Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1886-10-29
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 29 octobre 1886 29 octobre 1886
Description : 1886/10/29 (A17,N5405). 1886/10/29 (A17,N5405).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
0
Oix-septièmè année. - NI 5405
Prix du numéro : Paris et Départements : 45 centimes
Vendredi 29 octobre 1H86
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JOURNAL - RÉPUBLICAIN
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S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
le, rue GaDirecteur politique :
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AVIS
Les abonnés nouveaux, qui en feront
la demande, recevront ce qui a paru de
notre feuilteton en cours de publication,
FLEUR D'ORANGER, de M. G. Tou-
DOUZE,
BULLETIN
La Chambre a terminé hier la discussion
de la loi sur l'enseignement primaire. Un
débat assez vif s'est engagé entre le com-
missaire du gouvernement, M. Buisson,
directeur de l'enseignement primaire au
ministère de l'instruction publique, et M.
Freppel, évêque d'Angers, à propos de la
dispense du service militaire, que la loi
en discussion n'accorde — à titre transi-
toire et jusqu'au vote d'une nouvelle loi
de recrutement — qu'aux membres de
l'enseignement public. Un amendement
déposé par M. de Lamarzelle, tendant au
maintien de la dispense à tous les institu-
teurs, sans distinction, professant dans les
établissements publics ou dans les écoles
privées, a été repoussé à une forte majo-
rité.
L'ensemble de la loi a été adopté par
368 voix contre 175.
Le Sénat a tenu une courte séance qui a
été consacrée tout entière à l'examen de
projets d'intérêt local.
L'affaire bulgare, après avoir tenu l'Eu-
rope en haleine pendant de trop longs
mois, paraît devoir être reléguée au se-
cond plan. Il est vraisemblable, à l'heure
actuelle, qu'elle sera résolue pacifique-
ment par l'accord unanime des puissances
continentales.
Les préoccupations se portent mainte-
nant ailleurs ; la question égyptienne tient
la première place dans les délibérations
des différents gouvernements et sert de
thème aux commentaires les plus variés
de la presse européenne.
L'occupation de l'Egypte par l'Angle-
terre n'est que temporaire ; elle doit pren-
dre fin à bref délai, si les Anglais tiennent
à se conformer aux termes des engage-
ments qu'ils ont pris vis-à-vis de l'Europe
en 1882.
Rien ne prouve qu'ils n'y soient pas
disposés, malgré ce que pourrait laisser
croire le langage de certains journaux de
Londres et même de Paris.
S'il fallait prendre au pied de la lettre
les articulations des feuilles de Londres,
il ne saurait être question de demander
l'évacuation de l'Egypte par les troupes
anglaises à une date fixe, et cela, par la rai-
son qu'elles n'ont point achevé l'œuvre de
pacification quia motivé leur présence. La
situation financière du pays est devenue,
d'ailleurs, très satisfaisante, ajoute-t-on, ce
qui rend inutile la réunion de la commis-
sion internationale prévue par la conven-
tion de 1884. Cette commission, nous
dit-on, avait pour objet d'aviser aux me-
sures à prendre, si l'état des finances
égyptiennes avait été aussi lamentable
en 1887 qu'il l'était en 1885. Mais, dès au-
jourd'hui, le Trésor public accuse des ex-
cédents; dès lors, le contrôle européen est
une superfétation. Nous nous félicitons
bien volontiers de la prospérité des finan-
ces égyptiennes, et les créanciers du gou-
vernement khédivial ont de meilleures
raisons encore de se féliciter.
Mais nous. nous permettrons de faire
remarquer que cette amélioration du ré-
gime financier de l'Egypte, si elle s'est
produite d'une façon aussi sensible qu'on
nous le dit, ne serait, à tout prendre, qu'un
argument de plus en faveur de l'émanci-
pation du gouvernement du khédive, loin
d'être un prétexte au maintien indéfini
des troupes anglaises au Caire.
Dans tous les cas, le gouvernement bri-
tannique ne peut avoir oublié — et il n'a
certainement pas oublié — qu'il a, en
mainte occasion, soutenu que la ques-
tion de l'Egypte se présente sous deux as-
pects distincts, le côté financier et le côté
politique. Supposons qu'au point de vue
budgétaire, la situation soit devenue subi-
tement excellente : il n'en resterait pas
moins à démontrer que, dans l'état, les
puissances intéressées n'ont pas à s'en-
quérir de l'époque à laquelle le gouverne-
ment britannique entend rappeler ses
troupes. - -
On affirme que la France, en sa qualité
de grande puissance méditerranéenne, a
pris l'initiative d'interroger, sur ce point,
le chef du Foreign-Office. Une dépêche
récente annonce que M. Waddington, notre
ambassadeur à Londres, a eu hier une
longue entrevue avec lord Iddesleigh. La
même dépêche laisse entendre que la
question d'Egypte a fait l'objet de cet en-
tretien. Mais il faut avoir recours au Times
ou au Standard, pour apprendre quelle
doit avoir été la réponse du ministre an-
glais aux ouvertures de l'ambassadeur
français. Il va de soi, à l'estime de nos
confrères de Londres, qui, par un singu-
lier hasard, sont d'accord sur ce point
avec un journal français, que le gouverne-
ment britannique ne saurait même dis-
cuter sur l'éventualité de l'évacuation. Ces
journaux paraissent considérer comme un
danger public une discussion de ce genre.
Peu s'en faut qu'ils ne nous présagent une
querelle qui pourrait bien dégénérer en
une guerre. De là à former entre les diffé-
rentes puissances des groupes sympathi-
ques, à créer des alliances offensives et
défensives, il n'y a pas loin. Les groupe-
ments ont été faits et les alliances con-
clues.
Nous ne pensons pas, quant à nous, que
les choses aillent aussi vite et aussi loin
qu'on le dit à Londres et à Berlin.
Le gouvernement britannique ne res-
tera pas sourd aux amicales et courtoises
questions qui pourront lui être adressées
à propos de l'Egypte. Dans la situation
présente, il sait, mieux que les officieux
qui parlent en son nom, un peu à tort et
à travers, que les grands intérêts interna-
tionaux engagés en Egypte demandent à
être traités avec ménagement et discutés
avec prudence.
» Louis H ETRIQUE.
i INFORMATIONS PARTICULIERES
Conseil des ministres
Tous les ministres assistaient au conseil qui
a eu lieu, hier matin, au quai d'Osay, sous la
présidence de M. de Freycinet.
M. Sarrien, ministre de l'intérieur, a commu-
niqué à ses collègues les renseignements re-
çus des préfets des départements du Sud-Ouest
éprouvés par les inondations
L'amiral Aube' a entretenu ses collègues
des déclarations qu'il comptait faire à la com-
mission du budget relativement à sa demande
de crédit pour notre matériel naval.
M. Lockroy, ministre du commerce et de
l'indnstrie, a annoncé que M. Bozérian comp-
tait lui adresser une question au Sénat, au su-
jet de la loi sur les contrefaçons étrangères.
Mouvement diplomatique
M. de Freycinet a soumis hier à la signa-
ture du président de la République, deux dé-
crets portant nomination de M. de Laboulaye,
ambassadeur d'Espagne, au poste d'ambassa-
deur à Saint-Pétersbourg , et de M. Cambon ,
ministre de France à Tunis, au poste d'ambas-
sadeur à Madrid.
Quelques personnes désignent M. Patenôtre
comme le successeur probable de M. Cam-
bon. Nous croyons que cette nomination ren-
contrerait de vives oppositions.
Voici quelques notes biographiques sur les
nouveaux ambassadeurs :
M. de Laboulaye, né en 1833, débuta com-
me attaché de cabinet en 1855. Au mois d'a-
vril 1870, il fut désigné pour remplir les fonc-
tions de premier secrétaire à Constantinople.
Quelques mois plus tard, il remplissait les
mêmes fonctions à Bruxelles. Il fut nommé
secrétaire de cabinet à Rome, en 1873 ; à Saint-
Pétersbourg, en 1875. Au mois de janvier
1878, il fut désigné comme envoyé extraordi-
naire et ministre plénipotentiaire à Lisbonne.
Il est ministre plénipotentiaire de lro classe
depuis 1882.
M. de Laboulaye a été reçu, avant-hier, en
audience privée par la reine-régente d'Es-
pagne.
M. Cambon, né en 1843, fut nommé secré-
taire général de la préfecture des Alpes-Ma-
ritimes au mois d'avril 1871, et secrétaire
général des Bouches-du-Rhône an mois d'août
de la même année. Nommé préfet de l'Auba
en 1872, préfet du Doubs en 1S76, préfet du
Nord en 1877, puis ministre plénipotentiaire
de seconde classe, il fut chargé des fonctions
de ministre résident à Tunis en 1882. Il est
ministre plénipotentiaire de première classe
depuis 1884.
Convocation d'électeurs
Les électeurs du département du Nord sont
convoqués pour le 21 novembre prochain, à
l'effet d'élire un député, en remplacement de
M. Delelis, décédé.
La relégation des récidivistes
Le premier départ des récidivistes a été re-
mis au 5 novembre, par suite des mauvais
temps qui règnent en ce moment et qui ont
retardé l'aménngement de la Ville-de-Saint-
Nazaire qui doit transporter le premier con-
voi.
L'Exposition de 1889
Les sous-commissions des travaux, de l'ex-
ploitation et des finances de l'Exposition se
sont réunies, hier matin, au pavillon de l'a-
venue Rapp.
