Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1887-03-30
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 30 mars 1887 30 mars 1887
Description : 1887/03/30 (A18,N5557). 1887/03/30 (A18,N5557).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
Dix-huitième année - N* 5557 Prix du numéro: Paris et départements î 15 centimes Mercredi 30 mars 188T
-- - - - - -.. ,
LE XIX* SIECLE
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MM. LAGRANGE, CERF ET ctJ8
S, place de la Bourse,.$1
BULLETIN
L'intérêt de la journée parlementaire
n'est pas dans la séance de la Chambre,
encore moins au Sénat, mais bien à la
commission du budget. On trouvera plus
loin le compte rendu de la discussion dif-
fuse à laquelle a donné lieu le rapport de
M. Yves Guyot sur les crédits supplémen-
taires demandés par M. le ministre des fi-
nances.
Le rapport, qui conclut au refus des
crédits, a été déposé sur le bureau de la
Chambre et sera discuté aujourd'hui
même. Quelle sera l'issue de ce débat ?
Nous voulons croire que la Chambre fera
montre de plus de décision que la com-
mission du budget, dont les tergiversa-
tions et les opinions successives sont l'ob-
jet des commentaires les moins favora-
bles, et qu'en fin de compte les crédits
seront accordés.
Au début de la séance, la Chambre a
procédé au second tour de scrutin pour
félection d'un vice-président. Cette nou-
velle épreuve n'a pas donné de résultat, et
il en a fallu une troisième : par 223 voix
contre 209, M. Spuller a été élu. Voilà un
succès péniblement obtenu.
La Chambre des communes poursuit
assidûment la discussion du bill sur l'Ir-
lande. Au nom du gouvernement, M. Bal-
four a expliqué l'économie du bill et ex-
posé dans quels termes sont conçues les
mesures répressives proposées par le ca-
binet. Les magistrats sont autorisés à
procéder à des instructions et à provoquer
des dépositions, même s'il n'y a pas de
personnes accusées.
Le bill abolit entièrement le système
des jurys pour certaines classes de cri-
mes punissables d'emprisonnement à
temps, et il donne à deux magistrats une
juridiction sommaire, avec le pouvoir de
condamner à six mois de prison avec tra-
vaux forcés dans le cas de conspiration
criminelle, de boycottage, de rixes, d'of-
fenses à la loi Whiteboy, d'attaques con-
tre les fonctionnaires, etc.
Ce n'est pas tout. Les procès criminels
pourront être portés devant une autre ju-
ridiction que celle du lieu où le crime
aura été commis. Cette disposition/qui
est une nouvelle atteinte aux droits
des justiciables, a, dans l'esprit du cabi-
net, pour objet de « parer aux tentatives
d'intimidation ». A cet effet, les attorneys
généraux d'Angleterre et d'Irlande pour-
ront, dans certaines circonstances, après
s'être concertés, évoquer les procès en
Angleterre, s'ils jugent que les tribunaux
d'Irlande ne peuvent en connaître.
Enfin, le bill donne au vice-roi d'Irlande
le droit de poursuivre les individus affiliés
à une association réputée « dangereuse »,
et de déclarer même illégale toute asso-
ciation qu'il croirait avoir été formée en
opposition avec la loi.
Il est inutile dlinsister sur le caractère
draconien de ce nouveau code pénal à l'u-
sage exclusif des Irlandais. Le cabinet Sa-
lisbury inaugure en Irlande un régime de
fer. L'événement prouvera qui, des con-
servateurs ou des libéraux, a le mieux
compris ce que commandait la situation
particulière de l'Irlande.
M. Gladstone, qui a répondu au dis-
cours de M. Balfour, a rappelé qu'aujour-
d'hui, comme il y a six mois, l'Angleterre
a à choisir entre deux voies à suivre : l'une
est orientée vers le self government,
l'autre conduit aux mesures de coercition.
D'un côté, la liberté, de l'autre, l'arbitraire
et la violence. Il ne saurait y avoir d'hési-
tation. L'opposition reste fidèle à ses doc-
trines ; elle ne désertera pas la cause des
Irlandais ; ce faisant, elle ne sert pas seu-
lement les droits de l'Irlande, mais encore
les intérêts de l'empire.
Peut-être les conservateurs, qui pous-
sent le cabinet Salisbury aux mesures vio-
lentes, ne tarderont-ils pas à s'apercevoir
qu'ils ont fait fausse route. Malheureuse-
ment, ce sont les Irlandais qui paieront
les frais de cette expérience, au prix de
leur liberté et de leur sang.
Louis HRNRIQUB,
INFORMATIONS P ARTICULIBRES
Conseil des ministres
Les ministres ont tenu conseil hier matin,
à l'Elysée, sous la présidence de M. Jules
Grévy.
Le conseil s'est d'abord occupé de la ques-
tion des crédits supplémentaires pour l'ad-
ministration centrale du ministère des finan-
ces.
M. Dauphin a rendu compte de son entre-
vue avec la commission du budget.
Il a exposé au conseil la manière dont la
question se posait.
Le ministre des finances défendra son pro-
jet, et le président du conseil interviendra
dans la discussion pour l'appuyer et posera,
s'il est nécessaire, la question de cabinet.
Le conseil s'est occupé ensuite de la ques-
tion des paris aux courses.
Le ministre de la justice a déclaré qu'après
examen, il ne s'opposait pas à l'établissement
du système des paris mutuels. Il consent à ce
que le ministre de l'intérieur accorde aux so-
ciétés qui en feront la demande — et dont
l'honorabilité sera constatée - l'autorisation
d'organiser des paris mutuels, à la condition
de consacrer — déduction faite des frais —
les bénéfices en partie à des encouragements
à l'élevage et en partie à l'assistance publi-
que.
Le conseil a donné son approbation à ce
système, qui va pouvoir, par conséquent, être
pratiqué dès que les sociétés intéressées le
voudront.
Enfin, le ministre de l'instruction publique
a fait signer un décret portant réorganisation
du personnel des palais nationaux et qui con-
sacre d'importantes réductions.
Mouvement judiciaire
Un mouvement judiciaire a été signé au
conseil des ministres.
On sait qu'il y avait trois sièges de con-
seiller à la cour de Paris vacants par suite du
décès de M. Cartier, de la démission de M.
Rouillon, pour raison de santé, et de la mise
à la retraite de M. Isambert.
Sont nommés conseillers à la cour de Paris:
M. Ruben de Couder, vice-président du tri-
bunal de la Seine ; M. Benoît, juge d'instruc-
tion au tribunal de la Seine ; M. Potier, subs-
titut du procureur général près la cour de
Paris.
t
En outre sont nommés f
Substitut du procureur de la République
près la cour de Paris, M. Ditte, substitut du
procureur de la République à Paris.
Vice-président du tribunal de la Seine, M.
Tardif, substitut du procureur de la Répu-
blique à Paris.
Juge au tribunal de la Seine, M. Blanc Du-
mesnil, président du tribunal de Troyes.
Substituts du procureur de la République
à Paris : MM. Fournier, procureur de la Ré-
publique à Troyes, et Pélagaud, substitut à
Lyon.
M. Pillias, président du tribunal de Bar-sur-
Seine, est nommé président du tribunal de
Troyes.
M. Bréjaud, procureur de la République a
Coulommiers, est nommé procureur de la Ré-
publique à Troyes.
M. Rosenfeld, procureur de la République à
Pontoise, est nommé procureur de la Répu-
blique à Coulommiers.
M. Fournel, substitut à Dreux, est nommé
procureur à Pontoise.
M. Huguet, attaché à la chancellerie, est
nomme substitut à Dreux.
A l' (( Officiel »
Le Journal officiel publie ce matin le dé -
cret, rendu sur la proposition du ministre des
affaires étrangères, aux termes duquel M.
Febvre (Frédéric), vice-président de la So-
ciété française de bienfaisance à Londres, a
été nommé chevalier de l'ordre national de
la Légion d'honneur, pour services excep-
tionnels rendus depuis plusieurs années à
l'hôpital français et à la Société française de
bienfaisance à Londres.
Le Journal officiel promulgue en même
temps la loi portant modification au tarif gé-
néral des douanes en ce qui concerne les cé-
réales.
Convocations d'électeurs
Les électeurs des cantons d'Orléans-sud
(Loiret), d'Artenay (Loiret), de Souillac (Lot),
de Calais-sud-est, de Calais-nord-ouest (Pas-
de-Calais, sont convoqués pour le dimanche
17 avril prochain, à l'effet d'élire leur repré-
sentant au conseil général.
Par décrets du président de la République,
rendus sur la proposition du ministre de l'in-
térieur et des cultes, ont été convoqués pour
le dimanche 17 avril prochain :
Les électeurs des cantons de Sainte-Me-
nehould (Marne), de Mens (Isère), d'Arbois
(Jura), de Vannesses (Morbihan) et de Gimont
(Gers), à l'effet de nommer leurs représen-
tants au conseil d'arrondissement.
