Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-02-10
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 10 février 1890 10 février 1890
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Dix-neuvième année. — N° 6,601 CINQ Centimes -- —" Paria et Départements CINQ Centimes LUNDI 10 FEVRIER 1890
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JOURNAL RÉPUBLICAIN
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LE
Inc. d'Orléans en police correctionnelle
LETTRE A M. CARNOT
INVALIDATION DE M. CALVINHAC
- L'instruction de l'affaire Gouffé à Lyon
LA VENGEANCE DE LAMBERT
L'AFFAIRE DES HUILES
EpipBejrinciere
Il ne saurait nous convenir de re-
chercher si, en venant à Paris, le jeune
duc d'Orléans a cédé à une inspira-
tion toute personnelle ou s'il a agi sui-
vant un plan concerté à l'avance avec
ses partisans ou avec d'autres mem-
bres de sa famille que Pâge a rendus
moins aventureux pour leur propre
compte. Nous ne voulons pas davan-
tage examiner s'il a cru qu'il frappe-
rait l'opinion publique par le contraste
entre la conduite trop prudente du
général Boulanger et la hardiesse avec
laquelle son premier acte d'homme,
dès le lendemain de sa majorité, était
de franchir la frontière. Hardiesse peu
dangereuse d'ailleurs, car il savait
bien que s'il s'exposait à des désagré-
ments, il ne courait aucun danger.
Mais ce que nous devons tout d'abord
écarter, c'est le prétexte de patrio-
tisme invoqué par ce prince pour mo-
tiver son équipée. S'il avait voulu
simplement se mettre en règle avec la
loi militaire et faire la déclaration de
nationalité exigée pour les fils de
Français nés à l'étranger, il n'avait
pas besoin de venir à Paris : il lui suf-
fisait de s'adresser au consulat ou à
l'ambassade française de sa résidence
et d'envoyer par la poste sa demande
au ministre de la guerre.
Le but véritable de l'équipée prin-
cière a été de se faire de la réclame.
Complètement inconnu jusqu'ici, le
duc - d'Orléans a voulu se faire connaî-
tre, et peut-être aussi s'est-il imaginé
qu'il allait stimuler l'ardeur de l'oppo-
sition monarchique, qui f-ballottée
entre le boulangisme et l'attitude
pseudo-républicaine prise pas beau-
coup de ses membres devant le corps
électoral, pouvait tout au moins pa-
raître hésitante. Il a voulu montrer à
ses amis, franchissant sans nécessité
la frontière le jour où il revêtait la
robe virile, qu'il ne se laisserait pas
embarrasser par des scrupules de lé-
galité au moment où les circonstances
paraîtraient propices. C'est assuré-
ment cette conclusion que les chefs du
parti réactionnaire ont tirée de l'acte
du prince, et c'est la seule qui puisse
expliquer l'enthousiasme extrême avec
lequel ils célèbrent sa détermination.
Mais cet enthousiasme même nous
, autorise à tirer de cette équipée une
autre conclusion et a constater que
le duc d'Orléans vient de prouver une
fois de plus que les prétendants res-
tent bien dans leur rôle de prétendants
et que leurs amis sont, plus que ja-
mais, les adversaires systématiques
de la République. Les uns comme les
autres ne cherchent qu'à entretenir
l'agitation dans le pays, et l'on voit,
par leur conduite à tous, ce qu'il con-
vient de penser de la fameuse politi-
que d'apaisement pour laquelle ils af-
fichent une si grande prédilection.
Leurs efforts n'ont jusqu'ici pas eu
grand succès. Qu'ils se soient présen-
tés à visage découvert ou qu'ils se
soient abrités derrière tous les mas-
ques, qu'ils se soient dissimulés sous
les enseignes les plus trompeuses ou
qu'ils aient recouru aux équivoques
les moins honorables, ils n'ont pas
réussi à entraîner l'immense majorité
du pays et il ne semble pas que l'é-
quipée du duc d'Orléans ait beaucoup
ému le public. L'indifférence de la po-
pulation est, au contraire, un symp-
tôme bien caractéristique de la très
faible importance que l'on attache
aux actes des représentants des mo-
narchies déchues, et dé l'incrédulité
générale à l'endroit d'une éventualité
de - restauration dynastique. --
Donc, à ce point de vue, la réclame
que le duc d'Orléans a cherché à se
faire a manqué son effet. Mais il est
une autre conséquence de son acte à
laquelle il n'a pu penser qu'il parvien-
drait à se soustraire. La loi du aa
juin 1886 est formelle. Le territoire de
la République est interdit aux chefs
des familles ayant régné sur la France
et à leurs héritiers directs par ordre
de primogéniture. Le duc d'Orléans
pouvait compter que le gouvernement
feratt respecter cette interdiction et il
a dû calculer par avance si la mani-
festation qu'il préparait valait., comme
efficacité pour la cause monarchique.,
la peine de deux à cinq ans de prison
au-devant de laquelle il allait.
On * a pu, tant que cette loi n'a pas été
votée, discuter s'il convenait ou non de
la faire; on a pu se demander s'il ap-
partenait à un régime libéral tel que
doit être la République d'édicter des
lois d'exception. Mais, -aujourd'hui
que la loi existe, aucun de ceux qui
l'ont combattue lorsqu'elle était à l'é-
tat de projet ne supporterait qu'elle
fût violée et que le gouvernement s'ar-
rogeât le droit de l'appliquer ou de
la laisser sommeiller, suivant les cir-
constances et selon son bon plaisir. Si
le duc d'Orléans avait échappé à l'ap-
plication de cette loi, les autres pré-
tendants se seraient fait désormais un
jeu de venir en France pour se faire
reconduire à la frontière, et la loi
n'aurait plus été qu'un vieux lambeau
de papier.
Le duc d'Orléans n'a pu se faire
l'illusion qu'il lui suffirait de violer la
loi pour la détruire, et il entrait dans
ses prévisions qu'il n'aurait pas à faire
immédiatement usage de son billet de
retour. Cette considération ne l'a pas
arrêté, et c'est par là que se révèle
chez lui l'inexpérience de la jeunesse;
car s'il avait pris conseil d'hommes
d'âge mur, on lui aurait certainement
répondu que l'effet moral produit par
sa manifestation ne vaudrait assuré-
ment pas les ennuis d'une longue cap-
tivité. Mais il ne s'est ouvert, dit-on,
de son projet qu'au jeune duc de
Luynes, aussi inexpérimenté que lui-
même et qui, s'il en faut juger par
l'ardeur avec laquelle il s'est jeté dans
le boulangisme et avec laquelle il sou-
tient encore maintenant la candida-
ture boulangiste de M. Laur à Neuilly,
n'est pas d'un conseil bien rassis. Ils
ont cru qu'ils allaient frapper un
grand coup et faire à la monarchie
une prodigieuse réclame. Il ne reste
qu'à payer cette réclame, et c'est à la
justice à en fixer le prix.
Le « XIX" Siècle » publiera demain la
a Chronique » par M. Francisque Sarcey.
MORT DU CARDINAL PECCI
LE FRERE DE LEON XIII
, (DE NOTRECORRESPONDANTPARTICUUR)
! Rome, 8 février.
Le cardinal Pecci, frère de Léon XIII, dont
l'état de santé était désespéré depuis plu-
sieurs jours, est mort aujourd'hui à 2 heu-
res et demie, ;
Joseph Pecci, était né à Carpineto, dans
le diocèse d'Anagni, en 1807.
Il était le frère aîné de Joachim Pecci,
qui fut élu pape sous le nom de Léon XIII,
le 20 février 1878.
Le pape décerna le titre de cardinal-
diacre à son frère en mai 1879, et l'attacha
à la maison pontificale comme cardinal pa-
latin.
ACCIDENT DE CHEMIN DE FER
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Belfort, 8 fevrier.
Le rapide de Calais à Baie a failli dérailler
aujourd'hui près de Lure, une voiture ayant
sauté hors des rails. Aucun accident, mais une
heure de retard.
LA SUISSE ET LA FRANCE
DEVANT L'INVITATION ALLE-
MANDE
La Suisse bernée. — Le bloc enfariné.
x — Adhésion douteuse des
puissances.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berne. 8 février.
Tous les journaux de Paris ont - annoncé
que le Conseil fédéral avait décidé de per-
sister quand même dans sa convocation
d'une conférence internationale pour le
5 mai.
Le fait n'est pas absolument exact.
Le gouvernement suisse n'a pas encore
arrêté sa décision. Il ne connaît encore les
rescrits de l'empereur Guillaume que par
les dépêches des journaux. Contrairement
aux convenances, aucune communication
ne lui a encore été faite, même officieuse-
ment. Pourtant, la convocation à la confé-
rence de Berne avait été adressée à l'Alle-
magne, comme aux autres puissances, en
janvier 1887, et le programme de cette
conférence avait été mis à la poste le 5 fé-
vrier suivant.
