Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1886-07-10
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 10 juillet 1886 10 juillet 1886
Description : 1886/07/10 (A17,N5296). 1886/07/10 (A17,N5296).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
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Dix-septième année. — N° 3296 Prii dû Íiiméro 1 Paris : 15 centimes - Départements : 20 cenMmëS Samedi 10 juillet 1886
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adresser a à Secrétaire de la Rédaction
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SOMMAIRE
BULLETIN. — Louis Henrique.
INFORMATIONS PARTICULIÈRES.
LES ÉLECTIONS ANGLAISES.
SÉANCE DE LA CHAMBRE — Docteur Ralph.
SÉANCE DU SÉNAT. — H. Vincent.
LA COMMISSION DE PANAMA.
CHRONIQUE. — Raoul Lucet.
COULISSES PARLEMENTAIRES.
UN INCIDENT A LA CHAMBRE DES DÉPUTES.— A.C.
NOUVELLES DE L'ÉTRANGER.
ECHOS DU JOUR. — Brichanteau.
LES DÉCORATIONS DU 14 JUILLET.
BULLETIN MARITIME ET MILITAIRE.
EN IRLANDE. — Edmond Lainé.
NOUVELLES COLONIALES.
LA PRESSE AU JOUR LE JOUR.- P.-P. Dejuinne.
LA VIE AUX CHAMPS. — R. P.
CONSEIL MUNICIPAL. — Paul Henrique.
GAZETTE DU PALAIS. — Mo Gervasy.
COURRIER DE LA BOURSE. - II. Le Faure.
FAITS DIVERS.
SPORT DU JOUR. — Turba.
COURRIER DES THÉÂTRES. - Yorick.
BULLETIN
L'ordre du jour de la séance d'hier por-
tait discussion du projet de loi sur les
contributions directes de l'exercice 1887.
En réalité, c'est la question de la surtaxe
sur les céréales qui, indirectement, a été
remise sur le tapis. Le débat a porté pres-
que uniquement sur le dégrèvement de
l'impôt foncier, les uns tenant pour le dé-
grèvement intégral, les autres se conten-
tant d'un dégrèvement partiel. Un amen-
dement tendant à réduire de il millions
l'impôt sur les propriétés non bâties a été
adopté à une majorité de 60 voix. C'est un
premier succès pour les partisans de la
surtaxe sur les céréales. Aussi n'enten-
dent-ils pas laisser se refroidir l'enthou-
siasme de la Chambre, qui a inscrit en tête
de l'ordre du jour de samedi la reprise de
la discussion interrompue par la loi de fi-
nances. En attendant, la commission du
budget cherchera le moyen de boucher le
trou que les 11 millions de dégrèvement
viennent de creuser dans les recettes
de 1887.
Le Sénat a repoussé, par 153 voix contre
103, le projet de loi sur l'augmentation du
nombre des conseillers généraux, qui avait
été adopté par la Chambre.
Pourquoi ne dédoublerait-on pas les
cantons dont la population excède 25,000
habitants? Ce serait une transaction qui
donnerait satisfaction dans une certaine
mesure .aux auteurs de la proposition
votée par la Chambre.
La vérité est que cette proposition a été
tardivement soumise au Parlement : quel-
ques semaines de plus auraient sans doute
permis à la Chambre et au Sénat de se
mettre d'accord sur un projet transac-
tionnel.
L'affaire de Batoum a pris le pas sur les
élections dans les préoccupations de l'es-
prit public en Angleterre.
Les organes de la presse anglaise ont
affecté, dès les premiers jours, un langage
indifférent, au travers duquel il était d'ail-
leurs facile de discerner un profond dépit.
Le Times change de tactique. Il reprend
ab ovo l'histoire des négociations qui tu-
rent engagées au congrès de Berlin au
sujet du port de Batoum. Il insiste sur la
part très active que M. de Bismarck aurait
prise à ces négociations et laisse très clai-.
rement entendre que le chancelier de
l'empire allemand aurait presque donné
sa garantie à l'engagement pris au con-
grès de Berlin, par le tsar, de ne pas forti-
fier Batoum.
Après ces prémisses, on devine aisé-
ment les conclusions du Times. Il veut
solidariser la cause de l'Angleterre et la
politique de l'Allemagne :
« Ceux qui ont suivi alors les négocia-
tions, dit-il, savent bien que non seule-
ment le prince de Bismarck a contribué à
l'accord sur ce point, mais qu'il est lié
d'honneur à l'observation d'une stipula-
tion qui fut placée sous sa sauvegarde ;
sur aucune question il n'est intervenu
plus ouvertement que pour Batoum. La
conduite de la Russie est donc autant un
affront pour l'Allemagne que pour l'Angle-
terre.
» L'engagement de faire de Batoum un
port franc a été pris par la Russie de-
vant toute l'Europe, et en particulier de-
vant l'Angleterre et M. de Bismarck.
L'honneur de tous est attaché à l'accom-
plissement de cette promesse, à moins
que tout le traité ne soit déchiré. Il est
aussi peu admissible de croire que la
Russie ait agi sans consulter M. de Bis-
marck qu'il est difficile de croire que cet
homme d'Etat, consulté, ait autorisé cette
violation du traité de Berlin. »
La Russie conteste d'ailleurs cette ap-
préciation. Elle se défend d'avoir violé le
traité de Berlin par la fermeture du port
franc de Batoum.
Dans une note officielle, le gouverne-
ment de Saint-Pétersbourg s'attache à dé-
montrer les raisons d'ordre économique
nni l'ont amené à modifier l'état de choses
-1-- - --- ----- -
créé par le traité de Berlin. « Le gouver-
nement impérial ne peut perdre de vue
que l'article 59 du traité de Berlin occupe
dans le traité une place à part, car il ne
constitue point le résultat d'un accord. Il
n'est que la déclaration libre et spontanée
de la Russie, qui a voulu instituer à Ba-
toum un port franc. »
Voilà qui ressemble peu aux affirmations
du Times. Reste à savoir si le chancelier
d'Allemagne est disposé à accepter comme
bon et valable l'aval de garantie qu'il au-
jait donné au protocole spécial à l'affaire
de Batoum. C'est peu probable. Les
paroles mêmes que M. de Blowitz met
dans la bouche de M. de Bismarck, lors
de la réunion du congrès de Berlin, prou-
vent surabondamment qu'à ce moment le
chancelier allemand avait pris son parti
des conséquences possibles d'un conflit
entre la Russie et l'Angleterre :
« Quand nous aurons fait tout notre pos-
sible pour amener la paix, si la Russie et
l'Angleterre refusent de s'entendre sur la
solution de questions secondaires, l'Eu-
rope saurait que nous avons fait tout notre
possible pour assurer la paix, et nous
pourrons nous tenir en dehors de la lutte,
l'arme au bras. »
Toute la question est de savoir si M. de
Bismarck a changé d'avis depuis i878.
.-.- Lotus HJmRIQux.
INFORMATIONS PARTI G HL IB RE S
Déplacements ministériels
M. Granet, ministre des postes et télégra-
phes, revenant sur sa première décision,, a
promis d'aller à Vannes inaugurer dimanche
le nouvel Hôt.el de Ville.
Le ministre partira ce soir. Il sera accom-
pagné de M. Bernard, sous-secrétaire d'Etat
au ministère de l'intérieur, et des députés du
Morbihan.
Les élections des conseillers généraux
Les élections pour le renouvellement de la
première série sortante des conseils généraux
et des conseils d'arrondissement auront lieu
le dimanche 1er août.
Les scrutins de ballottage auront lieu le di-
manche suivant.
Le conseil municipal de Saint-Denis
Le conseil municipal de la ville de Saint-
Denis est dissous.
La grâce de MM. Erneat Roche etDuc-
Quercy
Conformément à la décision prise par l'Ex-
trême-Gauche, MM. Barodet, Cantagrel, La-
bordère et Desmons, membres du bureau de
ce groupe, se sont rendus auprès de M. de
Freycinet, président du conseil, pour l'entre-
tenir au sujet d'une mesure de grâce à pren-
dra par le gouvernement vis-il-vis de MM.
Ernest Roche et Duc-Quercy. L'entrevue a été
très cordiale, et il résulte de la conversation
qui a eu lieu que le gouvernement, sans on
avoir d'ailleurs délibéré, n'e?t pas opposé à la
mesure demandée par l'Extrême - Gauche.
Aucun membre du cabinet n'a montré de
sentiments hostiles aux mesures d'apaise-
ment, qui restent entièrement subordonnées
aux circonstances. Les membres du bureau
do l'Extrême-Gauche se sont bornés, dans
cette entrevue, à appeler l'attention du mi-
nistère sur l'affaire Duc-Quercy et Roche et
Ils se sont retirés avec l'assurance que leur
demande serait prise en sérieuse considéra-
tion.
