Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1887-02-27
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 27 février 1887 27 février 1887
Description : 1887/02/27 (A18,N5526). 1887/02/27 (A18,N5526).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
Dix-tluitiéme aimés - Ne 5826
Prix du numéro : Paris et départements : 15 centimes
Dimanche 27 février 1881
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RÉGISSEURS D'ANNo.CBIP f
MM. LAGRANGE, CERF ET (tlll
6, place de la Bourse, 6
BULLETIN
La Chambre des députés a statué, hier,
sur les modifications introduites dans le
budget de 1887 par le Sénat. Malgré l'a-
vis de la commission du budget, qui pro-
posait d'accepter ces différentes modifica-
tions telles quelles, la Chambre a engagé
une discussion sur chacun deschapiires
amendés .par le Sénat. Le gouvernement
a, par deux fois, posé nettement la ques-
tion, d'abord sur la réduction du traite-
ment des directeurs du ministère de l'in-
térieur, ensuite sur la question des sous-
préfets. Par 304 voix contre 155, dans le
premier cas, et ensuite par mains levées,
la Chambre a donné gain de cause au ca-
binet.
L'ensemble du budget des dépenses a
été adopté par 349 voix contre 40, et le
budget des recettes par 371 contre 39.
En somme, la Chambre a fait preuve,
dans cette séance, d'un désir très marqué
de conciliation ; elle a accepté, à la de-
mande du gouvernement, les modifica-
tions budgétaires qu'il jugeait nécessaires
au fonctionnement des services publics.
C'estau Sénat, maintenant, à faire le sacri-
fice de certaines de ses idées en matière
de crédits aux nécessités de l'heure pré-
sente. Nous connaissons assez l'esprit de
gouvernement qui anime le Sénat, pour
être certains que le budget sera définiti-
vement voté aujourd'hui, dans la séance
que la haute Chambre tient spécialement
pour cet objet, ce matin même.
Le gouvernement britannique vient de
subir un échec sensible dans le procès
qu'il avait intenté contre les députés irlan-
dais, membres de l'Association nationa-
liste.
On sait quel est le but poursuivi par
cette association. Elle a institué une sorte
de tribunal d'arbitrage devant lequel elle
fait comparaître les fermiers irlandais, et
qui fixe d'offbe les réductions qu'il juge
équitables sur le taux des redevances dues
anx landlords. Le gouvernement avait dé-
claré ces sentences illégales et mis en ac-
cusation les membres de l'association, par-
mi lesquels figurent M. Dillon et quelques
autres députés irlandais.
Malgré tous les efforts du ministère pu-
blic, malgré les récusations des jurés sus-
pects de complaisance pour l'association,
il n'a pas été possible d'obtenir du jury un
verdict de culpabilité rendu à l'unanimité,
ainsi que le veut la loi anglaise.
Si prévu qu'un tel résultat pût être, il
est certain qu'il vient de mettre le gou-
vernement dans une situation qui ne sau-
rait durer longtemps. D'un bout de l'Ir-
lande à l'autre, on proclame, dès ce
matin, que jamais un jury irlandais
ne prononcera désormais une condam-
nation dans des circonstances analo-
gues, et que, par conséquent, on peut
impunément fouler aux pieds la loi,
les contrats, résister à l'exécution des
décisions judiciaires, se débarrasser ainsi
des propriétaires ou landlords, et ne plus
payer, à partir de ce jour, ni rente, ni
loyer. S'il n'est pas immédiatement et pé-
remptoirement prouvé que ce ne sont là
que des illusions dangereuses pour ceux
qui pourraient s'y laisser prendre et agir
en conséquence, le désordre, l'anarchie
seront au comble sous très peu de jours,
et le mal ne pourrait peut-être plus céder
qu'à des remèdes tels, qu'on hésiterait à
les appliquer.
L'Alsace-Lorraine a mal voté, au gré de
M. de Bismarck. Faut-il l'en châtier par la
suppression de ses libertés et par l'inau-
guration d'un régime de compression?
Faut-il, au contraire, chercher à la germa-
niser par un système d'éducation nouveau
et par une série de mesures bienveillantes
qui auront pour effet de ramener les es-
prits à une plus saine appréciation des
bienfaits de l'administration allemande?
Compression ou séduction, telles sont
les deux méthodes de gouvernement que
l'on discute dans la presse allemande. Il
convient d'ajouter que la première pa-
raît être la plus en faveur et, à ce pro-
pos, la Strassbvrger Post fournit des indi-
cations qui ne manquent pas de précision.
La moindre des mesures répressives —
et préventives tout à la fois — proposées
par ce journal, serait la suppression de la
représentation de l'Alsace-Lorraine au
Reichstag et des conseils municipaux dans
les communes qui ont donné la majorité
aux députés protestataires. Plus de li-
bertés politiques, plus de franchises com-
munales, telle serait la formule nouvelle
de l'administration allemande en Alsace-
Lorraine. Nous ne nous arrêterons pas
à discuter le système du gouvernement
qui risquerait fort de faire des malheu-
reuses provinces annexées une Irlande
attachée aux flancs de l'empire allemand.
Combien plus sages sont ceux qui pro-
posent, comme moyen de pacification, la
neutralisation de l'Alsace-Lorraine, c'est-
à-dire quelque chose comme la Suisse et
la Belgique 1 C'est un rêve, évidemment,
qui n'est pas près de se réaliser. Si nos
voisins avaient la sagesse d'envisager le
présent et de prévoir l'avenir, ce serait la
véritable solution des difficultés avec les-
quelles ils sont aux prises depuis seize ans
et pour longtemps.
Louis HENRIQUE.
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INFORMATIONS PARTICULIÈRES
Conseil des ministres
Le conseil que les ministres ont tenu hier
matin à l'Elysée a été consacré exclusivement
à l'examen du budget de 1887 modifié par le
Sénat, en prévision de la discussion qui a eu
lieu hier après midi à la Chambre.
Les ministres avaient décidé de reporter de-
vant la Chambre le budget tel qu'il est sorti
des délibérations du Sénat.
La commission de la Chambre, qui avait
été convoquée au Palais-Bourbon à titre of-
ficieux, avait résolu, dans le désir d'éviter un
nouveau douzième provisoire, de ne faire au-
cune objection à l'adoption des modifications
Introduites par la Chambre haute, tout en
formulant des réserves en ce qui concerne la
question des prérogatives financières.
M. Wilson était chargé de présenter un rap-
port coBc uant dans ce sen
Le président de la République a ensuite si-
gné le projet relatif à la transformation de la
cote mobilière en un impôt de quotité.
Le coefficient minimum a été abaissé au
chiffre quatre. Une catégorie spéciale sera
créée pour Paris.
Le gouverneur de la Guyane
La nouvelle, donnée par quelques journaux,
du remplacement de M. Le Cardinal, gouver-
neur de la Guyane, est inexacte.
La France et le Maroc
Certains journaux espagnols continuant de
dire que le gouvernement français aurait de-
mandé au sultan du Maroc et obtenu de lui
des rectifications avantageuses de la frontière
algérienne. Ainsi que nous l'avons déjà fait
savoir, ces allégations sont absolument faus-
ses, et. rien, dans les incidents de ces derniè-
res semaines, ne pouvait y donner le moindre
prétexte.
Le nouveau motif qu'on allègue à l'appui
est au moins singulier. On annonce que le
sultan est arrivé à Fez avec des troupes ma-
rocaines et qu'il se dirige sur la frontière
d'Algérie.
Le gouvernement de la République a été,
en effet, avisé de l'expédition que le sultan
prépare pour assurer le maintien de l'ordre
dans la province d'Oujda, sur les confins du
territoire algérien ; mais cette expé iitioa, en-
tièrement conforme aux relations de bon voi-
sinage entre la France et le Maroc, serait, au
besoin, une nouvelle preuve de l'inexactitude
des informations dont il s'agit.
VOTES DE CONFIANCE
La laborieuse discussion du budget
peut être enfin considérée comme ter-
minée. La Chambre ayant maintenu
ses décisions antérieures en ce qui con-
cerne le personnel et le matériel du mi-
nistère des finances et le crédit pour
l'enseignement commercial et industriel,
il faut bien que le budget retourne au
Sénat, ce matin ; mais, comme le Sénat
a eu satisfaction sur plusieurs autres
points importants, il n'est pas douteux
qu'il acceptera les diminutions et les
rétablissements de crédit adoptés par la
Chambre. Le budget de 1887 est une
affaire définitivement réglée. Elle le sera,
du moins, dans quelques heures.