Avant d'àrrêter une ligne de conduite, le
Conseil fédéral attendra les communications
de la chancellerie allemande. Puis il pren-
dra l'avis des puissances qui avaient déjà
donné leur adhésion. On est résolu ici à ne
pas faire un point d'honneur de l'initiative
qui avait été prise par la Suisse, et à la-
quelle l'empereur Guillaume substitue la
sienne propre, par un manque d'égards en-
vers un gouvernement ami.
Mais néanmoins on se méfie, car cette
conférence, convoquée à Berlin sans que
son programme soit délimité, peut cacher
des pièges, surtout pour certaines puis-
sances.
Les questions sociales pourraient bien
être étendues et entraîner la conférence à
prendre des décisions qui seraient contrai-
res au but que l'on se propose. -
On ne croit pas, d'ailleurs, que la confé-
rence aboutisse, êar l'adhésion des quatre
puissances nommées par l'empereur Guil-
laume (la France, l'Angleterre, la Belgique
et la Suisse) est nécessaire, et l'on doute fort
que la France accepte bénévolement cette
invitation. -
LE PAPE ET LES GARDES-NOBLES
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 8 février.
On parle d'un incident assez amusant entre
les gardes-nobles et le saint-père. Ils auraient
demandé une augmentation de pension, celle
qu'ils reçoivent n'étant que de 60 francs par
mois.
Le saint-pére, en train. de faire des écono-
mies, a répondu : « Dites aux gardes-nobles
que je suis très mécontent de leur attitude, et
que, s'ils continuent, je ferai faire leur ser-
YÎGQ par tes Suisses» » :
EN CORRECTIONNELLE
LA JOURNÉE DU DUC D'ORLÉANS
A la Conciergerie. — Changement de
température. - Menus variés. -
La lecture des journaux et les
visites.—Devant ses juges.
Le jeune duc d'Orléans a passé une bonne
nuit. Après avoir veillé toute la soirée, éclai-
ré par un candélabre à deux bougies, il
s'est endormi très calme. En se réveillant,
il a commencé par se plaindre du froid.
« J'ai vécu aux Indes, a-t-il dit au direc-
teur de la Conciergerie, et je suis très fri-
leux. » La veille au soir, on avait bien fait
un peu de feu. Mais cette pièce, inoccupée
depuis longtemps, a besoin pour être habi-
table d'être fortement chauffée. Et, éomme
a dit M. Lozé : « Si j'avais prévu l'événe-
ment, j'aurais fait chauffer d'avance. »
Mobilier modeste
La pièce (et non la cellule) qu'occupe le
prince à la Conciergerie est située dans la
seconde tourelle du Palais de Justice. Sa
chambre est absolument pareille à celle où
fut enfermé le prince Jérôme après son ma-
nifeste, en 188,4, qui se trouve au rez-de-
chaussée de la première tour, à droite en
entrant dans la prison. Un peu plus loin, se
trouve la cellule occupée par Marie-An-
toinette, lors de son passage à la Concier-
gerie.
La pièce du duc d'Orléans, au-dessus du
greffe, sert quelquefois de bureau au pré-
sident des assises. Elle est très spacieuse,
mais sommairement meublée d'un vieux
lit Louis XVI, de quatre chaises très sim-
ples, d'un vieux fauteuil, d'un lavabo en
zinc. Dans le fond, une vaste cheminée où
l'on brûle du bois.
Vers neuf heures, le duc s'est fait servir
un café avec pain, brioche et croissant. Il a
lu ensuite un grand nombre de journaux,
faveur spéciale qui lui a été accordée.
Il a demandé s'il pouvait recevoir sa cor-
respondance. Le directeur de la Concierge-
rie en a référé au préfet de police, qui en
référera au ministre de l'intérieur. Au sur-
plus, le personnel de la Conciergerie est
aux petits soins pour le prince et a pour
lui les plus grands égards.
Son ami le duc de Luynes s'étant pré-
senté hier matin pour lui rendre visite, il
lui a été répondu qu'il ne pouvait être fait
droit à sa demande, que l'autorisation de
voir le prince était accordée seulement aux
membres de sa famille et a M. Bocher.
Le duc de Luynes s'est alors rendu chez
M. Constans avec M. Arthur Meyer. Le mi-
nistre de l'intérieur l'a reçu avec la plus
grande courtoisie et a immédiatement fait
donner des ordres pour que le duc de
Luynes pût voir son ami.
Auparavant, le duc de Luynes avait fait
parvenir au prince, dans la matinée, une
valise contenant des vêtements, du linge et
des objets de toilette.
Déjeuner et dîner
., A midi, un commissionnaire de la Con-
ciergerie est venu chercher le déjéuner du
prince au restaurant du Barreau.
— Vous donnerez à monseigneur tout ce
que vous avez de meilleur, avait dit, la
veille, le duc de Luynes au restaurateur.
Voici le menu dyhier matin :
Hors-d'œuvre variés. — Sole Joinville. —
Filet de chevreuil. — Faisan rôti. — Par-
fait praliné aux framboises. — Fruits : poi-
res. — Café. — Fine champagne (18A8). —
Vin : Cliâteau-Lagrange.
La veille au soir, il avait dîné d'un po-
tage, faux-filet, poulet, fromage, vin de
Barsac, café et fine Champagne.
Enfin, hier soir, il a dîné à cinq heures :
potage printanier royal, filet à la d'Orléans,
perdreau rôti, asperges sauce hollandaise,
fromage, dessert, café, fine Champagne.
Voilà un restaurateur qui fera une bonne
affaire.
Ajoutons, comme document, que le
prince a très bon appétit.
Far une délicate attention, un ancien do-
mestique du roi Louis-Philippe est venu
apporter au restaurateur des pièces de
verrerie, de faïence, une timbale d'ar-
gent portant les initiales du roi Louis-Phi-
lippe et la couronne royale. Il a demandé
que ces différents objets, fussent remis à
l'usage de « Son Altesse royale ». Il
Le duc commençait à déjeuner quand
deux agents de la Sûreté sont venus le
chercher pour le mener dans le cabinet de
M. le procureur de la République Banas-
ton. Le duc se leva et suivit les agents sans
motdes flagrants délits du tribunal correction-
nel de la Seine.
A LA HUITIÈME CHAMBRE
La loi de juin 1886 et la loi sur les
flagrants délits.
On sait, — nous l'avons déjà fait obser-
ver, — que la loi du 23 juin 1886 sur l'ex-
pulsion des princes n'a pas déterminé de
juridiction exceptionnelle. Le parquet a
donc estimé qu'il appartenait aux juges or-
dinaires, et, à raison de la peine qu'édicté
cette loi, qui est la prison, au tribunal cor-
rectionnel, de juger le délit ou, plus exac-
tement, la contravention commise par le
fils aîné du comte de Paris.
Et par suite, comme on se trouvait en
présence d'un flagrant délit, il a été fait
application des dispositions de la loi du
90 mai 1863, qui autorise le procureur de la
République, après un interrogatoire som-
maire, à traduire « sur-le-champ » le pré-
venu devant le tribunal.
C'est ce qui a été fait. A midi moins le
quart, le prisonnier a été extrait de la Con-
ciergerie et conduit dans le cabinet de M.
le procureur de la République, où il a été
interrogé, comme le veut la loi, par M. Ba-
naston lui-même. Cet interrogatoire a eu
lieu en présence de M. le procureur géné-
ral Quesnay de Beaurepaire.
Le prévenu s'est borné à déclarer qu'il
avait agi en citoyen, non en prétendant.
Immédiatement après l'accomplissement
de cette formalité, le président de la 8e
chambre, M. Tardif, était prévenu que cette
affaire, non inscrite, viendrait, à la demande
du ministère public, en tête du rôle.
Emotion dans les couloirs
Au moment où le fils du prétendant avait
dû traverser, pour se rendre chez le procu-
reur de la République, la grande salle des
Pas-Perdus, presque déserte, il avait été
cependant reconnu et salué par un des avo-
cats du barreau, et bientôt, dans tout le
Palais, s'était répandu le bruit que peut-
être bien le prince allait être jugé. ■
Mais devant quelle chambre, se deman-
dait-on, tout en discutant la possibilité de
cette comparution? Un détail Dermit de le
savoir : c'était le greffier de la 8e chambre,
M. Julia, qui avait assisté les deux procu-
reurs; donc, la cause allait venir devant
cette chambre. En effet, le prévenu avait été
conduit, sans que d'ailleurs personne s'en
aperçût, dans le cabinet même du greffier,
voisin de la salle d'audience, et c'est là que
l'huissier audiencier est allé le prendre, à
midi et demi, pour l'introduire par la porte
des témoins au pied du tribunal.
Là salle se remplit immédiatement, on se
presse aux portes, que les gardes se hâtent
de barrer aux retardataires.
Le tribunal est ainsi composé : M. Tardif,
président; assesseurs, MM. Rodât, juge, et
Roux, juge suppléant. Le siège du minis-
tère public est occupé par M. le substitut
Katz.
