Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1886-09-27
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 27 septembre 1886 27 septembre 1886
Description : 1886/09/27 (A17,N5374). 1886/09/27 (A17,N5374).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7560004x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
Dlx-gëptiêirie mie. - N* 5374
Prix du numéro : Paris et départements : 15 centimes
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JOURNAL RÉPUBLICAIN
REDACTION
l'adresser a'A Secrétaire de la Rédaction
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MM, LAGRANGE, CERF ET Cm
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MM. les Souscripteurs dont l'abonne-
ment expire le 30 septembre sont priés de
le rénouveler s'ils ne veulent pas éprouver
de retard dans la réception du journal.
SOMMAIRE
BULLETIN. — Louis Henrique.
INFORMATIONS PARTICULIÈRES.
ARMAND BARBES. — Henry Fouquier.
MORT DE M. -HIPPOLYTE CASTILLE. — André
Nancey.
NOUVELLES DE L'ÉTRANGER.
NOUVELLES COLONIALES.
LA VIE AUX CHAMPS. — H. P.
ECHOS DU JOUR. - Bric hanteau.
LA STATUE DE BARBÈS.
L'EXPOSITION DE 1889.
BULLETIN MILITAIRE ET MARITIME.
LA PRESSE AU JOUR LE JOUR.- P.-P.Dejuinne.
CONGRÈS INTERNATIONAL DE BORDEAUX. -
Henri de La Ville.
BETHNAL-GREEN. — Jules Levallois.
GAZETTE DU PALAIS. — M" Gervasy.
BULLETIN DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE.
QUESTIONS PARISIENNES. - Un Parisien.
FAITS DIVERS.
LA TEMPÉRATURE.
COURRIER HEBDOMADAIRE DE LA BOURSE. -
Paul Ambroise.
SPORT DU JOUR. — Turba.
COURRIER DES THÉÂTRES. — Yorick.
CAUSERIE DRAMATIQUE. — Henry Fouquier.
BULLETIN
Hier ont eu lieu à Carcassonne les fêtes
données à l'occasion de l'inauguration de
la statue de Barbès. On trouvera plus loin
le compte rendu détaillé de cette cérémo-
nie, qui paraît avoir été quelque peu tu-
multueuse.
Le voyage du duc d'Edimbourg à Cons-
tantinople n'a pas eu le succès diplomati-
que que paraissait en attendre le cabinet
britannique. On peut même dire que le
fils de la reine a subi un échec qui, dans
les circonstances présentes, a une signifi-
cation particulière. Les dépêches nous
avaient déjà signalé le retard insolite que
le sultan avait mis à recevoir le duc d'E-
dimbourg ; ce n'est, en effet, qu'au bout
de quatre jours qu'il s'est décidé à donner
audience au prince.
Pour expliquer ce peu d'empressement,
les Anglais invoquent comme excuse l'état
de santé du sultan, qui était en effet souf-
frant. Son indisposition légère (un furon-
cle à l'épaule) n'était qu'un prétexte qui
n'a trompé personne. La vérité est que le
sultan ne tenait en aucune façon à témoi-
gner de son empressement à recevoir le
fils de la reine d'Angleterre. Il avait, au
contraire, de bonnes raisons pour ajourner
l'entrevue.
Depuis deux jours, l'arrivée de l'ambas-
sadeur turc à Saint-Pétersbourg était an-
noncée et, dans l'entourage du sultan,
on ne faisait point mystère de l'intention
bien arrêtée du souverain de s'entretenir
avec son ambassadeur, avant de recevoir le
duc d'Edimbourg.
C'est ainsi, d'ailleurs, que les choses se
sont passées.
Chakir-Pacha est arrivé jeudi dans la
matinée et s'est rendu immédiatement au
palais, et le duc d'Edimbourg a été reçu le.
même jour à trois heures de l'après-midi.
L'entretien a été banal. Si le duc d'Edim-
bourg était venu à Constantinople avec une
mission politique, comme cela est vrai-
semblable, il ne lui a pas été donné de la
remplir à la satisfaction du gouvernement
de la reine. Le sultan est resté sur la dé-
fensive et a évité avec soin de laisser la
conversation s'égarer sur des questions
d'ordre politique.
Les jours suivants, le duc d'Edimbourg
n'a pas été mieux servi par les circonstan-
ces ; le sultan paraît avoir fui toute occa-
sion de se rencontrer avec lui ; il n'assis-
tait ni au bal ni au dîner donné par sir
Ed. Thornton, ambassadeur d'Angleterre,
ni même au dîner, de gala qu'il offrait lui-
même au duc à Yldiz-Kiosk. Suivant une
dépêche de Varna, il se serait borné à con-
duire ses invités à table, puis se serait re-
tiré sous le premier prétexte venu. Or, le
matin même il avait passé la revue des
troupes, sans donner le moindre signe de
malaise, le duc d'Edimbourg et les prin-
ces qui l'accompagnaient avaient pu en
faire la remarque.
Enfin, si le sultan a mis une lenteur
calculée à recevoir le duc, il lui a fait at-
tendre sa visite avec la même affectation,
car c'est hier seulement qu'il la lui a ren-
due.
Il est difficile de mieux marquer, tout en
se conformant strictement aux lois de l'éti-
quette, que l'influence anglaise n'est plus
prépondérante à Constantinople.
Si l'alliance turco-russe n'est pas for-
mellement conclue, si le pacte dont nous
avons déjà parlé n'est pas encore signé
entre le tsar et le sultan, comme les jour-
naux anglais s'obstinent à le prétendre, il
n'y a pas témérité à dire que l'alliance an-
glo-turque n'est plus qu'un souvenir.
Louis HENRIQUE
INFORMATIONS PARTICULIÈRES
Le départ de M. de Lanessan
Le paquebot Saghalien, qui fait le service
de l'Indo-Chine, est parti hier matin de Mar-
seille ayant à son bord M. de Lanessan, dé-
puté, délégué général aux colonies fran-
çaises et aux pays de protectorat.
Parmi les passagers se trouvaient égale-
ment MM. de Champeaux, inspecteur des ser-
vices indigènes de Cochinchine, l'archevêque
de Pondichéry et le miniàtre plénipotentiaire
de Russie à Pékin.
M. de Lanessan doit quitter le Saghalien à
Colombo, pour visiter Ceylan.
Déplacements ministériels
MM. Lockroy, ministre du commerce et de
l'industrie, et Goblet, ministre de l'instruc-
tion publique, se-rendront, le jeudi 30 septem-
bre, à Cluses (Haute-Savoie), pour l'inaugu-
ration des nouveaux bâtiments de l'Ecole na-
tionale d'horlogerie.
Les sénateurs, députés et conseillers gé-
néraux de la Savoie et de la Haute-Savoie y
assisteront.
Un grand banquet réunira tous les invités.
Un démenti
L'agence Havas nous communique la note
suivante :
« Le bruit, mentionné par un journal du
matin, qu'il aurait été question de la démis-
sion de M. Carnot, ministre des finances, est
dénué de tout fondement. »
ARMAND BARBES
L'inauguration de la statue de Barbès
vient d'avoir lieu à Carcassonne. Ce
n'était pas son pays. Barbès était créole.
Mais c'est à Carcassonne qu'il avait, je
ne sais par quelle raison, passé sa jeu-
nesse, et c'est là qu'il avait été condamné,
la première fois, pour un délit de presse.
L'inauguration de cette statue, qu'on
dit assez remarquable, ne s'est pas
passée comme nous l'eussions voulu. Il y
a eu quelque tumulte, sur lequel nous
manquons encore de détails. Les répu-
blicains des deux fractions qui divisent
la démocratie carcassonnaise ont eu le
tort grave de ne pas s'entendre. C'eût
été pour Barbès, qui a connu beaucoup
de douleurs dans sa vie, une douleur
dernière de penser qu'il pouvait donner
prétexte, au jour de l'inauguration de
sa statue, à des luttes entre républi-
cains. Je ne crois pas cependant qu'il y
ait, dans ces divisions, un ressouvenir
et une suite de la longue brouille de
Barbès et de Blanqui. Fort oubliée au-
jourd'hui, cette brouille appartient à
l'histoire, pour les curieux surtout.
Je pense plutôt que les républicains de
Carcassonne ont été emportés dans
quelque fâcheuse querelle locale qui
s'expliquera plus tard.
Tout a été dit sur Barbès, et presque
aussi bien dit dans les journaux con-
servateurs que dans les journaux répu-
blicains. On a rappelé son surnom glo-
rieux de Bayard de la démocratie, sa
prison, son long exil, son attitude fière
devant la Chambre des pairs qui le con-
damnait à mort après le coup de main
de 1838. Jusqu'au dernier moment, Bar-
bès dut croire qu'il allait être exécuté,
et sa fermeté ne se démentit pas un seul
instant. Sa sœur, une femme admira-
blement dévouée, et qui fait penser à
la soeur de Delescluze, demanda sa grâce
à Louis-Philippe. Victor Hugo joignit sa
prière à celle de Mlle Barbès, et l'ordre
d'exécution fut rapporté. Barbès, d'ail-
leurs, a toujours énergiquement nié le
meurtre d'un officier, dont on l'accusait,
et la clémence de Louis-Philippe paraît
n'avoir été qu'un acte de justice.