La sous-commission des travaux a entendu
les explications de M. Alphand, dont elle a
approuvé les vues au sujet du plan général
de l'Exposition. Elle a seulement demandé à
l'honorable directeur des travaux de réser-
ver pour une discussion ultérieure l'emplace-
ment définitif de la tour Eiffel.
La sous-commission de l'exploitation a en-
tendu M. Berger, qui a exposé les idées qu'il
désire appliquer en ce qui concerne l'installa-
tion de l'Exposition.
M. Berger a soumis à la sous-commission
certains chiffres comparatifs. En 1867, a-t-il
dit, le palais occupait 153,000 mètres carrés ;
en 1878, 225,000 mètre carrés, et en 1889, le pa-
lais occupera 255,000 mètres carrés, à condi-
tion de comprendre dans son enceinte toutes
les expositions classifiées qui se trouvaient
en 1867 et en 1878 éparses dans les pavillons
des jardins. M. Berger estime que la super-
cie du palais sera suffisante pour loger tous
les exposants. Seulement, il a le désir de de-
mander à ceux-ci de développer la mise en
pratique du système des expositions collecti-
ves, c'est-à-dire de se borner à réunir des
échantillons de leurs produits) au lieu d'en-
voyer individuellement des quantités encom-
brantes de marchandises.
M. Berger a encore fourni quelques rensei-
gnements relatifs à la progression croissante
du nombre des Français qui ont participé aux
Expositions de 1867 et de 1878. En 1867, ils
étaient au nombre de 16,000, et en 1878 au
nombre de 25,000. Il considère cette augmen-
tation comme d'un bon augure pour le suc-
cès de l'Exposition de 1889.
Quant à la sous-commission des finances ,
elle a pris connaissance du budget général de
l'Exposition.
LE VOTE FINAL
La Chambre a terminé la discussion
de la loi sur l'organisation de l'ensei-
gnement primaire, sans qu'aucune hési-
tation se soit manifestée dans les rangs
de la majorité. L'attitude qu'elle a gar-
dée pendant ce long débat a été si
ferme, que les réactionnaires ont même
fini par comprendre l'inutilité de leurs
efforts, et l'art. 66, supprimant, pour les
congréganistes, la dispense du service
militaire n'a pas soulevé les réclama-
tions prolongées et violentes auxquelles
on pouvait s'attendre. La Droite a en-
core renoncé à réclamer le scrutin à
la tribune sur l'ensemble de la loi. On
peut donc constater qu'elle s'est fati-
guée plus tôt de l'obstruction, que la
majorité, de la résistance. L'urgence
ayant été déclarée, l'œuvre du Parle-
ment est finie et la loi va devenir immé-
diatement exécutoire.
Est-ce à dire que nous en avons fini
avec les discussions ardentes auxquelles
elle a servi de prétexte, et que @ le res-
pect de la chose jugée impose à ceux
qui la combattaient hier le devoir d'y
obéir en silence demain ? Ce serait bien
mal connaître les partis politiques, que
d'y compter. Depuis quatre ans que la
loi du 28 mars 1882 est votée, les réac-
tionnaires n'ont pas encore cessé de la
combattre avec acharnement et de
l'accabler sous le nom qu'ils lui ont
donné, de « loi scélérate ». La loi qui
vient d'être votée a déjà été baptisée,
avant d'être au monde, du nom de
«loi infâme», et Ton peut tenir pour
certain que le vote final et irrévocable
d'hier va donner aux cléricaux l'occa-
sion d'ouvrir une nouvelle campagne
contre les entreprises tyranniques de la
République.
Cette tyrannie est, en effet, insuppor-
table pour les cléricaux. La loi du 28
mars leur avait enlevé une partie des
privilèges qu'ils tenaient de la loi de
1850. La loi nouvelle leur enlève d'au-
tres privilèges ; elle les dépossède de
cette suprématie qu'ils se plaisaient à
considérer comme leur domaine propre,
à l'abri de toute expropriation. Donc,
elle les opprime, en vertu de ce prin-
cipe, dès longtemps en honneur dans
le parti clérical, que sa liberté n'est
respectée que lorsqu'il est en situation
d'imposer sa volonté à tous.
Durant la discussion, les journaux
réactionnaires ont attaqué la loi avec
une violence qui grandissait à mesure
que l'on approchait de la fin, et, hier, ce
n'étaient déjà plus des attaques, c'était
une déclaration de guerre qu'ils lan-
çaient à la République. La chose n'est
pas nouvelle, assurément, et ce n'est
pas dans les journaux de Droite qu'il a
fallu, à aucune époque, chercher la dé-
fense de la République, même quand
elle était aux mains de réactionnaires. La
déclaration de guerre qu'ils croient bon
de nous faire n'a donc rien qui puisse
nous causer la moindre émotion. Au
contraire, la violence même de leur
langage prouve qu'ils ont tort et que
si la loi est nuisible à leurs intérêts
particuliers, elle est utile à l'intérêt gé-
néral.
Cette démonstration a été faite bien
des fois, à la tribune des deux Cham-
bres comme dans la presse, et l'on finit
par éprouver quelque embarras à la re-
faire. Cependant, à des assertions inexac-
tes sans cesse répétées, il faut bien op-
poser sans cesse une réfutation, si l'on
ne veut voir l'erreur s'accréditer et pren-
dre définitivement la place de la vérité.
Il faut donc bien répéter que la loi nou-
velle est une loi de liberté qui ne fait
que consacrer, par la laïcité du person-
nel, l'œuvre de neutralité religieuse inau-
gurée par la loi du 28 mars et que, loin
de porter atteinte à la liberté de con-
science et à l'autorité des pères de fa-
mille, elle ne fait qu'en assurer plus
scrupuleusement le respect. Nous ne
voulons pas aller trop loin dans notre
démonstration en disant : Si les pères de
famille ne sont pas satisfaits de l'ensei-
gnement public, ils enverront leurs en-
fants à l'école libre.Nous admettons que,
dans beaucoup de cas, l'école publique
sera le seul établissement d'enseigne-
ment primaire que pourront fréquenter
les enfants. Mais, dans ce cas, nous
voyons bien ce que les parents pourront
regretter que l'on n'enseigne pas à leurs
enfants; nous ne voyons pas ce qu'ils
pourront regretter qu'on leur enseigne.
Ce que nous ne voyons encore pas,
ce sont les susceptibilités que pourra
provoquer un instituteur laïque, même
chez le plus chrétien des pères de fa-
mille, tandis que l'on comprend fort
aisément la répugnance d'un protestant,
d'un israélite, d'un libre-penseur à con-
fier son enfant à un instituteur en qui
tout, depuis les vœux qu'il a faits jus-
qu'au costume qu'il porte, révèle l'hom-
me de lutte religieuse, le propagateur
d'une doctrine religieuse, l'adversaire
implacable des autres doctrines, l'hom-
me qui ne peut observer la neutralité
légale qu'en manquant à ses vœux et
en courant, par conséquent, au-devant
de la damnation éternelle.
Ceci est tellement évident, qu'il faut
tout l'aveuglement des partis pour le
contester; ou plutôt, on peut, sans crainte
de se tromper, soutenir que si certains
de nos adversaires le contestent, c'est
moins parce qu'ils sont convaincus de la
vérité de la thèse qu'ils soutiennent, que
parce qu'ils espèrent la faire accepter
comme vraie à ceux qui ne réfléchissent
pas suffisamment et qui acceptent sans
examen ce qu'on leur dit. Certains de nos
adversaires, dans le Parlement et dans
la presse, voient dans l'opposition qu'ils
font à la loi une simple manœuvre de
stratégie, et leur violence ne se propose
d'autre but que de lancer les masses
populàires contre la République. Ils en
font presque l'aveu, lorsqu'ils disent : La
loi menace la religion ; par conséquent,
la République est une menace constante
contre la religion, et celle-ci ne peut
être défendue que par la monarchie.
Donc, il faut rétablir la monarchie.
Parole imprudente de leur part, car
elle montre que tous les despotismes
sont étroitement unis entre eux, et
que la diminution des libertés poli-
tiques, conséquence naturelle du ré-
tablissement de la monarche, aurait,
à son tour, pour conséquence une dimi-
nution de la liberté de conscience. La
déclaration de nos adversaires est à en-
registrer soigneusement. Elle est, la
condamnation décisive de la monarchie,
car nous ne pensons pas que le pays
soit disposé à abdiquer ses libertés po-
litiques pour se placer, en définitive,
sous la tutelle supérieure de l'Eglise.
LA VIE DE PARIS
Paris a eu, il y a quinzaine, une fièvre
belliqueuse. Chaque jour amenait son
duel. On se battait pour les dames ou
à propos des dames, comme au beau
temps, et cela a suffi pour donner à
toutes ces rencontres un bon air et un
intérêt. Voici que les batailles recom-
mencent; mais ce n'est plus pour les
dames qu'on se bat, c'est à propos des
plus vilaines choses du monde, à propos
de cancans, et de cancans qui ne sont
pas jolis. Il faut pourtant noter cet épi-
sode de la vie de Paris, dont on s'entre-
tenait fort, hier, à la Comédie-Fran-
çaise, tout en écoutant Scapin raconter
ses tours, parfois bien innocents à côté
des perfidies mondaines.
M. Loekroy, quand il est devenu mi-
nistre, a pris pour chef de cabinet un
jeune Parisien bien connu, M. Ollen-
dorff, 'frère de l'éditeur. M. Ollendorff
fréquentait, je crois, dans la maison de
V. Hugo, et c'est à bon escient que M.
Lockroy lui accordait un poste de con-
fiance. Mais voici qu'au bout de quelque
temps, M. Ollendorff prit un congé, et'
aussitôt, venant je ne sais d'où, des
bruits fâcheux coururent sur le compte
du chef de cabinet du ministre. Le
congé qu'il avait pris, disait-on, n'était
point volontaire ; il serait indéfiniment
renouvelé, ou converti en démission.
