Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1886-11-02
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 02 novembre 1886 02 novembre 1886
Description : 1886/11/02 (A17,N5410). 1886/11/02 (A17,N5410).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
Dix-septième année. — N1 5410
Prix du numéro : Paris et Départements : 15 centimes
Mardi 2 novembre 1886
LHnHHI E flHHHHI SKtSIlfHâHHIiaH X1 SIHl EHHHHH C^HBrH LBmBHHE
JOURNAL RÉPUBLICAIN
REDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
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A.-EDOUARD PORTALIS
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16, rue Cadet, 16
EN VENTE A LONDRES
Et Abonnements pour l'Angleterre
Au bureau du XIXo Siècle
76, Finsbury Pavement, E. C.
RÉGISSEURS D'ANNÓ-
MM. LAGRANGE, CERF ET CIE
6, place de la Bourse, 6
BULLETIN
Dimanche, a eu lieu, dans le départe-
ment du Pas-de-Calais, une élection au
conseil général, dont le résultat a été
connu seulement hier. M. Ovion, candidat
républicain, a été élu, dans le canton sud
de Boulogne, à la presque unanimité des
votants, en remplacement de M. Ansart-
Rault, ancien député, décédé il y a quel-
ques semaines.
Une élection cantonale n'a, en soi, qu'une
importance relative ; il n'est cependant
pas sans intérêt de constater que ces mani-
festations partielles du suffrage universel
ont une signification particulière, quand
elles se produisent dans des départements
qui, comme le Pas-de Calais, depuis les
élections d'octobre 1885, paraissaient in-
féodés à la réaction.
Nous avons rendu- compte, hier, de l'in-
cident qui s'est produit à Charleroi. Le
fait vaut qu'on s'y arrête.
La population ouvrière du bassin de
Charleroi avait organisé une imposante
manifestation, à laquelle ont pris part plus
de trente mille individus des deux sexes.
Les groupes ont parcouru les rues de la
ville, deux heures durant, bannières rou-
ges déployées, chantant la Marseillaise et
un hymne de circonstance, composé
par un ouvrier belge et intitulée : Vive la
publique sociale démocratique! La jour-
née s'est, d'ailleurs, passée sans trouble.
Les ouvriers de Charleroi ont donné à
leur manifestation, toute pacifique, le sens
qu'ils avaient entendu lui attacher; ils
voulaient exprimer leurs sentiments en
faveur du suffrage universel et réclamer
l'amnistie de leurs camarades compromis
dans l'affaire du 27 mars. Ils ont eu la sa-
gesse de ne pas fournir, par une attitude
désordonnée, une raison plausible à un re-
fus du gouvernement belge. Ce qui ne
prouve pas, d'ailleurs, que celui-ci soit
disposé, tant s'en faut, à prêter l'oreille à
leurs revendications telles qu'elles ont
été exprimées.
Il faut pourtant noter, à l'honneur du
ministère belge, ou plutôt du roi Léo-
pold, — qui est le seul libéral du gouver-
nement actuel, — qu'il se préoccupe, avec
une sollicitude évidente, de remédier à la
crise ouvrière qui sévit avec une intensité
inquiétante en Belgique. Au lendemain
des événements du mois de mars dernier,
il a constitué une commission d'enquête
pour étudier attentivement les causes du
malaise dont souffre la classe laborieuse,
et proposer les mesures propres à enrayer
le mal.
Cette commission a travaillé en cons-
cience. Après avoir entendu les patrons et
les ouvriers contradictoirement, et rédigé
de volumineux rapports, ce qui ne saurait
suffire, elle a, ce qui vaut mieux, traduit
en projets de loi les résultats de son en-
quête. L'un de ces projets institue des
conseils de conciliation, composés en nom-
bre égal de patrons et d'ouvriers et char-
gés de régler, sous la présidence du
juge de paix du canton, les conflits qui,
dans l'état actuel des choses, ne peuvent
se résoudre que par des grèves. C'est
l'équivalent des projets élaborés en France
par l'honorable M. Lockroy, ministre du
commerce et de l'industrie, sur l'arbitrage
en matière industrielle.
Il faudrait avoir sous les yeux les textes,
pour comparer la valeur respective des
deux projets. Il est à croire que cette étude
comparative sera faite, dans les Chambres
des deux pays, avec tout le soin qu'elle
mérite.
Il faut désirer aussi que la discussion
des graves et importantes questions qui
s'y rattachent soit entreprise par notre
Parlement aussitôt que le règlement du
budget le permettra, c'est-à-dire à l'ouver-
ture de la session ordinaire de 1887.
En Belgique, on ne peut être moins dé-
sireux d'aborder l'examen des divers pro-
jets qui, dans l'esprit des membres de la
commission d'enquête, doivent former une
sorte de Code des travailleurs.
La manifestation de Charleroi, si elle
n'a pas pour effet de faire faire un pas dé-
cisif à la question de la revision de la loi
électorale, aura eu certainement cet avan-
tage de démontrer la nécessité de hâter
l'étude des projets de loi qui pourront,
sinon résoudre la question sociale, au
moins améliorer les rapports entre le tra-
vail et le capital.
Louis HENRIQUE.
INFORMATIONS PARTICULIÈRES
Elections départementales
Une élection au conseil général du Pas-de-
Calais a eu lieu dans le canton sud de Bou-
logne.
M. Ovion, candidat républicain, a été élu
par 3,044 voix, sur 3,619 votants.
Une élection au conseil d'arrondissement
a également eu lieu dans le canton de Recey-
sur-Ource (Côte-d'Or).
M. Gautrelet, candidat républicain, a été élu
par 769 voix, contre 549 à M. Leconte, candi-
dat réactionnaire.
C'est un siège gagné par les républicains.
M. Decrais
M. Decrais, le nouvel ambassadeur de
France en Autriche, est arrivé à Vienne, où il
a pris possession de son poste.
QUESTIONS DU JOUR
L'impôt sur les boissons
Un de nos grands distillateurs de l'Est,
M. Luzet, vient d'envoyer à la Chambre
des députés et au Sénat un travail im-
portant, dont les conclusions sont ap-
puyées sur des faits et des chiffres. En
deux mots, voici ce qu'il expose : On
est fort en peine d'équilibre le buget,
on cherche de l'argent ; or, il n'y aurait
pas besoin de créer de nouvelles res-
sources, si l'on prenait la peine de répri-
mer des fraudes, dans le commerce des
boissons, qui font perdre à l'Etat, cha-
que année, 200 millions sur les alcools
seulement.
Dans un supplément imprimé à part,
M. Luzet a donné les résultats de l'en-
quête personnelle, qu'avec l'aide de ses
correspondants, il a pu faire dans un
grand nombre de départements. Il a dû
remplacer par des points les noms de
maisons importantes, qu'il n'aurait pu
livrer à la publicité sans se faire atta-
quer en diffamation; mais ses indica-
tions ont un caractère de précision qui
les rend difficilement contestables. Ce
qui sera plus difficile à vérifier, c'est
l'évaluation du dommage.
Pour rester en deçà de ce qu'il croit
être la réalité, M. Luzet ne demande à
l'alcool qu'un supplément de recettes de
167 millions, bien qu'il estime qu'on en
obtiendrait 200 par la répression des
fraudeurs. Il a dressé tout un plan de
budget pour l'ensemble des recettes des
boissons (alcools, vins, cidres, bières, li-
cences, etc.) qui donnerait à l'Etat un
produit de 536 millions, au lieu de 421
millions 500,000 francs, moyenne des
années 1880-1884. Ce n'est qu'une dif-
férence, en plus, de 114 millions 500,000
francs; mais cela tient à ce que l'auteur
propose d'opérer un notable dégrève-
ment sur les vins.
Il démontre ensuite la nécessité de
réformer la loi surannée de 1816. Il
propose la suppression de l'exercice
chez les débitants de boissons, mar-
chands en gros et fabricants de li-
queurs, la libre circulation des vins et
alcools, la liberté entière du commerce
des liquides, la suppression des droits
d'entrée et d'octroi, l'emploi du comp-
teur d'alcool dans toute distillerie quel-
conque, la création d'entrepôts réels et
la déclaration de possession d'alambics
par tous ceux qui en sont détenteurs.
En ce qui concerne les alcools, il insiste
tout particulièrement sur leur libre fa-
brication et leur libre circulation, ainsi
que sur la suppression de l'exercice. On
remplacerait tout cela par la perception
d'une taxe uniforme de 156 fr. 25 par
hectolitre, à laquelle aucun producteur
n'échapperait. C'est un nouveau sys-
tème, dont il faudrait étudier le déve-
loppement et les détails dans la bro-
chure de M. Luzet. En résumé, son
dessein est de rétablir la liberté de la
fabrication et du commerce; mais avec
un contrôle tel, qu'il n'y ait pas de
fraude possible dans la perception de
l'impôt. Ce sera grande matière de
contestation, car il n'y a rien de plus
compliqué que l'établissement d'un bon
régime d'impôt sur les boissons. Mais,
ce que nous devons retenir, c'est que,
sous la législation actuelle, l'Etat doit
perdre, d'après les informations de M.