Barbès a été le chef et surtout le hé-
ros du parti républicain d'autrefois,
parti sentimental dans ses principes et
volontiers romantique dans son allure.
La République était pour lui, d'une fa-
çon un peu vague, une forme de l'idéal
pour laquelle il risquait sa vie avec un
courage de soldat mourant pour le
drapeau. Certes, il est plus que proba-
ble que les idées politiques de Barbès
manquaient de précision et qu'il eût été
fort embarrassé d'être un homme de
gouvernement. La République triom-
phante a besoin d'autres hommes que
la République souffrante et militante.
Mais nous, qui sommes arrivés les der-
niers, nous devons une grande recon-
naissance et un grand respect à ces
républicains de la première heure qui
ont rendu possible, par leur caractère
plus que par leurs idées, et par la lé-
gende qu'ils ont laissée plus que par
leurs actes, l'établissement indiscuté de
la forme politique qui nous est chère.
Barbès eut d'autant plus de mérite
du long sacrifice qu'il fit à ses opinions,
à ses aspirations, qu'il n'était pas un
déshérité de la fortune et qu'aucune
idée de rébellion personnelle contre le
sort n'entrait dans son amour du pro-
grès. Il était riche, très lettré, fait pour
être aimé et pour une vie autre que
celle de la prison et de l'exil. Son dé-
vouement à la cause populaire a quelque
chose d'absolument pur et de désinté-
ressé. C'est ce qui a permis, depuis long-
temps, aux hommes de tous les partis
et à ceux qui, parmi les républicains,
n'auraient pas suivi volontiers sa direc-
tion, de lui rendre pleinement justice.
De plus, Barbès, en des circonstances
solennelles, se montra patriote plus
qu'homme de parti. Il n'appartenait en
aucune sorte à l'Ecole du cosmopolitisme
socialiste. Bien que le sentiment le pous-
sât dans les rangs du parti socialiste et
qu'il entrevît la République comme une
ère de progrès indéfini poussé jus-
qu'aux chimères, il était resté profondé-
ment patriote. On sait qu'exilé à la
Haye, il y faisait des vœux pour le suc-
cès de nos armes, engagées en Crimée.
Une lettre de lui, publiée alors contre
sa volonté, lui valut une grâce qu'il n'ac-
cepta pas.
Pourtant, il était triste, l'exil de la
Haye! J'eus personnellement l'occasion
d'y voir Barbès, qui trompait son inac-
tivité en s'occupant de beaux-arts. Et
toujours très ferme en ses opinions, qui
avaient pris je ne sais quelle teinte de
croyances religieuses et mystiques, il
n'était guère confiant dans les hommes
pour en amener la réalisation. Cepen-
dant, il se mêla encore un peu à la vie
publique vers la fin de l'Empire. Mais
son heure était passée. Il était l'homme
d'une autre époque, d'une époque hé-
roïque qui doit laisser des exemples à
admirer plus, peut-être, que des exem-
ples à suivre.
HENRY FOUQUIER.
Un journal réactionnaire, mais aimable,
annonce sous une forme piquante la re-
prise des travaux législatifs. Il commence
par inscrire en manière de titre : « Une
mauvaise nouvelle », puis il ajoute : « La
rentrée des Chambres est fixée au 14 octo-
bre. Depuis trois mois, les ministres étaient
en voyage, les députés étaient absents ; le
pays commençait à s'habituer au repos; il
n'y avait ni interpellation stérile, ni dis-
cussion oiseuse. Tout cela va finir, et les
crises vont recommencer. »
Nous ne le croyons pas, et nous pouvons
d'autant plus librement rire de la plaisan-
terie. A la vérité, dans la session dernière,
l'activité de la Chambre ne s'était pas tou-
jours exercée comme une force suffisam-
ment mesurée. Dans l'ordre des délibéra-
tions et dans le choix des sujets traités, il
y avait eu peut-être trop de part laissée
au hasard et à la fantaisie des initiatives
individuelles. Mais n'est-il pas permis
d'attribuer particulièrement les hésita-
tions qui se sont trahies, les à-coup qui
se sont produits, au voisinage immédiat
des élections du 4 octobre? Une réelle
incertitude avait pesé sur cette manifesta-
tion du suffrage universel ; elle était mal
définie ; on pouvait craindre de la fausse-
ment interpréter. Cette sorte de revire-
ment qui avait augmenté dans des propor-
tions notables la minorité réactionnaire
était à coup sûr un phénomène dont il
était indispensable de tenir compte, sans
toutefois en pouvoir dégager la significa-
tion précise. Réaction, il y avait réaction,
mais pourquoi ? et vers quoi ? Aucun des
trois partis qui se disputent la gloriole de
lutter sans merci contre la République
ne pouvait revendiquer à son profit les
avantages du résultat qui restait collectif
et pour ainsi dire indivis.
Il n'est pas étonnant que, dans ces con-
ditions, les hommes politiques soucieux
de sauvegarder les institutions existantes
et d'en assurer le développement normal,
sous le contrôle et conformément aux vo-
lontés de la nation, aient dû se livrer à
quelques tâtonnements qui ont été exploi-
tés par l'esprit de parti comme les gages
d'impuissance du régime parlementaire.
La situation, aujourd'hui, est-elle la
même?
En rien. Les élections d'août sont venues
compléter l'épreuve du 4 octobre, ou plu-
tôt la rectifier. Chacun est d'accord pour
en tirer cette conclusion, que le pays, s'il a
eu un mouvement de recul, obéissant à un
sentiment de malaise passager, n'avait
nullement entendu retirer les gages qu'il
a tant de fois donnés de son attachement
au régime républicain. Loin de lui la pen-
sée d'en sortir; il avait prétendu seule-
ment donner à ses représentants un aver-
tissement sur les directions à prendre,
mais toujours dans les limites de l'organisa-
tion républicaine. Il avait affirmé son dégoût
de la politique stérile et des débats oiseux,
ses aspirations vers le progrès économique
et les améliorations sociales, son besoin
d'être administré sagement et mené sans
secousses.
Les députés, ceux de la majorité du
moins, ont entendu et compris l'avertisse-
ment ; et, n'en déplaise à notre spirituel
confrère, ils se garderont bien de fournir à
sa malice le spectacle de crises nouvelles ;
cette erreur leur coûterait trop cher. Ils lui
offriront l'exemple d'une Chambre qui,
maîtresse désormais d'elle-même et en
possession de la tâche qui lui est assignée,
travaille d'arrache-pied à regagner les heu-
res perdras en apportant à la préparation
du budget attardé la diligence et la ponc-
tualité de comptables fidèleq.
Me-
Mort de M. Hippolyte Castille
Nous avons le regret d'annoncer la mort
de M. Hippolyte Castille , décédé, dans la
nuit de vendredi à samedi, à Luc-sur-Mer.
Il était âgé de soixante-six ans. Sa sanlé
avait été quelque peu ébranlée en ces der-
niers temps. Toutefois, les quelques se-
maines de villégiature qu'il avait passées
sur la plage lui avaient fait grand bien.
Il se sentait tout à fait remis, quand, il y a
trois ou quatre jours, il fut repris par le
mal qui vient de l'emporter. Sa fille, man-
dée en toute hâte, est arrivée à temps pour
recueillir son dernier soupir.
Avec M. Hippolyte Castille disparaît un
écrivain de race et qui a eu sa place bien
à lui dans cette mêlée du journalisme
moderne qui rend si difficile l'affirmation
des personnalités. Les Lettres d'Alceste,
qui demeurent son œuvre capitale, ont
leur place dans l'histoire de la littérature
et de la politique de notre temps.
Toutefois, M. Castille avait préludé à la
publication de ces Lettres fainoues, -
dont les premières parurent seulement
en 1869, — par différents travaux littérai-
res dont il convient de dire un mot tout
d'abord.
Dès 1846, à l'âge de vingt-six ans, — il
était né en 1820, à Montreuil-sur-Mer, —
M. Castille débutait par divers volumes de
romans et de nouvelles. Mais le journa-
lisme l'attirait : en 1847, il fondait, avec
M. Molinari, un journal intitulé le Travail
intellectuel et, l'année suivante, avecBas-
tiat, la République française, — première
du nom.
Il entra un peu plus tard à la Revue de
Paris, où une série d'études sur les Hom-
mes et les choses du règne de Louis-Philippe
le tira hors de pair. Ces articles ont été
réunis en un volume qui parut en 1853 :
la langue en est d'une fermeté et d'un
mordant tout à fait remarquables. Un peu
plus tard, il publiait une Histoire de la se-
conde République française, en quatre vo-
lumes, dont le premier surtout achevait de
le classer parmi les écrivains de marque.