L'Exposition de 1889
Les comités d'admission de l'Exposition de
1889 ont commencé à se réunir dans les sal-
les préparées pour eux au Champ de Mars
(pavillon Rapp), pour la formation de leurs
bureaux.
Les convocations continuent à être envoyées
par la direction générale de l'exploitation.
Sont convoqués :
Jeudi 31, les comités des classes 26 à 35.
Vendredi 1er avril, les comités des classes
36 à 45.
Samedi 2 avril, les comités des classes 46,
47, 48, 49, 51, 52, 53, 54, 55, 61.
Les demandes d'admission continuent d'ar-
river en grand nombre.
Les Facultés de Douai
La municipalité de Douai se pourvoit devant
le conseil d'Etat, à fin d'annulation de toute la
procédure administrative, qui aurait été,
d'après le conseil municipal, irrégulièrement
suivie jusqu'ici, et notamment de la conven-
tion signée à Lille et concernant les Facultés
de droit et des lettres actuellement existantes
à Douai.
D'après ce mémoire, il y aurait eu une
omission essentielle consistant dans l'absence
de demande de l'avis préalable soit de la Fa-
culté de droit, soit de la Faculté des lettres,
reconnues cependant comme jouissant de la
personnalité civile.
M-b
LE VOTE NÉCESSAIRE
Depuis un an qu'elle existe, la com-
mission du budget ne nous a guère ha-
bitués à compter sur la persévérance
de ses idées. Nous l'avons vue tout d'a-
bord, quand il s'est agi de l'emprunt,
émettre des votes contradictoires, se dé-
juger d'une séance à l'autre et annuler
par un scrutin ce que le scrutin précé-
dent avait décidé; nous l'avons vue, dans
la préparation du budget, consacrer six
mois à élaborer un projet appuyé sur
l'emprunt et sur l'impôt, puis, en une
heure, démolir tout son travail et char-
ger son président de déclarer à la
Chambre qu'elle « croyait avoir en-
trevu » le moyen d'équilibrer le budget
sans emprunt ni impôt; nous l'avons
vue, avant-hier, adopter des économies
partielles sur le budget des finances et
repousser l'ensemble de ces mêmes éco-
nomies, pour repousser ensuite les cré-
dits supplémentaires.
Les séances que la commission a te-
nues hier ne sont pas indignes de ces
précédents. La commission a com-
mencé par rejeter le rapport qui con-
cluait, ainsi qu'elle avait fini par le dé-
cider la veille, au rejet pur et simple
des crédits. Les propositions les plus
variées, allant de l'adoption pure et sim-
ple des crédits au refus total, ont été
successivement produites et écartées.
Les rapporteurs désignés ont successi-
vement décliné la mission qui leur était
offerte. M. Casimir-Perier lui-même, qui
avait mis dans la discussion une grande
acrimonie et qui avait voulu faire écarter
la demande du gouvernement par la
question préalable, et qui, par consé-
quent, semblait tout désigné pour sou-
tenir devant la Chambre le refus des
crédits, n'a pas cru devoir assumer cette
responsabilité. Enfin, après une série
de votes contradictoires et de discus-
sions dont on verra plus loin le résumé,
la commission a fini par adopter le rap-
port de M. Yves Guyot, contre lequel
elle s'était prononcée à plusieurs repri-
ses, et c'est ce rapport qu'en dernière
analyse la Chambre a entendu hier et
qu'elle va discuter aujourd'hui.
Ce n'est pas pour le facile plaisir de
railler la commission que nous relevons
la série de ces votes quelque peu inco-
hérents. Une commission n'est pas la
Chambre, elle n'est pas tenue de n'avoir
ni hésitations ni retours, mais la commis-
sion du budget dépasse les bornes or-
dinaires des hésitations, et les phases
diverses par lesquelles son opinion a
passé dans la seule journée d'hier sont
faites pour enlever à sa décision der-
nière toute autorité sur la Chambre.
Celle-ci ne peut voir dans le rapport qui
lui est soumis l'expression d'une volonté
réfléchie et d'une résolution mûrement
arrêtée. Elle peut d'autant moins le con-
sidérer comme tel, que la commission
était loin d'être au complet et qu'il re-
flète, en définitive, l'opinion d'une mi-
norité.
--- Ce rapport ne conteste même pas la
nécessité des crédits demandés. Le
principal motif qu'il allègue pour le re-
jet, c'est l'irrégularité du procédé,
comme si cette irrégularité était le fait
du gouvernement et non pas de la
Chambre, qui a commencé par ne pas
voter le budget en temps utile, puis qui
en a prolongé la discussion de telle
façon que l'on est arrivé au jour où ex-
piraient les deux douzièmes provisoires
précédemment votés, et que, s'il avait
fallu engager à ce moment une nouvelle
discussion, il aurait été nécessaire de
présenter en même temps une nouvelle
demande de crédits provisoires.
Valait-il la peine de tout laisser en
suspens à cause d'une contestation de
détail? Le gouvernement ne l'a pas
pensé, et nous persistons à croire qu'il
a eu raison de ne pas le penser. Il a eu
confiance dans l'équité de la Chambre ;
il a eu la conviction que, quand il lui au-
rait démontré la nécessité des crédits
pour assurer le fonctionnement de ser-
vices dont le rôle et l'importance
avaient été inexactement dépeints, la
Chambre reviendrait sur un vote qui
peut être considéré comme un vote de
surprise. A-t-il eu tort d'avoir cette
confiance dans l'équité de la Chambre ?
Nous nous refusons à le croire.
Nous entendions hier un des membres
de l'Extrême-Gauche opposer l'attitude
que- le gouvernement a prise dans la
question des céréales à celle qu'il
prend dans l'affaire des crédits, et nous
ne serions pas surpris que ce fût le su-
jet d'un article de la Justice. Com-
ment ! s'écriait ce député, le gouverne-
ment ne prend pas position quand il
s'agit d'augmenter le prix du pain pour
36 millions de Français, et il suffit que
les garçons de bureau des finances et
les commis soient menacés pour qu'il
intervienne, non seulement pour sou-
tenir leurs réclamations, mais pour de-
mander la discussion immédiate !
Le rapprochement peut paraître très
piquant, mais il n'a aucune portée. S'il
en avait une, il irait directement con-
tre la thèse que ce député prétendait
défendre. Il serait, en effet, facile de
lui répondre que ce n'est pas le mo-
ment, quand le prix du pain augmente,
de ne plus payer les employés de l'Etat.
Mais c'est vraiment abuser de cette
affaire des céréales. Les raisons de
l'abstention du gouvernement dans cette
discussion ont été trop souvent expli-
quées dans la presse, elles ont été ex-
posées avec trop d'évidence par M.
Goblet à la tribune, pour qu'il soit né-
cessaire de les donner encore. Si cette
abstention paraissait injustifiée, la Cham-
bre devait renverser le ministère à ce
moment. Cela aurait eu une signification,
Le poursuivre éternellement de repro-
ches à ce sujet, vouloir lui faire payer, à
propos des crédits supplémentaires, la
prétendue faute dont on l'accuse sur la
question des céréales, ceci ne se com-
prendrait plus du tout, et, dans le pays,
les libre-échangistes les plus déterminés
ne parviendraient pas à saisir la corré-
lation que l'on veut établir entre ces
deux faits.
Il ne faut voir que la question dont la
Chambre est saisie aujourd'hui. Cette
question est fort simple, et l'on peut la
poser ainsi : Convient-il d'assurer le
fonctionnement de services publics dont
la nécessité ne peut être contestée, ou
faut-il les désorganiser et provoquer du
même coup une crise ministérielle à la-
quelle le pays ne verra aucune raison
plausible ? Nous ne pouvons pas suppo-
ser un seul instant que le parti républi-
cain hésite à repousser le second terme
de cette proposition. Nous avons la cer-
titude que, malgré les hésitations qui se
sont produites hier dans la commission,
malgré la résolution fâcheuse à laquelle
celle-ci a fini par s'arrêter, il ne se
trouvera pas aujourd'hui un seul répu-
blicain pour contribuer par son vote à
cette désorganisation administrative et
gouvernementale. A peine voulons-nous
croire que la Droite elle-même courra
les chances de cette aventure, car
elle ne peut se dissimuler que ceux qui
prendraient l'initiative d'une crise dans de
telles conditions encourraient une grave
responsabilité et montreraient avec la
dernière évidence qu'ils n'ont d'autre
but que de désorganiser. Si cependant
là Droite veut tenter l'aventure, au moins
devons-nous la laisser la tenter seule.
Le parti républicain tout entier doit se
refuser à toute coalition, combinée ou
fortuite, dans une entreprise qui porte-
rait une grave atteinte aux intérêts de
la République, et il a le devoir de sou-
tenir sans hésitation le cabinet. Nous
avons la confiance que cette nécessité
sera comprise.