Démenti
Contrairement à ce qui avait été annoncé
par un journal du soir, il est inexact que le
gouvernement français ait adressé une note
au Vatican sur l'attitude du clergé à l'occa-
sion de l'expulsion des princes.
Le cardinal Jacobini n a jamais conféré à ce
sujet avec le chargé d'affaires de France.
Les commandes d'armes
Le bruit ayant couru que des commandes
considérables allaient être faites aux manu-
factures nationales d'armes, M. Laur a eu un
entretien à ce sujet avec M. le général Bou-
langer, ministre de la guerre.
De cet entretien, il résulte que des essais
sont faits en ce moment à Châtellerault sur
un certain nombre d'échantillons et qu'une
décision serait prise dans les premiers jours
du mois du septembre.
Le ministre de la guerre a exprimé l'espoir
que cette décision serait favorable. Si cette
décision se réalise, des commandes considé-
rables seront faites, avant l'automne, aux
manufactures d'armes.
Le traité franco-italien ♦
M. Decrais a fait part au comte Robilant
des propositions transactionnelles suggérées
par la commission française du traité de na-
vigation avec l'Italie.
On désirerait beaucoup que ces proposi-
tions pussent être acceptées par le gouverne-
ment italien, afin de prévenir les difûcultés
qui résulteraient de l'absence de tout arran-
gement entre les deux pays à partir du 15
juillet.
LES ÉLECTIONS ANfiLAISES
Les élections anglaises ne sont pas
encore terminées. Au moment où nous
écrivons, 515 nominations seulement sont
connues et il reste encore à pourvoir à
155 sièges. Si incomplets que soient ces
résultats, la défaite de M. Gladstone est
désormais probable et le triomphe des
conservateurs dépasse les espérances
qu'ils pouvaient concevoir. Ils ont déjà
263 sièges ; dans l'ancienne Chambre,
ils ne comptaient que 247 représen-
tants. Les libéraux-unionistes sont au
nombre de 54, tandis que les ministé-
riels ne comptent que 133 élections.
Quant aux parnellistes, ils étaient 86
dans la dernière Chambre ; ils ont déjà
fait passer 65 de leurs candidats ; les
élections qui restent à faire leur conser-
veront dans la nouvelle Chambre un
nombre de sièges à peu près égal à
celui qu'ils occupaient; il sera peut-être
un peu accru, car il est à remarquer
que les parnellistes ont triomphé à Bel-
fast, au plein cœur de la citadelle loya-
liste.
Mais quelques succès partiels, si inat-
tendus fussent-ils, ne sauraient compen-
ser les défaites nombreuses du parti li-
béral. Même coalisé avec les parnellistes,
il ne peut former qu'une minorité dans
les Communes et la seule question dou-
teuse est de savoir si les élections com-
plémentaires donneront aux conserva-
teurs un nombre de sièges suffisant
pour leur assurer la majorité ou s'ils
devront faire alliance avec les libéraux-
unionistes.
La première hypothèse est peu proba-
ble, car les circonscriptions qui n'ont
pas terminé leurs élections sont les cir-
conscriptions rurales qui doivent à M.
Gladstone leur électorat, et si elles se
séparent du ministre libéral sur la ques-
tion spécial de l'Irlande, elles n'iront
pas jusqu'à une conversion complète
aux doctrines conservatrices.
Quoi qu'il en soit, la cause est perdue
pour M. Gladstone et pour l'Irlande. Si
vague que fût le projet de home rule,
si indéterminées que fussent les condi-
tions dans lesquelles le principe du
Parlement séparé pouvait être appliqué,
la pensée seule de défendre ce principe
et de compter sur la justice populaire
pour le faire triompher était une pensée
libérale. La réponse des électeurs an-
glais fait au flanc de la liberté une
blessure qui sera douloureusement res-
sentie partout où les idées de justice et
de libéralisme comptent des adhérents,
car ces idées forment une sorte de pa-
trimoine humain et elles ne sauraient
être lésées en quelque endroit sans que
la sensation s'étende au corps entier.
D'autres atteintes plus rudes leur sont
sans doute réservées. Le marquis de
Salisbury a beau se défendre d'avoir
préconisé une politique de coercition
soutenue par des déportations, cette
politique s'imposera à lui. Seule, elle lui
donnera le moyen de répondre aux vio-
lences qui ne manqueront pas d'être
exercées par les Irlandais , et d'essayer
de contenir les populations par la ter-
reur. C'est une phase nouvelle de l'his-
toire de l'Angleterre qui s'ouvre, et nul
ne peut dire de quels orages et de quels
bouleversements elle sera marquée.
Ncus ne voulons pas nous étendre sur
ces douloureuses perspectives. A ne
considérer que le présent, tel qu'il ré-
sulte des élections déjà terminées, la
situation est fort compliquée. Sur cette
plate-forme unique de la question ir-
landaise, le parti libéral s'est divisé,
mais la scission n'est pas complète ; elle
ne s'est pas étendue aux autres ques-
tions, et si une coalition des unionis-
tes et des conservateurs peut empê-
cher le règlement des affaires d'Irlande,
elle ne peut former la base d'une ac-
tion politique telle que l'exige le gouver-
nement d'un grand pays. Les libéraux
se trouveront toujours en désaccord
avec les conservateurs sur les questions
de politique générale et surtout sur
celles qui touchent à la politique exté-
rieure.
De même que dans l'ancienne Cham-
bre les parnellistes étaient les maîtres
de l'équilibre instable des partis, ce sera
dans la nouvelle le groupe des unionistes
qui, en se portant d'un ou d'autre côté,
fera la majorité. Quant aux parnellistes
que l'espoir du succès avait portés à la
sagesse, leur rôle est désormais connu:
c'est de faire de l'obstruction à la Cham-
bre et puisque l'on veut les maintenir
malgré eux dans le Parlement impérial,
de s'y montrer insupportables. Ils ont
prouvé jadis que leurs talents étaient
grands à cet égard. Ils n'étaient alors
qu'un petit nombre etles passions étaient
moins vives qu'au sortir de la lutte qui
vient de se produire. Aujourd'hui que
leurs forces ont grandi et qu'ils voient
tout espoir perdu, ils ne garderont plus
de ménagement et ne négligeront rien
pour troubler les travaux de la Chambre
et jeter le désarroi dans le gouverne-
ment.
Que représente, du reste, à cette
heure, le gouvernement de l'Angleterre?
Les élections faites sur cette seule ques-
tion : Y a-t-il lieu de décider en prin-
cipe l'établissement d'un Parlement
spécial pour l'Irlande? ont la valeur
d'un plébiscite par oui et par non. Mais
une fois cette réponse faite, une fois
que le pays a prononcé qu'il n'y avait
pas lieu de prendre les mesures propo-
sées, le cours naturel des choses de-
vrait reprendre et rien ne démontre que
— la question irlandaise mise de côté-
le pays ait changé d'opinion sur les au-
tres affaires. Maintenant qu'il a exprimé
son avis sur la question irlandaise, il
serait bon de le consulter sur la direc-
tion qu'il entend donner à la politique
générale.
—————————— ——————————
LE PARLEMENT
SÉANCE DE LA CHAMBRE
Les contributions directes. — Le gâchis
Si l'on veut savoir ce que c'est qu'une
Chambre sans plan, sans direction, sans
but, flottant au hasard des petits intérêts
d'un jour, il n'y a qu'à aller au Palais-
Bourbon entre deux heures et six. Là on
pourra se rassasier d'un spectacle vrai-
ment instructif. On verra combien il est
fâcheux pour la Chambre de n'avoir pas
des groupes organisés, vivants, capables
d'indiquer le parti à prendre dans les ques-
tions délicates ou complexes.
EhJ sans doute, c'est une question qu'il
ne taut point dédaigner, celle qui revient
tous les ans à propos des contributions
directes et qui se rattache au problème de
la péréquation de l'impôt foncier. C'est
une question respectable entre toutes,
qu'il convient de traiter avec l'espérance
de la voir aboutir. Mais il ne faut pour-
tant pas lui sacrifier le fonctionnement
même des pouvoirs publics.
Or il est manifeste que, lorsqu'on veut
la trancher à propos de cette loi des con-
tributions directes qui est une sorte de
mesure administrative, n'ayant pour but
que de tracer aux conseils généraux leur
besogne, on fait une chose qui n'est pas
pratique, qui, dans l'heure présente, peut
avoir de graves inconvénients.
Nul ne saurait nier qu'il y ait un haut
Intérêt à clore la session le plus rapide-
ment possible. D'abord, comme nous ve-
nons de le dire, la Chambre est un peu
déséquilibrée. Des intérêts électoraux ont
fait le vide dans ses rangs. La majorité se
trouve désorganisée. Il faut la libérer et
permettre à tout le monde de s'en alier
tranquillement dans les cantons discuter
la seule question qui doive préoccuper
aujourd'hui le parti républicain.