Mais ce résultat, désormais certain,
n'aura pas été le seul avantage de la
séance d'hier, une augmentation de crédit
de 5,000fr.pour le personnel de l'adminis-
tration centrale du ministère de l'intérieur
demandée par le gouvernement et votée
parle Sénat, a fourni au président du con-
seil une première occasion de monter à
la tribune. En quelques paroles très nettes
qui ont produit sur la Chambre une vive
impression, M. Goblet,réponda-nt à M. Mau-
rice Faure, a déclaré qu'il ne se chargerait
pas de continuer à diriger le ministère
de l'intérieur, s'il était obligé de réduire
le traitement des directeurs. Puis, élar-
gissant le débat et le portant sur le ter-
rain politique, il a rappelé que, lorsqu'un
ministère se fondait, il devait déclarer
au Parlement ce qu'il entendait faire,
que le ministère actuel s'était acquitté de
ce devoir, que la Chambre lui avait répon-
du en lui accordant sa confiance, que ce
vote avait formé entre la majorité et le
ministère un pacte qui liait les deux par-
ties et leur imposait des devoirs récipro-
ques auxquels l'une d'elles n'avait pas
le droit de se soustraire tant que l'autre
y restait fidèle. Le gouvernement, en
prenant le pouvoir, n'a fait que les pro-
messes qu'il jugeait réalisables. Il s'est
vu forcé, non sans regret, d'écarter
de son programme certaines réformes
auxquelles aspire la grande majorité
du parti républicain. Mais ce qu'il a
promis, il entend le tenir. Il a déclaré
qu'en première ligne des réformes pos-
sibles il plaçait la réforme administra-
tive et la réforme fiscale. Il a, en con-
séquence de cette déclaration, déposé
un projet de réforme administrative et
un projet de réforme fiscale. Mais, d'au-
tre part, le ministère avait prévenu la
Chambre qu'il demanderait au Sénat le
relèvement de certains crédits. Il a de-
mandé ce relèvement au Sénat, qui n'a
pas agi. en dehors de ses prérogatives
en les rétablissant star la demande du
gouvernement. En ce qui concerne le
relèvement du crédit pour le personnel
de l'administration centrale du minis-
tère de l'intérieur, c'est-à-dire pour le
traitement des directeurs, le président
du conseil a demandé à la Chambre de
le voter, en déclarant hautement qu'il
considérerait un vote contraire comme
un vote de défiance. La Chambre a ré-
pondu en donnant au cabinet une majo-
rité de 304 voix contre 155, sur 459 vo-
tants. Les journaux qui, à propos du
vote du Sénat dans la question des
sous-préfets, disaient, l'autre jour, que
le gouvernement était « tombé à plat»,
voudront sans doute bien reconnaître
une certaine portée à ce vote de la
Chambre des députés.
Précisément à propos de cette ques-
tion des sous-préfets qui avait amené,
on ne l'a pas oublié, la chute du minis-
tère Freycinet, le président du conseil
a de nouveau fait appel à la confiance
de la Chambre. On sait comment la
question se présentait. La Chambre
avait, malgré l'avis du précédent cabi-
net, supprimé le crédit des sous-pré-
fets, accomplissant ainsi par voie bud-
gétaire la grosse réforme de la sup-
pression des sous-préfectures. Une crise
ministérielle avait été la conséquence
de cette décision. M. Goblet avait an-
noncé à la Chambre son intention de de-
mander au Sénat le rétablissement de ce
crédit, mais en le réduisant de 1,435,000
francs à 1,400,000 fr. Le Sénat a voté
le chiffre de 1,435,000 fr. dans des con-
ditions que nous avons fait connaître
et sur lesquelles M. Goblet n'a pas dis-
simulé son sentiment. Il a cependant
demandé à la Chambre de voter le crédit
tel qu'il avait été adopté par le Sénat,
en déclarant que si la Chambre ne lui
accordait pas ce vote, elle le mettrait
dans l'impossibilité de réaliser la ré-
forme administrative qu'il avait entre-
prise.
« Ici encore, a-t-il déclaré, je suis obli-
gé de le dire, et cela, croyez-le bien, sans
aucun esprit de vanité ou d'arrogance,
mais pour remplir un devoir, — et il
faut toujours et quand même remplir
tout son devoir, — je suis obligé de
dire à la Chambre, qui nous a accordé
sa confiance lors de notre déclaration,
qu'elle doit nous la conserver si elle
veut nous permettre de gouverner. »
De nombreux applaudissements ont
salué ces paroles et la Chambre, reve-
nant sur son vote du mois de décembre,
a rétabli le crédit tel que le demandait
le gouvernement.
C'est une justice à rendre aux mem
bres les plus influents de l'Extrême-
Gauche qu'ils ont, dans - cette circons-
tance, donné une nouvelle preuve de
leur esprit politique. Comme dans le
vote des fonds secrets, ceux qui se
considéraient comme trop engagés n'ont
pas voulu, par un vote hostile, jouer le
jeu des adversaires du cabinet. M. Clé-
menceau, M. Pelletan, pour ne citer que
ceux-là, se sont abstenus. D'un autre
côté, parmi les amis de la République
française, qui déclarait hier que « le pre-
mier, le plus instant des devoirs des
mandataires du pays était de donner au
pays un autre gouvernement », aucun
n'a eu le courage de porter à la tribune
cette opinion et de déclarer qu'il refu-
sait au gouvernement sa confiance. M.
Spuller et se81 amis sont restés cloués
à leur banc. Bien plus, ils ont voté pour
le cabinet sans protester contre le sens
que le président du conseil avait par
avance donné à ce vote, tant il est vrai
qu'il n'est pas en politique de force
supérieure à la netteté, à la franchise
et au sincère désir de bien faire.
Quoi qu'on en puisse dire, le pays et
la Chambre veulent un gouvernement
qui soit capable, au dehors, de le faire
respecter sans le compromettre dans
aucune aventure, et, au dedans, de l'ai-
der dans l'accomplissement des réfor-
mes qui ont été de tout temps promises
par les républicains. Le ministère présidé
par M. Goblet a montré, comme nous le
disions hier, pendant la dernière crise,
qu'au point de vue extérieur il était à
la hauteur de sa tâche. Quant à son
désir de mener à bien toutes les réfor-
mes possibles, personne n'en suspecte
la sincérité. Dans ces conditions, il n'a
pas à se préoceuper des intrigues de
coul oirs et des conspirations de coteries.
Pour les déjouer, il n'a qu'à leur oppo-
ser la netteté, la loyauté, et, qu'on
nous passe l'expression, la crânerie
dont M. Goblet a fait preuve hier, et
dont ne devrait jamais se départir le
chef du gouvernement d'un grand pays.
A.-E. P.
------------ i.
L'article que M. Spuller consacrait dé-
montrer « l'urgence, l'extrême urgence »
de renverser le cabinet a obtenu dans la
presse un sérieux succès. La Justice s'en
empare, pour renvoyer aux opportunistes
le reproche qu'ils ont souvent adressé aux
radicaux de ne plus s'inquiéter de la sta-
bilité gouvernementale, à laquelle un
temple était consacré dans la Chaussée-
d'Antin. La Justice « ne nourrit pas pour
le cabinet actuel un enthousiasme immo-
déré ». Elle déclare cependant qu'il « y au-
rait injustice à méconnaître qu'au milieu
des difficultés extérieures que nous venons
de traverser, ce ministère a conservé l'atti-
tude calme, digne et prudente que le pays
avait le droit de réclamer de ses gouver-
nants». Elle demande « un cabinet d'union
pour l'action », et à ce désir elle oppose la
politique préconisée par M. Spuller, poli-
tique qui consiste à « réveiller les rancunes
assoupies, à excommunier à nouveau une
partie de la majorité républicaine ».
Mais la Justice est un journal radical.
Ses critiques peuvent paraître dictées par
l'esprit de parti. Ecoutons une autre voix
qui « n'hésite pas à blâmer absolument
la campagne que semble vouloir entamer
M. Spuller. » Le journal que nous citons
reconnaît que le cabinet a su « manœu-
vrer"très dignement et très patriotique-
ment dans les circonstances les plus déli-
cates et les plus graves. » Il pense que
« rien ne sert mieux la France en ce
moment que la stabilité ministérielle,
pourvu que les ministres sachent com-
prendre leur devoir, » et il termine par
ces lignes :
« Un ministère qui ne ferait pas ce que
veut la nation ne durerait pas vingt-quatre
heures, — et la nation, d'autre part, con-
damnerait sans rémission les brouillons
parlementaires qui n'abdiqueraient pas en
ce moment toutes les rancunes de grou-
pes, toutes les ambitions de partis et toutes
les jalousies de ratés. »
Le journal auquel nous empruntons ces
lignes est Paris. Même dans son parti,
surtout dans son parti, M. Spuller a ob-
tenu un franc succès.
A propos de l'Engagement décennal
Jusqu'au vote de la loi militaire, les
instituteurs sont admis, comme tous les
membres de l'enseignement public, à
contracter un engagement décennal qui
les dispense du service. Nous n'avons
nulle envie de réclamer en leur faveur
le maintien des anciens privilèges ; nous
connaissons leurs sentiments à cet
égard, et leur patriotisme serait à bon
droit blessé d'une semblable requête.