L'énumération des volumes et brochu-
res que fit paraître M. Castille jusqu'en
1869 nous entraînerait trop loin. Bornons-
nous à dire que toutes ces œuvres, qui eu-
rent des fortunes diverses, se recomman-
daient du moins par l'ampleur des vues,
par un souci et un respect de la forme qui
ne se rencontrent que chez les écrivains
vraiment dignes de ce nom.
Arrivons enfin à cette année 1869. M.
Ducuing fonde un journal d'allure indé-
pendante, l'Universel. C'est là que parais-
sent les premières Lettres d'Alceste.
Ces lettres politiques tendaient à pré-
parer les élections de 1869 en vue de faire
triompher les idées libérales. Elles atta-
quaient avec une rare puissance le prin-
cipe du gouvernement personnel. Elles
prévoyaient presque la crise épouvantable
au milieu de laquelle l'empire allait som-
brer. Et avec quelle verdeur de style, avec
quelle élévation de pensée 1 Toutefois,
Alceste s'était vu obligé, par les rigueurs
du régime d'alors, d'user de réserve, d'é-
mousser ses pointes, de voiler quelque
peu ses attaques contre les hommes et les
institutions. Le public ne sentit pas
bien la portée de la campagne engagée
et l'Universel dut, faute d'une clientèle
suffisante, cesser sa publication.
L'empire tombe : en 1871 paraît un
journal républicain libéral, la Vérité. Al-
ceste ne tarde pas à y reprendre la bril-
lante collaboration qu'il avait inaugurée
en 1869 à l'Universel.
Nous disons « Alceste » et non pas Hip-
polyte Castille. Il est intéressant, en effet,
de noter dès maintenant que la personna-
lité que cachait ce pseudonyme avait été
au début et demeurait encore Inconnue
de tous. Ce n'est que beaucoup plus tard
qu'on a su qui était cet « Alceste » dont la
mystérieuse individualité avait si fort
excite la curiosité des gens de lettres
comme du grand public.
A la Vérité, Alceste, ne se sentant plus
gêné par les entraves du gouvernement
impérial, put enfin donner un libre essor
à son talent et se faire apprécier du grand
public, alors qu'il avait dû PH contenter
jusque-là du suffrage des lettrés. Los
hommes de l'Assemblée nationale fourni-
rent belle et ample matière il la verve du
publiciste et il ne les ménagea point.
La Vérité est supprimée le 4 septembre
1871. Elle est aussitôt remplacée par la
Constitution, dont la rédaction était la
même. Alceste y poursuit, avec un égal
succès, sa brillante campagne. La Consti-
tution est également supprimée, en fé-
vrier 1872, à la suite d'un article de M.
Emile Zola. Le Corsaire lui succède : c'é-
tait toujours le même journal sous un
nouveau titre. Supprimé à son tour, le
Corsaire devient l'Avenir national. Et les
Lettres d'Alceste continuent d'y paraître
avec une vogue toujours grandissante.
Survient le 24 Mai, bientôt suivi des
manœuvres fusionnistes que chacun sait.
Et Alceste lance aussitôt un virulent et
éloquent réquisitoire contre la monarchie
de droit divin. « A bas Chambord ! » était
intitulé son article. Et toutle parti républi-
cain répéta ce défi si énergiquement porté.
VAvenir national, qui publia ce morceau
demeuré célèbre, fut saisi et supprimé la
27 octobre 1873, par arrêté du gouverneur
de Paris.
Les Lettres d'Alceste reparurent encore
à diverses reprises, notamment dans le
Corsaire, ressuscité en 1876, puis plus
tard, vers 1881, et pendant un temps trè
court, dans le Voltaire, enfin dans la Vé-
rité qui pouvait renaître elle aussi, n'ayant
plus rien à craindre des rigueurs de l'état
de siège.
Comme nous l'indiquions plus haut, ce
n'est que vers ces dernières années que le
pseudonyme d'Alceste fut percé à jour et
que le public sut enfin à quel écrivain il
devait attribuer l'honneur de tant de passes
d'armes éclatantes.
Grand et de belle prestance, M. Hippo-
lyte Castille avait tous les dehors et toutes
les façons d'un parfait gentleman. Ce n'est
pas seulement le talent dont il fit une si
large dépense qui doit faire survivre sa
mémoire. Son nom mérite aussi de demeu-
rer comme celui d'un homme qui eut au
plus haut degré le culte de la langue et la
conscience littéraire.
« Il n'est pas de journée, disait-il volon-
tiers, dont je n'emploie quelques heures à
faire du style. » Il se plaisait, en effet, à la
gymnastique intellectuelle toute désinté-
ressée, au travail de l'assemblage harmo-
nieux des mots, à la recherche de la phrase
bien faite. C'est à ce constant entraînement
de son esprit que son style dut la souplesse*
et l'éclat qui nous font trouver, aujourd'hui
encore, tant d'agrément à la lecture des
Lettres d'Alceste. Et combien est-il de
journalistes dont les écrits peuvent ainsi,
après de longues années, être relus avec
plaisir et profit ?
ANDRÉ NANCEY.
P.-S. — La date et le lieu des obsèques de
M. Hippolyte Castille nous sont encore mé-
connus. Nous espérons pouvoir les indi-
quer dès demain.
MOSTELLES nE L'ITRANGER
(SERVICE HAVAS ET DÉPÊCHES PARTICULIÈRES)
L'insurrection militaire à Madrid. — Un
déraillement. — Une arrestation à Bar-
celone.
Madrid, 26 septembre. Le général Villa-
campa souffre toujours de la chute de chevàl
qu'il a faite pendant sa fuite. Il va être
transféré à l'hôpital militaire. Sa sœur et sa
fille sont allées voir plusieurs hommes poli-
tiques, pour leur demander d'intercéder en
sa faveur; mais elles n'ont pas encore pu
obtenir d'audience de M. Sagasta.
Feuilleton du XIXG SÏECLH
Du 27 septembre 1886
CAUSERIE
DRAMATIQUE
THÉÂTRE DU VAUDEVILLE : Gerfaut, drame en
quatre actes, de M. Moreau. — COMÉDIE-
FRANÇAISE : Denise (débuts).
Enfin, grâce au Vaudeville, qui nous a
donné Gerfaut, nous avons, comme on
dit, quelque chose de sérieux à nous
mettre sous la dent et nous sommes en
présence d'une œuvre qui, bonne, dis-
cutable ou mauvaise, présente de l'in-
térêt et peut être critiquée avec quel-
que utilité peut-être. Il n'était que temps
pour les amateurs de théâtre, nourris
de la viande creuse des reprises et des
petits hors-d'œuvre aigrelets des scènes
de genre ! Il faut féliciter M. Deslandes
d'avoir compris que pour ramener le
public au théâtre, pour lui redonner le
goût d'une habitude oubliée, ce n'est
pas assez faire que de lui donner du ré-
chauffé. Je trouve très adroit de jouer,
dès la réouverture, une pièce nouvelle,
bien montée et qui, en ayant du succès,
s'impose à la curiosité du public. S'il
n'y a pas encore assez de Parisiens ren-
trés pour garnir vingt salles de specta-
cle, Il y en a assez pour en remplir une
pu deux. C'est là-dessus qu'il faut ta-
bler.
Gerfaut est un roman de Charles de
Bernard, écrit en 1838, mais dont l'ac-
tion se passe en 1832, époque dont
l'auteur a tenu à bien nous montrer les
petits côtés, les modes, les manies. Ro-
man très daté, non seulement par la
force des choses, mais, visiblement,
par la volonté de l'auteur. Je l'ai lu
avant d'aller au Vaudeville, lu, et non
relu, car je ne le connaissais pas, et je
doute fort que ceux qui le connaissent
le relisent jamais, à moins d'obéir à une
préoccupation particulière d'archéologie
littéraire. Cette préoccupation est indis-
pensable pour vous faire prendre en
patience d'insupportables longueurs et
un bavardage « spirituel » qui sent le
rance à plein nez. Il y a là, notamment,
un « artiste » étincelant qui est à pleu-
rer ! Il n'est pas jusqu'à l'orthographe
qui ne soit vieillotte. Les femmes en
« spencer « ont du chique, et les hom-
mes en redingotes plissées se grisent
avec du soterne. Et, à côté de pages de
valeur, quel style quand le romantisme
se met de la partie ! « L'âme de Gerfaut
tout entière se mit en adoration devant
Clémence, et il jetta loin de lui son
scalpel, en frémissant d'y avoir porté la
main : un scalpel n'est-il pas un poi-
gnard ? » Ce scalpel est le scalpel méta-
phorique avec lequel Gerfaut dissèque
son propre cœur. Et le livre finit sur le
triomphe littéraire d'Octave Gerfaut,
qui, après ses aventures, « reçoit des
félicitations sur cette corde noire, ri-
chesse récente de sa lyre, dont la vibra-
tion surpasse en tristesse mortelle les
soupirs de René et les tristesses d'Ober-
mann ». Oh! les vieux habits et les
vieux galons littéraires! Encore plus
fripés que les autres, plus vite et plus
lamentablement!
