Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1890-01-21
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 21 janvier 1890 21 janvier 1890
Description : 1890/01/21 (A19,N6581). 1890/01/21 (A19,N6581).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7560120c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Dix-neuvième année. — N° 6,581 CINQ Centimes - Paris et Départements - CINQ Centimes MARDI SI JANVIER 1800
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1 PROPOS DE LA RÉUNION DE NEUILLY
Les chemins de fer économiques
LE COUCHAGE DES TROUPES
CÉRÉMONIES PATRIOTIQUES
LE DRAME DE MEUDON
CODE ELECTORAL
Je trouve, dans l'un des derniers
numéros du journal le Rhône, une
lettre ouverte à moi adressée par mon
ami et ancien collègue Jaurès. Il m'y
invite, de la façon la plus aimable, à
prendre en main, devant la Chambre,
une question dont j'ai à plusieurs re-
prises entretenu les lecteurs du XIXe
Siècle : celle du secret du vote.
Il peut être assuré que mon con-
cours ne fera pas défaut à cette ré-
forme nécessaire. Déjà des membres
de la majorité ont repris à leur compte
la proposition qui avait été discutée
et partiellement adoptée à la fin de la
dernière législature. L'enveloppe où
doit être contenu le bulletin de vote,
l'abri d'isolement où passent les élec-
teurs, autant de détails qui y sont
examinés.
Jaurès fait à son tour une proposi-
tion nouvelle qui devra ne pas être
oubliée à l'heure où cet important
problème sera étudié dans toutes ses
parties. Il demande que les bulletins
de tous les candidats soient,- à leurs
frais, bien entendu, — composés et ti-
rés par un même imprimeur désigné
par le président du tribunal, sous la
surveillance duquel cette opération
s'effectuera.
Tous les bulletins seront portés, le
matin même du scrutin, dans le petit
abri d'isolement où l'électeur, en ve-
nant voter, les trouvera. Il n'aura plus
qu'à mettre sous enveloppe le nom du
candidat de son choix. Des peines sé-
vères seraient édictées pour interdire
toute distribution préalable de ces
bulletins imprimés sur un type uni-
forme. Impossible, dès lors, à aucun
candidat d'imiter l'exemple de ce
grand chef d'industrie qui, candidat
aux élections générales dans une cir-
conscription de Saône-et-Loire, faisait
confectionner à la dernière heure les
bulletins à son nom sur un modèle
choisi de telle sorte qu'au premier
coup d'œil, fermés tout aussi bien
qu'ouverts, on les reconnaissait.
Le moyen imaginé par Jaurès pour
prévenir ce genre de fraude est ingé-
nieux et vaut la peine d'être examiné
de près. Aussi bien ce n'est plus seule-
ment la question du secret du vote qui
se pose devant le législateur.
Le conseil général de la Seine, on
s'en souvient, a récemment émis un
vœu sur l'affichage électoral. M. Me-
sureur, député de la Seine, va appe-
ler la Chambre à se prononcer sur ce
point, en déposant sur le bureau de la
Chambre une proposition de loi en ce
sens.
D'autre part, M. Piou et un cer-
tain nombre de ses collègues de la
Droite viennent de déposer une pro-
position, dont on ne saurait méconnaî-
tre l'intérêt, sur le recensement des
votes. En voici l'économie :
Désormais, au rebours de ce qui se
passe actuellement, les candidats se-
ront appelés à vérifier contradictoi-
rement, du commencement à la fin de
la procédure de recensement, l'exacti-
tude des procès-verbaux, l'état des
bulletins. Ils auront droit, en un mot,
d'assister à toutes les opérations qui
précèdent la réunion de la commission
de recensement.
D'autre part, les conseillers géné-
raux qui la composent ne seront plus
à la nomination du préfet. Ils seraient
désignés par la voie, à coup sûr im-
partiale, du tirage au sort.
Les auteurs de la proposition ob-
servent qu'elle a l'avantage de réali-
ser quelques améliorations sans tou-
cher à l'ensemble de notre législation
électorale. C'est peut-être un avan-
tage aux yeux des amis de M. Piou,
grands admirateurs du régime impé-
rial et de ses œuvres. Notre avis est
différent.
Toute notre législation électorale se
trouve, aujourd'hui encore, incluse
dans le décret-loi du 3 février 1853.
Elle appelle, à notre avis, une revi-
sion complète. Nous avons énuméré
plus haut quelques-unes des amélio-
rations les plus indispensables. Il en
est d'autres.
Au nombre des dispositions qui veu-
lent être modifiées, il convient de ci-
ter celles qui édictent les peines ap-
plicables aux délits électoraux. Tous
les cas ne sont pas prévus, qùelques-
uns sont frappés d'une manière insuf-
fisante. Il serait utile d'examiner si,
dans certains cas, il ne faudrait pas,
en même temps qu'on aggraverait la
peine, changer la juridiction et trans-
férer au jury ce qui est aujourd'hui du
ressort des tribunaux correctionnels.
Toute la loi électorale, en un mot, est
à refaire.
Mais, de toutes les modifications
qu'elle appelle, les plus graves à coup
sûr sont celles, par nous signalées dès
la première heure, qui visent à assu-
rer aux petits, aux faibles, aux tra-
vailleurs de tout ordre, la liberté et la
sécurité de leur vote. Notre ancien
collègue l'écrit avec infiniment de rai-
son :
« Il y a des ouvriers qui, depuis
qu'ils sont majeurs, n'ont pas encore
voté librement; il y a des paysans que
les maîtres mènent au scrutin comme
un troupeau. Je pourrais vous citer
telle commune rurale où la moitié des
électeurs sont métayers de deux ho-
bereaux réactionnaires, et où il faut
voter pour eux, comme il faut labou-
rer pour eux, exactement. »
Le tableau n'est point chargé : on
l'a vu par l'examen de quelques-unes
des dernières élections. Eh bien I c'est
là une situation intolérable. Elle ne
saurait se prolonger sans faire courir
à la République les plus sérieux dan-
gers. Il-faut protéger le suffrage uni-
versel contre la pression et la corrup-
tion. La majorité n'a pas de devoir
plus impérieux. Notre ami Jaurès pettt
se rassurer. Il est à la Chambre des
républicains qui ne l'oublient pas.
A. Millerand.
ÉLECTION SÉNATORIALE
MANCHE
Inscrits : 1.33h. — Votants : 1.305
Suffrages exprimés : 1.173
MM. Morel, anc. dép., président -
du cons. gén., répub—. 8&6 Elu
lloll, maire de Cherbourg,
républicain. 302
Divers. 25
* s'agissait de remplacer M. le général de
Chabron, sénateur inamovible décédé, dont le
siège a été attribué par le sort au département
de la Manche. Au renouvellement sénatorial
de janvier 1888, MM. Lenoël, Sebire et Labiche,
républicains, ont été élus par 790, m et 7itl
voix, contre MM. de Tocqueville, Premont et
de Lomas, réactionnaires, qui avaient obtenu
A66, Z7 et MS voix.
Une élection législative a lieu, on le sait,
dans ll'rondissement de Valognes, diman-
che prochain, par suite de l'invalidation de
M. du Mesnildot, réactionnaire.
UN SYNDICAT DE LA VERRERIE
EN ANGLETERRE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
K Londres, 17 janvier.
L'accaparement méthodique des diverses
branches de production et tle commerce
par des coalitions de spéculateurs continue
a se grossir d'opérations nouvelles.
On annonce que vingt-trois fabriques de
bouteilles, représentant la plus grande part
de la production de cet article dans le
Royaume-Uni, vont se constituer en syndi-
cat.
LA DÉSOLATION EN ITALIE
Misère générale.-Faillites sur faillites.
Les anticipations des ministères..
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome. 19 janvier. -
La misère est générale en Italie. De tous
côtés parviennent les nouvelles les plus at-
tristantes, aussi bien sur la situation dans
les villes que sur la situation dans les cam-
pagnes. Les faillites se succèdent. La désola-
tion est au comble.
Une des maisons les plus importantes d'I-
talie, la maison Cirio, de Rome, à la veille
de fermer ses guichets, a obtenu cinq ans
de délai pour ses échéances et une réduc-
tion d'intérêt à 5 0[0.
A Naples, la situation se complique du
problème des maisons. Plusieurs quartiers
sont écroulés ; d'autres sont en construc-
tion ; les logements sont à un prix fou.
