Ihx-septième année — N° 5453 Prix du limnérG : Paris e Départements: 15 centimes Mercredi 48 décembre 1886
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JOURNAL RÉPUBLICAIN
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dresser au Secrétaire de la Rédaction
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A.-EDOUARD PORTALIS
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RÉGISSEURS D'AJSTXOWcrw-
MM. LAGRANGE; CERF ET CUI
'h 6, place de la, Bourse, 6 ,
BULLETIN
La Chambre des députés a voté, hier, le
crédit des deux douzièmes, chiffré à. 665
millions par la commission du budget. La
majorité a été de 528 voix contre 12, c'est-
à-dire que toute la Droite en a fait partie,
malgré un discours de M. de Baudry-d'As-
son, contre qui, d'ailleurs, ses collègues
monarchistes ont protesté. L'événement de
la journée a été une sorte d'interpellation
sur la politique du nouveau cabinet, que
M. Clémenceau a introduite au cours de la
discussion du crédit. La réponse de M. le
président du conseil a été applaudie sur
tous les bancs républicains.
Au Sénat, on a terminé la première dé-
libération sur le projet de loi portant re-
vision de la loi sur les aliénés. Deux au-
tres courts débats ont rempli le reste de
la séance. Le Sénat doit se réunir aujour-
d'hui pour recevoir le projet de loi sur les
douzièmes. Dans une réunion des bureaux
des trois Gauches sénatoriales qui s'est
tenue hier matin, l'opinion a été exprimée
que le Sénat devait se ménager le temps
d'un examen conforme à son vote cons-
titutionnel. Il semble certain que le projet
de loi, qui sera sans doute voté aussi una-
nimement qu'à la Chambre, y donnera
lieu, dé même, à d'importantes observa-
tions de politique générale.
On verra par nos dépêches que les affai-
res de Bulgarie semblent en voie d'amé-
lioration.
INFORMATIONS P ARTICDLIRRES
Au ministère des affaires étrangères
M. Flourens a pris possession, hier matin,
des services du département des affaires
étrangères. Il a reçu ensuite les divers direc-
teurs du ministère et s'est entretenu assez
longuement avec M. Francis Charmes, direc-
teur des affaires politiques.
Au ministère de l'intérieur
M. Jules Henry, conseiller de préfecture de
la Somme, est nommé chef du secrétariat
particulier du ministre de l'intérieur et des
cultes.
Au ministère de l'instruction publique
M. Georges Lion, agrégé de philosophie,
professeur de philosophie au lycée Henri-IV,
est nommé chef de cabinet de M. Berthelot,
ministre de l'instruction publique.
Le traité de commerce franco-italien
M. Salis, député de l'Hérault, vient d'écrire
à M. E. Lockroy pour l'informer qu'il lui
adressera une question au sujet du traité de
commerce franco-italien. Entré en vigueur
le 9 février 1882, ce traité, quoique exécu-
toire jusqu'au 1er février 1892, peu cesser ses
effets le 1er janvier 1888; mais il faut, pour
cela, qu'il ait été dénoncé douze mois à l'a-
vance. Il n'y a donc pas de temps à perdre,
puisque le délai fixé expirera le 31 décembre
de l'année courante. Nombre de produits
français sont frappés, à leur entrée en Italie,
de droits plus élevés que ceux ,qui atteignent
les produits italiens quand ils pénètrent en
France.
Par exemple, les vins français sont taxés
4 fr., les italiens, 3 fr. ; or, la récolte de vins
d'Italie s'élevant, cette année, à 35 millions
d'hectolitres, est une menace pour notre vi-
ticulture française par l'avantage que donne
à nos concurrents l'inégalité des droits de
douane. M. Salis signalera cette situation à
M. le ministre du commerce et demandera la
résiliation du traité franco-italien avant le
1er janvier 1887.
LA SÉANCE D'HIER
« Le cabinet est-il viable?» se deman-
daient, hier matin, beaucoup d'hommes
politiques, et plus d'un, parmi eux, était
prêt à déclarer que la séance de la
Chambre lui serait fatale. Tout au con-
traire, la séance lui a été bonne. Non
seulement les douzièmes provisoires
ont été votés, mais le vote a été précédé
d'explications assez nettes pour qu'au-
cun doute ne puisse subsister.
La quasi-unanimité avec laquelle le
vote a été rendu enlève au scrutin la
plus grande partie de sa valeur politi-
que. Personne, pas plus à droite qu'ail-
leurs, n'a voulu prendre la responsabilité
du désordre dans lequel le refus d'une
loi de finances provisoire aurait jeté le
pays. La Droite n'a pas voulu écouter
ceux qui lui criaient : « Principes et in-
térêts, c'est de la bêtise ! Le seul prin-
cipe, c'est d'affirmer votre opposition en
toute circonstance. » Elle a voté les
douzièmes et nous l'en félicitons ; mais
elle n'a pas fait l'appoint de la majorité :
elle ne peut pas se vanter, comme dans
d'autres circonstances, d'avoir sauvé le
cabinet, et nous félicitons vivement les
républicains de ne pas lui avoir donné
cette occasion de jouer a la Providence.
Si le vote lui-même, par les conditions
dans lesquelles il a été rendu n'a pas le
caractère politique qu'on lui avait attri-
bué par avance, ce caractère appartient
au plus haut degré aux explications qui
l'avaient précédé et qui ont été échan-
gées entre l'Extrême-Gauche et le gou-
vernement. Deux tendances se sont
manifestées à l'extrême-gauche. Tout
d'abord M. Hubbard, reprenant la thèse
soutenue à la dernière séance par M.
Freppel, et continuant la'coalition des
groupes extrêmes , a proposé que la
Chambre poursuivît jusqu'au dernier
moment la discussion du budget et
réservât le vote des douzièmes provi-
soires comme une suprême éventualité.
Mais le jeune député de Seine-et-
Oise a été désavoué par M. Clémenceau,
qui, transportant le débat du terrain
financier sur le terrain politique, a mis
le gouvernement en demeure de déve-
lopper le programme indiqué dans sa
déclaration et de faire connaître l'orien-
tation générale qu'il se propose de
donner à la politique. Il n'y a pas de
majorité au centre, a dit en substance
M. Clémenceau; il vous faut donc cher-
cher ailleurs l'appoint avec le concours
duquel vous gouvernerez. Cet appoint,
le chercherez-vous à droite ou ferez-
vous appel à la fraction radicale du parti
républicain? Et M. Clémenceau, écar-
tant de lui-même l'hypothèse d'un gou-
vernement appuyé sur la Droite, indi-
quait les conditions que les radicaux
mettaient à leur concours en réclamant
des réformes immédiates, dont la pre-
mière devait être, à son sens, la rup-
ture des liens qui rattachent les Egli-
ses à l'Etat, et en demandant au prési-
dent du conseil l'engagement de ne pas
recourir à la dissolution.
La réponse de M. Goblet a montré,
une fois de plus, qu'il restait constant
avec lui-même, et que, chez lui, la fer-
meté des convictions et la vue nette du
but à atteindre savaient s'allier avec la
patience nécessaire pour obtenir les ré-
sultats souhaités. Sans rien renier de ses
tendances réformatrices et libérales, il a
très clairement exposé les difficultés que
rencontrait dans la pratique la réforme
considérée par M. Clémenceau comme
toute simple. La séparation des Eglises
et de l'Etat est la solution vers laquelle
on doit tendre, qu'il faut préparer ;
mais elle ne peut être réalisée immé-
diatement. Avant de la prononcer, il y
a des mesures à prendre afin d'assurer
le respect et l'indépendance des con-
sciences ; il faut surtout que cette me-
sure ait apparu au pays sous son aspect
véritablement libéral, et qu'il s'y soit
formé une majorité solide pour la de-
mander.
Mais si cette réforme rencontre en-
core des résistances, combien d'autres
peuvent être réalisées, comme les ré-
formes fiscales et administratives, com-
me les lois militaires et* industrielles
que le cabinet a inscrites sur son pro-
gramme. Dira-t-on que de telles réfor-
mes sont insignifiantes? Un cabinet qui
s'attachera à les effectuer pourra-t-il
être accusé de stationner ou de piéti-
ner sur place ? Sera-t-il un cabinet d'ât-
tente ou ne méritera-t-il pas bien plu-
tôt le nom de réformateur, que s'il cher-
che à entreprendre des changements
auxquels le pays n'est pas suffisamment
préparé et qui, accomplis à la hâte,
peuvent égarer l'opinion publique ?
Réformateur et libéral, tel se présente
le cabinet actuel, et, pour l'accomplis-
sement de ces réformes, la majorité
sur laquelle il doit compter ne peut se
trouver que dans les rangs des républi-
cains. M. Goblet le montrait hier lors-
que, retraçant à grands traits l'histoire
de ces dix dernières années, il établis-
sait qu'il n'était pas une des réformes
libérales accomplies depuis ce temps :
liberté de la presse, liberté de réunion,
libre pratique du suffrage universel,
dont la monarchie pût s'accommoder
un seul jour. Le rôle des Droites est
donc tout naturellement de s'opposer à
ce que d'autres progrès succèdent à ces
progrès, à ce que les générations nou-
velles, affranchies des entraves que
leurs devancières ont portées, marchent
d'un pas plus ferme vers de nouvelles
conquêtes. Mais le rôle de tous les ré-
publicains n'est pas moins nettement
indiqué ; il doit être d'aider le gouver-
nement dans les efforts qu'il fait pour
continuer dans la voie suivie jusqu'ici,
et de ne pas compromettre les résultats
déjà obtenus, par une hâte trop grande
à exiger des réformes qui risqueraient
d'être mal interprétées.