Car, ajoutait-on, sans rien préciser,
M. Ollendorffaurait montré, dans l'exer-
cice de ses fonctions, qu'il était atteint
dv ce mal, plus ordinaire qu'il ne fau-
drait, qui consiste à se faire le mar-
chand de son influence et à écouter
d'autres considérations que celles de
l'intérêt de tous dans la façon dont on
use du pouvoir. Voilà ce qui se murmu-
rait , « petit bruit rasant là terre H,
comme chante l'immortel Basile.
Heureusement, les journaux parlèrent.
Je dis : « heureusement » ; car, lorsque
quelque méchant bruit court sur un
homme, c'est lui rendre un service no-
toire, que de donner corps à de vagues
accusations et de lui permettre de s'en
expliquer publiquement. Les allusions à
la prétendue indignité de M. Ollendorff
se multiplièrent, devinrent de plus en
plus transparentes , et bientôt il ne put
y avoir doute que ce fût de lui qu'il s'a-
gît. Le chef de cabinet de M. Lockroy
fit alors ce qu'il faut toujours faire, en
pareil cas : avant de s'en prendre aux
calomniateurs, aux médisants, malveil-
lants ou non, il alla droit à la calomnie.
Il fit part à son chef direct des accusa-
tions dont il était l'objet, en démontra
sans doute la parfaite inanité, et obtint
qu'une note solennelle de l'agence Havas
vînt couper court à tout méchant bruit.
Je sais bien, hélas ! que lorsqu'un homme
au pouvoir, un homme en vue, souvent
jalousé, est accusé, on trouve tant de
plaisir parfois à l'estimer coupable, que
la défense la plus probante ne l'inno-
cente pas aux yeux de certains esprits.
On dit volontiers : « Il n'y a pas de fu-
mée sans feu », ce qui est un des dic-
tons les plus sots que je connaisse. Ce-
pendant, je crois que, pour le cas pré-
sent, il ne saurait y avoir de doute. Si M.
Ollendorff eût été coupable des choses
dont on l'accusait, le garder à son poste,
le couvrir , constituerait une complicité
dont personne ne saurait s'aviser d'in-
criminer le ministère, même parmi ceux
qui ne l'aiment pas. Il est donc acquis
que M. Ollendorff a été victime d'une
simple calomnie.
D'où venait-elle ? Voilà ce qui est bien
malaisé à savoir ! Un mot mal entendu,
une confusion, l'audace mensongère des
courtiers d'affaires, il n'en faut pas plus
pour bâtir tout un échafaudage, pour
certaines gens qui, voulant tout savoir,
inventent plutôt que de n'avoir rien à
dire. Quand j'ai été à même de voir un
peu de près les choses gouvernementales
et la cuisine des affaires, j'ai été étonné
de la quantité des cancans, et de leur fri-
volité, et de la facilité avec laquelle ils
naissaient. Mais ce que j'ai remarqué le
plus souvent, c'est qu'il y avait, autour
des gens au pouvoir, un grand nombre
d'hommes dangereux et souvent funes-
tes qui n'hésitent jamais à les faire
parler, à promettre, à s'engager en
leur nom, à tirer avantage de leurs re-
lations; en un mot, sans vérité, sans pu-
deur, faisant des dupes à la journée!
Quoi qu'il en soit, qu'il ait été victime
ou non d'un de ces hommes, M. Ollen-
dorff, après la publication de la note de
l'agence Havas, demanda des explica-
tions au journal qui avait été le plus
précis dans les accusations portées con-
tre lui.
Ce journal — le Moniteur universel
— fit ce qu'il est toujours très honora-
ble de faire : il s'était trompé ou il avait
été trompé ; il le reconnut. Il le recon-
nut et il s'en excusa. Je me sers exprès
de ce mot, @ pour aller contre ce niais
préjugé qu'on ne doit jamais faire
d'excuses. C'est encore là une bonne
sottise ! S'excuser d'un préjudice qu'on
a causé, sans raison et sans justice,
c'est faire acte de courage et d'hon-
nêteté. J'insiste là-dessus pour qu'on
entende bien que je ne puis songer à
blâmer le Moniteur universel. Tout
paraissait donc fini à la satisfaction
générale et d'une façon qui, en somme,
prouvait que la presse et son libre par-
ler sont choses excellentes, quand il s'y
joint la pratique de la bonne foi.
Malheureusement, le rédacteur du
journal qui avait lancé la nouvelle,
soit qu'on lui ait reproché de l'avoir
accueillie sans contrôle, soit qu'il con-
tinuât à la croire vraie et se refusât,
pour son compte, à une rectification
qui était un désaveu, M. Capelle, donna
sa démission du Moniteur universel. Il
motiva sa démission en assurant que
les renseignements qu'il avait apportés
venaient d'un député, d'un ancien mi-
nistre, M. Gomot. Selon lui, M. Gomot
aurait inspiré l'article du Moniteur uni-
verset, en aurait corrigé les épreuves.
Sur lui seul pèserait donc la vraie res-
ponsabilité. A cela, M. Gomot répond
par un démenti. Il a bien raconté quel-
que chose à M. Capelle, mais il n'en-
tend pas qu'on dise qu'il a inspiré ou
conseillé l'article. Nouvelle affirmation
de M. Capelle, et, en fin de compte, un
duel en train, qui ne prouvera rien du
tout !
J'ai tâché de résumer et de débrouil-
ler cette histoire un peu confuse, et j'ai
tâché de le faire avec impartialité. Je ne
connais guère M. Ollendorff que pour
échanger un salut avec lui aux pre-
mières représentations, et j'avoue que
j'avais oublié jusqu'au nom de M. Go-
mot. Il m'est donc facile de tirer la mo-
rale de ces incidents en restant sûr de
n'être troublé par aucune amitié. Ne
vous paraît-il pas, en somme, que si
M. Capelle a pu exagérer l'intervention
de M. Gomot en tout ceci, il reste pour-
tant acquis que M. Gomot a fait part au
journaliste d'un bruit fâcheux sur un
administrateur? En faisant part de ce
bruit, il semble y avoir attaché une cer-
taine portée, un certain sérieux. M. Go-
mot, en ce cas, à ne considérer que ses
droits et ses devoirs de député, n'a-t-il
pas commis une faute ? Je ne le blâme
pas tant, quant à moi, d'avoir fait ses
confidences à un journaliste monar-
chiste, que de ne pas avoir, si les accu-
sations dont il s'est fait l'écho lui pa-
raissaient avoir un corps, exercé son
contrôle, au nom des citoyens dont
il a mandat, d'une façon franche et
avérée.
Le jour où une accusation pèse sur
un des hommes à qui sont confiés nos
intérêts et l'honneur de la République,
le jour où cette accusation prend une
apparence de sérieux dans le monde du
Parlement — c'était le cas , je le recon-
nais — le devoir du député républicain
est d'aller trouver le ministre et de lui
dire : « Voilà ce dont on accuse votre
administration. Faites votre enquête.
Sauvez l'honneur d'un galant homme
calomnié, ou sacrifiez un coupable.» Que
si le ministre ne fait pas son devoir,
on a la tribune loyale pour s'en expli-
quer. Je dirai, en cas pareil, de la dé-
nonciation, ce que j'ai dit des excuses :
cela devient un devoir qu'on s'honore
d'accomplir. Ce qui est vraiment fâcheux,
ce sont d'autres mœurs qui favorisent
les commérages, créent les situations
fausses , et finissent par donner beau
jeu aux ennemis de l'administration ré-
publicaine.
Henry Fôuquier
Les Tombes d'Alsace-Lorraine
On nous communique la note suivante, re-
lative à un ificident auquel nous avions déjà
fait allusion dans nos « Echos » :
Dans sa séance du 25 octobre 1886, le
conseil de l'ordre du Grand-Orient de
France a adopté, à propos de la loge le
Globe, de Vincennes, dont il a été ques-
tion, l'ordre du jour suivant :
« Le conseil de l'ordre du Grand-Orient
de France, regrettant que, dans la loge le
Globe, de Vincennes, le vénérable ait
laissé porter à l'ordre du jour une confé-
rence dont l'intitulé était douloureux pour
le patriotisme français, constate que, dans
la loge elle-même et dans la franc-maçon-
nerie tout entière, il n'y a eu qu'un senti-
ment unanime de réprobation contre cet
acte de coupable légèreté. »
A la suite de cet ordre du jour, adopté à
l'unanimité, le conseil de l'ordre a décidé
d'autoriser la loge Alsace-Lorraine à ou-
vrir une souscription pour l'entretien des
tombes des soldats français tués en Al-
sace-Lorraine, et a décidé de s'inscrire en
tête de la souscription.
LE PARLEMENT
SÉANCE DE LA CHAMBRE
L'article 310 du Code civil. — L'enseignement
primaire
Au commencement de la séance, M. Jean
Saint-Martin (Vaucluse) dépose une proposi-
tion analogue à celle qui vient d'être repous-
sée par le Sénat, tendant à modifier l'article
310 du Code civil.
Rappelons qu'il s'agit de la transformation
de la séparation de corps en divorce au bout
d'un délai de trois ans.
En excellents terme, M. Saint-Martin dé-
veloppe les raisons qui militent en faveur de
l'urgence.
