Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1887-02-19
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 19 février 1887 19 février 1887
Description : 1887/02/19 (A18,N5517). 1887/02/19 (A18,N5517).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
1 Bix-nuitiéme année - X. 5517 Prix du numéro: Paris et départements: 16 centimes 4 Il- : i Samedi là février 488T
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1
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de le renouveler, s'ils ne veulent pas
éprouver de retard dans la réception du
iournal. ■ »
» *
BULLETIN
'1 » -
La Belgique suit l'exemple de toutes les
puissances : elle augmente ses effectifs et
remanie son système défensif, par l'ad-
jonction de forteresses sur la Meuse. Long-
temps le gouvernement belge a essayé de
nier qu'il eût formé le projet de fortifier la
Meuse. Quand, il y a quelques mois, un
journal dévoila pour la première fois les
études entreprises par le général Brial-
mont, l'ingénieur militaire de la Belgique
dont la réputation est faite dans toutes les
armées, la nouvelle fut démentie. Elle
était vraie. La Belgique n'a qu'une foi mé-
diocre dans les conventions diplomatiques
qui garantissent la neutralité de son ter-
ritoire. Elle sait qu'elle ne peut pas se
prévaloir de la situation privilégiée que
les puissances lui ont reconnue depuis
1833, que tout autant qu'aucun de ses vol-
sins n'aurait intérêt à s'affranchir des en-
gagements souscrits par l'Europe entière.
Elle veut se garder contre cette éventua-
lité, en hérissant ses frontières de fortifica-
tions nouvelles.
Un projet de loi préparé par le minis-
tre de la guerre a été déposé, ces jours
derniers, à la Chambre belge, et paraît de-
voir être adopté à bref délai. On trouvera
plus loin quelques indications intéres-
santes sur la nature et l'importance des
travaux qui vont être exécutés sur la
Meuse, si déjà ils n'ont été entrepris. La
question a été portée, avant-hier, à la tri-
bune de façon incidente par M. Frère-
Orban, qui a demandé des renseigne-
ments complémentaires sur les projets
du gouvernement. '41
La réponse du général Pontus, ministre
de la guerre, a été assez vague et n'était
pas de nature à satislaire la légitime cu-
riosité des membres du Parlement, que
des préparatifs de guerre ont gravement
émus. Le président du conseil s'est réservé
de fournir des renseignements plus précis
devant la commission chargée de l'examen
du projet.
Sans doute, le chef du cabinet belge fera
connaître à quelles nécessités répondent
les travaux projetés, contre quelle puis-
sance la Belgique aurait besoin de se dé-
fendre en cas de guerre sur le Rhin, en
un mot, quelle est l'armée étrangère qui
pourrait, le cas échéant, violer la neutra.,
lité du territoire belge. Sans doute les dé-
clarations ministérielles seront très expli-
- cites sur ce point; sans doute aussi elles
seront tenues secrètes. Nous comprenons
bien qu'il en soit ainsi. Mais il est regret-
table qu'il n'en soit pas autrement. Bien
des bruits ont couru à ce sujet, qui n'ont
pas été démentis aussi complètement
qu'il eût fallu. On a dit, entre autres
choses, qu'un traité d'alliance aurait été
conclu entre l'Allemagne et la Belgique, et
que cette puissance s'était engagée à don-
ner passage, sur son territoire, aux ar-
mées allemandes en cas de guerre avpc la
France. Personne ne saurait ajouter foi à
une telle assertion. Quelles que puissent
être les sympathies de la cour de Bruxelles
pour la famille impériale de Berlin, il-
nous répugne de croire que le souverain
de Belgique ait pu se lier d'une façon si
compromettante vis-à-vis de l'empire alle-
mand, et conclure une convention qui est
une menace directe pour la France, t
Les Belges sont aveugles. Ils ne voient
pas que leur plus mortel ennemi n'est pas
la France, et que ce n'est pas nous qui
annexerons Anvers, dont nous n'avons que
faire.
