Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-02-19
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 19 février 1890 19 février 1890
Description : 1890/02/19 (A19,N6610). 1890/02/19 (A19,N6610).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Bix-ïienviéme année. N° 6,610 CINO CentiInes mmm imaris et néparteiuente - CINO Centimes MERCREDI 19 FÉVRIER 1890
JOURNAL RÉPUBLICAIN
( RÉDACTION
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PARIS
DIRECTEUR POLITIQUE
A. - EDOUARD PO,RTALIS
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- 4
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LES
ÉLECTIONS EN ALLEMAGNE
RéuBioD du comité bonlangiste
BANQUET DES MAITRES RÉPÉTITEURS
LE REMBRANDT DU VÉSINET
SUICIDE D'UN HOMME D'AFFAIRES
On trsmpe-t-M ?
Le résultat des élections de diman-
che inspire une allégresse égale
aux monarchistes et aux boulangistes.
Ils célèbrent le résultat, mais ils se
gardent bien d'analyser le détail,
comme nous l'avons fait hier, et nous
ne saurions nous en étonner, car, si
nous avons trouvé dans cette analyse
des motifs sérieux pour conserver con-
fiance, ils n'y trouveraient eux-mê-
mes que des raisons pour mettre une
sourdine à la manifestation de leur j oie,
et il leur est absolument indispensa-
ble que cette joie se fasse bruyante.
Cependant, tous n'expliquent pas de
la même façon les motifs de leur joie;
ils n'attribuent pas aux mêmes causes
le succès de leurs candidats et ils n'en
tirent pas pour l'avenir les mêmes
pronostics.
La Presse s'exclame sur les « admi-
rables résultats » du scrutin. Elle y
voit une revanche de Paris sur la
« majorité servile qui avait tenté de
porter atteinte à ses élus et, en leurs
personnes, au suffrage universel lui-
même », et elle déclare que « Paris a
bien mérité une fois de plus de la pa-
trie et de la République ». Le Pays,
« journal quotidien de la République
nationale », reconnaît que certains
des électeurs qui ont porté leurs suf-
frages sur les - candidats boulangistes
ont pu être « il y a trois ans", des
royalistes, des orléanistes ou des im-
périalistes; mais « ils sont devenus
ou plutôt redevenus républicains ».
Le boulangisme les a raccommodés
avec la République. « Voilà la vé-
rité s, s'écrie M. Lenglé, et il en donne
comme une preuve irréfutable ce fait
que, « huit jours après le coup de ré-
tlame tenté par les derniers fidèles de
la royauté s, les réactionnaires rede-
venus républicains « choisissent pour
leurs députés cinq solides et sincères
républicains Y,, cinq partisans du gou-
vernement qui doit nous donner « la
vraie République ».
Passons maintenant à l'autre frac-
tion de la coalition, aux réactionnai-
res. Le Soleil, qui a bien quelque au-
torité pour parler au nom des monar-
chistes, ne trouve rien de mieux que
de rééditer, dans sa plus grande par-
tie, un article dont nous avons déjà
parlé et dans lequel il expliquait
que, si aux élections générales les
électeurs monarchistes avaient pu
hésiter à voter pour les candidats
boulangistes, dans la crainte de por-
ter au pouvoir le général Bou-
langer, cette crainte n'existait pas
dans des élections partielles, et qu'on
pouvait dès lors « marcher avec en-
train et ensemble » afin de se donner
la satisfaction d'être désagréable au
gouvernement, et le Soleil ajoute, en
guise de commentaire nouveau : « Les
électeurs se sont donné cette satis-
faction d'autant plus volontiers qu'ils
pouvaient voter comme ils l'ont fait
sans craindre d'amener au pouvoir le
réfugié de Jersey. »
De son côté, M. Paul de Cassagnac
se frotte les mains de « la râclée" ad-
ministrée aux républicains. On sait
avec quel entrain il avait-sans sympa-
thie ni « estime » pour M. Laur — en-
gagé ses amis à voter pour le candidat
boulangiste de Neuilly et aussi pour les
autres invalidés. Il félicite maintenant
les « conservateurs » d'avoir écouté sa
voix et d'avoir «admirablement com-
pris que la question de sympathie per-
sonnelle devait passer après la ques-
tion politique». Il les remercie de s'ê-
tre «ralliés au drapeau" et il ajoute :
et Aussi leur revient-il (aux conserva-
teurs) une large part dans la victoire
d'aujourd'hui. Il en ressort que si,
bien souvent, nous pouvons nous pas-
ser de l'appui des boulangistes, les
boulangistes, eux, ne sauraient se pas-
ser de notre concours. » Et plus loin :
« Ces élections établissent clairement,
ce que nous savions depuis longtemps,
que ce qu'on appelle le boulangisme
n'est pas un parti, n'a jamais été un
parti, mais bien l'expression d'un
grave mécontentement du pays. Bou-
langer a disparu, il n'en est plus
question, et l'état d'esprit mécontent,
dégoûté, persiste avec là même acui-
té. Pour se manifester, le méconten-
tement n'a même plus besoin de Bou-
langer. Hier, il s'incarnait en Boulan-
ger. Aujourd'hui, il éclate tout seul.
Demain, il s'identifiera dans une au-
tre personnalité qui surgira inopiné-
ment, dans un duc d'Orléans ou dans
tout autre. »
Il serait inutile de pousser plus loin
ces citations empruntées aux triom-
phateurs de dimanche. Celles qui pré-
cèdent nous paraissent assez concluan-
tes. Il n'y a pas une seule des appré-
ciations d'une des fractions de la coa-
lition qui ne soit contredite par l'au-
tre. Là où les uns voient la preuve de
la formation d'un parti, les autres
voient la démonstration qu'il n'y a
pas et qu'il n'y a jamais eu de parti.
Là où les uns estiment que les élec-
teurs ont voulu faire un pas dans la
voie de la ri vraie République», les au-
tres répliquent que les électeurs ont
voulu s'offrir la satisfaction peu pé-
rilleuse de donner une leçon au pou-
voir. Là où les uns voient l'effacement
des anciens partis, les autres se font
une joie de constater que non seule-
ment ces anciens partis sont toujours
debout, mais encore que le boulan-
gisme est leur prisonnier.
Au milieu de toutes ces affirmations
contradictoires, on ne peut que répé-
ter le fameux : « Qui trompe-t-on
ici ? » Ou plutôt la question est inu-
tile, car il n'y a pas d'une part des
trompeurs et de l'autre des trompés.
Chacun est en même temps trompeur
et trompé. Ceci, du reste, n'est pas
nouveau. C'est, au contraire, toute
l'histoire du boulangisme, et en conti-
nuant, même dans son agonie, à se fon-
der sur des équivoques, il reste sim-
plement fidèle à ses traditions.
Le XIXe SIECLE publiera demain la
» Vie de Paris » par Henry Fouquier.
LES ÉLECTIONS DE DIMANCHE
Seine-et-Oise et Corse
Voici les résultats complets des élections
de Mantes et d'Ajaccio, en remplacement
de MM. Lebaudy, républicain, décédé, et
Multedo, réactionnaire, invalidé.
Arrondissement de Mantes
MM. Paul Lebaudy fils, républ. 7.771 ELU
Bunau-Varilla, rép h.736
- Seyeux, agriculteur, rép.. 1. 1A7
C'est par erreur, à la suite d'une transposi-
tion de ligne, que nous avons attribué hier
les suffrages de M. Lebaudy à M. Bunau-Va-
rilla.
Arrondissement d'Ajaccio
MM. Ceccaldi, avocat, ancien
député, rad. 6.A61 ELU
Comte Multedo, bonap. in-
validé. 6.071
L'INSPIRATEURDE GUILLAUME Il
L'influence et le rôle de M. Hinzpeter.
— Son mariage avec une Française.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 17 février.
L'empereur a chargé son ancien précep-
teur, le docteur Hinzpeter, membre du con-
seil d'Etat, de rédiger le programme qui
servira de base à la conférence pour la pro-
tection des ouvriers. Cela indique bien que
M. Hinzpeter s'achemine de plus en plus à
jouer un grand rôle politique. C'est lui qui,
par un long mémoire sur la situation des
ouvriers en Westphalie, a réveillé le zèle
de l'empereur pour les questions sociales.
Après avoir terminé l'éducation des
princes Guillaume et Henri, les deux fils
du kronprinz devenu depuis Frédéric III,
il s'était retiré à Brielefeld,son pays, avec le
titre de conseiller intime du gouverne-
ment. Il a épousé une Française, Mlle d'Har-
court, qui était en même temps que lui
attachée comme gouvernante à l'éducation
des enfants du kronprinz.
LA MORT DU SULTAN DE ZANZIBAR
Bruits d'empoisonnement
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Zanzibar, 17 février.