DePalerme, on télégraphie que le maître
d'école de Milebello (Sicile), ne recevant pas
de salaire depuis sept mois, à bout de la
lutte pour l'existence, s'est empoisonné.
Enfin, brochant sur le tout, les finances
de l'Etat sont dans une situation déplorable.
On sait aujourd'hui que les anticipations
faites par divers ministères et non justifiées
à la cour des comptes s'élèvent, au 30 juin
1889, à 157,958,423 fr. 16, et au 31 octobre
1889 à 106,283,312 fr. 56.
Voilà les résultats, les bienfaits de la po-
litique de M. Crispi.
FIANÇAILLES DE MARY ANDERSON
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
San-Remo, 19 janvier.
Mary Anderson, la tragédienne américaine
dont la beauté est bien connue, vient de se
fiancer ici avec M. Navarro, de New-York.
MORT DU GÊNER L CHOLLETON
M. le général de brigade Claude Cholle-
ton, commandant la 1 brigade d'infanterie
du 3e corps d'armée, a succombé hier, à
Paris, aux suites d'une courte maladie.
Le général Cholleton, qui était âgé de
cinquante-neuf ans, était sorti de Saint-Cyr
et s'était distingué en Crimée. Il avait fait
la plus grande partie de sa carrière en Afri-
que et avait commandé, pendant la campa-
gne de 1870,1e 1130 régiment de marche.
C'est lui qui défendit, pendant la Com-
mune, le fort du Mont-Valérien contre les
fédérés.
Le défunt avait été promu, il y a quel-
ques années, général de brigade; il avait
commandé d'abord à Caen puis à Paris.
Ses obsèques auront lieu mardi, à midi,
à Saint-Pierre de Chaillot.
L'inhumation sera faite au cimetière
]YfDtpa.rnasse,
LE DUC D'AOSTE
LES FUNÉRAILLES
L'origine de ïa mair ie. — Un fils ab-
sent.—La représentation de la France
aux funérailles.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 19 janvier.
On assure que le duc d'Aoste avait con-
tracté le germe de la maladie qui l'a em-
porté lors de son voyage en Portugal, pour
assister aux funérailles du roi dom Luis.
Son troisième fils, le prince Louis, récem-
ment créé duc des Abruzzes, n'a pas assisté
à ses derniers moments et ne pourra pas
non plus assister à ses funérailles: il est
actuellement au Brésil. On a - reçu de lui un
télégramme faisant part de son immense
douleur et annonçant son retour.
Le prince de Naples, qui était parti pour
son voyage d'Asie, revient de Palerme, où
l'a trouvé un télégramme du roi son père
le rappelant.
Le prince Napoléon et ses deux fils, Victor
et Louis, assisteront aux funérailles.
L'empereur d'Allemagne se fera repré-
senter par son frère le prince Henri, l'empe-
reur d'Autriche par l'archiduc Renier.
On croit que le président de la République
française sera représenté par un des grands
dignitaires des ordres italiens, comme le
maréchal Canrobert, le général baron Ber-
ge ou le général Coiffé. M. Carnot a été un
des premiers à envoyer une dépêche de con-
doléance.
On dit que la princesse Clotilde souffre
assez gravement de l'influenza.
1 Dans la chambre mortuaire
Le personnel de la maison d'Aoste a défilé
devant le lit de parade du prince Amédée,
en présence des princesses Clotilde et Laeti-
tia agenouillées au chevet, et du roi et des
enfants du duc appuyés au pied du lit.
Par respect pour la volonté de son frère,
le roi a ordonné que la garnison de Turin
participerait seule aux funérailles, mercredi.
Le régiment de hussards hessois dont le
duc était colonel sera représenté aux funé-
railles.
ije roi Humbert à M. Crispi et aux
autorités de Turin.
(D'UN CORRESPONDANT)
Rome, 19 janvier.
Le roi a annoncé à M. Crispi, par le télé-
gramme suivant, la mort du prince Amé-
dée :
« Mon frère bien-aimé a expiré à six heu-
res quarante-cinq. Il a consacré ses der-
nières paroles au pays et à l'armée, disant
qu'il les avait aimés du plus fort amour et
qu'il regrettait de mourir sitôt, uniquement
parce qu'il ne pourrait plus les servir com-
me il les aimait.
» Je vous serre la main avec la douleur
dans le cœur. Votre très affectionné.
» HUMBERT. »
Le roi, recevant le maire et le préfet de
Turin, leur a dit : ;
« J'ai perdu mon plus cher et mon plus
ferme soutien, un conseiller sûr et dévoué
pour qui mon cœur n'avait pas de se-r
crets. » -
Les condoléances du pape
Le pape a adressé un télégramme de con-
doléance à la duchesse d'Aoste aussitôt qu'il
a appris la mort du prince Amédée.
Le deuil et les funérailles
Turin, 19 janvier.
M. Crispi et le président du Sénat sont
partis de Rome pour Turin, afin de rédiger
l'acte de décès.
On pense que les funérailles auront lieu
mercredi.
Le duc d'Aoste a ordonné dans son testa-
ment que son corps ne fût ni embaumé, ni
exposé.
La reine douairière de Portugal, Marie-Pie,
sœur du duc d'Aoste, ne pourra venir aux
funérailles, le voyage lui ayant été interdit
par les médecins. Elle sera représentée,
ainsi que le roi dom Carlos, par son fils, le
duc d'Oporto, frère du roi.
L'armée gardera le deuil pendant six se-
maines.
Dans toutes les villes, les drapeaux sont
en berne et les théâtres fermés. Les maires
publient des manifestes.
LA BANOUEDE FRANCE
ET
L'ACCAPAREMENT DES CUIVRES
Question ajournée et question brûlante.
— Actives démarches de la haute
banque.
Le Rappel, dont les informations politi-
ques sont toujours très sûres, a publié la
note suivante, puisée à une source certai-
nement autorisée :
Quelques journaux parlent, depuis quelques
jours, du renouvellement du monopole de la
Banque de Fran e et le représentent comme
devant être très prochainement dis uté.
Nous croyons pouvoir affirmer que cette
nouvelle est absolument prématurée: le mo-
nopole de la Banque de France expire, il est
vrai, en 1893, mais la question de son renou-
vellément n'a pas encore été soulevée.
C'est la confirmation de nos renseigne-
ments.
Il est donc bien vrai de dire que la ques-
tion brûlante n'est pas, pour le moment, le
renouvellement du privilège de la Banque
de France.
La question véritablement brûlante qui
se discute actuellement dans les coulisses
du pouvoir, c'est la question des poursuites
contre les anciens administrateurs du Comp-
toir d'escompte.
La situation est toujours celle que nous
avons dite"
Personne n'a jamais soutenu que la tran-
saction intervenue entre les membres du
conseil du Comptoir d'escompte et les ac-
tionnaires pût éteindre l'action correction-
nelle. -
Cette transaction, d'ailleurs, soit dit en
passant, n'a pas été aussi onéreuse qu'on
pouvait le croire et qu'on a bien voulu le
dire. S'il est vrai que M. Thomas, qui ne
compte pas les millions qui lui restent en
dépôt à la Banque de France, a versé dix
millions, par contre MM. Guillemard et
Vernes d'Arlandes, pour ne citer que ceux-
là, ont versé seulement 100,000 francs.
Mais, si l'on poursuit les administrateurs
du Comptoir d'escompte, il est impossible
de ne pas poursuivre les membres du con-
seil de la Société des métaux, ainsi que les
membres du syndicat d'accaparement, et il
est bien difficile de mettre hors ,de. cause
le8 banquiers qui ont fourni à ce syndicat
les moyens financiers d'exécution et qui, à
v regarder de près, ont, dans toute cette
affaire, la plus lourde part de responsa-
bilité.
Aussi les membres de la plus haute finan-
ce, comme les appelle le Matin, se livrent-
ils en ce moment aux plus actives démar-
ches pour que les poursuites annoncées
soient abandonnées.
Le juge d'instruction doit avoir une BoŒ--
velle entrevue avec le ministre de la jus-
ticé.
LES EMPLOYÉS DES TÉLÉPHONES
Une circulaire. — Diminution de traite-
ment. — Mécontentement général.
Les employés des téléphones sont fort
mécontents.
Une circulaire vient d'être communiquée
à tous les bureaux, faisant savoir aux em-
ployés qu'au lieu de 100 francs par mois, ils
ne seront plus payés, à partir du 1er jan-
vier, que 90 francs.
On comprend l'émotion soulevée dans le
personnel par cette nouvelle mesure.