Au surplus, les fortifications que la Bel-
gique va édifier sur la Meuse seront un
médiocre obstacle aux entreprises d'un
votsin peu scrupuleux, si la fortune veut
qu'elle soit une fois de plus le champ de
bataille de l'Europe. Les millions qu'on va
engloutir sur les rives de la Meuse seront
dépensés en pure perte, si le puissant
voisin a décidé que la Belgique est une
proie à sa convenance. -
1 '-'-" LOUIS HENRIQUB.
INFORMATIONS PARTICULIÈRES
,," » ■■ - * f * ■
Les protestations contre le relèvement
des droits sur les céréales 1
M. Chevillon, député des Bouchés-du-
Rhône, a présenté à M. Develle, ministre de
l'agriculture, les ouvriers du port de Mar-
seille qui venaient protester contre le relève-
ment des droits sur les céréales.
Le ministre a reconnu que la situation de
ces ouvriers était très intéressante ; 11 a pro-
mis d'en tenir compte. <
Il a fait observer, en outre, que les popula-
tions agricoles réclamaient un relèvement des
droits, et que, sans en faire une question de
portefeuille, il soutiendrait à la tribune ce
relèvement.
L'élection du Pas-de-Calais
Le congrès républicain du Pas-de-Calais,
réuni a Saint-Pol, a adopté à l'unanimité la
candidature de M. Ribot, ancien député, au
siège laissé vacant par la mort de M. Adam,
député conservateur, décédé. u
,.
Nous avons donné, hier, quelques in-
dications sommaires sur le projet de
réforme financière dont M. Dauphin a
entretenu ses collègues au dernier
conseil des ministres. On sait que, à la
veille de la clôture de la discussion du
budget à la Chambre des députés, le
ministre des finances, répondant à M.
Georges Perin, avait déclaré qu'il pré-
senterait prochainement un projet de loi
ayant pour but d'assurer une répartition
plus équitable des charges qui pèsent
sur le contribuable. M. Georges Perin
demandait à la Chambre de voter une
résolution invitant le gouvernement à
lui présenter un projet d'impôt, sur le
revenu unique et progressif. M. Dau-
phin déclara qu'il repoussait les mots
unique et progressif. C'est ainsi amen-
-- y -
dée, que la motion de M. Georges Perin
a été votée.. 11 - *
Avec la prompte exactitude dont le
cabinet présidé par M. Goblet parait
décidément s'être fait une règle, M. le
ministre des finances n'a pas tardé à
tenir l'engagement qu'il avait pris. Son
projet sera de nouveau discuté aujour-
d'hui par le conseil des ministres, et il
sera, dans une des prochaines séances,
déposé sur le bureau de la Chambre.
On sait qu'il consiste dans une transfor-
mation de l'impôt personnel et mobi-
lier, qui est aujourd'hui un impôt de
répartition, en un impôt de quotité. Le
Temps n'attend pas d'ea savoir davantage
pour le condamner a priori : « Ce projet,
dit-il, est un projet d'impôt sur le re-
venu moins le nom ; c'est l'impôt sur le
revenu masqué, mais d'autant plus per-
fide. » Nous ne voyons pas, pour notre
part, d'après ce que nous en savons, ce
qu'on peut découvrir de masqué dans
le projet de réforme de M. Dauphin.
La Chambre a invité le gouvernement
à lui présenter un projet d'impôt sur le
revenu, les membres du cabinet qui font
partie de la Chambre ont voté cette
proposition. M. Dauphin ne dissimule
en aucune façon que c'est le revenu
qu'il veut atteindre. Au lieu de sou-
mettre le contribuable à l'obligation de
déclarer ses revenus, comme cela se
pratique en Angleterre pour l'incorne
tax, ou de faire déterminer la valeur
de ses revenus par l'administration, il
prend la valeur locative comme l'indice
le moins trompeur de la richesse et
des revenus de chaque contribuable. En
même temps, il propose de rétablir au-
tant que possible l'égalité du contribua-
ble devant le fisc par la réforme d'un
impôt qui est perçu aujourd'hui d'après
des évaluations qui varient selon les
départements et selon les communes,
et qui, dans la plupart des cas, ne
correspondent plus à la valeur réelle
des propriétés. Si c'est cette ré-
forme que -le Temps prétend signaler
comme un danger à l'opinion et aux
Chambres, on pourrait lui demander
ce qu'il voulait dire quand, au lendemain
de la chute du cabinet Freycinet, il disait,
répondant à la Justice, que l'entente
pourrait et devrait se faire entre les ré-
publicains sur la réforme administrative
et sui* la réforme fiscale. A peine M. Go-
blet avait-il déposé son projet de ré-
forme administrative, que le Temps
l'a combattu. Voici qu'aujourd'hui le
ministre des finances propose à son tour
un projet de réforme fiscale, et le Temps
s'indigne. Peut-être faudrait-il chercher
le secret de cette indignation dans l'hor-
reur instinctive qu'inspire à certains po-
litiques la perspective de toute réforme,
quelle qu'elle soit. Mais, si vraiment on
veut que les ministres républicains ne
fassent rien ou même qu'ils s'appliquent
à conserver les abus et les injustices, si
l'on estime que l'idéal de la Répu-
blique doit être, à défaut de la réaction,
l'immobilisme, on ferait mieux de l'avouer
franchement. De cette manière, au
moins, chacun saurait à quoi s'en tenir,
et la politique en serait plus claire.