Il résulte de l'analyse des fragments de
l't obus chargé de mélinite qui a fait explo-
sion voici quelques jours à Belfort, que
l'on y a constaté des traces de sels prove-
nant de la réaction de cet explosif sur la
fonte en présence de l'eau. Afin d'acquérir
une nouvelle certitude de cette cause
d'explosion, on vient de faire briser, à Bel-
• •• -> vj t
fort, une partie des projectiles chargés
dans l'arsenal de cette ville, et la manière
dont s'est effectuée cette opération prouve
que la manipulation de ces projectiles ne
présente aucun danger spécial à la méli-
nite. On est donc en droit de conclure,
pour le moment, de l'accident comme de
l'expérience, que l'explosion qui a fait tant
de victimes provient de ce que les pres-
criptions formelles relatives au desséchage
des obus avant le chargement n'ont pas été
observées.
La conclusion est importante à retenir,
car le choix d'un explosif ne se justifie pas
seulement par sa force, mais encore par
la possibilité de le fabriquer, de le charger,
de le conserver et de l'employer sans dan-
ger pour ceux qui s'en servent.
- Dans ce cas particulier, de fort nom-
breux essais ont été faits depuis l'époque
assez éloignée déjà où le nouvel explosif
est à l'étude. Plusieurs centaines de pro-
jectiles en fonte, chargés à la mélinite de-
puis le début des expériences, se trouvent
en magasin et leur examen ne révèle rien
d'anormal. Les épreuves à outrance, aux-
quelles ces obus ont été soumis, permet-
tent d'affirmer que la mélinite est non-
seulement un explosif d'une puissance
énorme, mais encore une matière d'une
rare stabilité. Il est évident, d'ailleurs, que
les accidents provenant de l'imprudence
dans la manipulation de cet explosif sont
d'autant plus redoutables que sa force est
plus considérable. Cependant, sa stabilité
même permet de le manier sans danger,
dès l'instant que l'on se conforme aux
prescriptions qu'ont indiquées les expé-
rieices nombreuses et minutieuses dont
il a été l'objet.
Si nous tenons à bien préciser ce der-
nier point, c'est que certaines personnes
ont attribué l'accident de Belfort à des
réactions chimiques provenant, non pas
de l'imprudence des artificiers, mais de
l'insuffisance des études préliminaires sur
la mélinite. Est-ca que la poudre et d'au-
tres explosifs ne sont point connus depuis
longtemps? N'arrive-t-il pas cependant
des accidents fréquents, dus uniquement
à l'insouciance des manipulateurs ?
QUESTIONS DU JOUR
La commission de la contribution
mobilière
Il arrive quelquefois que la Chambre,
après la discussion générale d'un projet
de loi, refuse de passer à la discussion
des articles. C'est ce que nous avons
vu tout dernièrement pour la proposi-
tion de loi sur le riz et sur le maïs. La
Chambre, ayant sous les yeux un rap-
port bien fait et s'étant largement
éclairée par une discussion générale
complète, n'a pas jugé nécessaire de
pousser le débat plus loin et de discu-
ter les articles quand elle désapprou-
vait le principe même. Il n'y avait plus,
en effet, de raison de délibérer. Mais
en est-il de même pour une commission
élue pour l'examen d'un projet de loi,
et lui appartient-il de refuser de « pas-
ser à la discussion des articles » et
d'opposer au projet une sorte de ques-
tion préalable ?
C'est ce qui vient de se passer dans
la séance qu'a tenue hier la commission
chargée d'examiner le projet de loi de
M. Dauphin sur la contribution mobi-
lière. Elle a simplement décidé de re-
pousser le principe de la transformation
de la contribution mobilière en impôt
dequotité; en outre, elle a donné man-
dat au rapporteur, M. Jules Roche, de
déclarer qu'elle ne se reconnaissait pas
le droit de substituer un autre système
à celui de M. Dauphin, et qu'il ne lui
incombait pas non plus de chercher une
autre source de recettes pour remplacer
les 30 millions supplémentaires qui de-
vaient entrer dans les recettes du bud-
get par ce procédé. Autant ne s'être pas
fait élire, si c'était pour borner ses con-
clusions à une déclaration d'incompé-
tence.
Toutes les commissions parlementai-
res ont, jusqu'à présent, autrement
compris leur mandat. Elles ne reculent
point devant l'étude approfondie d'un
projet de loi; elles travaillent, elles dis-
cutent , elles remanient et ne se font
pas faute d'introduire des amendements
et quelquefois même de rapporter à la
Chambre le projet retourné de fond en
comble. Qu'elles l'aient amélioré ou dé-
térioré, cela les regarde et ce sera à la
Chambre d'en juger en séance publi-
que. Mais elles y viennent avec ce
qu'elles y doivent apporter : un exa-
men raisonné du projet dans tous ses
articles. Jamais un rapporteur n'est
venu dire : La commission ayant écarté
le principe; l'examen du projet ne la re-
garde plus; elle s'en lave les mains. Il
n'y a que les commissions de pétitions
qui soient autorisées à conclure ainsi :
« La Chambre ne pouvant se faire juge
des réclamations de M. X., la onzième
commission passe à l'ordre du jour. »
La commission de la contribution mo-
biliaire estime qu'elle ne se reconnait
pas le droit de substituer un autre sys-
tème à celui du ministre des finances.
Et pourquoi donc ? C'est le droit de tout
commissaire :
C'est le droit qu'à la porte il acquiert en entrant,
et nous voyons assez que les commis-
sions ne se privent point de « substituer
d'autres systèmes » toutes les fois que
cela leur plaît. Où avait-on jamais en-
tendu dire : Ce projet n'est pas conforme
à nos principes, aussi ne nous en occupe-
rons-nous point. — Mais la question est
urgente. — Il est vrai. — Alors, pro-
posez donc votre solution — La re-
cherche de la solution n'est pas une
mission qui nous incombe. Quant aux
30 millions destinés à entrer dans les
recettes du budget, cela nous regarde
encore moins.
La moralité de cet incident, c'est que
la Chambre s'est trompée de route en
nommant une commission spéciale pour
l'étude d'un projet de loi qui aurait dû
aller tout droit à la commission du
budget. C'était la marche régulière. Il
est donc fâcheux que la Chambre se
soit laissée entraîner à nommer une
commission spéciale. C'était pour arri-
ver plus vite. Or, il est visible, aujour-
d'hui, qu'on n'en arrivera que plus len-
tement.
EUG. LIÉBERT.
LA VIE DE PARIS
Le ventre de Paris fait parler de lui,
non seulement au théâtre et dans les
discussions qu'a suscitées la pièce de
M. E. Zola, mais en réalité aux Halles.
Hier, dans la bagarre qu'on sait, Mlle
Louise Michel s'y est aventurée, pen-
sant peut-être qu'on allait dételer sa
voiture et lui faire une ovation, et
elle a failli y rester, sous les trognons
de choux succédant aux quolibets des
dames de la Halle et des travailleurs
à la main rude qui sont là, gagnant leur
vie en assurant la nôtre. Car ce ne sont
pas des muscadins qui parlaient de
fouetter la nouvelle Théroigne, pour qui
on garde je ne sais quelle indulgence
que la vraie Théroigne méritait bien da-
vantage. Très sérieusement houspil-
lée, menacée d'être tirée du fiacre avec
lequel elle va manifester en voiture,
comme nous avons vu Garibaldi blessé
aller au feu, Mlle Louise Michel a dû
demander aide et protection. aux ser-
gents de ville. Le plus gracieusement
du monde, ceux-ci, gens sans rancune,
ont défendu Mlle Louise Michel contre
la foule, qui risquait de passer des quo-
libets aux horions et des paroles à la
« propagande par le fait », et M. Bro-
cheton, l'inspecteur, a envoyé quérir
une voiture pour y emballer la vierge
anarchiste, en lui disant : au revoir. Il
a dû rire, l'homme de la police ; et quelle
philosophie on doit acquérir dans ce
métier!.
En général, il faut regretter tout dé-
sordre. Mais l'aventure d'hier me paraît
cependant excellente, et je m'en réjouis.
C'est la seconde ou la troisième fois que
Louise Michel s'embarque mal, et, partie
pour aller tout casser chez les autres,
ne doit qu'à l'intervention bénévole de
« la rousse », comme disent ses amis,
de conserver intacts ses propres os. Je ne
lui souhaite, aucun mal, étant d'un pays
où l'on garde un respect superstitieux et
touchant pour les « frappés de Dieu ».
Mais la leçon devrait bien profiter aux
anarchistes, qui, malgré leur audace ac-
crue par l'impunité, finiront par avoir
des mots désagréables pour eux avee le
peuple travailleur de Paris, s'ils persis-
tent à se mêler de ses affaires pour les
gâter et les compromettre.
