par les télé-
grammes du comte et de la comtesse
de Paris, ont prouvé que, dans l'esprit
des monarchistes, l'équipée princière
n'était pas un enfantillage ou l'acte
irréfléchi d'un jeune homme, mais un
acte politique sur lequel on comptait
pour réveiller en France le sentiment
monarchique. On a organisé des dé-
monstrations ; on a fait signer et pu-
blié des adresses de félicitation au
prince pour la « crânerie" de son atti-
tude; on a, tout naturellement, cons-
pué en même temps le gouvernement
de la République. En un mot, on a
fait tout ce qu'on a pu pour bien éta-
blir que, si le duc d'Orléans deman-
dait, en apparence, une gamelle, il ne
serait pas fâché, en réalité, de la man-
ger sur la première marche du trône,
sinon sur le trône même, vacant par
l'abdication éventuelle de son père.
Le gouvernement s'est donc trouvé
en face, non plus d'un fanatique du
pantalon garance, mais d'un préten-
dant, consacré tel par l'enthousiasme
de ses amis eux-mêmes, et la question,
douteuse, si l'on veut, au premier jour,
de savoir si l'on avait affaire à un
jeune homme irréfléchi ou à un ad-
vérsaire politique avide de réclame et
désireux de montrer qu'il ne s'embar-
rassait pas dans des scrupules de lé-
galité, s'est précisée. C'est cela même
qui peut guider la conduite du gou-
vernement. Si la grâce intervenait
immédiatement après l'expiration des
délais d'appel, la loi serait respectée
dans sa lettre; elle le serait moins
dans son esprit. Les prétendants pour-
raient s'imaginer qu'ils peuvent sauter
à pieds joints par-dessus la frontière
et que le tarif de ce plaisir, fixé en
apparence à un emprisonnement de
deux à cinq ans, est, dans la prati-
qU?, abaissé à une détention de dix
jours, qu'abrègent encore largement
le plaisir des visites et les distractions
culinaires. A ce prix-là, il n'y aurait
pas un seul prétendant qui ne se don-
nât, de temps à autre, la satisfaction
de venir narguer le gouvernement et
réchauffer le zèle de ses amis.
Pour une infraction beaucoup moin-
dre, puisqu'elle consistait seulement
en une protestation trop vive dans sa
forme, malgré l'éclat des services ren-
dus, malgré la neutralité de son atti-
tude, le duc d'Aumale n'a obtenu sa
grâce qu'après deux ans d'exil. Le duc
d'Orléans ne remplit aucune des con-
ditions qui militaient en faveur de son
grand-oncle, et, s'il était gracié main-
tenant, l'opinion publique, malgré son
indifférence, ne pourrait s'empêcher
de se demander ce qui lui vaut cette
indulgence extrême, qu'elle ne serait
sans doute pas disposée à approuver.
Quant à la majorité républicaine de
la Chambre, elle en montrerait cer-
tainement une assez vive émotion.
Beaucoup de républicains hésite-
raient sans doute, malgré leur dé-
sir d'éviter les crises ministérielles,
à approuver la conduite du gouver-
nement, et celui-ci sortirait du dé-
bat affaibli, à supposer même que la
Droite le soutînt, ce qui n'est pas dé-
montré. Franchement, ce n'est pas la
peine que le gouvernement s'expose à
un affaiblissement ou à une chute
pour les beaux yeux du duc d'Orléans.
Son emprisonnement ne gêne que lui
et il n'avait qu'à ne pas s'y exposer.
Mais les monarchistes seraient trop
contents si son escapade avait pour
résultat une crise ministérielle, et ce
n'est pas l'affaire des républicains de
leur donner ce plaisir.
AU CONSEIL DES MINISTRES
Le général Hubert-Castex
Sur la proposition de M. de Freycinet,
ministre de la guerre, le conseil a décidé
que le général Hubert-Castex serait traduit
devant un conseil d'enquête, en raison des
adieux qu'il a adressés à la 2e brigade de
dragons en quittant son commandement.