Luzet, 200 millions du seul fait de la
fraude.
« Que la Chambre ordonne une en-
quête, dit l'honorable auteur de la bro-
chure, et la preuve lui en sera donnée.
Que l'on consulte les marchands d'al-
cool en gros des villes, des bourgades et
des campagnes, tous diront que leur
commerce souffre par ce qu'il est en-
travé par la fraude. Tout le mal vient
de ce que la production de l'alcool est
libre chez tous autres que chez le distil-
lateur de profession. En un mot, la pro-
duction des alcools chez les propriétai-
res fait une grande concurrence aux
négociants, qui ont les charges de pa-
tente, licence et autres frais. Le com-
merce des alcools souffre sur tous les
points de la France ; c'est un cri géné-
ral. Le propriétaire vend en fraude,
très cher, et sans droits. C'est le ven-
deur et le fraudeur qui ont tout le bé-
néfice. Le consommateur paie cher,
l'Etat perd tout et le négociant ne fait
pas d'affaires. »
C'est au cours des dernières années,
que la fraude sur les boissons a pris,
selon l'estimation de M. Luzet, un dé-
veloppement d'une rapidité alarmante.
En 1872, il n'échappait guère plus de
40 millions au Trésor, qui, ainsi qu'on
vient de le voir, perdrait 200 millions
aujourd'hui. Il me semble que l'on
pourrait - trouver quelque rapport entre
l'accroissement des fabrications frau-
duleuses et l'extension des ravages du
phylloxéra ; c'est une indication que je
hasarde. D'un autre côté, M. Luzet fait,
quelque part, allusion à certaines con-
nivences des employés de l'administra-
tion et des fraudeurs, surtout dans la
région du Midi : des employés se fe-
raient complices des fraudeurs, par la
crainte d'être dénoncés comme mauvais
républicains, cléricaux, réactionnaires,
et ils fermeraient les yeux sur tout. S'il
en était ainsi, ce serait un fâcheux
symptôme de démoralisation dans cette
partie de l'administration française.
Quoi qu'il en soit, M. Luzet explique et
démontre que la fraude se pratique à
l'excès chez des propriétaires qui cul-
tivent en grand des produits à distiller
ou qui en achètent, soit secrètement,
soit sous quelque prétexte, tel que celui
de pourvoir à la nourriture du bétail.
Il existe ainsi nombre de distilleries
purement clandestines. Mais le plus grand
dommage, d'après la brochure, est causé
par l'article de la loi de 1816 qui a éta-
bli le privilège des bouilleurs de cru.
Le bouilleur de cru, c'est le proprié-
taire qui distille, sans sortir de chez lui,
le vin ou le cidre de sa récolte ; il est
indemne de tous droits et dispensé de
toute déclaration. On comprend bien
quel était l'esprit de cet article de la
loi de 1816, qui était bon tant qu'on ne
fraudait pas ; mais les choses ont chan-
gé, et le privilège des bouilleurs de
cru, à en croire notre auteur, ne sert
maintenant qu'à couvrir des spécula-
tions frauduleuses, qui se pratiqueraient
dans des proportions inquiétantes. Il est
bon de remarquer que la question des
bouilleurs de cru ajustement préoccupé,
cette année, la commission du budget,
qui a réclamé la suppression radicale
de leur privilège.—«Laissez-leur une to-
lérance de 25 litres », a dit le ministre
de l'agriculture. La. commission n'y a
pas consenti, et le débat sera porté de-
vant la Chambre.
La commission raisonne ainsi : « Lais-
ser aux bouilleurs une tolérance quel-
conque, c'est garder à la fraude une
porte entr'ouverte, qui ne tardera pas
à se rouvrir toute grande. » Quant aux
motifs du gouvernement, le ministre ne
les a pas expliqués; mais on les devine-
rait peut-être sans peine : c'est qu'une
telle décision soulèverait une explosion
de mécontentement chez tous ceux
qu'elle intéresserait. Ils sont nombreux
et forment deux catégories : la catégorie
des gens qui ne fraudent point, et qui
s'indigneraient qu'on leur retirât un pri-
vilège dont eux et leurs ancêtres ont
joui depuis soixante-dix ans ; la caté-
gorie des fraudeurs, qui jetteraient de
plus hauts cris encore, parce qu'ils y
perdraient davantage. Et nous passons
ainsi, selon que nous examinons la
question sous ces deux aspects, des
considérations économiques aux consi-
dérations électorales.
Si la réalité est conforme a ce que
nous en dit M. Luzet, qui a donné à sa
brochure un long supplément où ne sont
que recueillis des témoignages et des
preuves, je crois qu'on ne saurait mieux
faire que de donner le pas aux consi-
dérations économiques. Dans tous les
cas, l'intéressante déposition qu'il vient
de publier ne saurait échapper à l'atten-
tion des hommes compétents du Sénat
et de la Chambre. On pourra, certes,
être en désaccord avec lui sur son sys-
tème; mais le Parlement fera bien
d'exercer son contrôle sur la situation
qu'il a révélée.
EUG. LIÉBERT.
PETITS ABUS
Les confidences publiques de certains
députés, et même les doléances verbales
ou écrites d'anciens ministres des finances
nous ont plus d'une fois révélé les abus
qui se produisent dans la répression des
fraudes. Non pas que cette répression soit
trop rigoureuse 1 Bien au contraire. Une
fraude est constatée à la douane ou par la
régie : le fraudeur va exposer son affaire
aux députés de son département et leur
demande de le tirer du mauvais cas où il
s'est mis ; les députés agissent auprès du
ministre, courent de bureau en bureau et
finissent généralement par obtenir que
l'amende légale soit remplacée par une
transaction dérisoire. Cette impunité en-
courage naturellement le fraudeur et fa-
vorise le développement de la fraude au
grand détriment du Trésor.
C'est un grand abus, à côté duquel il
s'en est formé beaucoup de petits qui se
dissimulent dans les recoins ignorés de
toutes les administrations, et qu'on ne
peut découvrir qu'à la condition d'être
« du bâtiment». Un percepteur, de nos
amis, nous signale quelques faits intéres-
sants et nous lui cédons la parole pour les
exposer lui-même :
Supposez, nous dit-il, que MM. X, Y et Z
aient fourni pour le compte d'une commune
diverses marchandises ou fait exécuter di-
vers travaux, chacun pour une somme su-
périeure à 10 francs. Les maires, pour dé-
sintéresser les créanciers, font établir, con-
trairement à l'article 12, n° 1 de la loi du 13
brumaire an VII, un seul mémoire au nom
de X., par exemple, afin d'économiser à Y.
et Z. la dépense de deux feuilles de papier
timbré et deux timbres de quittance, soit
1 fr. 40 de perte pour le Trésor. Ceci répété
dans toutes les communes de France, l'Etat
subit une perte assez sensible.
Dans un grand nombre de communes, le
produit des ventes faites par les notaires, soit
dans les salles de mairie, soit dans les salles
d'école ne rentrent pas dans les caisses
communales, conformément à l'arrêté pris
par le ministre de l'intérieur en 1884. L ar-
gent est remis de la main à la main, par les
notaires, aux secrétaires de mairie qui le
mettent tout bonnement dans leur poche,
avec l'assentiment des maires et peut-être
même avec celui du conseil municipal. Vous
vous demandez en quoi cela peut nuire au
Trésor? Le Trésor y perd de deux façons. Il
perd d'abord une feuille de papier timbré
exigée pour l'établissement d'un titre de re-
cette ; en second lieu, les subventions accor-
dées aux communes par l'Etat pour l'instruc-
tion primaire étant basées sur les recettes
ordinaires de l'exercice précédent, il arrive-
rait que la subvention serait moindre de 20,
de 30, de 100 francs ou de plus, si la recette
était faite régulièrement. Ces irrégularités,
punissables par les lois, se présentent sous
toutes les formes et plus souvent que vous
ne le supposez.
Il ne faudrait pourtant pas qu'un percep-
teur, qui sait et qui voit tout ce se passe,
s'avisât de faire connaître ces mauvais pro-
cédés à l'administration préfectorale, car
on lui répondrait : « Cela ne vous regarde
pas; encaissez ce que l'on vous dit d'en-
caisser. »
S'agit-il du recouvrement des amendes. Oh 1
alors, le préfet écrit au trésorier général pour
lui demander s'il croit que le percepteur a
raison de poursuivre les débiteurs. Ce der-
nier répond immédiatement : « Le maire a
raison, et le percepteur a tort. Il doit respec-
ter les usages établis. »
Pour terminer, voici ce que je lis dans le
journal bimensuel des percepteurs :
« Produit des expéditions des actes de l'état-
civil et des actes administratifs.