Il s'agit de' savoir si les tribunaux seront
dépouillés de leur droit d'appréciation, et si
un individu, en se rendant coupable de torts
qui motivent la séparation de corps contre
lui, peut se créer des droits à obtenir le di-
vorce, contre la volonté de son conjoint, qui
n'a eu aucun tort à se reprocher.
M. Thévenet appuie la demande d'urgence.
Il rappelle que la rédaction proposée aujour-
d'hui avait été adoptée par la Chambre et
inscrite dans la loi du divorce. C'est le Sénat
qui a supprimé l'article et qui, par consé-
quent, est responsable des divergences de la
jurisprudence.
On procède au scrutin, et, chose assez rare,
un même nombre de voix se prononcent pour
et contre la demande d'urgence.
Conformément au règlement de la Cham-
bre, l'urgence n'est pas prononcée.
*
•Or *
La discussion de la loi sur l'organisation de
l'enseignement primaire est reprise.
Nous voyons réapparaître à la tribune M.
Mellier de Poncheville, qui dépose un amen-
dement sur le dernier paragraphe de l'article
58 du projet de loi, relatif aux attributions des
commissions scolaires.
L'honorable droitier désirerait que ces com-
missions pussent s'immiscer dans l'apprécia-
tion des matières et des méthodes d'ensei-
gnement:
Mais le dernier paragraphe de l'article 58,
dont l'amendement demande la suppression,
est adopté. La Chambre adopte ensuite l'en-
semble de l'article 58.
Au sujet d'un paragraphe de l'article 59
(appel des décisions des commissions sco-
laires), le même M. Thellier de Poncheville
dépose un autre amendement ainsi conçu :
« Les pères, mères, tuteurs ou tutrices, peu-
vent so faire assister ou représenter par des
mandataires devant le conseil départemental
et devant les commissions scolaires. »
Mais la Chambre, adoptant le paragraphe
da la commission, rejette l'addition proposée.
L'article 59 est adopté.
Suit l'article 60 :
Les séances des conseils départementaux et
des commissions municipales scolaires ne sont
pas publiques.
Il y a, sur cet article, un amendement de
MM. Lecointre, Creuzé et de la Bâtie, qui de-
mande, au contraire, la publicité, bien que
laissant le huis-clos à la disposition des con-
seils ou des commissions, si la discussion
publique pouvait entraîner des inconvénients
graves.
L'amendement n'est pas adopté.
Les articles 61 à 63 sont adoptés.
Sur l'article 64, M. Peyrusse vient déposer
un amendement. Cet article est ainsi conçu :
Les conseils départementaux seront organisés
dans les trois mois qui suivront la promulgation
de la présente loi. Ne seront admis aux élections
que les instituteurs et institutrices publics titu-
laires en exercice et munis du brevet de capa-
cité.
L'amendement de M. Peyrusse, substituant
le terme de six mois à celui de trois, est re-
poussé.
L'article 65 est adopté.
Le premier article sur lequel s'engage une
discussion véritablement sérieuse est l'arti-
cle 66. Il est ainsi conçu :
Jusqu'au vote d'une nouvelle loi sur le recrute-
ment militaire, l'engagement de se vouer pendant
dix années à l'enseignement, prévu par les arti-
cles 79 de la loi du 15 mars 1850 et 20 de la loi du
27 juillet 1872, ne pourra être réalisé que dans les
établissements d'enseignement public.
Néanmoins, les instituteurs privés qui auront
contracté l'engagement décennal avant la promul-
gation de la présente loi continueront à jouir de
la dispense du service militaire, en se conformant
aux prescriptions de l'article 20 de la loi du 27
juillet 1872.
La Droite a déposé, sur cet article, deux
amendements : l'un, signé de MM. de Lamar-
zelli, Martin d'Auray et de Mun, qui maintient
l'exemption générale pour tous les institu-
teurs jusqu'au vote d'une nouvelle loi sur le
recrutement militaire; l'autre, de MM. Creuzé
et de la Bâtie, proposant purement et simple-
ment la suppression de l'article 66.
M. Buisson, directeur de l'enseignement
primaire et délégué auprès de la Chambre
par le gouvernement, pour la discussion du
projet de loi, a répondu à M. de Lamarzelle
par le remarquable discours que voici
M. Buisson, commissaire du gouvernement. —
Puisque M. le ministre a voulu me faire cet hon-
neur de m'inviter à prendre la parole dans la
discussion de cet article 66, c'est que les ques-
tions qui s'y trouvent engagées, pour être très
graves, n'en sont pas moins très simples et qu'elles
peuvent être résolues plutôt par des textes admi-
nistratifs, que par des arguments d'un ordre plus
élevé.
La question se résume en un seul mot : Quelle
est la situation des congréganistes en ce qui con-
cerne le service militaire ? Quelle était cette si-
tuation avant la loi? Que sera-t-elle après la loi?
Avant la loi, la situation des congréganistes, au
regard du service militaire, était une situation pri-
vilégiée.
Après la loi, ce sera le droit commun. (Très
bien ! très bien ! à gauche.)
Voilà à quels termes se réduisent les disposi-
tions contenues dans les articles de la loi votée
jusqu'à présent par la Chambre. (Très bien! très
bien ! à gauche.)
Sans vouloir faire passer sous vos yeux le dé-
filé un peu long des textes législatifs qui se réfè-
rent à cette question, l'une des plus intéressantes
que l'on ait discutées depuis un siècle, il m'est
impossible de ne pas vous dire que, depuis 1850,
d'où date la loi qui nous régit actuellement, il y
a eu, de la part des congréganistes, trois phases
successives dans le sens de la conquête d'un pri-
vilège. Et j'emploie ici le mot privilège dans sou'
sens le plus précis.
Avant 1850, il n'existe aucune dispense militaire
dans l'enseignement primaire, le seul dont j eaie. à
m'occuper ici. L'exemption, l'immunité ne peut
être accordée qu'à une. condition : il faut que
celui qui la demande la justifie par dix ans de
services dans un établissement publie.
M. Freppel. — Je demande la parole.
M. le commissaire du gouvernement. -
Vient la loi de 1850, qui apporte une modification
à ce principe en accordant, par son article 79,
l'exemption non seulement aux membres des
congrégations enseignantes, mais encore aux no-
vices.
En 1867, à la suite de débats mémorables dont
le pays a gardé le souvenir, et qui firent alors sur
lui une grande impression, les partisans des con-
grégations ont manifesté une nouvelle préten-
tion
Ils voulaient que les congréganistes et novices
eussent la faculté d'accomplir leur engagement
décennal non pas dans une école libre, —on n'o-
sait encore aller jusque-là, — mais dans une
école libre qui tiendrait lieu d'école publique,
c'est-à-dire subventionnée par l'Etat ou la com-
mune.
Au fond, leurs espérances allaient beaucoup
plus loin. Sans rappeler toute cette discussion,
qui est bien connue, je ferai remarquer qu'ils ré-
clamaient pour les congréganistes une exemption
inconditionnelle et générale qui devait être accor-
dée non aux services rendus, mais à l'habit porté,
consistant en ceci : que les membres des congré-
gations auraient tout naturellement le droit de
remplir leur engagement là où les congrégations
jugeraient utile de les envoyer.
Cette thèse a été soutenue ici, et un ministre,
dont nous autres, universitaires, avons gardé le
souvenir, parce qu'il honore l'Université, fit aux
partisans des congrégations une réponse dont je
ne veux retenir qu'un mot, le dernier. « Enfin,
messieurs, disait M. Duruy, derrière tous les pou-
voirs publics, il y a le pays qui, avec son vieux
bon sens gaulois, ne comprendra jamais un
privilège en cette matière, ni qu'avec trois
aunes de drap noir ou gris, un chef de com-
munauté puisse faire, en dehors d'un service pu-
blic, un dispensé militaire. « (Applaudissements à
gauche.)
Ces paroles décidèrent le vote de la Chambre.
Ce n'est qu'en 1872, que la thèse fut reprise et
consacrée par l'article dont on vous a donné lec-
ture tout à l'heure. Ici, il n'est plus question
d'une exemption pour équivalence de services
obtenue pour les congréganistes ; non, le congré-
ganiste est dispensé, parce que congréganiste.
Sur le papier, sans doute, il y a bien, comme on
vous l'a dit, un engagement contracté pour dix
ans ; mais dans la réalité, c'est tout différent.
La loi exempte les congréganistes et les novices,
ainsi que les directeurs et maîtres-adjoints des
établissements fondés par des associations laîques
à la seule condition qu'ils réalisent leur engage-
ment dans un établissement existant depuis deux
ans et qui a trente élèves.
Or, quand on est une congrégation religieuse,
il n'est pas difficile de trouver une école existant
depuis deux ans et ayant trente élèves.
Pour remplir les conditions de la loi de 1872, il
suffisait donc d'être congréganiste et novice, car,
à cette époque, il n'était pas question de brevet.
Et comme on avait la faculté de remplir son en-
gagement dans une école libre, on échappait à
tout contrôle de l'Etat. (Bruit à droite.) La vérité
est que cette mesure constituait aux congréga-
nistes une faveur entière.