Mais ils sont en ce moment sous le
régime de l'engagement décennal, et on
nous adresse, à ce sujet, de la Creuse,
une lettre qui appelle quelques obser-
vations :
Le ministre de l'instruction publique a tout
récemment, si je suis bien informé, autorisé
les jeunes gens sortis de l'Ecole normale ap-
partenant à la classe de 1886 et non pourvus
d'un poste, à contracter leur engagement dé-
cennal, à la condition, toutefois, qu'on leur
assurât une place pour cette année.
Je me permets, monsieur le rédacteur,
connaissant votre dévouement à la cause des
Instituteurs , d'appeler votre attention sur
une catégorie de jeunes gens qui ne sont
pas appelés à bénéficier des dispositions ci-
dessus et qui, cependant, méritent qu'on s'in-
téresse à eux.
Je veux parler de ceux qui, en grand nom-
bre, ont obtenu leur brevet ces dernières an-
nées, et qui, pour n'être pas passés par l'Ecole
normale, se trouvent actuellement sans place
et astreints au service militaire.
Voici, en effet, ce qui se passe com-
munément: Un jeune homme, vers seize
ou dix-sept ans, subit avec succès les
examens du brevet. Il demande un
poste d'instituteur. On lui répond, en
style administratif, qu'on a pris bonne
note de sa requête , qu'elle est classée
et qu'il ne lui reste plus qu'à attendre.
Il prend cette circulaire banale pour de
l'argent comptant; il attend sans mau-
gréer un an, deux ans, trois ans. Sur-
vient l'appel sous les drapeaux, et en
route pour le régiment. A vingt-cinq
ans , notre homme rentre au pays, tou-
jours avec son brevet, mais sans em-
ploi. Les demandes se sont accumulées
et ont eu le pas sur la sienne. Il n'est
pas instituteur et ne le sera jamais.
C'est un déclassé.
Ne vous semble-t-il pas, monsieur le ré-
dacteur, que M. le ministre ferait bien de gé-
néraliser la mesure qu'il a prise en faveur
des élèves sortis de l'Ecole normale et de
l'étendre à ceux que je viens de vous citer et
dont un petit nombre pourrait profiter, tout
au moins dans les départements où, comme
dans la Creuse, à ce que l'on m'a dit, il ne
reste plus à placer d'élèves de l'Ecole nor-
male.
Comme nous l'avons déjà fait obser-
ver à notre correspondant, cette assi-
milation ne nous paraît ni possible ni
souhaitable. Qu'on permette aux élèves
des Eooles normales de contracter un
engagement décennal, rien de plus na-
turel. En les appelant dans ces établis-
sements, l'Etat s'oblige envers ces jeu-
nes gens ; il leur doit une place à leur
sortie, et, s'il ne peut la leur donner
immédiatement, il les fait jouir au
moins, dans la mesure du possible, des
avantages qui y sont attachés.
A-t-il contracté des obligations pa-
reilles envers tous les brevetés ? Ce
n'est pas soutenable. On se figure -
et il n'est point actuellement de préjugé
plus tenace, — que tout brevet est né-
cessairement un billet à ordre signé par
l'Etat, qui s'engage à nommer M. X.
instituteur à une époque plus ou
moins éloignée. Rien n'est plus faux. Le
brevet donne des titres, mais seule
l'Ecole normale donne des droits.
L'assimilation telle que la souhaite-
rait notre correspondant ne serait, di-
sons-nous, ni équitable, ni possible. Le
ministre ne peut autoriser des jeunes
gens à contracter un engagement dé-
cennal que s'ils sont incorporés dans
l'enseignement public. Est-il en mesure
de donner des postes d'instituteurs à
tous les brevetés ? Peut-il soustraire au
service militaire, en dehors des cas pré-
vus par la loi, toute une catégorie de
jeunes gens ? Evidemment non.
Toutefois, parmi les observations qui
nous sont faites, il y en a une qu'on ne
saurait trop recommander à l'attention
bienveillante de l'administration :
Je vous ferai remarquer que, dans mon dé-
partement (la Creuse), les derniers postu-
lants nommés adjoints ne sortaient pas de l'E-
cole normale ; 11 est à supposer qu'il y aura
à pourvoir à de nouveaux postes dans le cou-
rant de cette année et très probablement
avant la sortie des élèves de l'Ecole normale,
puisqu'en 1886, du 1er mars au 30 juin, il y a
eu une quinzaine de nominations. Où choisir
ces jeunes gens alors? On ne peut les
prendre que parmi les derniers brevetés,
ceux qui le méritent le moins, les plus an-
ciens étant astreints au service militaire.
Sur ce dernier point, il doit y avoir
quelque chose à faire. Actuellement,
les vieux brevetés, ceux qui ont fait leur
demande et attendent depuis trois ou
quatre ans un emploi, vont répondre à
l'appel de leur classe. Les voilà au ré-
giment, et, en leur absence, les nou-
veaux venus, ceux qui ont leur brevet
depuis six mois, un an à peine, seront
installés dans les postes vacants. Comme
dans l'Evangile, les derniers seront les
premiers.
Est-il possible de prévoir pour l'an-
née le nombre des vacances probables,
de nommer provisoirement un nom-
bre égal d'anciens brevetés à des em-
plois de stagiaires, et de leur permettre,
à ce titre, de contracter l'engagement
décennal ? Nous le souhaitons vivement.
Le sort de ces anciens brevetés nous
semble intéressant, et l'administration
trouvera peut-être le moyen d'empê-
cher que, par suite des exigences du
service militaire, ils ne soient sacrifiés
au profit des candidats les plus jeunes
et les moins méritants.
Mais ne nous lassons pas de le redire
aux intéressés : ne comptez plus sur le
brevet seul pour devenir instituteurs.
D'abord, le brevet simple doit être,
vous le savez, exigé désormais des as-
pirants aux Ecoles normales, et ce sera
justice. Que prouve en effet ce brevet?
Que vous ferez un bon instituteur ?
Nullement, mais que vous possédez cer-
taines connaissances. Or, apprendre et
enseigner sont deux. « Enseigner, disait
un ancien, c'est apprendre deux fois».
Combien n'y a-t-il pas de professeurs
érudits, brevetés, gradés, diplômés, des
« puits de science », selon le terme vul-
gaire, qui sont, au demeurant, de détes-
tables maîtres? Combien de savants
n'ont aucune aptitude professionnelle ?
Il ne suffit pas de savoir lire pour être
capable d'enseigner à lire. Aussi, la loi
du 30 octobre a-t-elle très justement
décidé qu'à l'avenir, ce ne sera plus le
brevet, mais le certificat d'aptitude pé-
dagogique qui fera l'instituteur.
Jeunes gens qui vous destinez à l'en-
seignement public, suivez donc la bonne
voie, qui bientôt, sera la seule. Prenez
votre brevet et passez par l'Ecole nor-
male. C'est la vraie pépinière de nos
futurs instituteurs, et je ne puis trop
vous le redire : Dans quelques années,
hors des Ecoles normales, il n'y aura
plus de salut.
ANDRÉ BALZ.
On vend en ce moment sur la voie pu-
blique un tableau comparatif des forces
de terre et de mer de la France et de l'Al-
lemagne.
Ce tableau est extrait d'un journal an-
glais, qui l'a lui-même emprunté au projet
de loi sur le septennat militaire allemand.
Rien n'est moins exact que cette pré-
tendue comparaison, où des étrangers nous
donnent une supériorité que nous ne
possédons pas, afin de justifier l'augmen-
tation projetée par le gouvernement alle-
mand.
C'est ainsi que l'on y représente notre
infanterie comme plus nombreuse que
l'infanterie allemande sur le pied de paix,
alors que le contraire est vrai, même sans
tenir compte des exigences que nous im-
pose la sécurité de nos diverses colonies.
C'est ainsi encore qu'il y est dit que
l' « on se propose d'ajouter sur le pied de
paix : France, 44,000 hommes; Alle-
magne, 41,000 hommes », à l'effectif per-
manent actuel, etc., etc.
Que cette proposition ait été faite pour
l'armée allemande, nous le savons, et
l'Alsace-Lorraine en aura bientôt la preuve
par l'organisation de nouveaux bataillons
et de nouvelles batteries.
Mais il est inadmissible qu'un docu-
ment emprunté à l'étranger puisse répan-
dre en France des renseignements absolu-
ment inexacts.
—————————— ——————— ———
CHRONIQUE
Comme Gœthe, à Weimar, s'isolait
des choses, selon le vers de Gautier,
les conservateurs du musée du Louvre
continuent sereinement leur œuvré d'é-
rudition, en dépit de tout. C'est au mi-
lieu des plus graves préoccupations po-
litiques qui nous aient depuis longtemps
assaillis, que deux nouvelles salles se
sont ouvertes, sans bruit, offrant d'au-
tres merveilles artistiques laborieuse-
ment disputées. Car, avec les médiocres
ressources dont disposent les adminis-
trateurs de nos collections nationales,
il faut qu'en eux les savants soient dou-
blés de diplomates, pour arriver à arra-
cher les pièces rares, les objets de
haute valeur, à l'étranger.