« Le maire de la commune de X., d'accord
avec le conseil municipal, considérant que le
produit des actes de l'état-civil et des actes
administratifs ne s'est élevé, pendant l'année
1885, qu'à la somme de 5 francs, a attribué
purement et simplement ladite somme au
secrétaire de mairie, à titre de supplément
de traitement, sans toutefois qu'aucune déli-
bération ait régularisé cette attribution,
etc., etc.
» Nous ne relevons ce fait, dit le journal
des percepteurs, que pour avoir l'occasion de
faire connaître aux comptables que 1' « ins-
pection générale des finances a fréquem-
ment constaté des irrégularités de ce genre,
et que ses rapports ne cessent d'appeler l'at-
tention du ministre des finances sur ce point
du service.
» L'administration centrale s'est émue à
son tour de cette manière de procéder et
elle a saisi le ministre de l'intérieur de la
question de savoir s'il n'y aurait pas lieu d'in-
viter les préfets des départements, par voie
de circulaire, à rappeler aux maires que toute
dissimulation de recette, si minime qu'elle
soit, est de nature à engager la responsabi-
lité des administrations publiques.
» Les comptables, dûment prévenus, ajoute
le journal des percepteurs, devront éveiller à
ce sujet l'attention des maires et refuser de
se prêter à des opérations occultes. »
Ce journal se trompe ; si les percepteurs
mécontentaient les maires, ils ne seraient
pas bien vus par les chefs de division de la
préfecture et par les employés de la sous-
préfecture.
Tous ces faits ne sont évidemment pas
bien graves ; cependant, la réunion n'en
laisse pas que d'avoir une certaine impor-
tance. Chacun cherchant à échapper aux
impôts existants, le rendement en devient
moins considérable qu'on ne l'avait prévu,
et, pour combler les vides du budget, il
faut recourir à de nouvelles charges, aux-
quelles on s'ingénie de nouveau à se sous-
traire. Cette tendance à payer le moins
d'impôts que l'on peut s'explique assez
aisément chez le contribuable. Mais les
administrations publiques sortent évidem-
ment de leur rôle en aidant les particuliers
dans cette voie. Elles sont chargées de
veiller à l'observation de la loi, et les lois
de finances ne sont pas plus faites que les
autres pour être violées ou tournées.
Les Tombes d'Alsace-Lorraine
DEUXIÈME LISTE
Mme de Dietrich 1.000 »
Jacques Maillet, statuaire. 100 »
Arthur Mever. 100 »
L -. le Temple des Amis de l'hon-
neur français. 25 »
Mme F.-R. Quibel, 33, rue d'Avon, à
Fontainebleau. 40 «
Souilhac, instituteur suppléant dépar-
temental, à Jumilhac-le-Grand. 35 »
Mlle A. Couvreur, Ecole normale supé-
rieure des jeunes filles, à Sèvres. 20 »
A. Vercherin, correspondant de l'agence
Havas, à Nice. 10 «
G. Montfort. 10 »
L. L. 10 »
Bouchard, maire de la commune de
Toulon-sur-Allier. 5 »
M.-A. Gromier, directeur de la Corres-
pondance étrangère 5 »
Buissot 5 »
Bamberger, ancien député de Metz et
de la Seine. 5 »
G.-Oger Romilly. 5 »
Fornes, 25, passage de l'Elysée-et-des-
Beaux-Arts 4 50
Dubut (G.), à Limoges. 1 «
Total de la 20 liste 1.380 50
Report de la ire liste. 1.352 40
Total 2.732 90
L'Enseignement secondaire moderne
A L'ÉTRANGER
La réforme de l'enseignement secon-
daire est à l'ordre du jour dans la plu-
part des Etats de l'Europe, et ce n'est
pas la France, il faut le dire, qui tient
la tête du mouvement. Partout on est
frappé de la surcharge effrayante des
programmes scolaires, par suite de l'ad-
jonction des langues vivantes et des
sciences au poids déjà si lourd des lan-
gues mortes. Partout on est frappé de
la nécessité urgente de mettre au plus
tôt l'enseignement en harmonie avec les
nécessités de la civilisation moderne.
Dernièrement, à la Chambre des dé-
putés d'Autriche, le baron de Pirqueta
prononcé, sur cette grave matière, un
discours qui a produit une sensation pro-
fonde. Notre plan d'études, a-t-il dit,
« souffre d'une véritable hypertrophie
dans chacune de ses parties ». En pla-
çant trop haut l'idéal qui devait être at-
teint par l'élève, en attachant une trop
grande valeur aux langues anciennes
et en dépréciant sans mesure la valeur
réelle des connaissances modernes, ne
sommes-nous pas victimes d'une illusion
qui nous conduit à préparer des géné-
rations ignorant à la fois le passé et le
présent, également incapables, par des
études superficielles et hâtives, de s'as-
similer l'antiquité et de s'accommoder aux
exigences de la société actuelle ? « L'es-
prit des auteurs grecs et la valeur réelle
de leurs œuvres ne nous sont-ils pas
rendus accessibles par les excellentes
traductions que nous possédons ? De-
vons-nous supporter de voir la majorité
des élèves travailler et se tourmenter
pour traduire maladroitement quelques
misérables chapitres de textes origi-
naux ?. Qui est-ce donc qui a jamais
dépassé Démosthène comme orateur ?
Et pourtant, les historiens ne savent pas
nous nommer les deux langues mortes
qui auraient dû lui servir de gymnasti-
que pour pouvoir étudier à fond sa
langue maternelle 1 »
Et mis en veine de citations et d'exem-
ples, le baron de Pirquet s'égaie aux
dépens des philologues autrichiens qui
prétendent reconnaître à la première
parole, «. par le bout du nez. pour ainsi
dire M, les personnes qui ont passé leur
examen de maturité (baccalauréat ès
lettres). Je vais, leur dit-il, vous dési-
gner trois hommes, tous les trois très-
distingués dans leur domaine, tous les
trois possédant à fond leur langue ma-
ternelle, tous les trois placés au pre-
mier rang des hommes d'Etat de notre
pays. Lequel des trois a passé sous le
joug de l'examen de maturité ? Vous ne
devinez pas? Eh bien 1 de tous les trois,
pas un seul 1 Ce sont le comte Ral-
noky, ministre des affaires étrangères,
le comte Bylandt, ministre delà guerre,
M. de Kalay, ministre des finances ;
« Et cependant, l'empire est bien con-
duit sous leur direction! » Ajoutons
qu'il est bien heureux que ces trois mi-
1.. ,- 1.
nistres soient nés en Autriche, car, en
France, avant la réforme dont M. Goblet
vient de prendre l'initiative, ces hom-
mes d'Etat n'auraient même pu être
nommés employés des postes ou surnu-
méraires de l'enregistrement.
En Belgique, la réforme scolaire est
faite; en Hongrie, elle est imminente ; en
Suisse elle est à l'ordre du jour dans
plusieurs cantons : dans le canton de
Genève, on a décidé récemment la créa-
tion d'une section réale du gymnase, en
vue d'y donner aux jeunes gens non un
enseignement commercial et industriel,
mais un enseignement classique mo-
derne , excluant les langues anciennes
et pouvant conduire néanmoins aux
hautes études universitaires. Ce projet,
malgré le vigoureux plaidoyer de M. de
Seigneux en faveur du grec et du la-
tin, a été adopté par 61 voix contre 5.
Si un pays paraît être plus que tout
autre la terre classique. des vieilles
études classiques, c'est assurément l'Ita-
lie. Le culte de l'antiquité y devrait être
plus fervent qu'ailleurs et écarter bien
loin les profanes, à plus forte raison, les
hérétiques et les sacrilèges. Il n'en est
rien cependant, si nous en croyons une
fort intéressante étude que vient de
publier M. G. Lafaye, dans la Revue in-
ternationale de l'enseignement. Il y a
plus : l'Italie nous a précédés dans la
voie où nous entrons auiourd'hui.
Jusqu'en 1875, le diplôme d'études
gréco-latines ( licenza liceale ) ouvrait
seul à l'étudiant italien les portes des
Facultés. Cette année-là, un décret
royal a établi que les jeunes gens éle-
vés dans un institut technique (lycée
d'enseignement secondaire spécial), qui
auraient obtenu le diplôme de la section
de physique et de mathématiques , au-
raient accès à la Faculté des sciences et
pourraient ensuite, en passant par l'école
d'application, devenir ingénieurs. Or, ce
n'est que sept ans après , par le décret
du 28 juillet 1882, que l'étudiant fran-
çais, pourvu du diplôme de bachelier de
l'enseignement spécial, a pu être admis
à se présenter aux examens des licen-
ces ès sciences.