Ils se plaignent, ces modestes employés,
d'être diminués au moment même où il y a
pour eux augmentation de travail; ils se
plaignent encore que l'Etat n'ait pas tenu
sa parole. En prenant possession des servi-
ces, il avait été formellement entendu, en
effet, que rien ne serait changé à ce qu'a-
vait fait l'ancienne société.
Il faut ajouter, enfin, que leur situation
n'a,pas encore été réglée d'une façon défin
nitive. Ils ne sont ni fonctionnaires ni em-
ployés de l'Etat, et ne savent sur quel pied
danser. >
D'un autre côté, on annonce que, désor-
mais, au lieu de passer quinze nuits par
mois, les employés n'en passeront que dix,
ce qui est encore une/diminution d'appoin-
tements, le service de nuit étant plus rétri-
bué, naturellement.
On parle d'une protestation générale dans
le monde des téléphones.
ÉLECTION D'UN CONSEILLER
GÉNÉRAL
Une élection au conseil général a eu lieu
hier à Mantes, en remplacement de M. Lebau-
dy, décédé.
M. Collet, républicain libéral, a été élu par
1,900 voix, sans concurrent.
A Pontoise
Une élection pour le conseil général a eu
lieu à Pontoise. M. Cornulet, républicain, a été
élu par 1,9A0 voix contre M. Hubbard, député
républicain, qui a eu 1,813 voix.
LA RÉUNION DE NEUILLY
ET LA PRESSE BOULANGISTE
L'ordre du jour. — Les mœurs du
grand monde. — Chers collègues.
Il était curieux de savoir comment serait
appréciée par la presse boulangiste la
réunion de Neuilly dont nous avons rendu
compte dans notre numéro d'hier.
Le comité national compte, en effet, parmi
ses membres, au moins deux israélites,
MM. Naquet et Elie May.
Cette réunion s'est terminée par Padoption
de l'ordre du jour suivant, présenté par
M. Drumont :
Les citoyens réunis à Neuilly, salle Gallice,
le 18 janvier 1890,
Proclament que la soeiété est en danger par
suite de la coalition financière juive et qu'il
ne peut- exister, dans un Etat, un ou deux
hommes possédant des milliards, tandis que
d'autres meurent de faim;
Proclament qu'il est temps enfin que la
Gaule revienne aux Gaulois et qu'il faut
sauver la Gaule de l'avidité de celui dont
Drumont a dit qu'il - était une caisse sans
excuse;
Qu'il faut sauver aussi la patrie française de
l'Allemand qui la guette dans la forme du juif;
qu'il faut enfin sauver la République menacée
par de nouveaux tyrans;
Acclament, pour arriver à ce but, tout d'a-
bord la candidature du citoyen Laur, l'ennemi
de Rothschild, le républicain, le socialiste.
L'Intransigeant vante, de confiance, l'élo-
quence des orateurs, notamment celle de
« l'auteur de la France juive, qui a fait, dit-il,
un tableau saisissant de la juiverie française
et adévoilé, aux applaudissements de tous,
les agissements indignes de cette bande
d'accapareurs qui a à sa tête le baron de
Rothschild ».
La Cocarde fait sien le compte rendu de
Y Intransigeant.
Le Petit National voit un danger dans la
réunion de Neuilly. Il rappelle que beau-
coup de juifs ont été ou sont boulangistes.
« Allons-nous donc nous amuser, dit-il, à
nous proscrire entre nous ? »
Le directeur du Pays, M. Lenglé,, ancien
député, déclare « que la puissance d'un
Rothschild est un danger sociâl, non parce
que ce manieur d'argent est un israélite,
mais parce qu'il est un des vampires du
travail, un des accapareurs de l'épargne,
une tyrannie choquante et menaçante au
milieu d'une société qui a soif de liberté,
d'égalité et de fraternité. » Mais il regrette
le caractère d'intolérance anti-sémitique
qu'à pris la réunion de Neuilly, et il con-
seille à son parti de calmer ses nerfs.
Bien qu'il s'agisse de la candidature de
: on collaborateur, M. Francis Laur, la
France ne souffle pas mot de la réunion.
La Presse dit que, « dans une importante
réunion organisée hier soir à Neuilly par
les comités révisionnistes de la circons-
cription, la candidature de son ami Francis
Laur a été acclamée par plus d'un millier
de citoyens ».
Mais la Presse ne dit pas que, si M. Laur
a été acclamé, MM. de Rothschild, en re-
vanche, ont été abominablement conspués
par l'assemblée et par leurs collègues du
Jockey-Club.
Il faut avouer que l'on a de singulières
mœurs dans le « grand monde », et l'on se
demande quelles têtes ont dû faire hier
soir MM. de Rothschild en rencontrant, dans
les salons du Jockey, leurs chers collègues
le marquis de Mores, le duc d'Uzès, le duc
de Luynes, le prince Poniatowski, etc., etc.
LA FIN DE LA CRISE ESPAGNOLE
Convalescence d'Alphonse XIII. — For-
mation du nouveau ministère.
(D'UN CORRESPONDANT)
Madrid, 19 janvier.
Le petit roi continue d'aller de mieux en
mieux.
Les pourparlers pour la formation d'un
cabinet de conciliation touchent à leur fin.
On considère comme certain que M. Alonso
Martinez prendra la présidence du conseil,
M. Maura les finances et M. Bosch les tra-
vaux publics, et que le cabinet sera com-
plété aujourd'hui.
CHRONIQUE
J'ai eu, ces jours derniers, l'un des plus
grands étonnements de ma vie. Il faut
que je vous conte cela, puisque, aussi,
bien l'histoire, bien que me concer-
nant seul offre un intérêt général.
Je collabore dans une revue hebdoma-
daire, qui est assez peu connue à Paris,
mais qui est fort répandue en province.
Tous les samedis, à propos d'un des gros
ou des menus événements de la semaine,
j'écris un article où je traite et résous
quelque point de morale ou de littéra-
ture. C'est une manière d'homélie , au
sens où l'on prenait le mot autrefois, une
causerie tout à la fois grave et familière
sur des sujets divers.
Comme la revue est lue d'un nombre
infini de maîtres d'école, d'universitai-
res, de femmes, de collégiens et même de
prêtres, je reçois, à chacun de ces articles,
un nombre considérable de lettres où
l'on discute avec moi les conclusion» où
je suis arrivé et les raisons qui m'y ont
conduit.
J'ai presque toujours le plaisir de voir
que je suis en communion d'idées avec
mes lecteurs, qui sont tous pris dans cette
grande et honnête masse de la petite
bourgeoisie française.
L'autre jour, c'était à propos de la pre-
mière représentation du Marchand de
Venise à l'Odéon, je pris pour thème de
ma causerie le discours que Shylock, dans
la pièce de Shakespeare, adresse à Bra-
bantio : Je constatai qu'il se produisait en
ce moment comme un regain de haine
contre le sémite, j'en marquai mon regret,
je prêchai la concorde, et j'exécutai des
variations plus ou moins brillantes sur le
mot de saint Paul : « Aimez-vous les uns
les autres; nous sommes tous fils du
même père. »
J'avoue que tout cela n'était pas bien
nouveau ; mais, je vous l'ai dit : ce sont
des homélies que j'écris pour cette revue,
qui a de préférence son expansion en
province. Je croyais de très bonne foi
avoir traité là un. lieu commun, qui n'a-
vait d'autre tort que d'être un peu vieux.
Ah bien oui ! Ce fut durant huit jours
sur mon bureau une avalanche de lettres,
les unes indignées et violentes, les autres
éplorées et douces. Les uns me disaient:
Combien avez-vous reçu des Juifs pour
prendre leur défense ? Les autres s'éton-
naient qu'un - homme à qui l'on se plai-
sait à reconnaître quelque peu de bon
sens eût fait preuve d'une telle aberration
d'esprit. Le plus grand nombre m'écri-
vait d'une plume qui semblait trempée
dans les larmes :
— Comment ! c'est vous, monsieur Sar-
cey, vous, avec qui nous aimions" tant à
causer, qui nous donnez le chagrin de
lire une apologie des Juifs. Mais, vous ne
savez donc pas que les Juifs.
Et c'était un débordement d'accusa-
tions refluant d'une page sur l'autre et
emplissant des lettres aussi longues que
des mémoires.
Les plus 'modérés me disaient :
•— Oui, j'ai peut-être tort d'en vouloir
aux Juifs; mais, c'est plus fort que moi:
je les hais. Votre article m'a inquiété; je
me suis interrogé moi-même ; j'ai cher-
ché les causes de mon aversion. Les
voici.