On a dit que la même faveur s'appliquait aux
laïques ; mais la symétrie n'est que dans les mots
et non dans les choses. Est-ce que l'on a pris au
sérieux ce parallélisme d'un article qui parle
d'associations laïques dont les membres feraient
des vœux et auraient un chef pour les faire
obéir et marcher? (Applaudissements à gauche.-
Bruit à droite.) Est-ce qu'il y en a jamais eu de
pareilles ? Mais une association laïque qui com-
mencerait par se donner un chef ayant sur ses
membres une autorité absolue, ne serait pas une
association laïque, ce serait une congrégation
Oix-septièmè année. - NI 5405
Prix du numéro : Paris et Départements : 45 centimes
Vendredi 29 octobre 1H86
î "B VfVe PfPPÏ W
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JOURNAL - RÉPUBLICAIN
REDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
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AVIS
Les abonnés nouveaux, qui en feront
la demande, recevront ce qui a paru de
notre feuilteton en cours de publication,
FLEUR D'ORANGER, de M. G. Tou-
DOUZE,
BULLETIN
La Chambre a terminé hier la discussion
de la loi sur l'enseignement primaire. Un
débat assez vif s'est engagé entre le com-
missaire du gouvernement, M. Buisson,
directeur de l'enseignement primaire au
ministère de l'instruction publique, et M.
Freppel, évêque d'Angers, à propos de la
dispense du service militaire, que la loi
en discussion n'accorde — à titre transi-
toire et jusqu'au vote d'une nouvelle loi
de recrutement — qu'aux membres de
l'enseignement public. Un amendement
déposé par M. de Lamarzelle, tendant au
maintien de la dispense à tous les institu-
teurs, sans distinction, professant dans les
établissements publics ou dans les écoles
privées, a été repoussé à une forte majo-
rité.
L'ensemble de la loi a été adopté par
368 voix contre 175.
Le Sénat a tenu une courte séance qui a
été consacrée tout entière à l'examen de
projets d'intérêt local.
L'affaire bulgare, après avoir tenu l'Eu-
rope en haleine pendant de trop longs
mois, paraît devoir être reléguée au se-
cond plan. Il est vraisemblable, à l'heure
actuelle, qu'elle sera résolue pacifique-
ment par l'accord unanime des puissances
continentales.
Les préoccupations se portent mainte-
nant ailleurs ; la question égyptienne tient
la première place dans les délibérations
des différents gouvernements et sert de
thème aux commentaires les plus variés
de la presse européenne.
L'occupation de l'Egypte par l'Angle-
terre n'est que temporaire ; elle doit pren-
dre fin à bref délai, si les Anglais tiennent
à se conformer aux termes des engage-
ments qu'ils ont pris vis-à-vis de l'Europe
en 1882.
Rien ne prouve qu'ils n'y soient pas
disposés, malgré ce que pourrait laisser
croire le langage de certains journaux de
Londres et même de Paris.
S'il fallait prendre au pied de la lettre
les articulations des feuilles de Londres,
il ne saurait être question de demander
l'évacuation de l'Egypte par les troupes
anglaises à une date fixe, et cela, par la rai-
son qu'elles n'ont point achevé l'œuvre de
pacification quia motivé leur présence. La
situation financière du pays est devenue,
d'ailleurs, très satisfaisante, ajoute-t-on, ce
qui rend inutile la réunion de la commis-
sion internationale prévue par la conven-
tion de 1884. Cette commission, nous
dit-on, avait pour objet d'aviser aux me-
sures à prendre, si l'état des finances
égyptiennes avait été aussi lamentable
en 1887 qu'il l'était en 1885. Mais, dès au-
jourd'hui, le Trésor public accuse des ex-
cédents; dès lors, le contrôle européen est
une superfétation. Nous nous félicitons
bien volontiers de la prospérité des finan-
ces égyptiennes, et les créanciers du gou-
vernement khédivial ont de meilleures
raisons encore de se féliciter.
Mais nous. nous permettrons de faire
remarquer que cette amélioration du ré-
gime financier de l'Egypte, si elle s'est
produite d'une façon aussi sensible qu'on
nous le dit, ne serait, à tout prendre, qu'un
argument de plus en faveur de l'émanci-
pation du gouvernement du khédive, loin
d'être un prétexte au maintien indéfini
des troupes anglaises au Caire.
Dans tous les cas, le gouvernement bri-
tannique ne peut avoir oublié — et il n'a
certainement pas oublié — qu'il a, en
mainte occasion, soutenu que la ques-
tion de l'Egypte se présente sous deux as-
pects distincts, le côté financier et le côté
politique. Supposons qu'au point de vue
budgétaire, la situation soit devenue subi-
tement excellente : il n'en resterait pas
moins à démontrer que, dans l'état, les
puissances intéressées n'ont pas à s'en-
quérir de l'époque à laquelle le gouverne-
ment britannique entend rappeler ses
troupes. - -
On affirme que la France, en sa qualité
de grande puissance méditerranéenne, a
pris l'initiative d'interroger, sur ce point,
le chef du Foreign-Office. Une dépêche
récente annonce que M. Waddington, notre
ambassadeur à Londres, a eu hier une
longue entrevue avec lord Iddesleigh. La
même dépêche laisse entendre que la
question d'Egypte a fait l'objet de cet en-
tretien. Mais il faut avoir recours au Times
ou au Standard, pour apprendre quelle
doit avoir été la réponse du ministre an-
glais aux ouvertures de l'ambassadeur
français. Il va de soi, à l'estime de nos
confrères de Londres, qui, par un singu-
lier hasard, sont d'accord sur ce point
avec un journal français, que le gouverne-
ment britannique ne saurait même dis-
cuter sur l'éventualité de l'évacuation. Ces
journaux paraissent considérer comme un
danger public une discussion de ce genre.
Peu s'en faut qu'ils ne nous présagent une
querelle qui pourrait bien dégénérer en
une guerre. De là à former entre les diffé-
rentes puissances des groupes sympathi-
ques, à créer des alliances offensives et
défensives, il n'y a pas loin. Les groupe-
ments ont été faits et les alliances con-
clues.
Nous ne pensons pas, quant à nous, que
les choses aillent aussi vite et aussi loin
qu'on le dit à Londres et à Berlin.
Le gouvernement britannique ne res-
tera pas sourd aux amicales et courtoises
questions qui pourront lui être adressées
à propos de l'Egypte. Dans la situation
présente, il sait, mieux que les officieux
qui parlent en son nom, un peu à tort et
à travers, que les grands intérêts interna-
tionaux engagés en Egypte demandent à
être traités avec ménagement et discutés
avec prudence.
» Louis H ETRIQUE.
i INFORMATIONS PARTICULIERES
Conseil des ministres
Tous les ministres assistaient au conseil qui
a eu lieu, hier matin, au quai d'Osay, sous la
présidence de M. de Freycinet.
M. Sarrien, ministre de l'intérieur, a commu-
niqué à ses collègues les renseignements re-
çus des préfets des départements du Sud-Ouest
éprouvés par les inondations
L'amiral Aube' a entretenu ses collègues
des déclarations qu'il comptait faire à la com-
mission du budget relativement à sa demande
de crédit pour notre matériel naval.
M. Lockroy, ministre du commerce et de
l'indnstrie, a annoncé que M. Bozérian comp-
tait lui adresser une question au Sénat, au su-
jet de la loi sur les contrefaçons étrangères.
Mouvement diplomatique
M. de Freycinet a soumis hier à la signa-
ture du président de la République, deux dé-
crets portant nomination de M. de Laboulaye,
ambassadeur d'Espagne, au poste d'ambassa-
deur à Saint-Pétersbourg , et de M. Cambon ,
ministre de France à Tunis, au poste d'ambas-
sadeur à Madrid.
Quelques personnes désignent M. Patenôtre
comme le successeur probable de M. Cam-
bon. Nous croyons que cette nomination ren-
contrerait de vives oppositions.
Voici quelques notes biographiques sur les
nouveaux ambassadeurs :
M. de Laboulaye, né en 1833, débuta com-
me attaché de cabinet en 1855. Au mois d'a-
vril 1870, il fut désigné pour remplir les fonc-
tions de premier secrétaire à Constantinople.
Quelques mois plus tard, il remplissait les
mêmes fonctions à Bruxelles. Il fut nommé
secrétaire de cabinet à Rome, en 1873 ; à Saint-
Pétersbourg, en 1875. Au mois de janvier
1878, il fut désigné comme envoyé extraordi-
naire et ministre plénipotentiaire à Lisbonne.
Il est ministre plénipotentiaire de lro classe
depuis 1882.
M. de Laboulaye a été reçu, avant-hier, en
audience privée par la reine-régente d'Es-
pagne.
M. Cambon, né en 1843, fut nommé secré-
taire général de la préfecture des Alpes-Ma-
ritimes au mois d'avril 1871, et secrétaire
général des Bouches-du-Rhône an mois d'août
de la même année. Nommé préfet de l'Auba
en 1872, préfet du Doubs en 1S76, préfet du
Nord en 1877, puis ministre plénipotentiaire
de seconde classe, il fut chargé des fonctions
de ministre résident à Tunis en 1882. Il est
ministre plénipotentiaire de première classe
depuis 1884.
Convocation d'électeurs
Les électeurs du département du Nord sont
convoqués pour le 21 novembre prochain, à
l'effet d'élire un député, en remplacement de
M. Delelis, décédé.
La relégation des récidivistes
Le premier départ des récidivistes a été re-
mis au 5 novembre, par suite des mauvais
temps qui règnent en ce moment et qui ont
retardé l'aménngement de la Ville-de-Saint-
Nazaire qui doit transporter le premier con-
voi.
L'Exposition de 1889
Les sous-commissions des travaux, de l'ex-
ploitation et des finances de l'Exposition se
sont réunies, hier matin, au pavillon de l'a-
venue Rapp.
La sous-commission des travaux a entendu
les explications de M. Alphand, dont elle a
approuvé les vues au sujet du plan général
de l'Exposition. Elle a seulement demandé à
l'honorable directeur des travaux de réser-
ver pour une discussion ultérieure l'emplace-
ment définitif de la tour Eiffel.