Mais, dans ce roman de Gerfaut, si
on oublie une fois pour toutes le cos-
tume singulier à nos yeux dont les idées
sont revêtues, on trouve des personna-
ges bien étudiés, plus neufs alors qu'ils
ne le sont aujourd'hui, mais restés en-
core vivants, et, tout à la fois, un sujet de
drame et un sujet de comédie. Je com-
prends très bien qu'il y ait eu de quoi
tenter un auteur dramatique. Résu-
mons rapidement le roman, pour nous
rendre compte à la fois de la concentra-
tion nécessaire opérée pour en faire une
pièce de théâtre et des changements,
très importants, qu'y a apportés M. Mo-
reau.
Clémence est une jeune femme de
vingt-deux ou vingt-trois ans, mariée à
un comte de Bergueheim. Ce mari, gen-
tilhomme campagnard, légitimiste, de
vieille et dure race, n'est pas du tout
dameret et ne paraît pas faire de la
psychologie passionnelle l'occupation de
sa vie : il mange ferme, boit de même,
chasse, tire sur les braconniers comme
sur des lapins, monte à cheval comme
un centaure, avec une sœur cadette
qu'il élève à la hussarde, et assomme
les ouvriers insolents qu'il a à son ser-
vice. Mais, avec cela, et malgré ses che-
veux rouges, il est excellent pour sa
femme, la laissant courir en Suisse ou
passer l'hiver à Paris, chaperonnée par
une vieille tante à moitié folle. Gerfaut
a rencontré Clémence en Suisse, à la
mer de Glace ; il lui a même sauvé la
vie. Il l'a retrouvée à Paris, et, enfin, il
est venu, déguisé, rôder autour du châ-
teau. Là, il sauve d'un accident de che-
val la sœur de Bergueheim, ce qui lui
ouvre les portes de la maison, où il
peut d'ailleurs se faire introduire par
son ami et compagnon de voyage Maril-
lac, qui, en 1830, a aussi sauvé la vie à
Bergueheim. Que de sauvetages ! Tous
ces terre-neuves doivent finir par se
mordre.
Bien entendu, tous ces préliminaires,
assez longs dans le roman, disparaissent
dans la pièce. Elle commence où le
roman commence vraiment, Gerfaut
étant devenu l'hôte de Bergueheim.
C'est à partir de là que se développent,
dans le livre, un drame très fertile en
incidents et une étude de caractère et
de passion très fouillés, encore que
l'auteur ne porte pas son « scalpel n,
comme il dit, là où nous voudrions sur-
tout. Il décrit minutieusement le com-
bat d'amour engagé entre Gerfaut et
Clémence, combat où Gerfaut finit, au-
tant que j'ai pu l'entendre, par être
vainqueur. Les coquetteries de la jeune
comtesse de Bergueheim, ses luttes, sa
chute, tout est étudié avec un grand
soin. Mais Ch. de Bernard n'insiste pas
assez, à mon gré, sur le côté très inté-
ressant du caractère de Gerfaut, qui doit
à son métier d'homme de lettres, tou-
jours préoccupé d'observer les pas-
sions pour pouvoir les peindre dans ses
romans et au théâtre, je ne sais quelle
impuissance à être simple et sincère
dans ses amours. Il explique fort bien
qu'il y a en lui un dédoublement tel qu'il
est composé, pour ainsi dire, de deux
personnages qui ne se confondent pas
et dont l'un regarde vivre l'autre, le
critiquant, l'applaudissant ou le sifflant,
comme on ferait d'un acteur qu'on ver-
rait jouer une scène. Cette dualité dans
le même homme, créée par une habitude
de métier, est un phénomène fort inté-
ressant et parfaitement exact. On l'a
observé depuis longtemps chez les co-
médiens. Il existe aussi pour les hommes
de lettres, comme pour les hommes po-
litiques. Certains de nous, surtout dans
les circonstances graves, ont cette fa-
culté que Ch. de Bernard appelle de son
vrai nom : le dédoublement. Même en
obéissant à la passion, ils se regardent
agir. C'et une exagération du sens cri-
tique qui n'est pas sans être fort nuisi-
ble au bonheur. En tout cas, les amou-
reux qui sont ainsi font de pauvres
amoureux, et il faut plàindre les femmes
qui les écoutent. Elles ne possèdent
jamais l'âme entière de l'homme qui
prend des notes sur sa propre passion,
comme le premier venu des Delobelles
qui, en proie à la douleur, se regarde
dans la glace pour constater que l'ex-
pression est noble et que « ça y est».
C'est, je crois, là-dessus que l'auteur de
Gerfaut eût pu insister, et, sans tourner
au tragique, le roman eût été excellent
qui nous eût montré Clémence se
dégoûtant d'être un « modèle » pour un
homme de lettres. Mais Ch. de Bernard
a conçu autrement son œuvre. Il dit
expressément, dans une des disserta-
tions qui y sont intercalées, qu'il a
voulu montrer les inconvénients des
mariages de convenance, tel que celui
du comte et de la comtesse de Bergue-
heim. Et pour mieux les faire ressortir,
il a composé un drame assez noir.
Ce drame noir, la cheville ouvrière
en est un certain Lambernier, un me-
nuisier que Bergueheim a employé au
château et qu'il a renvoyé. Lambernier
veut se venger, et, après toutes sortes
d'aventures avec les gens de la maison,
notamment avec Marillac, l'ami de Ger-
faut et la mouche du coche du roman,
il finit par livrer à Bergueheim le se-
cret des correspondances de sa femme
avec Gerfaut. Déjà, dans une orgie de
chasseurs, — il paraît qu'on se grisait
à dîner en 1832, — Marillac avait trop
parlé. Bergueheim emploie donc le vieux
et classique moyen des vaudevilles,
feint une absence et revient à temps
pour surprendre Gerfaut et Clémence.
Pour sauver l'orgueil de sa race,
le comte exige un duel qui sera pris
pour un malheur. A la chasse au san-
glier, Gerfaut et lui se tireront dessus
comme par accident. Favorisé par le
sort, Gerfaut tire le premier, tue le
comte. Clémence devient folle, et Ger-
faut retourne à la littérature, ayant seu-
lement aj outé à sa lyre la fameuse corde
noire que j'ai dite.
Ce sujet était tentant. L'homme de
lettres amoureux et comédien était
une étude de caractère très curieuse à
pousser loin, et le dénouement sauvage
du duel à coups de fusil pouvait plaire.
Cependant, ayant vu la pièce de M. Mo-
reau, et, tout bien réfléchi, je pense qu'il
n'était pas possible de tirer de Gerfaut
une œuvre dramatique qui pût nous sa-
tisfaire sans prendre le parti héroïque
de sacrifier où le drame ou l'étude du
caractère. Certes, l'auteur a déblayé son
sujet avec beaucoup d'adresse. lia sup-
primé, comme je l'ai dit, les préliminai-
res inutiles. Il est entré de suite in me-
dias res. Il a laissé de côté.Lambernier,
figure assez vivante, mais qui ne serait
plus aujourd'hui qu'un second rôle de
l'Ambigu. Il a concentré l'action, gardé
le diner où Marillac se grise, le faux
départ du comte, le duel au fusil ; mais
il a dû changer le dénouement, et, en
somme, avec infiniment de talent, il n'a
réussi, pour avoir voulu garder trop de
choses du roman, qu'à faire une œuvre
incertaine, Et pourquoi ? — Je vous en
prie, ne commencez pas par vous mo-
quer : parce qu'il n'y a pas de person-
nage sympathique, parce qu'il n'y a pas
chez lui le grand parti pris indispensa-
ble au théâtre, surtout dans le drame.
Qu'arrive-t-il, en effet, au Vaudeville?
Il arrive que la - sympathie du public
commence par s attacher à Gerfaut et
finit par aller vers Bergueheim, ce qui
nous désoriente tout à fait. Gerfaut nous
est présenté d'abord comme un amou-
reux sincère. Il se montre sous le meil-
leur jour. Seul, la nuit, avec Clémence,
il la respecte avec la délicatesse du vé-
ritable amour. Et ce n'est qu'à la fin que,
d'une façon un peu factice, il se laisse
voir sous son jour de cabotin. Pour l'en
punir, M. Moreau, renversant les rôles
du dénouement, fait tuer Gerfaut par le
mari, à la grande satisfaction de Clé-
mence. Mais, en vérité, ce pauvre Ger-
faut, pour être un peu trop homme de
lettres dans ses amours, n'en reste pas
moins brave, délicat, galant homme,
sincère à son heure. Il souffre d'une
maladie, d'un travers d'esprit, et, au
théâtre, un travers d'esprit ne mérite
Prix du numéro : Paris et départements : 15 centimes
Lundi 27 septembrej?188&
LE XIX" siftni.K
MM Pt ■■■ ■■ mh BHI «M MM wkm
JOURNAL RÉPUBLICAIN
REDACTION
l'adresser a'A Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
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inrecteur politique ;
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Trois mois ,,, „ 46 .,»
Six mois. 32 »»
Unau" 62 »>.