Puis la session, en se prolongeant, per-
met aux défenseurs de la loi sur les blés
d'obtenir le vote définitif qu'ils poursui-
vent si ardemment. Comme les contribu-
tions directes arrêtent seules désormais
le décret de clôture, il y a tout intérêt à
mettre le gouvernement en possession de
la loi qui lui est indispensable, sans la-
quelle les Chambres siégeront indéfini-
ment.
*
* *
On n'a pas paru se douter de cela hier,
et l'on a gaspillé le bénéfice de cette dou-
ble décision en vertu de laquelle on avait
tenu une séance exceptionnelle et placé
les contributions directes avant les cé-
réales.
Tour à tour, M. Duchâlel, M. Bastid, M.
Andrieux, M. Ganivet ont défendu un
amendement qui tend à préparer la péré-
quation de l'impôt foncier par une éga!ité
relative entre les départements et qui fait
acheter cette égalité par un sacrifice assez
lourd, par une perte de onze millions sur
les recettes. Vainement M. Sadi Carnot a
démontré que l'heure n'est pas propice aux
dégrèvements brusques; que, d'ailleurs,
même avec une réduction de onze millons,
on n'aura pas fait l'égalité entre les dépar-
tements.
La Chambre, qui n'avait pas paru écou-
ter un seul mot des débats, qui n'avait pas
paru y apporter la moindre passion, s'est
tout à cuup réveillée devant le scrutin. Les
bulletins blancs sont tombés à flots dans
les urnes, et la réduction de onze millions
s'est trouvée votée par 307 voix contre 247.
Les uns ont voté pour, parce que la
chose était avantageuse à leurs départe-
ments. Les autres, en grand nombre, ont
voté pour également, parce qu'il leur a
paru qu'en retardant le vote des contribu-
tions directes ils empêcheraient les céréa-
les de revenir le lendemain.
Mais ils ont été pris dans leur propre
piège. Le rapporteur, M. Jules Roche, a
déclaré qu'une réduction de 11 millions
bousculait toute la loi et qu'il fallait la
renvoyer à la commission. Les protection-
nistes ont déclaré qu'une loi si malade ne
pouvait plus primer la loi sur les céréales
qui est pleine de vigueur. Et l'on a ren-
voyé les contributions après les céréales.
C'est-à-dire qu'il devient à peu près néces-
saire de pousser la session jusqu'au 20 juil-
let. On ne sait plus, en effet, quel jour la
Chambre pourra voter les contributions et,
quand elle les aura votées, il faudra que le
Luxembourg les renvoie, car tout le monde
sait bien qu'une réduction de 11 millions
sur les ressources de l'Etat est impossible
en ce moment.
Pour compléter cette séance perdue, on
s'est chamaillé pendant trois quarts
d'heure, au milieu d'un tohu-bohu indes-
criptible, sur le règlement de l'ordre du
jour. On ne savait plus ni ce qu'on propo-
saitni où étaient les rapporteurs. La Cham-
bre finissait par rire du spectacle qu'elle
se donnait à elle-même, quand un coup
de pistolet parti des tribunes est veau
changer le cours des idées.
Chacun s'en est allé deviser sur cet évé-
Dement qui se reproduit avec une certaine
régularité. Mais le coup de pistolet d'hier
devait avoir, pour les gens superstitieux,
l'inconvénient de souligner l'espèce de
gâchis auquel on a le tort de se laisser
aller. Il était au moins bizarre qu'une
journée si pleine de désarroi moral finît
par le désarroi matériel que provoque une
explosion imprévue.
Docteur RALPF.
SÉANCE DU SÉNAT
Les conseils généraux
Humilié sans doute d'adopter les yeux
fermés, tantôt pour des raisons d'ordre po-
litique, tantôt pour des raisons d'ordre éco-
nomique, tous les projets que lui envoyait
la Chambre, le Sénat a pris la résolution
vigoureuse de repousser la loi relative au
doublement des conseillers généraux dans
les cantons ayant plus de 20,000 habitants.
M. le ministre de l'intérieur, cependant,
avait très nettement montré qu'il n)pst pas
juste qu'un canton qui a 2 ou 3,000 habi-
tants soit représenté dans l'assemblée dé-
partementale comme un canton qui en a
80 ou 100,000, et il avait établi que le pro-
jet ne portait point atteinte à l'unité de
canton.
Mais M. de Marcère vient au nom de la
Commission s'opposer à la discussion des
articles. M. de Marcère, évidemment, craint
que la loi n'augmente dans les conseils gé-
néraux le nombre des républicains ; il ne
elt rien cependant de cette appréhension
et se borne à affirmer que l'opinion publi-
que est absolument désintéressée dans
l'affaire; il ajoute - admirez l'argument
— qu'on ne connaît pas encore les résul-
tats du dernier recensement et qu'on se-
rait obligé d'établir les proportions nou-
velles sur des chiffres datant de cinq
années déjà 1
M. Sarrièn répond avec beaucoup de
raison que les résultats du recensement
de 1886 seront connus bientôt et que d'au-
tre part on ne peut pas dire qu'une loi vo-
lée par la Chambre à une grande majorité
n'est pas réclamée par l'opinion publique.
M. Bardoux, lui, pense que le projet de
loi n'est que le commencement d'un sys-
tème et qu'on introduira avant peu la pro-
portionnalité dans toutes les élections dé-
partementales; et, très effrayé, il supplie
le Sénat de repousser le projet. Par 153
voix contre 105, le Sénat admet cette thèse
et refuse de passer à la discussion des ar-
ticles.
H. VINCENT.
LA COMMISSION DE PANAMA
Retrait du projet. — Lettre de M. de Lesseps
Nous annoncions avant-hier que le projet
de loi ayant pour objet d'autoriser la Compa-
gnie de Panama à émettre pour six cents mil-
lions d'obligations à lots serait probablement
retiré. Nous ne nous étions pas trompés.
Hier matin, M. Germain Casse, président,
adressait à M. de Lesseps une lettre le priant
de communiquer à la commission divers docu-
ments relatifs au percement du canal de Pa-
nama.
M. Germain Casse ajoutait que la commis-
sion tenait, avant d'aller plus loin, à prendre
connaissance de toutes les pièces qui pou-
vaient l'éclairer, ainsi que du bilan de la So-
ciété au 30 juin 1886 et des traités passés
avec les entrepreneurs.
A cinq heures du soir, la commission de
Panama s'est réunie sous la présidence de
M. Germain Casse pour recevoir communi-
cation de la lettre suivante :
« Monsieur le député,
» En réponse à la lettre que vous avez bien
voulu m'adresser ce matin, j'ai l'honneur de
vous informer que le projet do loi présenté
par M. le président du conseil ne pouvant pas
être discuté avant la fin de la présente ses-
sion, j'ai prié M. de Freycinet de retirer ce
projet.
» Je me réserve de m'adresser directement,
pour l'émission des obligations de Panama,
aux quatre cent mille petits souscripteurs de
mes deux grandes entreprises.
» Veuillez agréer, etc.
» Signé : FERDINAND DE LESSEPS. »
Après la lecture de cette lettre, la commis-
sion, considérant que son mandat avait pris
fin, s'est définitivement dissoute.
CHRONIQUE
La conquête du monde sous-marin
La littérature foisonne d' « Impres-
sions de voyage H. Nous avons des im-
pressions de voyage à pied, à cheval,
à dos de dromadaire et d'éléphant, en
voiture, en chemin de fer, en véloci-
pède, en steamer, en périssoire, en
canot de papier, en torpilleur, en ra-
deau, en ballon, voire même en ballon
captif. Cette riche collection offre ce-
pendant une lacune : il n'existe pas
d'impressions de voyage en scaphandre!
Contrairement aux aéronautes, les
plongeurs, pour la plupart gens illettrés,
gardent généralement pour eux leurs
souvenirs, sans le moindre souci de la
curiosité de leurs contemporains. C'est
à peine si, depuis l'invention du sca-
phandre, dont la première ébauche re-
monte à Léonard de Vinci, on peut en
citer un seul qui ait consenti à raconter
son odyssée au public. C'était un plon-
geur de profession du nom de Des-
champs, qui fut chargé, au mois d'août
1865, de repêcher le vapeur Columbian,
coulé à pic, à la suite d'un incendie, en
vue de l'île d'Ouessant, par soixante-dix
mètres de profondeur. La descente ne
fut pas drôle ; en dépit d'un long entraî-
nement professionnel et d'une constitu-
tion exceptionnellement robuste, Des-
champs fut, à soixante mètres, pris
d'hallucinations, de tremblements con-
vulsifs, et l'on dut le retirer ayant
déjà perdu connaissance. On trouve son
récit tout au long dans un journal spé-
cial et peu répandu, les Annales du
sauvetage maritime (mai 1866); mais il
n'eut pas tout le retentissement que
méritaient son originalité et sa simpli-
cité poignante.