C'est à la section égyptienne qu'ap-
partiennent les nouvelles salles, l'une
consacrée aux objets funéraires, l'autre
aux statues, aux fragments d'architec-
ture et aux stèles. M. Révillont, un
égyptologue. passionné, qui vit au mi-
lieu de ces épaves du passé comme au
milieu de choses familières, qui entend
le langage de tous ces souvenirs anti-
ques, qui s'est détaché de notre vie
contemporaine pour se plonger tout
entier dans l'évocation d'âges fabuleux
qui lui paraissent autrement intéres-
sants, a rangé toutes ces acquisitions
nouvelles avec amour. Il a bien voulu
me guider au milieu de ces dieux mon-
strueux, de ces blocs de granit couverts
d'hiéroglyphes, de ces sarcophages ba-
riolés de peintures vives encore ; puis,
après m'avoir complaisamment, à propos
de telle ou telle inscription, dévoilé les
mystères du temple d'Ammon ou du
Sérapéum de Memphis, faisant revivre
des rites grandioses et de troublantes
cérémonies, il m'a conduit devant des
vitrines où se trouvent, collés entre
deux plaques de verre, les précieux pa-
pyrus achetés récemment à une famille
arabe qui les détenait depuis près de
quatre-vingts ans, sans vouloir rien ra-
battre des premières prétentions émi-
ses.
Pourquoi, si profane que je sois,
sont-ce ces mystérieux papyrus, déchif-
frables pour quelques savants seule-
ment, comme M. Révillont, qui m'ont le
plus longtemps retenu ? Est-ce l'attrait
de l'énigme même? Les divinités, les
statues d'animaux sacrés ne parlent,
en rappelant des mythes religieux, qu'à
l'imagination. Mais là, avec tous ces
actes, ces contrats, ces traités qui ont
mis tant de passions en jeu, c'est de la
véritable humanité. De la joie, de la
colère, des larmes, de la haine, il y a
eu réellement de tous ces sentiments
autour de ces morceaux mutilés d'écri-
ture, que, avec une jouissance d'initiés,
comprennent quelques laborieux privi-
légiés. Voici, me dit-on, des séries de
copies de lois, d'actes de mariage et de
succession, dans les données de ce sys-
tème égyptien qui faisait de l'aîné le
tuteur de ses cadets ; puis un papyrus
de Darius, singulièrement vénérable;
puis encore, datant d'une époque pos-
térieure, un fragment d'un livre de sor-
cier, avec ses recettes démoniaques, et
des manuscrits copiés, par quelque
scribe savant, des poèmes d'Homère. A
traversles siècles écoulés, ces papyrus,
où de la pensée s'est écrite, vivent
mieux, par l'esprit, si délabrés qu'ils
soient, que de colossales statues intac-
tes.
Mes yeux s'arrêtent soudain sur une
petite assiette de terre placée au mi..
lieu de ces papyrus : « — Oh ! cela, dit M.
Révillont, c'est de la chronique galante
de l'Egypte. Un acte d'affranchisse-
ment d'une esclave et une promesse de
mariage. à la suite d'un souper, sans
doute ! »
Et voici que, involontairement, je ne
détache plus mes regards de cette hum-
ble assiette, qui semble confuse d'être
rangée au milieu de tant d'illustres
souvenirs, et, malgré moi, j'évoque
l'histoire de ce souper égyptien, Des
personnages prennent corps, se meu-
vent, et, dans mon rêve, j'entends leur
langue, je les vois sourire, agiter le vin
épais, dans les coupes, avec une cuiller
dont le manche représente un chien
allongé tenant une coquille dans sa
gueule, puis se griser de leurs paroles,
et cette scène de badinage finit presque
comme un drame.
Oui, c'est bien cela. Notre citadin de
Memphis ou de Philée est morose.
Comment s'appelle-t-il? Phta, Xemi ou
Uikeri? Ces désonnances égyptiennes
chantent dans ma tête. Il caresse d'un
air sombre sa belle barbe en pointe,.
coupée droite, et c'est avec quelque hu-
meur qu'il joue avec ses colliers à plu-
sieurs rangs, composés d'objets sym-
boliques, poissons sacrés, lézards, fleurs
de lotus. J'imagine toute une couleur
locale à ma portée, avec des souvenirs
classiques.
Phta est triste. Il vient d'être trompé
par quelque femme de son rang qu'il
aimait. Les chagrins d'amour sont aussi
vieux que le monde. Il marche à grands -
pas sur les dalles de sa chambre, aux
piliers carrés ; il est plein de colère et
d'ennui. Puis tout à coup l'idée lui vient
de chercher l'oubli, coûte que coûte.
C'est une soirée radieuse, l'air est plein
de parfums. Il y a au bord d'un lac ou
d'un fleuve, aux portes de la ville, une
taverne de campagne joyeuse. Il se rap-
pelle y avoir trouvé djà tout au moins
l'ivresse. Il appelle une esclave, une
belle fille à la crinière noire serrée
dans une petite chaîne qui figure des
vipères entrelacées, et il part avec elle,
sans daigner la regarder. Que lui im-
porte ? Il ne veut que s'étourdir. Et il
fait apporter les vins les plus capiteux,
ceux qui noient la tristesse la plus re-
belle.
L'esclave, interdite d'abord, sent de
vagues pensées de ruse et d'ambition
l'envahir, et elle se fait coquette, et sé-
duisante, et troublante. Si bien que le
bon Phta, déjà un peu gris, finit par la
regarder de près, et la trouve singuliè-
rement tentante. Il détache de sa poi-
trine un de ses colliers et le passe au
cou brun de sa compagne, qui se dé-
fend. Où est le souvenir de l'amie infi-
dèle? Phta ne songe plus à elle, il est
tout à l'esclave. Il a la tête tout à fait
tournée. Il la presse, elle résiste, elle
se dérobe, elle l'affole. Et voici l'hon-
nête Phta qui l'implore maintenant, lui,
le maître, ayant, dans sa poursuite, ren-
versé la table dont les pieds représen-
tent des pieds de taureau, tandis que
les éperviers aux ailes étendues sculp-
tés sur les murs semblent rire de lui.
L'espiègle fille, elle, a tout son sang-
froid et elle profite de ce caprice pour
poser d'incroyables conditions. Et Phta,
éperdu, consent à tout, à l'affrancbir
et même à l'épouser. -
Mais l'esclave se défie du réveil de la
raison de son maître, elle a peur du
lendemain, et la voici qui exige un con-
trat. Phta, qui a encore des éclairs de
conscience, essaye de résister. On n'a
point de papyrus sous la main.- « Bah !
répond-elle , une signature est bonne
n'importe où ! » Et elle prend une assiette,
elle fait apporter des tablettes, et Phta
écrit tout ce qu'elle veut. C'est un sou-
per qui coûté cher au pauvre Egyptien !
Voilà tout ce que j'ai vu sur cette as-
siette du Louvre, emporté dans un rêve
d'archéologie galante, qu'excusent des
indications positives, histoire d'il y a
deux mille ans, qui pourrait être une
histoire d'hier, car les siècles ont eu beau
s'amonceler, le pauvre faible cœur hu-
main n'a pas changé !
PAUL GINISTY.
LE PARLEMENT
SÉANCE DE LA CHAMBRE
Le budget de 1887
La Chambre laisse de côté la discussion de
la loi relative aux céréales, pour examiner le
budget de 1887 avec les changements intro-
duits par le Sénat. A deux heures, les dépu-
tés entrent en foule dans la salle des séan-
ces. Les bancs sont bien garnis ; la Chambre
est au grand complet. On s'attend à une
séance mouvementée. On sait, en effet, que
la commission du budget, qui s'était réunie
dans la matinée, avait décidé de proposer à
la Chambre l'acceptation des modifications
faites par le Sénat, et, d'un autre côté, on n'i-
gnore pas que l'Extrême-Gauche a résolu, il
l'unanimité, de maintenir les droits de la
Chambre en matière financière.
*
*
M. Dauphin, ministre des finances, dépose
les projets de loi modifiés par le Sénat, rela-
tifs au budget de 1887, et demande l'urgence%
L'urgence est déclarée et le renvoi à la com-
mission du budget prononcé.
Tandis que M. Wilson, rapporteur général
rédige, au nom de la commission, le rapport
concluant à l'acceptation des modifications du
Sénat, M. Borriglione monte à la tribune et
appelle l'attention du gouvernement sur la
situation des victimes du tremblement de
terre dans les Alpes-Maritimes.