La sous-commission de l'exploitation a en-
tendu M. Berger, qui a exposé les idées qu'il
désire appliquer en ce qui concerne l'installa-
tion de l'Exposition.
M. Berger a soumis à la sous-commission
certains chiffres comparatifs. En 1867, a-t-il
dit, le palais occupait 153,000 mètres carrés ;
en 1878, 225,000 mètre carrés, et en 1889, le pa-
lais occupera 255,000 mètres carrés, à condi-
tion de comprendre dans son enceinte toutes
les expositions classifiées qui se trouvaient
en 1867 et en 1878 éparses dans les pavillons
des jardins. M. Berger estime que la super-
cie du palais sera suffisante pour loger tous
les exposants. Seulement, il a le désir de de-
mander à ceux-ci de développer la mise en
pratique du système des expositions collecti-
ves, c'est-à-dire de se borner à réunir des
échantillons de leurs produits) au lieu d'en-
voyer individuellement des quantités encom-
brantes de marchandises.
M. Berger a encore fourni quelques rensei-
gnements relatifs à la progression croissante
du nombre des Français qui ont participé aux
Expositions de 1867 et de 1878. En 1867, ils
étaient au nombre de 16,000, et en 1878 au
nombre de 25,000. Il considère cette augmen-
tation comme d'un bon augure pour le suc-
cès de l'Exposition de 1889.
Quant à la sous-commission des finances ,
elle a pris connaissance du budget général de
l'Exposition.
LE VOTE FINAL
La Chambre a terminé la discussion
de la loi sur l'organisation de l'ensei-
gnement primaire, sans qu'aucune hési-
tation se soit manifestée dans les rangs
de la majorité. L'attitude qu'elle a gar-
dée pendant ce long débat a été si
ferme, que les réactionnaires ont même
fini par comprendre l'inutilité de leurs
efforts, et l'art. 66, supprimant, pour les
congréganistes, la dispense du service
militaire n'a pas soulevé les réclama-
tions prolongées et violentes auxquelles
on pouvait s'attendre. La Droite a en-
core renoncé à réclamer le scrutin à
la tribune sur l'ensemble de la loi. On
peut donc constater qu'elle s'est fati-
guée plus tôt de l'obstruction, que la
majorité, de la résistance. L'urgence
ayant été déclarée, l'œuvre du Parle-
ment est finie et la loi va devenir immé-
diatement exécutoire.
Est-ce à dire que nous en avons fini
avec les discussions ardentes auxquelles
elle a servi de prétexte, et que @ le res-
pect de la chose jugée impose à ceux
qui la combattaient hier le devoir d'y
obéir en silence demain ? Ce serait bien
mal connaître les partis politiques, que
d'y compter. Depuis quatre ans que la
loi du 28 mars 1882 est votée, les réac-
tionnaires n'ont pas encore cessé de la
combattre avec acharnement et de
l'accabler sous le nom qu'ils lui ont
donné, de « loi scélérate ». La loi qui
vient d'être votée a déjà été baptisée,
avant d'être au monde, du nom de
«loi infâme», et Ton peut tenir pour
certain que le vote final et irrévocable
d'hier va donner aux cléricaux l'occa-
sion d'ouvrir une nouvelle campagne
contre les entreprises tyranniques de la
République.
Cette tyrannie est, en effet, insuppor-
table pour les cléricaux. La loi du 28
mars leur avait enlevé une partie des
privilèges qu'ils tenaient de la loi de
1850. La loi nouvelle leur enlève d'au-
tres privilèges ; elle les dépossède de
cette suprématie qu'ils se plaisaient à
considérer comme leur domaine propre,
à l'abri de toute expropriation. Donc,
elle les opprime, en vertu de ce prin-
cipe, dès longtemps en honneur dans
le parti clérical, que sa liberté n'est
respectée que lorsqu'il est en situation
d'imposer sa volonté à tous.
Durant la discussion, les journaux
réactionnaires ont attaqué la loi avec
une violence qui grandissait à mesure
que l'on approchait de la fin, et, hier, ce
n'étaient déjà plus des attaques, c'était
une déclaration de guerre qu'ils lan-
çaient à la République. La chose n'est
pas nouvelle, assurément, et ce n'est
pas dans les journaux de Droite qu'il a
fallu, à aucune époque, chercher la dé-
fense de la République, même quand
elle était aux mains de réactionnaires. La
déclaration de guerre qu'ils croient bon
de nous faire n'a donc rien qui puisse
nous causer la moindre émotion. Au
contraire, la violence même de leur
langage prouve qu'ils ont tort et que
si la loi est nuisible à leurs intérêts
particuliers, elle est utile à l'intérêt gé-
néral.
Cette démonstration a été faite bien
des fois, à la tribune des deux Cham-
bres comme dans la presse, et l'on finit
par éprouver quelque embarras à la re-
faire. Cependant, à des assertions inexac-
tes sans cesse répétées, il faut bien op-
poser sans cesse une réfutation, si l'on
ne veut voir l'erreur s'accréditer et pren-
dre définitivement la place de la vérité.
Il faut donc bien répéter que la loi nou-
velle est une loi de liberté qui ne fait
que consacrer, par la laïcité du person-
nel, l'œuvre de neutralité religieuse inau-
gurée par la loi du 28 mars et que, loin
de porter atteinte à la liberté de con-
science et à l'autorité des pères de fa-
mille, elle ne fait qu'en assurer plus
scrupuleusement le respect. Nous ne
voulons pas aller trop loin dans notre
démonstration en disant : Si les pères de
famille ne sont pas satisfaits de l'ensei-
gnement public, ils enverront leurs en-
fants à l'école libre.Nous admettons que,
dans beaucoup de cas, l'école publique
sera le seul établissement d'enseigne-
ment primaire que pourront fréquenter
les enfants. Mais, dans ce cas, nous
voyons bien ce que les parents pourront
regretter que l'on n'enseigne pas à leurs
enfants; nous ne voyons pas ce qu'ils
pourront regretter qu'on leur enseigne.
Ce que nous ne voyons encore pas,
ce sont les susceptibilités que pourra
provoquer un instituteur laïque, même
chez le plus chrétien des pères de fa-
mille, tandis que l'on comprend fort
aisément la répugnance d'un protestant,
d'un israélite, d'un libre-penseur à con-
fier son enfant à un instituteur en qui
tout, depuis les vœux qu'il a faits jus-
qu'au costume qu'il porte, révèle l'hom-
me de lutte religieuse, le propagateur
d'une doctrine religieuse, l'adversaire
implacable des autres doctrines, l'hom-
me qui ne peut observer la neutralité
légale qu'en manquant à ses vœux et
en courant, par conséquent, au-devant
de la damnation éternelle.
Ceci est tellement évident, qu'il faut
tout l'aveuglement des partis pour le
contester; ou plutôt, on peut, sans crainte
de se tromper, soutenir que si certains
de nos adversaires le contestent, c'est
moins parce qu'ils sont convaincus de la
vérité de la thèse qu'ils soutiennent, que
parce qu'ils espèrent la faire accepter
comme vraie à ceux qui ne réfléchissent
pas suffisamment et qui acceptent sans
examen ce qu'on leur dit. Certains de nos
adversaires, dans le Parlement et dans
la presse, voient dans l'opposition qu'ils
font à la loi une simple manœuvre de
stratégie, et leur violence ne se propose
d'autre but que de lancer les masses
populàires contre la République. Ils en
font presque l'aveu, lorsqu'ils disent : La
loi menace la religion ; par conséquent,
la République est une menace constante
contre la religion, et celle-ci ne peut
être défendue que par la monarchie.
Donc, il faut rétablir la monarchie.
Parole imprudente de leur part, car
elle montre que tous les despotismes
sont étroitement unis entre eux, et
que la diminution des libertés poli-
tiques, conséquence naturelle du ré-
tablissement de la monarche, aurait,
à son tour, pour conséquence une dimi-
nution de la liberté de conscience. La
déclaration de nos adversaires est à en-
registrer soigneusement. Elle est, la
condamnation décisive de la monarchie,
car nous ne pensons pas que le pays
soit disposé à abdiquer ses libertés po-
litiques pour se placer, en définitive,
sous la tutelle supérieure de l'Eglise.
LA VIE DE PARIS
Paris a eu, il y a quinzaine, une fièvre
belliqueuse. Chaque jour amenait son
duel. On se battait pour les dames ou
à propos des dames, comme au beau
temps, et cela a suffi pour donner à
toutes ces rencontres un bon air et un
intérêt. Voici que les batailles recom-
mencent; mais ce n'est plus pour les
dames qu'on se bat, c'est à propos des
plus vilaines choses du monde, à propos
de cancans, et de cancans qui ne sont
pas jolis. Il faut pourtant noter cet épi-
sode de la vie de Paris, dont on s'entre-
tenait fort, hier, à la Comédie-Fran-
çaise, tout en écoutant Scapin raconter
ses tours, parfois bien innocents à côté
des perfidies mondaines.
M. Loekroy, quand il est devenu mi-
nistre, a pris pour chef de cabinet un
jeune Parisien bien connu, M. Ollen-
dorff, 'frère de l'éditeur. M. Ollendorff
fréquentait, je crois, dans la maison de
V. Hugo, et c'est à bon escient que M.
Lockroy lui accordait un poste de con-
fiance. Mais voici qu'au bout de quelque
temps, M. Ollendorff prit un congé, et'
aussitôt, venant je ne sais d'où, des
bruits fâcheux coururent sur le compte
du chef de cabinet du ministre. Le
congé qu'il avait pris, disait-on, n'était
point volontaire ; il serait indéfiniment
renouvelé, ou converti en démission.