S'il y a des gens qui soient peu popu-
laires à Paris, ce sont bien ceux qui
tiennent les bureaux de placement. A
tort ou à raison, on les accuse d'exploi-
ter leurs clients, de ne songer qu'à per-
cevoir les courtages assez forts, qu'ils
prennent d'avance, et d'envoyer les em-
ployés qui ont recours à eux dans des
maisons peu sûres, où ils ne peuvent
rester. Pour le peuple, les intermédiaires
font tous des métiers de paresseux. Le
meeting des « ouvriers de l'alimenta-
tion », qui avait lieu à Belleville, avait
donc, d'une façon générale, les sympa
thies de la foule. Ces « ouvriers de l'ali-
mentation », c'est-à-dire, dans une lan-
gue plus simple, les garçons de café et
de restaurant, s'étaient réunis pour avi-
ser aux moyens d'éviter de passer sous
les fourches caudines des bureaux de
placement, en se syndiquant et en usant
des moyens matériels qui sont à leur
disposition pour faciliter un embau-
chage sans frais et offrant quelques ga-
ranties, la création de la Bourse du
travail, due au conseil municipal. Le but
de la réunion était donc sérieux, pra-
tique, approuvé de tous.
La solution par la liberté et par l'as-
sociation n'est-elle pas, en effet, préfé-
rable à toutes les autres, même pour
ceux qui pensent qu'on en peut essayer
d'autres, ce que je ne crois pas, pour
ma part? Or, qu'est-il arrivé? Sitôt que
des travailleurs se réunissent pour par-
ler de leurs affaires, les anarchistes,
pour qui la semaine n'a que des diman-
ches puisqu'ils sont à tous les meetings
des corps d'état les plus divers, inter-
viennent et font perdre à la réunion
tout à la fois son caractère sérieux et
son caractère légal. C'est ce qu'on a vu
pour le meeting des ouvriers de l'ali-
mentation. A peine a-t-on posé la ques-
tion des moyens de lutter contre les
bureaux de placement, les anarchistes
ont proposé de la résoudre en allant
tout casser dans les agences et en je-
tant les placeurs par les fenêtres de
leurs maisons. Pour un rien, ce beau
projet eût été exécuté. Une bande a
même dévasté, aux Halles, un bureau
de placement. Mais, en dernier compte,
avec quelques vitres brisées, il n'est
resté sur le carreau que l'auréole de
Mlle Michel, qu'on ne verra plus, main-
tenant, dans les revendications révolu-
tionnaires, qu'avec son escorte de ser-
gents de ville.
Je me rappelle comme si j'y étais
encore la nuit fameuse où le pre-
mier convoi d'amnistiés rentra en
France, par le chemin de fer du Havre.
La gare était, quoiqu'il fît froid et que
le train dût arriver en pleine nuit, pleine
de monde. Il y avait vraiment une cer-
taine émotion dans cette foule ; et moi,
qui étais là en spectateur fort désinté-
ressé, j'avais la naïveté de ressentir je
ne sais quelle émotion à la pensée de
ces proscrits de la guerre civile qui ren-
traient parmi nous et dont nous avions
effacé la faute de nos mémoires. Parmi
ceux qui attendaient les arrivants, je me
souviens d'avoir vu M. Clémenceau, ner-
veux, un peu agité, ayant sans doute,
lui aussi, quelque émotion secrète et
profonde qu'il voulait dissimuler. Quand
le train entra sous les voûtes, ce fut
une longue acclamation ; et la « grande
citoyenne », comme on disait alors de
celle que le Cri du Peuple appelle
« vieille folle » aujourd'hui, tomba dans
les bras de M. Clémenceau, qui la tint
longuement embrassée. Que reste-t-il de
ce baiser ?
L'accord, ou, du moins, le modus vi-
vendi entre les groupes révolutionnai-
res et les groupes politiques les plus
avancés n'existe même pas. Si ceux-ci
n'ont pas assez le courage de rompre
avec ceux-là, les premiers n'ont pas
perdu une occasion de désavouer et de
maudire les seconds. Au meeting même
de Belleville, les députés de Paris sont
traités de « prétendus républicains ».
Mais on pouvait penser que, dans les
couches populaires, là où l'intérêt l'em-
porte souvent sur la raison, les révolu-
tionnaires pouvaient être sinon suivis,
du moins excusés, en considération des
intentions généreuses qu'on leur prête
parfois. Mais voilà justement que, dans
des milieux populaires, à plusieurs re-
prises et particulièrement hier, le peu-
ple qui travaille montre combien il com-
prend à son tour qu'il n'y a rien à faire
avec le personnel révolutionnaire et
avec les moyens qu'il emploie et préco-
nise, et fait avorter une manifestation
en une farce joyeuse, dont les Halles li-
ront longtemps. IIFNRY FOUQUIF.1t.
HENRY FOUQUIElt.
LE PARLEMENT
SÉANCE DE LA CHAMBRE
Election d'un vice-président
De deux heures à quatre heures et quart,
on scrutine pour l'élection d'un vice-président
à la Chambre. Pendant ce temps, la séance
est suspendue. Voici les résultats du premter
tour : :»
Nombre de votants. , , , 430
Bulletins blancs ou nuls. 7
Suffrages exprimés 423
- Majorité absolue 212
Ont obtenu :
M. Spuller. 210 voix
M. Andrieux. 206
Aucun des candidats n'ayant obtenu la ma-
jorité absolue, il y a lieu de procéder k gn
troisième tour de scrutin, pour lequel la ma-
jorité relative suffit. -' ",
Voici les résultats de ce troisième tour :
Nombre de votants. 440
Bulletins blancs ou nuls. 7
Suffrages exprimes. 433
Majorité absolue. 217
Ont obtenu :
M. Spuller. 223 voix
M. Andrieux 209
M. Spuller est enfin élu. Son élection est
accueillie avec satisfaction par la majorité
républicaine et dans les couloirs de. la
Chambre.
*
+ +
Une question au ministre des finances
M. Joachim Murat adresse ensuite une
question au ministre des finances au sujet
des permis de culture délivrés dans le Lvt.
L'honorable député se plaint que la commis-
sion chargée de répartir entre les divers Ar-
rondissements du Lot le nombre des hectares
affectés à la culture du tabac ait commis.de
« nombreuses injustices ».
Cette question, touchant des intérêts lo-
caux, passionne très peu la Chambre. Des
conversations particulières s'engagent, dont
le sujet roule sur la commission du budget.
M. Dauphin, ministre des finances, répond
qu'il examinera et réparera les injusUoBS»
s'il y a lieu. Ce dont on peut être sûr, c-'est
que les considérations politiques ne sont e-
trées pour rien dans les décisions de la com-
mission.
*
En attendant le rapport de M. Yves Guyot
sur les crédits supplémentaires, la Chambre
adopte deux projets de loi : l'un, relatif à un
projet concernant l'exécution de travaux au
port de Mostaganem (Algérie) ; l'autre, ayant
pour but d'ouvrir au ministre du commerce
et de l'industrie, sur l'exercice 1886, un -
dit supplémentaire de 1,600,000 francs, pour
les encouragements aux pêches maritimes. f
On s'occupe également d'une convention
passée avec une compagnie maritime pour
l'exploitation des services postaux de la Mé-
diterranée, de l'Indo-Chine, du Brésil, data
Plata, de l'Australie, de la Nouvelle-Calédonie
et de la côte orientale d'Afrique. J'
M.Félix Faure attaque cette convention;
mais voici M. Yves Gayot, qui entre dans la
salle des séances, son rapport sur les crédits
supplémentaires à la main. M. Félix Famfe
arrête ses observations, et M. Yves Guyot le
remplace à la tribune.
Les orédits supplémentaires
M. Yves Guyot dépose son rapport. (Lisez
lisez ! )
M. Yves Guyot, rapporteur. - Messieurs, M.
le ministre des finances a déposé, le 10 mars, un
projet de loi portant ouverture d'un crédit sup-
plémentaire s'élevant à la somme de 670,800 fr.
sur le chapitre 45 du budget du ministère des
finances.
Ce chapitre comprend le traitement du person-
nel et le personnel de l'administration.
Le crédit porté à ce chapitre par la loi de fi-
nances, et par la loi du 1er janvier 1886, était, en
en 1886, de. 3.962.9Q0
Après le premier rapport de la com-
mission du budget qui l'avait fixé à
3,618,500 fr., l'accord était intervenu
entre cette commission et l'honorable
M. Sadi Carnot sur le chiffre de 8.765.900
ce qui constituait une économie de. 197.009
par comparaison avec 1886.
Un amendement de M. Fernand Faure proposa
de réduire le crédit à 3,000,000 fr. M. Sadi Carnot
combattit cette réduction de 765,900fr., en décla-
rant qu'il considérait ce crédit comme Indispen-
sable au bon fonctionnement du service. Il ne
parvint pas à convaincre la Chambre, et la réduc-
tion fut votée.