Convocation d'électeurs
Les conseillers municipaux de l'Ariège,
de l'Eure et du Finistère sont convoqués
pour le 9 mars prochain, à l'effet de nom-
mer leurs délégués pour les élections séna-
toriales qui auront lieu le 13 avril dans ces
départements.
UNE CAUSE CÉLÈBRE EN RUSSIE
Sept juifs accusés d'assassinat
VDE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Saint-Pétersbourg, 22 février.
Devant le tribunal de district, à Wilebok,
a commencé, il y a deux jours, le procès de
sept juifs accusés d'avoir assassiné un in-
dividu pour toucher une prime d'assurance
de 50,000 roubles sur sa vie.
Les autorités militaires ont pris des
précautions pour garder les accusés et les
israélites de la ville contre la colère de la
foule.
JOURNALISTES MYSTIFIES
Un publiciste éminent. — La presse
romaine.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 22 février.
Hier, l'Association de la presse romaine
était réunie au grand complet. Il s'agissait
de fêter la venue à Rome d'un publiciste
éminent de Buenos-Ayres, M. Davilla, di-
recteur du journal la Prensa.
Force toasts ont été échangés en l'hon-
neur de l'éminent confrère.
Or, ce matin, on découvre que le sieur
Davilla n'est ni journaliste ni directeur de
la Prensa, lequel s'appelle Edoresdo Labos.
Davilla a tout simplement mystifié l'Asso-
ciation des journalistes. Le plus curieux,
c'est que M. Bonghi, président de l'Asso-
ciation, est en même temps correspondant,
pour Rome, de la Prensa. On juge de l'a-
hurissement des journalistes romains, ainsi
mystifiés.
LES SOCIALISTES ALLEMANDS
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Francfort, 22 février.
Parmi les candidats socialistes allemands,
on relève les professions suivantes : a me-
nuisiers, 10 mécaniciens, 8 typographes, 8 cor-
donniers, 6 négociants, h ouvriers cigariers,
5 fabricants de cigares, 3 hôteliers, 3 maçons,
3 modeleurs, 2 doreurs, 2 pharmaciens, 8 pu-
blicistes, 2 tourneurs, dont Bebel.
LES RAPATRIÉS DU TONKIN
Note ministérielle relative au renvoi
dans les foyers.
A la date du 20 février, le ministre de la
guerre a signé une note prescrivant que les
militaires de la classe 1885 et ceux libéra-
bles du service actif d'ici au 30 juin 1891,
« rapatriés du Tonkin M, seront envoyés
dans leurs foyers et classés dans la réserve
de l'armée active.
Le renvoi s'effectuera au iur et à mesure
des rapatriements, et dès à présent pour
les ayants-droit qui sont déjà rentrés.
Les militaires rapatriés faisant partie des
catégories ci-dessus et qui sont actuelle-
ment en congé seront maintenus dans
leurs foyers et classés dans la réserve.
Les hommes des régiments étrangers li-
bérables avant le 1er janvier 1891 et rapa-
triés du Tonkin seront, avec leur consens
tement, renvoyés ou maintenus dans leurs
foyers et classés, s'il y a lieu, dans la ré-
serve.
MORT DU PEINTRE CASANOVA
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Madrid, 22 février.
La peintre Jover y Casanova, professeur à
l'Ecole de peinture, chargé par le Sénat du
tableau représentant le serment prêté par la
reine-régente devant les Cortes, vient de mou-
rir, emporté en quelques jours car une fluxion
de poitrine.
M. EDOUARD PORTALIS
AUX ÉLECTEURS
ARRONDISSEMENT-DE GIEN
La lutte entre la République et la réac>
tion. — Le cas de M. Loreau. —
Appel à l'union des républi-
cains.