Et, d'un style calme et posé, ils repre-
naient les griefs que m'avaient déjà servis
les enragés sous une forme plus âpre.
J'allais de surprise en surprise, à me-
sure que j'ouvrais cette correspondance.
Non, je ne croyais pas les passions si
aigries, les esprits si montés. J'avais bien
cru remarquer, en effet, même dans la
haute bourgeoisie parisienne, et surtout
chez les femmes, des défiances plus ac-
cusées contre la race juive. Mais j'étais
rassuré par cet esprit de tolérance qui
est à Paris une des formes du scepticisme.
Je ne me doutais point de cette sourde
irritation ; et je la voyais là, sous mes
yeux, au moment où je m'y attendais le
moins, éclater en récriminations pas-
sionnées, en reproches furieux ou tendres,
en semonces ironiques.
Je ne pouvais me tromper à ces.symp-
tômes. Il n'y a pas de journal où l'on tâte
plus sûrement le pouls au vrai public que
dans la revue dont je parle.
— Eh quoi! me disais-je confus et dé-
solé, c'est là que nous en sommes ! et je
n'en savais rien! Nous avons moins de li-
béralisme dans l'esprit, nous sommes
moins tolérants qu'on n'était en 1828 et
en 18.40; nous avons depuis la Restaura-
tion reculé vers le fanatisme! Quelle mi-
sère !
J'avais d'abord répondu individuelle-
ment à ceux de mes correspondants qui
me paraissaient être capables encore d'é-
couter la raison, laissant là avec une sorte
de dégoût attristé les épileptiques. Mais
ils étaient trop nombreux ; je dus renon-
cer à les entretenir ainsi par lettres les
uns après les autres. De son côté, le di-
recteur de la revue était assailli de plain-
tes. Nous examinâmes ensemble la ques-
tion de savoir s'il faudrait revenir sur ce
thème, y insister et entrer en lutte avec
notre public. C'était la conduite la plus
chevaleresque assurément ; mais un scru-
pule nous arrêta : les inconvénients
étaient certains, évidents, les avantages
fort problématiques. Quand il y a un fort
courant d'opinion, on ne gagne rien à se
mettre en travers. Nous ne convaincrions
personne ; en revanche, nous surexcite-
rions encore les fanatismes, car on avive
une plaie douloureuse en y touchant.
Et comme, un matin, je dépouillais
cette correspondance, qui s'est poursuivie
sans interruption ni relâche durant une
dizaine de jours, mon ami Abraham
Dreyfus entra chez moi. Il venait me de-
mander un renseignement pour une con-
férence qu'il devait faire en Belgique.
Comme il appartient, au moins par son
origj.ae, ainsi que soft nom l'indique, à la
religion juive, il me parla de mon ar-
ticle, qu'il avait lu par aventure. Car c'est
un hasard de trouver un Parisien qui soit
au courant de ce magazine.
- Ce sont là, me dit-il, des vérités
qu'il est toujours bon d'exprimer un peu 1
partout; en France, par bonheur, elles
ont passé dans le sang. de la nation.
, Vous croyez ? lui demandai-je.
— Dame ! oui.
— Je le croyais comme vous, il y a
huit jours. Mais,tenez, faites-moi l'amitié
de parcourir ces lettres, et peut-être chan-
gerez-vous d'avis.
J'en avais déchiré beaucoup, ne gar-
dant que celles qui n'étaient pas absolu-
ment injurieuses. Je lui en remis une
demi-douzaine.
Il les lut; je n'oublierai jamais son air
navré. Ce n'étaient pas, en effet, des lettres
d'énergumènes ou de simples grincheux.
Ces correspondants, qui donnaient leur
nom et leur adresse, étaient (on pouvait
le reconnaître aisément au style) des
gens instruits, des philosophes même;,
habitués à s'analyser eux-mêmes et sa-
chant raisonner. La haine qui les ani-
mait n'en était que plus inquiétante,
pour s'exprimer avec une modération re-
lative. C'était une aversion réfléchie en
même temps qu'instinctive.
Les bras lui tombaient :
— Ainsi, me disait-il, on nous accuse
de n'être pas Français. Mais tous, nous
avons fait notre devoir en 1870, les uns:
sous les murs de Paris, lès autres dans les
armées improvisées par Gambetta. Mais
tous nos fils passent, avec les autres, sous
les drapeaux (et il me citait ceux qu'il y
connaissait); tous sont prêts à se battre,
si Je moment en vient; et si ce n'est pas
là être Français, qu'est-ce que c'est
donc?
Il me parla longtemps sur ce ton, d'une
voix très animée, avec une sorte de dé-
sespoir. Et moi, que pouvais-je lui
dire? Je trouvais toutes ces lettres si'
monstrueuses ! Et cependant il n'y avait
pas à dire ; elles étaient là ; elles partaient
de gens convaincus ; elles marquaient un
mouvement indéniable d'opinion.
J'avais cru que le pamphlet de M. Dru-
mont n'était qu'une manifestation isolée;
non, c'était le cri de la foule.
Je ne peux pas m'en remettre. Cela me
semble si absurde ! Cela nous présage des
lendemains si abominables !
Oh! que la tolérance est rare !
Francisque Sarcey.
Le XIxe SIÈCLE publiera demain 13
"Chronique », par M. Paul Ginisty.
CHEMINS DE FER
ÉCONOMIQUES :.
LEUR EXISTENCE PRÉCAIRE
Une nouvelle société. — Lille à Valen- •
ciennes, Orléans à Rouen, etc., etc.
— La loi du 11 juin 1880. — Lé-
galement pas de dividendes
possibles. - Violation de
la loi. -,
On parle depuis quelque temps, dans le
monde de la finance, de la prochaine créa-
tion d'une société, au capital de 50 millions.
pour la construction et l'exploitation des
chemins de fer économiques.
Des démarches auraient même été faites
auprès de nos principaux établissements de
crédit.
La nouvelle vaut la peine qu'on s'y ar-
rête.
Non pas que nous ayons l'intention de
rechercher quel peut bien être le but que
veut atteindre cette Société, mais pour étu-
dier sommairement quelles sont les con-
ditions actuelles qui régissent l'existence
de ces entreprises..
Equivoques dissipées
Dès le début, il nous faut dissiper une
équivoque volontaire qui peut tromper
beaucoup de monde.
En effet, sous quelque nom qu'on les
range ou qu'on les exploite : chemins de
fer économiques, chemins de fer départe-
mentaux, chemins de fer régionaux, ou da
ceci ou de cela, nous avons toujours affaira
aux chemins de fer d'intérêt local, auxquels
nous devons déjà les chemins de fer de
l'Hérault, de Lille à Valenciennes, du Nord-
Est, de Bordeaux à La Sauve, de Pons à
Royan, d'Orléans à Rouen, et tutti quanti,
dont l'épargne française a conservé le plus
néfaste souvenir.
Il s'agit bien des lignes d'intérêt secon-
daire dont les grandes Compagnies n'ont
pas voulu même dans leur troisième ré-
seau.
Sous leur dénomination nouvelle, le pu-
blie a oublié les leçons du passé. Aussi,..
n'est-ce pas sans un certain étonnement
qu'il se demande pourquoi, sur tant de.
compagnies qui ont été successivement
créées, si peu sont parvenues à survivre, et
encore dans quelles conditions !
Difficultés d'existence
Bien qu'elles soient d'ordre divers,, les
raisons en sont cependant faciles à dé-
duire.
D'abord, il faut compter sur la période
de temps considérable pendant laquelle le,,
capital des sociétés de chemins de fer se-j
condaires doit forcément rester improduc-l
tif. Car, si l'on payait des intérêts pendant
la période d'instance en concession et pen-
dant celle de construction, on arriverai
d'une manière certaine, au résultat obtenlt,
par la Compagnie de Panama, qui a dévora
le plus clair de son capital en payements dQ.
coupons, sans avoir réussi à mener à bien:
son entreprise.