Car, ajoutait-on, sans rien préciser,
M. Ollendorffaurait montré, dans l'exer-
cice de ses fonctions, qu'il était atteint
dv ce mal, plus ordinaire qu'il ne fau-
drait, qui consiste à se faire le mar-
chand de son influence et à écouter
d'autres considérations que celles de
l'intérêt de tous dans la façon dont on
use du pouvoir. Voilà ce qui se murmu-
rait , « petit bruit rasant là terre H,
comme chante l'immortel Basile.
Heureusement, les journaux parlèrent.
Je dis : « heureusement » ; car, lorsque
quelque méchant bruit court sur un
homme, c'est lui rendre un service no-
toire, que de donner corps à de vagues
accusations et de lui permettre de s'en
expliquer publiquement. Les allusions à
la prétendue indignité de M. Ollendorff
se multiplièrent, devinrent de plus en
plus transparentes , et bientôt il ne put
y avoir doute que ce fût de lui qu'il s'a-
gît. Le chef de cabinet de M. Lockroy
fit alors ce qu'il faut toujours faire, en
pareil cas : avant de s'en prendre aux
calomniateurs, aux médisants, malveil-
lants ou non, il alla droit à la calomnie.
Il fit part à son chef direct des accusa-
tions dont il était l'objet, en démontra
sans doute la parfaite inanité, et obtint
qu'une note solennelle de l'agence Havas
vînt couper court à tout méchant bruit.
Je sais bien, hélas ! que lorsqu'un homme
au pouvoir, un homme en vue, souvent
jalousé, est accusé, on trouve tant de
plaisir parfois à l'estimer coupable, que
la défense la plus probante ne l'inno-
cente pas aux yeux de certains esprits.
On dit volontiers : « Il n'y a pas de fu-
mée sans feu », ce qui est un des dic-
tons les plus sots que je connaisse. Ce-
pendant, je crois que, pour le cas pré-
sent, il ne saurait y avoir de doute. Si M.
Ollendorff eût été coupable des choses
dont on l'accusait, le garder à son poste,
le couvrir , constituerait une complicité
dont personne ne saurait s'aviser d'in-
criminer le ministère, même parmi ceux
qui ne l'aiment pas. Il est donc acquis
que M. Ollendorff a été victime d'une
simple calomnie.
D'où venait-elle ? Voilà ce qui est bien
malaisé à savoir ! Un mot mal entendu,
une confusion, l'audace mensongère des
courtiers d'affaires, il n'en faut pas plus
pour bâtir tout un échafaudage, pour
certaines gens qui, voulant tout savoir,
inventent plutôt que de n'avoir rien à
dire. Quand j'ai été à même de voir un
peu de près les choses gouvernementales
et la cuisine des affaires, j'ai été étonné
de la quantité des cancans, et de leur fri-
volité, et de la facilité avec laquelle ils
naissaient. Mais ce que j'ai remarqué le
plus souvent, c'est qu'il y avait, autour
des gens au pouvoir, un grand nombre
d'hommes dangereux et souvent funes-
tes qui n'hésitent jamais à les faire
parler, à promettre, à s'engager en
leur nom, à tirer avantage de leurs re-
lations; en un mot, sans vérité, sans pu-
deur, faisant des dupes à la journée!
Quoi qu'il en soit, qu'il ait été victime
ou non d'un de ces hommes, M. Ollen-
dorff, après la publication de la note de
l'agence Havas, demanda des explica-
tions au journal qui avait été le plus
précis dans les accusations portées con-
tre lui.
Ce journal — le Moniteur universel
— fit ce qu'il est toujours très honora-
ble de faire : il s'était trompé ou il avait
été trompé ; il le reconnut. Il le recon-
nut et il s'en excusa. Je me sers exprès
de ce mot, @ pour aller contre ce niais
préjugé qu'on ne doit jamais faire
d'excuses. C'est encore là une bonne
sottise ! S'excuser d'un préjudice qu'on
a causé, sans raison et sans justice,
c'est faire acte de courage et d'hon-
nêteté. J'insiste là-dessus pour qu'on
entende bien que je ne puis songer à
blâmer le Moniteur universel. Tout
paraissait donc fini à la satisfaction
générale et d'une façon qui, en somme,
prouvait que la presse et son libre par-
ler sont choses excellentes, quand il s'y
joint la pratique de la bonne foi.
Malheureusement, le rédacteur du
journal qui avait lancé la nouvelle,
soit qu'on lui ait reproché de l'avoir
accueillie sans contrôle, soit qu'il con-
tinuât à la croire vraie et se refusât,
pour son compte, à une rectification
qui était un désaveu, M. Capelle, donna
sa démission du Moniteur universel. Il
motiva sa démission en assurant que
les renseignements qu'il avait apportés
venaient d'un député, d'un ancien mi-
nistre, M. Gomot. Selon lui, M. Gomot
aurait inspiré l'article du Moniteur uni-
verset, en aurait corrigé les épreuves.
Sur lui seul pèserait donc la vraie res-
ponsabilité. A cela, M. Gomot répond
par un démenti. Il a bien raconté quel-
que chose à M. Capelle, mais il n'en-
tend pas qu'on dise qu'il a inspiré ou
conseillé l'article. Nouvelle affirmation
de M. Capelle, et, en fin de compte, un
duel en train, qui ne prouvera rien du
tout !
J'ai tâché de résumer et de débrouil-
ler cette histoire un peu confuse, et j'ai
tâché de le faire avec impartialité. Je ne
connais guère M. Ollendorff que pour
échanger un salut avec lui aux pre-
mières représentations, et j'avoue que
j'avais oublié jusqu'au nom de M. Go-
mot. Il m'est donc facile de tirer la mo-
rale de ces incidents en restant sûr de
n'être troublé par aucune amitié. Ne
vous paraît-il pas, en somme, que si
M. Capelle a pu exagérer l'intervention
de M. Gomot en tout ceci, il reste pour-
tant acquis que M. Gomot a fait part au
journaliste d'un bruit fâcheux sur un
administrateur? En faisant part de ce
bruit, il semble y avoir attaché une cer-
taine portée, un certain sérieux. M. Go-
mot, en ce cas, à ne considérer que ses
droits et ses devoirs de député, n'a-t-il
pas commis une faute ? Je ne le blâme
pas tant, quant à moi, d'avoir fait ses
confidences à un journaliste monar-
chiste, que de ne pas avoir, si les accu-
sations dont il s'est fait l'écho lui pa-
raissaient avoir un corps, exercé son
contrôle, au nom des citoyens dont
il a mandat, d'une façon franche et
avérée.
Le jour où une accusation pèse sur
un des hommes à qui sont confiés nos
intérêts et l'honneur de la République,
le jour où cette accusation prend une
apparence de sérieux dans le monde du
Parlement — c'était le cas , je le recon-
nais — le devoir du député républicain
est d'aller trouver le ministre et de lui
dire : « Voilà ce dont on accuse votre
administration. Faites votre enquête.
Sauvez l'honneur d'un galant homme
calomnié, ou sacrifiez un coupable.» Que
si le ministre ne fait pas son devoir,
on a la tribune loyale pour s'en expli-
quer. Je dirai, en cas pareil, de la dé-
nonciation, ce que j'ai dit des excuses :
cela devient un devoir qu'on s'honore
d'accomplir. Ce qui est vraiment fâcheux,
ce sont d'autres mœurs qui favorisent
les commérages, créent les situations
fausses , et finissent par donner beau
jeu aux ennemis de l'administration ré-
publicaine.
Henry Fôuquier
Les Tombes d'Alsace-Lorraine
On nous communique la note suivante, re-
lative à un ificident auquel nous avions déjà
fait allusion dans nos « Echos » :
Dans sa séance du 25 octobre 1886, le
conseil de l'ordre du Grand-Orient de
France a adopté, à propos de la loge le
Globe, de Vincennes, dont il a été ques-
tion, l'ordre du jour suivant :
« Le conseil de l'ordre du Grand-Orient
de France, regrettant que, dans la loge le
Globe, de Vincennes, le vénérable ait
laissé porter à l'ordre du jour une confé-
rence dont l'intitulé était douloureux pour
le patriotisme français, constate que, dans
la loge elle-même et dans la franc-maçon-
nerie tout entière, il n'y a eu qu'un senti-
ment unanime de réprobation contre cet
acte de coupable légèreté. »
A la suite de cet ordre du jour, adopté à
l'unanimité, le conseil de l'ordre a décidé
d'autoriser la loge Alsace-Lorraine à ou-
vrir une souscription pour l'entretien des
tombes des soldats français tués en Al-
sace-Lorraine, et a décidé de s'inscrire en
tête de la souscription.
LE PARLEMENT
SÉANCE DE LA CHAMBRE
L'article 310 du Code civil. — L'enseignement
primaire
Au commencement de la séance, M. Jean
Saint-Martin (Vaucluse) dépose une proposi-
tion analogue à celle qui vient d'être repous-
sée par le Sénat, tendant à modifier l'article
310 du Code civil.
Rappelons qu'il s'agit de la transformation
de la séparation de corps en divorce au bout
d'un délai de trois ans.
En excellents terme, M. Saint-Martin dé-
veloppe les raisons qui militent en faveur de
l'urgence.