[M. Edouard Portalis adresse aux électeurs
de l'arrondissement de Gien la lettre suivante :]
Chers concitoyens,
Après une enquête à l'impartialité de la-
quelle la Droite elle-même, par l'organe de
M. le marquie la Ferronnays, a été obli-
gée de rendre hommage, la Chambre des
députés a jugé que le scrutin qui, le 6 oc-
tobre, avait donné à M. Loreau une majo-
rité de 76 voix, devait être annulé, comme
ayant été vicié par « des diffamations
inouïes », par « la corruption » et par une
« odieuse pression
Dans ma lettre de remerciement aux
7,32A électeurs qui, le 6 octobre, m'avaient
donné leurs libres suffrages, je vous disais
que, le jour prochain où le suffrage univer-
sel serait de nouveau appelé à se prononcer
dans notre arrondissement, nous nous re-
trouverions tous unis autour du même dra-
peau, et que ce jour-là la victoire serait la
récompense de votre patience et de vos ef-
forts.
Electeurs, ce jour est venu.
Une nouvelle élection doit avoir lieu le 9
mars prochain.
J'ai peu de chose à ajouter à mes précé-
dentes déclarations. Je tiens cependant à
vous redire que, si je suis votre élu, je met-
trai mon honneur à rester à la Chambre ce
que j'étais avant le 6 octobre et ce que je
suis encore dans la lutte d'aujourd'hui : le
représentant, non de telle ou telle fraction
du parti républicain, mais le représentant
de tous les républicains sans distinction de
nuances ni de groupes.
Je ferai tous mes efforts pour maintenir
l'union qui s'est faite à la Chambre dans le
parti républicain par l'ajournement des
questions qui le divisaient. Ce sont les in-
térêts de tous les républicains que je veux
défendre, c'est avec le concours de tous les
républicains que je veux poursuivre l'ac-
complissement des réformes que la démo-
cratie attend de la République.
Quant à nos adversaires, nous les avons
vus à l'œuvre. Nous pouvons prévoir qu'ils
ne reculeront devant aucune manœuvre
pour tromper le suffrage universel. Cette
fois encore ils vont se dire républicains,
mais personne ne sera leur dupe.
S'ils étaient républicains, ils ne seraient
pas soutenus par toute la réaction.
S'ils étaient républicains, ils n'auraient
pas employé les procédés qui les ont fait
condamner par les tribunaux correction-
nels.
S'ils étaient républicains, la majorité ré-
publicaine n'aurait pas eu à chasser de ses
rangs celui qui a dû à ces procédés d'oc-
cuper momentanément un siège de député.
Les électeurs n'oublieront pas que la ma-
jorité qui a prononcé l'invalidation de M.
Loreau est exclusivement républicaine, et
que la minorité qui a voté contre l'invali-
dation comprend tous ceux qui n'ont cessé'
de combattre la République dans le but
avoué de la renverser. -
Ils n'oublieront pas que M. Loreau n'a
trouvé pour plaider sa cause qu'un mem-
bre de la Droite, M. de la Ferronnays.
Aucune équivoque ne pourra désormais
prévaloir contre l'écrasante réalité des
faits.
Aujourd'hui comme hier, la lutte est en-
tre les partisans de la République et ses
ennemis masqués ou non.
L'issue d'une pareille lutte dans l'arron-
dissement de Gien ne saurait être dou-
teuse.
Tandis que lu arrondissements du
Loiret ont nommé des députés qui font par-
tie de la majorité républicaine, l'arrondis-
sement de Gien, si républicain, ne voudra
pas faire exception ; il ne voudra pas être
représenté par un homme de la Droite, par
un homme dont l'élection serait un triom-
phe pour tous les ennemis de la Républi-
que.
C'est donc avec la plus entière confiance
que je fais appel à tous les républicains. Je
leur demande leurs suffrages au nom de la
Patrie qui, pour être grande, forte et pros-
père, a besoin de paix et d'union.
Vive l'Union des républicains!
Vive la République !
A.-EDOUARD PORTALIS,
candidat républicain.
Gien, place du Château, le 17 février 1890.
LE DUC D'ORLÉANS
LA SITUATION EXACTE
La question au conseil des ministres.