Ce n'est pas tout. Dans les établisse-
ments mêmes consacrés à l'étude des
langues mortes, le niveau de ces études
baisse d'année en année. C'est ce qui
ressort, avec la dernière évidence, du
rapport d'un sénateur italien, M. Cre-
mona, d'autant moins suspect en ces
matières, qu'il est un des partisans les
plus déclarés de l'antiquité. « Force
nous est bien de reconnaître, écrit-il,
que, dans ce pays, l'étude du grec ne
donne aucun résultat, à telles enseignes
que d'éminents défenseurs de la philolo-
gie classique sont arrivés à en proposer
la suppression. Il se trouve même de
nos compatriotes qui voudraient descen-
dre plus bas encore et qui, le cœur lé-
ger, abandonneraient même le latin, la
langue de nos pères, la langue gravée
sur les monuments qui frappent nos re-
gards, la langue que tout étranger cul-
tive, étudie avec amour et par laquelle
nous apprenons à connaître un passé
que le monde nous envie. » Ainsi, les
opinions radicales de M. Frary comp-
tent de nombreux adeptes de l'autre
côté des Alpes, et, dans le bureau cen-
tral du Sénat, plusieurs membres ont
exprimé l'avis qu'il n'était plus permis
d'imposer à la jeunesse tout entière le
sacrifice d'études utiles, exigées par les
tendances de la civilisation moderne,
« pour la vouer au culte d'une civilisa-
tion ensevelie depuis des siècles ».
Qu'en faut-il conclure ? Peut-on rai-
sonnablement, comme le voudraient les
partisans de la réaction, endiguer, avec
des arrêtés ministériels et quelques
bouts de circulaires, ce courant qui
emporte les sociétés modernes, ou ne
vaut-il pas mieux tracer à ce courant
une large voie, en restaurant et en for-
tifiant, sur une voie parallèle, l'étude
des langues anciennes, réservée désor-
mais à l'élite intellectuelle du pays ?
Le danger, nous l'avons déjà dit,
n'est pas dans les empiétements de
« l'enseignement spécial M, mais dans
la transformation lente et insensible,
par l'adjonction de matières nouvelles,
du vieil enseignement classique en « en-
seignement spécial ». Est-il permis d'es-
pérer que les exigences modernes de-
viendront moindres avec le temps? A
chaque pas que l'on fait en avant, l'an-
tiquité recule à l'horizon et les masses
se détachent d'elles.
Est-ce que les sciences expérimenta-
les ont dit leur dernier mot et livré
leurs derniers secrets? Est-ce qu'avec
les communications de plus en plus ra-
pides entre les peuples, par suite de ces
rapports journaliers qui font de l'Eu-
rope un seul Etat et un seul marché, les
langues vivantes, qui ont depuis vingt
ans à peine droit de cité dans nos pro-
grammes, ne s'imposeront pas de jour
en jour plus impérieusement encore?
Peut-on sérieusement songer à entas-
ser, tous les dix ans, de nouvelles ma-
tières dans les programmes, sans en ja-
mais rien retrancher ? « Il n'est pas une
réforme, dit l'éminent recteur de l'Aca-
démie de Paris , qui n'ait eu pour objet
de restreindre ces programmes, et pour
effet de les étendre. » La vraie cause
du mal est là. En développant forte-
ment l'enseignement classique français,
on peut donner satisfaction à toutes les
exigences de la civilisation contempo-
raine, et rendre en même temps à l'é-
tude de l'antiquité sa force et son éclat.
C'est le seul moyen de guérir cette « hy-
pertrophie » que signale, après tant
d'autres, M. le baron de Pirquet, et qui
finirait, si l'on n'y prenait garde, par
emporter le malade.
ANDRÉ BALZ.
CHRONIQUE
Tandis que le ministre de la guerre
demande aux Chambres quatre cents
millions pour renouveler notre arme-
ment ; tandis que, d'un bout à l'autre
de l'Europe, on forge des canons, on
imagine de nouveaux modèles de fu-
sils, et que, au train dont vont les cho-
ses, les engins les plus formidables ne
sont déjà plus que des joujoux, le len-
demain, voici qu'un doux philanthrope
reprend le rêve humanitaire de l'abbé
de Saint-Pierre et lance son petit projet
de paix perpétuelle.
Il faut avoir les convictions solides,
pour choisir précisément ce moment,
qui ne paraît guère propice à des songes'
pacifiques ; mais les apôtres ne se lais-
sent décourager par rien ! C'est le cas
de M. Guillaume Pays, qui développe,
avec une ardeur et une foi ingénues,
un plan qu'il a formé pour éviter désor-
mais les conflits armés entre les na-
tions. Il a consacré ses méditations à un
projet « qui doit assurer le bonheur de
l'humanité », sans vouloir songer à
l'inutilité des congrès et des associa-
tions qui ont, avant lui, cherché à pour-
suivre cette utopie généreuse.
Sans daigner s'arrêter à aucune ob-
jection, M. Pays jette, avec un beau
sang-froid, les assises d'une institution
internationale dont l'établissement au-
rait pour résultat, selon lui, de détruire
à jamais tous les ferments de guerre.
Ce projet fait assurément l'éloge de son
bon cœur, mais il risque fort de ne pas
faire celui de son esprit pratique.
Voici, après de longues et laborieu-
ses réflexions, ce qu'a trouvé M. Pays :
Dans une ville qui serait à déterminer,
chaque nation enverrait un certain nom-
bre de représentants, dont l'ensemble
constituerait un tribunal arbitral. Le
nombre de ces représentants serait fixé
d'après l'importance de chaque Etat.
C'est devant ce tribunal que seraient
portés les différends qui surgissent con-
tinuellement entre les peuples, et ces
différends seraient jugés d'après un
code, mûrement discuté, qui saurait
prévoir tous les cas de difficultés pos-
sibles.
Une fois lancé, M. Pays ne s'arrête
plus, tant il trouve simple et grandiose
son idée. Tout entier à son idéal, il
rêve, pour ce chimérique tribunal, de
véritables sages inacessibles à toutes
les passions, et il n'entrevoit même pas
l'éventualité de dissensions entre les
membres de ce grand jury. Il définit
ainsi la sanction de ses arrêts : « Toute
insulte grave à une nation amènera,
pour la nation coupable, un blâme col-
lectif du tribunal. » Quelle dose de
vertu il faut avoir conservée, pour croire
encore, en politique, à l'efficacité d'un
blâme, même « collectif » !
Et voilà. La solution n'est pas plus
difficile que cela. M. Pays compte fer-
mement que les peuples vont mettre
son projet à exécution, et que, d'ici à
quelques années, toute la force armée
de l'Europe se bornera à quelques gen-
darmes.
Hélas ! voici bien longtemps que l'on
maudit la guerre, et la guerre ne sem-
ble pas encore devoir être mise au rang
des monstruosités qui ne peuvent plus
se représenter. M. Leroy-Beaulieu a
calculé, un jour, le nombre des guerres
qui ont eu lieu en Europe depuis le
sixième siècle seulement, et il a dressé
ce tableau, qui peut être curieux à
citer :
44 guerres engagées pour obtenir un
accroissement de territoire ;
22 pour lever des tributs ;
24 guerres de représailles ;
8 guerres entreprises pour décider
de questions d'honneur ou de préroga-
tives ;
6 provenant de contestations relatives
à la possession d'un territoire ;
41 provenant de prétentions à une
couronne ;
30 guerres commencées sous le pré-
texte d'assister un allié ;
23 guerres provenant d'une rivalité
d'influences ;
5 provenant de querelles commer-
ciales ;
55 guerres civiles ;
28 guerres de religion.
Total : Deux cent quatre-vingt-six
guerres.