QUESTIONS DU JOUR
* En Alsace-Lorraine
Nous voici donc à la veille des élec-
tions du Reichstag. Il était temps pour
l'Alsace et pour la Lorraine, gouvernées
avec une férocité croissante depuis ces
quinze derniers jours. On les accuse, les
pauvres annexés, de « sympathies fran-
çaises ». Est-ce que l'Allemagne espé-
rait que des sympathies germaniques
naîtraient dans leurs cœurs? Ils sont
sujets allemands, ils sont soumis, en
cette qualité, aux lois de l'empire; ils
obéissent avec une résignation héroïque.
Mais est-il écrit dans le traité qu'on leur
arrachera du cœur l'amour de la France?
Empêchera-t-on qu'ils ne soient nés
Français?
Les voici maintenant menacés, per-
sécutés, traqués de toutes parts par la
police impériale, et pourquoi ? Parce
qu'ils se préparent à élire des annexés
comme eux, et à voter contre les pro-
jets militaires! N'est-ce pas leur droit
d'éleeteurs ? Les peut-on contraindre à
prendre pour représentants des Prus-
siens ou des Bavarois, ou même quel-
que chose de pis? Et s'ils refusent le
septennat, que font-ils autre chose que
le parti allemand du Centre, le parti
progressiste et le parti socialiste?
Ils agissent donc selon leur droit.
Quant aux lois allemandes, quant au
gouvernement impérial, ils obéissent à
ses lois; mais il n'est écrit dans au-
cune que les Alsaciens-Lorrains devront
élire des députés pour voter des sub-
sides en vue d'une guerre de l'empire
allemand contre la France. Le gouver-
nement les menace d'ajouter l'état de
siège à la dictature, si leurs élections
sont « mauvaises », pour employer le
propre mot de M. de Bismarck. Voilà la
politique allemande peinte par elle-
même. Le tableau s'achève. Qu'en pen-
sera l'Europe ? *
> ? EUG. LIÉBERT.
c.
, M. des Houx relève, dans le Constitu-
tionnel, les réflexions que nous avons
faites au sujet de la Droite républicaine.
Nous âvionsexprimé la crainte que si, dans
l'avenir, ce parti arrivait aux affaires, il
n'anéantît les conquêtes libérales. M. des
Houx nous engage à nous rassurer et pour
prouver que nos craintes ne sont pas fon-
dées, il dit : -,
« Il ne peut s'agir en France dans notre
pays égalisé, démocratisé jusqu'aux moel-
les, de modifier sous la forme républicaine,
ou même sous la monarchie telle que la
donnerait la maison d'Orléans, les condi-
tions essentielles de notre état social.
» Nous croyons nos esprits aussi ouverts
que ceux des radicaux aux réformes né-
cessaires, aux progrès et à l'admission des
libertés compatibles avec l'ordre et la mo-
rale publics. »
Ce n'est évidemment qu'une opinion
particulière. M. des Houx a eu, plus d'une
fois, l'honneur de marcher à l'avant-garde
de son parti, parfois même de le devan-
cer notablement, au point de perdre de
vue ceux qui étaient supposés le suivre.