Le prévenu
Au passage du prévenu, quelques avocats
se découvrent. Le jeune duc s'avance un
peu ému et va s'asseoir sur le banc des pré-
venus libres. Il est d'assez haute taille,
mince, blond, rosé; il a la physionomie
d'un jeune étranger, et nous ne saurions
mieux le comparer qu'à un de ces étudiants
d'Oxford que les journaux illustrés de nos
voisins nous représentent périodiquement
quand vient l'époque du grand match sur
la Tamise. Il porte une redingote dont les
revers sont en soie et un pardessus fourré.
assez peu princier; ganté de noir, il tient à
la main un jonc terminé par une pomme
d'argent; le chapeau de soie est reluisant
et le col cassé d'une entière fraîcheur. Les
cheveux, séparés par une raie très nette, fri-
sottent et l'aspect général est celui « d'un
bon jeune homme » qui s'efforce visible-
ment de surmonter une naturelle timidité.
Interrogatoire
Le président a courtoisement interrogé
le prévenu :
— Comment vous appelez-vous, monsieur?
demande le magistrat.
— Je m'appelle Philippe d'Orléans.
— Vous avez vingt-un ans depuis le mois de
février ?
- Depuis avant-hier, monsieur le prési-
dent.
— Vousavez été trouvé hier présent à Paris,
alors qu'une loi vous interdit le séjour de la
France. •
— Je suis venu pour remplir un devoir de
citoyen, accomplir mon temps de service mili-
taire ; je voulais servir dans l'armée pendant
trois ans comme simple soldat.
— Vous connaissez les dispositions de la loi
qui vous interdit d'accomplir le service mili-
taire. Vous ne figuriez pas dès lors sur les
listes de recrutement et vous ne pouviez être
soldat.
- (Avec un peu plus d'émotion.) J'ai tenu à
faire mon devoir de Français, à me faire ins-
crire sur la liste de recrutement.
— La loi, je le répète, vous le défend, et nul
n'est censé ignorer la loi.
— Cette loi est, monsieur le président, une
loi d'exception. Je ne connais que l'é-
galité.
— Le sentiment sous lequel vous prétendez
avoir agi peut être parfaitement louable, mais
le tribunal ne se met pas à la place du légis-
lateur, il applique les textes.
Incident
Jusqu'ici, pas d'incident. A ce moment,
un avocat présent dans la salle, Me André
Buffet, le fils du sénateur, se penche vers
le prévenu et semble lui fournir quelques
explications.
M. le président, s'adressant à l'avocat. -
Maître, avez-vous quelques observations à
présenter ?
M* Buffet. — Je faisais observer à Mgr le duc
d'Orléans qu'il avait, aux termes de la loi,
trois jours pour pourvoir à sa défense et
trouver un avocat.
M. le substitut Katz. - Parfaitement.
M. le président, au prévenu. — Le tribunal,
monsieur, vous accordera ce délai, et même
un délai plus long si les besoins de votre
cause l'exigent.
Le prévenu, avec quelque hésitation. - Trois
jours suffiront, je pense.
M. le président. — Alors, à mercredi.
L'intervention de Me Buffet imprime à
l'affaire une direction imprévue.
« Crâne jusqu'au bout »
Certains assistants disent que, compre-
nant le sens des observations de l'avocat
inconnu qui lui avait adressé la parole, le
jeune duc aurait répondu, mezza voce :
— Mais ne serait-il pas plus crâne de me
faire condamner - comme ça, tout de
suite ?
., D'autres, au contraire, soutiennent, et
ceux-là sont dans le vrai, que le prince a
simplement dit à l'avocat :--- Hein ! quoi ? —
et que c'est alors queMC Buffet a formulé
la demande de sursis. -
Ce qui est absolument certain, c'est que,
dans les quelques instants qu'il a passés
dans le cabinet du greffier, le prévenu avait
dit qu'il voulait être «. crane jusqu'au
bout » et qu'il ne prendrait pas d'avocat. Et
le voilà aux mains des Démosthènes de son
parti.
Car, aussitôt après l'audience, Me Cres-
son, bâtonnier de l'ordre, prévenu de la
comparution du prince, s'est présenté à la
Conciergerie et s'est entretenu avec le pri-
sonnier. On disait que ce dernier avait dé-
cidé de charger du soin de sa défense
Me Rousse, membre de FAcadémie fran-
çaise et Me Limbourg, conseil attitré de sa
famille.
Il est possible que les défenseurs, quels
qu'ils soient, élèvent à la prochaine au-
dience une exception d'incompétence et cri-
tiquent l'application qui a été faite des dis-
positions de la loi sur les flagrants délits.
Le jugement
Voici enfin les termes du jugement rendu
par la 8° chambre :
Le tribunal,
Après en avoir délibéré conformément à la
loi, vu la demande de remise formulée par le
prévenu, vu l'article h de la loi du 90 mai 1863
sur les flagrants délits, vu l'article 5 de la
même loi,
Maintient le mandat de dépôt décerné con-
tre Philippe, due d'Orléans, et renvoie la cause
au mercredi 13 février proc h ain.
En se retirant, le prévenu s'incline légè-
rement et sort par la porte des témoins.
Deux agents de la Sûreté l'ont ensuite re-
conduit à la Conciergerie.
LES VISITES
Aussitôt après, le jeune prince a reçu la
visite de M. Bocher, et celle du duc de Luy-
nes. Il s'est entretenu assez gaiement avec
ses deux amis.
A quatre heures et demie, un landau aux
armes ducales, avec les initiales R. O. entre-
lacées (Robert d'Orléans), arrive à la porte
de la Conciergerie où une poignée de cu-
rieux stationnaient. Mme la duchesse de
Chartres, accompagnée de sa fille Margue-
rite, avec laquelle le duc d'Orléans est
France, vient rendre visite à son neveu;
La visite s'est prolongée jusqu'à six heures.
Ces dames ont assisté au repas du prison-
mer
NOS DÉPÊCHÉS
Le départ de Lausanne
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Lausanne, 8 février.
On me donne les détails suivants sur le
départ du duc d'Orléans, dont l'arrestation
fait ici un bruit énorme, le prince étant
connu de toute notre population, qui était
habituée' à le voir dans tous les concerts,
dans toutes les fêtes et au stand, où on le
rencontrait journellement.
Leduc de Luynes était arrivé à l'hôtel
Beau-Rivage, à Ouchy, et non à Genève
comme l'ont annoncé plusieurs journaux
français, mercredi à onze heures.
Les ducs quittèrent l'hôtel annonçant
qu'ils se rendaient à la gare de Lausanne
pour prendre le train afin d'assister à la
représentation de Lohengrln.
Le prince et son compagnon n'avaient
aucun bagage et ils ne furent accompagnés
par aucun domestique.
Le colonel de Parceval, précepteur du
prince, ignorait absolument sa décision.
Les voyageurs prirent à Genève le train
rapide de 7 heures 50 du soir, qui arrive à
Paris à 6 heures 55 du matin.
La famille du prince devait. également
ignorer son coup de tête, car il est arrivé
à Ouchy, depuis son départi, des télégram-
mes de la comtesse de Paris.
Les journaux suisses du soir sont favo-
rables au prince.
L'impression à Lisbonne
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Lisbonne, 8 février.
La nouvelle de l'arrestation du duc d'Or-
léans a produit Ici ime vive sensation
On dit que le roi est très affecté de cet
incident.
L'ARRESTATION DU PRINCE
A la Chambre. — Bruits d'interpella-
tion. — La Droite n'a pas bougé.
Comme toujours lorsqu'un événement
de quelque importance se produit, on ne
s'entretenait hier, dans les couloirs de la
Chambre, que de l'incident créé par le
jeune duc. Disons tout de suite qu'on ne
considérait cet événement que comme une
simple escapade sans aucune portée.
On connaissait de bonne heure la déci-
sion prise par le gouvernement dans le con-
seil des ministres tenu le matin. Le con-
seil, après avoir entendu le ministre de
l'intérieur, qui a rendu compte des circons-
tances dans lesquelles l'arrestation avait été
opérée, décidait qu'en exécution de la loi
du 29 juin 1886,1e duc d'Orléans serait défé-
ré à la police correctionnelle pour infrac-
tion à la disposition qui interdit aux pré-
tendants et a leurs héritiers directs le sé-
jour de la France.
Cette décision a été généralement approu-
vée.
Tout au début de la journée, on annon-
çait que la Droite allait déposer une de-
mande d'interpellation sur cette affaire, ou
tout au moins soulever un incident quel-
conque. On désignait même M. de Lamar-
zelle, député du Morbihan, comme devant
porter la question à la tribune. Mais, ré-
flexion faite, l'abstention a été conseillée
par les membres les plus influents de la
minorité et a prévalu sans peine.
Il ne s'est donc produit rien d'insolite en
séance : c'est tout au plus si, pendant la
première heure,on a pu remarquer quelques
petits conciliabules, assez peu animés d'ail-
leurs, tenus çà et là sur les bancs de la
droite.
Les tribunes publiques étaient combles et
l'on y distinguait quelques personnalités
connues du monde orléaniste. Les curieux
et les curieuses en ont été, on le voit, pour
leur dérangement.