La mort du sultan Seyyid Khaljia étant
survenue sans qu'on eût appris qu'il fût
malade, avait donné naissance dans le peu-
ple au soupçon d'empoisonnement. Le corps
du sultan défunt a été soumis, en consé-
quence, à l'inspection de deux chirurgiens
européens de la marine anglaise et alle-
mande, mais non à un examen médical ré-
gulier, les cheiks n'ayant pas voulu con-
sentir à l'autopsie, qui est contraire aux
usages musulmans.
Les médecins européens ont constaté que
le cadavre ne portait aucune trace exté-
rieure de lésion.
La version officielle attribue la mort de
à Seyyid Khalifa à un coup de soleil.
Il venait de recevoir de l'empereur d'Al-
lemagne l'ordre de l'Aigle-Rouge, et il est
mort à l'heure même où cette distinction
était officiellement annoncée à Berlin.
Son frère Seyyid-Ali, qui lui a succédé,
vivait en mauvaise intelligence avec lui et
lui inspirait une grande défiance.
L'ARRESTATION DE GORKI
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 17 février.
L'ex-député Frédéric Gorki, l'agitateur so-
cialiste connu, a été arrêté à son domicile
pour falsification de lettres de change et mal-
versation.
MORT DU GÉNÉRAL LECHESNE
M. le général de brigade d'infanterie en re-
traite Lechesne, commandeur de la Légion
d'honneur, a succombé hier matin à trois
heures à Paris, aux suites d'une courte mala-
die.
Le général Lechesne, qui avait fait la cam-
pagne d'Italie et celle de 1870, commandait en
dernier lieu la 19" brigade d'infanterie à Pa-
ris.
a
Les obsèques auront lieu demain, i inidi, à
la Madeleine.
EN ALLEMAGNE
A PROPOS
DES ÉLECTIOKS DU 20 FÉVRIER
Lettre de Berlin. — Les réunions élec-
torales. — Virchow et Richter. —
Guillaume II et son peuple.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 16 février.
Plus j'assiste à des réunions publiques
électorales, et plus je suis frappé de l'ex-
trême différence qui existe entre les habi-
tudes allemandes et les nôtres. A dire vrai,
je ne crois pas que ces dernières soient les
meilleures. Presque chaque soir, depuis
que je suis en Allemagne, j'ai assisté à des
réunions en Bavière, en Saxe, en Hanovre,
à Hambourg et depuis trois jours à Berlin ;
deux fois seulement j'ai entendu des in-
terrupteurs.
Les réunions publiques, à l'exception de
celles où les socialistes viennent faire du
tapage, ce qui est extrêmement rare, res-
semblent bien plutôt à un prêche dans une
église protestante qu'à une discussion poli-
tique. Le silence est presque invraisembla-
ble pour qui ne s'est pas trouvé à même de
le juger; jamais d'emballement, jamais d'ef-
fervescence : les assistants sont toujours
unis, buvant d'énormes quantités de bière
et écoutant sans faire un geste d'approba-
tion ou de mécontentement. L'orateur, quel
qu'il soit, n'a pas ce que nous appelons de
mouvement oratoire; il parle sur le même
ton et débite son discours comme s'il lisait
un sermon.
L'inexactitude du docteur Virchow
Hier,j'étais à une réunion dans un quar-
tier éloigné de Berlin faisant partie de la
circonscription où se présente le savant
professeur Virchow, candidat libéral, ce
docteur dont la polémique a été si violente
avec Mackenzie, le chirurgien anglais qui a
soigné l'empereur Frédéric. Il était attendu
pour neuf heures. A dix heures, il n'était
pas arrivé. Un avocat avait parlé pendant
un certain temps pour faire prendre pa-
tience. Alors le président a simplement dit
aux électeurs, qui étaient environ au nom-
bre de cinq cents :
— Le docteur Virchow ne vient pas, c'est
qu'il a autre chose à faire; nous allons nous
séparer en poussant trois hurrahs en sa
faveur.
Tout le monde s'est levé, et trois hurrahs
ont été poussés en l'honneur de Virchow,
qui ne venait pas et n'avait même pas pris
la peine de se faire excuser.
Je ne crois pas qu'en France un semblable
fait serait accepté avec le même calme.
La veille,j'étais à une autre réunion pour
entendre Richter, le chef du parti libéral,
l'adversaire acharné du chancelier et l'un
des meilleurs orateurs du Parlement.
En terminant son discours, il annonça
qu'obligé d'aller dans différentes villes, son
comité ne ferait plus de réunions publiques
à Berlin, dans sa circonscription, parce
qu'il était impossible de trouver des ora-
teurs.
Voilà une déclaration absolument carac-
téristique, d'autant plus que le parti libéral
et les socialistes sont les seuls qui comptent
des orateurs parmi eux.
D'ailleurs, la période électorale n'est pas
très mouvementée à Berlin. Elle a été un
peu plus vive dans les débuts qu'elle ne l'est
maintenant. Les principaux orateurs ont
parlé les premiers jours, et maintenant ils
sont en province. Ils estiment qu'ayant dit
ce qu'ils avaient à dire, il est inutile de le
répéter de nouveau devant les mêmes élec-
teurs.
Chacun sait à quoi s'en tenir.
La géométrie électorale de Berlin
Ce qui rend aussi à Berlin la période élec-
torale peu mouvementée, c'est le nombre
restreint des candidats. Malgré une popula-
tion de 1,500,000 âmes et un nombre de
326,000 électeurs, il n'y a que six députés à
nommer, contrairement à la loi qui accorde
en Allemagne un député pour 100,000 habi-
tants.
Il devrait donc y en avoir quinze à Ber-
lin. Mais, comme sur quinze députés il y
aurait au moins treize membres de l'oppo-
sition, le gouvernement, qui fait la loi,
l'applique pour les autres et la viole à son
profit, afin de diminuer le plus possible le
nombre des députés socialistés qui, cepen-
dant, malgré tous les obstacles apportés à
leur élection, seront au moins 35 au lieu
de Il qu'ils étaient au dernier Parlement.
Ce qu'il importe de noter, c'est l'unani-
mité avec laquelle tous les candidats à l'ex-
ception des candidats du cartel, bien en-
tendu, demandent la diminution des char-
ges militaires. C'est le grand cheval de ba-
taille, comme en France, aux élections der-
nières, la revision.
Les élections se font au moins autant sur
cette question que sur celle des revendi-
cations socialistes. Elles ont d'ailleurs l'une
et les autres plusieurs point de contact.
La popularité de Guillaume II
Ici à Berlin, et en Prusse, le sentiment
public envers l'empereur est très différent
de celui qui existe dans certaines parties de
l'empire. Ici sa popularité est très grande.
On l'aime beaucoup à cause de son acti-
vité, qui remue l'apathie habituelle des Al-
lemands. L'empereur, en effet, est un éclec-
tique en fait de travaux. Il veut s'occuper
de tout, même à tort et à travers, et quitte
fort bien un conseil important pour aller
dans un musée faire décrocher un tableau
qui ne lui plaît pas à la place où il se trou-
ve, pour visiter le corps de garde comme
un officier de service, ou s'en aller à Char-
lottenbourg, où je l'ai vu, il y a deux jours,
« attrapant", — qu'on me pardonne ce
mot, — de malheureux maçons qui tra-
vaillent au mausolée où se trouve le cer-
cueil de Guillaume Ier et qui n'avaient pas
très bien compris les ordres donnés.
Son rescrit sur la conférence ouvrière a
produit une grande impression et a aug-
menté encore sa popularité. On y croit,
et on croit à un résultat. Mais en même
temps cela a augmenté le dissentiment
déjà très grand entre lui et M. de Bismarck.
Au point de vue des questions intérieures,
l'influence de M. de Bismarck est désor-
mais à peu près nulle. M. deBismarck ne
veut céder en rien au socialisme, dans la
crainte que la moindre avance dans ce sens
ne fasse naître des espérances qu'il faudra
réaliser sous peine de les voir devenir
rapidement un danger pour l'Etat. Guil-
laume II, au contraire, qui est extrême-
ment autoritaire, mais qui avant tout est un
ambitieux de popularité, veut — sans rien
accorder réellement, — paraître entrer
dans la voie des réformes et satisfaire quel-
ques-unes des aspirations du peuple.
L'AGONIE DU COMTE ANDRASSY
Buda-Pesth, 17 février.
L'état du comte Jules Andrassy est désespéré.
C'est maintenant une question d'heures.
Ses proches entourent son lit d'agonie.
LE COMITÉ BOULANGISTE
Congratulations réciproques. — L'élec-
tion de M. Naquet.
Il y a eu hier de nombreux échanges de
congratulations au local choisi par le
comité boulangiste, dans un apparte-
ment situé 6, faubourg Montmartre. Les
membres de ce comité s'étaient réunis, en
l'absence de M. Laisant qui se trouve à
Jersey, sous la présidence de M. Naquet,
pour se féliciter du résultat des élections de
dimanche dernier.