PARIS
Trois mois. 13 »»
Six mois. 25 "n
Un an. 50 a"
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MM, LAGRANGE, CERF ET Cm
ê9 plm& de M Borroo, 6
MM. les Souscripteurs dont l'abonne-
ment expire le 30 septembre sont priés de
le rénouveler s'ils ne veulent pas éprouver
de retard dans la réception du journal.
SOMMAIRE
BULLETIN. — Louis Henrique.
INFORMATIONS PARTICULIÈRES.
ARMAND BARBES. — Henry Fouquier.
MORT DE M. -HIPPOLYTE CASTILLE. — André
Nancey.
NOUVELLES DE L'ÉTRANGER.
NOUVELLES COLONIALES.
LA VIE AUX CHAMPS. — H. P.
ECHOS DU JOUR. - Bric hanteau.
LA STATUE DE BARBÈS.
L'EXPOSITION DE 1889.
BULLETIN MILITAIRE ET MARITIME.
LA PRESSE AU JOUR LE JOUR.- P.-P.Dejuinne.
CONGRÈS INTERNATIONAL DE BORDEAUX. -
Henri de La Ville.
BETHNAL-GREEN. — Jules Levallois.
GAZETTE DU PALAIS. — M" Gervasy.
BULLETIN DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE.
QUESTIONS PARISIENNES. - Un Parisien.
FAITS DIVERS.
LA TEMPÉRATURE.
COURRIER HEBDOMADAIRE DE LA BOURSE. -
Paul Ambroise.
SPORT DU JOUR. — Turba.
COURRIER DES THÉÂTRES. — Yorick.
CAUSERIE DRAMATIQUE. — Henry Fouquier.
BULLETIN
Hier ont eu lieu à Carcassonne les fêtes
données à l'occasion de l'inauguration de
la statue de Barbès. On trouvera plus loin
le compte rendu détaillé de cette cérémo-
nie, qui paraît avoir été quelque peu tu-
multueuse.
Le voyage du duc d'Edimbourg à Cons-
tantinople n'a pas eu le succès diplomati-
que que paraissait en attendre le cabinet
britannique. On peut même dire que le
fils de la reine a subi un échec qui, dans
les circonstances présentes, a une signifi-
cation particulière. Les dépêches nous
avaient déjà signalé le retard insolite que
le sultan avait mis à recevoir le duc d'E-
dimbourg ; ce n'est, en effet, qu'au bout
de quatre jours qu'il s'est décidé à donner
audience au prince.
Pour expliquer ce peu d'empressement,
les Anglais invoquent comme excuse l'état
de santé du sultan, qui était en effet souf-
frant. Son indisposition légère (un furon-
cle à l'épaule) n'était qu'un prétexte qui
n'a trompé personne. La vérité est que le
sultan ne tenait en aucune façon à témoi-
gner de son empressement à recevoir le
fils de la reine d'Angleterre. Il avait, au
contraire, de bonnes raisons pour ajourner
l'entrevue.
Depuis deux jours, l'arrivée de l'ambas-
sadeur turc à Saint-Pétersbourg était an-
noncée et, dans l'entourage du sultan,
on ne faisait point mystère de l'intention
bien arrêtée du souverain de s'entretenir
avec son ambassadeur, avant de recevoir le
duc d'Edimbourg.
C'est ainsi, d'ailleurs, que les choses se
sont passées.
Chakir-Pacha est arrivé jeudi dans la
matinée et s'est rendu immédiatement au
palais, et le duc d'Edimbourg a été reçu le.
même jour à trois heures de l'après-midi.
L'entretien a été banal. Si le duc d'Edim-
bourg était venu à Constantinople avec une
mission politique, comme cela est vrai-
semblable, il ne lui a pas été donné de la
remplir à la satisfaction du gouvernement
de la reine. Le sultan est resté sur la dé-
fensive et a évité avec soin de laisser la
conversation s'égarer sur des questions
d'ordre politique.
Les jours suivants, le duc d'Edimbourg
n'a pas été mieux servi par les circonstan-
ces ; le sultan paraît avoir fui toute occa-
sion de se rencontrer avec lui ; il n'assis-
tait ni au bal ni au dîner donné par sir
Ed. Thornton, ambassadeur d'Angleterre,
ni même au dîner, de gala qu'il offrait lui-
même au duc à Yldiz-Kiosk. Suivant une
dépêche de Varna, il se serait borné à con-
duire ses invités à table, puis se serait re-
tiré sous le premier prétexte venu. Or, le
matin même il avait passé la revue des
troupes, sans donner le moindre signe de
malaise, le duc d'Edimbourg et les prin-
ces qui l'accompagnaient avaient pu en
faire la remarque.
Enfin, si le sultan a mis une lenteur
calculée à recevoir le duc, il lui a fait at-
tendre sa visite avec la même affectation,
car c'est hier seulement qu'il la lui a ren-
due.
Il est difficile de mieux marquer, tout en
se conformant strictement aux lois de l'éti-
quette, que l'influence anglaise n'est plus
prépondérante à Constantinople.
Si l'alliance turco-russe n'est pas for-
mellement conclue, si le pacte dont nous
avons déjà parlé n'est pas encore signé
entre le tsar et le sultan, comme les jour-
naux anglais s'obstinent à le prétendre, il
n'y a pas témérité à dire que l'alliance an-
glo-turque n'est plus qu'un souvenir.
Louis HENRIQUE
INFORMATIONS PARTICULIÈRES
Le départ de M. de Lanessan
Le paquebot Saghalien, qui fait le service
de l'Indo-Chine, est parti hier matin de Mar-
seille ayant à son bord M. de Lanessan, dé-
puté, délégué général aux colonies fran-
çaises et aux pays de protectorat.
Parmi les passagers se trouvaient égale-
ment MM. de Champeaux, inspecteur des ser-
vices indigènes de Cochinchine, l'archevêque
de Pondichéry et le miniàtre plénipotentiaire
de Russie à Pékin.
M. de Lanessan doit quitter le Saghalien à
Colombo, pour visiter Ceylan.
Déplacements ministériels
MM. Lockroy, ministre du commerce et de
l'industrie, et Goblet, ministre de l'instruc-
tion publique, se-rendront, le jeudi 30 septem-
bre, à Cluses (Haute-Savoie), pour l'inaugu-
ration des nouveaux bâtiments de l'Ecole na-
tionale d'horlogerie.
Les sénateurs, députés et conseillers gé-
néraux de la Savoie et de la Haute-Savoie y
assisteront.
Un grand banquet réunira tous les invités.
Un démenti
L'agence Havas nous communique la note
suivante :
« Le bruit, mentionné par un journal du
matin, qu'il aurait été question de la démis-
sion de M. Carnot, ministre des finances, est
dénué de tout fondement. »
ARMAND BARBES
L'inauguration de la statue de Barbès
vient d'avoir lieu à Carcassonne. Ce
n'était pas son pays. Barbès était créole.
Mais c'est à Carcassonne qu'il avait, je
ne sais par quelle raison, passé sa jeu-
nesse, et c'est là qu'il avait été condamné,
la première fois, pour un délit de presse.
L'inauguration de cette statue, qu'on
dit assez remarquable, ne s'est pas
passée comme nous l'eussions voulu. Il y
a eu quelque tumulte, sur lequel nous
manquons encore de détails. Les répu-
blicains des deux fractions qui divisent
la démocratie carcassonnaise ont eu le
tort grave de ne pas s'entendre. C'eût
été pour Barbès, qui a connu beaucoup
de douleurs dans sa vie, une douleur
dernière de penser qu'il pouvait donner
prétexte, au jour de l'inauguration de
sa statue, à des luttes entre républi-
cains. Je ne crois pas cependant qu'il y
ait, dans ces divisions, un ressouvenir
et une suite de la longue brouille de
Barbès et de Blanqui. Fort oubliée au-
jourd'hui, cette brouille appartient à
l'histoire, pour les curieux surtout.
Je pense plutôt que les républicains de
Carcassonne ont été emportés dans
quelque fâcheuse querelle locale qui
s'expliquera plus tard.
Tout a été dit sur Barbès, et presque
aussi bien dit dans les journaux con-
servateurs que dans les journaux répu-
blicains. On a rappelé son surnom glo-
rieux de Bayard de la démocratie, sa
prison, son long exil, son attitude fière
devant la Chambre des pairs qui le con-
damnait à mort après le coup de main
de 1838. Jusqu'au dernier moment, Bar-
bès dut croire qu'il allait être exécuté,
et sa fermeté ne se démentit pas un seul
instant. Sa sœur, une femme admira-
blement dévouée, et qui fait penser à
la soeur de Delescluze, demanda sa grâce
à Louis-Philippe. Victor Hugo joignit sa
prière à celle de Mlle Barbès, et l'ordre
d'exécution fut rapporté. Barbès, d'ail-
leurs, a toujours énergiquement nié le
meurtre d'un officier, dont on l'accusait,
et la clémence de Louis-Philippe paraît
n'avoir été qu'un acte de justice.