LETTRE A M. CARNOT
Plainte amère
Avant-hier, le prince adressait une lettre
au ministre de la guerre; hier il a de-
mandé au directeur de la Conciergerie une
plume, du papier et de l'encre et a écrit au
président de la République. Voici sa lettre :
A Monsieur le président de la République-
.- Conciereerie. samedi 8 février.
Monsieur le Président,
En 1836, le gouvernement de M. Jules Grévy
me jetaithorsdemapatrie.
En 1890, votre gouvernement fait plus : il me
jette en prison.
Au moment où, pour la seconde fois, une
douleur imméritée m'cst- imposée, je crois 8e
mon honneur et de mon devoir de vous ex-
poser, par écrit, la seule pensée qui m'a
guidé.
Je suis simplement venu, au jour de mes
vingt et un ans accomplis, et malgré mon deuil,
m'inscrire au bureau de recrutement de la
Seine pour faire mes trois ans de service
comme soldat dans l'armée de mon pays.
J'en appelle à tous ceux qui ont au cœur
l'amour du métier militaire et du drapeau
tricolore, le souvenir des gloires de la France
comme de ses blessures, le sentiment de ce
que tout Français doit à la patrie. -
Je ne crains pas leur jugement.
Je crois même, monsieur le président, ne
pas avoir à redouter celui de votre conscience.
Si vous vous honorez avec raison de comp-
ter parmi vos ancêtres un grand nom patrio-
tique, vous étonnerez-vous que j'invoque la
mémoire de tant de princes, mes aïeux, morts
pour la France sur les champs de bataille, et
que, petit-fils de Henri IV, je demande à être
simple soldat?
Je vous prie, monsieur le président, d'agréer
l'assurance de ma haute considération.
PHILIPPE, duc D'ORLÉANS.
Conclusion : le prince se plaint qu'on le
mette dehors, il se plaint qu'on le mette
dedans ; il est difficile à satisfaire.
UN DOCUMENT
Le mandat d'amener
Voici le texte du mandat d'amener, dé-
cerné par le préfet de police contre le duc
d'Orléans : ',
Vu les renseignements à nous parvenus, des-
quels il résulte que Louis-Philippe-Robert
d'Orléans serait à Paris:
Vu la loi du 22 juin 1800 portant que le ter-
ritoire de la République est et demeure inter-
dit aux chefs des familles ayant régné en
France et à leurs héritiers directs dans l'ordre
de primogéniture, mandons et ordonnons à
M. Clément, commissaire de police, de se
transporter rue de Varenne, 51, chez le duc
de Luynes, et à tous agents de la force pu-
blique de prêter main forte à l'exécution du
présent mandat, de se saisir et d'amener sur
l'heure M. Louis-Philippe-Robert d'Orléans à
la préfecture de police.
Signé : Lozé,
préfet de police.
FÉCONDITÉ EXTRAORDINAIRE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Mulhouse, 8 février.
Une femme du peuple, mariée depuis vingt
ADa. a accouché ce matin de son 33° wfoQt, :
CHRONIQUE
Les douloureux anniversaire des der.. !
niçrs combats, de 1871 viennent de se -
succéder. Cependant, dains ces heuressu ;
prêmes où il n'y avait plus d'autre rea- •
source que de jeter nos troupes en Suisse, : ■
tout ne fut pas abandon et décourage-
ment. La retraite fut couverte avec une
admirable abnégation et une énergié
opiniâtre par le corps commandé par
le capitaine Pallude la Barrière, et les air-
ciens soldats de l'armée de l'Est pouW
vaient, comme ils l'ont fait cette année^
célébrer avec quelque fierté le souvenue
des grands engagements de l'Oye et de
la Cluse, où l'ennemi fut arrêté dans lsc
poursuite qu'il tentait, et repoussé. Par-
mi les très honorables épisodes trop peu
connus de cette phase de la lutte, alors
que tout était desespéré, on a rappelé
aussi la superbe folie de cinquante dra-
gons du 6e régiment qui, aux Planches,
tinrent tête trois quarts d'heure à touta
une brigade allemande. Ce sont les pa-
ges consolantes de cette navrante histoire
compensant tant de tristesses.
Un correspondant algérien de fa France
militaire a saisi le moment où l'on évo*
quait ces vaillantes actions dans les jours -
les plus sombres que nous ayons traver-
sés, pour demander. aussi un honimaga
reconnaissant à la mémoire d'autres hé-
ros, injustement ignorés, tombés, en
cette même année, pendant 'la grande
insurrection arabe. Hélas! on avait tant
d'autres affligeantes préoccupations r
alors!
Mais, vraiment oui, ils méritaient qué
l'on se souvînt d'eux, fût-ce tardivement,
ces braves qui, tout naturellement, aveo
une simplicité épique, moururent, aux
confins de nos possessions, esclaves de
leur devoir. Ce ne serait pas trop, comme
on le demande, d'une pierre avec une ins-
cription, à l'endroit où ils furent frappés.
On a été si prodigue de statues, depuis
quelques années, pour des gloires vagues
ou même discutables ! On honorerait là,
en outre, la fidélité au drapeau, car la
plupart de ces victimes étaient des indi-
gènes, soldats du 3e tirailleurs. Et tant de
défections se produisaient, à ce moment
critique, parmi les chefs arabes sur les-*
quels on croyait pouvoir le mieux comp-
ter !
On sait qae l'insurrection éclata avec
une foudroyante rapidité. Le poste loin"
tain de Tuggurth était occupé à ce mo-
ment par un détachement de quatre-
vingt-dix tirailleurs, eômmandés : par le
lieutenant Ahmed-ben-Mousseli, n'ayant
avec lui que deux Français, le sergent
Bazile et un clairon. La ville de Bisltra
était menacée : toutes les forces de la ré-
gion durent être employées à lui porter
secours. Le détachement fut abandonné à
ses propres ressources.
La situation de cette poignée d'hom-
mes était singulièrement critique. Des
rassemblements inquiétants de la tribrt •
des Chambâas indiquèrent bientôt au
lieutenant qu'il allait être attaqué. Or, il
n'avait de secours à attendre de personne.
Dans le désarroi qui régnait, il n'avait
pas reçu d'ordres précis : il eût pu, sans
manquer à l'honneur, se replier, rejoins
are a autres troupes. Mais cet Alllned'
ben-Mousseli était un vieux soldat cheva-
leresque; il n'eut pas un instant l'idée de
quitter son poste. Si peu d'espoir qu'il
eût de pouvoir résister longtemps, il de-"
meura là où il était, soutenu d'ailleurs
dans cette résolution par le sergent Ba-
zile.
On se barricada dans la caserne, car on
n'avait même pas l'abri d'un fort. On ne
disposait d'aucune pièce d'artillerie et:
chaque homme n'avait qu'un peu plus
de cent cartouches-. Les vivres étaient
également en fort petite quantité lefi
habitants de Tuggurth, apeurés par l'ap-
proche des Chambâas, ayant refuse d'ezi;
vendre au détachement. C'est dans ces
conditions téméraires qu'on allait affron-
ter un terrible assaut. L'attaque ne tardai
point, en effet, et elle fut furieuse. Dès IEf
premier jour, un incendie se déclara
dans la caserne, qui ne fut que très dif-
ficilement éteint et qui laissait une brè
che qu'on dut réparer tant bien qud
mal. ;
Les assiégés pouvaient dès lors com-i
prendre qu'ils étaient perdus. Ils n'en
reçurent pas moins dédaigneusement les
envoyés qui vinrent les sommer de se
rendre, et, pour dégoûter les Chambâas
de renouveler cette démarche, Ahmed
ben Mousseli brûla la cervelle à l'un
d'eux.
Le lendemain, les assaillants avisèrent
une tour qui dominait malencontreuse-
ment la caserne. Ils commencèrent de IX
un feu ininterrompu, de sorte que les
tirailleurs étaient maintenant à décou-
vert. Les munitions se trouvaient dani
une poudrière isolée, au milieu de la coure
Il devenait impossible d'aller les cher-'
cher. Le sergent Bazile se dévoua cepen-
dant avec un turco. D fut tué net en tr
versant la cour. Le soldat, par miraclef
put rapporter un sac de cartouches.
Qu'on imagine la situation ! Une ving
taine des défenseurs étaient déjà hors de
combat, les provisions fàisaient défaut
les murs menaçaient ruine, on était souS:
les regards de l'ennemi. Cependant, la ré..,
sistance dura « douze » jours ! Une feni- -
me, àcÓté des soldats, faisait le coup de;
feu, Mme Jonge, mariée à un colon qui
s'était réfugié dans la caserne. Elle avai fi
demandé qu'on lui assignât un rôle danw
la défense, et elle le remplissait intrépi^
dement.