— Dans les couloirs de la Chambre,
— Interpellation et proposition
ajournées. — A la Con-
ciergerie.
Le duc d'Orléans n'est pas gracié. La note
publiée dans le dernier numéro du XIXe
Siècle était exacte d'un bout à l'autre.
Dans le conseil des ministres tenu hier
sous la présidence de M. Carnot, la question
de la grâce a été examinée ; la majorité
des membres du gouvernement était, en
principe, d'avis de gracier le duc d'Orléans;
telle était également l'opinion du président
de la République.
Toutefois, il fut convenu que MM. Tirard,
Thévenet et Constans seraient chargés de
s'entendre pour la fixation du jour et de
l'heure où le prince devrait être reconduit
à la frontière.
Dans le but de se renseigner sur les
dispositions des membres du Parlement,
les ministres se trouvaient presque tous à
quatre heures au Palais-Bourbon. Ces dis-
positions ne leur ont pas semblé favora-
bles à la mesure de clémence.
A la Chambre
On leur fit observer que la grâce du duc
d'Orléans, avant tout commencement d'exé-
cution de la peine à laquelle il a été condam-
né, produirait une très mauvaise impres-
sion dans le pays, où on la considérerait
comme une infraction au principe d'éga-
lité des citoyens devant la loi, que cette
mesure ne répondait pas au sentiment pu-
bhc et que la majorité de la Chambre s'y
montrerait hostile.
Et, en effet, la nouvelle que la grâce avait
été signée avait produit à la Chambre une
vive émotion. On parlait d'une interpella-
tion immédiate de M. Camille Pelletan ou
de M. Maujan, au nom dç la majorité répu-
blicaine. Les socialistes annonçaient, d'au-
tre part, leur intention de déposer une de-
mande d'aministie motivée signée de MM.
Dumay, Prost et Baudin et dont voici le
texte :
Messieurs,
Contrairement à l'attente publique, les vic-
times de notre mauvaise organisation sociale,
condamnées après les événements de Mont-
ceau-les-Mines, Decazeville, .Lyon et autres
théâtres de grèves, n'ont bénéficié que de grâ-
ces partielles depuis leur condamnation, même
pendant l'année du centenaire.
Après l'usage que vient de faire M. le prési-
dent de la République du droit de grâce que
lui octroie la Constitution, en faveur d'un
descendant d'une famille dont les chefs ont si
souvent employé les fusillades sommaires
contre les revendications populaires, nous
estimons que le moment est venu de penser à
ceux dont tout le crime fut de protester trop
haut contre les iniquités sociales dont ils
étaient victimes.
En conséquence, les soussignés ont l'hon-
neur de vous proposer d'urgence le projet de
loi suivant :
Article unique. — Amnistie pleine et entière
est accordée a tous les condamnés pour faits
de grève ou faits connexes survenus depuis
dix ans à Lyon, Montceau-les-Mines, Decaze-
ville et autres centres miniers ou industriels.
Enfin M. Baudin, député, devait deman-
der la mise en tête de l'ordre du jour de la
proposition de M. Moreau relative à l'am-
nistie pour tous les délits politiques. Le dé-
puté socialiste du Cher a, en effet, apporté
cette dernière demande à la tribune —
comme on le verra d'autre part, — et a sans
peine obtenu satisfaction. C'est même le
seul incident qui, de ce chef, se soit produit
en séance.
De nombreux députés, parmi lesquels
MM. Clémenceau et Ribot, se rendirent au
banc des ministres pour leur faire connaî-
tre leur sentiment absolument opposé à la
grâce immédiate.
Dans ces conditions, les ministres, après
en avoir délibéré à la Chambre même,
firent officieusement savoir que toute me-
sure de grâce serait ajournée. Officielle-
ment, M. Tirard déclara à M. Maujan, qui
avait l'intention d'interpeller, et à MM.