Les applaudissements qui ont éclaté
sur tous les bancs de la majorité répu-
blicaine ont montré que le langage,
aussi prudent, aussi politique que libé-
ral du président du conseil, était com-
pris de tout le monde. Il ne s'est trouvé
personne qui jugeât insuffisantes les ex-
plications que le président du conseil
venait de donner avec une franchise
complète et une loyauté à laquelle il
faut rendre hommage.
En résumé, l'impression de la séance
est excellente pour le ministère. S'il n'a
pas conquis irrévocablement l'Extrême-
Gauehe, il ne s'est pas produit entre lui
et la fraction radicale la scission que
l'on pouvait redouter. Au lieu de la rup-
ture qui semblait imminente, cette frac-
tion a pris une attitude expectante ; elle
a accordé au cabinet le crédit de quel-
ques semaines qu'il demandait, et cette
attente, loin de paraître hostile, semble,
au contraire, devoir être bienveillante.
La journée d'hier a fait disparaître les
doutes que l'on avait pu concevoir sur
la vitalité du cabinet. Celui-ci a fait
preuve de vigueur ; il s'est affirmé
comme un gouvernement qui sait ce
qu'il veut et qui ne craint pas de le
dire. L'épreuve qu'il avait à traverser
était périlleuse; il en est sorti à son
honneur.
La commission de l'armée, estimant
sans doute qu'elle avait fait bonne et
prompte besogne, depuis six mois que le
projet de loi militaire organique lui a été
soumis, vient de décider, paraît-il, qu'elle
trouve préférable de désarticuler l'œuvre
du ministre de la guerre. Si les comptes
rendus qui ont été publiés sont exacts, son
intention serait de réserver deux des
membres de ce tout si laborieusement
assemblé, et d'en soumettre tout de suite
deux autres à l'examen de la Chambre. En
agissant ainsi, la commission n'a point
remarqué sans doute que, du même coup,
elle décapite le projet ministériel; elle n'a
point réfléchi qu'après une opération aussi
maladroite, l'avortement est inévitable;
elle ne s'est point souvenue qu'elle suc-
cède à une commission qui, pour avoir
procédé de même, en était arrivée à un
aveu complet d'impuissance.
Que s'est-il passé, en effet, sous la pré-
cédente législature? Une commission de
vingt-deux membres avait été instituée
pour étudier la réforme du recrutement,
du rengagement et de l'avancement, ainsi
que la revision de la loi sur les cadres et
sur les effectifs. Après une année de tra-
vail, elle présenta son projet, de recrute-
ment ; c'était en 1883. Ce projet fut l'objet
d'une première délibération devant les dé-
putés, en 1884. La seconde lecture ne vint
qu'en 1885. La loi qui en sortit fut en-
voyée au Sénat, où une nouvelle commis-
sion fut nommée. Celle-ci était notoire-
ment hostile, et le projet, que la Chambre
avait enfanté après quatre ans d'un péni-
ble travail, sommeillait dans les cartons
de la commission sénatoriale, quand un
nouveau ministre de la guerre vint pré-
senter de nouvelles dispositions.
Eh bien, il en sera tout à fait de même
pour le produit des longues discussions de
la commission de l'armée instituée en
juin dernier. On aurait pu espérer que,
contenant un plus grand nombre de mem-
bres, puisqu'elle en compte trente-trois,
elle aurait fait preuve de plus de sagesse
dans ses décisions et de plus d'habileté
dans la conduite de ses études préparatoi-
res. Rien ne s'opposait, par exemple, à ce
qu'elle fît comme la commission du bud-
get, qui ne pourrait certainement aboutir
si elle ne se fractionnait pas en sous-com-
missions. Elle aurait ainsi travaillé quatre
fois plus vite, et il est assez probable
qu'en ce moment elle pourrait nous don-
ner une œuvre d'ensemble répondant à
celle du ministre de la guerre. Mais elle a
préféré tenir des séances plénières. A la
rigueur, cette méthode pourrait encore se
justifier par la production d'une œuvre
complète. Mais la commission ne pousse
pas aussi loin le respect de la saine logi-
que, et ce qu'elle propose aujourd'hui c'est
la dislocation du projet ministériel, projet
qui lui a été présenté avec un exposé des
motifs où il était dit en substance que la
réforme des institutions militaires n'est
admissible et ne peut avoir de résultats
féconds que si elle se fait dans des condi-
tions absolues d'homogénéité. -
Nous estimons que le ministre de la
guerre doit s'opposer énergiquement à la
mise en vigueur du vote émis par la com-
mission, et, en cela, il aura l'appui de
l'opinion publique ainsi que de toute la
presse, qui ne peuvent admettre ces len-
teurs, ces indécisions, ces atermoiements.
Il faut absolument aboutir.
Si le souvenir du passé que nous avons
invoqué ne suffit pas pour détourner la
commission de l'impasse où elle s'est en-
gagée, nous nous permettrons d'appuyer
nos exhortations par l'exemple de ce que
fait en ce moment la commission du
Reichstag allemand devant le projet du
gouvernement impérial. Il s'agit pourtant,
ici, d'une loi qui tend à augmenter l'effec-
tif de 10 pour 100, et les dépenses militai-
res de 12 pour 100. En quatre séances, la
commission appelée à examiner ce projet
l'a étudié, en présence du ministre de la
guerre et de ses délégués. Le rapport va
être fait. La loi sera discutée dans cinq ou
six jours, et, avant la Noël, comme l'a de-
mandé le maréchal de Moltke, le Reichstag
aura porté l'effectif de l'armée allemande
de 427,000 à 468,000 hommes, et les dé-
penses, de 470,000,000 à 529,000,000 de
francs.
Tout sera prêt, ainsi que le désire le
chef du grand état-major de Berlin, pour
le 1er avril, c'est-à-dire, suivant son expres-
sion, pour l'ouverture de « l'année de la
mobilisation. »
Et nous, où en serons-nous à cette
date ?
LA VIE DE PARIS
Le désir de donner au public des in-
formations quand même, de devancer
en toutes choses les événements, est un
désir très ordinaire au journalisme d'au-
jourd'hui. Il ne va pas sans quelques
inconvénients. Les nouvelles sans con-
trôle sont souvent des nouvelles inexac-
tes, et les appréciations ou les critiques
hâtives gagneraient souvent à un peu
de réflexion. Mais tout ce qu'on peut
faire, c'est de ne pas aller trop loin
dans la voie nouvelle, ni trop vite. Car
il faut bien marcher avec les habitudes
de son temps, se plier à ses modes, et,
comme on dit, « être dans le train ».
Je pensais cependant jusqu'ici qu'entre
les administrations de théâtre et la
presse il existait une sorte de conven-
tion tacite, d'après laquelle les journa-
listes invités aux répétitions des grandes
pièces se trouvaient engagés à ne pas
rejidre compte de leurs impressions
avant que la première représentation
ait eu lieu. Il semble, en effet, que,
même en louant une œuvre, on lui fait
quelque tort, si on prive les specta-
teurs du premier soir du plaisir qu'ils
peuvent trouver à la surprise. Il paraît
que je me trompais, car, hier matin,
dans un journal du boulevard, je lis un
immense compte rendu de Patrie! d'a-
près la répétition générale à huis clos,
— un huis clos où nous étions pas mal
de gens, — qui a eu lieu dimanche.
Ceci m'autorise à dire un mot de l'opéra
qui est la grande curiosité du jour. Mais
je me contenterai de parler du libretto
et de la mise en scène, réservant pour
plus tard mon jugement sur les chan-
teurs et la partition. Car je ne pense
pas qu'on puisse juger encore les ac-
teurs, qui ont chanté par moments à
demi-voix ; et quant à la partition, qui
égale en volume celle des Huguenots,
j'avoue que je ne suis pas fâché de l'en-
tendre au moins deux fois avant de me
prononcer sur ses mérites, même en
simple amateur qui donne son impres-
sion et qui se moque assez qu'un air qui
lui plaît soit écrit en ut ou en fa.
Les chanteurs, dimanche, se sont mé-
nagés. Pas assez, paraît-il; car voilà
que hier soir, à cinq heures, on a appris,
non sans un vif dépit, que la répétition
générale payante qui devait avoir lieu
au profit des inondés du Midi ne pou-
vait être donnée. M. Lassalle est aphone
et M. Melchissedec, qui eût pu le sup-
pléer, a le gosier également avarié.
C'est bien insupportable pour tout le
monde ! JJne représentation de gala,
comme était celle-ci, ne va pas sans
certains préparatifs pour ceux qui doi-
vent y prendre part. On refuse les dî-
ners en ville. Les femmes ont leurs toi-
lettes prêtes et le coiffeur commandé.
Un retard, à la dernière heure, devient
parfois un empêchement définitif. Pour
le théâtre encore, c'est une soirée per-
due, et cela se chiffre fort haut quand
il s'agit de l'Opéra. La surprise et la
mauvaise humeur se mettant de la par-
tie, on n'a pas voulu croire à un simple
accident. On a cherché toutes sortes
d'explications un peu saugrenues au re-
tard qui nous contrariait. Il faut cepen-
dant, je crois, s'en tenir à la version
officielle, et s'en prendre aux intempé-
ries de la saison. Il serait trop fâcheux
d'avoir à supposer qu'autre chose qu'un
cas de force majeure pût ajourner une
représentation de charité..
Attendons donc avec patience l'heure
où nous verrons Patrie ! en rendant à
l'Opéra cette justice que, sauf l'accroc
final, qui n'est de la faute de personne,
tout a été prêt à l'heure dite. Et ce n'est
pas une petite affaire, je vous le jure,
car la mise en scène est superbe et les
tableaux presque aussi nombreux que
dans le drame.
M. L. Gallet, le collaborateur de M.
Sardou, a simplement versifié les scènes,
qui, à peu de chose près, se déroulent
comme dans l'œuvre en prose. Le pre-
mier acte (décor de M. Poisson), se
passe au marché de la Vieille-Boucherie,
à Bruxelles, par un temps de neige.