Depuis, je ne vois guère que Jules
Verne qui, avec son inimitable aplomb,
ait osé esquisser la physiologie et la
psychologie du scaphandrier. Malheu-
reusement, ce n'est là que de la haute
fantaisie !
Mais les choses sont en train de pren-
dre une autre tournure. Le génie hu-
main, dont la caractéristique moderne
est la nostalgie de l'inaccessible, a ré-
solument entrepris la conquête du monde
sous-marin. Bientôt, peut-être, les gran-
des opérations maritimes ne s'accompli-
ront plus à la surface, mais dans la paix
sereine des « dessous M océaniens. Déjà,
partout, les bateaux-poissons sont en
chantier, prêts à mettre le cap sur les
mystérieuses régions où la fable lo-
geait Amphitrite et Neptune, les Sirènes
et les Tritons. Le scaphandre entre de
plus en plus dans les mœurs industriel-
les. Ce ne sont plus seulement des ma-
nœuvres ignorants et grossiers, porte-
faix, pêcheurs ou « ravageurs », qui le
revêtent. Ce sont aussi des savants, des
naturalistes et des ingénieurs. Encore
un peu, et il figurera dans l'outillage of-
ficiel des futures sociétés financières des
Galions de Vigo ou des Trésors de Pha-
raon.
Rien d'étonnant donc à ce que M.
Emile Yung, le savant professeur de
l'université de Genève, ait jugé à pro-
pos de lui consacrer une conférence
ex cathedrd. Ce document, assurément
original, car il est l'un des mille symp-
tômes d'une nouvelle ère scientifique,
valait bien l'honneur d'une chronique.
*
* *
Chacun sait aujourd'hui en quoi con-
siste le scaphandre. Il suffit, pour être
édifié, de flâner le long des quais, ou
même, tout bonnement, à la foire de
Neuilly.
Le scaphandre-type se compose essen-
tielle ment d'un vêtement imperméa-
ble, entourant la tête et la poitrine, et
qu'un tube flexible met en communica-
tion avec l'air extérieur. Successivement
perfectionné par plusieurs ingénieurs,
et, notamment, par les Français Cabi-
rol, Denayrouze et Rouquayrol, cet ap-
pareil a fini par devenir extrêmement
pratique.
C'est une cagoule de forte toile en-
duite de caoutchouc ou de gutta-per-
cha, d'une seule pièce des pieds aux
épaules, où elle se termine par une pè-
lerine de cuir. Le haut de cette cagoule
est surmonté par une pèlerine métalli-
que qui se joint par des boulons à celle
de cuir, et sur laquelle se visse un cas-
que de cuivre, muni d'oculaires de cris-
tal, et une tubulure flexible communi-
quant avec une pompe à air. Ajoutons
qne, pour pouvoir s'enfoncer facile-
ment, le plongeur est chaussé de bro-
dequins à semelles de plomb.
Une fois affublé de la sorte, le plon-
geur manque absolument d'élégance
et ne pèse pas moins de deux ou trois
quintaux. La charge qu'il porte sur les
épaules rend ses mouvements pénibles
à l'air et ce n'est pas sans difficulté
qu'il gagne l'échelle de corde par où il
doit descendre dans la mer.
L'appareil est, du reste, singulière-
ment allégé après l'immersion. Il laisse
à l'homme qu'il encage une très grande
liberté de mouvements, à peine entra-
vée seulement par le tuyau à air. On
peut s'accroupir au fond de l'eau, se
coucher, marcher, courir, escalader des
rochers et mettre en œuvre tous les
instruments imaginables, depuis le pic
et le levier jusqu'au grattoir et au mi-
croscope du zoologiste.
Il y a belle lurette qu'on sait tout
cela. Mais ce qu'on sait moins, ce sont
les précautions à prendre, les limites
extrêmes et les dangers de l'emploi du
scaphandre, et les impressions spéciales
qui attendent le scaphandrier au fond
de l'eau.
Les révélations que publie à ce propos
M. Emile Yung sont d'autant plus cu-
rieuses que, non content d'invoquer ses
souvenirs personnels, le savant suisse a
consulté nombre de plongeurs de pro-
fession, dont il paraphrase et commente
les renseignements. Bref, comme il le
dit lui-même, sa conférence est un vé-
ritable cours de l'art de plonger.
*
* *
Le scaphandre, formant sac, manque
de souplesse. C'est tout un travail que
de s'y introduire, et l'aide d'un homme
ou deux est absolument indispensable.
Il faut prendre soin de fermer herméti-
quement toutes les issues, aux poignets
par des bracelets élastiques, autour du
cou en pinçant l'étoffe entre le casque
et le rebord de la collerette métallique.
Il est très important aussi de porter
toujours par-dessous une couverture de
laine qni protègera contre les refroidis-
sements, et sur les épaules un coussinet
pour atténuer les effets du poids.
Le plongeur doit s'abstenir de toute
boisson alcoolique. S'il a soif au départ,
il peut avaler un verre de bon vin
rouge. Le vin blanc et la bière doivent
être proscrits pour des raisons faciles à
comprendre. Il ne faut jamais plonger
pendant la digestion, car ce serait s'ex-
poser à de graves malaises. Nombre de
scaphandriers ont l'habitude dé manger
de l'ail avant la descente. L'ail, en effet,
facilite beaucoup la respiration, mais il
a des inconvénients sur lesquels il est
inutile d'insister.
Ceci me rappelle que le cauchemar de
M. Goubet, l'inventeur du torpilleur
sous-marin dont j'ai longuement parlé
ici-même, - un grand fumeur devant
Neptune ! - c'est de n'avoir pas encore
réussi à trouver le moyen de permettre
de fumer à l'équipage de son bateau-
poisson. Dans les appareils sous-marins,
l'air est, en effet, une denrée précieuse
entre toutes, qu'il faut ménager, en
qualité et en quantité, comme on mé-
nage l'eau dans une traversée du dé-
sert.
Un des grands inconvénients de la
pression sous l'eau est d'exciter la sali-
vation. La quantité de salive sécrétée est
parfois tout à fait gênante : aussi atta-
che-t-on souvent au-devant des lèvres
du plongeur, en dedans du casque, une
petite bavette de toile.
Un autre inconvénient résulte de la
difficulté de voir à travers les lucarnes
du casque lorsque la vapeur d'eau de
l'haleine et de la transpiration se con-
dense sur la glace. Il faut à tout instant
essuyer celle-ci. Les plongeurs aux
mœurs simples se servent simplement
de leur langue ; mais les sybarites — on
en trouve partout! — ont imaginé de
fixer sur leur front une petite éponge
dont ils usent en agitant leur tête à l'in-
térieur du casque, comme un pois dans
un grelot.
La grosse affaire, c'est d'assurer la
régularité de la respiration. Aussi sur-
veille-t-on avec grand soin le jeu de la
pompe et des soupapes. Il faut aussi
être très attentif à bien disséminer l'air
dans le vêtement, dont il tend toujours
à occuper la partie supérieure. On doit
presser le caoutchouc, pousser l'air vers
le bas et graduer la soupape d'écoule-
ment pour chaque profondeur. Autre-
ment, s'il entre plus d'air qu'il n'en sort,
le scaphandre gonfle, le lest devient in-
suffisant et le plongeur remonte à la
surface, les pieds les premiers.
Quant à la communication avec la
surface, elle ne peut se faire qu'à l'aide
de signaux conventionnels transmis par
une corde. De nombreuses expériences
ont été faites, notamment par M. Pe-
tersen, pour appliquer le téléphone au
scaphandre. Si elles n'ont pas réussi
jusqu ici, il ne faut pas désespérer de
l'avenir : on téléphone bien déjà avec
les trains en marche, ce qui, à priori,
ne paraît pas plus commode!
*
* *
Ce n'est pas sans une certaine appré-
hension qu'un homme plonge avec le
scaphandre.* Cette descente dans l'in-
connu s'accompagne nécessairement,
surtout la première fois, d'une vive
émotion. Les impressions vous assail-
lent en si grand nombre qu'il n'est pas
possible de les analyser. On en jouit, on
en souffre, sans trop comprendre ce qui
vous arrive.
Sans être du tout mouillé ailleurs
qu'aux mains, le plongeur éprouve
sensation générale de l'humide, du froid
et de la pression. Cette dernière sensa-
tion est la plus pénible. Pour certaines
personnes, elle est insupportable ; il en
est qui, à moins de 10 mètres de pro-
fondeur, se font retirer, la douleur au
tympan devenant trop violente.