Baudin et Prost, qui allaient déposer leur
proposition d'amnistie, « que les ministres
n'avaient pas à délibérer sur l'affaire du
duc d'Orléans ». Ce qui revenait à dire que
le duc n'avait pas été et ne serait pas en-
core gracié.
Dans ces conditions, toute idée d'inter-
pellation et de proposition d'amnistie fut
abandonnée.
LA NOTE A PAYER
Le duc d'Orléans, à la veille de quitter la
Conciergerie, a soldé sa note au restaurant
du Barreau. La gamelle a coûté cher au
jeune duc. Arrêté le 7 février, ses divers
repas,où le filet à la d'Orléans alternait avec
les poulardes à la Henri IV et avec les per-
dreaux à la Chambord, lui ont coûté la jolie
somme de 1,A5A francs 65 centimes! Pour
trente repas, c'est coquet ; une cinquantaine
de francs par repas ! Le duc a donné encore
5h francs pour les frais du service. Ce sont
MM. les ducs de Luynes et d'Alençon qui
ont payé.
Dernière heure
D'après nos renseignements, et nous les
tenons de bonne source, le duc d'Orléans
quittera la conciergerie aujourd'hui et sera
transféré dans une autre prison.
Le « XIXe Siècle » publiera demain la
a Chronique » par M. Francisque Sarcey.
L'AFFAIRE DES MÉTAUX
Devant la chambre des mises en
accusation. — La défense de M. Se-
crétan et la partie civile. — Un
nouveau réquisitoire.
L'affaire des Métaux est actuellement
pendante devant la chambre des mises en
accusation.
On sait qu'il s'agit de savoir si les admi-
nistrateurs de la société des Métaux seront,
sans distinction, impliqués dans les pour-
suites.
L'ordonnance en écarte 29 sur 33, « parce
qu'ils déclarent, dit-elle, qu'ils ignoraient
les agissements de M. Secrétan. »
Celui-ci soutient, d'ailleurs, que rien
n'est plus inexact, et il base même sa dé-
fense sur ce qu'il aurait fait connaître tous
ses traités au comité de direction et au
conseil d'administration.
La partie civile a eu connaissance du sys-
tème de défense de M. Secrétan, et c'est ce
qui l'a décidée à faire appel de l'ordon-
nance.
— Elle ne peut admettre, quant à elle, dit
son avocat, Me Jullemier, dans le mémoire
qu'il a déposé à cet égard devant la cham-
bre des mises en accusation, qu'une dis-
tinction aussi arbitraire puisse être faite
entre tous les administrateurs d'une société
d'autant plus que jamais les séances d'un
conseil d'administration n'ont été aussi ré-
gulièrement suivies.
Le dossier de l'affaire est actuellement
entre les mains de M. l'avocat général Sy-
monet, qui l'examine avec le plus grand
soin.
C'est mardi qu'il prononcera son réqui-
sitoire devant la chambre des mises en ac-
cusation. Ce réquisitoire très important ne
tiendra pas moins de toute l'audience.
L'arrêt sera probablement rendu ven-
dredi.
AU DAHOMEY
Prise de Cotonou
Nous apprenons que M. le commandant
Terrillon a enlevé hier, après une rapide
et brillante attaque, le village de Cotonou,
au Dahomey, qu'il a immédiatement for-
tifié.
Nous avons eu quatre blessés.
Les chefs dahoméens ont été faits prison-
niers.
Nous étions donc bien informé quand, il
y a quelques jours, nous annoncions les
événements qui se préparaient au Daho-
mey.
COUPS DE REVOLVER
SUR UN JOURNALISTE
A propos d'un article
(D'UN CORRESPONDANT)
Marseille, 22 février.
Le journal satirique le Pavé ayant pu-
blié un article où M. Auguste Marin, poète
marseillais, était violemment pris à partie,
ce dernier, rencontrant cet après-midi,
sur le boulevard National, M. Georges
Martz, secrétaire de la rédaction du Pavé,
a eu avec lui un court échange de paroles,
à la suite duquel il a tiré sur M. Martz trois
coups de revolver sans l'atteindre.