Prix du numéro : Paris et départements : 15 centimes
Dimanche 27 février 1881
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&I ïr l KB E|H S BBp^fsH l MÊÊfy^^SjL KM vl pE« jjî||j9 m BffMj Mrp
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adresser au Secrétaire de la Rédaction
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RÉGISSEURS D'ANNo.CBIP f
MM. LAGRANGE, CERF ET (tlll
6, place de la Bourse, 6
BULLETIN
La Chambre des députés a statué, hier,
sur les modifications introduites dans le
budget de 1887 par le Sénat. Malgré l'a-
vis de la commission du budget, qui pro-
posait d'accepter ces différentes modifica-
tions telles quelles, la Chambre a engagé
une discussion sur chacun deschapiires
amendés .par le Sénat. Le gouvernement
a, par deux fois, posé nettement la ques-
tion, d'abord sur la réduction du traite-
ment des directeurs du ministère de l'in-
térieur, ensuite sur la question des sous-
préfets. Par 304 voix contre 155, dans le
premier cas, et ensuite par mains levées,
la Chambre a donné gain de cause au ca-
binet.
L'ensemble du budget des dépenses a
été adopté par 349 voix contre 40, et le
budget des recettes par 371 contre 39.
En somme, la Chambre a fait preuve,
dans cette séance, d'un désir très marqué
de conciliation ; elle a accepté, à la de-
mande du gouvernement, les modifica-
tions budgétaires qu'il jugeait nécessaires
au fonctionnement des services publics.
C'estau Sénat, maintenant, à faire le sacri-
fice de certaines de ses idées en matière
de crédits aux nécessités de l'heure pré-
sente. Nous connaissons assez l'esprit de
gouvernement qui anime le Sénat, pour
être certains que le budget sera définiti-
vement voté aujourd'hui, dans la séance
que la haute Chambre tient spécialement
pour cet objet, ce matin même.
Le gouvernement britannique vient de
subir un échec sensible dans le procès
qu'il avait intenté contre les députés irlan-
dais, membres de l'Association nationa-
liste.
On sait quel est le but poursuivi par
cette association. Elle a institué une sorte
de tribunal d'arbitrage devant lequel elle
fait comparaître les fermiers irlandais, et
qui fixe d'offbe les réductions qu'il juge
équitables sur le taux des redevances dues
anx landlords. Le gouvernement avait dé-
claré ces sentences illégales et mis en ac-
cusation les membres de l'association, par-
mi lesquels figurent M. Dillon et quelques
autres députés irlandais.
Malgré tous les efforts du ministère pu-
blic, malgré les récusations des jurés sus-
pects de complaisance pour l'association,
il n'a pas été possible d'obtenir du jury un
verdict de culpabilité rendu à l'unanimité,
ainsi que le veut la loi anglaise.
Si prévu qu'un tel résultat pût être, il
est certain qu'il vient de mettre le gou-
vernement dans une situation qui ne sau-
rait durer longtemps. D'un bout de l'Ir-
lande à l'autre, on proclame, dès ce
matin, que jamais un jury irlandais
ne prononcera désormais une condam-
nation dans des circonstances analo-
gues, et que, par conséquent, on peut
impunément fouler aux pieds la loi,
les contrats, résister à l'exécution des
décisions judiciaires, se débarrasser ainsi
des propriétaires ou landlords, et ne plus
payer, à partir de ce jour, ni rente, ni
loyer. S'il n'est pas immédiatement et pé-
remptoirement prouvé que ce ne sont là
que des illusions dangereuses pour ceux
qui pourraient s'y laisser prendre et agir
en conséquence, le désordre, l'anarchie
seront au comble sous très peu de jours,
et le mal ne pourrait peut-être plus céder
qu'à des remèdes tels, qu'on hésiterait à
les appliquer.
L'Alsace-Lorraine a mal voté, au gré de
M. de Bismarck. Faut-il l'en châtier par la
suppression de ses libertés et par l'inau-
guration d'un régime de compression?
Faut-il, au contraire, chercher à la germa-
niser par un système d'éducation nouveau
et par une série de mesures bienveillantes
qui auront pour effet de ramener les es-
prits à une plus saine appréciation des
bienfaits de l'administration allemande?
Compression ou séduction, telles sont
les deux méthodes de gouvernement que
l'on discute dans la presse allemande. Il
convient d'ajouter que la première pa-
raît être la plus en faveur et, à ce pro-
pos, la Strassbvrger Post fournit des indi-
cations qui ne manquent pas de précision.
La moindre des mesures répressives —
et préventives tout à la fois — proposées
par ce journal, serait la suppression de la
représentation de l'Alsace-Lorraine au
Reichstag et des conseils municipaux dans
les communes qui ont donné la majorité
aux députés protestataires. Plus de li-
bertés politiques, plus de franchises com-
munales, telle serait la formule nouvelle
de l'administration allemande en Alsace-
Lorraine. Nous ne nous arrêterons pas
à discuter le système du gouvernement
qui risquerait fort de faire des malheu-
reuses provinces annexées une Irlande
attachée aux flancs de l'empire allemand.
Combien plus sages sont ceux qui pro-
posent, comme moyen de pacification, la
neutralisation de l'Alsace-Lorraine, c'est-
à-dire quelque chose comme la Suisse et
la Belgique 1 C'est un rêve, évidemment,
qui n'est pas près de se réaliser. Si nos
voisins avaient la sagesse d'envisager le
présent et de prévoir l'avenir, ce serait la
véritable solution des difficultés avec les-
quelles ils sont aux prises depuis seize ans
et pour longtemps.
Louis HENRIQUE.
——————-———- -———————-—
INFORMATIONS PARTICULIÈRES
Conseil des ministres
Le conseil que les ministres ont tenu hier
matin à l'Elysée a été consacré exclusivement
à l'examen du budget de 1887 modifié par le
Sénat, en prévision de la discussion qui a eu
lieu hier après midi à la Chambre.
Les ministres avaient décidé de reporter de-
vant la Chambre le budget tel qu'il est sorti
des délibérations du Sénat.
La commission de la Chambre, qui avait
été convoquée au Palais-Bourbon à titre of-
ficieux, avait résolu, dans le désir d'éviter un
nouveau douzième provisoire, de ne faire au-
cune objection à l'adoption des modifications
Introduites par la Chambre haute, tout en
formulant des réserves en ce qui concerne la
question des prérogatives financières.
M. Wilson était chargé de présenter un rap-
port coBc uant dans ce sen
Le président de la République a ensuite si-
gné le projet relatif à la transformation de la
cote mobilière en un impôt de quotité.
Le coefficient minimum a été abaissé au
chiffre quatre. Une catégorie spéciale sera
créée pour Paris.
Le gouverneur de la Guyane
La nouvelle, donnée par quelques journaux,
du remplacement de M. Le Cardinal, gouver-
neur de la Guyane, est inexacte.
La France et le Maroc
Certains journaux espagnols continuant de
dire que le gouvernement français aurait de-
mandé au sultan du Maroc et obtenu de lui
des rectifications avantageuses de la frontière
algérienne. Ainsi que nous l'avons déjà fait
savoir, ces allégations sont absolument faus-
ses, et. rien, dans les incidents de ces derniè-
res semaines, ne pouvait y donner le moindre
prétexte.
Le nouveau motif qu'on allègue à l'appui
est au moins singulier. On annonce que le
sultan est arrivé à Fez avec des troupes ma-
rocaines et qu'il se dirige sur la frontière
d'Algérie.
Le gouvernement de la République a été,
en effet, avisé de l'expédition que le sultan
prépare pour assurer le maintien de l'ordre
dans la province d'Oujda, sur les confins du
territoire algérien ; mais cette expé iitioa, en-
tièrement conforme aux relations de bon voi-
sinage entre la France et le Maroc, serait, au
besoin, une nouvelle preuve de l'inexactitude
des informations dont il s'agit.
VOTES DE CONFIANCE
La laborieuse discussion du budget
peut être enfin considérée comme ter-
minée. La Chambre ayant maintenu
ses décisions antérieures en ce qui con-
cerne le personnel et le matériel du mi-
nistère des finances et le crédit pour
l'enseignement commercial et industriel,
il faut bien que le budget retourne au
Sénat, ce matin ; mais, comme le Sénat
a eu satisfaction sur plusieurs autres
points importants, il n'est pas douteux
qu'il acceptera les diminutions et les
rétablissements de crédit adoptés par la
Chambre. Le budget de 1887 est une
affaire définitivement réglée. Elle le sera,
du moins, dans quelques heures.