MM. Laur et de Belleval n'avaient pu as-
sister à cette petite fête de famille.
MM. Goussot, Paulin- Méry et Revest ont
reçu avec modestie les félicitations de leurs
collègues. M. Naquet, qui faisait contre
mauvaise fortune bon cœur,a donné lecture
de plusieurs télégrammes que des comités
de province avaient fait parvenir dans la
journée au comité boulangiste. Ensuite,
pour que la fête fût complète, on. a accordé
une audience à des délégués de comités
boulangistes de Paris et de la banlieue qui
sont venus affirmer leur attachement à la
cause et apporter leurs félicitations..
Décisions du comité
Après toutes ces manifestations de joie.
les assistants se sont occupés de leur orga-
nisation intérieure.
— Il ne faut pas s'endormir sur nos lau-
riers, a dit un des membres; il faut mainte-
nant plus que jamais agiter l'opinion pu-
blique.
Et dare-dare l'on a décidé de se rendre
plus fréquemment dans les comités et de
coopérer à la création de nouveaux groupes
en vue des élections municipales.
Puis on a parlé de l'élection du cinquième
arrondissement. On a résolu, à cet égard,
de commencer une énergique campagne en
faveur de M. Naquet et de profiter des
avantages que le succès des amis élus dans
la banlieue a donnés au parti.
De grandes réunions vont être organisées
dans cet arrondissement, où les membres
du comité national iront prendre la pa-
role.
M. Paulin-Méry, que le Figaro représen-
tait comme étant en ballottage avec M.
Basly, a appris à ses collègues qu'il avait
été le matin même à la mairie du treizième
arrondissement s'assurer de son élection,et
que le bruit répandu par notre confrère
était par conséquent inexact.
LA DISPARITION D'UN VÉRONÈSE
Comment un tableau s'égare. — Les
pérégrinations d'un tableau.
M. Gandouin, l'expert qui vient de décla-
rer copie un tableau que tous les connais-
seurs proclament aujourd'hui une oeuvre
de maître, donne parmi ses raisons que le
tableau n'existe sur aucun catalogue. Est-ce
une raison suffisante ?
Voici, à ce sujet, l'histoire d'une toile de
valeur qui a disparu depuis plusieurs an-
nées et qui, peut-être, aura dans quelques
années le sort du Rembrandt du Vésinet :
Vers l'année 1755, le prince Wenceslas de
Kaunitz, ministre d'Etat autrichien, à la
suite d'éminents services rendus à son
pays au congrès d'Aix-la-Chapelle et dans
sa mission en France de 1750 à 1753, reçut
d'un prince de Toscane un tableau original
de Paul Véronèse.
Le prince de Kaunitz, au lieu de placer le
tableau dans les salons du ministère, le fit
envoyer dans son château d'Austerlitz.
Quand le prince de Metternich remplaça
le prince de Kaunitz au pouvoir, il chercha
à ravoir ce tableau qui, d'après lui, appar-
tenait au ministère, mais inutilement.
Il se retrouve plus tard en la possession
d'un des parents de la famille Kaunitz, le
comte Casimir Bathyani, qui l'emporta à
Paris, où il fut envoyé en mission par son
gouvernement vers 18/i7.
Rentrant en Hongrie en 18A8, le comte
Bathyani ne voulut pas emporter le tableau
avec lui, craignant des revendications de la
part des nombreux créanciers de la suc-
cession de Kau-nitz. Il le confia à un de ses
amis qui habita Paris de longues années,
l'astronome hongrois Henri Ballogh, bien
connu des habitués du Grand-Café, où il
était un des champions les plus assidus du
jeu d'échecs.
Henri Ballogh habitait, à l'époque où il
reçut le tableau,une petite rue des environs
de l'avenue actuelle de l'Opéra.
C'est chez le vieil astronome qu'un de nos
amis vit encore le tableau en 1875.
Depuis, Ballogh est mort, la maison qu'il
habitait a été démolie pour faire place aux
nouvelles constructions qui bordent l'ave-
nue de l'Opéra, et le tableau de Véronèse a
dû être englobé dans la vente des objets pro-
venant de la succession du vieil astronome.
Peut-être le verrons-nous un jour adjuger
sous le marteau du commissaire-priseur,
comme une simple copie sans grande va-
leur.
LES OBSEQUES D'ANDRADE CORVO
Un promoteur de la politique coloniale
portugaise
D'UN CORRESPONDANT)
Lisbonne, 17 février.
L'enterrement du professeur Andrade
Corvo a eu lieu aujourd'hui, en présence
d'une foule considérable d'hommes politi-
ques, de professeurs , de journalistes et
d'étudiants. Les membres de la famille
royale étaient représentés.
M. Billot, ministre de France, assistait à
la cérémonie.
Le ministre de la marine a parlé sur la
tombe. Il a rappelé les réformes économi-
ques et coloniales dues au professeur Corvo
à qui l'on est redevable du nouvel essor des
colqnies portugaises.
LE TRAITÉ DE COMMERCE
FRANCO-TURC
(D'UN CORRESPONDANT)
Londres, 17 février.
Une dépèche de Constantinople au Daily
Chronicleannonce que l'ambassadeur de France
aurait donné à entendre à la Porte, que son gou-
vernement ne renouvellerait Jpas le traité de
commerce qui existe entre les deux pays et
qui expire le 13 mars.
CHRONIQUE
Les maîtres répétiteurs des lycées et
des collèges se sont réunis hier en un
banquet amical. Ce banquet devait être
précédé d'une sorte de congrès dans le-
quel ils eussent formulé leurs justes
requêtes, exposé des revendications qui
paraissent bien légitimes. Le ministre de
l'instruction publique a, au dernier mo-
ment, interdit ce congrès, estimant qu'il
était contraire à la discipline universi-
taire.
Les maîtres répétiteurs s'en sont mon-
trés fort marris. Il y a si longtemps qu'ils
sollicitent quelques améliorations à leur
sort ! On peut être assuré, en outre, que
leurs doléances n'eussent été exprimées
que dans une forme très modérée, par la-
quelle ils gagnent, précisément, toutes
les sympathies à leur cause. Je n'ai pu
assister, à mon grand regret, au banquet
d'hier, auquel ils m'avaient fait l'honneur
de m'inviter; mais j'ai pris part à celui
de l'an dernier, et j'affirme qu'on ne peut
être que touché de la modestie de leurs
prétentions et de leur déférence aux au-
torités dont ils dépendent. Il n'y a pas
d'aigreur, de colère de leur part, quelque
pénible que soit leur situation, mais seu-
lement un souci de leur dignité qui est
bien naturel, et un chagrin de voir que
leurs réclamations n'arrivent pas à abou-
tir à des résultats sérieux.
Il a bien fallu prêter l'oreille à ces ré-
clamations, soutenues par l'opinion et
par des patronages importants ; aussi, les
promesses n'ont-elles pas manqué aux
maîtres répétiteurs ; mais elles sont res-
tées des promesses dont la réalisation
est sans cesse ajournée, en bien des points
du moins, en dépit même de déclarations
solennelles. Ils ont sujet de se désoler
d'attendre toujours quelques réformes
qui ne viennent pas.
On sait que ces réformes rêvées ne por-
tent pas sur les choses matérielles. Ils ac-
ceptent vaillamment, comme un temps
d'épreuve, une existence vraiment dure,
toutes les corvées qu'on leur impose, la
maigre chère, et bien des petites vexa-
tions qui pourraient leur être épargnées
si on prenait la peine de modifier des rè-
glements surannés. Ils ne se piquent pas
de sybaritisme, certes, et ils comprennent
qu'ils ne peuvent avoir toutes leurs aises.
Mais ce qu'ils demandent avec instance,
c'est de pouvoir travailler davantage pour
eux-mêmes, c'est de ne pas se trouver
dans des conditions d'infériorité vis-à-vis
des autres aspirants aux emplois qu'ils
ambitionnent, lesquels, n'étant pas as-
treints à toutes leurs obligations, ont plus
de facilités pour conquérir leurs grades.
Ils souhaitent, enfin, qu'on tienne compte
de leurs services, que le temps passé par
eux dans de si ingrates fonctions ne soit
pas complètement perdu.
Il n'est plus besoin de dire que le maî-
tre d'étude d'aujourd'hui ne ressemble
plus en rien au « pion » d'autrefois. Tous
ces jeunes gens que leur situation de for-
tune a réduits à accepter cette sorte de
captivité entre les murs d'un lycée sont
laborieux, ont de sérieuses aspirations,
sont déjà pourvus de diplômes qui attes-
tent leur valeur. Ils sont tout disposés à
accomplir ponctuellement la mesquine
besogne à laquelle ils sont condamnés, à
exercer scrupuleusement la surveillance
qui leur est confiée. Mais qu'ils puissent
au moins songer à leur avenir, préparer
leur carrière sans risquer d'éveiller quel-
que défiance par leur zèle même au tra-
vail.