On estime, en effet, qu'il faut un mini-
mum de trois ans, si l'on ne rencontre pas'
d'anicroches, pour remplir les nombreuses
formalités qui doivent conduire à l'obten-
tion de la concession. Trois autres années
sont encore nécessaires pour que la lignes
soit achevée d'être construite. Et encore ne;
calculons-nous pas, dans cette appréciation.!
tous les retards fréquemment apportés paçi
les départements dans la remise de terv
rains nécessaires au passage de la voie, cac j
alors on devrait prolonger la période de
construction pendant un temps beaucoup
, plus Ions et presque sans limite,
JOURNAL RÉPUBLICAIN
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1 PROPOS DE LA RÉUNION DE NEUILLY
Les chemins de fer économiques
LE COUCHAGE DES TROUPES
CÉRÉMONIES PATRIOTIQUES
LE DRAME DE MEUDON
CODE ELECTORAL
Je trouve, dans l'un des derniers
numéros du journal le Rhône, une
lettre ouverte à moi adressée par mon
ami et ancien collègue Jaurès. Il m'y
invite, de la façon la plus aimable, à
prendre en main, devant la Chambre,
une question dont j'ai à plusieurs re-
prises entretenu les lecteurs du XIXe
Siècle : celle du secret du vote.
Il peut être assuré que mon con-
cours ne fera pas défaut à cette ré-
forme nécessaire. Déjà des membres
de la majorité ont repris à leur compte
la proposition qui avait été discutée
et partiellement adoptée à la fin de la
dernière législature. L'enveloppe où
doit être contenu le bulletin de vote,
l'abri d'isolement où passent les élec-
teurs, autant de détails qui y sont
examinés.
Jaurès fait à son tour une proposi-
tion nouvelle qui devra ne pas être
oubliée à l'heure où cet important
problème sera étudié dans toutes ses
parties. Il demande que les bulletins
de tous les candidats soient,- à leurs
frais, bien entendu, — composés et ti-
rés par un même imprimeur désigné
par le président du tribunal, sous la
surveillance duquel cette opération
s'effectuera.
Tous les bulletins seront portés, le
matin même du scrutin, dans le petit
abri d'isolement où l'électeur, en ve-
nant voter, les trouvera. Il n'aura plus
qu'à mettre sous enveloppe le nom du
candidat de son choix. Des peines sé-
vères seraient édictées pour interdire
toute distribution préalable de ces
bulletins imprimés sur un type uni-
forme. Impossible, dès lors, à aucun
candidat d'imiter l'exemple de ce
grand chef d'industrie qui, candidat
aux élections générales dans une cir-
conscription de Saône-et-Loire, faisait
confectionner à la dernière heure les
bulletins à son nom sur un modèle
choisi de telle sorte qu'au premier
coup d'œil, fermés tout aussi bien
qu'ouverts, on les reconnaissait.
Le moyen imaginé par Jaurès pour
prévenir ce genre de fraude est ingé-
nieux et vaut la peine d'être examiné
de près. Aussi bien ce n'est plus seule-
ment la question du secret du vote qui
se pose devant le législateur.
Le conseil général de la Seine, on
s'en souvient, a récemment émis un
vœu sur l'affichage électoral. M. Me-
sureur, député de la Seine, va appe-
ler la Chambre à se prononcer sur ce
point, en déposant sur le bureau de la
Chambre une proposition de loi en ce
sens.
D'autre part, M. Piou et un cer-
tain nombre de ses collègues de la
Droite viennent de déposer une pro-
position, dont on ne saurait méconnaî-
tre l'intérêt, sur le recensement des
votes. En voici l'économie :
Désormais, au rebours de ce qui se
passe actuellement, les candidats se-
ront appelés à vérifier contradictoi-
rement, du commencement à la fin de
la procédure de recensement, l'exacti-
tude des procès-verbaux, l'état des
bulletins. Ils auront droit, en un mot,
d'assister à toutes les opérations qui
précèdent la réunion de la commission
de recensement.
D'autre part, les conseillers géné-
raux qui la composent ne seront plus
à la nomination du préfet. Ils seraient
désignés par la voie, à coup sûr im-
partiale, du tirage au sort.
Les auteurs de la proposition ob-
servent qu'elle a l'avantage de réali-
ser quelques améliorations sans tou-
cher à l'ensemble de notre législation
électorale. C'est peut-être un avan-
tage aux yeux des amis de M. Piou,
grands admirateurs du régime impé-
rial et de ses œuvres. Notre avis est
différent.
Toute notre législation électorale se
trouve, aujourd'hui encore, incluse
dans le décret-loi du 3 février 1853.
Elle appelle, à notre avis, une revi-
sion complète. Nous avons énuméré
plus haut quelques-unes des amélio-
rations les plus indispensables. Il en
est d'autres.
Au nombre des dispositions qui veu-
lent être modifiées, il convient de ci-
ter celles qui édictent les peines ap-
plicables aux délits électoraux. Tous
les cas ne sont pas prévus, qùelques-
uns sont frappés d'une manière insuf-
fisante. Il serait utile d'examiner si,
dans certains cas, il ne faudrait pas,
en même temps qu'on aggraverait la
peine, changer la juridiction et trans-
férer au jury ce qui est aujourd'hui du
ressort des tribunaux correctionnels.
Toute la loi électorale, en un mot, est
à refaire.
Mais, de toutes les modifications
qu'elle appelle, les plus graves à coup
sûr sont celles, par nous signalées dès
la première heure, qui visent à assu-
rer aux petits, aux faibles, aux tra-
vailleurs de tout ordre, la liberté et la
sécurité de leur vote. Notre ancien
collègue l'écrit avec infiniment de rai-
son :
« Il y a des ouvriers qui, depuis
qu'ils sont majeurs, n'ont pas encore
voté librement; il y a des paysans que
les maîtres mènent au scrutin comme
un troupeau. Je pourrais vous citer
telle commune rurale où la moitié des
électeurs sont métayers de deux ho-
bereaux réactionnaires, et où il faut
voter pour eux, comme il faut labou-
rer pour eux, exactement. »
Le tableau n'est point chargé : on
l'a vu par l'examen de quelques-unes
des dernières élections. Eh bien I c'est
là une situation intolérable. Elle ne
saurait se prolonger sans faire courir
à la République les plus sérieux dan-
gers. Il-faut protéger le suffrage uni-
versel contre la pression et la corrup-
tion. La majorité n'a pas de devoir
plus impérieux. Notre ami Jaurès pettt
se rassurer. Il est à la Chambre des
républicains qui ne l'oublient pas.
A. Millerand.
ÉLECTION SÉNATORIALE
MANCHE
Inscrits : 1.33h. — Votants : 1.305
Suffrages exprimés : 1.173
MM. Morel, anc. dép., président -
du cons. gén., répub—. 8&6 Elu
lloll, maire de Cherbourg,
républicain. 302
Divers. 25
* s'agissait de remplacer M. le général de
Chabron, sénateur inamovible décédé, dont le
siège a été attribué par le sort au département
de la Manche. Au renouvellement sénatorial
de janvier 1888, MM. Lenoël, Sebire et Labiche,
républicains, ont été élus par 790, m et 7itl
voix, contre MM. de Tocqueville, Premont et
de Lomas, réactionnaires, qui avaient obtenu
A66, Z7 et MS voix.
Une élection législative a lieu, on le sait,
dans ll'rondissement de Valognes, diman-
che prochain, par suite de l'invalidation de
M. du Mesnildot, réactionnaire.
UN SYNDICAT DE LA VERRERIE
EN ANGLETERRE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
K Londres, 17 janvier.
L'accaparement méthodique des diverses
branches de production et tle commerce
par des coalitions de spéculateurs continue
a se grossir d'opérations nouvelles.
On annonce que vingt-trois fabriques de
bouteilles, représentant la plus grande part
de la production de cet article dans le
Royaume-Uni, vont se constituer en syndi-
cat.
LA DÉSOLATION EN ITALIE
Misère générale.-Faillites sur faillites.
Les anticipations des ministères..
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome. 19 janvier. -
La misère est générale en Italie. De tous
côtés parviennent les nouvelles les plus at-
tristantes, aussi bien sur la situation dans
les villes que sur la situation dans les cam-
pagnes. Les faillites se succèdent. La désola-
tion est au comble.
Une des maisons les plus importantes d'I-
talie, la maison Cirio, de Rome, à la veille
de fermer ses guichets, a obtenu cinq ans
de délai pour ses échéances et une réduc-
tion d'intérêt à 5 0[0.
A Naples, la situation se complique du
problème des maisons. Plusieurs quartiers
sont écroulés ; d'autres sont en construc-
tion ; les logements sont à un prix fou.
DePalerme, on télégraphie que le maître
d'école de Milebello (Sicile), ne recevant pas
de salaire depuis sept mois, à bout de la
lutte pour l'existence, s'est empoisonné.