Le nombre des gens qui descendent
jusqu'à 20 mètres est très limité ; encore
n'y demeurent-ils que quelques-minu-
tes, une demi-heure au maximum. On
cite cependant des plongeurs qui sont
allés jusqu'à 30, 40 et 50 mètres, mais
alors le sang leur coulait par les nari-
nes et par les oreilles, et, une fois re-
Dix-septième année. — N° 3296 Prii dû Íiiméro 1 Paris : 15 centimes - Départements : 20 cenMmëS Samedi 10 juillet 1886
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SOMMAIRE
BULLETIN. — Louis Henrique.
INFORMATIONS PARTICULIÈRES.
LES ÉLECTIONS ANGLAISES.
SÉANCE DE LA CHAMBRE — Docteur Ralph.
SÉANCE DU SÉNAT. — H. Vincent.
LA COMMISSION DE PANAMA.
CHRONIQUE. — Raoul Lucet.
COULISSES PARLEMENTAIRES.
UN INCIDENT A LA CHAMBRE DES DÉPUTES.— A.C.
NOUVELLES DE L'ÉTRANGER.
ECHOS DU JOUR. — Brichanteau.
LES DÉCORATIONS DU 14 JUILLET.
BULLETIN MARITIME ET MILITAIRE.
EN IRLANDE. — Edmond Lainé.
NOUVELLES COLONIALES.
LA PRESSE AU JOUR LE JOUR.- P.-P. Dejuinne.
LA VIE AUX CHAMPS. — R. P.
CONSEIL MUNICIPAL. — Paul Henrique.
GAZETTE DU PALAIS. — Mo Gervasy.
COURRIER DE LA BOURSE. - II. Le Faure.
FAITS DIVERS.
SPORT DU JOUR. — Turba.
COURRIER DES THÉÂTRES. - Yorick.
BULLETIN
L'ordre du jour de la séance d'hier por-
tait discussion du projet de loi sur les
contributions directes de l'exercice 1887.
En réalité, c'est la question de la surtaxe
sur les céréales qui, indirectement, a été
remise sur le tapis. Le débat a porté pres-
que uniquement sur le dégrèvement de
l'impôt foncier, les uns tenant pour le dé-
grèvement intégral, les autres se conten-
tant d'un dégrèvement partiel. Un amen-
dement tendant à réduire de il millions
l'impôt sur les propriétés non bâties a été
adopté à une majorité de 60 voix. C'est un
premier succès pour les partisans de la
surtaxe sur les céréales. Aussi n'enten-
dent-ils pas laisser se refroidir l'enthou-
siasme de la Chambre, qui a inscrit en tête
de l'ordre du jour de samedi la reprise de
la discussion interrompue par la loi de fi-
nances. En attendant, la commission du
budget cherchera le moyen de boucher le
trou que les 11 millions de dégrèvement
viennent de creuser dans les recettes
de 1887.
Le Sénat a repoussé, par 153 voix contre
103, le projet de loi sur l'augmentation du
nombre des conseillers généraux, qui avait
été adopté par la Chambre.
Pourquoi ne dédoublerait-on pas les
cantons dont la population excède 25,000
habitants? Ce serait une transaction qui
donnerait satisfaction dans une certaine
mesure .aux auteurs de la proposition
votée par la Chambre.
La vérité est que cette proposition a été
tardivement soumise au Parlement : quel-
ques semaines de plus auraient sans doute
permis à la Chambre et au Sénat de se
mettre d'accord sur un projet transac-
tionnel.
L'affaire de Batoum a pris le pas sur les
élections dans les préoccupations de l'es-
prit public en Angleterre.
Les organes de la presse anglaise ont
affecté, dès les premiers jours, un langage
indifférent, au travers duquel il était d'ail-
leurs facile de discerner un profond dépit.
Le Times change de tactique. Il reprend
ab ovo l'histoire des négociations qui tu-
rent engagées au congrès de Berlin au
sujet du port de Batoum. Il insiste sur la
part très active que M. de Bismarck aurait
prise à ces négociations et laisse très clai-.
rement entendre que le chancelier de
l'empire allemand aurait presque donné
sa garantie à l'engagement pris au con-
grès de Berlin, par le tsar, de ne pas forti-
fier Batoum.
Après ces prémisses, on devine aisé-
ment les conclusions du Times. Il veut
solidariser la cause de l'Angleterre et la
politique de l'Allemagne :
« Ceux qui ont suivi alors les négocia-
tions, dit-il, savent bien que non seule-
ment le prince de Bismarck a contribué à
l'accord sur ce point, mais qu'il est lié
d'honneur à l'observation d'une stipula-
tion qui fut placée sous sa sauvegarde ;
sur aucune question il n'est intervenu
plus ouvertement que pour Batoum. La
conduite de la Russie est donc autant un
affront pour l'Allemagne que pour l'Angle-
terre.
» L'engagement de faire de Batoum un
port franc a été pris par la Russie de-
vant toute l'Europe, et en particulier de-
vant l'Angleterre et M. de Bismarck.
L'honneur de tous est attaché à l'accom-
plissement de cette promesse, à moins
que tout le traité ne soit déchiré. Il est
aussi peu admissible de croire que la
Russie ait agi sans consulter M. de Bis-
marck qu'il est difficile de croire que cet
homme d'Etat, consulté, ait autorisé cette
violation du traité de Berlin. »
La Russie conteste d'ailleurs cette ap-
préciation. Elle se défend d'avoir violé le
traité de Berlin par la fermeture du port
franc de Batoum.
Dans une note officielle, le gouverne-
ment de Saint-Pétersbourg s'attache à dé-
montrer les raisons d'ordre économique
nni l'ont amené à modifier l'état de choses
-1-- - --- ----- -
créé par le traité de Berlin. « Le gouver-
nement impérial ne peut perdre de vue
que l'article 59 du traité de Berlin occupe
dans le traité une place à part, car il ne
constitue point le résultat d'un accord. Il
n'est que la déclaration libre et spontanée
de la Russie, qui a voulu instituer à Ba-
toum un port franc. »
Voilà qui ressemble peu aux affirmations
du Times. Reste à savoir si le chancelier
d'Allemagne est disposé à accepter comme
bon et valable l'aval de garantie qu'il au-
jait donné au protocole spécial à l'affaire
de Batoum. C'est peu probable. Les
paroles mêmes que M. de Blowitz met
dans la bouche de M. de Bismarck, lors
de la réunion du congrès de Berlin, prou-
vent surabondamment qu'à ce moment le
chancelier allemand avait pris son parti
des conséquences possibles d'un conflit
entre la Russie et l'Angleterre :
« Quand nous aurons fait tout notre pos-
sible pour amener la paix, si la Russie et
l'Angleterre refusent de s'entendre sur la
solution de questions secondaires, l'Eu-
rope saurait que nous avons fait tout notre
possible pour assurer la paix, et nous
pourrons nous tenir en dehors de la lutte,
l'arme au bras. »
Toute la question est de savoir si M. de
Bismarck a changé d'avis depuis i878.
.-.- Lotus HJmRIQux.
INFORMATIONS PARTI G HL IB RE S
Déplacements ministériels
M. Granet, ministre des postes et télégra-
phes, revenant sur sa première décision,, a
promis d'aller à Vannes inaugurer dimanche
le nouvel Hôt.el de Ville.
Le ministre partira ce soir. Il sera accom-
pagné de M. Bernard, sous-secrétaire d'Etat
au ministère de l'intérieur, et des députés du
Morbihan.
Les élections des conseillers généraux
Les élections pour le renouvellement de la
première série sortante des conseils généraux
et des conseils d'arrondissement auront lieu
le dimanche 1er août.
Les scrutins de ballottage auront lieu le di-
manche suivant.
Le conseil municipal de Saint-Denis
Le conseil municipal de la ville de Saint-
Denis est dissous.
La grâce de MM. Erneat Roche etDuc-
Quercy
Conformément à la décision prise par l'Ex-
trême-Gauche, MM. Barodet, Cantagrel, La-
bordère et Desmons, membres du bureau de
ce groupe, se sont rendus auprès de M. de
Freycinet, président du conseil, pour l'entre-
tenir au sujet d'une mesure de grâce à pren-
dra par le gouvernement vis-il-vis de MM.
Ernest Roche et Duc-Quercy. L'entrevue a été
très cordiale, et il résulte de la conversation
qui a eu lieu que le gouvernement, sans on
avoir d'ailleurs délibéré, n'e?t pas opposé à la
mesure demandée par l'Extrême - Gauche.
Aucun membre du cabinet n'a montré de
sentiments hostiles aux mesures d'apaise-
ment, qui restent entièrement subordonnées
aux circonstances. Les membres du bureau
do l'Extrême-Gauche se sont bornés, dans
cette entrevue, à appeler l'attention du mi-
nistère sur l'affaire Duc-Quercy et Roche et
Ils se sont retirés avec l'assurance que leur
demande serait prise en sérieuse considéra-
tion.