Le moment vint où les murailles cora*
mencèrent à s'effondrer, n'offrant plual
d'abri. On décida, coûte que coûte, déf
tenter une sortie. Dans la nuit du trei-j
zième jour, la petite treupe, réduite alors
4 (juaTante-çinq hommes valides, put,
grâce à l'obscurité, quitter silenciellp
ma«an HHi xmsm mmm ir SIÈCLmhE
LE msma mmm. wssam affiaffli ■■«■HE
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LE
Inc. d'Orléans en police correctionnelle
LETTRE A M. CARNOT
INVALIDATION DE M. CALVINHAC
- L'instruction de l'affaire Gouffé à Lyon
LA VENGEANCE DE LAMBERT
L'AFFAIRE DES HUILES
EpipBejrinciere
Il ne saurait nous convenir de re-
chercher si, en venant à Paris, le jeune
duc d'Orléans a cédé à une inspira-
tion toute personnelle ou s'il a agi sui-
vant un plan concerté à l'avance avec
ses partisans ou avec d'autres mem-
bres de sa famille que Pâge a rendus
moins aventureux pour leur propre
compte. Nous ne voulons pas davan-
tage examiner s'il a cru qu'il frappe-
rait l'opinion publique par le contraste
entre la conduite trop prudente du
général Boulanger et la hardiesse avec
laquelle son premier acte d'homme,
dès le lendemain de sa majorité, était
de franchir la frontière. Hardiesse peu
dangereuse d'ailleurs, car il savait
bien que s'il s'exposait à des désagré-
ments, il ne courait aucun danger.
Mais ce que nous devons tout d'abord
écarter, c'est le prétexte de patrio-
tisme invoqué par ce prince pour mo-
tiver son équipée. S'il avait voulu
simplement se mettre en règle avec la
loi militaire et faire la déclaration de
nationalité exigée pour les fils de
Français nés à l'étranger, il n'avait
pas besoin de venir à Paris : il lui suf-
fisait de s'adresser au consulat ou à
l'ambassade française de sa résidence
et d'envoyer par la poste sa demande
au ministre de la guerre.
Le but véritable de l'équipée prin-
cière a été de se faire de la réclame.
Complètement inconnu jusqu'ici, le
duc - d'Orléans a voulu se faire connaî-
tre, et peut-être aussi s'est-il imaginé
qu'il allait stimuler l'ardeur de l'oppo-
sition monarchique, qui f-ballottée
entre le boulangisme et l'attitude
pseudo-républicaine prise pas beau-
coup de ses membres devant le corps
électoral, pouvait tout au moins pa-
raître hésitante. Il a voulu montrer à
ses amis, franchissant sans nécessité
la frontière le jour où il revêtait la
robe virile, qu'il ne se laisserait pas
embarrasser par des scrupules de lé-
galité au moment où les circonstances
paraîtraient propices. C'est assuré-
ment cette conclusion que les chefs du
parti réactionnaire ont tirée de l'acte
du prince, et c'est la seule qui puisse
expliquer l'enthousiasme extrême avec
lequel ils célèbrent sa détermination.
Mais cet enthousiasme même nous
, autorise à tirer de cette équipée une
autre conclusion et a constater que
le duc d'Orléans vient de prouver une
fois de plus que les prétendants res-
tent bien dans leur rôle de prétendants
et que leurs amis sont, plus que ja-
mais, les adversaires systématiques
de la République. Les uns comme les
autres ne cherchent qu'à entretenir
l'agitation dans le pays, et l'on voit,
par leur conduite à tous, ce qu'il con-
vient de penser de la fameuse politi-
que d'apaisement pour laquelle ils af-
fichent une si grande prédilection.
Leurs efforts n'ont jusqu'ici pas eu
grand succès. Qu'ils se soient présen-
tés à visage découvert ou qu'ils se
soient abrités derrière tous les mas-
ques, qu'ils se soient dissimulés sous
les enseignes les plus trompeuses ou
qu'ils aient recouru aux équivoques
les moins honorables, ils n'ont pas
réussi à entraîner l'immense majorité
du pays et il ne semble pas que l'é-
quipée du duc d'Orléans ait beaucoup
ému le public. L'indifférence de la po-
pulation est, au contraire, un symp-
tôme bien caractéristique de la très
faible importance que l'on attache
aux actes des représentants des mo-
narchies déchues, et dé l'incrédulité
générale à l'endroit d'une éventualité
de - restauration dynastique. --
Donc, à ce point de vue, la réclame
que le duc d'Orléans a cherché à se
faire a manqué son effet. Mais il est
une autre conséquence de son acte à
laquelle il n'a pu penser qu'il parvien-
drait à se soustraire. La loi du aa
juin 1886 est formelle. Le territoire de
la République est interdit aux chefs
des familles ayant régné sur la France
et à leurs héritiers directs par ordre
de primogéniture. Le duc d'Orléans
pouvait compter que le gouvernement
feratt respecter cette interdiction et il
a dû calculer par avance si la mani-
festation qu'il préparait valait., comme
efficacité pour la cause monarchique.,
la peine de deux à cinq ans de prison
au-devant de laquelle il allait.
On * a pu, tant que cette loi n'a pas été
votée, discuter s'il convenait ou non de
la faire; on a pu se demander s'il ap-
partenait à un régime libéral tel que
doit être la République d'édicter des
lois d'exception. Mais, -aujourd'hui
que la loi existe, aucun de ceux qui
l'ont combattue lorsqu'elle était à l'é-
tat de projet ne supporterait qu'elle
fût violée et que le gouvernement s'ar-
rogeât le droit de l'appliquer ou de
la laisser sommeiller, suivant les cir-
constances et selon son bon plaisir. Si
le duc d'Orléans avait échappé à l'ap-
plication de cette loi, les autres pré-
tendants se seraient fait désormais un
jeu de venir en France pour se faire
reconduire à la frontière, et la loi
n'aurait plus été qu'un vieux lambeau
de papier.
Le duc d'Orléans n'a pu se faire
l'illusion qu'il lui suffirait de violer la
loi pour la détruire, et il entrait dans
ses prévisions qu'il n'aurait pas à faire
immédiatement usage de son billet de
retour. Cette considération ne l'a pas
arrêté, et c'est par là que se révèle
chez lui l'inexpérience de la jeunesse;
car s'il avait pris conseil d'hommes
d'âge mur, on lui aurait certainement
répondu que l'effet moral produit par
sa manifestation ne vaudrait assuré-
ment pas les ennuis d'une longue cap-
tivité. Mais il ne s'est ouvert, dit-on,
de son projet qu'au jeune duc de
Luynes, aussi inexpérimenté que lui-
même et qui, s'il en faut juger par
l'ardeur avec laquelle il s'est jeté dans
le boulangisme et avec laquelle il sou-
tient encore maintenant la candida-
ture boulangiste de M. Laur à Neuilly,
n'est pas d'un conseil bien rassis. Ils
ont cru qu'ils allaient frapper un
grand coup et faire à la monarchie
une prodigieuse réclame. Il ne reste
qu'à payer cette réclame, et c'est à la
justice à en fixer le prix.
Le « XIX" Siècle » publiera demain la
a Chronique » par M. Francisque Sarcey.
MORT DU CARDINAL PECCI
LE FRERE DE LEON XIII
, (DE NOTRECORRESPONDANTPARTICUUR)
! Rome, 8 février.
Le cardinal Pecci, frère de Léon XIII, dont
l'état de santé était désespéré depuis plu-
sieurs jours, est mort aujourd'hui à 2 heu-
res et demie, ;
Joseph Pecci, était né à Carpineto, dans
le diocèse d'Anagni, en 1807.
Il était le frère aîné de Joachim Pecci,
qui fut élu pape sous le nom de Léon XIII,
le 20 février 1878.
Le pape décerna le titre de cardinal-
diacre à son frère en mai 1879, et l'attacha
à la maison pontificale comme cardinal pa-
latin.
ACCIDENT DE CHEMIN DE FER
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Belfort, 8 fevrier.
Le rapide de Calais à Baie a failli dérailler
aujourd'hui près de Lure, une voiture ayant
sauté hors des rails. Aucun accident, mais une
heure de retard.
LA SUISSE ET LA FRANCE
DEVANT L'INVITATION ALLE-
MANDE
La Suisse bernée. — Le bloc enfariné.
x — Adhésion douteuse des
puissances.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berne. 8 février.
Tous les journaux de Paris ont - annoncé
que le Conseil fédéral avait décidé de per-
sister quand même dans sa convocation
d'une conférence internationale pour le
5 mai.
Le fait n'est pas absolument exact.
Le gouvernement suisse n'a pas encore
arrêté sa décision. Il ne connaît encore les
rescrits de l'empereur Guillaume que par
les dépêches des journaux. Contrairement
aux convenances, aucune communication
ne lui a encore été faite, même officieuse-
ment. Pourtant, la convocation à la confé-
rence de Berne avait été adressée à l'Alle-
magne, comme aux autres puissances, en
janvier 1887, et le programme de cette
conférence avait été mis à la poste le 5 fé-
vrier suivant.