L'effet en est admirable. Le second acte
a deux tableaux, de MM. Robecchi et
Amable. L'un représente l'intérieur, un
peu nu, du comte de Rysoor ; l'autre,
la grande salle du palais ducal. Dans
une architecture superbe, se déroulent
le bal et le ballet. Ce ballet est un ballet
mythologique à la mode d'autrefois,
avec une immense machine amenant
jusque dans la salle de danse un navire
pavoisé où prennent place les danseu-
ses, portant les costumes des peuples
soumis à la domination Espagnole: Na-
politains, Siciliens, Indiens, Africains,
Flamands. Après le ballet mythologique,
la Pavane, qui a obtenu un grand
succès, ainsi que le madrigal chanté
par ce charmant marquis de la Tré-
moïlle, dont la fantaisie est le sourire
du drame sombre :
Si maître Ronsard, qui parle
Aux déesses comme aux dieux,
Avait vu chez le roi Charle
Autant d'astres radieux ;
S'il avait, sur son Parnasse,
De tant de charme et de grâce,
Vu la fraîche floraison,
Saisi d'un transport sublime,
Il en eût perdu la rime
Comme j'en perds la raison.
C'est dans ce bal que Karloo défend
la fille du duc d'Albe, malmenée par les
Flamands, bons patriotes, mais pas
hommes du monde. Pour concentrer
l'action, M. Sardou a été obligé, d'ail-
leurs, de faire intervenir encore Dona
Rafaële dans la scène de l'Hôtel de Ville,
où elle n'a que faire. Mais l'Opéra vit de
conventions autrement fortes que celles
qu'exige le drame, et il a fallu en passer
par là. Peu d'hommes, je dois l'ajouter,
eussent si adroitement « arrangé » M.
Sardou que M. Sardou lui-même !
Le tableau des Portes de la ville est
supprimé. Mais l'acte troisième, comme
le drame, nous conduit dans le cabinet
le drame, d'Albe (décor de MM. Rubé,
du duc
Chapron et Jambon). C'est là que Do-
lorès vient trahir son mari et perdre, en
même temps, Karloo. Le quatrième acte
(décor de Lavastre) se passe dans le
beffroi de l'hôtel de ville, et le dernier,
après une grande scène chez Rysoor,
termine l'œuvre par un spectacle su-
perbe (décor de M. Poisson), l'auto-da-
fé sur la grande place.
A l'exactitude et au pittoresque des
décors, il faut ajouter la richesse des
costumes, tous copiés sur. les estampes
et les tableaux du temps. J'aurais pres-
que envie, s'il fallait critiquer un peu,
de blâmer le respect trop strict qu'on
garde maintenant aux documents. Ici,
comme en tout, « Rien de trop » est
ma devise ! Ainsi, il y a certains reîtres
de l'armée espagnole dont le costume,
parfaitement exact, — on peut s'en fier
à M. Sardou, — a quelque détail un peu
disgracieux, un chapeau, par exemple,
qui affecte une forme de tourte ou de
plat monté. Je ne chercherais pas à sa-
crifier la vérité au goût, dussé-je com-
mettre une erreur semblable à celle qui
consisterait, dans un ou deux siècles, à
mettre un chapeau de hussard sur un
uniforme de dragon. Mais, en bloc, la
restitution est des plus intéressantes.
L'époque revit avec ses grâces, ses ter-
reurs et ses étrangetés. Et ce n'est pas
peu de chose que cet art du décor, du
costume, de l'arrangement des groupes,
du tableau vivant, qui égale en beauté,
souvent, les compositions les mieux or-
données des maîtres. Cet art, il faut en
rendre justice à nos hommes de théâ-
tre, est aujourd'hui porté au plus haut
point, et c'est déjà quelque chose de
pouvoir être assuré d'un tel plaisir pour
les yeux.
Je pense que lorsque les acteurs
chanteront Patrie! sans se ménager,
ils produiront un grand effet. Mme
Krauss a trouvé là un de ces rôles dra-
matiques qui lui sont nécessaires pour
faire valoir ses merveilleuses qualités
et dissimuler ce que le temps a pu en
altérer. MM. Lassalle et de Reszké ont,
dans Patrie ! — Rysoor et le duc d'Albe
— des créations superbes. Je ne dis
rien du ténor, M. Duc, qui lance des
notes éclatantes. Peut-être aura-t-il, par
quelque miracle, atténué pour la pre-
mière représentation sa lourdeur d'al-
lures. Quant à la partition, sans y insis-
ter, on peut affirmer qu'elle est très
réussie dans toute la partie de genre
aimable et que, pour la partie dramati-
que, elle témoigne djun grand effort
qui n'est pas sans arriver souvent à
l'effet. Nous en jugerons mieux dans
quelques jours, si les chanteurs veulent
bien se guérir !
tÏEÎIRY FOUQUIER.
LE PARLEMENT
SÉANCE DE LA CHAMBRE
- r
Les douzièmes provisoires. — La question po-
litique. — Discours de MM. Clémenceau et
Goblet.
Quel augure affirmait que le ministère Go-
blet n'était pas né viable, qu'il en avait pour
vingt-quatre heures, pour trois jours tout au
plus ? 1
Hier, 11 a obtenu 528 voix contre 12. Il me
semble que c'est là un succès d'estime qui
n'est pas de nature à décourager les membres
du nouveau cabinet.
La séance a été divisée en deux parties dis-
tinctes. Au début, on a expédié, comme à
l'ordinaire-, divers projets de loi d'intérêt lo-
cal, entre autres un projet du général Bou-
langer, amendé pour la seconde fois par le
Sénat, relatif à la proportion des récompen-
ses honorifiques à accorder aux militaires
faisant partie de l'armée territoriale (person-
nel non soldé) et ie la réserve de l'armée
active.
Puis, M. Dauphin, ministre des' finances, a
déposé sur le bureau de la Chambre un pro-
jet de loi portant : 1° ouverture, sur l'exercice
1887, de crédits provisoires applicables aux
mois de janvier et février 1887 ; 2° autorisa-
tion de percevoir pendant les mêmes mois les
Impôts et revenus publics conformément aux
lois existantes.
Il a demandé l'urgence pour ce projet. M.
Baudry d'Asson, un irrégulier de la Droite,
est monté à la tribune pour combattre l'ur-
gence.
Vous devez connaître M. Baudry d'Asson.
Corps grêle, tête légère, barbe de sapeur
légèrement grisonnante, le député de la
Vendée, descendant des Croisés on ne sait
par quelle ligne, ne sait pas même lire. Du
moins on ne le dirait pas en l'entendant bal-
butier le discours écrit qu'il a sous les
yeux et dans lequel il s'empêtre comme une
anguille dans la nasse. Il s'efforce d'être in-
solent. Cela sied si bien à un gentilhomme
de si haute race ! Admirez ce langage acadé-
mique :
La présence de M. Goblet à la tête du nouveau
ministère me paraît antiparlementaire (Exclama-
tions et rires a gauche) ; elle me semble, de plus,
une provocation à toutes les fractions de cette
Assemblée. (B:uit.)
La majorité, en effet, a vu sombrer le précé-
dent cabinet sur la question de la suppression
des sous-préfectures. Ce n'était pas une question
de principe. Du moment que ce cabinet, qui s'est
jeté lui-même à l'eau (On rit.), ne voulait pas
être l'objet d'un sauvetage. il n'y avait qu'à le
laisser se noyer et à disposer immédiatement de
sa succession.
Et, prenant à partie M. Floquet, l'homme
qui voulait donner les républicains en pâtée
à ses chiens ajoute sans transition :
Notre honorable président, — ce n'est un mys-
tère pour personne, — avait courageusement ac-
cepté d'en assurer la liquidation.
A quoi M. Floquet répond en souriant :
Monsieur Baudry-d'Asson, je vous prie de par-
ler en votre nom et de ne pas me brouiller avec le
ministère. (Vifs applaudissements et rires.)
Et M. Baudry-d'Asson s'abandonne, dès ce
moment, à toute espèce de divagations, au
milieu de la gaieté générale. Il conclut en
demandant à la Chambre de repousser les
douzièmes provisoires.
La Droite, dont cet enfant terrible dérange
tous les plans, et qu'il compromet sans qu'il
puisse en résulter pour elle le moindre avan-
tage, le désavoue publiquement par l'organe
de M. de Mackau.
Comme Intermède, le gouvernement dé-
Dose deux Droiets de loi :
Le premier, tendant à l'autoriser à approu-
ver par décret les prorogations de surtaxe
d'octroi ;
Un second, portant ouverture d'un crédit de
105,000 francs destiné à compléter le traite-
ment des préfets pour l'exercice 1886.
> Et comme la commission du budget a be-
soin d'examiner ces demandes dé crédit et de
faire un rapport général, la séance est sus-
pendue jusqu'à quatre heures.
A la reprise, M. Wilson lit le rapport de la
commission, fixant à 665 millions les chiffres
des deux douzièmes nécessaires au fonction-
nement des services publics pendant les mois
de janvier et février 1887.
La commission du budget, d'accord avec le
gouvernement, demande la discussion immé-
diate.
M. Hubbard déclare qu'il votera contre le
projet, parce que la Chambre aurait le temps
de continuer la discussion du budget, sauf à
voter les douzièmes provisoires dans les der-
niers jours de l'année. <:./
Il ne sert à rien, dit-il, d'ajourner les crises
ministérielles ; la Chambre ne peut pas ac-
cepter la politique d'inertie et d'inaction re-
présentée par le cabinet actuel. Il faut opter,
une fois pour toutes, entre la politique de la
Chambre précédente, la politique coloniale
de M. Jules Ferry et la politique de la majo-
rité actuelle, la politique de réparation.