Démenti
Contrairement à ce qui avait été annoncé
par un journal du soir, il est inexact que le
gouvernement français ait adressé une note
au Vatican sur l'attitude du clergé à l'occa-
sion de l'expulsion des princes.
Le cardinal Jacobini n a jamais conféré à ce
sujet avec le chargé d'affaires de France.
Les commandes d'armes
Le bruit ayant couru que des commandes
considérables allaient être faites aux manu-
factures nationales d'armes, M. Laur a eu un
entretien à ce sujet avec M. le général Bou-
langer, ministre de la guerre.
De cet entretien, il résulte que des essais
sont faits en ce moment à Châtellerault sur
un certain nombre d'échantillons et qu'une
décision serait prise dans les premiers jours
du mois du septembre.
Le ministre de la guerre a exprimé l'espoir
que cette décision serait favorable. Si cette
décision se réalise, des commandes considé-
rables seront faites, avant l'automne, aux
manufactures d'armes.
Le traité franco-italien ♦
M. Decrais a fait part au comte Robilant
des propositions transactionnelles suggérées
par la commission française du traité de na-
vigation avec l'Italie.
On désirerait beaucoup que ces proposi-
tions pussent être acceptées par le gouverne-
ment italien, afin de prévenir les difûcultés
qui résulteraient de l'absence de tout arran-
gement entre les deux pays à partir du 15
juillet.
LES ÉLECTIONS ANfiLAISES
Les élections anglaises ne sont pas
encore terminées. Au moment où nous
écrivons, 515 nominations seulement sont
connues et il reste encore à pourvoir à
155 sièges. Si incomplets que soient ces
résultats, la défaite de M. Gladstone est
désormais probable et le triomphe des
conservateurs dépasse les espérances
qu'ils pouvaient concevoir. Ils ont déjà
263 sièges ; dans l'ancienne Chambre,
ils ne comptaient que 247 représen-
tants. Les libéraux-unionistes sont au
nombre de 54, tandis que les ministé-
riels ne comptent que 133 élections.
Quant aux parnellistes, ils étaient 86
dans la dernière Chambre ; ils ont déjà
fait passer 65 de leurs candidats ; les
élections qui restent à faire leur conser-
veront dans la nouvelle Chambre un
nombre de sièges à peu près égal à
celui qu'ils occupaient; il sera peut-être
un peu accru, car il est à remarquer
que les parnellistes ont triomphé à Bel-
fast, au plein cœur de la citadelle loya-
liste.
Mais quelques succès partiels, si inat-
tendus fussent-ils, ne sauraient compen-
ser les défaites nombreuses du parti li-
béral. Même coalisé avec les parnellistes,
il ne peut former qu'une minorité dans
les Communes et la seule question dou-
teuse est de savoir si les élections com-
plémentaires donneront aux conserva-
teurs un nombre de sièges suffisant
pour leur assurer la majorité ou s'ils
devront faire alliance avec les libéraux-
unionistes.
La première hypothèse est peu proba-
ble, car les circonscriptions qui n'ont
pas terminé leurs élections sont les cir-
conscriptions rurales qui doivent à M.
Gladstone leur électorat, et si elles se
séparent du ministre libéral sur la ques-
tion spécial de l'Irlande, elles n'iront
pas jusqu'à une conversion complète
aux doctrines conservatrices.
Quoi qu'il en soit, la cause est perdue
pour M. Gladstone et pour l'Irlande. Si
vague que fût le projet de home rule,
si indéterminées que fussent les condi-
tions dans lesquelles le principe du
Parlement séparé pouvait être appliqué,
la pensée seule de défendre ce principe
et de compter sur la justice populaire
pour le faire triompher était une pensée
libérale. La réponse des électeurs an-
glais fait au flanc de la liberté une
blessure qui sera douloureusement res-
sentie partout où les idées de justice et
de libéralisme comptent des adhérents,
car ces idées forment une sorte de pa-
trimoine humain et elles ne sauraient
être lésées en quelque endroit sans que
la sensation s'étende au corps entier.
D'autres atteintes plus rudes leur sont
sans doute réservées. Le marquis de
Salisbury a beau se défendre d'avoir
préconisé une politique de coercition
soutenue par des déportations, cette
politique s'imposera à lui. Seule, elle lui
donnera le moyen de répondre aux vio-
lences qui ne manqueront pas d'être
exercées par les Irlandais , et d'essayer
de contenir les populations par la ter-
reur. C'est une phase nouvelle de l'his-
toire de l'Angleterre qui s'ouvre, et nul
ne peut dire de quels orages et de quels
bouleversements elle sera marquée.
Ncus ne voulons pas nous étendre sur
ces douloureuses perspectives. A ne
considérer que le présent, tel qu'il ré-
sulte des élections déjà terminées, la
situation est fort compliquée. Sur cette
plate-forme unique de la question ir-
landaise, le parti libéral s'est divisé,
mais la scission n'est pas complète ; elle
ne s'est pas étendue aux autres ques-
tions, et si une coalition des unionis-
tes et des conservateurs peut empê-
cher le règlement des affaires d'Irlande,
elle ne peut former la base d'une ac-
tion politique telle que l'exige le gouver-
nement d'un grand pays. Les libéraux
se trouveront toujours en désaccord
avec les conservateurs sur les questions
de politique générale et surtout sur
celles qui touchent à la politique exté-
rieure.
De même que dans l'ancienne Cham-
bre les parnellistes étaient les maîtres
de l'équilibre instable des partis, ce sera
dans la nouvelle le groupe des unionistes
qui, en se portant d'un ou d'autre côté,
fera la majorité. Quant aux parnellistes
que l'espoir du succès avait portés à la
sagesse, leur rôle est désormais connu:
c'est de faire de l'obstruction à la Cham-
bre et puisque l'on veut les maintenir
malgré eux dans le Parlement impérial,
de s'y montrer insupportables. Ils ont
prouvé jadis que leurs talents étaient
grands à cet égard. Ils n'étaient alors
qu'un petit nombre etles passions étaient
moins vives qu'au sortir de la lutte qui
vient de se produire. Aujourd'hui que
leurs forces ont grandi et qu'ils voient
tout espoir perdu, ils ne garderont plus
de ménagement et ne négligeront rien
pour troubler les travaux de la Chambre
et jeter le désarroi dans le gouverne-
ment.
Que représente, du reste, à cette
heure, le gouvernement de l'Angleterre?
Les élections faites sur cette seule ques-
tion : Y a-t-il lieu de décider en prin-
cipe l'établissement d'un Parlement
spécial pour l'Irlande? ont la valeur
d'un plébiscite par oui et par non. Mais
une fois cette réponse faite, une fois
que le pays a prononcé qu'il n'y avait
pas lieu de prendre les mesures propo-
sées, le cours naturel des choses de-
vrait reprendre et rien ne démontre que
— la question irlandaise mise de côté-
le pays ait changé d'opinion sur les au-
tres affaires. Maintenant qu'il a exprimé
son avis sur la question irlandaise, il
serait bon de le consulter sur la direc-
tion qu'il entend donner à la politique
générale.
—————————— ——————————
LE PARLEMENT
SÉANCE DE LA CHAMBRE
Les contributions directes. — Le gâchis
Si l'on veut savoir ce que c'est qu'une
Chambre sans plan, sans direction, sans
but, flottant au hasard des petits intérêts
d'un jour, il n'y a qu'à aller au Palais-
Bourbon entre deux heures et six. Là on
pourra se rassasier d'un spectacle vrai-
ment instructif. On verra combien il est
fâcheux pour la Chambre de n'avoir pas
des groupes organisés, vivants, capables
d'indiquer le parti à prendre dans les ques-
tions délicates ou complexes.
EhJ sans doute, c'est une question qu'il
ne taut point dédaigner, celle qui revient
tous les ans à propos des contributions
directes et qui se rattache au problème de
la péréquation de l'impôt foncier. C'est
une question respectable entre toutes,
qu'il convient de traiter avec l'espérance
de la voir aboutir. Mais il ne faut pour-
tant pas lui sacrifier le fonctionnement
même des pouvoirs publics.
Or il est manifeste que, lorsqu'on veut
la trancher à propos de cette loi des con-
tributions directes qui est une sorte de
mesure administrative, n'ayant pour but
que de tracer aux conseils généraux leur
besogne, on fait une chose qui n'est pas
pratique, qui, dans l'heure présente, peut
avoir de graves inconvénients.
Nul ne saurait nier qu'il y ait un haut
Intérêt à clore la session le plus rapide-
ment possible. D'abord, comme nous ve-
nons de le dire, la Chambre est un peu
déséquilibrée. Des intérêts électoraux ont
fait le vide dans ses rangs. La majorité se
trouve désorganisée. Il faut la libérer et
permettre à tout le monde de s'en alier
tranquillement dans les cantons discuter
la seule question qui doive préoccuper
aujourd'hui le parti républicain.