Dernièrement, à propos de l'élection de
la Manche, il écrivait que s'il était élec-
teur dans ce département, il ne voterait
pas pour l'amiral Roussin, qu'il voterait
pour le républicain, et qu'en toute cir-
constance il voterait pour le républicain,
celui-ci fût-il radical, intransigeant, so-
cialiste. Les clameurs que cette déclaration
a fait pousser aux amis de M. des Houx
lui ont sans doute démontré que son alti-
tude n'était pas approuvée. Il en sera de
même aujourd'hui.
Dans son zèle de néophyte républicain,
M. des Houx va droit devant lui, sans son-
ger à ceux qui le suivent et qui vont plus
tentement. Il oublie qu'il est de la Droite,
pour se souvenir seulement qu'il est répu-
blicain. Mais d'autres droitiers ont sans
doute l'esprit moins ouvert qu'il ne l'a lui-
même « aux réformes nécessaires et aux
progrès », ou ils les entendent autrement,
car ce qu'ils demandent à la République
ou à la monarchie, c'est précisément de
faire le contraire de ce qui a été fait de-
puis dix ans. Précisons. Ils poursuivent
notamment l'abrogation des lois scolaires
et la suppression du divorce. Voilà, au
moins sur deux points, le programme des
Droites. M. des Houx est-il pour ou con-
tre ces destructions ? S'il en est partisan,
nos craintes ne sont pas aussi chiméri-
ques qu'il se plaît à le dire; s'il y est op-
posé, il est, dans son parti, à l'état d'ex-
ception peut-être unique, et nous n'avons
guère moins raison de concevoir quelques
craintes.
♦ Le seul motif qui pourrait diminuer nos
appréhensions, c'est que le moment (paraît
encore éloigné où les droitiers, même répu-
blicains, exerceront une action sur le gou-
vernement. Cette éventualité ne pourrait
être réalisée que si l'on arrivait à conclure
des alliances avec une fraction de la majo-
rité. M. Ranc examinait, hier, cette hypo-
thèse, et il ajoutait : « Ce n'est qu'un ca-
nard, mais un canard qu'il est bon d'étouf-
fer dans l'œuf. » Là encore, nous nous
trouvons en présence d'une opinion per-
sonnelle. M. Ranc ne croit pas aux négo-
ciations ; il n'admet pas l'hypothèse d'une
alliance. Mais d'autres peuvent penser
autrement ; ils peuvent être séduits par
l'espérance de ressaisir le pouvoir qui les
fuit, et il ne serait pas impossible qu'a-
près avoir aidé, à leur corps défendant,
à faire certaines réformes qu'ils désap-
prouvaient, ils fussentassez disposés à les
défaire. Le gouvernement qui résulterait
de cette entente, qui s'appuierait sur une
majorité où la Droite formerait l'élément
principal, nous ramènerait, comme le dit
M. Ranc, « un peu en arrière de M. Du-
faure ». Il constituerait donc, pour les
conquêtes libérales de ces dernières an-
nées, le danger que nous signalions et que
nous persistons à redouter, malgré les
assurances de M. des Houx et les dénéga-
tions de M. Ranc.
Un de nos confrères a reçu avis qu'un
fourgon chargé de casques de dragons
français aurait été vu à la porte de France,
à Metz. Il paraît même que ce fourgon était
suivi d'une autre voiture contenant des
uniformes également de dragons français.
-. Le fait est vrai.
Mais, comment l'interpréter ?
• Peut-on admettre que, réellement, le
sous-officier allemand qui escortait ce con-
voi, se soit soumis aux injonctions du
préposé de l'octroi qui le sommait d'avoir
à laisser visiter les voitures dont il avait la
responsabilité ? * * -
N'y a-t-il pas eu connivence entre l'au-
torité allemande et l'administration de
l'octroi de Metz ?
Des deux hypothèses, la seconde parait
la plus vraisemblable, car il est à supposer
que l'autorité militaire aurait pris toutes
ses précautions, si elle n'avait point cher-
ché à divulguer elle-même cet incident.
Quel était son but ? demandera-t-on.
Faire naître sans doute quelque agitation
à proximité de la frontière, tant en Lor-
raine qu'en France. Il faut, en effet, nous
attendre à des manœuvres de ce genre
jusqu'à la fin de la période électorale.