Avant d'àrrêter une ligne de conduite, le
Conseil fédéral attendra les communications
de la chancellerie allemande. Puis il pren-
dra l'avis des puissances qui avaient déjà
donné leur adhésion. On est résolu ici à ne
pas faire un point d'honneur de l'initiative
qui avait été prise par la Suisse, et à la-
quelle l'empereur Guillaume substitue la
sienne propre, par un manque d'égards en-
vers un gouvernement ami.
Mais néanmoins on se méfie, car cette
conférence, convoquée à Berlin sans que
son programme soit délimité, peut cacher
des pièges, surtout pour certaines puis-
sances.
Les questions sociales pourraient bien
être étendues et entraîner la conférence à
prendre des décisions qui seraient contrai-
res au but que l'on se propose. -
On ne croit pas, d'ailleurs, que la confé-
rence aboutisse, êar l'adhésion des quatre
puissances nommées par l'empereur Guil-
laume (la France, l'Angleterre, la Belgique
et la Suisse) est nécessaire, et l'on doute fort
que la France accepte bénévolement cette
invitation. -
LE PAPE ET LES GARDES-NOBLES
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 8 février.
On parle d'un incident assez amusant entre
les gardes-nobles et le saint-père. Ils auraient
demandé une augmentation de pension, celle
qu'ils reçoivent n'étant que de 60 francs par
mois.
Le saint-pére, en train. de faire des écono-
mies, a répondu : « Dites aux gardes-nobles
que je suis très mécontent de leur attitude, et
que, s'ils continuent, je ferai faire leur ser-
YÎGQ par tes Suisses» » :
EN CORRECTIONNELLE
LA JOURNÉE DU DUC D'ORLÉANS
A la Conciergerie. — Changement de
température. - Menus variés. -
La lecture des journaux et les
visites.—Devant ses juges.
Le jeune duc d'Orléans a passé une bonne
nuit. Après avoir veillé toute la soirée, éclai-
ré par un candélabre à deux bougies, il
s'est endormi très calme. En se réveillant,
il a commencé par se plaindre du froid.
« J'ai vécu aux Indes, a-t-il dit au direc-
teur de la Conciergerie, et je suis très fri-
leux. » La veille au soir, on avait bien fait
un peu de feu. Mais cette pièce, inoccupée
depuis longtemps, a besoin pour être habi-
table d'être fortement chauffée. Et, éomme
a dit M. Lozé : « Si j'avais prévu l'événe-
ment, j'aurais fait chauffer d'avance. »
Mobilier modeste
La pièce (et non la cellule) qu'occupe le
prince à la Conciergerie est située dans la
seconde tourelle du Palais de Justice. Sa
chambre est absolument pareille à celle où
fut enfermé le prince Jérôme après son ma-
nifeste, en 188,4, qui se trouve au rez-de-
chaussée de la première tour, à droite en
entrant dans la prison. Un peu plus loin, se
trouve la cellule occupée par Marie-An-
toinette, lors de son passage à la Concier-
gerie.
La pièce du duc d'Orléans, au-dessus du
greffe, sert quelquefois de bureau au pré-
sident des assises. Elle est très spacieuse,
mais sommairement meublée d'un vieux
lit Louis XVI, de quatre chaises très sim-
ples, d'un vieux fauteuil, d'un lavabo en
zinc. Dans le fond, une vaste cheminée où
l'on brûle du bois.
Vers neuf heures, le duc s'est fait servir
un café avec pain, brioche et croissant. Il a
lu ensuite un grand nombre de journaux,
faveur spéciale qui lui a été accordée.
Il a demandé s'il pouvait recevoir sa cor-
respondance. Le directeur de la Concierge-
rie en a référé au préfet de police, qui en
référera au ministre de l'intérieur. Au sur-
plus, le personnel de la Conciergerie est
aux petits soins pour le prince et a pour
lui les plus grands égards.
Son ami le duc de Luynes s'étant pré-
senté hier matin pour lui rendre visite, il
lui a été répondu qu'il ne pouvait être fait
droit à sa demande, que l'autorisation de
voir le prince était accordée seulement aux
membres de sa famille et a M. Bocher.
Le duc de Luynes s'est alors rendu chez
M. Constans avec M. Arthur Meyer. Le mi-
nistre de l'intérieur l'a reçu avec la plus
grande courtoisie et a immédiatement fait
donner des ordres pour que le duc de
Luynes pût voir son ami.
Auparavant, le duc de Luynes avait fait
parvenir au prince, dans la matinée, une
valise contenant des vêtements, du linge et
des objets de toilette.
Déjeuner et dîner
., A midi, un commissionnaire de la Con-
ciergerie est venu chercher le déjéuner du
prince au restaurant du Barreau.
— Vous donnerez à monseigneur tout ce
que vous avez de meilleur, avait dit, la
veille, le duc de Luynes au restaurateur.
Voici le menu dyhier matin :
Hors-d'œuvre variés. — Sole Joinville. —
Filet de chevreuil. — Faisan rôti. — Par-
fait praliné aux framboises. — Fruits : poi-
res. — Café. — Fine champagne (18A8). —
Vin : Cliâteau-Lagrange.
La veille au soir, il avait dîné d'un po-
tage, faux-filet, poulet, fromage, vin de
Barsac, café et fine Champagne.
Enfin, hier soir, il a dîné à cinq heures :
potage printanier royal, filet à la d'Orléans,
perdreau rôti, asperges sauce hollandaise,
fromage, dessert, café, fine Champagne.
Voilà un restaurateur qui fera une bonne
affaire.
Ajoutons, comme document, que le
prince a très bon appétit.
Far une délicate attention, un ancien do-
mestique du roi Louis-Philippe est venu
apporter au restaurateur des pièces de
verrerie, de faïence, une timbale d'ar-
gent portant les initiales du roi Louis-Phi-
lippe et la couronne royale. Il a demandé
que ces différents objets, fussent remis à
l'usage de « Son Altesse royale ». Il
Le duc commençait à déjeuner quand
deux agents de la Sûreté sont venus le
chercher pour le mener dans le cabinet de
M. le procureur de la République Banas-
ton. Le duc se leva et suivit les agents sans
mot
nel de la Seine.
A LA HUITIÈME CHAMBRE
La loi de juin 1886 et la loi sur les
flagrants délits.
On sait, — nous l'avons déjà fait obser-
ver, — que la loi du 23 juin 1886 sur l'ex-
pulsion des princes n'a pas déterminé de
juridiction exceptionnelle. Le parquet a
donc estimé qu'il appartenait aux juges or-
dinaires, et, à raison de la peine qu'édicté
cette loi, qui est la prison, au tribunal cor-
rectionnel, de juger le délit ou, plus exac-
tement, la contravention commise par le
fils aîné du comte de Paris.
Et par suite, comme on se trouvait en
présence d'un flagrant délit, il a été fait
application des dispositions de la loi du
90 mai 1863, qui autorise le procureur de la
République, après un interrogatoire som-
maire, à traduire « sur-le-champ » le pré-
venu devant le tribunal.
C'est ce qui a été fait. A midi moins le
quart, le prisonnier a été extrait de la Con-
ciergerie et conduit dans le cabinet de M.
le procureur de la République, où il a été
interrogé, comme le veut la loi, par M. Ba-
naston lui-même. Cet interrogatoire a eu
lieu en présence de M. le procureur géné-
ral Quesnay de Beaurepaire.
Le prévenu s'est borné à déclarer qu'il
avait agi en citoyen, non en prétendant.
Immédiatement après l'accomplissement
de cette formalité, le président de la 8e
chambre, M. Tardif, était prévenu que cette
affaire, non inscrite, viendrait, à la demande
du ministère public, en tête du rôle.
Emotion dans les couloirs
Au moment où le fils du prétendant avait
dû traverser, pour se rendre chez le procu-
reur de la République, la grande salle des
Pas-Perdus, presque déserte, il avait été
cependant reconnu et salué par un des avo-
cats du barreau, et bientôt, dans tout le
Palais, s'était répandu le bruit que peut-
être bien le prince allait être jugé. ■
Mais devant quelle chambre, se deman-
dait-on, tout en discutant la possibilité de
cette comparution? Un détail Dermit de le
savoir : c'était le greffier de la 8e chambre,
M. Julia, qui avait assisté les deux procu-
reurs; donc, la cause allait venir devant
cette chambre. En effet, le prévenu avait été
conduit, sans que d'ailleurs personne s'en
aperçût, dans le cabinet même du greffier,
voisin de la salle d'audience, et c'est là que
l'huissier audiencier est allé le prendre, à
midi et demi, pour l'introduire par la porte
des témoins au pied du tribunal.
Là salle se remplit immédiatement, on se
presse aux portes, que les gardes se hâtent
de barrer aux retardataires.
Le tribunal est ainsi composé : M. Tardif,
président; assesseurs, MM. Rodât, juge, et
Roux, juge suppléant. Le siège du minis-
tère public est occupé par M. le substitut
Katz.