Puis la session, en se prolongeant, per-
met aux défenseurs de la loi sur les blés
d'obtenir le vote définitif qu'ils poursui-
vent si ardemment. Comme les contribu-
tions directes arrêtent seules désormais
le décret de clôture, il y a tout intérêt à
mettre le gouvernement en possession de
la loi qui lui est indispensable, sans la-
quelle les Chambres siégeront indéfini-
ment.
*
* *
On n'a pas paru se douter de cela hier,
et l'on a gaspillé le bénéfice de cette dou-
ble décision en vertu de laquelle on avait
tenu une séance exceptionnelle et placé
les contributions directes avant les cé-
réales.
Tour à tour, M. Duchâlel, M. Bastid, M.
Andrieux, M. Ganivet ont défendu un
amendement qui tend à préparer la péré-
quation de l'impôt foncier par une éga!ité
relative entre les départements et qui fait
acheter cette égalité par un sacrifice assez
lourd, par une perte de onze millions sur
les recettes. Vainement M. Sadi Carnot a
démontré que l'heure n'est pas propice aux
dégrèvements brusques; que, d'ailleurs,
même avec une réduction de onze millons,
on n'aura pas fait l'égalité entre les dépar-
tements.
La Chambre, qui n'avait pas paru écou-
ter un seul mot des débats, qui n'avait pas
paru y apporter la moindre passion, s'est
tout à cuup réveillée devant le scrutin. Les
bulletins blancs sont tombés à flots dans
les urnes, et la réduction de onze millions
s'est trouvée votée par 307 voix contre 247.
Les uns ont voté pour, parce que la
chose était avantageuse à leurs départe-
ments. Les autres, en grand nombre, ont
voté pour également, parce qu'il leur a
paru qu'en retardant le vote des contribu-
tions directes ils empêcheraient les céréa-
les de revenir le lendemain.
Mais ils ont été pris dans leur propre
piège. Le rapporteur, M. Jules Roche, a
déclaré qu'une réduction de 11 millions
bousculait toute la loi et qu'il fallait la
renvoyer à la commission. Les protection-
nistes ont déclaré qu'une loi si malade ne
pouvait plus primer la loi sur les céréales
qui est pleine de vigueur. Et l'on a ren-
voyé les contributions après les céréales.
C'est-à-dire qu'il devient à peu près néces-
saire de pousser la session jusqu'au 20 juil-
let. On ne sait plus, en effet, quel jour la
Chambre pourra voter les contributions et,
quand elle les aura votées, il faudra que le
Luxembourg les renvoie, car tout le monde
sait bien qu'une réduction de 11 millions
sur les ressources de l'Etat est impossible
en ce moment.
Pour compléter cette séance perdue, on
s'est chamaillé pendant trois quarts
d'heure, au milieu d'un tohu-bohu indes-
criptible, sur le règlement de l'ordre du
jour. On ne savait plus ni ce qu'on propo-
saitni où étaient les rapporteurs. La Cham-
bre finissait par rire du spectacle qu'elle
se donnait à elle-même, quand un coup
de pistolet parti des tribunes est veau
changer le cours des idées.
Chacun s'en est allé deviser sur cet évé-
Dement qui se reproduit avec une certaine
régularité. Mais le coup de pistolet d'hier
devait avoir, pour les gens superstitieux,
l'inconvénient de souligner l'espèce de
gâchis auquel on a le tort de se laisser
aller. Il était au moins bizarre qu'une
journée si pleine de désarroi moral finît
par le désarroi matériel que provoque une
explosion imprévue.
Docteur RALPF.
SÉANCE DU SÉNAT
Les conseils généraux
Humilié sans doute d'adopter les yeux
fermés, tantôt pour des raisons d'ordre po-
litique, tantôt pour des raisons d'ordre éco-
nomique, tous les projets que lui envoyait
la Chambre, le Sénat a pris la résolution
vigoureuse de repousser la loi relative au
doublement des conseillers généraux dans
les cantons ayant plus de 20,000 habitants.
M. le ministre de l'intérieur, cependant,
avait très nettement montré qu'il n)pst pas
juste qu'un canton qui a 2 ou 3,000 habi-
tants soit représenté dans l'assemblée dé-
partementale comme un canton qui en a
80 ou 100,000, et il avait établi que le pro-
jet ne portait point atteinte à l'unité de
canton.
Mais M. de Marcère vient au nom de la
Commission s'opposer à la discussion des
articles. M. de Marcère, évidemment, craint
que la loi n'augmente dans les conseils gé-
néraux le nombre des républicains ; il ne
elt rien cependant de cette appréhension
et se borne à affirmer que l'opinion publi-
que est absolument désintéressée dans
l'affaire; il ajoute - admirez l'argument
— qu'on ne connaît pas encore les résul-
tats du dernier recensement et qu'on se-
rait obligé d'établir les proportions nou-
velles sur des chiffres datant de cinq
années déjà 1
M. Sarrièn répond avec beaucoup de
raison que les résultats du recensement
de 1886 seront connus bientôt et que d'au-
tre part on ne peut pas dire qu'une loi vo-
lée par la Chambre à une grande majorité
n'est pas réclamée par l'opinion publique.
M. Bardoux, lui, pense que le projet de
loi n'est que le commencement d'un sys-
tème et qu'on introduira avant peu la pro-
portionnalité dans toutes les élections dé-
partementales; et, très effrayé, il supplie
le Sénat de repousser le projet. Par 153
voix contre 105, le Sénat admet cette thèse
et refuse de passer à la discussion des ar-
ticles.
H. VINCENT.
LA COMMISSION DE PANAMA
Retrait du projet. — Lettre de M. de Lesseps
Nous annoncions avant-hier que le projet
de loi ayant pour objet d'autoriser la Compa-
gnie de Panama à émettre pour six cents mil-
lions d'obligations à lots serait probablement
retiré. Nous ne nous étions pas trompés.
Hier matin, M. Germain Casse, président,
adressait à M. de Lesseps une lettre le priant
de communiquer à la commission divers docu-
ments relatifs au percement du canal de Pa-
nama.
M. Germain Casse ajoutait que la commis-
sion tenait, avant d'aller plus loin, à prendre
connaissance de toutes les pièces qui pou-
vaient l'éclairer, ainsi que du bilan de la So-
ciété au 30 juin 1886 et des traités passés
avec les entrepreneurs.
A cinq heures du soir, la commission de
Panama s'est réunie sous la présidence de
M. Germain Casse pour recevoir communi-
cation de la lettre suivante :
« Monsieur le député,
» En réponse à la lettre que vous avez bien
voulu m'adresser ce matin, j'ai l'honneur de
vous informer que le projet do loi présenté
par M. le président du conseil ne pouvant pas
être discuté avant la fin de la présente ses-
sion, j'ai prié M. de Freycinet de retirer ce
projet.
» Je me réserve de m'adresser directement,
pour l'émission des obligations de Panama,
aux quatre cent mille petits souscripteurs de
mes deux grandes entreprises.
» Veuillez agréer, etc.
» Signé : FERDINAND DE LESSEPS. »
Après la lecture de cette lettre, la commis-
sion, considérant que son mandat avait pris
fin, s'est définitivement dissoute.
CHRONIQUE
La conquête du monde sous-marin
La littérature foisonne d' « Impres-
sions de voyage H. Nous avons des im-
pressions de voyage à pied, à cheval,
à dos de dromadaire et d'éléphant, en
voiture, en chemin de fer, en véloci-
pède, en steamer, en périssoire, en
canot de papier, en torpilleur, en ra-
deau, en ballon, voire même en ballon
captif. Cette riche collection offre ce-
pendant une lacune : il n'existe pas
d'impressions de voyage en scaphandre!
Contrairement aux aéronautes, les
plongeurs, pour la plupart gens illettrés,
gardent généralement pour eux leurs
souvenirs, sans le moindre souci de la
curiosité de leurs contemporains. C'est
à peine si, depuis l'invention du sca-
phandre, dont la première ébauche re-
monte à Léonard de Vinci, on peut en
citer un seul qui ait consenti à raconter
son odyssée au public. C'était un plon-
geur de profession du nom de Des-
champs, qui fut chargé, au mois d'août
1865, de repêcher le vapeur Columbian,
coulé à pic, à la suite d'un incendie, en
vue de l'île d'Ouessant, par soixante-dix
mètres de profondeur. La descente ne
fut pas drôle ; en dépit d'un long entraî-
nement professionnel et d'une constitu-
tion exceptionnellement robuste, Des-
champs fut, à soixante mètres, pris
d'hallucinations, de tremblements con-
vulsifs, et l'on dut le retirer ayant
déjà perdu connaissance. On trouve son
récit tout au long dans un journal spé-
cial et peu répandu, les Annales du
sauvetage maritime (mai 1866); mais il
n'eut pas tout le retentissement que
méritaient son originalité et sa simpli-
cité poignante.