Mais elles ne nous troublent plus. !
LA LOI DE FINANCES
DE L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE
On a détaché de la loi du 30 octobre
toutes les dispositions financières pour
en faire l'objet d'une loi spéciale, et on
a bien fait, car il eût été impossible de
rien entreprendre avec un budget d'at-
tente aussi péniblement échafaudé que
le budget de 1887 r
Mais jusqu'au vote de cette loi, la si-
tuàtion d'une grande partie du person-
nel reste précaire et mal définie.
La loi du 30 octobre établit des ins-
tituteurs titulaires et des stagiaires. Les
titulaires existaient déjà, et leur traite-
ment est réglé par les lois antérieures.
Mais que de contradictions et d'absur-
dités dans cet arsenal de règlements
souvent fort embrouillés ! En voulez-
vous un exemple?
Un instituteur est appelé, il y a quel-
ques années, dans la commune de X.
Il n'avait dans son école qu'une vingtaine
d'enfants. Il travaille avec le zèle d'un
néophyte, et bientôt ses efforts sont
couronnés de succès. Au bout de quel-
ques années, l'école est trop petite et
le maître voit se presser autour de lui
plus de cent élèves. Tout le monde est
enchanté du résultat, à commencer par
le .conseil municipal, qui vote des félici-
tations au titulaire et s'empresse de
demander un instituteur adjoint.
Vous savez qu'actuellement les émo-
luments de l'instituteur se composent
d'un traitement fixe et d'un traitement
éventuel, qui varie avec le nombre des
élèves. En augmentant peu à peu le
chiffre de sa population scolaire, notre
homme était parvenu à se faire environ
1,400 fr. Avouez qu'il ne les avait pas
volés. ;
L'adjoint arrive. Il décharge le titulaire
d'une partie du service, mais il le dé-
charge en même temps d'une partie de
son traitement. L'éventuel doit être par-
tagé désormais entre les deux maîtres,
et voilà le titulaire qui, de par la loi de
1881, va redescendre de 1,400 fr. à
900 fr., à 1,000 fr. tout au plus. La pros-
périté de l'école, c'est pour lui la mi-
sère.
Ainsi, voilà un homme qui a travaillé
avec ardeur dans des circonstances par-
ticulièrement difficiles et réussi au delà
de tout espoir ; comment en est-il ré-
compensé? Par la diminution du tiers
de ses appointements. N'aurait-il, pas
mieux valu — pour lui, sinon pour la
commune — qu'il eût moins de succès
et moins d'élèves? S'il avait moins
réussi, son traitement ne serait pas au-
jourd'hui rogné. Une loi qui met ainsi
l'intérêt des fonctionnaires en opposi-
tion avec leur devoir, n'est-ce pas une
loi immorale au premier chef? Ne les
invite-t-elle pas à prendre pour mot
d'ordre le mot de Talleyrand : Pas trop
de zèle?
Je sais que le projet de loi soumis
aux Chambres supprime l'éventuel et
ne comprend plus que des traitements
fixes. Mais il ne suffit pas que d'aussi
criantes injustices soient impossibles à
l'avenir, l'administration devrait pren-
dre immédiatement des mesures pour
les réparer dans le présent. ,-"
Nous attendons également le vote de
la loi de finances pour être définitive-
ment fixés sur, la situation des sta-
giaires. On les assimile actuellement
aux adjoints. Ils ne peuvent être nom-
més titulaires qu'après un stage de deux
ans, et à condition d'être pourvus du
certificat d'aptitude pédagogique. 1
On a supposé, sans doute, que tous
subiraient avec succès les épreuves de
ce certificat. Mais, ou l'examen ne sera
qu'une simple formalité, et il risquerait
fort dans ce cas de devenir inutile, ou
il présentera certaines difficultés qui
ne le rendront pas accessible à tous les
stagiaires sans exception. Que devien-
dront ceux qui auront été éliminés à
plusieurs reprises? Resteront-ils sta-
giaires à perpétuité, ou devront-ils,
après une période d'essai, quitter l'en-
seignement, faute d'aptitudes? Il fau-
drait le dire nettement.