Ce discours, débité avec volubilité, laisse la
majorité absolument indifférente. On attend
M. Clémenceau. Il a fait annoncer qu'il comp-
tait prendre la parole. Que dira-t-il ? On se
le demande avec une certaine anxiété. Cha-
cun le sent, l'intérêt de la séance sera tout
entier dans son attitude vis-à-vis du ministère
et dans ses déclarations.
Le chef de l'Extrême-Gauche gravit leste-
ment les degrés de la tribune. Il atttend un
moment que le calme se rétablisse. Puis,
d'une voix nette, mais plus voilée qu'à l'or-
dinaire, il commence par déclarer qu'il ne
suivra pas son collègue M. Hubbard, que la
question des douzièmes provisoires est pri-
mée par la question politique, qu'il s'agit
avant tout d'examiner dans quelle situation
se trouve le parti républicain.
Nous étions hier, dit-il, nous sommes aujour-
d'hui en état de crise. On n'a pas pu dégager de
la représentation nationale une majorité de gou-
vernement. Que ce soit la faute du Gouverne-
ment ou de tel groupe républicain, c'est une
question qu'il n'importe guère d'examiner à cette
heure.
Oui, je prétends que le gouvernement a été
renversé le jour où la majorité a renvoyé en bloc
le budget tout entier à la commission du budget,
en l'invitant à équilibrer le budget avec des éco-
nomies, sans emprunt et sans impôts, ainsi que
cela résultait des déclarations primitives du gou-
vernement.
En effet, si je relis la déclaration de M. de Frey-
cinet, déclaration qui avait été accueillie par des
applaudissements unanimes, j'y vois que M. de
Freycinet reconnaît que le pays a manifesté sa
volonté d'avoir des finances à l'abri de toute cri-
tique, et il promet aux Chambres que le budget
sera équilibré sans emprunt et sans impôts nou-
veaux.
mtscli programme, c'était le vôtre. Vous aviez
fait sur ce point des promesses de réformes
immédiates, et le gouvernement, acceptant cette
partie de votre programme, l'avait faite sienne.
Il avait dit à son tour : « Ni emprunt ni impôts. »
Eh bien, vous savez ce qui est arrivée La com-
mission du budget a examiné le budget et vous
a apporté le résultat de ses travaux.
Pour le dire en passant, il y aurait certainement
une réforme à faire dans la constitution de la
commission du budget, mais je ne veux pas exa-
miner cette question en ce moment.
Ce n'est pas sans tiraillements que la commis-
sion est arrivée à vous présenter son rapport.
Elle a longtemps délibéré et discuté. Ce que je
tiens à dire, c'est que si elle n'a pas réalisé des
économies plus considérables, c'est par excès
d'esprit gouvernemental, c'est par crainte de
faire naître un conflit dans cette Chambre.
Et alors qu'est-il arrivé ? Il est arrivé que la
Chambre s'est trouvée deux fois déçue ; déçue
par le gouvernement, déçue par la commission,
qui tous deux lui apportaient un budget s'équi-
brant au moyen de l'emprunt et de l'impôt.
Dans ces circonstances, la Chambre a ré-
solu de faire elle-même ce que ni le gouver-
nement ni la commission n'avaient voulu
faire.
Elle a pris ainsi une initiative gouverne-
mentale, et ainsi s'est trouvée constituée une
majorité de gouvernement contre le gouver-
nement lui-même.
Toutes les réformes, celles mêmes qui
étaient le plus subversives du budget du
gouvernement ont été proposées par des ré-
publicains modérés, M. Fernand Faure, par
exemple, et elles ont été votées par la majo-
rité des républicains.
La plupart des votes ont été de 400 à 420
voix. C'est par là que le gouvernement a été
renversé.
La question des sous-préfets n'a été qu'un
incident particulier.
Le ministère actuel veut-il suivre la Cham-
bre dans la voie des réformes où elle est en-
trée ? Personne n'en sait rien. M. le président
du conseil, n'ayant voulu prendre aucun en-
gagement, osera-t-il tenter de grouper les di-
verses fractions républicaines ?
M. Clémenceau examine de quels éléments
le gouvernement peut constituer sa majorité.
Il peut la composer de républicains décidés
aux réformes et à l'action. Il peut la deman-
der au Centre uni à la Droite républicaine
conduite par M. Raoul Duval. Le gouverne-
ment ne voudra pas prendre ce dernier parti.
Il ne peut exister qu'avec le concours de
l'Extrême-Gauche.
C'est à lui de choisir. L'Extrême-Gauche
offre son concours au gouvernement, à con-
dition qu'il entre dans la voie des réformes
indispensables.
M. Clémenceau affirme qu'il y a réellement
une majorité à la Chambre sur la séparation
de l'Eglise et de l'Etat. Le jour où un gouver-
nement prendra en mains la séparation de
l'Eglise et de l'Etat, il est sûr de réunir une
majorité.
L'orateur envisage ensuite l'hypothèse de
la dissolution. Il la considère comme très
dangereuse pour les républicains, parce qu'ils
se présenteraient divisés aux électeurs. En
outre, la situation est très grave à l'extérieur ;
il serait criminel de mettre la France dans un
pareil désordre en présence de ses ennemis.
L'union doit se faire, mais elle ne le peut que
sur une politique de réformes.
M. Goblet, président du conseil, n'a voulu
laisser à aucun de ses collègues le soin de
répondre au précédent orateur. Le débat
ayant pris un caractère politique, il se sent
obligé de prendre la parole. Il le fait avec la
netteté et la franchise qui le caractérisent. Il
est dans ses bons jours. Ses explications ne
laissent rien à désirer. Tous ceux qui ont des
oreilles peuvent l'entendre.
En quelques mots, il règle la question nnan-
cière : -
Je ne répondrai qu'un mot à M. Hubbard, qui
nous a dit : « Pourquoi ne continuez-vous pas le
budget de 1887, puisque vous êtes ce même ca-
binet qui a commencé la discussion ? »Eh bien, il
y a au moins quelqu'un de changé dans le nou-
veau cabinet, c'est le ministre des finances ; et il
me semble que ce changement a bien sa signifi-
cation.
Nous avons compris, après les votes successifs
de la Chambre, qu'il était nécessaire de modifier
le budget dans la mesure du possible, en nous
conformant aux désirs de la majorité. Voilà
pourquoi nous avons besoin d'un crédit de quel-
ques semaines que vous ne pouvez pas nous
refuser.
M. Hubbard, en y réfléchissant, ne nous le re-
fusera pas. M. Clémenceau nous l'a accordé, je
l'en remercie, ainsi que ses amis.
Ces préliminaires terminés, M. Goblet
aborde la discussion politique. Il veut éviter
toutes récriminations. Il ne s'expliquera pas
sur les causes de la chute du précédent ca-
binet. Laissant de côté le passé, il ne veut
voir que le présent et songer à l'avenir :
Le nouveau cabinet ne demande pas la bien-
veillance de l'Assemblée, bien qu'il ne compte
que des républicains éprouvés, qui ont peut-être
rendu quelques services et qui auraient quelques
titres à votre bienveillance..
Nous demandons simplement ce que nous a
promis M. Clémenceau, l'impartialité. Nous vous
emandons de nous juger sur nos actes. Une dé-
claration ne peut pas être un acte, elle ne peut
qu'annoncer des actes.
Nous vous avons annoncé, dans notre déclara-
tion, que, dès la rentrée ou dès les premiers jours
qui suivront la rentrée, nous serions en situation
non seulement d'apporter, pour 1887, un budget
remanié, mais qu'en outre, dès les premiers mois
de l'année, nous déposerions les projets de ré-
formes que nous avons conçus; nous vous avons
demandé de nous accorder jusque là une con-
fiance provisoire et éventuelle ; nous ne vous de-
mandons pas autre chose.
Si on veut attendre les effets de cette déclara-
tion, je me demande en quoi elle pouvait faire
l'objet des critiques dont on nous menaçait ; j'au-
rais voulu entendre ces critiques pour y répon-
dre, mais M. Clémenceau s'est borné à nous dire
que notre déclaration défiait toute critique. C'est
un mot, ce n'est pas une réponse ; or je sais que
l'honorable M. Clémenceau n'est jamais à court
de ces réponses-là. (On rit.)
Notre déclaration subsiste donc ; peut-on dire
qu'elle soit vide et au-dessous même de la cri-
tlque lorsque, dans cette déclaration, se trouve au
premier rang la réforme financière et adminis-
tive, et qu'elle vous annonce pour la première
fois le dépôt prochain de projets réalisant cette
double réforme ? (Très bien : très bien ! à gau-
che.)
La réforme fiscale est celle que j'ai souhaitée
depuis que je suis entré dans la vie politique, et
c'est la première fois que je la vois entrer sur le
terrain de l'application.
Si donc M. le ministre des finances, qui a l'au-
torité nécessaire pour faire réussir les idées qu'il
a depuis longtemps sur cette question, dépose à
la rentrée, comme l'annonce notre déclaration,
un projet de réforme fiscale, peut-on dire que
notre déclaration soit vide et ne pouvez-vous en
attendre jusque là l'effet ? (Très bien très ! bienl)
Le précédent cabinet vous avait promis la ré-
forme administrative ; or, nous annonçons dans
notre déclaration qu'un projet de réforme admi-
nistrative sera déposé dans les premiers jours de
la rentrée de janvier, et, comme sanction, nous
apporterons certaines réductions sur les chiffres
des crédits pour 1887.
Eh bien, dans ces conditions, quand un accord
semblait s'être fait entre les divers groupes de la
majorité républicaine sur ces deux questions, ré-
forme financière et réforme administrative, com-
ment peut-on dire qu'une déclaration qui con-
tient ces deux choses ne vaut pas la peine d'être
critiquée ?