En cette réunion annuelle, où viennent,
même de très loin, des membres de l'as-
sociation pour joindre leur voix à celle
de leurs camarades, on entend de dou-
loureuses confidences sur les continuelles
petites misères de cette vie du maître ré-
pétiteur, à qui on semble faire un re-
proche de se préoccuper de sa situation
future, comme si son ambition ne devait
pas dépasser le soin de présider à une
récréation on d'empêcher des cancres de
trop bavarder à l'étude. Dans certains
lycées de province ne règne pas encore un
esprit très large, et quelques proviseurs,
il faut bien le dire, soit par un sentiment
exagéré de leur responsabilité, soit par
habitude d'humeur quinteuse, jouent
un peu au tyran. Ce n'est pas sans émo-
tion que j'ai entendu ces récits, faits avec
plus de résignation et de tristesse que
d'âpreté. Les pauvres maîtres doivent
subir, parfois, d'étranges humiliations,
et vraiment puériles, qui ne les aident
pas à obtenir le respect de leurs élèves.
Un d'eux avouait, avec un dépit qui cher-
chait vainement à prendre une forme
plaisante (le malheureux garçon avait la
gorge serrée en disant cela), qu'il était
soumis à une véritable inquisition, qu'on
lui demandait compte de l'emploi de ses
rares heures de sortie, qu'on le forçait à
montrer les livres dont il se servait,
comme s'il eût été soupçonné d'en avoir
de suspects, et que, un jour, il trouva sa
vieille malle qui constituait toute sa ri-
chesse fouillée de fond en comble. Elle
avait été examinée pendant qu'il condui-
sait sa division à la promenade. Mais
quoi! Que faire? A qui se plaindre?
N'avait-il pas à craindre les terribles
notes qui devaient le- suivre pendant
toute sa carrière dans l'Université ?
J'espère que ces abus de pouvoir sont
rares. A Paris, du moins, les maîtres ré-
pétiteurs ont affaire à des supérieurs dis-
tingués, au-dessus de toutes ces taquine-
ries. Mais, partout, les traditions les sou-
mettent à de multiples devoirs qui pour-
raient être simplifiés, et pour lesquels
l'intelligence et l'instruction sont super-
flues. Coupées comme elles le sont par
ces incessantes obligations, leurs tour-
nées s'écoulent vite sans qu'il leur ait été
permis de s'occuper d'eux-mêmes. N'y a-
t-ji pas un cruel chagrin, qui peut con-
duire au découragement, pour un jeûna
homme plein d'ardeur, de sentir qu'il
est sollicité, autant par goût que par né-
cessité, par de sérieuses études, et que la
temps lui échappe pour s'y plonger, dé-
rangé qu'il est par d'absurdes besognes. -
Il serait facile, d'après les maîtres répéti-
teurs, de distribuer mieux le service, de
façon à ce qu'ils eussent à tour de rôle
quelques heures devant eux pour un tra-
vail suivi, le seul qui puisse être fruc-
tueux. Il ne serait pas moins aisé, ajou-
tent-ils, d'établir des catégories selon
l'ancienneté, d'après lesquelles les uns
seraient chargés de la surveillance et les
autres d'un complément d'enseignement
à donner aux élèves. Car ils se plaignent
aussi que l'on n'utilise point leur savoir,
leur expérience, de sorte que l'instruc-
tion qu'ils possèdent ne sert à rien. Ce
sentiment, il faut en convenir, est par-
faitement digne.
Je ne veux point entrer ici dans le dé-
tail de leurs doléances. Ce qu'il importe
de répéter, c'est que les maîtres répéti-
teurs des lycées, qui forment un person-
nel très méritant, très dévoué, méritent
plus d'intérêt, eux qui réclament seu-
lement en échange de l'aliénation de leur
liberté plus de facilités pour leurs pro-
pres études. Maintenant que le type du
pion crasseux et encroûté n'existe plus
qu'à l'état de légende, qu'on songe que
ces jeunes gens forment une élite ] Il ne
faut pas leur faire expier trop durement
la pauvreté qui les a contraints à accep-
ter ces rebutantes fonctions où, avec
l'organisation actuelle, ils s'éternisent
trop souvent.
Il n'y a chez eux aucun esprit de r
volte. En dehors de l'armée, il n'y a pas
de corps professionnel où l'on se sou-
mette mieux à la discipline, et cette dis-
cipline est peut-être plus sévère que dans
l'armée. Ils ont des amertumes qui leur
pèsent ; ils les disent ; ils tâchent de plai-
der leur cause du mieux qu'ils peuvent.
Qui pourrait leur en faire un reproche i
Paul Ginisty.
SUICIDE D'UN AGENT D'AFFAIRES
Un coup de revolver
Le sieur C. demeurait rue de Passy, 70,
où il exerçait la profession d'agent d'affai-
res, s'occupant principalement de la vente
des fonds de commerce et de gérances de
propriétés.
Cet homme habitait depuis longtemps le
quartier, où il était très estimé.
Hier matin, sa fille, entrant dans sa cham-
bre, le trouva étendu sur le parquet.
Le malheureux s'était tiré une balle dans
la tête et s'était tué net.
Ce suicide a causé une vive émotion dans
la rue de Passy. Il est attribué à des embar-
ras d'affaires. ,
LA
BANQUE D ESCOMPTE
ET LE
SARAGOSSE A LA MEDITERRANEE
Le rapport de l'arbitre. — Projets de
transaction. — Impossibilité légale.
— Restitution des capitaux.
On se rappelle que dans notre numéro,
du samedi 15 février, nous annoncions i-juaè
M Binot de Villiers, arbitre près le tribu-
nal de commerce, venait de déposer, dans1
le différend qui sépare la Banque d'es-
compte et la Compagnie du chemin de fec
de Saragosse à la Méditerranée, un rapport
qui affirmerait le droit de la Banque d'es-
compte de ne point verser entre les mQiIl
des fidéicommissaires du Saragosse à la Mé-ï
diterranée le montant de la dernière émis-
sion d'obligations, les garantie# promises
par le prospectus n'étant point réalisées.
Or, aujourd'hui le bruit se répand que
d'activés négociations seraient engagées
entre la Banque d'escompte et les susdits
fidéicommissaires pour arriver à un ar-
rangement amiable.
, Nous nous demandons comment on pour
rait arriver à une semblable transaction.
En effet, le conseil d'administration de la
Banque d'escompte a fait appel au publiai
en promettant, 'dans ses prospectus, dans
ses affiches, dans sa publicité, des garanties
déterminées.
Le public a répondu à cet appel, parc(t
qu'il croyait aux garanties promises ; il an
souscrit les obligations qui lui étaient of
fortes et effectué les versements réglemen-
taires. r
Contrat synallagmatique T
Il s'est ainsi formé un contrat synalîagw
matique qui ne peut être modifié que par
le consentement unanime des deux par-
ties.
Il est vrai que le conseil de la Banque
d'escompte, se ravisant, mais un peu tard,
a pensé que les promesses dont il s'était
fait l'intermédiaire pourraient bien ne pas*;
être sérieuses,et que sur l'instance engagée
un rapport d'expert serait venu lui donnée
raison et affirmer l'absence des garanties
promises.
Mais alors aucune transaction amiable
n'est possible sans le concours de tous les
souscripteurs, car toute transaction sup-
pose des concessions réciproques, et leçon-,
seil de la Banque d'escompte n'a aucune
qualité pour faire des concessions en ma-
tière de garanties. Les garanties doivent
rester entières ou cesser d'exister.
Enfin, car il faut y revenir, il y a eu urt
pacte conclu entre la Banque d'escompte et
les souscripteurs. CeHe-là a lancé des pros-
pectus contenant des garanties détermi-
nées, et le public a souscrit en présence de
ces garanties et de ces garanties seule-
ment.
Personne n'a donc qualité pour substi..
tuer d'autres garanties à celles qui ont étér
la déterminante de la souscription, ni de)
les modifier, ni de les amoindrir.
Elles doivent rester telles qu'elles ont été
primitivement offertes, sous peine de rup-
ture du contrat. -
En tous cas, l'instance du conseil d'admis
nistration de la Banque d'escompte à porté
une atteinte sérieuse à la solidité de l'en-*
treprise; la confiance des souscripteurs
s'est évanouie en même temps que celle di*
conseil d'administration, et rien ne saurait
la faire renaître.
Aussi persistons-nous à penser que la'
Banque d'escompte, loin de chercher des
arrangements boiteux, ne peut que sehâteo
de restituer aux souscripteurs l'argent dd
leurs versements.