Depuis, je ne vois guère que Jules
Verne qui, avec son inimitable aplomb,
ait osé esquisser la physiologie et la
psychologie du scaphandrier. Malheu-
reusement, ce n'est là que de la haute
fantaisie !
Mais les choses sont en train de pren-
dre une autre tournure. Le génie hu-
main, dont la caractéristique moderne
est la nostalgie de l'inaccessible, a ré-
solument entrepris la conquête du monde
sous-marin. Bientôt, peut-être, les gran-
des opérations maritimes ne s'accompli-
ront plus à la surface, mais dans la paix
sereine des « dessous M océaniens. Déjà,
partout, les bateaux-poissons sont en
chantier, prêts à mettre le cap sur les
mystérieuses régions où la fable lo-
geait Amphitrite et Neptune, les Sirènes
et les Tritons. Le scaphandre entre de
plus en plus dans les mœurs industriel-
les. Ce ne sont plus seulement des ma-
nœuvres ignorants et grossiers, porte-
faix, pêcheurs ou « ravageurs », qui le
revêtent. Ce sont aussi des savants, des
naturalistes et des ingénieurs. Encore
un peu, et il figurera dans l'outillage of-
ficiel des futures sociétés financières des
Galions de Vigo ou des Trésors de Pha-
raon.
Rien d'étonnant donc à ce que M.
Emile Yung, le savant professeur de
l'université de Genève, ait jugé à pro-
pos de lui consacrer une conférence
ex cathedrd. Ce document, assurément
original, car il est l'un des mille symp-
tômes d'une nouvelle ère scientifique,
valait bien l'honneur d'une chronique.
*
* *
Chacun sait aujourd'hui en quoi con-
siste le scaphandre. Il suffit, pour être
édifié, de flâner le long des quais, ou
même, tout bonnement, à la foire de
Neuilly.
Le scaphandre-type se compose essen-
tielle ment d'un vêtement imperméa-
ble, entourant la tête et la poitrine, et
qu'un tube flexible met en communica-
tion avec l'air extérieur. Successivement
perfectionné par plusieurs ingénieurs,
et, notamment, par les Français Cabi-
rol, Denayrouze et Rouquayrol, cet ap-
pareil a fini par devenir extrêmement
pratique.
C'est une cagoule de forte toile en-
duite de caoutchouc ou de gutta-per-
cha, d'une seule pièce des pieds aux
épaules, où elle se termine par une pè-
lerine de cuir. Le haut de cette cagoule
est surmonté par une pèlerine métalli-
que qui se joint par des boulons à celle
de cuir, et sur laquelle se visse un cas-
que de cuivre, muni d'oculaires de cris-
tal, et une tubulure flexible communi-
quant avec une pompe à air. Ajoutons
qne, pour pouvoir s'enfoncer facile-
ment, le plongeur est chaussé de bro-
dequins à semelles de plomb.
Une fois affublé de la sorte, le plon-
geur manque absolument d'élégance
et ne pèse pas moins de deux ou trois
quintaux. La charge qu'il porte sur les
épaules rend ses mouvements pénibles
à l'air et ce n'est pas sans difficulté
qu'il gagne l'échelle de corde par où il
doit descendre dans la mer.
L'appareil est, du reste, singulière-
ment allégé après l'immersion. Il laisse
à l'homme qu'il encage une très grande
liberté de mouvements, à peine entra-
vée seulement par le tuyau à air. On
peut s'accroupir au fond de l'eau, se
coucher, marcher, courir, escalader des
rochers et mettre en œuvre tous les
instruments imaginables, depuis le pic
et le levier jusqu'au grattoir et au mi-
croscope du zoologiste.
Il y a belle lurette qu'on sait tout
cela. Mais ce qu'on sait moins, ce sont
les précautions à prendre, les limites
extrêmes et les dangers de l'emploi du
scaphandre, et les impressions spéciales
qui attendent le scaphandrier au fond
de l'eau.
Les révélations que publie à ce propos
M. Emile Yung sont d'autant plus cu-
rieuses que, non content d'invoquer ses
souvenirs personnels, le savant suisse a
consulté nombre de plongeurs de pro-
fession, dont il paraphrase et commente
les renseignements. Bref, comme il le
dit lui-même, sa conférence est un vé-
ritable cours de l'art de plonger.
*
* *
Le scaphandre, formant sac, manque
de souplesse. C'est tout un travail que
de s'y introduire, et l'aide d'un homme
ou deux est absolument indispensable.
Il faut prendre soin de fermer herméti-
quement toutes les issues, aux poignets
par des bracelets élastiques, autour du
cou en pinçant l'étoffe entre le casque
et le rebord de la collerette métallique.
Il est très important aussi de porter
toujours par-dessous une couverture de
laine qni protègera contre les refroidis-
sements, et sur les épaules un coussinet
pour atténuer les effets du poids.
Le plongeur doit s'abstenir de toute
boisson alcoolique. S'il a soif au départ,
il peut avaler un verre de bon vin
rouge. Le vin blanc et la bière doivent
être proscrits pour des raisons faciles à
comprendre. Il ne faut jamais plonger
pendant la digestion, car ce serait s'ex-
poser à de graves malaises. Nombre de
scaphandriers ont l'habitude dé manger
de l'ail avant la descente. L'ail, en effet,
facilite beaucoup la respiration, mais il
a des inconvénients sur lesquels il est
inutile d'insister.
Ceci me rappelle que le cauchemar de
M. Goubet, l'inventeur du torpilleur
sous-marin dont j'ai longuement parlé
ici-même, - un grand fumeur devant
Neptune ! - c'est de n'avoir pas encore
réussi à trouver le moyen de permettre
de fumer à l'équipage de son bateau-
poisson. Dans les appareils sous-marins,
l'air est, en effet, une denrée précieuse
entre toutes, qu'il faut ménager, en
qualité et en quantité, comme on mé-
nage l'eau dans une traversée du dé-
sert.
Un des grands inconvénients de la
pression sous l'eau est d'exciter la sali-
vation. La quantité de salive sécrétée est
parfois tout à fait gênante : aussi atta-
che-t-on souvent au-devant des lèvres
du plongeur, en dedans du casque, une
petite bavette de toile.
Un autre inconvénient résulte de la
difficulté de voir à travers les lucarnes
du casque lorsque la vapeur d'eau de
l'haleine et de la transpiration se con-
dense sur la glace. Il faut à tout instant
essuyer celle-ci. Les plongeurs aux
mœurs simples se servent simplement
de leur langue ; mais les sybarites — on
en trouve partout! — ont imaginé de
fixer sur leur front une petite éponge
dont ils usent en agitant leur tête à l'in-
térieur du casque, comme un pois dans
un grelot.
La grosse affaire, c'est d'assurer la
régularité de la respiration. Aussi sur-
veille-t-on avec grand soin le jeu de la
pompe et des soupapes. Il faut aussi
être très attentif à bien disséminer l'air
dans le vêtement, dont il tend toujours
à occuper la partie supérieure. On doit
presser le caoutchouc, pousser l'air vers
le bas et graduer la soupape d'écoule-
ment pour chaque profondeur. Autre-
ment, s'il entre plus d'air qu'il n'en sort,
le scaphandre gonfle, le lest devient in-
suffisant et le plongeur remonte à la
surface, les pieds les premiers.
Quant à la communication avec la
surface, elle ne peut se faire qu'à l'aide
de signaux conventionnels transmis par
une corde. De nombreuses expériences
ont été faites, notamment par M. Pe-
tersen, pour appliquer le téléphone au
scaphandre. Si elles n'ont pas réussi
jusqu ici, il ne faut pas désespérer de
l'avenir : on téléphone bien déjà avec
les trains en marche, ce qui, à priori,
ne paraît pas plus commode!
*
* *
Ce n'est pas sans une certaine appré-
hension qu'un homme plonge avec le
scaphandre.* Cette descente dans l'in-
connu s'accompagne nécessairement,
surtout la première fois, d'une vive
émotion. Les impressions vous assail-
lent en si grand nombre qu'il n'est pas
possible de les analyser. On en jouit, on
en souffre, sans trop comprendre ce qui
vous arrive.
Sans être du tout mouillé ailleurs
qu'aux mains, le plongeur éprouve
sensation générale de l'humide, du froid
et de la pression. Cette dernière sensa-
tion est la plus pénible. Pour certaines
personnes, elle est insupportable ; il en
est qui, à moins de 10 mètres de pro-
fondeur, se font retirer, la douleur au
tympan devenant trop violente.
Le nombre des gens qui descendent
jusqu'à 20 mètres est très limité ; encore
n'y demeurent-ils que quelques-minu-
tes, une demi-heure au maximum. On
cite cependant des plongeurs qui sont
allés jusqu'à 30, 40 et 50 mètres, mais
alors le sang leur coulait par les nari-
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