Le prévenu
Au passage du prévenu, quelques avocats
se découvrent. Le jeune duc s'avance un
peu ému et va s'asseoir sur le banc des pré-
venus libres. Il est d'assez haute taille,
mince, blond, rosé; il a la physionomie
d'un jeune étranger, et nous ne saurions
mieux le comparer qu'à un de ces étudiants
d'Oxford que les journaux illustrés de nos
voisins nous représentent périodiquement
quand vient l'époque du grand match sur
la Tamise. Il porte une redingote dont les
revers sont en soie et un pardessus fourré.
assez peu princier; ganté de noir, il tient à
la main un jonc terminé par une pomme
d'argent; le chapeau de soie est reluisant
et le col cassé d'une entière fraîcheur. Les
cheveux, séparés par une raie très nette, fri-
sottent et l'aspect général est celui « d'un
bon jeune homme » qui s'efforce visible-
ment de surmonter une naturelle timidité.
Interrogatoire
Le président a courtoisement interrogé
le prévenu :
— Comment vous appelez-vous, monsieur?
demande le magistrat.
— Je m'appelle Philippe d'Orléans.
— Vous avez vingt-un ans depuis le mois de
février ?
- Depuis avant-hier, monsieur le prési-
dent.
— Vousavez été trouvé hier présent à Paris,
alors qu'une loi vous interdit le séjour de la
France. •
— Je suis venu pour remplir un devoir de
citoyen, accomplir mon temps de service mili-
taire ; je voulais servir dans l'armée pendant
trois ans comme simple soldat.
— Vous connaissez les dispositions de la loi
qui vous interdit d'accomplir le service mili-
taire. Vous ne figuriez pas dès lors sur les
listes de recrutement et vous ne pouviez être
soldat.
- (Avec un peu plus d'émotion.) J'ai tenu à
faire mon devoir de Français, à me faire ins-
crire sur la liste de recrutement.
— La loi, je le répète, vous le défend, et nul
n'est censé ignorer la loi.
— Cette loi est, monsieur le président, une
loi d'exception. Je ne connais que l'é-
galité.
— Le sentiment sous lequel vous prétendez
avoir agi peut être parfaitement louable, mais
le tribunal ne se met pas à la place du légis-
lateur, il applique les textes.
Incident
Jusqu'ici, pas d'incident. A ce moment,
un avocat présent dans la salle, Me André
Buffet, le fils du sénateur, se penche vers
le prévenu et semble lui fournir quelques
explications.
M. le président, s'adressant à l'avocat. -
Maître, avez-vous quelques observations à
présenter ?
M* Buffet. — Je faisais observer à Mgr le duc
d'Orléans qu'il avait, aux termes de la loi,
trois jours pour pourvoir à sa défense et
trouver un avocat.
M. le substitut Katz. - Parfaitement.
M. le président, au prévenu. — Le tribunal,
monsieur, vous accordera ce délai, et même
un délai plus long si les besoins de votre
cause l'exigent.
Le prévenu, avec quelque hésitation. - Trois
jours suffiront, je pense.
M. le président. — Alors, à mercredi.
L'intervention de Me Buffet imprime à
l'affaire une direction imprévue.
« Crâne jusqu'au bout »
Certains assistants disent que, compre-
nant le sens des observations de l'avocat
inconnu qui lui avait adressé la parole, le
jeune duc aurait répondu, mezza voce :
— Mais ne serait-il pas plus crâne de me
faire condamner - comme ça, tout de
suite ?
., D'autres, au contraire, soutiennent, et
ceux-là sont dans le vrai, que le prince a
simplement dit à l'avocat :--- Hein ! quoi ? —
et que c'est alors queMC Buffet a formulé
la demande de sursis. -
Ce qui est absolument certain, c'est que,
dans les quelques instants qu'il a passés
dans le cabinet du greffier, le prévenu avait
dit qu'il voulait être «. crane jusqu'au
bout » et qu'il ne prendrait pas d'avocat. Et
le voilà aux mains des Démosthènes de son
parti.
Car, aussitôt après l'audience, Me Cres-
son, bâtonnier de l'ordre, prévenu de la
comparution du prince, s'est présenté à la
Conciergerie et s'est entretenu avec le pri-
sonnier. On disait que ce dernier avait dé-
cidé de charger du soin de sa défense
Me Rousse, membre de FAcadémie fran-
çaise et Me Limbourg, conseil attitré de sa
famille.
Il est possible que les défenseurs, quels
qu'ils soient, élèvent à la prochaine au-
dience une exception d'incompétence et cri-
tiquent l'application qui a été faite des dis-
positions de la loi sur les flagrants délits.
Le jugement
Voici enfin les termes du jugement rendu
par la 8° chambre :
Le tribunal,
Après en avoir délibéré conformément à la
loi, vu la demande de remise formulée par le
prévenu, vu l'article h de la loi du 90 mai 1863
sur les flagrants délits, vu l'article 5 de la
même loi,
Maintient le mandat de dépôt décerné con-
tre Philippe, due d'Orléans, et renvoie la cause
au mercredi 13 février proc h ain.
En se retirant, le prévenu s'incline légè-
rement et sort par la porte des témoins.
Deux agents de la Sûreté l'ont ensuite re-
conduit à la Conciergerie.
LES VISITES
Aussitôt après, le jeune prince a reçu la
visite de M. Bocher, et celle du duc de Luy-
nes. Il s'est entretenu assez gaiement avec
ses deux amis.
A quatre heures et demie, un landau aux
armes ducales, avec les initiales R. O. entre-
lacées (Robert d'Orléans), arrive à la porte
de la Conciergerie où une poignée de cu-
rieux stationnaient. Mme la duchesse de
Chartres, accompagnée de sa fille Margue-
rite, avec laquelle le duc d'Orléans est
France, vient rendre visite à son neveu;
La visite s'est prolongée jusqu'à six heures.
Ces dames ont assisté au repas du prison-
mer
NOS DÉPÊCHÉS
Le départ de Lausanne
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Lausanne, 8 février.
On me donne les détails suivants sur le
départ du duc d'Orléans, dont l'arrestation
fait ici un bruit énorme, le prince étant
connu de toute notre population, qui était
habituée' à le voir dans tous les concerts,
dans toutes les fêtes et au stand, où on le
rencontrait journellement.
Leduc de Luynes était arrivé à l'hôtel
Beau-Rivage, à Ouchy, et non à Genève
comme l'ont annoncé plusieurs journaux
français, mercredi à onze heures.
Les ducs quittèrent l'hôtel annonçant
qu'ils se rendaient à la gare de Lausanne
pour prendre le train afin d'assister à la
représentation de Lohengrln.
Le prince et son compagnon n'avaient
aucun bagage et ils ne furent accompagnés
par aucun domestique.
Le colonel de Parceval, précepteur du
prince, ignorait absolument sa décision.
Les voyageurs prirent à Genève le train
rapide de 7 heures 50 du soir, qui arrive à
Paris à 6 heures 55 du matin.
La famille du prince devait. également
ignorer son coup de tête, car il est arrivé
à Ouchy, depuis son départi, des télégram-
mes de la comtesse de Paris.
Les journaux suisses du soir sont favo-
rables au prince.
L'impression à Lisbonne
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Lisbonne, 8 février.
La nouvelle de l'arrestation du duc d'Or-
léans a produit Ici ime vive sensation
On dit que le roi est très affecté de cet
incident.
L'ARRESTATION DU PRINCE
A la Chambre. — Bruits d'interpella-
tion. — La Droite n'a pas bougé.
Comme toujours lorsqu'un événement
de quelque importance se produit, on ne
s'entretenait hier, dans les couloirs de la
Chambre, que de l'incident créé par le
jeune duc. Disons tout de suite qu'on ne
considérait cet événement que comme une
simple escapade sans aucune portée.
On connaissait de bonne heure la déci-
sion prise par le gouvernement dans le con-
seil des ministres tenu le matin. Le con-
seil, après avoir entendu le ministre de
l'intérieur, qui a rendu compte des circons-
tances dans lesquelles l'arrestation avait été
opérée, décidait qu'en exécution de la loi
du 29 juin 1886,1e duc d'Orléans serait défé-
ré à la police correctionnelle pour infrac-
tion à la disposition qui interdit aux pré-
tendants et a leurs héritiers directs le sé-
jour de la France.
Cette décision a été généralement approu-
vée.
Tout au début de la journée, on annon-
çait que la Droite allait déposer une de-
mande d'interpellation sur cette affaire, ou
tout au moins soulever un incident quel-
conque. On désignait même M. de Lamar-
zelle, député du Morbihan, comme devant
porter la question à la tribune. Mais, ré-
flexion faite, l'abstention a été conseillée
par les membres les plus influents de la
minorité et a prévalu sans peine.
Il ne s'est donc produit rien d'insolite en
séance : c'est tout au plus si, pendant la
première heure,on a pu remarquer quelques
petits conciliabules, assez peu animés d'ail-
leurs, tenus çà et là sur les bancs de la
droite.
Les tribunes publiques étaient combles et
l'on y distinguait quelques personnalités
connues du monde orléaniste. Les curieux
et les curieuses en ont été, on le voit, pour
leur dérangement.