JOURNAL RÉPUBLICAIN
( RÉDACTION
1148, Rue Montmartre
PARIS
DIRECTEUR POLITIQUE
A. - EDOUARD PO,RTALIS
PRIX DE L'ABONNEIEIT :
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Départements — 7i; — 12 1.; — 24 fc
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lê9 abomw»iente partent de» l» et 15 tlJ chaque moit,
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Le» abonnement» partent de» Il" et 15 de CMqIM MO.
- 4
Adresse télégraphique : XIX- SIÈCLE — PARIS j
LES
ÉLECTIONS EN ALLEMAGNE
RéuBioD du comité bonlangiste
BANQUET DES MAITRES RÉPÉTITEURS
LE REMBRANDT DU VÉSINET
SUICIDE D'UN HOMME D'AFFAIRES
On trsmpe-t-M ?
Le résultat des élections de diman-
che inspire une allégresse égale
aux monarchistes et aux boulangistes.
Ils célèbrent le résultat, mais ils se
gardent bien d'analyser le détail,
comme nous l'avons fait hier, et nous
ne saurions nous en étonner, car, si
nous avons trouvé dans cette analyse
des motifs sérieux pour conserver con-
fiance, ils n'y trouveraient eux-mê-
mes que des raisons pour mettre une
sourdine à la manifestation de leur j oie,
et il leur est absolument indispensa-
ble que cette joie se fasse bruyante.
Cependant, tous n'expliquent pas de
la même façon les motifs de leur joie;
ils n'attribuent pas aux mêmes causes
le succès de leurs candidats et ils n'en
tirent pas pour l'avenir les mêmes
pronostics.
La Presse s'exclame sur les « admi-
rables résultats » du scrutin. Elle y
voit une revanche de Paris sur la
« majorité servile qui avait tenté de
porter atteinte à ses élus et, en leurs
personnes, au suffrage universel lui-
même », et elle déclare que « Paris a
bien mérité une fois de plus de la pa-
trie et de la République ». Le Pays,
« journal quotidien de la République
nationale », reconnaît que certains
des électeurs qui ont porté leurs suf-
frages sur les - candidats boulangistes
ont pu être « il y a trois ans", des
royalistes, des orléanistes ou des im-
périalistes; mais « ils sont devenus
ou plutôt redevenus républicains ».
Le boulangisme les a raccommodés
avec la République. « Voilà la vé-
rité s, s'écrie M. Lenglé, et il en donne
comme une preuve irréfutable ce fait
que, « huit jours après le coup de ré-
tlame tenté par les derniers fidèles de
la royauté s, les réactionnaires rede-
venus républicains « choisissent pour
leurs députés cinq solides et sincères
républicains Y,, cinq partisans du gou-
vernement qui doit nous donner « la
vraie République ».
Passons maintenant à l'autre frac-
tion de la coalition, aux réactionnai-
res. Le Soleil, qui a bien quelque au-
torité pour parler au nom des monar-
chistes, ne trouve rien de mieux que
de rééditer, dans sa plus grande par-
tie, un article dont nous avons déjà
parlé et dans lequel il expliquait
que, si aux élections générales les
électeurs monarchistes avaient pu
hésiter à voter pour les candidats
boulangistes, dans la crainte de por-
ter au pouvoir le général Bou-
langer, cette crainte n'existait pas
dans des élections partielles, et qu'on
pouvait dès lors « marcher avec en-
train et ensemble » afin de se donner
la satisfaction d'être désagréable au
gouvernement, et le Soleil ajoute, en
guise de commentaire nouveau : « Les
électeurs se sont donné cette satis-
faction d'autant plus volontiers qu'ils
pouvaient voter comme ils l'ont fait
sans craindre d'amener au pouvoir le
réfugié de Jersey. »
De son côté, M. Paul de Cassagnac
se frotte les mains de « la râclée" ad-
ministrée aux républicains. On sait
avec quel entrain il avait-sans sympa-
thie ni « estime » pour M. Laur — en-
gagé ses amis à voter pour le candidat
boulangiste de Neuilly et aussi pour les
autres invalidés. Il félicite maintenant
les « conservateurs » d'avoir écouté sa
voix et d'avoir «admirablement com-
pris que la question de sympathie per-
sonnelle devait passer après la ques-
tion politique». Il les remercie de s'ê-
tre «ralliés au drapeau" et il ajoute :
et Aussi leur revient-il (aux conserva-
teurs) une large part dans la victoire
d'aujourd'hui. Il en ressort que si,
bien souvent, nous pouvons nous pas-
ser de l'appui des boulangistes, les
boulangistes, eux, ne sauraient se pas-
ser de notre concours. » Et plus loin :
« Ces élections établissent clairement,
ce que nous savions depuis longtemps,
que ce qu'on appelle le boulangisme
n'est pas un parti, n'a jamais été un
parti, mais bien l'expression d'un
grave mécontentement du pays. Bou-
langer a disparu, il n'en est plus
question, et l'état d'esprit mécontent,
dégoûté, persiste avec là même acui-
té. Pour se manifester, le méconten-
tement n'a même plus besoin de Bou-
langer. Hier, il s'incarnait en Boulan-
ger. Aujourd'hui, il éclate tout seul.
Demain, il s'identifiera dans une au-
tre personnalité qui surgira inopiné-
ment, dans un duc d'Orléans ou dans
tout autre. »
Il serait inutile de pousser plus loin
ces citations empruntées aux triom-
phateurs de dimanche. Celles qui pré-
cèdent nous paraissent assez concluan-
tes. Il n'y a pas une seule des appré-
ciations d'une des fractions de la coa-
lition qui ne soit contredite par l'au-
tre. Là où les uns voient la preuve de
la formation d'un parti, les autres
voient la démonstration qu'il n'y a
pas et qu'il n'y a jamais eu de parti.
Là où les uns estiment que les élec-
teurs ont voulu faire un pas dans la
voie de la ri vraie République», les au-
tres répliquent que les électeurs ont
voulu s'offrir la satisfaction peu pé-
rilleuse de donner une leçon au pou-
voir. Là où les uns voient l'effacement
des anciens partis, les autres se font
une joie de constater que non seule-
ment ces anciens partis sont toujours
debout, mais encore que le boulan-
gisme est leur prisonnier.
Au milieu de toutes ces affirmations
contradictoires, on ne peut que répé-
ter le fameux : « Qui trompe-t-on
ici ? » Ou plutôt la question est inu-
tile, car il n'y a pas d'une part des
trompeurs et de l'autre des trompés.
Chacun est en même temps trompeur
et trompé. Ceci, du reste, n'est pas
nouveau. C'est, au contraire, toute
l'histoire du boulangisme, et en conti-
nuant, même dans son agonie, à se fon-
der sur des équivoques, il reste sim-
plement fidèle à ses traditions.
Le XIXe SIECLE publiera demain la
» Vie de Paris » par Henry Fouquier.
LES ÉLECTIONS DE DIMANCHE
Seine-et-Oise et Corse
Voici les résultats complets des élections
de Mantes et d'Ajaccio, en remplacement
de MM. Lebaudy, républicain, décédé, et
Multedo, réactionnaire, invalidé.
Arrondissement de Mantes
MM. Paul Lebaudy fils, républ. 7.771 ELU
Bunau-Varilla, rép h.736
- Seyeux, agriculteur, rép.. 1. 1A7
C'est par erreur, à la suite d'une transposi-
tion de ligne, que nous avons attribué hier
les suffrages de M. Lebaudy à M. Bunau-Va-
rilla.
Arrondissement d'Ajaccio
MM. Ceccaldi, avocat, ancien
député, rad. 6.A61 ELU
Comte Multedo, bonap. in-
validé. 6.071
L'INSPIRATEURDE GUILLAUME Il
L'influence et le rôle de M. Hinzpeter.
— Son mariage avec une Française.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 17 février.
L'empereur a chargé son ancien précep-
teur, le docteur Hinzpeter, membre du con-
seil d'Etat, de rédiger le programme qui
servira de base à la conférence pour la pro-
tection des ouvriers. Cela indique bien que
M. Hinzpeter s'achemine de plus en plus à
jouer un grand rôle politique. C'est lui qui,
par un long mémoire sur la situation des
ouvriers en Westphalie, a réveillé le zèle
de l'empereur pour les questions sociales.
Après avoir terminé l'éducation des
princes Guillaume et Henri, les deux fils
du kronprinz devenu depuis Frédéric III,
il s'était retiré à Brielefeld,son pays, avec le
titre de conseiller intime du gouverne-
ment. Il a épousé une Française, Mlle d'Har-
court, qui était en même temps que lui
attachée comme gouvernante à l'éducation
des enfants du kronprinz.
LA MORT DU SULTAN DE ZANZIBAR
Bruits d'empoisonnement
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Zanzibar, 17 février.