Enfin, brochant sur le tout, les finances
de l'Etat sont dans une situation déplorable.
On sait aujourd'hui que les anticipations
faites par divers ministères et non justifiées
à la cour des comptes s'élèvent, au 30 juin
1889, à 157,958,423 fr. 16, et au 31 octobre
1889 à 106,283,312 fr. 56.
Voilà les résultats, les bienfaits de la po-
litique de M. Crispi.
FIANÇAILLES DE MARY ANDERSON
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
San-Remo, 19 janvier.
Mary Anderson, la tragédienne américaine
dont la beauté est bien connue, vient de se
fiancer ici avec M. Navarro, de New-York.
MORT DU GÊNER L CHOLLETON
M. le général de brigade Claude Cholle-
ton, commandant la 1 brigade d'infanterie
du 3e corps d'armée, a succombé hier, à
Paris, aux suites d'une courte maladie.
Le général Cholleton, qui était âgé de
cinquante-neuf ans, était sorti de Saint-Cyr
et s'était distingué en Crimée. Il avait fait
la plus grande partie de sa carrière en Afri-
que et avait commandé, pendant la campa-
gne de 1870,1e 1130 régiment de marche.
C'est lui qui défendit, pendant la Com-
mune, le fort du Mont-Valérien contre les
fédérés.
Le défunt avait été promu, il y a quel-
ques années, général de brigade; il avait
commandé d'abord à Caen puis à Paris.
Ses obsèques auront lieu mardi, à midi,
à Saint-Pierre de Chaillot.
L'inhumation sera faite au cimetière
]YfDtpa.rnasse,
LE DUC D'AOSTE
LES FUNÉRAILLES
L'origine de ïa mair ie. — Un fils ab-
sent.—La représentation de la France
aux funérailles.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 19 janvier.
On assure que le duc d'Aoste avait con-
tracté le germe de la maladie qui l'a em-
porté lors de son voyage en Portugal, pour
assister aux funérailles du roi dom Luis.
Son troisième fils, le prince Louis, récem-
ment créé duc des Abruzzes, n'a pas assisté
à ses derniers moments et ne pourra pas
non plus assister à ses funérailles: il est
actuellement au Brésil. On a - reçu de lui un
télégramme faisant part de son immense
douleur et annonçant son retour.
Le prince de Naples, qui était parti pour
son voyage d'Asie, revient de Palerme, où
l'a trouvé un télégramme du roi son père
le rappelant.
Le prince Napoléon et ses deux fils, Victor
et Louis, assisteront aux funérailles.
L'empereur d'Allemagne se fera repré-
senter par son frère le prince Henri, l'empe-
reur d'Autriche par l'archiduc Renier.
On croit que le président de la République
française sera représenté par un des grands
dignitaires des ordres italiens, comme le
maréchal Canrobert, le général baron Ber-
ge ou le général Coiffé. M. Carnot a été un
des premiers à envoyer une dépêche de con-
doléance.
On dit que la princesse Clotilde souffre
assez gravement de l'influenza.
1 Dans la chambre mortuaire
Le personnel de la maison d'Aoste a défilé
devant le lit de parade du prince Amédée,
en présence des princesses Clotilde et Laeti-
tia agenouillées au chevet, et du roi et des
enfants du duc appuyés au pied du lit.
Par respect pour la volonté de son frère,
le roi a ordonné que la garnison de Turin
participerait seule aux funérailles, mercredi.
Le régiment de hussards hessois dont le
duc était colonel sera représenté aux funé-
railles.
ije roi Humbert à M. Crispi et aux
autorités de Turin.
(D'UN CORRESPONDANT)
Rome, 19 janvier.
Le roi a annoncé à M. Crispi, par le télé-
gramme suivant, la mort du prince Amé-
dée :
« Mon frère bien-aimé a expiré à six heu-
res quarante-cinq. Il a consacré ses der-
nières paroles au pays et à l'armée, disant
qu'il les avait aimés du plus fort amour et
qu'il regrettait de mourir sitôt, uniquement
parce qu'il ne pourrait plus les servir com-
me il les aimait.
» Je vous serre la main avec la douleur
dans le cœur. Votre très affectionné.
» HUMBERT. »
Le roi, recevant le maire et le préfet de
Turin, leur a dit : ;
« J'ai perdu mon plus cher et mon plus
ferme soutien, un conseiller sûr et dévoué
pour qui mon cœur n'avait pas de se-r
crets. » -
Les condoléances du pape
Le pape a adressé un télégramme de con-
doléance à la duchesse d'Aoste aussitôt qu'il
a appris la mort du prince Amédée.
Le deuil et les funérailles
Turin, 19 janvier.
M. Crispi et le président du Sénat sont
partis de Rome pour Turin, afin de rédiger
l'acte de décès.
On pense que les funérailles auront lieu
mercredi.
Le duc d'Aoste a ordonné dans son testa-
ment que son corps ne fût ni embaumé, ni
exposé.
La reine douairière de Portugal, Marie-Pie,
sœur du duc d'Aoste, ne pourra venir aux
funérailles, le voyage lui ayant été interdit
par les médecins. Elle sera représentée,
ainsi que le roi dom Carlos, par son fils, le
duc d'Oporto, frère du roi.
L'armée gardera le deuil pendant six se-
maines.
Dans toutes les villes, les drapeaux sont
en berne et les théâtres fermés. Les maires
publient des manifestes.
LA BANOUEDE FRANCE
ET
L'ACCAPAREMENT DES CUIVRES
Question ajournée et question brûlante.
— Actives démarches de la haute
banque.
Le Rappel, dont les informations politi-
ques sont toujours très sûres, a publié la
note suivante, puisée à une source certai-
nement autorisée :
Quelques journaux parlent, depuis quelques
jours, du renouvellement du monopole de la
Banque de Fran e et le représentent comme
devant être très prochainement dis uté.
Nous croyons pouvoir affirmer que cette
nouvelle est absolument prématurée: le mo-
nopole de la Banque de France expire, il est
vrai, en 1893, mais la question de son renou-
vellément n'a pas encore été soulevée.
C'est la confirmation de nos renseigne-
ments.
Il est donc bien vrai de dire que la ques-
tion brûlante n'est pas, pour le moment, le
renouvellement du privilège de la Banque
de France.
La question véritablement brûlante qui
se discute actuellement dans les coulisses
du pouvoir, c'est la question des poursuites
contre les anciens administrateurs du Comp-
toir d'escompte.
La situation est toujours celle que nous
avons dite"
Personne n'a jamais soutenu que la tran-
saction intervenue entre les membres du
conseil du Comptoir d'escompte et les ac-
tionnaires pût éteindre l'action correction-
nelle. -
Cette transaction, d'ailleurs, soit dit en
passant, n'a pas été aussi onéreuse qu'on
pouvait le croire et qu'on a bien voulu le
dire. S'il est vrai que M. Thomas, qui ne
compte pas les millions qui lui restent en
dépôt à la Banque de France, a versé dix
millions, par contre MM. Guillemard et
Vernes d'Arlandes, pour ne citer que ceux-
là, ont versé seulement 100,000 francs.
Mais, si l'on poursuit les administrateurs
du Comptoir d'escompte, il est impossible
de ne pas poursuivre les membres du con-
seil de la Société des métaux, ainsi que les
membres du syndicat d'accaparement, et il
est bien difficile de mettre hors ,de. cause
le8 banquiers qui ont fourni à ce syndicat
les moyens financiers d'exécution et qui, à
v regarder de près, ont, dans toute cette
affaire, la plus lourde part de responsa-
bilité.
Aussi les membres de la plus haute finan-
ce, comme les appelle le Matin, se livrent-
ils en ce moment aux plus actives démar-
ches pour que les poursuites annoncées
soient abandonnées.
Le juge d'instruction doit avoir une BoŒ--
velle entrevue avec le ministre de la jus-
ticé.
LES EMPLOYÉS DES TÉLÉPHONES
Une circulaire. — Diminution de traite-
ment. — Mécontentement général.
Les employés des téléphones sont fort
mécontents.
Une circulaire vient d'être communiquée
à tous les bureaux, faisant savoir aux em-
ployés qu'au lieu de 100 francs par mois, ils
ne seront plus payés, à partir du 1er jan-
vier, que 90 francs.
On comprend l'émotion soulevée dans le
personnel par cette nouvelle mesure.