Aussitôt désarmé par les passants, M. Ma-
rin a exprimé ses regrets de l'acte qu'il ve-
nait d'accomplir.
M. Martz a refusé de porter plainte.
CHRONIQUE
Ce n'est pas une chose peu curieuse
que ce réveil inattendu d'intérêt, qu'il
faut bien constater, pour les études ca-
balistiques, pour tout ce qui touche âu
merveilleux, pour tout ce qui est du do-
maine de l'occulte. Je suis, avec quelque
étonnement, le mouvement d'attention
qui se manifeste pour des choses qu'on
eût traitées de billevesées il n'y a pas
longtemps. Un appétit de surnaturel
semble être venu à nombre d'esprits, au-
jourd'hui, qui ont de la culture et du raf-
finement. Le sentiment de l'ignorance
humaine sur les mystères de la vie et de
la mort pousse à admettre toutes les hy-
pothèses, à n'en rejeter aucune, de prime
abord, comme chimérique. On raconte de
sang-froid d'extraordinaireshistoiresd'ap-
paritions, de cas de dédoublement de l'ê-
tre, d'évocations suivies de résultats, de
miracles de toute sorte. Dans un congrès
dont les membres ont abandonné l'éti-
quette de spirites, pour adopter celle plus
grave de « spiritualistes », n'a-t-on pas
voté récemment une déclaration qui pro-
clamait la réalité des relations entre les
vivants et les morts ?
On dirait qu'un vertige entraîne vers
les plus singulières croyances. On remet
en honneur le grimoire et toutes les
vieilles sciences hermétiques. Ir se re-
trouve de modernes alchimistes qui re-
cherchent la pierre philosophale. Des
revues, comme l'Initiation, se sont fon-
dées, qui traitent ex professo de ces
étranges matières. Un de ces mages mo-
dernes, qui signe Papus, parle de la di-
vination d'après le Tarot des bohémiens
en homme qui ne badine point. Tel autre
réhabilite l'astrologie et étudie l'influence
des planètes sur les destinées de ses con-
temporains : il est vrai qu'il se trompe
parfois dans ses calculs. Je l'avais notam-
ment entendu prédire à Louis Ulbach
qu'il périrait dans un naufrage ! M. Jules
Lermina, qui se plaît à écrire de très ef-
frayants contes fantastiques, vient de
donner, ainsi qu'un livre classique, un
manuel de magie pratique qui restera
comme un document typique sur la pé-
riode de fièvre mystique qui s'est empa-
rée de ce temps-ci, plus contagieuse qu'on
ne croit, malgré les préoccupations cou-
rantes, ordinairement positives. -
Je crois, pour ma part, qu'il n'y a pas
qu'à railler, mais qu'il vaudrait mieux
rechercher les causes de ce mouvement,
né sans doute d'un vague besoin de rem-
placer les religions qui s'écroulent, de la
lassitude des systèmes philosophiques
impuissants à tout expliquer par la rai-
son, d'une sorte d'excitation cérébrale,
aussi, qui ne se contente plus des choses
simples comme aliment intellectuel.
Cependant, il y a encore quelques scep-
tiques qui ne se font point faute de tour-
ner en plaisanterie toutes ces « diable-
ries M, sans le moindre respect. C'est ainsi
qu'une revue américaine publiait, dans
une de ses dernières livraisons, un conte
assez plaisant, dans son comique à la
pince-sans-rire, rappelant un peu la ma-
nière de l'humoriste Mark Twain. Ce
badinage vaut peut-être la peine d'être
résumé.
L'auteur anonyme imagine donc qu'un
jeune homme a versé dans ces troublan-
tes rêveries. Il est plein de ferveurs pour
les études occultes, et M. Joséphin Péla-
dan lui-même lui devrait rendre des
points en fait de zèle pour les problèmes
mystérieux. Il est familier avec les doc-
trines merveilleuses écloses dans les mo-
nastères du Thibet, il s'est assimilé tous
les traités de sorcellerie, il lit couram-
ment dans les vieux livres de cabale. Tout
d'abord, il n'a cherché là qu'une occupa-
tion curieuse, qu'une distraction peu ba-
nale. Puis cela le « pose » un peu auprès
de ses amis, cette connaissance de tant
de choses d'une abstraction redoutable.