Quelque temps après, M. Sadi Carnot donna
-- - - - - -.. ,
LE XIX* SIECLE
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S, place de la Bourse,.$1
BULLETIN
L'intérêt de la journée parlementaire
n'est pas dans la séance de la Chambre,
encore moins au Sénat, mais bien à la
commission du budget. On trouvera plus
loin le compte rendu de la discussion dif-
fuse à laquelle a donné lieu le rapport de
M. Yves Guyot sur les crédits supplémen-
taires demandés par M. le ministre des fi-
nances.
Le rapport, qui conclut au refus des
crédits, a été déposé sur le bureau de la
Chambre et sera discuté aujourd'hui
même. Quelle sera l'issue de ce débat ?
Nous voulons croire que la Chambre fera
montre de plus de décision que la com-
mission du budget, dont les tergiversa-
tions et les opinions successives sont l'ob-
jet des commentaires les moins favora-
bles, et qu'en fin de compte les crédits
seront accordés.
Au début de la séance, la Chambre a
procédé au second tour de scrutin pour
félection d'un vice-président. Cette nou-
velle épreuve n'a pas donné de résultat, et
il en a fallu une troisième : par 223 voix
contre 209, M. Spuller a été élu. Voilà un
succès péniblement obtenu.
La Chambre des communes poursuit
assidûment la discussion du bill sur l'Ir-
lande. Au nom du gouvernement, M. Bal-
four a expliqué l'économie du bill et ex-
posé dans quels termes sont conçues les
mesures répressives proposées par le ca-
binet. Les magistrats sont autorisés à
procéder à des instructions et à provoquer
des dépositions, même s'il n'y a pas de
personnes accusées.
Le bill abolit entièrement le système
des jurys pour certaines classes de cri-
mes punissables d'emprisonnement à
temps, et il donne à deux magistrats une
juridiction sommaire, avec le pouvoir de
condamner à six mois de prison avec tra-
vaux forcés dans le cas de conspiration
criminelle, de boycottage, de rixes, d'of-
fenses à la loi Whiteboy, d'attaques con-
tre les fonctionnaires, etc.
Ce n'est pas tout. Les procès criminels
pourront être portés devant une autre ju-
ridiction que celle du lieu où le crime
aura été commis. Cette disposition/qui
est une nouvelle atteinte aux droits
des justiciables, a, dans l'esprit du cabi-
net, pour objet de « parer aux tentatives
d'intimidation ». A cet effet, les attorneys
généraux d'Angleterre et d'Irlande pour-
ront, dans certaines circonstances, après
s'être concertés, évoquer les procès en
Angleterre, s'ils jugent que les tribunaux
d'Irlande ne peuvent en connaître.
Enfin, le bill donne au vice-roi d'Irlande
le droit de poursuivre les individus affiliés
à une association réputée « dangereuse »,
et de déclarer même illégale toute asso-
ciation qu'il croirait avoir été formée en
opposition avec la loi.
Il est inutile dlinsister sur le caractère
draconien de ce nouveau code pénal à l'u-
sage exclusif des Irlandais. Le cabinet Sa-
lisbury inaugure en Irlande un régime de
fer. L'événement prouvera qui, des con-
servateurs ou des libéraux, a le mieux
compris ce que commandait la situation
particulière de l'Irlande.
M. Gladstone, qui a répondu au dis-
cours de M. Balfour, a rappelé qu'aujour-
d'hui, comme il y a six mois, l'Angleterre
a à choisir entre deux voies à suivre : l'une
est orientée vers le self government,
l'autre conduit aux mesures de coercition.
D'un côté, la liberté, de l'autre, l'arbitraire
et la violence. Il ne saurait y avoir d'hési-
tation. L'opposition reste fidèle à ses doc-
trines ; elle ne désertera pas la cause des
Irlandais ; ce faisant, elle ne sert pas seu-
lement les droits de l'Irlande, mais encore
les intérêts de l'empire.
Peut-être les conservateurs, qui pous-
sent le cabinet Salisbury aux mesures vio-
lentes, ne tarderont-ils pas à s'apercevoir
qu'ils ont fait fausse route. Malheureuse-
ment, ce sont les Irlandais qui paieront
les frais de cette expérience, au prix de
leur liberté et de leur sang.
Louis HRNRIQUB,
INFORMATIONS P ARTICULIBRES
Conseil des ministres
Les ministres ont tenu conseil hier matin,
à l'Elysée, sous la présidence de M. Jules
Grévy.
Le conseil s'est d'abord occupé de la ques-
tion des crédits supplémentaires pour l'ad-
ministration centrale du ministère des finan-
ces.
M. Dauphin a rendu compte de son entre-
vue avec la commission du budget.
Il a exposé au conseil la manière dont la
question se posait.
Le ministre des finances défendra son pro-
jet, et le président du conseil interviendra
dans la discussion pour l'appuyer et posera,
s'il est nécessaire, la question de cabinet.
Le conseil s'est occupé ensuite de la ques-
tion des paris aux courses.
Le ministre de la justice a déclaré qu'après
examen, il ne s'opposait pas à l'établissement
du système des paris mutuels. Il consent à ce
que le ministre de l'intérieur accorde aux so-
ciétés qui en feront la demande — et dont
l'honorabilité sera constatée - l'autorisation
d'organiser des paris mutuels, à la condition
de consacrer — déduction faite des frais —
les bénéfices en partie à des encouragements
à l'élevage et en partie à l'assistance publi-
que.
Le conseil a donné son approbation à ce
système, qui va pouvoir, par conséquent, être
pratiqué dès que les sociétés intéressées le
voudront.
Enfin, le ministre de l'instruction publique
a fait signer un décret portant réorganisation
du personnel des palais nationaux et qui con-
sacre d'importantes réductions.
Mouvement judiciaire
Un mouvement judiciaire a été signé au
conseil des ministres.
On sait qu'il y avait trois sièges de con-
seiller à la cour de Paris vacants par suite du
décès de M. Cartier, de la démission de M.
Rouillon, pour raison de santé, et de la mise
à la retraite de M. Isambert.
Sont nommés conseillers à la cour de Paris:
M. Ruben de Couder, vice-président du tri-
bunal de la Seine ; M. Benoît, juge d'instruc-
tion au tribunal de la Seine ; M. Potier, subs-
titut du procureur général près la cour de
Paris.
t
En outre sont nommés f
Substitut du procureur de la République
près la cour de Paris, M. Ditte, substitut du
procureur de la République à Paris.
Vice-président du tribunal de la Seine, M.
Tardif, substitut du procureur de la Répu-
blique à Paris.
Juge au tribunal de la Seine, M. Blanc Du-
mesnil, président du tribunal de Troyes.
Substituts du procureur de la République
à Paris : MM. Fournier, procureur de la Ré-
publique à Troyes, et Pélagaud, substitut à
Lyon.
M. Pillias, président du tribunal de Bar-sur-
Seine, est nommé président du tribunal de
Troyes.
M. Bréjaud, procureur de la République a
Coulommiers, est nommé procureur de la Ré-
publique à Troyes.
M. Rosenfeld, procureur de la République à
Pontoise, est nommé procureur de la Répu-
blique à Coulommiers.
M. Fournel, substitut à Dreux, est nommé
procureur à Pontoise.
M. Huguet, attaché à la chancellerie, est
nomme substitut à Dreux.
A l' (( Officiel »
Le Journal officiel publie ce matin le dé -
cret, rendu sur la proposition du ministre des
affaires étrangères, aux termes duquel M.
Febvre (Frédéric), vice-président de la So-
ciété française de bienfaisance à Londres, a
été nommé chevalier de l'ordre national de
la Légion d'honneur, pour services excep-
tionnels rendus depuis plusieurs années à
l'hôpital français et à la Société française de
bienfaisance à Londres.
Le Journal officiel promulgue en même
temps la loi portant modification au tarif gé-
néral des douanes en ce qui concerne les cé-
réales.
Convocations d'électeurs
Les électeurs des cantons d'Orléans-sud
(Loiret), d'Artenay (Loiret), de Souillac (Lot),
de Calais-sud-est, de Calais-nord-ouest (Pas-
de-Calais, sont convoqués pour le dimanche
17 avril prochain, à l'effet d'élire leur repré-
sentant au conseil général.
Par décrets du président de la République,
rendus sur la proposition du ministre de l'in-
térieur et des cultes, ont été convoqués pour
le dimanche 17 avril prochain :
Les électeurs des cantons de Sainte-Me-
nehould (Marne), de Mens (Isère), d'Arbois
(Jura), de Vannesses (Morbihan) et de Gimont
(Gers), à l'effet de nommer leurs représen-
tants au conseil d'arrondissement.