Il s'agit de' savoir si les tribunaux seront
dépouillés de leur droit d'appréciation, et si
un individu, en se rendant coupable de torts
qui motivent la séparation de corps contre
lui, peut se créer des droits à obtenir le di-
vorce, contre la volonté de son conjoint, qui
n'a eu aucun tort à se reprocher.
M. Thévenet appuie la demande d'urgence.
Il rappelle que la rédaction proposée aujour-
d'hui avait été adoptée par la Chambre et
inscrite dans la loi du divorce. C'est le Sénat
qui a supprimé l'article et qui, par consé-
quent, est responsable des divergences de la
jurisprudence.
On procède au scrutin, et, chose assez rare,
un même nombre de voix se prononcent pour
et contre la demande d'urgence.
Conformément au règlement de la Cham-
bre, l'urgence n'est pas prononcée.
*
•Or *
La discussion de la loi sur l'organisation de
l'enseignement primaire est reprise.
Nous voyons réapparaître à la tribune M.
Mellier de Poncheville, qui dépose un amen-
dement sur le dernier paragraphe de l'article
58 du projet de loi, relatif aux attributions des
commissions scolaires.
L'honorable droitier désirerait que ces com-
missions pussent s'immiscer dans l'apprécia-
tion des matières et des méthodes d'ensei-
gnement:
Mais le dernier paragraphe de l'article 58,
dont l'amendement demande la suppression,
est adopté. La Chambre adopte ensuite l'en-
semble de l'article 58.
Au sujet d'un paragraphe de l'article 59
(appel des décisions des commissions sco-
laires), le même M. Thellier de Poncheville
dépose un autre amendement ainsi conçu :
« Les pères, mères, tuteurs ou tutrices, peu-
vent so faire assister ou représenter par des
mandataires devant le conseil départemental
et devant les commissions scolaires. »
Mais la Chambre, adoptant le paragraphe
da la commission, rejette l'addition proposée.
L'article 59 est adopté.
Suit l'article 60 :
Les séances des conseils départementaux et
des commissions municipales scolaires ne sont
pas publiques.
Il y a, sur cet article, un amendement de
MM. Lecointre, Creuzé et de la Bâtie, qui de-
mande, au contraire, la publicité, bien que
laissant le huis-clos à la disposition des con-
seils ou des commissions, si la discussion
publique pouvait entraîner des inconvénients
graves.
L'amendement n'est pas adopté.
Les articles 61 à 63 sont adoptés.
Sur l'article 64, M. Peyrusse vient déposer
un amendement. Cet article est ainsi conçu :
Les conseils départementaux seront organisés
dans les trois mois qui suivront la promulgation
de la présente loi. Ne seront admis aux élections
que les instituteurs et institutrices publics titu-
laires en exercice et munis du brevet de capa-
cité.
L'amendement de M. Peyrusse, substituant
le terme de six mois à celui de trois, est re-
poussé.
L'article 65 est adopté.
Le premier article sur lequel s'engage une
discussion véritablement sérieuse est l'arti-
cle 66. Il est ainsi conçu :
Jusqu'au vote d'une nouvelle loi sur le recrute-
ment militaire, l'engagement de se vouer pendant
dix années à l'enseignement, prévu par les arti-
cles 79 de la loi du 15 mars 1850 et 20 de la loi du
27 juillet 1872, ne pourra être réalisé que dans les
établissements d'enseignement public.
Néanmoins, les instituteurs privés qui auront
contracté l'engagement décennal avant la promul-
gation de la présente loi continueront à jouir de
la dispense du service militaire, en se conformant
aux prescriptions de l'article 20 de la loi du 27
juillet 1872.
La Droite a déposé, sur cet article, deux
amendements : l'un, signé de MM. de Lamar-
zelli, Martin d'Auray et de Mun, qui maintient
l'exemption générale pour tous les institu-
teurs jusqu'au vote d'une nouvelle loi sur le
recrutement militaire; l'autre, de MM. Creuzé
et de la Bâtie, proposant purement et simple-
ment la suppression de l'article 66.
M. Buisson, directeur de l'enseignement
primaire et délégué auprès de la Chambre
par le gouvernement, pour la discussion du
projet de loi, a répondu à M. de Lamarzelle
par le remarquable discours que voici
M. Buisson, commissaire du gouvernement. —
Puisque M. le ministre a voulu me faire cet hon-
neur de m'inviter à prendre la parole dans la
discussion de cet article 66, c'est que les ques-
tions qui s'y trouvent engagées, pour être très
graves, n'en sont pas moins très simples et qu'elles
peuvent être résolues plutôt par des textes admi-
nistratifs, que par des arguments d'un ordre plus
élevé.
La question se résume en un seul mot : Quelle
est la situation des congréganistes en ce qui con-
cerne le service militaire ? Quelle était cette si-
tuation avant la loi? Que sera-t-elle après la loi?
Avant la loi, la situation des congréganistes, au
regard du service militaire, était une situation pri-
vilégiée.
Après la loi, ce sera le droit commun. (Très
bien ! très bien ! à gauche.)
Voilà à quels termes se réduisent les disposi-
tions contenues dans les articles de la loi votée
jusqu'à présent par la Chambre. (Très bien! très
bien ! à gauche.)
Sans vouloir faire passer sous vos yeux le dé-
filé un peu long des textes législatifs qui se réfè-
rent à cette question, l'une des plus intéressantes
que l'on ait discutées depuis un siècle, il m'est
impossible de ne pas vous dire que, depuis 1850,
d'où date la loi qui nous régit actuellement, il y
a eu, de la part des congréganistes, trois phases
successives dans le sens de la conquête d'un pri-
vilège. Et j'emploie ici le mot privilège dans sou'
sens le plus précis.
Avant 1850, il n'existe aucune dispense militaire
dans l'enseignement primaire, le seul dont j eaie. à
m'occuper ici. L'exemption, l'immunité ne peut
être accordée qu'à une. condition : il faut que
celui qui la demande la justifie par dix ans de
services dans un établissement publie.
M. Freppel. — Je demande la parole.
M. le commissaire du gouvernement. -
Vient la loi de 1850, qui apporte une modification
à ce principe en accordant, par son article 79,
l'exemption non seulement aux membres des
congrégations enseignantes, mais encore aux no-
vices.
En 1867, à la suite de débats mémorables dont
le pays a gardé le souvenir, et qui firent alors sur
lui une grande impression, les partisans des con-
grégations ont manifesté une nouvelle préten-
tion
Ils voulaient que les congréganistes et novices
eussent la faculté d'accomplir leur engagement
décennal non pas dans une école libre, —on n'o-
sait encore aller jusque-là, — mais dans une
école libre qui tiendrait lieu d'école publique,
c'est-à-dire subventionnée par l'Etat ou la com-
mune.
Au fond, leurs espérances allaient beaucoup
plus loin. Sans rappeler toute cette discussion,
qui est bien connue, je ferai remarquer qu'ils ré-
clamaient pour les congréganistes une exemption
inconditionnelle et générale qui devait être accor-
dée non aux services rendus, mais à l'habit porté,
consistant en ceci : que les membres des congré-
gations auraient tout naturellement le droit de
remplir leur engagement là où les congrégations
jugeraient utile de les envoyer.
Cette thèse a été soutenue ici, et un ministre,
dont nous autres, universitaires, avons gardé le
souvenir, parce qu'il honore l'Université, fit aux
partisans des congrégations une réponse dont je
ne veux retenir qu'un mot, le dernier. « Enfin,
messieurs, disait M. Duruy, derrière tous les pou-
voirs publics, il y a le pays qui, avec son vieux
bon sens gaulois, ne comprendra jamais un
privilège en cette matière, ni qu'avec trois
aunes de drap noir ou gris, un chef de com-
munauté puisse faire, en dehors d'un service pu-
blic, un dispensé militaire. « (Applaudissements à
gauche.)
Ces paroles décidèrent le vote de la Chambre.
Ce n'est qu'en 1872, que la thèse fut reprise et
consacrée par l'article dont on vous a donné lec-
ture tout à l'heure. Ici, il n'est plus question
d'une exemption pour équivalence de services
obtenue pour les congréganistes ; non, le congré-
ganiste est dispensé, parce que congréganiste.
Sur le papier, sans doute, il y a bien, comme on
vous l'a dit, un engagement contracté pour dix
ans ; mais dans la réalité, c'est tout différent.
La loi exempte les congréganistes et les novices,
ainsi que les directeurs et maîtres-adjoints des
établissements fondés par des associations laîques
à la seule condition qu'ils réalisent leur engage-
ment dans un établissement existant depuis deux
ans et qui a trente élèves.
Or, quand on est une congrégation religieuse,
il n'est pas difficile de trouver une école existant
depuis deux ans et ayant trente élèves.
Pour remplir les conditions de la loi de 1872, il
suffisait donc d'être congréganiste et novice, car,
à cette époque, il n'était pas question de brevet.
Et comme on avait la faculté de remplir son en-
gagement dans une école libre, on échappait à
tout contrôle de l'Etat. (Bruit à droite.) La vérité
est que cette mesure constituait aux congréga-
nistes une faveur entière.
On a dit que la même faveur s'appliquait aux
laïques ; mais la symétrie n'est que dans les mots
et non dans les choses. Est-ce que l'on a pris au
sérieux ce parallélisme d'un article qui parle
d'associations laïques dont les membres feraient
des vœux et auraient un chef pour les faire
obéir et marcher? (Applaudissements à gauche.-
Bruit à droite.) Est-ce qu'il y en a jamais eu de
pareilles ? Mais une association laïque qui com-
mencerait par se donner un chef ayant sur ses
membres une autorité absolue, ne serait pas une
association laïque, ce serait une congrégation
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