La mort du sultan Seyyid Khaljia étant
survenue sans qu'on eût appris qu'il fût
malade, avait donné naissance dans le peu-
ple au soupçon d'empoisonnement. Le corps
du sultan défunt a été soumis, en consé-
quence, à l'inspection de deux chirurgiens
européens de la marine anglaise et alle-
mande, mais non à un examen médical ré-
gulier, les cheiks n'ayant pas voulu con-
sentir à l'autopsie, qui est contraire aux
usages musulmans.
Les médecins européens ont constaté que
le cadavre ne portait aucune trace exté-
rieure de lésion.
La version officielle attribue la mort de
à Seyyid Khalifa à un coup de soleil.
Il venait de recevoir de l'empereur d'Al-
lemagne l'ordre de l'Aigle-Rouge, et il est
mort à l'heure même où cette distinction
était officiellement annoncée à Berlin.
Son frère Seyyid-Ali, qui lui a succédé,
vivait en mauvaise intelligence avec lui et
lui inspirait une grande défiance.
L'ARRESTATION DE GORKI
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 17 février.
L'ex-député Frédéric Gorki, l'agitateur so-
cialiste connu, a été arrêté à son domicile
pour falsification de lettres de change et mal-
versation.
MORT DU GÉNÉRAL LECHESNE
M. le général de brigade d'infanterie en re-
traite Lechesne, commandeur de la Légion
d'honneur, a succombé hier matin à trois
heures à Paris, aux suites d'une courte mala-
die.
Le général Lechesne, qui avait fait la cam-
pagne d'Italie et celle de 1870, commandait en
dernier lieu la 19" brigade d'infanterie à Pa-
ris.
a
Les obsèques auront lieu demain, i inidi, à
la Madeleine.
EN ALLEMAGNE
A PROPOS
DES ÉLECTIOKS DU 20 FÉVRIER
Lettre de Berlin. — Les réunions élec-
torales. — Virchow et Richter. —
Guillaume II et son peuple.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 16 février.
Plus j'assiste à des réunions publiques
électorales, et plus je suis frappé de l'ex-
trême différence qui existe entre les habi-
tudes allemandes et les nôtres. A dire vrai,
je ne crois pas que ces dernières soient les
meilleures. Presque chaque soir, depuis
que je suis en Allemagne, j'ai assisté à des
réunions en Bavière, en Saxe, en Hanovre,
à Hambourg et depuis trois jours à Berlin ;
deux fois seulement j'ai entendu des in-
terrupteurs.
Les réunions publiques, à l'exception de
celles où les socialistes viennent faire du
tapage, ce qui est extrêmement rare, res-
semblent bien plutôt à un prêche dans une
église protestante qu'à une discussion poli-
tique. Le silence est presque invraisembla-
ble pour qui ne s'est pas trouvé à même de
le juger; jamais d'emballement, jamais d'ef-
fervescence : les assistants sont toujours
unis, buvant d'énormes quantités de bière
et écoutant sans faire un geste d'approba-
tion ou de mécontentement. L'orateur, quel
qu'il soit, n'a pas ce que nous appelons de
mouvement oratoire; il parle sur le même
ton et débite son discours comme s'il lisait
un sermon.
L'inexactitude du docteur Virchow
Hier,j'étais à une réunion dans un quar-
tier éloigné de Berlin faisant partie de la
circonscription où se présente le savant
professeur Virchow, candidat libéral, ce
docteur dont la polémique a été si violente
avec Mackenzie, le chirurgien anglais qui a
soigné l'empereur Frédéric. Il était attendu
pour neuf heures. A dix heures, il n'était
pas arrivé. Un avocat avait parlé pendant
un certain temps pour faire prendre pa-
tience. Alors le président a simplement dit
aux électeurs, qui étaient environ au nom-
bre de cinq cents :
— Le docteur Virchow ne vient pas, c'est
qu'il a autre chose à faire; nous allons nous
séparer en poussant trois hurrahs en sa
faveur.
Tout le monde s'est levé, et trois hurrahs
ont été poussés en l'honneur de Virchow,
qui ne venait pas et n'avait même pas pris
la peine de se faire excuser.
Je ne crois pas qu'en France un semblable
fait serait accepté avec le même calme.
La veille,j'étais à une autre réunion pour
entendre Richter, le chef du parti libéral,
l'adversaire acharné du chancelier et l'un
des meilleurs orateurs du Parlement.
En terminant son discours, il annonça
qu'obligé d'aller dans différentes villes, son
comité ne ferait plus de réunions publiques
à Berlin, dans sa circonscription, parce
qu'il était impossible de trouver des ora-
teurs.
Voilà une déclaration absolument carac-
téristique, d'autant plus que le parti libéral
et les socialistes sont les seuls qui comptent
des orateurs parmi eux.
D'ailleurs, la période électorale n'est pas
très mouvementée à Berlin. Elle a été un
peu plus vive dans les débuts qu'elle ne l'est
maintenant. Les principaux orateurs ont
parlé les premiers jours, et maintenant ils
sont en province. Ils estiment qu'ayant dit
ce qu'ils avaient à dire, il est inutile de le
répéter de nouveau devant les mêmes élec-
teurs.
Chacun sait à quoi s'en tenir.
La géométrie électorale de Berlin
Ce qui rend aussi à Berlin la période élec-
torale peu mouvementée, c'est le nombre
restreint des candidats. Malgré une popula-
tion de 1,500,000 âmes et un nombre de
326,000 électeurs, il n'y a que six députés à
nommer, contrairement à la loi qui accorde
en Allemagne un député pour 100,000 habi-
tants.
Il devrait donc y en avoir quinze à Ber-
lin. Mais, comme sur quinze députés il y
aurait au moins treize membres de l'oppo-
sition, le gouvernement, qui fait la loi,
l'applique pour les autres et la viole à son
profit, afin de diminuer le plus possible le
nombre des députés socialistés qui, cepen-
dant, malgré tous les obstacles apportés à
leur élection, seront au moins 35 au lieu
de Il qu'ils étaient au dernier Parlement.
Ce qu'il importe de noter, c'est l'unani-
mité avec laquelle tous les candidats à l'ex-
ception des candidats du cartel, bien en-
tendu, demandent la diminution des char-
ges militaires. C'est le grand cheval de ba-
taille, comme en France, aux élections der-
nières, la revision.
Les élections se font au moins autant sur
cette question que sur celle des revendi-
cations socialistes. Elles ont d'ailleurs l'une
et les autres plusieurs point de contact.
La popularité de Guillaume II
Ici à Berlin, et en Prusse, le sentiment
public envers l'empereur est très différent
de celui qui existe dans certaines parties de
l'empire. Ici sa popularité est très grande.
On l'aime beaucoup à cause de son acti-
vité, qui remue l'apathie habituelle des Al-
lemands. L'empereur, en effet, est un éclec-
tique en fait de travaux. Il veut s'occuper
de tout, même à tort et à travers, et quitte
fort bien un conseil important pour aller
dans un musée faire décrocher un tableau
qui ne lui plaît pas à la place où il se trou-
ve, pour visiter le corps de garde comme
un officier de service, ou s'en aller à Char-
lottenbourg, où je l'ai vu, il y a deux jours,
« attrapant", — qu'on me pardonne ce
mot, — de malheureux maçons qui tra-
vaillent au mausolée où se trouve le cer-
cueil de Guillaume Ier et qui n'avaient pas
très bien compris les ordres donnés.
Son rescrit sur la conférence ouvrière a
produit une grande impression et a aug-
menté encore sa popularité. On y croit,
et on croit à un résultat. Mais en même
temps cela a augmenté le dissentiment
déjà très grand entre lui et M. de Bismarck.
Au point de vue des questions intérieures,
l'influence de M. de Bismarck est désor-
mais à peu près nulle. M. deBismarck ne
veut céder en rien au socialisme, dans la
crainte que la moindre avance dans ce sens
ne fasse naître des espérances qu'il faudra
réaliser sous peine de les voir devenir
rapidement un danger pour l'Etat. Guil-
laume II, au contraire, qui est extrême-
ment autoritaire, mais qui avant tout est un
ambitieux de popularité, veut — sans rien
accorder réellement, — paraître entrer
dans la voie des réformes et satisfaire quel-
ques-unes des aspirations du peuple.
L'AGONIE DU COMTE ANDRASSY
Buda-Pesth, 17 février.
L'état du comte Jules Andrassy est désespéré.
C'est maintenant une question d'heures.
Ses proches entourent son lit d'agonie.
LE COMITÉ BOULANGISTE
Congratulations réciproques. — L'élec-
tion de M. Naquet.
Il y a eu hier de nombreux échanges de
congratulations au local choisi par le
comité boulangiste, dans un apparte-
ment situé 6, faubourg Montmartre. Les
membres de ce comité s'étaient réunis, en
l'absence de M. Laisant qui se trouve à
Jersey, sous la présidence de M. Naquet,
pour se féliciter du résultat des élections de
dimanche dernier.