Barbès a été le chef et surtout le hé-
ros du parti républicain d'autrefois,
parti sentimental dans ses principes et
volontiers romantique dans son allure.
La République était pour lui, d'une fa-
çon un peu vague, une forme de l'idéal
pour laquelle il risquait sa vie avec un
courage de soldat mourant pour le
drapeau. Certes, il est plus que proba-
ble que les idées politiques de Barbès
manquaient de précision et qu'il eût été
fort embarrassé d'être un homme de
gouvernement. La République triom-
phante a besoin d'autres hommes que
la République souffrante et militante.
Mais nous, qui sommes arrivés les der-
niers, nous devons une grande recon-
naissance et un grand respect à ces
républicains de la première heure qui
ont rendu possible, par leur caractère
plus que par leurs idées, et par la lé-
gende qu'ils ont laissée plus que par
leurs actes, l'établissement indiscuté de
la forme politique qui nous est chère.
Barbès eut d'autant plus de mérite
du long sacrifice qu'il fit à ses opinions,
à ses aspirations, qu'il n'était pas un
déshérité de la fortune et qu'aucune
idée de rébellion personnelle contre le
sort n'entrait dans son amour du pro-
grès. Il était riche, très lettré, fait pour
être aimé et pour une vie autre que
celle de la prison et de l'exil. Son dé-
vouement à la cause populaire a quelque
chose d'absolument pur et de désinté-
ressé. C'est ce qui a permis, depuis long-
temps, aux hommes de tous les partis
et à ceux qui, parmi les républicains,
n'auraient pas suivi volontiers sa direc-
tion, de lui rendre pleinement justice.
De plus, Barbès, en des circonstances
solennelles, se montra patriote plus
qu'homme de parti. Il n'appartenait en
aucune sorte à l'Ecole du cosmopolitisme
socialiste. Bien que le sentiment le pous-
sât dans les rangs du parti socialiste et
qu'il entrevît la République comme une
ère de progrès indéfini poussé jus-
qu'aux chimères, il était resté profondé-
ment patriote. On sait qu'exilé à la
Haye, il y faisait des vœux pour le suc-
cès de nos armes, engagées en Crimée.
Une lettre de lui, publiée alors contre
sa volonté, lui valut une grâce qu'il n'ac-
cepta pas.
Pourtant, il était triste, l'exil de la
Haye! J'eus personnellement l'occasion
d'y voir Barbès, qui trompait son inac-
tivité en s'occupant de beaux-arts. Et
toujours très ferme en ses opinions, qui
avaient pris je ne sais quelle teinte de
croyances religieuses et mystiques, il
n'était guère confiant dans les hommes
pour en amener la réalisation. Cepen-
dant, il se mêla encore un peu à la vie
publique vers la fin de l'Empire. Mais
son heure était passée. Il était l'homme
d'une autre époque, d'une époque hé-
roïque qui doit laisser des exemples à
admirer plus, peut-être, que des exem-
ples à suivre.
HENRY FOUQUIER.
Un journal réactionnaire, mais aimable,
annonce sous une forme piquante la re-
prise des travaux législatifs. Il commence
par inscrire en manière de titre : « Une
mauvaise nouvelle », puis il ajoute : « La
rentrée des Chambres est fixée au 14 octo-
bre. Depuis trois mois, les ministres étaient
en voyage, les députés étaient absents ; le
pays commençait à s'habituer au repos; il
n'y avait ni interpellation stérile, ni dis-
cussion oiseuse. Tout cela va finir, et les
crises vont recommencer. »
Nous ne le croyons pas, et nous pouvons
d'autant plus librement rire de la plaisan-
terie. A la vérité, dans la session dernière,
l'activité de la Chambre ne s'était pas tou-
jours exercée comme une force suffisam-
ment mesurée. Dans l'ordre des délibéra-
tions et dans le choix des sujets traités, il
y avait eu peut-être trop de part laissée
au hasard et à la fantaisie des initiatives
individuelles. Mais n'est-il pas permis
d'attribuer particulièrement les hésita-
tions qui se sont trahies, les à-coup qui
se sont produits, au voisinage immédiat
des élections du 4 octobre? Une réelle
incertitude avait pesé sur cette manifesta-
tion du suffrage universel ; elle était mal
définie ; on pouvait craindre de la fausse-
ment interpréter. Cette sorte de revire-
ment qui avait augmenté dans des propor-
tions notables la minorité réactionnaire
était à coup sûr un phénomène dont il
était indispensable de tenir compte, sans
toutefois en pouvoir dégager la significa-
tion précise. Réaction, il y avait réaction,
mais pourquoi ? et vers quoi ? Aucun des
trois partis qui se disputent la gloriole de
lutter sans merci contre la République
ne pouvait revendiquer à son profit les
avantages du résultat qui restait collectif
et pour ainsi dire indivis.
Il n'est pas étonnant que, dans ces con-
ditions, les hommes politiques soucieux
de sauvegarder les institutions existantes
et d'en assurer le développement normal,
sous le contrôle et conformément aux vo-
lontés de la nation, aient dû se livrer à
quelques tâtonnements qui ont été exploi-
tés par l'esprit de parti comme les gages
d'impuissance du régime parlementaire.
La situation, aujourd'hui, est-elle la
même?
En rien. Les élections d'août sont venues
compléter l'épreuve du 4 octobre, ou plu-
tôt la rectifier. Chacun est d'accord pour
en tirer cette conclusion, que le pays, s'il a
eu un mouvement de recul, obéissant à un
sentiment de malaise passager, n'avait
nullement entendu retirer les gages qu'il
a tant de fois donnés de son attachement
au régime républicain. Loin de lui la pen-
sée d'en sortir; il avait prétendu seule-
ment donner à ses représentants un aver-
tissement sur les directions à prendre,
mais toujours dans les limites de l'organisa-
tion républicaine. Il avait affirmé son dégoût
de la politique stérile et des débats oiseux,
ses aspirations vers le progrès économique
et les améliorations sociales, son besoin
d'être administré sagement et mené sans
secousses.
Les députés, ceux de la majorité du
moins, ont entendu et compris l'avertisse-
ment ; et, n'en déplaise à notre spirituel
confrère, ils se garderont bien de fournir à
sa malice le spectacle de crises nouvelles ;
cette erreur leur coûterait trop cher. Ils lui
offriront l'exemple d'une Chambre qui,
maîtresse désormais d'elle-même et en
possession de la tâche qui lui est assignée,
travaille d'arrache-pied à regagner les heu-
res perdras en apportant à la préparation
du budget attardé la diligence et la ponc-
tualité de comptables fidèleq.
Me-
Mort de M. Hippolyte Castille
Nous avons le regret d'annoncer la mort
de M. Hippolyte Castille , décédé, dans la
nuit de vendredi à samedi, à Luc-sur-Mer.
Il était âgé de soixante-six ans. Sa sanlé
avait été quelque peu ébranlée en ces der-
niers temps. Toutefois, les quelques se-
maines de villégiature qu'il avait passées
sur la plage lui avaient fait grand bien.
Il se sentait tout à fait remis, quand, il y a
trois ou quatre jours, il fut repris par le
mal qui vient de l'emporter. Sa fille, man-
dée en toute hâte, est arrivée à temps pour
recueillir son dernier soupir.
Avec M. Hippolyte Castille disparaît un
écrivain de race et qui a eu sa place bien
à lui dans cette mêlée du journalisme
moderne qui rend si difficile l'affirmation
des personnalités. Les Lettres d'Alceste,
qui demeurent son œuvre capitale, ont
leur place dans l'histoire de la littérature
et de la politique de notre temps.
Toutefois, M. Castille avait préludé à la
publication de ces Lettres fainoues, -
dont les premières parurent seulement
en 1869, — par différents travaux littérai-
res dont il convient de dire un mot tout
d'abord.
Dès 1846, à l'âge de vingt-six ans, — il
était né en 1820, à Montreuil-sur-Mer, —
M. Castille débutait par divers volumes de
romans et de nouvelles. Mais le journa-
lisme l'attirait : en 1847, il fondait, avec
M. Molinari, un journal intitulé le Travail
intellectuel et, l'année suivante, avecBas-
tiat, la République française, — première
du nom.
Il entra un peu plus tard à la Revue de
Paris, où une série d'études sur les Hom-
mes et les choses du règne de Louis-Philippe
le tira hors de pair. Ces articles ont été
réunis en un volume qui parut en 1853 :
la langue en est d'une fermeté et d'un
mordant tout à fait remarquables. Un peu
plus tard, il publiait une Histoire de la se-
conde République française, en quatre vo-
lumes, dont le premier surtout achevait de
le classer parmi les écrivains de marque.