L'Exposition de 1889
Les comités d'admission de l'Exposition de
1889 ont commencé à se réunir dans les sal-
les préparées pour eux au Champ de Mars
(pavillon Rapp), pour la formation de leurs
bureaux.
Les convocations continuent à être envoyées
par la direction générale de l'exploitation.
Sont convoqués :
Jeudi 31, les comités des classes 26 à 35.
Vendredi 1er avril, les comités des classes
36 à 45.
Samedi 2 avril, les comités des classes 46,
47, 48, 49, 51, 52, 53, 54, 55, 61.
Les demandes d'admission continuent d'ar-
river en grand nombre.
Les Facultés de Douai
La municipalité de Douai se pourvoit devant
le conseil d'Etat, à fin d'annulation de toute la
procédure administrative, qui aurait été,
d'après le conseil municipal, irrégulièrement
suivie jusqu'ici, et notamment de la conven-
tion signée à Lille et concernant les Facultés
de droit et des lettres actuellement existantes
à Douai.
D'après ce mémoire, il y aurait eu une
omission essentielle consistant dans l'absence
de demande de l'avis préalable soit de la Fa-
culté de droit, soit de la Faculté des lettres,
reconnues cependant comme jouissant de la
personnalité civile.
M-b
LE VOTE NÉCESSAIRE
Depuis un an qu'elle existe, la com-
mission du budget ne nous a guère ha-
bitués à compter sur la persévérance
de ses idées. Nous l'avons vue tout d'a-
bord, quand il s'est agi de l'emprunt,
émettre des votes contradictoires, se dé-
juger d'une séance à l'autre et annuler
par un scrutin ce que le scrutin précé-
dent avait décidé; nous l'avons vue, dans
la préparation du budget, consacrer six
mois à élaborer un projet appuyé sur
l'emprunt et sur l'impôt, puis, en une
heure, démolir tout son travail et char-
ger son président de déclarer à la
Chambre qu'elle « croyait avoir en-
trevu » le moyen d'équilibrer le budget
sans emprunt ni impôt; nous l'avons
vue, avant-hier, adopter des économies
partielles sur le budget des finances et
repousser l'ensemble de ces mêmes éco-
nomies, pour repousser ensuite les cré-
dits supplémentaires.
Les séances que la commission a te-
nues hier ne sont pas indignes de ces
précédents. La commission a com-
mencé par rejeter le rapport qui con-
cluait, ainsi qu'elle avait fini par le dé-
cider la veille, au rejet pur et simple
des crédits. Les propositions les plus
variées, allant de l'adoption pure et sim-
ple des crédits au refus total, ont été
successivement produites et écartées.
Les rapporteurs désignés ont successi-
vement décliné la mission qui leur était
offerte. M. Casimir-Perier lui-même, qui
avait mis dans la discussion une grande
acrimonie et qui avait voulu faire écarter
la demande du gouvernement par la
question préalable, et qui, par consé-
quent, semblait tout désigné pour sou-
tenir devant la Chambre le refus des
crédits, n'a pas cru devoir assumer cette
responsabilité. Enfin, après une série
de votes contradictoires et de discus-
sions dont on verra plus loin le résumé,
la commission a fini par adopter le rap-
port de M. Yves Guyot, contre lequel
elle s'était prononcée à plusieurs repri-
ses, et c'est ce rapport qu'en dernière
analyse la Chambre a entendu hier et
qu'elle va discuter aujourd'hui.
Ce n'est pas pour le facile plaisir de
railler la commission que nous relevons
la série de ces votes quelque peu inco-
hérents. Une commission n'est pas la
Chambre, elle n'est pas tenue de n'avoir
ni hésitations ni retours, mais la commis-
sion du budget dépasse les bornes or-
dinaires des hésitations, et les phases
diverses par lesquelles son opinion a
passé dans la seule journée d'hier sont
faites pour enlever à sa décision der-
nière toute autorité sur la Chambre.
Celle-ci ne peut voir dans le rapport qui
lui est soumis l'expression d'une volonté
réfléchie et d'une résolution mûrement
arrêtée. Elle peut d'autant moins le con-
sidérer comme tel, que la commission
était loin d'être au complet et qu'il re-
flète, en définitive, l'opinion d'une mi-
norité.
--- Ce rapport ne conteste même pas la
nécessité des crédits demandés. Le
principal motif qu'il allègue pour le re-
jet, c'est l'irrégularité du procédé,
comme si cette irrégularité était le fait
du gouvernement et non pas de la
Chambre, qui a commencé par ne pas
voter le budget en temps utile, puis qui
en a prolongé la discussion de telle
façon que l'on est arrivé au jour où ex-
piraient les deux douzièmes provisoires
précédemment votés, et que, s'il avait
fallu engager à ce moment une nouvelle
discussion, il aurait été nécessaire de
présenter en même temps une nouvelle
demande de crédits provisoires.
Valait-il la peine de tout laisser en
suspens à cause d'une contestation de
détail? Le gouvernement ne l'a pas
pensé, et nous persistons à croire qu'il
a eu raison de ne pas le penser. Il a eu
confiance dans l'équité de la Chambre ;
il a eu la conviction que, quand il lui au-
rait démontré la nécessité des crédits
pour assurer le fonctionnement de ser-
vices dont le rôle et l'importance
avaient été inexactement dépeints, la
Chambre reviendrait sur un vote qui
peut être considéré comme un vote de
surprise. A-t-il eu tort d'avoir cette
confiance dans l'équité de la Chambre ?
Nous nous refusons à le croire.
Nous entendions hier un des membres
de l'Extrême-Gauche opposer l'attitude
que- le gouvernement a prise dans la
question des céréales à celle qu'il
prend dans l'affaire des crédits, et nous
ne serions pas surpris que ce fût le su-
jet d'un article de la Justice. Com-
ment ! s'écriait ce député, le gouverne-
ment ne prend pas position quand il
s'agit d'augmenter le prix du pain pour
36 millions de Français, et il suffit que
les garçons de bureau des finances et
les commis soient menacés pour qu'il
intervienne, non seulement pour sou-
tenir leurs réclamations, mais pour de-
mander la discussion immédiate !
Le rapprochement peut paraître très
piquant, mais il n'a aucune portée. S'il
en avait une, il irait directement con-
tre la thèse que ce député prétendait
défendre. Il serait, en effet, facile de
lui répondre que ce n'est pas le mo-
ment, quand le prix du pain augmente,
de ne plus payer les employés de l'Etat.
Mais c'est vraiment abuser de cette
affaire des céréales. Les raisons de
l'abstention du gouvernement dans cette
discussion ont été trop souvent expli-
quées dans la presse, elles ont été ex-
posées avec trop d'évidence par M.
Goblet à la tribune, pour qu'il soit né-
cessaire de les donner encore. Si cette
abstention paraissait injustifiée, la Cham-
bre devait renverser le ministère à ce
moment. Cela aurait eu une signification,
Le poursuivre éternellement de repro-
ches à ce sujet, vouloir lui faire payer, à
propos des crédits supplémentaires, la
prétendue faute dont on l'accuse sur la
question des céréales, ceci ne se com-
prendrait plus du tout, et, dans le pays,
les libre-échangistes les plus déterminés
ne parviendraient pas à saisir la corré-
lation que l'on veut établir entre ces
deux faits.
Il ne faut voir que la question dont la
Chambre est saisie aujourd'hui. Cette
question est fort simple, et l'on peut la
poser ainsi : Convient-il d'assurer le
fonctionnement de services publics dont
la nécessité ne peut être contestée, ou
faut-il les désorganiser et provoquer du
même coup une crise ministérielle à la-
quelle le pays ne verra aucune raison
plausible ? Nous ne pouvons pas suppo-
ser un seul instant que le parti républi-
cain hésite à repousser le second terme
de cette proposition. Nous avons la cer-
titude que, malgré les hésitations qui se
sont produites hier dans la commission,
malgré la résolution fâcheuse à laquelle
celle-ci a fini par s'arrêter, il ne se
trouvera pas aujourd'hui un seul répu-
blicain pour contribuer par son vote à
cette désorganisation administrative et
gouvernementale. A peine voulons-nous
croire que la Droite elle-même courra
les chances de cette aventure, car
elle ne peut se dissimuler que ceux qui
prendraient l'initiative d'une crise dans de
telles conditions encourraient une grave
responsabilité et montreraient avec la
dernière évidence qu'ils n'ont d'autre
but que de désorganiser. Si cependant
là Droite veut tenter l'aventure, au moins
devons-nous la laisser la tenter seule.
Le parti républicain tout entier doit se
refuser à toute coalition, combinée ou
fortuite, dans une entreprise qui porte-
rait une grave atteinte aux intérêts de
la République, et il a le devoir de sou-
tenir sans hésitation le cabinet. Nous
avons la confiance que cette nécessité
sera comprise.