MM. Laur et de Belleval n'avaient pu as-
sister à cette petite fête de famille.
MM. Goussot, Paulin- Méry et Revest ont
reçu avec modestie les félicitations de leurs
collègues. M. Naquet, qui faisait contre
mauvaise fortune bon cœur,a donné lecture
de plusieurs télégrammes que des comités
de province avaient fait parvenir dans la
journée au comité boulangiste. Ensuite,
pour que la fête fût complète, on. a accordé
une audience à des délégués de comités
boulangistes de Paris et de la banlieue qui
sont venus affirmer leur attachement à la
cause et apporter leurs félicitations..
Décisions du comité
Après toutes ces manifestations de joie.
les assistants se sont occupés de leur orga-
nisation intérieure.
— Il ne faut pas s'endormir sur nos lau-
riers, a dit un des membres; il faut mainte-
nant plus que jamais agiter l'opinion pu-
blique.
Et dare-dare l'on a décidé de se rendre
plus fréquemment dans les comités et de
coopérer à la création de nouveaux groupes
en vue des élections municipales.
Puis on a parlé de l'élection du cinquième
arrondissement. On a résolu, à cet égard,
de commencer une énergique campagne en
faveur de M. Naquet et de profiter des
avantages que le succès des amis élus dans
la banlieue a donnés au parti.
De grandes réunions vont être organisées
dans cet arrondissement, où les membres
du comité national iront prendre la pa-
role.
M. Paulin-Méry, que le Figaro représen-
tait comme étant en ballottage avec M.
Basly, a appris à ses collègues qu'il avait
été le matin même à la mairie du treizième
arrondissement s'assurer de son élection,et
que le bruit répandu par notre confrère
était par conséquent inexact.
LA DISPARITION D'UN VÉRONÈSE
Comment un tableau s'égare. — Les
pérégrinations d'un tableau.
M. Gandouin, l'expert qui vient de décla-
rer copie un tableau que tous les connais-
seurs proclament aujourd'hui une oeuvre
de maître, donne parmi ses raisons que le
tableau n'existe sur aucun catalogue. Est-ce
une raison suffisante ?
Voici, à ce sujet, l'histoire d'une toile de
valeur qui a disparu depuis plusieurs an-
nées et qui, peut-être, aura dans quelques
années le sort du Rembrandt du Vésinet :
Vers l'année 1755, le prince Wenceslas de
Kaunitz, ministre d'Etat autrichien, à la
suite d'éminents services rendus à son
pays au congrès d'Aix-la-Chapelle et dans
sa mission en France de 1750 à 1753, reçut
d'un prince de Toscane un tableau original
de Paul Véronèse.
Le prince de Kaunitz, au lieu de placer le
tableau dans les salons du ministère, le fit
envoyer dans son château d'Austerlitz.
Quand le prince de Metternich remplaça
le prince de Kaunitz au pouvoir, il chercha
à ravoir ce tableau qui, d'après lui, appar-
tenait au ministère, mais inutilement.
Il se retrouve plus tard en la possession
d'un des parents de la famille Kaunitz, le
comte Casimir Bathyani, qui l'emporta à
Paris, où il fut envoyé en mission par son
gouvernement vers 18/i7.
Rentrant en Hongrie en 18A8, le comte
Bathyani ne voulut pas emporter le tableau
avec lui, craignant des revendications de la
part des nombreux créanciers de la suc-
cession de Kau-nitz. Il le confia à un de ses
amis qui habita Paris de longues années,
l'astronome hongrois Henri Ballogh, bien
connu des habitués du Grand-Café, où il
était un des champions les plus assidus du
jeu d'échecs.
Henri Ballogh habitait, à l'époque où il
reçut le tableau,une petite rue des environs
de l'avenue actuelle de l'Opéra.
C'est chez le vieil astronome qu'un de nos
amis vit encore le tableau en 1875.
Depuis, Ballogh est mort, la maison qu'il
habitait a été démolie pour faire place aux
nouvelles constructions qui bordent l'ave-
nue de l'Opéra, et le tableau de Véronèse a
dû être englobé dans la vente des objets pro-
venant de la succession du vieil astronome.
Peut-être le verrons-nous un jour adjuger
sous le marteau du commissaire-priseur,
comme une simple copie sans grande va-
leur.
LES OBSEQUES D'ANDRADE CORVO
Un promoteur de la politique coloniale
portugaise
D'UN CORRESPONDANT)
Lisbonne, 17 février.
L'enterrement du professeur Andrade
Corvo a eu lieu aujourd'hui, en présence
d'une foule considérable d'hommes politi-
ques, de professeurs , de journalistes et
d'étudiants. Les membres de la famille
royale étaient représentés.
M. Billot, ministre de France, assistait à
la cérémonie.
Le ministre de la marine a parlé sur la
tombe. Il a rappelé les réformes économi-
ques et coloniales dues au professeur Corvo
à qui l'on est redevable du nouvel essor des
colqnies portugaises.
LE TRAITÉ DE COMMERCE
FRANCO-TURC
(D'UN CORRESPONDANT)
Londres, 17 février.
Une dépèche de Constantinople au Daily
Chronicleannonce que l'ambassadeur de France
aurait donné à entendre à la Porte, que son gou-
vernement ne renouvellerait Jpas le traité de
commerce qui existe entre les deux pays et
qui expire le 13 mars.
CHRONIQUE
Les maîtres répétiteurs des lycées et
des collèges se sont réunis hier en un
banquet amical. Ce banquet devait être
précédé d'une sorte de congrès dans le-
quel ils eussent formulé leurs justes
requêtes, exposé des revendications qui
paraissent bien légitimes. Le ministre de
l'instruction publique a, au dernier mo-
ment, interdit ce congrès, estimant qu'il
était contraire à la discipline universi-
taire.
Les maîtres répétiteurs s'en sont mon-
trés fort marris. Il y a si longtemps qu'ils
sollicitent quelques améliorations à leur
sort ! On peut être assuré, en outre, que
leurs doléances n'eussent été exprimées
que dans une forme très modérée, par la-
quelle ils gagnent, précisément, toutes
les sympathies à leur cause. Je n'ai pu
assister, à mon grand regret, au banquet
d'hier, auquel ils m'avaient fait l'honneur
de m'inviter; mais j'ai pris part à celui
de l'an dernier, et j'affirme qu'on ne peut
être que touché de la modestie de leurs
prétentions et de leur déférence aux au-
torités dont ils dépendent. Il n'y a pas
d'aigreur, de colère de leur part, quelque
pénible que soit leur situation, mais seu-
lement un souci de leur dignité qui est
bien naturel, et un chagrin de voir que
leurs réclamations n'arrivent pas à abou-
tir à des résultats sérieux.
Il a bien fallu prêter l'oreille à ces ré-
clamations, soutenues par l'opinion et
par des patronages importants ; aussi, les
promesses n'ont-elles pas manqué aux
maîtres répétiteurs ; mais elles sont res-
tées des promesses dont la réalisation
est sans cesse ajournée, en bien des points
du moins, en dépit même de déclarations
solennelles. Ils ont sujet de se désoler
d'attendre toujours quelques réformes
qui ne viennent pas.
On sait que ces réformes rêvées ne por-
tent pas sur les choses matérielles. Ils ac-
ceptent vaillamment, comme un temps
d'épreuve, une existence vraiment dure,
toutes les corvées qu'on leur impose, la
maigre chère, et bien des petites vexa-
tions qui pourraient leur être épargnées
si on prenait la peine de modifier des rè-
glements surannés. Ils ne se piquent pas
de sybaritisme, certes, et ils comprennent
qu'ils ne peuvent avoir toutes leurs aises.
Mais ce qu'ils demandent avec instance,
c'est de pouvoir travailler davantage pour
eux-mêmes, c'est de ne pas se trouver
dans des conditions d'infériorité vis-à-vis
des autres aspirants aux emplois qu'ils
ambitionnent, lesquels, n'étant pas as-
treints à toutes leurs obligations, ont plus
de facilités pour conquérir leurs grades.
Ils souhaitent, enfin, qu'on tienne compte
de leurs services, que le temps passé par
eux dans de si ingrates fonctions ne soit
pas complètement perdu.
Il n'est plus besoin de dire que le maî-
tre d'étude d'aujourd'hui ne ressemble
plus en rien au « pion » d'autrefois. Tous
ces jeunes gens que leur situation de for-
tune a réduits à accepter cette sorte de
captivité entre les murs d'un lycée sont
laborieux, ont de sérieuses aspirations,
sont déjà pourvus de diplômes qui attes-
tent leur valeur. Ils sont tout disposés à
accomplir ponctuellement la mesquine
besogne à laquelle ils sont condamnés, à
exercer scrupuleusement la surveillance
qui leur est confiée. Mais qu'ils puissent
au moins songer à leur avenir, préparer
leur carrière sans risquer d'éveiller quel-
que défiance par leur zèle même au tra-
vail.