On dit que nous avons fermé la porte à toutes
les réformes ; mais où a-t-on vu cela dans notre -
déclaration ?
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REDACTION
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MM. LAGRANGE; CERF ET CUI
'h 6, place de la, Bourse, 6 ,
BULLETIN
La Chambre des députés a voté, hier, le
crédit des deux douzièmes, chiffré à. 665
millions par la commission du budget. La
majorité a été de 528 voix contre 12, c'est-
à-dire que toute la Droite en a fait partie,
malgré un discours de M. de Baudry-d'As-
son, contre qui, d'ailleurs, ses collègues
monarchistes ont protesté. L'événement de
la journée a été une sorte d'interpellation
sur la politique du nouveau cabinet, que
M. Clémenceau a introduite au cours de la
discussion du crédit. La réponse de M. le
président du conseil a été applaudie sur
tous les bancs républicains.
Au Sénat, on a terminé la première dé-
libération sur le projet de loi portant re-
vision de la loi sur les aliénés. Deux au-
tres courts débats ont rempli le reste de
la séance. Le Sénat doit se réunir aujour-
d'hui pour recevoir le projet de loi sur les
douzièmes. Dans une réunion des bureaux
des trois Gauches sénatoriales qui s'est
tenue hier matin, l'opinion a été exprimée
que le Sénat devait se ménager le temps
d'un examen conforme à son vote cons-
titutionnel. Il semble certain que le projet
de loi, qui sera sans doute voté aussi una-
nimement qu'à la Chambre, y donnera
lieu, dé même, à d'importantes observa-
tions de politique générale.
On verra par nos dépêches que les affai-
res de Bulgarie semblent en voie d'amé-
lioration.
INFORMATIONS P ARTICDLIRRES
Au ministère des affaires étrangères
M. Flourens a pris possession, hier matin,
des services du département des affaires
étrangères. Il a reçu ensuite les divers direc-
teurs du ministère et s'est entretenu assez
longuement avec M. Francis Charmes, direc-
teur des affaires politiques.
Au ministère de l'intérieur
M. Jules Henry, conseiller de préfecture de
la Somme, est nommé chef du secrétariat
particulier du ministre de l'intérieur et des
cultes.
Au ministère de l'instruction publique
M. Georges Lion, agrégé de philosophie,
professeur de philosophie au lycée Henri-IV,
est nommé chef de cabinet de M. Berthelot,
ministre de l'instruction publique.
Le traité de commerce franco-italien
M. Salis, député de l'Hérault, vient d'écrire
à M. E. Lockroy pour l'informer qu'il lui
adressera une question au sujet du traité de
commerce franco-italien. Entré en vigueur
le 9 février 1882, ce traité, quoique exécu-
toire jusqu'au 1er février 1892, peu cesser ses
effets le 1er janvier 1888; mais il faut, pour
cela, qu'il ait été dénoncé douze mois à l'a-
vance. Il n'y a donc pas de temps à perdre,
puisque le délai fixé expirera le 31 décembre
de l'année courante. Nombre de produits
français sont frappés, à leur entrée en Italie,
de droits plus élevés que ceux ,qui atteignent
les produits italiens quand ils pénètrent en
France.
Par exemple, les vins français sont taxés
4 fr., les italiens, 3 fr. ; or, la récolte de vins
d'Italie s'élevant, cette année, à 35 millions
d'hectolitres, est une menace pour notre vi-
ticulture française par l'avantage que donne
à nos concurrents l'inégalité des droits de
douane. M. Salis signalera cette situation à
M. le ministre du commerce et demandera la
résiliation du traité franco-italien avant le
1er janvier 1887.
LA SÉANCE D'HIER
« Le cabinet est-il viable?» se deman-
daient, hier matin, beaucoup d'hommes
politiques, et plus d'un, parmi eux, était
prêt à déclarer que la séance de la
Chambre lui serait fatale. Tout au con-
traire, la séance lui a été bonne. Non
seulement les douzièmes provisoires
ont été votés, mais le vote a été précédé
d'explications assez nettes pour qu'au-
cun doute ne puisse subsister.
La quasi-unanimité avec laquelle le
vote a été rendu enlève au scrutin la
plus grande partie de sa valeur politi-
que. Personne, pas plus à droite qu'ail-
leurs, n'a voulu prendre la responsabilité
du désordre dans lequel le refus d'une
loi de finances provisoire aurait jeté le
pays. La Droite n'a pas voulu écouter
ceux qui lui criaient : « Principes et in-
térêts, c'est de la bêtise ! Le seul prin-
cipe, c'est d'affirmer votre opposition en
toute circonstance. » Elle a voté les
douzièmes et nous l'en félicitons ; mais
elle n'a pas fait l'appoint de la majorité :
elle ne peut pas se vanter, comme dans
d'autres circonstances, d'avoir sauvé le
cabinet, et nous félicitons vivement les
républicains de ne pas lui avoir donné
cette occasion de jouer a la Providence.
Si le vote lui-même, par les conditions
dans lesquelles il a été rendu n'a pas le
caractère politique qu'on lui avait attri-
bué par avance, ce caractère appartient
au plus haut degré aux explications qui
l'avaient précédé et qui ont été échan-
gées entre l'Extrême-Gauche et le gou-
vernement. Deux tendances se sont
manifestées à l'extrême-gauche. Tout
d'abord M. Hubbard, reprenant la thèse
soutenue à la dernière séance par M.
Freppel, et continuant la'coalition des
groupes extrêmes , a proposé que la
Chambre poursuivît jusqu'au dernier
moment la discussion du budget et
réservât le vote des douzièmes provi-
soires comme une suprême éventualité.
Mais le jeune député de Seine-et-
Oise a été désavoué par M. Clémenceau,
qui, transportant le débat du terrain
financier sur le terrain politique, a mis
le gouvernement en demeure de déve-
lopper le programme indiqué dans sa
déclaration et de faire connaître l'orien-
tation générale qu'il se propose de
donner à la politique. Il n'y a pas de
majorité au centre, a dit en substance
M. Clémenceau; il vous faut donc cher-
cher ailleurs l'appoint avec le concours
duquel vous gouvernerez. Cet appoint,
le chercherez-vous à droite ou ferez-
vous appel à la fraction radicale du parti
républicain? Et M. Clémenceau, écar-
tant de lui-même l'hypothèse d'un gou-
vernement appuyé sur la Droite, indi-
quait les conditions que les radicaux
mettaient à leur concours en réclamant
des réformes immédiates, dont la pre-
mière devait être, à son sens, la rup-
ture des liens qui rattachent les Egli-
ses à l'Etat, et en demandant au prési-
dent du conseil l'engagement de ne pas
recourir à la dissolution.
La réponse de M. Goblet a montré,
une fois de plus, qu'il restait constant
avec lui-même, et que, chez lui, la fer-
meté des convictions et la vue nette du
but à atteindre savaient s'allier avec la
patience nécessaire pour obtenir les ré-
sultats souhaités. Sans rien renier de ses
tendances réformatrices et libérales, il a
très clairement exposé les difficultés que
rencontrait dans la pratique la réforme
considérée par M. Clémenceau comme
toute simple. La séparation des Eglises
et de l'Etat est la solution vers laquelle
on doit tendre, qu'il faut préparer ;
mais elle ne peut être réalisée immé-
diatement. Avant de la prononcer, il y
a des mesures à prendre afin d'assurer
le respect et l'indépendance des con-
sciences ; il faut surtout que cette me-
sure ait apparu au pays sous son aspect
véritablement libéral, et qu'il s'y soit
formé une majorité solide pour la de-
mander.
Mais si cette réforme rencontre en-
core des résistances, combien d'autres
peuvent être réalisées, comme les ré-
formes fiscales et administratives, com-
me les lois militaires et* industrielles
que le cabinet a inscrites sur son pro-
gramme. Dira-t-on que de telles réfor-
mes sont insignifiantes? Un cabinet qui
s'attachera à les effectuer pourra-t-il
être accusé de stationner ou de piéti-
ner sur place ? Sera-t-il un cabinet d'ât-
tente ou ne méritera-t-il pas bien plu-
tôt le nom de réformateur, que s'il cher-
che à entreprendre des changements
auxquels le pays n'est pas suffisamment
préparé et qui, accomplis à la hâte,
peuvent égarer l'opinion publique ?
Réformateur et libéral, tel se présente
le cabinet actuel, et, pour l'accomplis-
sement de ces réformes, la majorité
sur laquelle il doit compter ne peut se
trouver que dans les rangs des républi-
cains. M. Goblet le montrait hier lors-
que, retraçant à grands traits l'histoire
de ces dix dernières années, il établis-
sait qu'il n'était pas une des réformes
libérales accomplies depuis ce temps :
liberté de la presse, liberté de réunion,
libre pratique du suffrage universel,
dont la monarchie pût s'accommoder
un seul jour. Le rôle des Droites est
donc tout naturellement de s'opposer à
ce que d'autres progrès succèdent à ces
progrès, à ce que les générations nou-
velles, affranchies des entraves que
leurs devancières ont portées, marchent
d'un pas plus ferme vers de nouvelles
conquêtes. Mais le rôle de tous les ré-
publicains n'est pas moins nettement
indiqué ; il doit être d'aider le gouver-
nement dans les efforts qu'il fait pour
continuer dans la voie suivie jusqu'ici,
et de ne pas compromettre les résultats
déjà obtenus, par une hâte trop grande
à exiger des réformes qui risqueraient
d'être mal interprétées.
Les applaudissements qui ont éclaté
sur tous les bancs de la majorité répu-
blicaine ont montré que le langage,
aussi prudent, aussi politique que libé-
ral du président du conseil, était com-
pris de tout le monde. Il ne s'est trouvé
personne qui jugeât insuffisantes les ex-
plications que le président du conseil
venait de donner avec une franchise
complète et une loyauté à laquelle il
faut rendre hommage.