Ils se plaignent, ces modestes employés,
d'être diminués au moment même où il y a
pour eux augmentation de travail; ils se
plaignent encore que l'Etat n'ait pas tenu
sa parole. En prenant possession des servi-
ces, il avait été formellement entendu, en
effet, que rien ne serait changé à ce qu'a-
vait fait l'ancienne société.
Il faut ajouter, enfin, que leur situation
n'a,pas encore été réglée d'une façon défin
nitive. Ils ne sont ni fonctionnaires ni em-
ployés de l'Etat, et ne savent sur quel pied
danser. >
D'un autre côté, on annonce que, désor-
mais, au lieu de passer quinze nuits par
mois, les employés n'en passeront que dix,
ce qui est encore une/diminution d'appoin-
tements, le service de nuit étant plus rétri-
bué, naturellement.
On parle d'une protestation générale dans
le monde des téléphones.
ÉLECTION D'UN CONSEILLER
GÉNÉRAL
Une élection au conseil général a eu lieu
hier à Mantes, en remplacement de M. Lebau-
dy, décédé.
M. Collet, républicain libéral, a été élu par
1,900 voix, sans concurrent.
A Pontoise
Une élection pour le conseil général a eu
lieu à Pontoise. M. Cornulet, républicain, a été
élu par 1,9A0 voix contre M. Hubbard, député
républicain, qui a eu 1,813 voix.
LA RÉUNION DE NEUILLY
ET LA PRESSE BOULANGISTE
L'ordre du jour. — Les mœurs du
grand monde. — Chers collègues.
Il était curieux de savoir comment serait
appréciée par la presse boulangiste la
réunion de Neuilly dont nous avons rendu
compte dans notre numéro d'hier.
Le comité national compte, en effet, parmi
ses membres, au moins deux israélites,
MM. Naquet et Elie May.
Cette réunion s'est terminée par Padoption
de l'ordre du jour suivant, présenté par
M. Drumont :
Les citoyens réunis à Neuilly, salle Gallice,
le 18 janvier 1890,
Proclament que la soeiété est en danger par
suite de la coalition financière juive et qu'il
ne peut- exister, dans un Etat, un ou deux
hommes possédant des milliards, tandis que
d'autres meurent de faim;
Proclament qu'il est temps enfin que la
Gaule revienne aux Gaulois et qu'il faut
sauver la Gaule de l'avidité de celui dont
Drumont a dit qu'il - était une caisse sans
excuse;
Qu'il faut sauver aussi la patrie française de
l'Allemand qui la guette dans la forme du juif;
qu'il faut enfin sauver la République menacée
par de nouveaux tyrans;
Acclament, pour arriver à ce but, tout d'a-
bord la candidature du citoyen Laur, l'ennemi
de Rothschild, le républicain, le socialiste.
L'Intransigeant vante, de confiance, l'élo-
quence des orateurs, notamment celle de
« l'auteur de la France juive, qui a fait, dit-il,
un tableau saisissant de la juiverie française
et adévoilé, aux applaudissements de tous,
les agissements indignes de cette bande
d'accapareurs qui a à sa tête le baron de
Rothschild ».
La Cocarde fait sien le compte rendu de
Y Intransigeant.
Le Petit National voit un danger dans la
réunion de Neuilly. Il rappelle que beau-
coup de juifs ont été ou sont boulangistes.
« Allons-nous donc nous amuser, dit-il, à
nous proscrire entre nous ? »
Le directeur du Pays, M. Lenglé,, ancien
député, déclare « que la puissance d'un
Rothschild est un danger sociâl, non parce
que ce manieur d'argent est un israélite,
mais parce qu'il est un des vampires du
travail, un des accapareurs de l'épargne,
une tyrannie choquante et menaçante au
milieu d'une société qui a soif de liberté,
d'égalité et de fraternité. » Mais il regrette
le caractère d'intolérance anti-sémitique
qu'à pris la réunion de Neuilly, et il con-
seille à son parti de calmer ses nerfs.
Bien qu'il s'agisse de la candidature de
: on collaborateur, M. Francis Laur, la
France ne souffle pas mot de la réunion.
La Presse dit que, « dans une importante
réunion organisée hier soir à Neuilly par
les comités révisionnistes de la circons-
cription, la candidature de son ami Francis
Laur a été acclamée par plus d'un millier
de citoyens ».
Mais la Presse ne dit pas que, si M. Laur
a été acclamé, MM. de Rothschild, en re-
vanche, ont été abominablement conspués
par l'assemblée et par leurs collègues du
Jockey-Club.
Il faut avouer que l'on a de singulières
mœurs dans le « grand monde », et l'on se
demande quelles têtes ont dû faire hier
soir MM. de Rothschild en rencontrant, dans
les salons du Jockey, leurs chers collègues
le marquis de Mores, le duc d'Uzès, le duc
de Luynes, le prince Poniatowski, etc., etc.
LA FIN DE LA CRISE ESPAGNOLE
Convalescence d'Alphonse XIII. — For-
mation du nouveau ministère.
(D'UN CORRESPONDANT)
Madrid, 19 janvier.
Le petit roi continue d'aller de mieux en
mieux.
Les pourparlers pour la formation d'un
cabinet de conciliation touchent à leur fin.
On considère comme certain que M. Alonso
Martinez prendra la présidence du conseil,
M. Maura les finances et M. Bosch les tra-
vaux publics, et que le cabinet sera com-
plété aujourd'hui.
CHRONIQUE
J'ai eu, ces jours derniers, l'un des plus
grands étonnements de ma vie. Il faut
que je vous conte cela, puisque, aussi,
bien l'histoire, bien que me concer-
nant seul offre un intérêt général.
Je collabore dans une revue hebdoma-
daire, qui est assez peu connue à Paris,
mais qui est fort répandue en province.
Tous les samedis, à propos d'un des gros
ou des menus événements de la semaine,
j'écris un article où je traite et résous
quelque point de morale ou de littéra-
ture. C'est une manière d'homélie , au
sens où l'on prenait le mot autrefois, une
causerie tout à la fois grave et familière
sur des sujets divers.
Comme la revue est lue d'un nombre
infini de maîtres d'école, d'universitai-
res, de femmes, de collégiens et même de
prêtres, je reçois, à chacun de ces articles,
un nombre considérable de lettres où
l'on discute avec moi les conclusion» où
je suis arrivé et les raisons qui m'y ont
conduit.
J'ai presque toujours le plaisir de voir
que je suis en communion d'idées avec
mes lecteurs, qui sont tous pris dans cette
grande et honnête masse de la petite
bourgeoisie française.
L'autre jour, c'était à propos de la pre-
mière représentation du Marchand de
Venise à l'Odéon, je pris pour thème de
ma causerie le discours que Shylock, dans
la pièce de Shakespeare, adresse à Bra-
bantio : Je constatai qu'il se produisait en
ce moment comme un regain de haine
contre le sémite, j'en marquai mon regret,
je prêchai la concorde, et j'exécutai des
variations plus ou moins brillantes sur le
mot de saint Paul : « Aimez-vous les uns
les autres; nous sommes tous fils du
même père. »
J'avoue que tout cela n'était pas bien
nouveau ; mais, je vous l'ai dit : ce sont
des homélies que j'écris pour cette revue,
qui a de préférence son expansion en
province. Je croyais de très bonne foi
avoir traité là un. lieu commun, qui n'a-
vait d'autre tort que d'être un peu vieux.
Ah bien oui ! Ce fut durant huit jours
sur mon bureau une avalanche de lettres,
les unes indignées et violentes, les autres
éplorées et douces. Les uns me disaient:
Combien avez-vous reçu des Juifs pour
prendre leur défense ? Les autres s'éton-
naient qu'un - homme à qui l'on se plai-
sait à reconnaître quelque peu de bon
sens eût fait preuve d'une telle aberration
d'esprit. Le plus grand nombre m'écri-
vait d'une plume qui semblait trempée
dans les larmes :
— Comment ! c'est vous, monsieur Sar-
cey, vous, avec qui nous aimions" tant à
causer, qui nous donnez le chagrin de
lire une apologie des Juifs. Mais, vous ne
savez donc pas que les Juifs.
Et c'était un débordement d'accusa-
tions refluant d'une page sur l'autre et
emplissant des lettres aussi longues que
des mémoires.
Les plus 'modérés me disaient :
•— Oui, j'ai peut-être tort d'en vouloir
aux Juifs; mais, c'est plus fort que moi:
je les hais. Votre article m'a inquiété; je
me suis interrogé moi-même ; j'ai cher-
ché les causes de mon aversion. Les
voici.