L'énumération des volumes et brochu-
res que fit paraître M. Castille jusqu'en
1869 nous entraînerait trop loin. Bornons-
nous à dire que toutes ces œuvres, qui eu-
rent des fortunes diverses, se recomman-
daient du moins par l'ampleur des vues,
par un souci et un respect de la forme qui
ne se rencontrent que chez les écrivains
vraiment dignes de ce nom.
Arrivons enfin à cette année 1869. M.
Ducuing fonde un journal d'allure indé-
pendante, l'Universel. C'est là que parais-
sent les premières Lettres d'Alceste.
Ces lettres politiques tendaient à pré-
parer les élections de 1869 en vue de faire
triompher les idées libérales. Elles atta-
quaient avec une rare puissance le prin-
cipe du gouvernement personnel. Elles
prévoyaient presque la crise épouvantable
au milieu de laquelle l'empire allait som-
brer. Et avec quelle verdeur de style, avec
quelle élévation de pensée 1 Toutefois,
Alceste s'était vu obligé, par les rigueurs
du régime d'alors, d'user de réserve, d'é-
mousser ses pointes, de voiler quelque
peu ses attaques contre les hommes et les
institutions. Le public ne sentit pas
bien la portée de la campagne engagée
et l'Universel dut, faute d'une clientèle
suffisante, cesser sa publication.
L'empire tombe : en 1871 paraît un
journal républicain libéral, la Vérité. Al-
ceste ne tarde pas à y reprendre la bril-
lante collaboration qu'il avait inaugurée
en 1869 à l'Universel.
Nous disons « Alceste » et non pas Hip-
polyte Castille. Il est intéressant, en effet,
de noter dès maintenant que la personna-
lité que cachait ce pseudonyme avait été
au début et demeurait encore Inconnue
de tous. Ce n'est que beaucoup plus tard
qu'on a su qui était cet « Alceste » dont la
mystérieuse individualité avait si fort
excite la curiosité des gens de lettres
comme du grand public.
A la Vérité, Alceste, ne se sentant plus
gêné par les entraves du gouvernement
impérial, put enfin donner un libre essor
à son talent et se faire apprécier du grand
public, alors qu'il avait dû PH contenter
jusque-là du suffrage des lettrés. Los
hommes de l'Assemblée nationale fourni-
rent belle et ample matière il la verve du
publiciste et il ne les ménagea point.
La Vérité est supprimée le 4 septembre
1871. Elle est aussitôt remplacée par la
Constitution, dont la rédaction était la
même. Alceste y poursuit, avec un égal
succès, sa brillante campagne. La Consti-
tution est également supprimée, en fé-
vrier 1872, à la suite d'un article de M.
Emile Zola. Le Corsaire lui succède : c'é-
tait toujours le même journal sous un
nouveau titre. Supprimé à son tour, le
Corsaire devient l'Avenir national. Et les
Lettres d'Alceste continuent d'y paraître
avec une vogue toujours grandissante.
Survient le 24 Mai, bientôt suivi des
manœuvres fusionnistes que chacun sait.
Et Alceste lance aussitôt un virulent et
éloquent réquisitoire contre la monarchie
de droit divin. « A bas Chambord ! » était
intitulé son article. Et toutle parti républi-
cain répéta ce défi si énergiquement porté.
VAvenir national, qui publia ce morceau
demeuré célèbre, fut saisi et supprimé la
27 octobre 1873, par arrêté du gouverneur
de Paris.
Les Lettres d'Alceste reparurent encore
à diverses reprises, notamment dans le
Corsaire, ressuscité en 1876, puis plus
tard, vers 1881, et pendant un temps trè
court, dans le Voltaire, enfin dans la Vé-
rité qui pouvait renaître elle aussi, n'ayant
plus rien à craindre des rigueurs de l'état
de siège.
Comme nous l'indiquions plus haut, ce
n'est que vers ces dernières années que le
pseudonyme d'Alceste fut percé à jour et
que le public sut enfin à quel écrivain il
devait attribuer l'honneur de tant de passes
d'armes éclatantes.
Grand et de belle prestance, M. Hippo-
lyte Castille avait tous les dehors et toutes
les façons d'un parfait gentleman. Ce n'est
pas seulement le talent dont il fit une si
large dépense qui doit faire survivre sa
mémoire. Son nom mérite aussi de demeu-
rer comme celui d'un homme qui eut au
plus haut degré le culte de la langue et la
conscience littéraire.
« Il n'est pas de journée, disait-il volon-
tiers, dont je n'emploie quelques heures à
faire du style. » Il se plaisait, en effet, à la
gymnastique intellectuelle toute désinté-
ressée, au travail de l'assemblage harmo-
nieux des mots, à la recherche de la phrase
bien faite. C'est à ce constant entraînement
de son esprit que son style dut la souplesse*
et l'éclat qui nous font trouver, aujourd'hui
encore, tant d'agrément à la lecture des
Lettres d'Alceste. Et combien est-il de
journalistes dont les écrits peuvent ainsi,
après de longues années, être relus avec
plaisir et profit ?
ANDRÉ NANCEY.
P.-S. — La date et le lieu des obsèques de
M. Hippolyte Castille nous sont encore mé-
connus. Nous espérons pouvoir les indi-
quer dès demain.
MOSTELLES nE L'ITRANGER
(SERVICE HAVAS ET DÉPÊCHES PARTICULIÈRES)
L'insurrection militaire à Madrid. — Un
déraillement. — Une arrestation à Bar-
celone.
Madrid, 26 septembre. Le général Villa-
campa souffre toujours de la chute de chevàl
qu'il a faite pendant sa fuite. Il va être
transféré à l'hôpital militaire. Sa sœur et sa
fille sont allées voir plusieurs hommes poli-
tiques, pour leur demander d'intercéder en
sa faveur; mais elles n'ont pas encore pu
obtenir d'audience de M. Sagasta.
Feuilleton du XIXG SÏECLH
Du 27 septembre 1886
CAUSERIE
DRAMATIQUE
THÉÂTRE DU VAUDEVILLE : Gerfaut, drame en
quatre actes, de M. Moreau. — COMÉDIE-
FRANÇAISE : Denise (débuts).
Enfin, grâce au Vaudeville, qui nous a
donné Gerfaut, nous avons, comme on
dit, quelque chose de sérieux à nous
mettre sous la dent et nous sommes en
présence d'une œuvre qui, bonne, dis-
cutable ou mauvaise, présente de l'in-
térêt et peut être critiquée avec quel-
que utilité peut-être. Il n'était que temps
pour les amateurs de théâtre, nourris
de la viande creuse des reprises et des
petits hors-d'œuvre aigrelets des scènes
de genre ! Il faut féliciter M. Deslandes
d'avoir compris que pour ramener le
public au théâtre, pour lui redonner le
goût d'une habitude oubliée, ce n'est
pas assez faire que de lui donner du ré-
chauffé. Je trouve très adroit de jouer,
dès la réouverture, une pièce nouvelle,
bien montée et qui, en ayant du succès,
s'impose à la curiosité du public. S'il
n'y a pas encore assez de Parisiens ren-
trés pour garnir vingt salles de specta-
cle, Il y en a assez pour en remplir une
pu deux. C'est là-dessus qu'il faut ta-
bler.
Gerfaut est un roman de Charles de
Bernard, écrit en 1838, mais dont l'ac-
tion se passe en 1832, époque dont
l'auteur a tenu à bien nous montrer les
petits côtés, les modes, les manies. Ro-
man très daté, non seulement par la
force des choses, mais, visiblement,
par la volonté de l'auteur. Je l'ai lu
avant d'aller au Vaudeville, lu, et non
relu, car je ne le connaissais pas, et je
doute fort que ceux qui le connaissent
le relisent jamais, à moins d'obéir à une
préoccupation particulière d'archéologie
littéraire. Cette préoccupation est indis-
pensable pour vous faire prendre en
patience d'insupportables longueurs et
un bavardage « spirituel » qui sent le
rance à plein nez. Il y a là, notamment,
un « artiste » étincelant qui est à pleu-
rer ! Il n'est pas jusqu'à l'orthographe
qui ne soit vieillotte. Les femmes en
« spencer « ont du chique, et les hom-
mes en redingotes plissées se grisent
avec du soterne. Et, à côté de pages de
valeur, quel style quand le romantisme
se met de la partie ! « L'âme de Gerfaut
tout entière se mit en adoration devant
Clémence, et il jetta loin de lui son
scalpel, en frémissant d'y avoir porté la
main : un scalpel n'est-il pas un poi-
gnard ? » Ce scalpel est le scalpel méta-
phorique avec lequel Gerfaut dissèque
son propre cœur. Et le livre finit sur le
triomphe littéraire d'Octave Gerfaut,
qui, après ses aventures, « reçoit des
félicitations sur cette corde noire, ri-
chesse récente de sa lyre, dont la vibra-
tion surpasse en tristesse mortelle les
soupirs de René et les tristesses d'Ober-
mann ». Oh! les vieux habits et les
vieux galons littéraires! Encore plus
fripés que les autres, plus vite et plus
lamentablement!