Je crois, entre parenthèses, que ce souci
n'est pas étranger non plus à quelques-
uns de ceux qui, chez nous, témoignent
tant d'intérêt pour tout ce surnaturel ;
ils mettent quelque coquetterie à se dire
« initiés iy.
Toutefois, notre cabaliste s'avise, comme
un simple profane, de s'éprendre d'une
jolie personne, quelque miss Maud ou
quelque miss Kate, qui, elle, ne songe
guère, en vraie fille de Yankees qu'elle
est, qu'aux choses de la terre. La posses-
sion de mines de pétrole ou d'actions de
florissantes sociétés industrielles lui pa-
raît préférable aux plus surprenantes ré-
vélations. L'adepte demande sa , main, et
a le chagrin de se voir repoussé, comme
insuffisamment millionnaire.
Il se désole, puis il pense que toute
sa science n'a peut-être pas simplement
une valeur spéculative. S'il pouvait ar-
river à produire de l'or dans ses four-
neaux d'alchimiste ! Mais ses tentatives,
où il épuise ses dernières ressources,
restent vaines, et, sur ces entrefaites, la
positive jeune fille accueille favorable-
ment un gentleman médiocrement sédui-
sant, mais dont les revenus se chiffrent
par le nombre le plus imposant de
dollars.
Hélas ! va-t-elle vraiment lui échapper
à jamais ? Toute sa magie ne lui servira-
t-elle de rien ? Aura-t-il inutilement pâli
sur les bouquins les plus poudreux pour
être, en présence de cette fâcheuse éven-
tualité, complètement désarmé ? Eh bien,
non, il fera appel aux puissances infer-
nales. Et voici, en effet, qu'il se livre
aux conjurations prescrites par les rites,
consistant en fumigations où se mêlent
les racines de cardamome, de gingembre,
de cinnamome, de macis et de storax ca-
lamité. C'est le Diable qu'il évoque.
Il a pris soin, pour prononcer les for-
mules indiquées, de se vêtir d'une robe
rouge, constellée de signes cabalistiques,
et, sans trembler, il attend messire Sa-
tan. Quand la fumée des parfums se dis-
sipe, il aperçoit, en effet, devant lui, le
Diable lui-même, qui le regarde, les bras
croisés. Celui-ci porte bien son costumEt
classique, mais arrangé à la dernière
mode, le pourpoint couleur feu étant
remplacé par un habit de même nuance.
- Pourquoi nie déranges-tu? demande"
t-il, après avoir souri de l'appareil dans
lequel le jeune homme a cru le reeevoirJ
l'estimant évidemment ridicule et sut
ranné.
L'autre, qui en est encore aux procédéS
classiques, lui explique qu'il désire lui
vendre son âme, à la condition qu'il de
viendra fabuleusement riche et qu'il
pourra épouser la femme qu'il aime.
Le Diable ne témoigne pas d'un gran4
empressement à accepter la proposition*;
Enfin, comme un banquier qui a pesé la
pour et le contre d'une spéculation, il
pond s i
— Ça peut se faire tout de même..J.
Il tire un calepin de sa poche, y inscrit -
quelques mots, après avoir légèrement
mouillé son crayon sur sa langue.
— Nous disons. dix ans de rêves ad
complis, de parfaites félicités. Puis toit
âme m'appartient. C'est convenu ?
— C'est convenu, reprend le jeune
homme, qui parle déjà en maître. Fais
donc jaillir de l'or, transforme-moi en
nabab.
Mais le Diable, d'un geste, tempère sott
impatience. - -,
— Un instant, s'il te plait. Signons 1$
pacte.
— Soit. Veux-tu quelques gouttes <1$
mon sang?