Il est a craindre que ce total ne s ar-
rête pas là, et qu'un statisticien de
l'avenir, reprenant le même travail, n'ait
à se livrer encore à de redoutables ad-
ditions. Les beaux rêves du genre de
celui de M. Pays n'y feront rien. Nous
voici bien près du vingtième siècle, pour
lequel Victor Hugo a prédit tant de cho-
ses, et, notamment, la fin de la guerre :
« Le haussement d'épaules que nous
avons devant l'Inquisition, il l'aura de-
vant la guerre ; il trouvera bête cette
oscillation de la victoire aboutissant in-
variablement à de funèbres remises en
équilibre. » Sommes-nous sur le point
de sentir ce si grand dédain pour la
guerre? Pendant longtemps encore, les
ouvrages comme la Nation armée, du
major von der Golz, ou la Guerre mo-
derne, du colonel Derrécagaix, auront
plus de poids que les brochures de
l'honnête et pacifique M. Pays. Que ce
Prix du numéro : Paris et Départements : 15 centimes
Mardi 2 novembre 1886
LHnHHI E flHHHHI SKtSIlfHâHHIiaH X1 SIHl EHHHHH C^HBrH LBmBHHE
JOURNAL RÉPUBLICAIN
REDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
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EN VENTE A LONDRES
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Au bureau du XIXo Siècle
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RÉGISSEURS D'ANNÓ-
MM. LAGRANGE, CERF ET CIE
6, place de la Bourse, 6
BULLETIN
Dimanche, a eu lieu, dans le départe-
ment du Pas-de-Calais, une élection au
conseil général, dont le résultat a été
connu seulement hier. M. Ovion, candidat
républicain, a été élu, dans le canton sud
de Boulogne, à la presque unanimité des
votants, en remplacement de M. Ansart-
Rault, ancien député, décédé il y a quel-
ques semaines.
Une élection cantonale n'a, en soi, qu'une
importance relative ; il n'est cependant
pas sans intérêt de constater que ces mani-
festations partielles du suffrage universel
ont une signification particulière, quand
elles se produisent dans des départements
qui, comme le Pas-de Calais, depuis les
élections d'octobre 1885, paraissaient in-
féodés à la réaction.
Nous avons rendu- compte, hier, de l'in-
cident qui s'est produit à Charleroi. Le
fait vaut qu'on s'y arrête.
La population ouvrière du bassin de
Charleroi avait organisé une imposante
manifestation, à laquelle ont pris part plus
de trente mille individus des deux sexes.
Les groupes ont parcouru les rues de la
ville, deux heures durant, bannières rou-
ges déployées, chantant la Marseillaise et
un hymne de circonstance, composé
par un ouvrier belge et intitulée : Vive la
publique sociale démocratique! La jour-
née s'est, d'ailleurs, passée sans trouble.
Les ouvriers de Charleroi ont donné à
leur manifestation, toute pacifique, le sens
qu'ils avaient entendu lui attacher; ils
voulaient exprimer leurs sentiments en
faveur du suffrage universel et réclamer
l'amnistie de leurs camarades compromis
dans l'affaire du 27 mars. Ils ont eu la sa-
gesse de ne pas fournir, par une attitude
désordonnée, une raison plausible à un re-
fus du gouvernement belge. Ce qui ne
prouve pas, d'ailleurs, que celui-ci soit
disposé, tant s'en faut, à prêter l'oreille à
leurs revendications telles qu'elles ont
été exprimées.
Il faut pourtant noter, à l'honneur du
ministère belge, ou plutôt du roi Léo-
pold, — qui est le seul libéral du gouver-
nement actuel, — qu'il se préoccupe, avec
une sollicitude évidente, de remédier à la
crise ouvrière qui sévit avec une intensité
inquiétante en Belgique. Au lendemain
des événements du mois de mars dernier,
il a constitué une commission d'enquête
pour étudier attentivement les causes du
malaise dont souffre la classe laborieuse,
et proposer les mesures propres à enrayer
le mal.
Cette commission a travaillé en cons-
cience. Après avoir entendu les patrons et
les ouvriers contradictoirement, et rédigé
de volumineux rapports, ce qui ne saurait
suffire, elle a, ce qui vaut mieux, traduit
en projets de loi les résultats de son en-
quête. L'un de ces projets institue des
conseils de conciliation, composés en nom-
bre égal de patrons et d'ouvriers et char-
gés de régler, sous la présidence du
juge de paix du canton, les conflits qui,
dans l'état actuel des choses, ne peuvent
se résoudre que par des grèves. C'est
l'équivalent des projets élaborés en France
par l'honorable M. Lockroy, ministre du
commerce et de l'industrie, sur l'arbitrage
en matière industrielle.
Il faudrait avoir sous les yeux les textes,
pour comparer la valeur respective des
deux projets. Il est à croire que cette étude
comparative sera faite, dans les Chambres
des deux pays, avec tout le soin qu'elle
mérite.
Il faut désirer aussi que la discussion
des graves et importantes questions qui
s'y rattachent soit entreprise par notre
Parlement aussitôt que le règlement du
budget le permettra, c'est-à-dire à l'ouver-
ture de la session ordinaire de 1887.
En Belgique, on ne peut être moins dé-
sireux d'aborder l'examen des divers pro-
jets qui, dans l'esprit des membres de la
commission d'enquête, doivent former une
sorte de Code des travailleurs.
La manifestation de Charleroi, si elle
n'a pas pour effet de faire faire un pas dé-
cisif à la question de la revision de la loi
électorale, aura eu certainement cet avan-
tage de démontrer la nécessité de hâter
l'étude des projets de loi qui pourront,
sinon résoudre la question sociale, au
moins améliorer les rapports entre le tra-
vail et le capital.
Louis HENRIQUE.
INFORMATIONS PARTICULIÈRES
Elections départementales
Une élection au conseil général du Pas-de-
Calais a eu lieu dans le canton sud de Bou-
logne.
M. Ovion, candidat républicain, a été élu
par 3,044 voix, sur 3,619 votants.
Une élection au conseil d'arrondissement
a également eu lieu dans le canton de Recey-
sur-Ource (Côte-d'Or).
M. Gautrelet, candidat républicain, a été élu
par 769 voix, contre 549 à M. Leconte, candi-
dat réactionnaire.
C'est un siège gagné par les républicains.
M. Decrais
M. Decrais, le nouvel ambassadeur de
France en Autriche, est arrivé à Vienne, où il
a pris possession de son poste.
QUESTIONS DU JOUR
L'impôt sur les boissons
Un de nos grands distillateurs de l'Est,
M. Luzet, vient d'envoyer à la Chambre
des députés et au Sénat un travail im-
portant, dont les conclusions sont ap-
puyées sur des faits et des chiffres. En
deux mots, voici ce qu'il expose : On
est fort en peine d'équilibre le buget,
on cherche de l'argent ; or, il n'y aurait
pas besoin de créer de nouvelles res-
sources, si l'on prenait la peine de répri-
mer des fraudes, dans le commerce des
boissons, qui font perdre à l'Etat, cha-
que année, 200 millions sur les alcools
seulement.
Dans un supplément imprimé à part,
M. Luzet a donné les résultats de l'en-
quête personnelle, qu'avec l'aide de ses
correspondants, il a pu faire dans un
grand nombre de départements. Il a dû
remplacer par des points les noms de
maisons importantes, qu'il n'aurait pu
livrer à la publicité sans se faire atta-
quer en diffamation; mais ses indica-
tions ont un caractère de précision qui
les rend difficilement contestables. Ce
qui sera plus difficile à vérifier, c'est
l'évaluation du dommage.
Pour rester en deçà de ce qu'il croit
être la réalité, M. Luzet ne demande à
l'alcool qu'un supplément de recettes de
167 millions, bien qu'il estime qu'on en
obtiendrait 200 par la répression des
fraudeurs. Il a dressé tout un plan de
budget pour l'ensemble des recettes des
boissons (alcools, vins, cidres, bières, li-
cences, etc.) qui donnerait à l'Etat un
produit de 536 millions, au lieu de 421
millions 500,000 francs, moyenne des
années 1880-1884. Ce n'est qu'une dif-
férence, en plus, de 114 millions 500,000
francs; mais cela tient à ce que l'auteur
propose d'opérer un notable dégrève-
ment sur les vins.
Il démontre ensuite la nécessité de
réformer la loi surannée de 1816. Il
propose la suppression de l'exercice
chez les débitants de boissons, mar-
chands en gros et fabricants de li-
queurs, la libre circulation des vins et
alcools, la liberté entière du commerce
des liquides, la suppression des droits
d'entrée et d'octroi, l'emploi du comp-
teur d'alcool dans toute distillerie quel-
conque, la création d'entrepôts réels et
la déclaration de possession d'alambics
par tous ceux qui en sont détenteurs.
En ce qui concerne les alcools, il insiste
tout particulièrement sur leur libre fa-
brication et leur libre circulation, ainsi
que sur la suppression de l'exercice. On
remplacerait tout cela par la perception
d'une taxe uniforme de 156 fr. 25 par
hectolitre, à laquelle aucun producteur
n'échapperait. C'est un nouveau sys-
tème, dont il faudrait étudier le déve-
loppement et les détails dans la bro-
chure de M. Luzet. En résumé, son
dessein est de rétablir la liberté de la
fabrication et du commerce; mais avec
un contrôle tel, qu'il n'y ait pas de
fraude possible dans la perception de
l'impôt. Ce sera grande matière de
contestation, car il n'y a rien de plus
compliqué que l'établissement d'un bon
régime d'impôt sur les boissons. Mais,
ce que nous devons retenir, c'est que,
sous la législation actuelle, l'Etat doit
perdre, d'après les informations de M.