Mais, dans ce roman de Gerfaut, si
on oublie une fois pour toutes le cos-
tume singulier à nos yeux dont les idées
sont revêtues, on trouve des personna-
ges bien étudiés, plus neufs alors qu'ils
ne le sont aujourd'hui, mais restés en-
core vivants, et, tout à la fois, un sujet de
drame et un sujet de comédie. Je com-
prends très bien qu'il y ait eu de quoi
tenter un auteur dramatique. Résu-
mons rapidement le roman, pour nous
rendre compte à la fois de la concentra-
tion nécessaire opérée pour en faire une
pièce de théâtre et des changements,
très importants, qu'y a apportés M. Mo-
reau.
Clémence est une jeune femme de
vingt-deux ou vingt-trois ans, mariée à
un comte de Bergueheim. Ce mari, gen-
tilhomme campagnard, légitimiste, de
vieille et dure race, n'est pas du tout
dameret et ne paraît pas faire de la
psychologie passionnelle l'occupation de
sa vie : il mange ferme, boit de même,
chasse, tire sur les braconniers comme
sur des lapins, monte à cheval comme
un centaure, avec une sœur cadette
qu'il élève à la hussarde, et assomme
les ouvriers insolents qu'il a à son ser-
vice. Mais, avec cela, et malgré ses che-
veux rouges, il est excellent pour sa
femme, la laissant courir en Suisse ou
passer l'hiver à Paris, chaperonnée par
une vieille tante à moitié folle. Gerfaut
a rencontré Clémence en Suisse, à la
mer de Glace ; il lui a même sauvé la
vie. Il l'a retrouvée à Paris, et, enfin, il
est venu, déguisé, rôder autour du châ-
teau. Là, il sauve d'un accident de che-
val la sœur de Bergueheim, ce qui lui
ouvre les portes de la maison, où il
peut d'ailleurs se faire introduire par
son ami et compagnon de voyage Maril-
lac, qui, en 1830, a aussi sauvé la vie à
Bergueheim. Que de sauvetages ! Tous
ces terre-neuves doivent finir par se
mordre.
Bien entendu, tous ces préliminaires,
assez longs dans le roman, disparaissent
dans la pièce. Elle commence où le
roman commence vraiment, Gerfaut
étant devenu l'hôte de Bergueheim.
C'est à partir de là que se développent,
dans le livre, un drame très fertile en
incidents et une étude de caractère et
de passion très fouillés, encore que
l'auteur ne porte pas son « scalpel n,
comme il dit, là où nous voudrions sur-
tout. Il décrit minutieusement le com-
bat d'amour engagé entre Gerfaut et
Clémence, combat où Gerfaut finit, au-
tant que j'ai pu l'entendre, par être
vainqueur. Les coquetteries de la jeune
comtesse de Bergueheim, ses luttes, sa
chute, tout est étudié avec un grand
soin. Mais Ch. de Bernard n'insiste pas
assez, à mon gré, sur le côté très inté-
ressant du caractère de Gerfaut, qui doit
à son métier d'homme de lettres, tou-
jours préoccupé d'observer les pas-
sions pour pouvoir les peindre dans ses
romans et au théâtre, je ne sais quelle
impuissance à être simple et sincère
dans ses amours. Il explique fort bien
qu'il y a en lui un dédoublement tel qu'il
est composé, pour ainsi dire, de deux
personnages qui ne se confondent pas
et dont l'un regarde vivre l'autre, le
critiquant, l'applaudissant ou le sifflant,
comme on ferait d'un acteur qu'on ver-
rait jouer une scène. Cette dualité dans
le même homme, créée par une habitude
de métier, est un phénomène fort inté-
ressant et parfaitement exact. On l'a
observé depuis longtemps chez les co-
médiens. Il existe aussi pour les hommes
de lettres, comme pour les hommes po-
litiques. Certains de nous, surtout dans
les circonstances graves, ont cette fa-
culté que Ch. de Bernard appelle de son
vrai nom : le dédoublement. Même en
obéissant à la passion, ils se regardent
agir. C'et une exagération du sens cri-
tique qui n'est pas sans être fort nuisi-
ble au bonheur. En tout cas, les amou-
reux qui sont ainsi font de pauvres
amoureux, et il faut plàindre les femmes
qui les écoutent. Elles ne possèdent
jamais l'âme entière de l'homme qui
prend des notes sur sa propre passion,
comme le premier venu des Delobelles
qui, en proie à la douleur, se regarde
dans la glace pour constater que l'ex-
pression est noble et que « ça y est».
C'est, je crois, là-dessus que l'auteur de
Gerfaut eût pu insister, et, sans tourner
au tragique, le roman eût été excellent
qui nous eût montré Clémence se
dégoûtant d'être un « modèle » pour un
homme de lettres. Mais Ch. de Bernard
a conçu autrement son œuvre. Il dit
expressément, dans une des disserta-
tions qui y sont intercalées, qu'il a
voulu montrer les inconvénients des
mariages de convenance, tel que celui
du comte et de la comtesse de Bergue-
heim. Et pour mieux les faire ressortir,
il a composé un drame assez noir.
Ce drame noir, la cheville ouvrière
en est un certain Lambernier, un me-
nuisier que Bergueheim a employé au
château et qu'il a renvoyé. Lambernier
veut se venger, et, après toutes sortes
d'aventures avec les gens de la maison,
notamment avec Marillac, l'ami de Ger-
faut et la mouche du coche du roman,
il finit par livrer à Bergueheim le se-
cret des correspondances de sa femme
avec Gerfaut. Déjà, dans une orgie de
chasseurs, — il paraît qu'on se grisait
à dîner en 1832, — Marillac avait trop
parlé. Bergueheim emploie donc le vieux
et classique moyen des vaudevilles,
feint une absence et revient à temps
pour surprendre Gerfaut et Clémence.
Pour sauver l'orgueil de sa race,
le comte exige un duel qui sera pris
pour un malheur. A la chasse au san-
glier, Gerfaut et lui se tireront dessus
comme par accident. Favorisé par le
sort, Gerfaut tire le premier, tue le
comte. Clémence devient folle, et Ger-
faut retourne à la littérature, ayant seu-
lement aj outé à sa lyre la fameuse corde
noire que j'ai dite.
Ce sujet était tentant. L'homme de
lettres amoureux et comédien était
une étude de caractère très curieuse à
pousser loin, et le dénouement sauvage
du duel à coups de fusil pouvait plaire.
Cependant, ayant vu la pièce de M. Mo-
reau, et, tout bien réfléchi, je pense qu'il
n'était pas possible de tirer de Gerfaut
une œuvre dramatique qui pût nous sa-
tisfaire sans prendre le parti héroïque
de sacrifier où le drame ou l'étude du
caractère. Certes, l'auteur a déblayé son
sujet avec beaucoup d'adresse. lia sup-
primé, comme je l'ai dit, les préliminai-
res inutiles. Il est entré de suite in me-
dias res. Il a laissé de côté.Lambernier,
figure assez vivante, mais qui ne serait
plus aujourd'hui qu'un second rôle de
l'Ambigu. Il a concentré l'action, gardé
le diner où Marillac se grise, le faux
départ du comte, le duel au fusil ; mais
il a dû changer le dénouement, et, en
somme, avec infiniment de talent, il n'a
réussi, pour avoir voulu garder trop de
choses du roman, qu'à faire une œuvre
incertaine, Et pourquoi ? — Je vous en
prie, ne commencez pas par vous mo-
quer : parce qu'il n'y a pas de person-
nage sympathique, parce qu'il n'y a pas
chez lui le grand parti pris indispensa-
ble au théâtre, surtout dans le drame.
Qu'arrive-t-il, en effet, au Vaudeville?
Il arrive que la - sympathie du public
commence par s attacher à Gerfaut et
finit par aller vers Bergueheim, ce qui
nous désoriente tout à fait. Gerfaut nous
est présenté d'abord comme un amou-
reux sincère. Il se montre sous le meil-
leur jour. Seul, la nuit, avec Clémence,
il la respecte avec la délicatesse du vé-
ritable amour. Et ce n'est qu'à la fin que,
d'une façon un peu factice, il se laisse
voir sous son jour de cabotin. Pour l'en
punir, M. Moreau, renversant les rôles
du dénouement, fait tuer Gerfaut par le
mari, à la grande satisfaction de Clé-
mence. Mais, en vérité, ce pauvre Ger-
faut, pour être un peu trop homme de
lettres dans ses amours, n'en reste pas
moins brave, délicat, galant homme,
sincère à son heure. Il souffre d'une
maladie, d'un travers d'esprit, et, au
théâtre, un travers d'esprit ne mérite
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