— Oh! de l'encre noire suffit, pourvtf
que le traité soit bien en règle. As-tu und
feuille de papier timbré?. Non?. Heilf
reusement j'en ai toujours sur moi.
Le Diable s'assoit, rédige l'acte sel Ou
les formes, minutieusement, passe la
plume au futur damné, qui signe rapide^
ment.
— Maintenant, s'écrie celui-ci, obéiSl
moi, procure-moi les richesses que je d44
sire.. *
— Minute ! dit Satan, il faut faire erfc
registrer Vacte ! J'ai été plus d'une fois
dupé, tu comprends. A présent, je prends
toutes mes précautions. Je ne te ser-
virai que quand ce papier sera dûment
revêtu de tous les sceaux nécessaires,
quand nous aurons passé au bureau de
l'enregistrement. Malheureusement pour
toi, reprend-il en regardant sa mon-
tre, l'heure est déjà avancée, et il est fer-
mé. Il faudra attendre à demain.
— Mais c'est tout de suite qu'il me faut
ces trésors 1
— Désolé, mon cher garçon, mais je ne
fais pas de sentiment en affaires.
Et le Diable disparaît. et le jeune ca-
baliste se réveille de son rêve, se retrou-
vant le nez sur un des livres de magie
devant lesquels il s'était endormi.
Cette conception d'un diable moderne,
pratique, pas romanesque du tout, ne
manque pas de quelque fantaisie, n'est-
ce pas ? L'innocente satire du conteur,
c'était précisément de l'avoir fait beau-
coup plus froid et plus sensé que ceux
qui se plongent aujourd'hui, comme
par un singulier anachronisme, en Ges
troublantes étudesu
Paul Ginisty.
LES ELECTIONS.
ALLEMANDES - - - - '.-
DÉFAITE DU GOUVERNEMENT.
Les socialistes plus victorieux qu'ont
ne le croyait. — Le gouvernement
en minorité. — La dissolution
en vue.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 22 février.
Les derniers résultats connus donnent 2P
socialistes élus et A3 en ballottage.
Les progressistes gagnent trois sièges.
Le centre catholique reste intact. DécoQi
fiture complète des nationaux-libéraux. -
On estime que les socialistes auront.
après les scrutins de ballottage, environ Ji)
sièges.La majorité gouvernementale n'existe
plus. Ses pertes sont estimées à U5 sièges
environ.
On assure que l'empereur a fait mander
le chancelier et que celui-ci lui conseille de
revenir en arrière et d'accepter sa démis-
sion. -
En tous cas, les bruits les plus pessimistes
sont en circulation. Dans les cercles gou*
vernementaux, on parle de dissolution et
on insiste pour que l'empereur confie, en
vue d'une nouvelle campagne électorale, la
ministère de l'intérieur à M. de Puitkam
mer, l'ancien ministre congédié par Frédê
rie
merI, II et qui parlait dernièrement, dans
un discours à ses électeurs poméraniens, de
mitrailler les socialistes.
On est convaincu que, si la dissolution
était prononcée, l'empereur changerait do
tactique et choisirait comme plate-forma
électorale les questions de politique ext^
rieure.
Les résultats connus "-
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER} J
Berlin, 22 février. <
Il y a, ce soir, 318 résultats connus suÊ,
397 élections.
Sur ces 318 élections, il y a Mh résultats
définitifs et 11A ballottages. -
Sont élus définitivement 68 candidats des
partis de l'ancienne majorité parlement,
taire.
Conservateurs purs. W,
Conservateurs libres. le
Nationaux-libéraux t • 1A
Gouvernementaux, en tout. 68
Les partis opposants ont fait passer I3Ô
députés :
Centre. 76
Progressistes 1 h
Socialistes. 17
Indépendant 1
Démocrates .,. 3
Polonais. 10
Danois. 1
Alsaciens-Lorrains. II.
Opposition. 136 élus:
Les candidats en présence dans les l ur
ballottages comprennent 85 gouvernement
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