Et, d'un style calme et posé, ils repre-
naient les griefs que m'avaient déjà servis
les enragés sous une forme plus âpre.
J'allais de surprise en surprise, à me-
sure que j'ouvrais cette correspondance.
Non, je ne croyais pas les passions si
aigries, les esprits si montés. J'avais bien
cru remarquer, en effet, même dans la
haute bourgeoisie parisienne, et surtout
chez les femmes, des défiances plus ac-
cusées contre la race juive. Mais j'étais
rassuré par cet esprit de tolérance qui
est à Paris une des formes du scepticisme.
Je ne me doutais point de cette sourde
irritation ; et je la voyais là, sous mes
yeux, au moment où je m'y attendais le
moins, éclater en récriminations pas-
sionnées, en reproches furieux ou tendres,
en semonces ironiques.
Je ne pouvais me tromper à ces.symp-
tômes. Il n'y a pas de journal où l'on tâte
plus sûrement le pouls au vrai public que
dans la revue dont je parle.
— Eh quoi! me disais-je confus et dé-
solé, c'est là que nous en sommes ! et je
n'en savais rien! Nous avons moins de li-
béralisme dans l'esprit, nous sommes
moins tolérants qu'on n'était en 1828 et
en 18.40; nous avons depuis la Restaura-
tion reculé vers le fanatisme! Quelle mi-
sère !
J'avais d'abord répondu individuelle-
ment à ceux de mes correspondants qui
me paraissaient être capables encore d'é-
couter la raison, laissant là avec une sorte
de dégoût attristé les épileptiques. Mais
ils étaient trop nombreux ; je dus renon-
cer à les entretenir ainsi par lettres les
uns après les autres. De son côté, le di-
recteur de la revue était assailli de plain-
tes. Nous examinâmes ensemble la ques-
tion de savoir s'il faudrait revenir sur ce
thème, y insister et entrer en lutte avec
notre public. C'était la conduite la plus
chevaleresque assurément ; mais un scru-
pule nous arrêta : les inconvénients
étaient certains, évidents, les avantages
fort problématiques. Quand il y a un fort
courant d'opinion, on ne gagne rien à se
mettre en travers. Nous ne convaincrions
personne ; en revanche, nous surexcite-
rions encore les fanatismes, car on avive
une plaie douloureuse en y touchant.
Et comme, un matin, je dépouillais
cette correspondance, qui s'est poursuivie
sans interruption ni relâche durant une
dizaine de jours, mon ami Abraham
Dreyfus entra chez moi. Il venait me de-
mander un renseignement pour une con-
férence qu'il devait faire en Belgique.
Comme il appartient, au moins par son
origj.ae, ainsi que soft nom l'indique, à la
religion juive, il me parla de mon ar-
ticle, qu'il avait lu par aventure. Car c'est
un hasard de trouver un Parisien qui soit
au courant de ce magazine.
- Ce sont là, me dit-il, des vérités
qu'il est toujours bon d'exprimer un peu 1
partout; en France, par bonheur, elles
ont passé dans le sang. de la nation.
, Vous croyez ? lui demandai-je.
— Dame ! oui.
— Je le croyais comme vous, il y a
huit jours. Mais,tenez, faites-moi l'amitié
de parcourir ces lettres, et peut-être chan-
gerez-vous d'avis.
J'en avais déchiré beaucoup, ne gar-
dant que celles qui n'étaient pas absolu-
ment injurieuses. Je lui en remis une
demi-douzaine.
Il les lut; je n'oublierai jamais son air
navré. Ce n'étaient pas, en effet, des lettres
d'énergumènes ou de simples grincheux.
Ces correspondants, qui donnaient leur
nom et leur adresse, étaient (on pouvait
le reconnaître aisément au style) des
gens instruits, des philosophes même;,
habitués à s'analyser eux-mêmes et sa-
chant raisonner. La haine qui les ani-
mait n'en était que plus inquiétante,
pour s'exprimer avec une modération re-
lative. C'était une aversion réfléchie en
même temps qu'instinctive.
Les bras lui tombaient :
— Ainsi, me disait-il, on nous accuse
de n'être pas Français. Mais tous, nous
avons fait notre devoir en 1870, les uns:
sous les murs de Paris, lès autres dans les
armées improvisées par Gambetta. Mais
tous nos fils passent, avec les autres, sous
les drapeaux (et il me citait ceux qu'il y
connaissait); tous sont prêts à se battre,
si Je moment en vient; et si ce n'est pas
là être Français, qu'est-ce que c'est
donc?
Il me parla longtemps sur ce ton, d'une
voix très animée, avec une sorte de dé-
sespoir. Et moi, que pouvais-je lui
dire? Je trouvais toutes ces lettres si'
monstrueuses ! Et cependant il n'y avait
pas à dire ; elles étaient là ; elles partaient
de gens convaincus ; elles marquaient un
mouvement indéniable d'opinion.
J'avais cru que le pamphlet de M. Dru-
mont n'était qu'une manifestation isolée;
non, c'était le cri de la foule.
Je ne peux pas m'en remettre. Cela me
semble si absurde ! Cela nous présage des
lendemains si abominables !
Oh! que la tolérance est rare !
Francisque Sarcey.
Le XIxe SIÈCLE publiera demain 13
"Chronique », par M. Paul Ginisty.
CHEMINS DE FER
ÉCONOMIQUES :.
LEUR EXISTENCE PRÉCAIRE
Une nouvelle société. — Lille à Valen- •
ciennes, Orléans à Rouen, etc., etc.
— La loi du 11 juin 1880. — Lé-
galement pas de dividendes
possibles. - Violation de
la loi. -,
On parle depuis quelque temps, dans le
monde de la finance, de la prochaine créa-
tion d'une société, au capital de 50 millions.
pour la construction et l'exploitation des
chemins de fer économiques.
Des démarches auraient même été faites
auprès de nos principaux établissements de
crédit.
La nouvelle vaut la peine qu'on s'y ar-
rête.
Non pas que nous ayons l'intention de
rechercher quel peut bien être le but que
veut atteindre cette Société, mais pour étu-
dier sommairement quelles sont les con-
ditions actuelles qui régissent l'existence
de ces entreprises..
Equivoques dissipées
Dès le début, il nous faut dissiper une
équivoque volontaire qui peut tromper
beaucoup de monde.
En effet, sous quelque nom qu'on les
range ou qu'on les exploite : chemins de
fer économiques, chemins de fer départe-
mentaux, chemins de fer régionaux, ou da
ceci ou de cela, nous avons toujours affaira
aux chemins de fer d'intérêt local, auxquels
nous devons déjà les chemins de fer de
l'Hérault, de Lille à Valenciennes, du Nord-
Est, de Bordeaux à La Sauve, de Pons à
Royan, d'Orléans à Rouen, et tutti quanti,
dont l'épargne française a conservé le plus
néfaste souvenir.
Il s'agit bien des lignes d'intérêt secon-
daire dont les grandes Compagnies n'ont
pas voulu même dans leur troisième ré-
seau.
Sous leur dénomination nouvelle, le pu-
blie a oublié les leçons du passé. Aussi,..
n'est-ce pas sans un certain étonnement
qu'il se demande pourquoi, sur tant de.
compagnies qui ont été successivement
créées, si peu sont parvenues à survivre, et
encore dans quelles conditions !
Difficultés d'existence
Bien qu'elles soient d'ordre divers,, les
raisons en sont cependant faciles à dé-
duire.
D'abord, il faut compter sur la période
de temps considérable pendant laquelle le,,
capital des sociétés de chemins de fer se-j
condaires doit forcément rester improduc-l
tif. Car, si l'on payait des intérêts pendant
la période d'instance en concession et pen-
dant celle de construction, on arriverai
d'une manière certaine, au résultat obtenlt,
par la Compagnie de Panama, qui a dévora
le plus clair de son capital en payements dQ.
coupons, sans avoir réussi à mener à bien:
son entreprise.
On estime, en effet, qu'il faut un mini-
mum de trois ans, si l'on ne rencontre pas'
d'anicroches, pour remplir les nombreuses
formalités qui doivent conduire à l'obten-
tion de la concession. Trois autres années
sont encore nécessaires pour que la lignes
soit achevée d'être construite. Et encore ne;
calculons-nous pas, dans cette appréciation.!
tous les retards fréquemment apportés paçi
les départements dans la remise de terv
rains nécessaires au passage de la voie, cac j
alors on devrait prolonger la période de
construction pendant un temps beaucoup
, plus Ions et presque sans limite,
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