Il résulte de l'analyse des fragments de
l't obus chargé de mélinite qui a fait explo-
sion voici quelques jours à Belfort, que
l'on y a constaté des traces de sels prove-
nant de la réaction de cet explosif sur la
fonte en présence de l'eau. Afin d'acquérir
une nouvelle certitude de cette cause
d'explosion, on vient de faire briser, à Bel-
• •• -> vj t
fort, une partie des projectiles chargés
dans l'arsenal de cette ville, et la manière
dont s'est effectuée cette opération prouve
que la manipulation de ces projectiles ne
présente aucun danger spécial à la méli-
nite. On est donc en droit de conclure,
pour le moment, de l'accident comme de
l'expérience, que l'explosion qui a fait tant
de victimes provient de ce que les pres-
criptions formelles relatives au desséchage
des obus avant le chargement n'ont pas été
observées.
La conclusion est importante à retenir,
car le choix d'un explosif ne se justifie pas
seulement par sa force, mais encore par
la possibilité de le fabriquer, de le charger,
de le conserver et de l'employer sans dan-
ger pour ceux qui s'en servent.
- Dans ce cas particulier, de fort nom-
breux essais ont été faits depuis l'époque
assez éloignée déjà où le nouvel explosif
est à l'étude. Plusieurs centaines de pro-
jectiles en fonte, chargés à la mélinite de-
puis le début des expériences, se trouvent
en magasin et leur examen ne révèle rien
d'anormal. Les épreuves à outrance, aux-
quelles ces obus ont été soumis, permet-
tent d'affirmer que la mélinite est non-
seulement un explosif d'une puissance
énorme, mais encore une matière d'une
rare stabilité. Il est évident, d'ailleurs, que
les accidents provenant de l'imprudence
dans la manipulation de cet explosif sont
d'autant plus redoutables que sa force est
plus considérable. Cependant, sa stabilité
même permet de le manier sans danger,
dès l'instant que l'on se conforme aux
prescriptions qu'ont indiquées les expé-
rieices nombreuses et minutieuses dont
il a été l'objet.
Si nous tenons à bien préciser ce der-
nier point, c'est que certaines personnes
ont attribué l'accident de Belfort à des
réactions chimiques provenant, non pas
de l'imprudence des artificiers, mais de
l'insuffisance des études préliminaires sur
la mélinite. Est-ca que la poudre et d'au-
tres explosifs ne sont point connus depuis
longtemps? N'arrive-t-il pas cependant
des accidents fréquents, dus uniquement
à l'insouciance des manipulateurs ?
QUESTIONS DU JOUR
La commission de la contribution
mobilière
Il arrive quelquefois que la Chambre,
après la discussion générale d'un projet
de loi, refuse de passer à la discussion
des articles. C'est ce que nous avons
vu tout dernièrement pour la proposi-
tion de loi sur le riz et sur le maïs. La
Chambre, ayant sous les yeux un rap-
port bien fait et s'étant largement
éclairée par une discussion générale
complète, n'a pas jugé nécessaire de
pousser le débat plus loin et de discu-
ter les articles quand elle désapprou-
vait le principe même. Il n'y avait plus,
en effet, de raison de délibérer. Mais
en est-il de même pour une commission
élue pour l'examen d'un projet de loi,
et lui appartient-il de refuser de « pas-
ser à la discussion des articles » et
d'opposer au projet une sorte de ques-
tion préalable ?
C'est ce qui vient de se passer dans
la séance qu'a tenue hier la commission
chargée d'examiner le projet de loi de
M. Dauphin sur la contribution mobi-
lière. Elle a simplement décidé de re-
pousser le principe de la transformation
de la contribution mobilière en impôt
dequotité; en outre, elle a donné man-
dat au rapporteur, M. Jules Roche, de
déclarer qu'elle ne se reconnaissait pas
le droit de substituer un autre système
à celui de M. Dauphin, et qu'il ne lui
incombait pas non plus de chercher une
autre source de recettes pour remplacer
les 30 millions supplémentaires qui de-
vaient entrer dans les recettes du bud-
get par ce procédé. Autant ne s'être pas
fait élire, si c'était pour borner ses con-
clusions à une déclaration d'incompé-
tence.
Toutes les commissions parlementai-
res ont, jusqu'à présent, autrement
compris leur mandat. Elles ne reculent
point devant l'étude approfondie d'un
projet de loi; elles travaillent, elles dis-
cutent , elles remanient et ne se font
pas faute d'introduire des amendements
et quelquefois même de rapporter à la
Chambre le projet retourné de fond en
comble. Qu'elles l'aient amélioré ou dé-
térioré, cela les regarde et ce sera à la
Chambre d'en juger en séance publi-
que. Mais elles y viennent avec ce
qu'elles y doivent apporter : un exa-
men raisonné du projet dans tous ses
articles. Jamais un rapporteur n'est
venu dire : La commission ayant écarté
le principe; l'examen du projet ne la re-
garde plus; elle s'en lave les mains. Il
n'y a que les commissions de pétitions
qui soient autorisées à conclure ainsi :
« La Chambre ne pouvant se faire juge
des réclamations de M. X., la onzième
commission passe à l'ordre du jour. »
La commission de la contribution mo-
biliaire estime qu'elle ne se reconnait
pas le droit de substituer un autre sys-
tème à celui du ministre des finances.
Et pourquoi donc ? C'est le droit de tout
commissaire :
C'est le droit qu'à la porte il acquiert en entrant,
et nous voyons assez que les commis-
sions ne se privent point de « substituer
d'autres systèmes » toutes les fois que
cela leur plaît. Où avait-on jamais en-
tendu dire : Ce projet n'est pas conforme
à nos principes, aussi ne nous en occupe-
rons-nous point. — Mais la question est
urgente. — Il est vrai. — Alors, pro-
posez donc votre solution — La re-
cherche de la solution n'est pas une
mission qui nous incombe. Quant aux
30 millions destinés à entrer dans les
recettes du budget, cela nous regarde
encore moins.
La moralité de cet incident, c'est que
la Chambre s'est trompée de route en
nommant une commission spéciale pour
l'étude d'un projet de loi qui aurait dû
aller tout droit à la commission du
budget. C'était la marche régulière. Il
est donc fâcheux que la Chambre se
soit laissée entraîner à nommer une
commission spéciale. C'était pour arri-
ver plus vite. Or, il est visible, aujour-
d'hui, qu'on n'en arrivera que plus len-
tement.
EUG. LIÉBERT.
LA VIE DE PARIS
Le ventre de Paris fait parler de lui,
non seulement au théâtre et dans les
discussions qu'a suscitées la pièce de
M. E. Zola, mais en réalité aux Halles.
Hier, dans la bagarre qu'on sait, Mlle
Louise Michel s'y est aventurée, pen-
sant peut-être qu'on allait dételer sa
voiture et lui faire une ovation, et
elle a failli y rester, sous les trognons
de choux succédant aux quolibets des
dames de la Halle et des travailleurs
à la main rude qui sont là, gagnant leur
vie en assurant la nôtre. Car ce ne sont
pas des muscadins qui parlaient de
fouetter la nouvelle Théroigne, pour qui
on garde je ne sais quelle indulgence
que la vraie Théroigne méritait bien da-
vantage. Très sérieusement houspil-
lée, menacée d'être tirée du fiacre avec
lequel elle va manifester en voiture,
comme nous avons vu Garibaldi blessé
aller au feu, Mlle Louise Michel a dû
demander aide et protection. aux ser-
gents de ville. Le plus gracieusement
du monde, ceux-ci, gens sans rancune,
ont défendu Mlle Louise Michel contre
la foule, qui risquait de passer des quo-
libets aux horions et des paroles à la
« propagande par le fait », et M. Bro-
cheton, l'inspecteur, a envoyé quérir
une voiture pour y emballer la vierge
anarchiste, en lui disant : au revoir. Il
a dû rire, l'homme de la police ; et quelle
philosophie on doit acquérir dans ce
métier!.
En général, il faut regretter tout dé-
sordre. Mais l'aventure d'hier me paraît
cependant excellente, et je m'en réjouis.
C'est la seconde ou la troisième fois que
Louise Michel s'embarque mal, et, partie
pour aller tout casser chez les autres,
ne doit qu'à l'intervention bénévole de
« la rousse », comme disent ses amis,
de conserver intacts ses propres os. Je ne
lui souhaite, aucun mal, étant d'un pays
où l'on garde un respect superstitieux et
touchant pour les « frappés de Dieu ».
Mais la leçon devrait bien profiter aux
anarchistes, qui, malgré leur audace ac-
crue par l'impunité, finiront par avoir
des mots désagréables pour eux avee le
peuple travailleur de Paris, s'ils persis-
tent à se mêler de ses affaires pour les
gâter et les compromettre.