En résumé, l'impression de la séance
est excellente pour le ministère. S'il n'a
pas conquis irrévocablement l'Extrême-
Gauehe, il ne s'est pas produit entre lui
et la fraction radicale la scission que
l'on pouvait redouter. Au lieu de la rup-
ture qui semblait imminente, cette frac-
tion a pris une attitude expectante ; elle
a accordé au cabinet le crédit de quel-
ques semaines qu'il demandait, et cette
attente, loin de paraître hostile, semble,
au contraire, devoir être bienveillante.
La journée d'hier a fait disparaître les
doutes que l'on avait pu concevoir sur
la vitalité du cabinet. Celui-ci a fait
preuve de vigueur ; il s'est affirmé
comme un gouvernement qui sait ce
qu'il veut et qui ne craint pas de le
dire. L'épreuve qu'il avait à traverser
était périlleuse; il en est sorti à son
honneur.
La commission de l'armée, estimant
sans doute qu'elle avait fait bonne et
prompte besogne, depuis six mois que le
projet de loi militaire organique lui a été
soumis, vient de décider, paraît-il, qu'elle
trouve préférable de désarticuler l'œuvre
du ministre de la guerre. Si les comptes
rendus qui ont été publiés sont exacts, son
intention serait de réserver deux des
membres de ce tout si laborieusement
assemblé, et d'en soumettre tout de suite
deux autres à l'examen de la Chambre. En
agissant ainsi, la commission n'a point
remarqué sans doute que, du même coup,
elle décapite le projet ministériel; elle n'a
point réfléchi qu'après une opération aussi
maladroite, l'avortement est inévitable;
elle ne s'est point souvenue qu'elle suc-
cède à une commission qui, pour avoir
procédé de même, en était arrivée à un
aveu complet d'impuissance.
Que s'est-il passé, en effet, sous la pré-
cédente législature? Une commission de
vingt-deux membres avait été instituée
pour étudier la réforme du recrutement,
du rengagement et de l'avancement, ainsi
que la revision de la loi sur les cadres et
sur les effectifs. Après une année de tra-
vail, elle présenta son projet, de recrute-
ment ; c'était en 1883. Ce projet fut l'objet
d'une première délibération devant les dé-
putés, en 1884. La seconde lecture ne vint
qu'en 1885. La loi qui en sortit fut en-
voyée au Sénat, où une nouvelle commis-
sion fut nommée. Celle-ci était notoire-
ment hostile, et le projet, que la Chambre
avait enfanté après quatre ans d'un péni-
ble travail, sommeillait dans les cartons
de la commission sénatoriale, quand un
nouveau ministre de la guerre vint pré-
senter de nouvelles dispositions.
Eh bien, il en sera tout à fait de même
pour le produit des longues discussions de
la commission de l'armée instituée en
juin dernier. On aurait pu espérer que,
contenant un plus grand nombre de mem-
bres, puisqu'elle en compte trente-trois,
elle aurait fait preuve de plus de sagesse
dans ses décisions et de plus d'habileté
dans la conduite de ses études préparatoi-
res. Rien ne s'opposait, par exemple, à ce
qu'elle fît comme la commission du bud-
get, qui ne pourrait certainement aboutir
si elle ne se fractionnait pas en sous-com-
missions. Elle aurait ainsi travaillé quatre
fois plus vite, et il est assez probable
qu'en ce moment elle pourrait nous don-
ner une œuvre d'ensemble répondant à
celle du ministre de la guerre. Mais elle a
préféré tenir des séances plénières. A la
rigueur, cette méthode pourrait encore se
justifier par la production d'une œuvre
complète. Mais la commission ne pousse
pas aussi loin le respect de la saine logi-
que, et ce qu'elle propose aujourd'hui c'est
la dislocation du projet ministériel, projet
qui lui a été présenté avec un exposé des
motifs où il était dit en substance que la
réforme des institutions militaires n'est
admissible et ne peut avoir de résultats
féconds que si elle se fait dans des condi-
tions absolues d'homogénéité. -
Nous estimons que le ministre de la
guerre doit s'opposer énergiquement à la
mise en vigueur du vote émis par la com-
mission, et, en cela, il aura l'appui de
l'opinion publique ainsi que de toute la
presse, qui ne peuvent admettre ces len-
teurs, ces indécisions, ces atermoiements.
Il faut absolument aboutir.
Si le souvenir du passé que nous avons
invoqué ne suffit pas pour détourner la
commission de l'impasse où elle s'est en-
gagée, nous nous permettrons d'appuyer
nos exhortations par l'exemple de ce que
fait en ce moment la commission du
Reichstag allemand devant le projet du
gouvernement impérial. Il s'agit pourtant,
ici, d'une loi qui tend à augmenter l'effec-
tif de 10 pour 100, et les dépenses militai-
res de 12 pour 100. En quatre séances, la
commission appelée à examiner ce projet
l'a étudié, en présence du ministre de la
guerre et de ses délégués. Le rapport va
être fait. La loi sera discutée dans cinq ou
six jours, et, avant la Noël, comme l'a de-
mandé le maréchal de Moltke, le Reichstag
aura porté l'effectif de l'armée allemande
de 427,000 à 468,000 hommes, et les dé-
penses, de 470,000,000 à 529,000,000 de
francs.
Tout sera prêt, ainsi que le désire le
chef du grand état-major de Berlin, pour
le 1er avril, c'est-à-dire, suivant son expres-
sion, pour l'ouverture de « l'année de la
mobilisation. »
Et nous, où en serons-nous à cette
date ?
LA VIE DE PARIS
Le désir de donner au public des in-
formations quand même, de devancer
en toutes choses les événements, est un
désir très ordinaire au journalisme d'au-
jourd'hui. Il ne va pas sans quelques
inconvénients. Les nouvelles sans con-
trôle sont souvent des nouvelles inexac-
tes, et les appréciations ou les critiques
hâtives gagneraient souvent à un peu
de réflexion. Mais tout ce qu'on peut
faire, c'est de ne pas aller trop loin
dans la voie nouvelle, ni trop vite. Car
il faut bien marcher avec les habitudes
de son temps, se plier à ses modes, et,
comme on dit, « être dans le train ».
Je pensais cependant jusqu'ici qu'entre
les administrations de théâtre et la
presse il existait une sorte de conven-
tion tacite, d'après laquelle les journa-
listes invités aux répétitions des grandes
pièces se trouvaient engagés à ne pas
rejidre compte de leurs impressions
avant que la première représentation
ait eu lieu. Il semble, en effet, que,
même en louant une œuvre, on lui fait
quelque tort, si on prive les specta-
teurs du premier soir du plaisir qu'ils
peuvent trouver à la surprise. Il paraît
que je me trompais, car, hier matin,
dans un journal du boulevard, je lis un
immense compte rendu de Patrie! d'a-
près la répétition générale à huis clos,
— un huis clos où nous étions pas mal
de gens, — qui a eu lieu dimanche.
Ceci m'autorise à dire un mot de l'opéra
qui est la grande curiosité du jour. Mais
je me contenterai de parler du libretto
et de la mise en scène, réservant pour
plus tard mon jugement sur les chan-
teurs et la partition. Car je ne pense
pas qu'on puisse juger encore les ac-
teurs, qui ont chanté par moments à
demi-voix ; et quant à la partition, qui
égale en volume celle des Huguenots,
j'avoue que je ne suis pas fâché de l'en-
tendre au moins deux fois avant de me
prononcer sur ses mérites, même en
simple amateur qui donne son impres-
sion et qui se moque assez qu'un air qui
lui plaît soit écrit en ut ou en fa.
Les chanteurs, dimanche, se sont mé-
nagés. Pas assez, paraît-il; car voilà
que hier soir, à cinq heures, on a appris,
non sans un vif dépit, que la répétition
générale payante qui devait avoir lieu
au profit des inondés du Midi ne pou-
vait être donnée. M. Lassalle est aphone
et M. Melchissedec, qui eût pu le sup-
pléer, a le gosier également avarié.
C'est bien insupportable pour tout le
monde ! JJne représentation de gala,
comme était celle-ci, ne va pas sans
certains préparatifs pour ceux qui doi-
vent y prendre part. On refuse les dî-
ners en ville. Les femmes ont leurs toi-
lettes prêtes et le coiffeur commandé.
Un retard, à la dernière heure, devient
parfois un empêchement définitif. Pour
le théâtre encore, c'est une soirée per-
due, et cela se chiffre fort haut quand
il s'agit de l'Opéra. La surprise et la
mauvaise humeur se mettant de la par-
tie, on n'a pas voulu croire à un simple
accident. On a cherché toutes sortes
d'explications un peu saugrenues au re-
tard qui nous contrariait. Il faut cepen-
dant, je crois, s'en tenir à la version
officielle, et s'en prendre aux intempé-
ries de la saison. Il serait trop fâcheux
d'avoir à supposer qu'autre chose qu'un
cas de force majeure pût ajourner une
représentation de charité..
Attendons donc avec patience l'heure
où nous verrons Patrie ! en rendant à
l'Opéra cette justice que, sauf l'accroc
final, qui n'est de la faute de personne,
tout a été prêt à l'heure dite. Et ce n'est
pas une petite affaire, je vous le jure,
car la mise en scène est superbe et les
tableaux presque aussi nombreux que
dans le drame.
M. L. Gallet, le collaborateur de M.
Sardou, a simplement versifié les scènes,
qui, à peu de chose près, se déroulent
comme dans l'œuvre en prose. Le pre-
mier acte (décor de M. Poisson), se
passe au marché de la Vieille-Boucherie,
à Bruxelles, par un temps de neige.