Mais ce résultat, désormais certain,
n'aura pas été le seul avantage de la
séance d'hier, une augmentation de crédit
de 5,000fr.pour le personnel de l'adminis-
tration centrale du ministère de l'intérieur
demandée par le gouvernement et votée
parle Sénat, a fourni au président du con-
seil une première occasion de monter à
la tribune. En quelques paroles très nettes
qui ont produit sur la Chambre une vive
impression, M. Goblet,réponda-nt à M. Mau-
rice Faure, a déclaré qu'il ne se chargerait
pas de continuer à diriger le ministère
de l'intérieur, s'il était obligé de réduire
le traitement des directeurs. Puis, élar-
gissant le débat et le portant sur le ter-
rain politique, il a rappelé que, lorsqu'un
ministère se fondait, il devait déclarer
au Parlement ce qu'il entendait faire,
que le ministère actuel s'était acquitté de
ce devoir, que la Chambre lui avait répon-
du en lui accordant sa confiance, que ce
vote avait formé entre la majorité et le
ministère un pacte qui liait les deux par-
ties et leur imposait des devoirs récipro-
ques auxquels l'une d'elles n'avait pas
le droit de se soustraire tant que l'autre
y restait fidèle. Le gouvernement, en
prenant le pouvoir, n'a fait que les pro-
messes qu'il jugeait réalisables. Il s'est
vu forcé, non sans regret, d'écarter
de son programme certaines réformes
auxquelles aspire la grande majorité
du parti républicain. Mais ce qu'il a
promis, il entend le tenir. Il a déclaré
qu'en première ligne des réformes pos-
sibles il plaçait la réforme administra-
tive et la réforme fiscale. Il a, en con-
séquence de cette déclaration, déposé
un projet de réforme administrative et
un projet de réforme fiscale. Mais, d'au-
tre part, le ministère avait prévenu la
Chambre qu'il demanderait au Sénat le
relèvement de certains crédits. Il a de-
mandé ce relèvement au Sénat, qui n'a
pas agi. en dehors de ses prérogatives
en les rétablissant star la demande du
gouvernement. En ce qui concerne le
relèvement du crédit pour le personnel
de l'administration centrale du minis-
tère de l'intérieur, c'est-à-dire pour le
traitement des directeurs, le président
du conseil a demandé à la Chambre de
le voter, en déclarant hautement qu'il
considérerait un vote contraire comme
un vote de défiance. La Chambre a ré-
pondu en donnant au cabinet une majo-
rité de 304 voix contre 155, sur 459 vo-
tants. Les journaux qui, à propos du
vote du Sénat dans la question des
sous-préfets, disaient, l'autre jour, que
le gouvernement était « tombé à plat»,
voudront sans doute bien reconnaître
une certaine portée à ce vote de la
Chambre des députés.
Précisément à propos de cette ques-
tion des sous-préfets qui avait amené,
on ne l'a pas oublié, la chute du minis-
tère Freycinet, le président du conseil
a de nouveau fait appel à la confiance
de la Chambre. On sait comment la
question se présentait. La Chambre
avait, malgré l'avis du précédent cabi-
net, supprimé le crédit des sous-pré-
fets, accomplissant ainsi par voie bud-
gétaire la grosse réforme de la sup-
pression des sous-préfectures. Une crise
ministérielle avait été la conséquence
de cette décision. M. Goblet avait an-
noncé à la Chambre son intention de de-
mander au Sénat le rétablissement de ce
crédit, mais en le réduisant de 1,435,000
francs à 1,400,000 fr. Le Sénat a voté
le chiffre de 1,435,000 fr. dans des con-
ditions que nous avons fait connaître
et sur lesquelles M. Goblet n'a pas dis-
simulé son sentiment. Il a cependant
demandé à la Chambre de voter le crédit
tel qu'il avait été adopté par le Sénat,
en déclarant que si la Chambre ne lui
accordait pas ce vote, elle le mettrait
dans l'impossibilité de réaliser la ré-
forme administrative qu'il avait entre-
prise.
« Ici encore, a-t-il déclaré, je suis obli-
gé de le dire, et cela, croyez-le bien, sans
aucun esprit de vanité ou d'arrogance,
mais pour remplir un devoir, — et il
faut toujours et quand même remplir
tout son devoir, — je suis obligé de
dire à la Chambre, qui nous a accordé
sa confiance lors de notre déclaration,
qu'elle doit nous la conserver si elle
veut nous permettre de gouverner. »
De nombreux applaudissements ont
salué ces paroles et la Chambre, reve-
nant sur son vote du mois de décembre,
a rétabli le crédit tel que le demandait
le gouvernement.
C'est une justice à rendre aux mem
bres les plus influents de l'Extrême-
Gauche qu'ils ont, dans - cette circons-
tance, donné une nouvelle preuve de
leur esprit politique. Comme dans le
vote des fonds secrets, ceux qui se
considéraient comme trop engagés n'ont
pas voulu, par un vote hostile, jouer le
jeu des adversaires du cabinet. M. Clé-
menceau, M. Pelletan, pour ne citer que
ceux-là, se sont abstenus. D'un autre
côté, parmi les amis de la République
française, qui déclarait hier que « le pre-
mier, le plus instant des devoirs des
mandataires du pays était de donner au
pays un autre gouvernement », aucun
n'a eu le courage de porter à la tribune
cette opinion et de déclarer qu'il refu-
sait au gouvernement sa confiance. M.
Spuller et se81 amis sont restés cloués
à leur banc. Bien plus, ils ont voté pour
le cabinet sans protester contre le sens
que le président du conseil avait par
avance donné à ce vote, tant il est vrai
qu'il n'est pas en politique de force
supérieure à la netteté, à la franchise
et au sincère désir de bien faire.
Quoi qu'on en puisse dire, le pays et
la Chambre veulent un gouvernement
qui soit capable, au dehors, de le faire
respecter sans le compromettre dans
aucune aventure, et, au dedans, de l'ai-
der dans l'accomplissement des réfor-
mes qui ont été de tout temps promises
par les républicains. Le ministère présidé
par M. Goblet a montré, comme nous le
disions hier, pendant la dernière crise,
qu'au point de vue extérieur il était à
la hauteur de sa tâche. Quant à son
désir de mener à bien toutes les réfor-
mes possibles, personne n'en suspecte
la sincérité. Dans ces conditions, il n'a
pas à se préoceuper des intrigues de
coul oirs et des conspirations de coteries.
Pour les déjouer, il n'a qu'à leur oppo-
ser la netteté, la loyauté, et, qu'on
nous passe l'expression, la crânerie
dont M. Goblet a fait preuve hier, et
dont ne devrait jamais se départir le
chef du gouvernement d'un grand pays.
A.-E. P.
------------ i.
L'article que M. Spuller consacrait dé-
montrer « l'urgence, l'extrême urgence »
de renverser le cabinet a obtenu dans la
presse un sérieux succès. La Justice s'en
empare, pour renvoyer aux opportunistes
le reproche qu'ils ont souvent adressé aux
radicaux de ne plus s'inquiéter de la sta-
bilité gouvernementale, à laquelle un
temple était consacré dans la Chaussée-
d'Antin. La Justice « ne nourrit pas pour
le cabinet actuel un enthousiasme immo-
déré ». Elle déclare cependant qu'il « y au-
rait injustice à méconnaître qu'au milieu
des difficultés extérieures que nous venons
de traverser, ce ministère a conservé l'atti-
tude calme, digne et prudente que le pays
avait le droit de réclamer de ses gouver-
nants». Elle demande « un cabinet d'union
pour l'action », et à ce désir elle oppose la
politique préconisée par M. Spuller, poli-
tique qui consiste à « réveiller les rancunes
assoupies, à excommunier à nouveau une
partie de la majorité républicaine ».
Mais la Justice est un journal radical.
Ses critiques peuvent paraître dictées par
l'esprit de parti. Ecoutons une autre voix
qui « n'hésite pas à blâmer absolument
la campagne que semble vouloir entamer
M. Spuller. » Le journal que nous citons
reconnaît que le cabinet a su « manœu-
vrer"très dignement et très patriotique-
ment dans les circonstances les plus déli-
cates et les plus graves. » Il pense que
« rien ne sert mieux la France en ce
moment que la stabilité ministérielle,
pourvu que les ministres sachent com-
prendre leur devoir, » et il termine par
ces lignes :
« Un ministère qui ne ferait pas ce que
veut la nation ne durerait pas vingt-quatre
heures, — et la nation, d'autre part, con-
damnerait sans rémission les brouillons
parlementaires qui n'abdiqueraient pas en
ce moment toutes les rancunes de grou-
pes, toutes les ambitions de partis et toutes
les jalousies de ratés. »
Le journal auquel nous empruntons ces
lignes est Paris. Même dans son parti,
surtout dans son parti, M. Spuller a ob-
tenu un franc succès.
A propos de l'Engagement décennal
Jusqu'au vote de la loi militaire, les
instituteurs sont admis, comme tous les
membres de l'enseignement public, à
contracter un engagement décennal qui
les dispense du service. Nous n'avons
nulle envie de réclamer en leur faveur
le maintien des anciens privilèges ; nous
connaissons leurs sentiments à cet
égard, et leur patriotisme serait à bon
droit blessé d'une semblable requête.