S'il y a des gens qui soient peu popu-
laires à Paris, ce sont bien ceux qui
tiennent les bureaux de placement. A
tort ou à raison, on les accuse d'exploi-
ter leurs clients, de ne songer qu'à per-
cevoir les courtages assez forts, qu'ils
prennent d'avance, et d'envoyer les em-
ployés qui ont recours à eux dans des
maisons peu sûres, où ils ne peuvent
rester. Pour le peuple, les intermédiaires
font tous des métiers de paresseux. Le
meeting des « ouvriers de l'alimenta-
tion », qui avait lieu à Belleville, avait
donc, d'une façon générale, les sympa
thies de la foule. Ces « ouvriers de l'ali-
mentation », c'est-à-dire, dans une lan-
gue plus simple, les garçons de café et
de restaurant, s'étaient réunis pour avi-
ser aux moyens d'éviter de passer sous
les fourches caudines des bureaux de
placement, en se syndiquant et en usant
des moyens matériels qui sont à leur
disposition pour faciliter un embau-
chage sans frais et offrant quelques ga-
ranties, la création de la Bourse du
travail, due au conseil municipal. Le but
de la réunion était donc sérieux, pra-
tique, approuvé de tous.
La solution par la liberté et par l'as-
sociation n'est-elle pas, en effet, préfé-
rable à toutes les autres, même pour
ceux qui pensent qu'on en peut essayer
d'autres, ce que je ne crois pas, pour
ma part? Or, qu'est-il arrivé? Sitôt que
des travailleurs se réunissent pour par-
ler de leurs affaires, les anarchistes,
pour qui la semaine n'a que des diman-
ches puisqu'ils sont à tous les meetings
des corps d'état les plus divers, inter-
viennent et font perdre à la réunion
tout à la fois son caractère sérieux et
son caractère légal. C'est ce qu'on a vu
pour le meeting des ouvriers de l'ali-
mentation. A peine a-t-on posé la ques-
tion des moyens de lutter contre les
bureaux de placement, les anarchistes
ont proposé de la résoudre en allant
tout casser dans les agences et en je-
tant les placeurs par les fenêtres de
leurs maisons. Pour un rien, ce beau
projet eût été exécuté. Une bande a
même dévasté, aux Halles, un bureau
de placement. Mais, en dernier compte,
avec quelques vitres brisées, il n'est
resté sur le carreau que l'auréole de
Mlle Michel, qu'on ne verra plus, main-
tenant, dans les revendications révolu-
tionnaires, qu'avec son escorte de ser-
gents de ville.
Je me rappelle comme si j'y étais
encore la nuit fameuse où le pre-
mier convoi d'amnistiés rentra en
France, par le chemin de fer du Havre.
La gare était, quoiqu'il fît froid et que
le train dût arriver en pleine nuit, pleine
de monde. Il y avait vraiment une cer-
taine émotion dans cette foule ; et moi,
qui étais là en spectateur fort désinté-
ressé, j'avais la naïveté de ressentir je
ne sais quelle émotion à la pensée de
ces proscrits de la guerre civile qui ren-
traient parmi nous et dont nous avions
effacé la faute de nos mémoires. Parmi
ceux qui attendaient les arrivants, je me
souviens d'avoir vu M. Clémenceau, ner-
veux, un peu agité, ayant sans doute,
lui aussi, quelque émotion secrète et
profonde qu'il voulait dissimuler. Quand
le train entra sous les voûtes, ce fut
une longue acclamation ; et la « grande
citoyenne », comme on disait alors de
celle que le Cri du Peuple appelle
« vieille folle » aujourd'hui, tomba dans
les bras de M. Clémenceau, qui la tint
longuement embrassée. Que reste-t-il de
ce baiser ?
L'accord, ou, du moins, le modus vi-
vendi entre les groupes révolutionnai-
res et les groupes politiques les plus
avancés n'existe même pas. Si ceux-ci
n'ont pas assez le courage de rompre
avec ceux-là, les premiers n'ont pas
perdu une occasion de désavouer et de
maudire les seconds. Au meeting même
de Belleville, les députés de Paris sont
traités de « prétendus républicains ».
Mais on pouvait penser que, dans les
couches populaires, là où l'intérêt l'em-
porte souvent sur la raison, les révolu-
tionnaires pouvaient être sinon suivis,
du moins excusés, en considération des
intentions généreuses qu'on leur prête
parfois. Mais voilà justement que, dans
des milieux populaires, à plusieurs re-
prises et particulièrement hier, le peu-
ple qui travaille montre combien il com-
prend à son tour qu'il n'y a rien à faire
avec le personnel révolutionnaire et
avec les moyens qu'il emploie et préco-
nise, et fait avorter une manifestation
en une farce joyeuse, dont les Halles li-
ront longtemps. IIFNRY FOUQUIF.1t.
HENRY FOUQUIElt.
LE PARLEMENT
SÉANCE DE LA CHAMBRE
Election d'un vice-président
De deux heures à quatre heures et quart,
on scrutine pour l'élection d'un vice-président
à la Chambre. Pendant ce temps, la séance
est suspendue. Voici les résultats du premter
tour : :»
Nombre de votants. , , , 430
Bulletins blancs ou nuls. 7
Suffrages exprimés 423
- Majorité absolue 212
Ont obtenu :
M. Spuller. 210 voix
M. Andrieux. 206
Aucun des candidats n'ayant obtenu la ma-
jorité absolue, il y a lieu de procéder k gn
troisième tour de scrutin, pour lequel la ma-
jorité relative suffit. -' ",
Voici les résultats de ce troisième tour :
Nombre de votants. 440
Bulletins blancs ou nuls. 7
Suffrages exprimes. 433
Majorité absolue. 217
Ont obtenu :
M. Spuller. 223 voix
M. Andrieux 209
M. Spuller est enfin élu. Son élection est
accueillie avec satisfaction par la majorité
républicaine et dans les couloirs de. la
Chambre.
*
+ +
Une question au ministre des finances
M. Joachim Murat adresse ensuite une
question au ministre des finances au sujet
des permis de culture délivrés dans le Lvt.
L'honorable député se plaint que la commis-
sion chargée de répartir entre les divers Ar-
rondissements du Lot le nombre des hectares
affectés à la culture du tabac ait commis.de
« nombreuses injustices ».
Cette question, touchant des intérêts lo-
caux, passionne très peu la Chambre. Des
conversations particulières s'engagent, dont
le sujet roule sur la commission du budget.
M. Dauphin, ministre des finances, répond
qu'il examinera et réparera les injusUoBS»
s'il y a lieu. Ce dont on peut être sûr, c-'est
que les considérations politiques ne sont e-
trées pour rien dans les décisions de la com-
mission.
*
En attendant le rapport de M. Yves Guyot
sur les crédits supplémentaires, la Chambre
adopte deux projets de loi : l'un, relatif à un
projet concernant l'exécution de travaux au
port de Mostaganem (Algérie) ; l'autre, ayant
pour but d'ouvrir au ministre du commerce
et de l'industrie, sur l'exercice 1886, un -
dit supplémentaire de 1,600,000 francs, pour
les encouragements aux pêches maritimes. f
On s'occupe également d'une convention
passée avec une compagnie maritime pour
l'exploitation des services postaux de la Mé-
diterranée, de l'Indo-Chine, du Brésil, data
Plata, de l'Australie, de la Nouvelle-Calédonie
et de la côte orientale d'Afrique. J'
M.Félix Faure attaque cette convention;
mais voici M. Yves Gayot, qui entre dans la
salle des séances, son rapport sur les crédits
supplémentaires à la main. M. Félix Famfe
arrête ses observations, et M. Yves Guyot le
remplace à la tribune.
Les orédits supplémentaires
M. Yves Guyot dépose son rapport. (Lisez
lisez ! )
M. Yves Guyot, rapporteur. - Messieurs, M.
le ministre des finances a déposé, le 10 mars, un
projet de loi portant ouverture d'un crédit sup-
plémentaire s'élevant à la somme de 670,800 fr.
sur le chapitre 45 du budget du ministère des
finances.
Ce chapitre comprend le traitement du person-
nel et le personnel de l'administration.
Le crédit porté à ce chapitre par la loi de fi-
nances, et par la loi du 1er janvier 1886, était, en
en 1886, de. 3.962.9Q0
Après le premier rapport de la com-
mission du budget qui l'avait fixé à
3,618,500 fr., l'accord était intervenu
entre cette commission et l'honorable
M. Sadi Carnot sur le chiffre de 8.765.900
ce qui constituait une économie de. 197.009
par comparaison avec 1886.
Un amendement de M. Fernand Faure proposa
de réduire le crédit à 3,000,000 fr. M. Sadi Carnot
combattit cette réduction de 765,900fr., en décla-
rant qu'il considérait ce crédit comme Indispen-
sable au bon fonctionnement du service. Il ne
parvint pas à convaincre la Chambre, et la réduc-
tion fut votée.
Quelque temps après, M. Sadi Carnot donna
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