Luzet, 200 millions du seul fait de la
fraude.
« Que la Chambre ordonne une en-
quête, dit l'honorable auteur de la bro-
chure, et la preuve lui en sera donnée.
Que l'on consulte les marchands d'al-
cool en gros des villes, des bourgades et
des campagnes, tous diront que leur
commerce souffre par ce qu'il est en-
travé par la fraude. Tout le mal vient
de ce que la production de l'alcool est
libre chez tous autres que chez le distil-
lateur de profession. En un mot, la pro-
duction des alcools chez les propriétai-
res fait une grande concurrence aux
négociants, qui ont les charges de pa-
tente, licence et autres frais. Le com-
merce des alcools souffre sur tous les
points de la France ; c'est un cri géné-
ral. Le propriétaire vend en fraude,
très cher, et sans droits. C'est le ven-
deur et le fraudeur qui ont tout le bé-
néfice. Le consommateur paie cher,
l'Etat perd tout et le négociant ne fait
pas d'affaires. »
C'est au cours des dernières années,
que la fraude sur les boissons a pris,
selon l'estimation de M. Luzet, un dé-
veloppement d'une rapidité alarmante.
En 1872, il n'échappait guère plus de
40 millions au Trésor, qui, ainsi qu'on
vient de le voir, perdrait 200 millions
aujourd'hui. Il me semble que l'on
pourrait - trouver quelque rapport entre
l'accroissement des fabrications frau-
duleuses et l'extension des ravages du
phylloxéra ; c'est une indication que je
hasarde. D'un autre côté, M. Luzet fait,
quelque part, allusion à certaines con-
nivences des employés de l'administra-
tion et des fraudeurs, surtout dans la
région du Midi : des employés se fe-
raient complices des fraudeurs, par la
crainte d'être dénoncés comme mauvais
républicains, cléricaux, réactionnaires,
et ils fermeraient les yeux sur tout. S'il
en était ainsi, ce serait un fâcheux
symptôme de démoralisation dans cette
partie de l'administration française.
Quoi qu'il en soit, M. Luzet explique et
démontre que la fraude se pratique à
l'excès chez des propriétaires qui cul-
tivent en grand des produits à distiller
ou qui en achètent, soit secrètement,
soit sous quelque prétexte, tel que celui
de pourvoir à la nourriture du bétail.
Il existe ainsi nombre de distilleries
purement clandestines. Mais le plus grand
dommage, d'après la brochure, est causé
par l'article de la loi de 1816 qui a éta-
bli le privilège des bouilleurs de cru.
Le bouilleur de cru, c'est le proprié-
taire qui distille, sans sortir de chez lui,
le vin ou le cidre de sa récolte ; il est
indemne de tous droits et dispensé de
toute déclaration. On comprend bien
quel était l'esprit de cet article de la
loi de 1816, qui était bon tant qu'on ne
fraudait pas ; mais les choses ont chan-
gé, et le privilège des bouilleurs de
cru, à en croire notre auteur, ne sert
maintenant qu'à couvrir des spécula-
tions frauduleuses, qui se pratiqueraient
dans des proportions inquiétantes. Il est
bon de remarquer que la question des
bouilleurs de cru ajustement préoccupé,
cette année, la commission du budget,
qui a réclamé la suppression radicale
de leur privilège.—«Laissez-leur une to-
lérance de 25 litres », a dit le ministre
de l'agriculture. La. commission n'y a
pas consenti, et le débat sera porté de-
vant la Chambre.
La commission raisonne ainsi : « Lais-
ser aux bouilleurs une tolérance quel-
conque, c'est garder à la fraude une
porte entr'ouverte, qui ne tardera pas
à se rouvrir toute grande. » Quant aux
motifs du gouvernement, le ministre ne
les a pas expliqués; mais on les devine-
rait peut-être sans peine : c'est qu'une
telle décision soulèverait une explosion
de mécontentement chez tous ceux
qu'elle intéresserait. Ils sont nombreux
et forment deux catégories : la catégorie
des gens qui ne fraudent point, et qui
s'indigneraient qu'on leur retirât un pri-
vilège dont eux et leurs ancêtres ont
joui depuis soixante-dix ans ; la caté-
gorie des fraudeurs, qui jetteraient de
plus hauts cris encore, parce qu'ils y
perdraient davantage. Et nous passons
ainsi, selon que nous examinons la
question sous ces deux aspects, des
considérations économiques aux consi-
dérations électorales.
Si la réalité est conforme a ce que
nous en dit M. Luzet, qui a donné à sa
brochure un long supplément où ne sont
que recueillis des témoignages et des
preuves, je crois qu'on ne saurait mieux
faire que de donner le pas aux consi-
dérations économiques. Dans tous les
cas, l'intéressante déposition qu'il vient
de publier ne saurait échapper à l'atten-
tion des hommes compétents du Sénat
et de la Chambre. On pourra, certes,
être en désaccord avec lui sur son sys-
tème; mais le Parlement fera bien
d'exercer son contrôle sur la situation
qu'il a révélée.
EUG. LIÉBERT.
PETITS ABUS
Les confidences publiques de certains
députés, et même les doléances verbales
ou écrites d'anciens ministres des finances
nous ont plus d'une fois révélé les abus
qui se produisent dans la répression des
fraudes. Non pas que cette répression soit
trop rigoureuse 1 Bien au contraire. Une
fraude est constatée à la douane ou par la
régie : le fraudeur va exposer son affaire
aux députés de son département et leur
demande de le tirer du mauvais cas où il
s'est mis ; les députés agissent auprès du
ministre, courent de bureau en bureau et
finissent généralement par obtenir que
l'amende légale soit remplacée par une
transaction dérisoire. Cette impunité en-
courage naturellement le fraudeur et fa-
vorise le développement de la fraude au
grand détriment du Trésor.
C'est un grand abus, à côté duquel il
s'en est formé beaucoup de petits qui se
dissimulent dans les recoins ignorés de
toutes les administrations, et qu'on ne
peut découvrir qu'à la condition d'être
« du bâtiment». Un percepteur, de nos
amis, nous signale quelques faits intéres-
sants et nous lui cédons la parole pour les
exposer lui-même :
Supposez, nous dit-il, que MM. X, Y et Z
aient fourni pour le compte d'une commune
diverses marchandises ou fait exécuter di-
vers travaux, chacun pour une somme su-
périeure à 10 francs. Les maires, pour dé-
sintéresser les créanciers, font établir, con-
trairement à l'article 12, n° 1 de la loi du 13
brumaire an VII, un seul mémoire au nom
de X., par exemple, afin d'économiser à Y.
et Z. la dépense de deux feuilles de papier
timbré et deux timbres de quittance, soit
1 fr. 40 de perte pour le Trésor. Ceci répété
dans toutes les communes de France, l'Etat
subit une perte assez sensible.
Dans un grand nombre de communes, le
produit des ventes faites par les notaires, soit
dans les salles de mairie, soit dans les salles
d'école ne rentrent pas dans les caisses
communales, conformément à l'arrêté pris
par le ministre de l'intérieur en 1884. L ar-
gent est remis de la main à la main, par les
notaires, aux secrétaires de mairie qui le
mettent tout bonnement dans leur poche,
avec l'assentiment des maires et peut-être
même avec celui du conseil municipal. Vous
vous demandez en quoi cela peut nuire au
Trésor? Le Trésor y perd de deux façons. Il
perd d'abord une feuille de papier timbré
exigée pour l'établissement d'un titre de re-
cette ; en second lieu, les subventions accor-
dées aux communes par l'Etat pour l'instruc-
tion primaire étant basées sur les recettes
ordinaires de l'exercice précédent, il arrive-
rait que la subvention serait moindre de 20,
de 30, de 100 francs ou de plus, si la recette
était faite régulièrement. Ces irrégularités,
punissables par les lois, se présentent sous
toutes les formes et plus souvent que vous
ne le supposez.
Il ne faudrait pourtant pas qu'un percep-
teur, qui sait et qui voit tout ce se passe,
s'avisât de faire connaître ces mauvais pro-
cédés à l'administration préfectorale, car
on lui répondrait : « Cela ne vous regarde
pas; encaissez ce que l'on vous dit d'en-
caisser. »
S'agit-il du recouvrement des amendes. Oh 1
alors, le préfet écrit au trésorier général pour
lui demander s'il croit que le percepteur a
raison de poursuivre les débiteurs. Ce der-
nier répond immédiatement : « Le maire a
raison, et le percepteur a tort. Il doit respec-
ter les usages établis. »
Pour terminer, voici ce que je lis dans le
journal bimensuel des percepteurs :
« Produit des expéditions des actes de l'état-
civil et des actes administratifs.