Mais ils sont en ce moment sous le
régime de l'engagement décennal, et on
nous adresse, à ce sujet, de la Creuse,
une lettre qui appelle quelques obser-
vations :
Le ministre de l'instruction publique a tout
récemment, si je suis bien informé, autorisé
les jeunes gens sortis de l'Ecole normale ap-
partenant à la classe de 1886 et non pourvus
d'un poste, à contracter leur engagement dé-
cennal, à la condition, toutefois, qu'on leur
assurât une place pour cette année.
Je me permets, monsieur le rédacteur,
connaissant votre dévouement à la cause des
Instituteurs , d'appeler votre attention sur
une catégorie de jeunes gens qui ne sont
pas appelés à bénéficier des dispositions ci-
dessus et qui, cependant, méritent qu'on s'in-
téresse à eux.
Je veux parler de ceux qui, en grand nom-
bre, ont obtenu leur brevet ces dernières an-
nées, et qui, pour n'être pas passés par l'Ecole
normale, se trouvent actuellement sans place
et astreints au service militaire.
Voici, en effet, ce qui se passe com-
munément: Un jeune homme, vers seize
ou dix-sept ans, subit avec succès les
examens du brevet. Il demande un
poste d'instituteur. On lui répond, en
style administratif, qu'on a pris bonne
note de sa requête , qu'elle est classée
et qu'il ne lui reste plus qu'à attendre.
Il prend cette circulaire banale pour de
l'argent comptant; il attend sans mau-
gréer un an, deux ans, trois ans. Sur-
vient l'appel sous les drapeaux, et en
route pour le régiment. A vingt-cinq
ans , notre homme rentre au pays, tou-
jours avec son brevet, mais sans em-
ploi. Les demandes se sont accumulées
et ont eu le pas sur la sienne. Il n'est
pas instituteur et ne le sera jamais.
C'est un déclassé.
Ne vous semble-t-il pas, monsieur le ré-
dacteur, que M. le ministre ferait bien de gé-
néraliser la mesure qu'il a prise en faveur
des élèves sortis de l'Ecole normale et de
l'étendre à ceux que je viens de vous citer et
dont un petit nombre pourrait profiter, tout
au moins dans les départements où, comme
dans la Creuse, à ce que l'on m'a dit, il ne
reste plus à placer d'élèves de l'Ecole nor-
male.
Comme nous l'avons déjà fait obser-
ver à notre correspondant, cette assi-
milation ne nous paraît ni possible ni
souhaitable. Qu'on permette aux élèves
des Eooles normales de contracter un
engagement décennal, rien de plus na-
turel. En les appelant dans ces établis-
sements, l'Etat s'oblige envers ces jeu-
nes gens ; il leur doit une place à leur
sortie, et, s'il ne peut la leur donner
immédiatement, il les fait jouir au
moins, dans la mesure du possible, des
avantages qui y sont attachés.
A-t-il contracté des obligations pa-
reilles envers tous les brevetés ? Ce
n'est pas soutenable. On se figure -
et il n'est point actuellement de préjugé
plus tenace, — que tout brevet est né-
cessairement un billet à ordre signé par
l'Etat, qui s'engage à nommer M. X.
instituteur à une époque plus ou
moins éloignée. Rien n'est plus faux. Le
brevet donne des titres, mais seule
l'Ecole normale donne des droits.
L'assimilation telle que la souhaite-
rait notre correspondant ne serait, di-
sons-nous, ni équitable, ni possible. Le
ministre ne peut autoriser des jeunes
gens à contracter un engagement dé-
cennal que s'ils sont incorporés dans
l'enseignement public. Est-il en mesure
de donner des postes d'instituteurs à
tous les brevetés ? Peut-il soustraire au
service militaire, en dehors des cas pré-
vus par la loi, toute une catégorie de
jeunes gens ? Evidemment non.
Toutefois, parmi les observations qui
nous sont faites, il y en a une qu'on ne
saurait trop recommander à l'attention
bienveillante de l'administration :
Je vous ferai remarquer que, dans mon dé-
partement (la Creuse), les derniers postu-
lants nommés adjoints ne sortaient pas de l'E-
cole normale ; 11 est à supposer qu'il y aura
à pourvoir à de nouveaux postes dans le cou-
rant de cette année et très probablement
avant la sortie des élèves de l'Ecole normale,
puisqu'en 1886, du 1er mars au 30 juin, il y a
eu une quinzaine de nominations. Où choisir
ces jeunes gens alors? On ne peut les
prendre que parmi les derniers brevetés,
ceux qui le méritent le moins, les plus an-
ciens étant astreints au service militaire.
Sur ce dernier point, il doit y avoir
quelque chose à faire. Actuellement,
les vieux brevetés, ceux qui ont fait leur
demande et attendent depuis trois ou
quatre ans un emploi, vont répondre à
l'appel de leur classe. Les voilà au ré-
giment, et, en leur absence, les nou-
veaux venus, ceux qui ont leur brevet
depuis six mois, un an à peine, seront
installés dans les postes vacants. Comme
dans l'Evangile, les derniers seront les
premiers.
Est-il possible de prévoir pour l'an-
née le nombre des vacances probables,
de nommer provisoirement un nom-
bre égal d'anciens brevetés à des em-
plois de stagiaires, et de leur permettre,
à ce titre, de contracter l'engagement
décennal ? Nous le souhaitons vivement.
Le sort de ces anciens brevetés nous
semble intéressant, et l'administration
trouvera peut-être le moyen d'empê-
cher que, par suite des exigences du
service militaire, ils ne soient sacrifiés
au profit des candidats les plus jeunes
et les moins méritants.
Mais ne nous lassons pas de le redire
aux intéressés : ne comptez plus sur le
brevet seul pour devenir instituteurs.
D'abord, le brevet simple doit être,
vous le savez, exigé désormais des as-
pirants aux Ecoles normales, et ce sera
justice. Que prouve en effet ce brevet?
Que vous ferez un bon instituteur ?
Nullement, mais que vous possédez cer-
taines connaissances. Or, apprendre et
enseigner sont deux. « Enseigner, disait
un ancien, c'est apprendre deux fois».
Combien n'y a-t-il pas de professeurs
érudits, brevetés, gradés, diplômés, des
« puits de science », selon le terme vul-
gaire, qui sont, au demeurant, de détes-
tables maîtres? Combien de savants
n'ont aucune aptitude professionnelle ?
Il ne suffit pas de savoir lire pour être
capable d'enseigner à lire. Aussi, la loi
du 30 octobre a-t-elle très justement
décidé qu'à l'avenir, ce ne sera plus le
brevet, mais le certificat d'aptitude pé-
dagogique qui fera l'instituteur.
Jeunes gens qui vous destinez à l'en-
seignement public, suivez donc la bonne
voie, qui bientôt, sera la seule. Prenez
votre brevet et passez par l'Ecole nor-
male. C'est la vraie pépinière de nos
futurs instituteurs, et je ne puis trop
vous le redire : Dans quelques années,
hors des Ecoles normales, il n'y aura
plus de salut.
ANDRÉ BALZ.
On vend en ce moment sur la voie pu-
blique un tableau comparatif des forces
de terre et de mer de la France et de l'Al-
lemagne.
Ce tableau est extrait d'un journal an-
glais, qui l'a lui-même emprunté au projet
de loi sur le septennat militaire allemand.
Rien n'est moins exact que cette pré-
tendue comparaison, où des étrangers nous
donnent une supériorité que nous ne
possédons pas, afin de justifier l'augmen-
tation projetée par le gouvernement alle-
mand.
C'est ainsi que l'on y représente notre
infanterie comme plus nombreuse que
l'infanterie allemande sur le pied de paix,
alors que le contraire est vrai, même sans
tenir compte des exigences que nous im-
pose la sécurité de nos diverses colonies.
C'est ainsi encore qu'il y est dit que
l' « on se propose d'ajouter sur le pied de
paix : France, 44,000 hommes; Alle-
magne, 41,000 hommes », à l'effectif per-
manent actuel, etc., etc.
Que cette proposition ait été faite pour
l'armée allemande, nous le savons, et
l'Alsace-Lorraine en aura bientôt la preuve
par l'organisation de nouveaux bataillons
et de nouvelles batteries.
Mais il est inadmissible qu'un docu-
ment emprunté à l'étranger puisse répan-
dre en France des renseignements absolu-
ment inexacts.
—————————— ——————— ———
CHRONIQUE
Comme Gœthe, à Weimar, s'isolait
des choses, selon le vers de Gautier,
les conservateurs du musée du Louvre
continuent sereinement leur œuvré d'é-
rudition, en dépit de tout. C'est au mi-
lieu des plus graves préoccupations po-
litiques qui nous aient depuis longtemps
assaillis, que deux nouvelles salles se
sont ouvertes, sans bruit, offrant d'au-
tres merveilles artistiques laborieuse-
ment disputées. Car, avec les médiocres
ressources dont disposent les adminis-
trateurs de nos collections nationales,
il faut qu'en eux les savants soient dou-
blés de diplomates, pour arriver à arra-
cher les pièces rares, les objets de
haute valeur, à l'étranger.