En cette réunion annuelle, où viennent,
même de très loin, des membres de l'as-
sociation pour joindre leur voix à celle
de leurs camarades, on entend de dou-
loureuses confidences sur les continuelles
petites misères de cette vie du maître ré-
pétiteur, à qui on semble faire un re-
proche de se préoccuper de sa situation
future, comme si son ambition ne devait
pas dépasser le soin de présider à une
récréation on d'empêcher des cancres de
trop bavarder à l'étude. Dans certains
lycées de province ne règne pas encore un
esprit très large, et quelques proviseurs,
il faut bien le dire, soit par un sentiment
exagéré de leur responsabilité, soit par
habitude d'humeur quinteuse, jouent
un peu au tyran. Ce n'est pas sans émo-
tion que j'ai entendu ces récits, faits avec
plus de résignation et de tristesse que
d'âpreté. Les pauvres maîtres doivent
subir, parfois, d'étranges humiliations,
et vraiment puériles, qui ne les aident
pas à obtenir le respect de leurs élèves.
Un d'eux avouait, avec un dépit qui cher-
chait vainement à prendre une forme
plaisante (le malheureux garçon avait la
gorge serrée en disant cela), qu'il était
soumis à une véritable inquisition, qu'on
lui demandait compte de l'emploi de ses
rares heures de sortie, qu'on le forçait à
montrer les livres dont il se servait,
comme s'il eût été soupçonné d'en avoir
de suspects, et que, un jour, il trouva sa
vieille malle qui constituait toute sa ri-
chesse fouillée de fond en comble. Elle
avait été examinée pendant qu'il condui-
sait sa division à la promenade. Mais
quoi! Que faire? A qui se plaindre?
N'avait-il pas à craindre les terribles
notes qui devaient le- suivre pendant
toute sa carrière dans l'Université ?
J'espère que ces abus de pouvoir sont
rares. A Paris, du moins, les maîtres ré-
pétiteurs ont affaire à des supérieurs dis-
tingués, au-dessus de toutes ces taquine-
ries. Mais, partout, les traditions les sou-
mettent à de multiples devoirs qui pour-
raient être simplifiés, et pour lesquels
l'intelligence et l'instruction sont super-
flues. Coupées comme elles le sont par
ces incessantes obligations, leurs tour-
nées s'écoulent vite sans qu'il leur ait été
permis de s'occuper d'eux-mêmes. N'y a-
t-ji pas un cruel chagrin, qui peut con-
duire au découragement, pour un jeûna
homme plein d'ardeur, de sentir qu'il
est sollicité, autant par goût que par né-
cessité, par de sérieuses études, et que la
temps lui échappe pour s'y plonger, dé-
rangé qu'il est par d'absurdes besognes. -
Il serait facile, d'après les maîtres répéti-
teurs, de distribuer mieux le service, de
façon à ce qu'ils eussent à tour de rôle
quelques heures devant eux pour un tra-
vail suivi, le seul qui puisse être fruc-
tueux. Il ne serait pas moins aisé, ajou-
tent-ils, d'établir des catégories selon
l'ancienneté, d'après lesquelles les uns
seraient chargés de la surveillance et les
autres d'un complément d'enseignement
à donner aux élèves. Car ils se plaignent
aussi que l'on n'utilise point leur savoir,
leur expérience, de sorte que l'instruc-
tion qu'ils possèdent ne sert à rien. Ce
sentiment, il faut en convenir, est par-
faitement digne.
Je ne veux point entrer ici dans le dé-
tail de leurs doléances. Ce qu'il importe
de répéter, c'est que les maîtres répéti-
teurs des lycées, qui forment un person-
nel très méritant, très dévoué, méritent
plus d'intérêt, eux qui réclament seu-
lement en échange de l'aliénation de leur
liberté plus de facilités pour leurs pro-
pres études. Maintenant que le type du
pion crasseux et encroûté n'existe plus
qu'à l'état de légende, qu'on songe que
ces jeunes gens forment une élite ] Il ne
faut pas leur faire expier trop durement
la pauvreté qui les a contraints à accep-
ter ces rebutantes fonctions où, avec
l'organisation actuelle, ils s'éternisent
trop souvent.
Il n'y a chez eux aucun esprit de r
volte. En dehors de l'armée, il n'y a pas
de corps professionnel où l'on se sou-
mette mieux à la discipline, et cette dis-
cipline est peut-être plus sévère que dans
l'armée. Ils ont des amertumes qui leur
pèsent ; ils les disent ; ils tâchent de plai-
der leur cause du mieux qu'ils peuvent.
Qui pourrait leur en faire un reproche i
Paul Ginisty.
SUICIDE D'UN AGENT D'AFFAIRES
Un coup de revolver
Le sieur C. demeurait rue de Passy, 70,
où il exerçait la profession d'agent d'affai-
res, s'occupant principalement de la vente
des fonds de commerce et de gérances de
propriétés.
Cet homme habitait depuis longtemps le
quartier, où il était très estimé.
Hier matin, sa fille, entrant dans sa cham-
bre, le trouva étendu sur le parquet.
Le malheureux s'était tiré une balle dans
la tête et s'était tué net.
Ce suicide a causé une vive émotion dans
la rue de Passy. Il est attribué à des embar-
ras d'affaires. ,
LA
BANQUE D ESCOMPTE
ET LE
SARAGOSSE A LA MEDITERRANEE
Le rapport de l'arbitre. — Projets de
transaction. — Impossibilité légale.
— Restitution des capitaux.
On se rappelle que dans notre numéro,
du samedi 15 février, nous annoncions i-juaè
M Binot de Villiers, arbitre près le tribu-
nal de commerce, venait de déposer, dans1
le différend qui sépare la Banque d'es-
compte et la Compagnie du chemin de fec
de Saragosse à la Méditerranée, un rapport
qui affirmerait le droit de la Banque d'es-
compte de ne point verser entre les mQiIl
des fidéicommissaires du Saragosse à la Mé-ï
diterranée le montant de la dernière émis-
sion d'obligations, les garantie# promises
par le prospectus n'étant point réalisées.
Or, aujourd'hui le bruit se répand que
d'activés négociations seraient engagées
entre la Banque d'escompte et les susdits
fidéicommissaires pour arriver à un ar-
rangement amiable.
, Nous nous demandons comment on pour
rait arriver à une semblable transaction.
En effet, le conseil d'administration de la
Banque d'escompte a fait appel au publiai
en promettant, 'dans ses prospectus, dans
ses affiches, dans sa publicité, des garanties
déterminées.
Le public a répondu à cet appel, parc(t
qu'il croyait aux garanties promises ; il an
souscrit les obligations qui lui étaient of
fortes et effectué les versements réglemen-
taires. r
Contrat synallagmatique T
Il s'est ainsi formé un contrat synalîagw
matique qui ne peut être modifié que par
le consentement unanime des deux par-
ties.
Il est vrai que le conseil de la Banque
d'escompte, se ravisant, mais un peu tard,
a pensé que les promesses dont il s'était
fait l'intermédiaire pourraient bien ne pas*;
être sérieuses,et que sur l'instance engagée
un rapport d'expert serait venu lui donnée
raison et affirmer l'absence des garanties
promises.
Mais alors aucune transaction amiable
n'est possible sans le concours de tous les
souscripteurs, car toute transaction sup-
pose des concessions réciproques, et leçon-,
seil de la Banque d'escompte n'a aucune
qualité pour faire des concessions en ma-
tière de garanties. Les garanties doivent
rester entières ou cesser d'exister.
Enfin, car il faut y revenir, il y a eu urt
pacte conclu entre la Banque d'escompte et
les souscripteurs. CeHe-là a lancé des pros-
pectus contenant des garanties détermi-
nées, et le public a souscrit en présence de
ces garanties et de ces garanties seule-
ment.
Personne n'a donc qualité pour substi..
tuer d'autres garanties à celles qui ont étér
la déterminante de la souscription, ni de)
les modifier, ni de les amoindrir.
Elles doivent rester telles qu'elles ont été
primitivement offertes, sous peine de rup-
ture du contrat. -
En tous cas, l'instance du conseil d'admis
nistration de la Banque d'escompte à porté
une atteinte sérieuse à la solidité de l'en-*
treprise; la confiance des souscripteurs
s'est évanouie en même temps que celle di*
conseil d'administration, et rien ne saurait
la faire renaître.
Aussi persistons-nous à penser que la'
Banque d'escompte, loin de chercher des
arrangements boiteux, ne peut que sehâteo
de restituer aux souscripteurs l'argent dd
leurs versements.
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