L'effet en est admirable. Le second acte
a deux tableaux, de MM. Robecchi et
Amable. L'un représente l'intérieur, un
peu nu, du comte de Rysoor ; l'autre,
la grande salle du palais ducal. Dans
une architecture superbe, se déroulent
le bal et le ballet. Ce ballet est un ballet
mythologique à la mode d'autrefois,
avec une immense machine amenant
jusque dans la salle de danse un navire
pavoisé où prennent place les danseu-
ses, portant les costumes des peuples
soumis à la domination Espagnole: Na-
politains, Siciliens, Indiens, Africains,
Flamands. Après le ballet mythologique,
la Pavane, qui a obtenu un grand
succès, ainsi que le madrigal chanté
par ce charmant marquis de la Tré-
moïlle, dont la fantaisie est le sourire
du drame sombre :
Si maître Ronsard, qui parle
Aux déesses comme aux dieux,
Avait vu chez le roi Charle
Autant d'astres radieux ;
S'il avait, sur son Parnasse,
De tant de charme et de grâce,
Vu la fraîche floraison,
Saisi d'un transport sublime,
Il en eût perdu la rime
Comme j'en perds la raison.
C'est dans ce bal que Karloo défend
la fille du duc d'Albe, malmenée par les
Flamands, bons patriotes, mais pas
hommes du monde. Pour concentrer
l'action, M. Sardou a été obligé, d'ail-
leurs, de faire intervenir encore Dona
Rafaële dans la scène de l'Hôtel de Ville,
où elle n'a que faire. Mais l'Opéra vit de
conventions autrement fortes que celles
qu'exige le drame, et il a fallu en passer
par là. Peu d'hommes, je dois l'ajouter,
eussent si adroitement « arrangé » M.
Sardou que M. Sardou lui-même !
Le tableau des Portes de la ville est
supprimé. Mais l'acte troisième, comme
le drame, nous conduit dans le cabinet
le drame, d'Albe (décor de MM. Rubé,
du duc
Chapron et Jambon). C'est là que Do-
lorès vient trahir son mari et perdre, en
même temps, Karloo. Le quatrième acte
(décor de Lavastre) se passe dans le
beffroi de l'hôtel de ville, et le dernier,
après une grande scène chez Rysoor,
termine l'œuvre par un spectacle su-
perbe (décor de M. Poisson), l'auto-da-
fé sur la grande place.
A l'exactitude et au pittoresque des
décors, il faut ajouter la richesse des
costumes, tous copiés sur. les estampes
et les tableaux du temps. J'aurais pres-
que envie, s'il fallait critiquer un peu,
de blâmer le respect trop strict qu'on
garde maintenant aux documents. Ici,
comme en tout, « Rien de trop » est
ma devise ! Ainsi, il y a certains reîtres
de l'armée espagnole dont le costume,
parfaitement exact, — on peut s'en fier
à M. Sardou, — a quelque détail un peu
disgracieux, un chapeau, par exemple,
qui affecte une forme de tourte ou de
plat monté. Je ne chercherais pas à sa-
crifier la vérité au goût, dussé-je com-
mettre une erreur semblable à celle qui
consisterait, dans un ou deux siècles, à
mettre un chapeau de hussard sur un
uniforme de dragon. Mais, en bloc, la
restitution est des plus intéressantes.
L'époque revit avec ses grâces, ses ter-
reurs et ses étrangetés. Et ce n'est pas
peu de chose que cet art du décor, du
costume, de l'arrangement des groupes,
du tableau vivant, qui égale en beauté,
souvent, les compositions les mieux or-
données des maîtres. Cet art, il faut en
rendre justice à nos hommes de théâ-
tre, est aujourd'hui porté au plus haut
point, et c'est déjà quelque chose de
pouvoir être assuré d'un tel plaisir pour
les yeux.
Je pense que lorsque les acteurs
chanteront Patrie! sans se ménager,
ils produiront un grand effet. Mme
Krauss a trouvé là un de ces rôles dra-
matiques qui lui sont nécessaires pour
faire valoir ses merveilleuses qualités
et dissimuler ce que le temps a pu en
altérer. MM. Lassalle et de Reszké ont,
dans Patrie ! — Rysoor et le duc d'Albe
— des créations superbes. Je ne dis
rien du ténor, M. Duc, qui lance des
notes éclatantes. Peut-être aura-t-il, par
quelque miracle, atténué pour la pre-
mière représentation sa lourdeur d'al-
lures. Quant à la partition, sans y insis-
ter, on peut affirmer qu'elle est très
réussie dans toute la partie de genre
aimable et que, pour la partie dramati-
que, elle témoigne djun grand effort
qui n'est pas sans arriver souvent à
l'effet. Nous en jugerons mieux dans
quelques jours, si les chanteurs veulent
bien se guérir !
tÏEÎIRY FOUQUIER.
LE PARLEMENT
SÉANCE DE LA CHAMBRE
- r
Les douzièmes provisoires. — La question po-
litique. — Discours de MM. Clémenceau et
Goblet.
Quel augure affirmait que le ministère Go-
blet n'était pas né viable, qu'il en avait pour
vingt-quatre heures, pour trois jours tout au
plus ? 1
Hier, 11 a obtenu 528 voix contre 12. Il me
semble que c'est là un succès d'estime qui
n'est pas de nature à décourager les membres
du nouveau cabinet.
La séance a été divisée en deux parties dis-
tinctes. Au début, on a expédié, comme à
l'ordinaire-, divers projets de loi d'intérêt lo-
cal, entre autres un projet du général Bou-
langer, amendé pour la seconde fois par le
Sénat, relatif à la proportion des récompen-
ses honorifiques à accorder aux militaires
faisant partie de l'armée territoriale (person-
nel non soldé) et ie la réserve de l'armée
active.
Puis, M. Dauphin, ministre des' finances, a
déposé sur le bureau de la Chambre un pro-
jet de loi portant : 1° ouverture, sur l'exercice
1887, de crédits provisoires applicables aux
mois de janvier et février 1887 ; 2° autorisa-
tion de percevoir pendant les mêmes mois les
Impôts et revenus publics conformément aux
lois existantes.
Il a demandé l'urgence pour ce projet. M.
Baudry d'Asson, un irrégulier de la Droite,
est monté à la tribune pour combattre l'ur-
gence.
Vous devez connaître M. Baudry d'Asson.
Corps grêle, tête légère, barbe de sapeur
légèrement grisonnante, le député de la
Vendée, descendant des Croisés on ne sait
par quelle ligne, ne sait pas même lire. Du
moins on ne le dirait pas en l'entendant bal-
butier le discours écrit qu'il a sous les
yeux et dans lequel il s'empêtre comme une
anguille dans la nasse. Il s'efforce d'être in-
solent. Cela sied si bien à un gentilhomme
de si haute race ! Admirez ce langage acadé-
mique :
La présence de M. Goblet à la tête du nouveau
ministère me paraît antiparlementaire (Exclama-
tions et rires a gauche) ; elle me semble, de plus,
une provocation à toutes les fractions de cette
Assemblée. (B:uit.)
La majorité, en effet, a vu sombrer le précé-
dent cabinet sur la question de la suppression
des sous-préfectures. Ce n'était pas une question
de principe. Du moment que ce cabinet, qui s'est
jeté lui-même à l'eau (On rit.), ne voulait pas
être l'objet d'un sauvetage. il n'y avait qu'à le
laisser se noyer et à disposer immédiatement de
sa succession.
Et, prenant à partie M. Floquet, l'homme
qui voulait donner les républicains en pâtée
à ses chiens ajoute sans transition :
Notre honorable président, — ce n'est un mys-
tère pour personne, — avait courageusement ac-
cepté d'en assurer la liquidation.
A quoi M. Floquet répond en souriant :
Monsieur Baudry-d'Asson, je vous prie de par-
ler en votre nom et de ne pas me brouiller avec le
ministère. (Vifs applaudissements et rires.)
Et M. Baudry-d'Asson s'abandonne, dès ce
moment, à toute espèce de divagations, au
milieu de la gaieté générale. Il conclut en
demandant à la Chambre de repousser les
douzièmes provisoires.
La Droite, dont cet enfant terrible dérange
tous les plans, et qu'il compromet sans qu'il
puisse en résulter pour elle le moindre avan-
tage, le désavoue publiquement par l'organe
de M. de Mackau.
Comme Intermède, le gouvernement dé-
Dose deux Droiets de loi :
Le premier, tendant à l'autoriser à approu-
ver par décret les prorogations de surtaxe
d'octroi ;
Un second, portant ouverture d'un crédit de
105,000 francs destiné à compléter le traite-
ment des préfets pour l'exercice 1886.
> Et comme la commission du budget a be-
soin d'examiner ces demandes dé crédit et de
faire un rapport général, la séance est sus-
pendue jusqu'à quatre heures.
A la reprise, M. Wilson lit le rapport de la
commission, fixant à 665 millions les chiffres
des deux douzièmes nécessaires au fonction-
nement des services publics pendant les mois
de janvier et février 1887.
La commission du budget, d'accord avec le
gouvernement, demande la discussion immé-
diate.
M. Hubbard déclare qu'il votera contre le
projet, parce que la Chambre aurait le temps
de continuer la discussion du budget, sauf à
voter les douzièmes provisoires dans les der-
niers jours de l'année. <:./
Il ne sert à rien, dit-il, d'ajourner les crises
ministérielles ; la Chambre ne peut pas ac-
cepter la politique d'inertie et d'inaction re-
présentée par le cabinet actuel. Il faut opter,
une fois pour toutes, entre la politique de la
Chambre précédente, la politique coloniale
de M. Jules Ferry et la politique de la majo-
rité actuelle, la politique de réparation.