LETTRE A M. CARNOT
Plainte amère
Avant-hier, le prince adressait une lettre
au ministre de la guerre; hier il a de-
mandé au directeur de la Conciergerie une
plume, du papier et de l'encre et a écrit au
président de la République. Voici sa lettre :
A Monsieur le président de la République-
.- Conciereerie. samedi 8 février.
Monsieur le Président,
En 1836, le gouvernement de M. Jules Grévy
me jetaithorsdemapatrie.
En 1890, votre gouvernement fait plus : il me
jette en prison.
Au moment où, pour la seconde fois, une
douleur imméritée m'cst- imposée, je crois 8e
mon honneur et de mon devoir de vous ex-
poser, par écrit, la seule pensée qui m'a
guidé.
Je suis simplement venu, au jour de mes
vingt et un ans accomplis, et malgré mon deuil,
m'inscrire au bureau de recrutement de la
Seine pour faire mes trois ans de service
comme soldat dans l'armée de mon pays.
J'en appelle à tous ceux qui ont au cœur
l'amour du métier militaire et du drapeau
tricolore, le souvenir des gloires de la France
comme de ses blessures, le sentiment de ce
que tout Français doit à la patrie. -
Je ne crains pas leur jugement.
Je crois même, monsieur le président, ne
pas avoir à redouter celui de votre conscience.
Si vous vous honorez avec raison de comp-
ter parmi vos ancêtres un grand nom patrio-
tique, vous étonnerez-vous que j'invoque la
mémoire de tant de princes, mes aïeux, morts
pour la France sur les champs de bataille, et
que, petit-fils de Henri IV, je demande à être
simple soldat?
Je vous prie, monsieur le président, d'agréer
l'assurance de ma haute considération.
PHILIPPE, duc D'ORLÉANS.
Conclusion : le prince se plaint qu'on le
mette dehors, il se plaint qu'on le mette
dedans ; il est difficile à satisfaire.
UN DOCUMENT
Le mandat d'amener
Voici le texte du mandat d'amener, dé-
cerné par le préfet de police contre le duc
d'Orléans : ',
Vu les renseignements à nous parvenus, des-
quels il résulte que Louis-Philippe-Robert
d'Orléans serait à Paris:
Vu la loi du 22 juin 1800 portant que le ter-
ritoire de la République est et demeure inter-
dit aux chefs des familles ayant régné en
France et à leurs héritiers directs dans l'ordre
de primogéniture, mandons et ordonnons à
M. Clément, commissaire de police, de se
transporter rue de Varenne, 51, chez le duc
de Luynes, et à tous agents de la force pu-
blique de prêter main forte à l'exécution du
présent mandat, de se saisir et d'amener sur
l'heure M. Louis-Philippe-Robert d'Orléans à
la préfecture de police.
Signé : Lozé,
préfet de police.
FÉCONDITÉ EXTRAORDINAIRE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Mulhouse, 8 février.
Une femme du peuple, mariée depuis vingt
ADa. a accouché ce matin de son 33° wfoQt, :
CHRONIQUE
Les douloureux anniversaire des der.. !
niçrs combats, de 1871 viennent de se -
succéder. Cependant, dains ces heuressu ;
prêmes où il n'y avait plus d'autre rea- •
source que de jeter nos troupes en Suisse, : ■
tout ne fut pas abandon et décourage-
ment. La retraite fut couverte avec une
admirable abnégation et une énergié
opiniâtre par le corps commandé par
le capitaine Pallude la Barrière, et les air-
ciens soldats de l'armée de l'Est pouW
vaient, comme ils l'ont fait cette année^
célébrer avec quelque fierté le souvenue
des grands engagements de l'Oye et de
la Cluse, où l'ennemi fut arrêté dans lsc
poursuite qu'il tentait, et repoussé. Par-
mi les très honorables épisodes trop peu
connus de cette phase de la lutte, alors
que tout était desespéré, on a rappelé
aussi la superbe folie de cinquante dra-
gons du 6e régiment qui, aux Planches,
tinrent tête trois quarts d'heure à touta
une brigade allemande. Ce sont les pa-
ges consolantes de cette navrante histoire
compensant tant de tristesses.
Un correspondant algérien de fa France
militaire a saisi le moment où l'on évo*
quait ces vaillantes actions dans les jours -
les plus sombres que nous ayons traver-
sés, pour demander. aussi un honimaga
reconnaissant à la mémoire d'autres hé-
ros, injustement ignorés, tombés, en
cette même année, pendant 'la grande
insurrection arabe. Hélas! on avait tant
d'autres affligeantes préoccupations r
alors!
Mais, vraiment oui, ils méritaient qué
l'on se souvînt d'eux, fût-ce tardivement,
ces braves qui, tout naturellement, aveo
une simplicité épique, moururent, aux
confins de nos possessions, esclaves de
leur devoir. Ce ne serait pas trop, comme
on le demande, d'une pierre avec une ins-
cription, à l'endroit où ils furent frappés.
On a été si prodigue de statues, depuis
quelques années, pour des gloires vagues
ou même discutables ! On honorerait là,
en outre, la fidélité au drapeau, car la
plupart de ces victimes étaient des indi-
gènes, soldats du 3e tirailleurs. Et tant de
défections se produisaient, à ce moment
critique, parmi les chefs arabes sur les-*
quels on croyait pouvoir le mieux comp-
ter !
On sait qae l'insurrection éclata avec
une foudroyante rapidité. Le poste loin"
tain de Tuggurth était occupé à ce mo-
ment par un détachement de quatre-
vingt-dix tirailleurs, eômmandés : par le
lieutenant Ahmed-ben-Mousseli, n'ayant
avec lui que deux Français, le sergent
Bazile et un clairon. La ville de Bisltra
était menacée : toutes les forces de la ré-
gion durent être employées à lui porter
secours. Le détachement fut abandonné à
ses propres ressources.
La situation de cette poignée d'hom-
mes était singulièrement critique. Des
rassemblements inquiétants de la tribrt •
des Chambâas indiquèrent bientôt au
lieutenant qu'il allait être attaqué. Or, il
n'avait de secours à attendre de personne.
Dans le désarroi qui régnait, il n'avait
pas reçu d'ordres précis : il eût pu, sans
manquer à l'honneur, se replier, rejoins
are a autres troupes. Mais cet Alllned'
ben-Mousseli était un vieux soldat cheva-
leresque; il n'eut pas un instant l'idée de
quitter son poste. Si peu d'espoir qu'il
eût de pouvoir résister longtemps, il de-"
meura là où il était, soutenu d'ailleurs
dans cette résolution par le sergent Ba-
zile.
On se barricada dans la caserne, car on
n'avait même pas l'abri d'un fort. On ne
disposait d'aucune pièce d'artillerie et:
chaque homme n'avait qu'un peu plus
de cent cartouches-. Les vivres étaient
également en fort petite quantité lefi
habitants de Tuggurth, apeurés par l'ap-
proche des Chambâas, ayant refuse d'ezi;
vendre au détachement. C'est dans ces
conditions téméraires qu'on allait affron-
ter un terrible assaut. L'attaque ne tardai
point, en effet, et elle fut furieuse. Dès IEf
premier jour, un incendie se déclara
dans la caserne, qui ne fut que très dif-
ficilement éteint et qui laissait une brè
che qu'on dut réparer tant bien qud
mal. ;
Les assiégés pouvaient dès lors com-i
prendre qu'ils étaient perdus. Ils n'en
reçurent pas moins dédaigneusement les
envoyés qui vinrent les sommer de se
rendre, et, pour dégoûter les Chambâas
de renouveler cette démarche, Ahmed
ben Mousseli brûla la cervelle à l'un
d'eux.
Le lendemain, les assaillants avisèrent
une tour qui dominait malencontreuse-
ment la caserne. Ils commencèrent de IX
un feu ininterrompu, de sorte que les
tirailleurs étaient maintenant à décou-
vert. Les munitions se trouvaient dani
une poudrière isolée, au milieu de la coure
Il devenait impossible d'aller les cher-'
cher. Le sergent Bazile se dévoua cepen-
dant avec un turco. D fut tué net en tr
versant la cour. Le soldat, par miraclef
put rapporter un sac de cartouches.
Qu'on imagine la situation ! Une ving
taine des défenseurs étaient déjà hors de
combat, les provisions fàisaient défaut
les murs menaçaient ruine, on était souS:
les regards de l'ennemi. Cependant, la ré..,
sistance dura « douze » jours ! Une feni- -
me, àcÓté des soldats, faisait le coup de;
feu, Mme Jonge, mariée à un colon qui
s'était réfugié dans la caserne. Elle avai fi
demandé qu'on lui assignât un rôle danw
la défense, et elle le remplissait intrépi^
dement.
Le moment vint où les murailles cora*
mencèrent à s'effondrer, n'offrant plual
d'abri. On décida, coûte que coûte, déf
tenter une sortie. Dans la nuit du trei-j
zième jour, la petite treupe, réduite alors
4 (juaTante-çinq hommes valides, put,
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