« Le maire de la commune de X., d'accord
avec le conseil municipal, considérant que le
produit des actes de l'état-civil et des actes
administratifs ne s'est élevé, pendant l'année
1885, qu'à la somme de 5 francs, a attribué
purement et simplement ladite somme au
secrétaire de mairie, à titre de supplément
de traitement, sans toutefois qu'aucune déli-
bération ait régularisé cette attribution,
etc., etc.
» Nous ne relevons ce fait, dit le journal
des percepteurs, que pour avoir l'occasion de
faire connaître aux comptables que 1' « ins-
pection générale des finances a fréquem-
ment constaté des irrégularités de ce genre,
et que ses rapports ne cessent d'appeler l'at-
tention du ministre des finances sur ce point
du service.
» L'administration centrale s'est émue à
son tour de cette manière de procéder et
elle a saisi le ministre de l'intérieur de la
question de savoir s'il n'y aurait pas lieu d'in-
viter les préfets des départements, par voie
de circulaire, à rappeler aux maires que toute
dissimulation de recette, si minime qu'elle
soit, est de nature à engager la responsabi-
lité des administrations publiques.
» Les comptables, dûment prévenus, ajoute
le journal des percepteurs, devront éveiller à
ce sujet l'attention des maires et refuser de
se prêter à des opérations occultes. »
Ce journal se trompe ; si les percepteurs
mécontentaient les maires, ils ne seraient
pas bien vus par les chefs de division de la
préfecture et par les employés de la sous-
préfecture.
Tous ces faits ne sont évidemment pas
bien graves ; cependant, la réunion n'en
laisse pas que d'avoir une certaine impor-
tance. Chacun cherchant à échapper aux
impôts existants, le rendement en devient
moins considérable qu'on ne l'avait prévu,
et, pour combler les vides du budget, il
faut recourir à de nouvelles charges, aux-
quelles on s'ingénie de nouveau à se sous-
traire. Cette tendance à payer le moins
d'impôts que l'on peut s'explique assez
aisément chez le contribuable. Mais les
administrations publiques sortent évidem-
ment de leur rôle en aidant les particuliers
dans cette voie. Elles sont chargées de
veiller à l'observation de la loi, et les lois
de finances ne sont pas plus faites que les
autres pour être violées ou tournées.
Les Tombes d'Alsace-Lorraine
DEUXIÈME LISTE
Mme de Dietrich 1.000 »
Jacques Maillet, statuaire. 100 »
Arthur Mever. 100 »
L -. le Temple des Amis de l'hon-
neur français. 25 »
Mme F.-R. Quibel, 33, rue d'Avon, à
Fontainebleau. 40 «
Souilhac, instituteur suppléant dépar-
temental, à Jumilhac-le-Grand. 35 »
Mlle A. Couvreur, Ecole normale supé-
rieure des jeunes filles, à Sèvres. 20 »
A. Vercherin, correspondant de l'agence
Havas, à Nice. 10 «
G. Montfort. 10 »
L. L. 10 »
Bouchard, maire de la commune de
Toulon-sur-Allier. 5 »
M.-A. Gromier, directeur de la Corres-
pondance étrangère 5 »
Buissot 5 »
Bamberger, ancien député de Metz et
de la Seine. 5 »
G.-Oger Romilly. 5 »
Fornes, 25, passage de l'Elysée-et-des-
Beaux-Arts 4 50
Dubut (G.), à Limoges. 1 «
Total de la 20 liste 1.380 50
Report de la ire liste. 1.352 40
Total 2.732 90
L'Enseignement secondaire moderne
A L'ÉTRANGER
La réforme de l'enseignement secon-
daire est à l'ordre du jour dans la plu-
part des Etats de l'Europe, et ce n'est
pas la France, il faut le dire, qui tient
la tête du mouvement. Partout on est
frappé de la surcharge effrayante des
programmes scolaires, par suite de l'ad-
jonction des langues vivantes et des
sciences au poids déjà si lourd des lan-
gues mortes. Partout on est frappé de
la nécessité urgente de mettre au plus
tôt l'enseignement en harmonie avec les
nécessités de la civilisation moderne.
Dernièrement, à la Chambre des dé-
putés d'Autriche, le baron de Pirqueta
prononcé, sur cette grave matière, un
discours qui a produit une sensation pro-
fonde. Notre plan d'études, a-t-il dit,
« souffre d'une véritable hypertrophie
dans chacune de ses parties ». En pla-
çant trop haut l'idéal qui devait être at-
teint par l'élève, en attachant une trop
grande valeur aux langues anciennes
et en dépréciant sans mesure la valeur
réelle des connaissances modernes, ne
sommes-nous pas victimes d'une illusion
qui nous conduit à préparer des géné-
rations ignorant à la fois le passé et le
présent, également incapables, par des
études superficielles et hâtives, de s'as-
similer l'antiquité et de s'accommoder aux
exigences de la société actuelle ? « L'es-
prit des auteurs grecs et la valeur réelle
de leurs œuvres ne nous sont-ils pas
rendus accessibles par les excellentes
traductions que nous possédons ? De-
vons-nous supporter de voir la majorité
des élèves travailler et se tourmenter
pour traduire maladroitement quelques
misérables chapitres de textes origi-
naux ?. Qui est-ce donc qui a jamais
dépassé Démosthène comme orateur ?
Et pourtant, les historiens ne savent pas
nous nommer les deux langues mortes
qui auraient dû lui servir de gymnasti-
que pour pouvoir étudier à fond sa
langue maternelle 1 »
Et mis en veine de citations et d'exem-
ples, le baron de Pirquet s'égaie aux
dépens des philologues autrichiens qui
prétendent reconnaître à la première
parole, «. par le bout du nez. pour ainsi
dire M, les personnes qui ont passé leur
examen de maturité (baccalauréat ès
lettres). Je vais, leur dit-il, vous dési-
gner trois hommes, tous les trois très-
distingués dans leur domaine, tous les
trois possédant à fond leur langue ma-
ternelle, tous les trois placés au pre-
mier rang des hommes d'Etat de notre
pays. Lequel des trois a passé sous le
joug de l'examen de maturité ? Vous ne
devinez pas? Eh bien 1 de tous les trois,
pas un seul 1 Ce sont le comte Ral-
noky, ministre des affaires étrangères,
le comte Bylandt, ministre delà guerre,
M. de Kalay, ministre des finances ;
« Et cependant, l'empire est bien con-
duit sous leur direction! » Ajoutons
qu'il est bien heureux que ces trois mi-
1.. ,- 1.
nistres soient nés en Autriche, car, en
France, avant la réforme dont M. Goblet
vient de prendre l'initiative, ces hom-
mes d'Etat n'auraient même pu être
nommés employés des postes ou surnu-
méraires de l'enregistrement.
En Belgique, la réforme scolaire est
faite; en Hongrie, elle est imminente ; en
Suisse elle est à l'ordre du jour dans
plusieurs cantons : dans le canton de
Genève, on a décidé récemment la créa-
tion d'une section réale du gymnase, en
vue d'y donner aux jeunes gens non un
enseignement commercial et industriel,
mais un enseignement classique mo-
derne , excluant les langues anciennes
et pouvant conduire néanmoins aux
hautes études universitaires. Ce projet,
malgré le vigoureux plaidoyer de M. de
Seigneux en faveur du grec et du la-
tin, a été adopté par 61 voix contre 5.
Si un pays paraît être plus que tout
autre la terre classique. des vieilles
études classiques, c'est assurément l'Ita-
lie. Le culte de l'antiquité y devrait être
plus fervent qu'ailleurs et écarter bien
loin les profanes, à plus forte raison, les
hérétiques et les sacrilèges. Il n'en est
rien cependant, si nous en croyons une
fort intéressante étude que vient de
publier M. G. Lafaye, dans la Revue in-
ternationale de l'enseignement. Il y a
plus : l'Italie nous a précédés dans la
voie où nous entrons auiourd'hui.
Jusqu'en 1875, le diplôme d'études
gréco-latines ( licenza liceale ) ouvrait
seul à l'étudiant italien les portes des
Facultés. Cette année-là, un décret
royal a établi que les jeunes gens éle-
vés dans un institut technique (lycée
d'enseignement secondaire spécial), qui
auraient obtenu le diplôme de la section
de physique et de mathématiques , au-
raient accès à la Faculté des sciences et
pourraient ensuite, en passant par l'école
d'application, devenir ingénieurs. Or, ce
n'est que sept ans après , par le décret
du 28 juillet 1882, que l'étudiant fran-
çais, pourvu du diplôme de bachelier de
l'enseignement spécial, a pu être admis
à se présenter aux examens des licen-
ces ès sciences.