Ce discours, débité avec volubilité, laisse la
majorité absolument indifférente. On attend
M. Clémenceau. Il a fait annoncer qu'il comp-
tait prendre la parole. Que dira-t-il ? On se
le demande avec une certaine anxiété. Cha-
cun le sent, l'intérêt de la séance sera tout
entier dans son attitude vis-à-vis du ministère
et dans ses déclarations.
Le chef de l'Extrême-Gauche gravit leste-
ment les degrés de la tribune. Il atttend un
moment que le calme se rétablisse. Puis,
d'une voix nette, mais plus voilée qu'à l'or-
dinaire, il commence par déclarer qu'il ne
suivra pas son collègue M. Hubbard, que la
question des douzièmes provisoires est pri-
mée par la question politique, qu'il s'agit
avant tout d'examiner dans quelle situation
se trouve le parti républicain.
Nous étions hier, dit-il, nous sommes aujour-
d'hui en état de crise. On n'a pas pu dégager de
la représentation nationale une majorité de gou-
vernement. Que ce soit la faute du Gouverne-
ment ou de tel groupe républicain, c'est une
question qu'il n'importe guère d'examiner à cette
heure.
Oui, je prétends que le gouvernement a été
renversé le jour où la majorité a renvoyé en bloc
le budget tout entier à la commission du budget,
en l'invitant à équilibrer le budget avec des éco-
nomies, sans emprunt et sans impôts, ainsi que
cela résultait des déclarations primitives du gou-
vernement.
En effet, si je relis la déclaration de M. de Frey-
cinet, déclaration qui avait été accueillie par des
applaudissements unanimes, j'y vois que M. de
Freycinet reconnaît que le pays a manifesté sa
volonté d'avoir des finances à l'abri de toute cri-
tique, et il promet aux Chambres que le budget
sera équilibré sans emprunt et sans impôts nou-
veaux.
mtscli programme, c'était le vôtre. Vous aviez
fait sur ce point des promesses de réformes
immédiates, et le gouvernement, acceptant cette
partie de votre programme, l'avait faite sienne.
Il avait dit à son tour : « Ni emprunt ni impôts. »
Eh bien, vous savez ce qui est arrivée La com-
mission du budget a examiné le budget et vous
a apporté le résultat de ses travaux.
Pour le dire en passant, il y aurait certainement
une réforme à faire dans la constitution de la
commission du budget, mais je ne veux pas exa-
miner cette question en ce moment.
Ce n'est pas sans tiraillements que la commis-
sion est arrivée à vous présenter son rapport.
Elle a longtemps délibéré et discuté. Ce que je
tiens à dire, c'est que si elle n'a pas réalisé des
économies plus considérables, c'est par excès
d'esprit gouvernemental, c'est par crainte de
faire naître un conflit dans cette Chambre.
Et alors qu'est-il arrivé ? Il est arrivé que la
Chambre s'est trouvée deux fois déçue ; déçue
par le gouvernement, déçue par la commission,
qui tous deux lui apportaient un budget s'équi-
brant au moyen de l'emprunt et de l'impôt.
Dans ces circonstances, la Chambre a ré-
solu de faire elle-même ce que ni le gouver-
nement ni la commission n'avaient voulu
faire.
Elle a pris ainsi une initiative gouverne-
mentale, et ainsi s'est trouvée constituée une
majorité de gouvernement contre le gouver-
nement lui-même.
Toutes les réformes, celles mêmes qui
étaient le plus subversives du budget du
gouvernement ont été proposées par des ré-
publicains modérés, M. Fernand Faure, par
exemple, et elles ont été votées par la majo-
rité des républicains.
La plupart des votes ont été de 400 à 420
voix. C'est par là que le gouvernement a été
renversé.
La question des sous-préfets n'a été qu'un
incident particulier.
Le ministère actuel veut-il suivre la Cham-
bre dans la voie des réformes où elle est en-
trée ? Personne n'en sait rien. M. le président
du conseil, n'ayant voulu prendre aucun en-
gagement, osera-t-il tenter de grouper les di-
verses fractions républicaines ?
M. Clémenceau examine de quels éléments
le gouvernement peut constituer sa majorité.
Il peut la composer de républicains décidés
aux réformes et à l'action. Il peut la deman-
der au Centre uni à la Droite républicaine
conduite par M. Raoul Duval. Le gouverne-
ment ne voudra pas prendre ce dernier parti.
Il ne peut exister qu'avec le concours de
l'Extrême-Gauche.
C'est à lui de choisir. L'Extrême-Gauche
offre son concours au gouvernement, à con-
dition qu'il entre dans la voie des réformes
indispensables.
M. Clémenceau affirme qu'il y a réellement
une majorité à la Chambre sur la séparation
de l'Eglise et de l'Etat. Le jour où un gouver-
nement prendra en mains la séparation de
l'Eglise et de l'Etat, il est sûr de réunir une
majorité.
L'orateur envisage ensuite l'hypothèse de
la dissolution. Il la considère comme très
dangereuse pour les républicains, parce qu'ils
se présenteraient divisés aux électeurs. En
outre, la situation est très grave à l'extérieur ;
il serait criminel de mettre la France dans un
pareil désordre en présence de ses ennemis.
L'union doit se faire, mais elle ne le peut que
sur une politique de réformes.
M. Goblet, président du conseil, n'a voulu
laisser à aucun de ses collègues le soin de
répondre au précédent orateur. Le débat
ayant pris un caractère politique, il se sent
obligé de prendre la parole. Il le fait avec la
netteté et la franchise qui le caractérisent. Il
est dans ses bons jours. Ses explications ne
laissent rien à désirer. Tous ceux qui ont des
oreilles peuvent l'entendre.
En quelques mots, il règle la question nnan-
cière : -
Je ne répondrai qu'un mot à M. Hubbard, qui
nous a dit : « Pourquoi ne continuez-vous pas le
budget de 1887, puisque vous êtes ce même ca-
binet qui a commencé la discussion ? »Eh bien, il
y a au moins quelqu'un de changé dans le nou-
veau cabinet, c'est le ministre des finances ; et il
me semble que ce changement a bien sa signifi-
cation.
Nous avons compris, après les votes successifs
de la Chambre, qu'il était nécessaire de modifier
le budget dans la mesure du possible, en nous
conformant aux désirs de la majorité. Voilà
pourquoi nous avons besoin d'un crédit de quel-
ques semaines que vous ne pouvez pas nous
refuser.
M. Hubbard, en y réfléchissant, ne nous le re-
fusera pas. M. Clémenceau nous l'a accordé, je
l'en remercie, ainsi que ses amis.
Ces préliminaires terminés, M. Goblet
aborde la discussion politique. Il veut éviter
toutes récriminations. Il ne s'expliquera pas
sur les causes de la chute du précédent ca-
binet. Laissant de côté le passé, il ne veut
voir que le présent et songer à l'avenir :
Le nouveau cabinet ne demande pas la bien-
veillance de l'Assemblée, bien qu'il ne compte
que des républicains éprouvés, qui ont peut-être
rendu quelques services et qui auraient quelques
titres à votre bienveillance..
Nous demandons simplement ce que nous a
promis M. Clémenceau, l'impartialité. Nous vous
emandons de nous juger sur nos actes. Une dé-
claration ne peut pas être un acte, elle ne peut
qu'annoncer des actes.
Nous vous avons annoncé, dans notre déclara-
tion, que, dès la rentrée ou dès les premiers jours
qui suivront la rentrée, nous serions en situation
non seulement d'apporter, pour 1887, un budget
remanié, mais qu'en outre, dès les premiers mois
de l'année, nous déposerions les projets de ré-
formes que nous avons conçus; nous vous avons
demandé de nous accorder jusque là une con-
fiance provisoire et éventuelle ; nous ne vous de-
mandons pas autre chose.
Si on veut attendre les effets de cette déclara-
tion, je me demande en quoi elle pouvait faire
l'objet des critiques dont on nous menaçait ; j'au-
rais voulu entendre ces critiques pour y répon-
dre, mais M. Clémenceau s'est borné à nous dire
que notre déclaration défiait toute critique. C'est
un mot, ce n'est pas une réponse ; or je sais que
l'honorable M. Clémenceau n'est jamais à court
de ces réponses-là. (On rit.)
Notre déclaration subsiste donc ; peut-on dire
qu'elle soit vide et au-dessous même de la cri-
tlque lorsque, dans cette déclaration, se trouve au
premier rang la réforme financière et adminis-
tive, et qu'elle vous annonce pour la première
fois le dépôt prochain de projets réalisant cette
double réforme ? (Très bien : très bien ! à gau-
che.)
La réforme fiscale est celle que j'ai souhaitée
depuis que je suis entré dans la vie politique, et
c'est la première fois que je la vois entrer sur le
terrain de l'application.
Si donc M. le ministre des finances, qui a l'au-
torité nécessaire pour faire réussir les idées qu'il
a depuis longtemps sur cette question, dépose à
la rentrée, comme l'annonce notre déclaration,
un projet de réforme fiscale, peut-on dire que
notre déclaration soit vide et ne pouvez-vous en
attendre jusque là l'effet ? (Très bien très ! bienl)
Le précédent cabinet vous avait promis la ré-
forme administrative ; or, nous annonçons dans
notre déclaration qu'un projet de réforme admi-
nistrative sera déposé dans les premiers jours de
la rentrée de janvier, et, comme sanction, nous
apporterons certaines réductions sur les chiffres
des crédits pour 1887.
Eh bien, dans ces conditions, quand un accord
semblait s'être fait entre les divers groupes de la
majorité républicaine sur ces deux questions, ré-
forme financière et réforme administrative, com-
ment peut-on dire qu'une déclaration qui con-
tient ces deux choses ne vaut pas la peine d'être
critiquée ?
On dit que nous avons fermé la porte à toutes
les réformes ; mais où a-t-on vu cela dans notre -
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