C'est à la section égyptienne qu'ap-
partiennent les nouvelles salles, l'une
consacrée aux objets funéraires, l'autre
aux statues, aux fragments d'architec-
ture et aux stèles. M. Révillont, un
égyptologue. passionné, qui vit au mi-
lieu de ces épaves du passé comme au
milieu de choses familières, qui entend
le langage de tous ces souvenirs anti-
ques, qui s'est détaché de notre vie
contemporaine pour se plonger tout
entier dans l'évocation d'âges fabuleux
qui lui paraissent autrement intéres-
sants, a rangé toutes ces acquisitions
nouvelles avec amour. Il a bien voulu
me guider au milieu de ces dieux mon-
strueux, de ces blocs de granit couverts
d'hiéroglyphes, de ces sarcophages ba-
riolés de peintures vives encore ; puis,
après m'avoir complaisamment, à propos
de telle ou telle inscription, dévoilé les
mystères du temple d'Ammon ou du
Sérapéum de Memphis, faisant revivre
des rites grandioses et de troublantes
cérémonies, il m'a conduit devant des
vitrines où se trouvent, collés entre
deux plaques de verre, les précieux pa-
pyrus achetés récemment à une famille
arabe qui les détenait depuis près de
quatre-vingts ans, sans vouloir rien ra-
battre des premières prétentions émi-
ses.
Pourquoi, si profane que je sois,
sont-ce ces mystérieux papyrus, déchif-
frables pour quelques savants seule-
ment, comme M. Révillont, qui m'ont le
plus longtemps retenu ? Est-ce l'attrait
de l'énigme même? Les divinités, les
statues d'animaux sacrés ne parlent,
en rappelant des mythes religieux, qu'à
l'imagination. Mais là, avec tous ces
actes, ces contrats, ces traités qui ont
mis tant de passions en jeu, c'est de la
véritable humanité. De la joie, de la
colère, des larmes, de la haine, il y a
eu réellement de tous ces sentiments
autour de ces morceaux mutilés d'écri-
ture, que, avec une jouissance d'initiés,
comprennent quelques laborieux privi-
légiés. Voici, me dit-on, des séries de
copies de lois, d'actes de mariage et de
succession, dans les données de ce sys-
tème égyptien qui faisait de l'aîné le
tuteur de ses cadets ; puis un papyrus
de Darius, singulièrement vénérable;
puis encore, datant d'une époque pos-
térieure, un fragment d'un livre de sor-
cier, avec ses recettes démoniaques, et
des manuscrits copiés, par quelque
scribe savant, des poèmes d'Homère. A
traversles siècles écoulés, ces papyrus,
où de la pensée s'est écrite, vivent
mieux, par l'esprit, si délabrés qu'ils
soient, que de colossales statues intac-
tes.
Mes yeux s'arrêtent soudain sur une
petite assiette de terre placée au mi..
lieu de ces papyrus : « — Oh ! cela, dit M.
Révillont, c'est de la chronique galante
de l'Egypte. Un acte d'affranchisse-
ment d'une esclave et une promesse de
mariage. à la suite d'un souper, sans
doute ! »
Et voici que, involontairement, je ne
détache plus mes regards de cette hum-
ble assiette, qui semble confuse d'être
rangée au milieu de tant d'illustres
souvenirs, et, malgré moi, j'évoque
l'histoire de ce souper égyptien, Des
personnages prennent corps, se meu-
vent, et, dans mon rêve, j'entends leur
langue, je les vois sourire, agiter le vin
épais, dans les coupes, avec une cuiller
dont le manche représente un chien
allongé tenant une coquille dans sa
gueule, puis se griser de leurs paroles,
et cette scène de badinage finit presque
comme un drame.
Oui, c'est bien cela. Notre citadin de
Memphis ou de Philée est morose.
Comment s'appelle-t-il? Phta, Xemi ou
Uikeri? Ces désonnances égyptiennes
chantent dans ma tête. Il caresse d'un
air sombre sa belle barbe en pointe,.
coupée droite, et c'est avec quelque hu-
meur qu'il joue avec ses colliers à plu-
sieurs rangs, composés d'objets sym-
boliques, poissons sacrés, lézards, fleurs
de lotus. J'imagine toute une couleur
locale à ma portée, avec des souvenirs
classiques.
Phta est triste. Il vient d'être trompé
par quelque femme de son rang qu'il
aimait. Les chagrins d'amour sont aussi
vieux que le monde. Il marche à grands -
pas sur les dalles de sa chambre, aux
piliers carrés ; il est plein de colère et
d'ennui. Puis tout à coup l'idée lui vient
de chercher l'oubli, coûte que coûte.
C'est une soirée radieuse, l'air est plein
de parfums. Il y a au bord d'un lac ou
d'un fleuve, aux portes de la ville, une
taverne de campagne joyeuse. Il se rap-
pelle y avoir trouvé djà tout au moins
l'ivresse. Il appelle une esclave, une
belle fille à la crinière noire serrée
dans une petite chaîne qui figure des
vipères entrelacées, et il part avec elle,
sans daigner la regarder. Que lui im-
porte ? Il ne veut que s'étourdir. Et il
fait apporter les vins les plus capiteux,
ceux qui noient la tristesse la plus re-
belle.
L'esclave, interdite d'abord, sent de
vagues pensées de ruse et d'ambition
l'envahir, et elle se fait coquette, et sé-
duisante, et troublante. Si bien que le
bon Phta, déjà un peu gris, finit par la
regarder de près, et la trouve singuliè-
rement tentante. Il détache de sa poi-
trine un de ses colliers et le passe au
cou brun de sa compagne, qui se dé-
fend. Où est le souvenir de l'amie infi-
dèle? Phta ne songe plus à elle, il est
tout à l'esclave. Il a la tête tout à fait
tournée. Il la presse, elle résiste, elle
se dérobe, elle l'affole. Et voici l'hon-
nête Phta qui l'implore maintenant, lui,
le maître, ayant, dans sa poursuite, ren-
versé la table dont les pieds représen-
tent des pieds de taureau, tandis que
les éperviers aux ailes étendues sculp-
tés sur les murs semblent rire de lui.
L'espiègle fille, elle, a tout son sang-
froid et elle profite de ce caprice pour
poser d'incroyables conditions. Et Phta,
éperdu, consent à tout, à l'affrancbir
et même à l'épouser. -
Mais l'esclave se défie du réveil de la
raison de son maître, elle a peur du
lendemain, et la voici qui exige un con-
trat. Phta, qui a encore des éclairs de
conscience, essaye de résister. On n'a
point de papyrus sous la main.- « Bah !
répond-elle , une signature est bonne
n'importe où ! » Et elle prend une assiette,
elle fait apporter des tablettes, et Phta
écrit tout ce qu'elle veut. C'est un sou-
per qui coûté cher au pauvre Egyptien !
Voilà tout ce que j'ai vu sur cette as-
siette du Louvre, emporté dans un rêve
d'archéologie galante, qu'excusent des
indications positives, histoire d'il y a
deux mille ans, qui pourrait être une
histoire d'hier, car les siècles ont eu beau
s'amonceler, le pauvre faible cœur hu-
main n'a pas changé !
PAUL GINISTY.
LE PARLEMENT
SÉANCE DE LA CHAMBRE
Le budget de 1887
La Chambre laisse de côté la discussion de
la loi relative aux céréales, pour examiner le
budget de 1887 avec les changements intro-
duits par le Sénat. A deux heures, les dépu-
tés entrent en foule dans la salle des séan-
ces. Les bancs sont bien garnis ; la Chambre
est au grand complet. On s'attend à une
séance mouvementée. On sait, en effet, que
la commission du budget, qui s'était réunie
dans la matinée, avait décidé de proposer à
la Chambre l'acceptation des modifications
faites par le Sénat, et, d'un autre côté, on n'i-
gnore pas que l'Extrême-Gauche a résolu, il
l'unanimité, de maintenir les droits de la
Chambre en matière financière.
*
*
M. Dauphin, ministre des finances, dépose
les projets de loi modifiés par le Sénat, rela-
tifs au budget de 1887, et demande l'urgence%
L'urgence est déclarée et le renvoi à la com-
mission du budget prononcé.
Tandis que M. Wilson, rapporteur général
rédige, au nom de la commission, le rapport
concluant à l'acceptation des modifications du
Sénat, M. Borriglione monte à la tribune et
appelle l'attention du gouvernement sur la
situation des victimes du tremblement de
terre dans les Alpes-Maritimes.
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