Ce n'est pas tout. Dans les établisse-
ments mêmes consacrés à l'étude des
langues mortes, le niveau de ces études
baisse d'année en année. C'est ce qui
ressort, avec la dernière évidence, du
rapport d'un sénateur italien, M. Cre-
mona, d'autant moins suspect en ces
matières, qu'il est un des partisans les
plus déclarés de l'antiquité. « Force
nous est bien de reconnaître, écrit-il,
que, dans ce pays, l'étude du grec ne
donne aucun résultat, à telles enseignes
que d'éminents défenseurs de la philolo-
gie classique sont arrivés à en proposer
la suppression. Il se trouve même de
nos compatriotes qui voudraient descen-
dre plus bas encore et qui, le cœur lé-
ger, abandonneraient même le latin, la
langue de nos pères, la langue gravée
sur les monuments qui frappent nos re-
gards, la langue que tout étranger cul-
tive, étudie avec amour et par laquelle
nous apprenons à connaître un passé
que le monde nous envie. » Ainsi, les
opinions radicales de M. Frary comp-
tent de nombreux adeptes de l'autre
côté des Alpes, et, dans le bureau cen-
tral du Sénat, plusieurs membres ont
exprimé l'avis qu'il n'était plus permis
d'imposer à la jeunesse tout entière le
sacrifice d'études utiles, exigées par les
tendances de la civilisation moderne,
« pour la vouer au culte d'une civilisa-
tion ensevelie depuis des siècles ».
Qu'en faut-il conclure ? Peut-on rai-
sonnablement, comme le voudraient les
partisans de la réaction, endiguer, avec
des arrêtés ministériels et quelques
bouts de circulaires, ce courant qui
emporte les sociétés modernes, ou ne
vaut-il pas mieux tracer à ce courant
une large voie, en restaurant et en for-
tifiant, sur une voie parallèle, l'étude
des langues anciennes, réservée désor-
mais à l'élite intellectuelle du pays ?
Le danger, nous l'avons déjà dit,
n'est pas dans les empiétements de
« l'enseignement spécial M, mais dans
la transformation lente et insensible,
par l'adjonction de matières nouvelles,
du vieil enseignement classique en « en-
seignement spécial ». Est-il permis d'es-
pérer que les exigences modernes de-
viendront moindres avec le temps? A
chaque pas que l'on fait en avant, l'an-
tiquité recule à l'horizon et les masses
se détachent d'elles.
Est-ce que les sciences expérimenta-
les ont dit leur dernier mot et livré
leurs derniers secrets? Est-ce qu'avec
les communications de plus en plus ra-
pides entre les peuples, par suite de ces
rapports journaliers qui font de l'Eu-
rope un seul Etat et un seul marché, les
langues vivantes, qui ont depuis vingt
ans à peine droit de cité dans nos pro-
grammes, ne s'imposeront pas de jour
en jour plus impérieusement encore?
Peut-on sérieusement songer à entas-
ser, tous les dix ans, de nouvelles ma-
tières dans les programmes, sans en ja-
mais rien retrancher ? « Il n'est pas une
réforme, dit l'éminent recteur de l'Aca-
démie de Paris , qui n'ait eu pour objet
de restreindre ces programmes, et pour
effet de les étendre. » La vraie cause
du mal est là. En développant forte-
ment l'enseignement classique français,
on peut donner satisfaction à toutes les
exigences de la civilisation contempo-
raine, et rendre en même temps à l'é-
tude de l'antiquité sa force et son éclat.
C'est le seul moyen de guérir cette « hy-
pertrophie » que signale, après tant
d'autres, M. le baron de Pirquet, et qui
finirait, si l'on n'y prenait garde, par
emporter le malade.
ANDRÉ BALZ.
CHRONIQUE
Tandis que le ministre de la guerre
demande aux Chambres quatre cents
millions pour renouveler notre arme-
ment ; tandis que, d'un bout à l'autre
de l'Europe, on forge des canons, on
imagine de nouveaux modèles de fu-
sils, et que, au train dont vont les cho-
ses, les engins les plus formidables ne
sont déjà plus que des joujoux, le len-
demain, voici qu'un doux philanthrope
reprend le rêve humanitaire de l'abbé
de Saint-Pierre et lance son petit projet
de paix perpétuelle.
Il faut avoir les convictions solides,
pour choisir précisément ce moment,
qui ne paraît guère propice à des songes'
pacifiques ; mais les apôtres ne se lais-
sent décourager par rien ! C'est le cas
de M. Guillaume Pays, qui développe,
avec une ardeur et une foi ingénues,
un plan qu'il a formé pour éviter désor-
mais les conflits armés entre les na-
tions. Il a consacré ses méditations à un
projet « qui doit assurer le bonheur de
l'humanité », sans vouloir songer à
l'inutilité des congrès et des associa-
tions qui ont, avant lui, cherché à pour-
suivre cette utopie généreuse.
Sans daigner s'arrêter à aucune ob-
jection, M. Pays jette, avec un beau
sang-froid, les assises d'une institution
internationale dont l'établissement au-
rait pour résultat, selon lui, de détruire
à jamais tous les ferments de guerre.
Ce projet fait assurément l'éloge de son
bon cœur, mais il risque fort de ne pas
faire celui de son esprit pratique.
Voici, après de longues et laborieu-
ses réflexions, ce qu'a trouvé M. Pays :
Dans une ville qui serait à déterminer,
chaque nation enverrait un certain nom-
bre de représentants, dont l'ensemble
constituerait un tribunal arbitral. Le
nombre de ces représentants serait fixé
d'après l'importance de chaque Etat.
C'est devant ce tribunal que seraient
portés les différends qui surgissent con-
tinuellement entre les peuples, et ces
différends seraient jugés d'après un
code, mûrement discuté, qui saurait
prévoir tous les cas de difficultés pos-
sibles.
Une fois lancé, M. Pays ne s'arrête
plus, tant il trouve simple et grandiose
son idée. Tout entier à son idéal, il
rêve, pour ce chimérique tribunal, de
véritables sages inacessibles à toutes
les passions, et il n'entrevoit même pas
l'éventualité de dissensions entre les
membres de ce grand jury. Il définit
ainsi la sanction de ses arrêts : « Toute
insulte grave à une nation amènera,
pour la nation coupable, un blâme col-
lectif du tribunal. » Quelle dose de
vertu il faut avoir conservée, pour croire
encore, en politique, à l'efficacité d'un
blâme, même « collectif » !
Et voilà. La solution n'est pas plus
difficile que cela. M. Pays compte fer-
mement que les peuples vont mettre
son projet à exécution, et que, d'ici à
quelques années, toute la force armée
de l'Europe se bornera à quelques gen-
darmes.
Hélas ! voici bien longtemps que l'on
maudit la guerre, et la guerre ne sem-
ble pas encore devoir être mise au rang
des monstruosités qui ne peuvent plus
se représenter. M. Leroy-Beaulieu a
calculé, un jour, le nombre des guerres
qui ont eu lieu en Europe depuis le
sixième siècle seulement, et il a dressé
ce tableau, qui peut être curieux à
citer :
44 guerres engagées pour obtenir un
accroissement de territoire ;
22 pour lever des tributs ;
24 guerres de représailles ;
8 guerres entreprises pour décider
de questions d'honneur ou de préroga-
tives ;
6 provenant de contestations relatives
à la possession d'un territoire ;
41 provenant de prétentions à une
couronne ;
30 guerres commencées sous le pré-
texte d'assister un allié ;
23 guerres provenant d'une rivalité
d'influences ;
5 provenant de querelles commer-
ciales ;
55 guerres civiles ;
28 guerres de religion.
Total : Deux cent quatre-vingt-six
guerres.
Il est a craindre que ce total ne s ar-
rête pas là, et qu'un statisticien de
l'avenir, reprenant le même travail, n'ait
à se livrer encore à de redoutables ad-
ditions. Les beaux rêves du genre de
celui de M. Pays n'y feront rien. Nous
voici bien près du vingtième siècle, pour
lequel Victor Hugo a prédit tant de cho-
ses, et, notamment, la fin de la guerre :
« Le haussement d'épaules que nous
avons devant l'Inquisition, il l'aura de-
vant la guerre ; il trouvera bête cette
oscillation de la victoire aboutissant in-
variablement à de funèbres remises en
équilibre. » Sommes-nous sur le point
de sentir ce si grand dédain pour la
guerre? Pendant longtemps encore, les
ouvrages comme la Nation armée, du
major von der Golz, ou la Guerre mo-
derne, du colonel Derrécagaix, auront
plus de poids que les brochures de
l'honnête et pacifique M. Pays. Que ce
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