Certains articles de la loi du 39 octo-
bre sont enfin subordonnés dans leur
application au vote de la loi de finances.
C'est le cas de l'article 25, qui est ainsi
conçu :
Sont interdites aux instituteurs et institu-
trices publics de tout ordre les professions
commerciales et industrielles, et les fonctions
administratives.
Sont également interdits les emplois rému-
nérés ou gratuits dans les services des cultes.
Toutefois, cette dernière Interdiction n'aura
d'effet qu'après la promulgation de la loi re-
lative aux traitements des instituteurs.
- Il est évident que d'ici là, les institu-
teurs peuvent continuer à faire partie
du domestique de MM. les curés et
chanter au lutrin, à l'exemple des pre-
miers Capétiens. Il importe donc de
compléter bien vite les dispositions de
la loi du 30 octobre, si l'on veut qu'elle
soit laïque dans son application comme
dans son principe. -
J'ajoute qu'il y aurait d'autres incon-
vénients à remettre de session en ses-
sion la discussion d'une loi sur le trai-
tement des instituteurs. Un sentiment
de haute convenance défend aux dépu-
tés d'attendre pour. un pareil vote la
veille du jour où ils solliciteront de leurs
électeurs le renouvellement de leur
mandat. J' -
,/; ANDRÉ BALZ.
J' t
CHRONIQUE
La question agricole -,
tu « Ce qui manque le plus à l'agricul-
ture française, a dit M. Lyonnais dans
son beau discours contre la surtaxe des
blés étrangers, c'est l'instruction tech-
nique. Donnez-lui cette instruction tech-
nique qui lui fait défaut, et elle de-
viendra rémunératrice. »
Et il a cité, à l'appui de ses dires, le
rendement des propriétés de feu M. de
Pompéry. Grâce à une exploitation ha-
bile et savante, ces propriétés, sises en
Bretagne , c'est-à-dire dans un pays
dont le sol est loin d'être le plus riche
de France, ont octuplé de valeur, et
leur production normale atteint le chif-
fre énorme de 32 hectolitres à l'hectare.
La propriété foncière n'a donc pas
subi la dépréciation dont les protection-
nistes aiment à se plaindre. Le tout est
de savoir en tirer parti.
M. Lyonnais aurait pu citer d'autres
exemples, plus éloquents et plus dé-
cisifs encore. En pareille matière, on
n'a que l'embarras du choix. En voici
deux, au hasard de la plume :
*
.",
..,<
Le vénérable doyen des agronomes
de France, M. Richard (du Cantal), qui
a consacré sa vie au relèvement de no-
tre agriculture nationale, a mieux fait
o.!' f 9 •
que prêcher sa thèse : il l'a vécue pour
ainsi dire, il l'a traduite en actes, en ac-
tes qui en sont la démonstration irré-
fragable. Sur la ferme-école deSouliard,
en Auvergne, qu'il avait fondée et qu'il
dirigeait lui-même, il réussit, le plus ai-
sément du monde, à doubler et à tripler
le rendement à l'hectare, et, là où,
avant lui, avant l'inauguration de la
méthode scientifique qu'il incarnait, on
n'avait que 12 ou 14 hectolitres de blé
en moyenne, à en produire 25, 30 et
même 35. ■'
C'est de l'histoire, cela, de l'histoire
qui fût devenue féconde sans le 2 Dé-
cembre et la longue période de désar-
roi politique qui s'ensuivit, et qui en-
traîna la ruine, non seulement de la
ferme-école de Souliard, mais de tous
les autres établissements agronomiques
du même genre.
Il est bon d'ajouter que la science
n'était pas alors, à beaucoup près, aussi
avancée qu'aujourd'hui, et que l'agri-
culture, qui tient assez étroitement à
toutes les branches de l'activité humaine
pour qu'il ne soit pas une seule décou-
verte, pas un seul progrès, en chimie,
en météorologie, en botanique, en phy-
sique, en mécanique, etc., qui ne lui
puisse et ne lui doive profiter, était
loin de disposer d'autant de puissance
et de ressources.
Il suffit, pour s'en convaincre et
pour en concevoir les plus ambitieuses
espérances, de comparer les résultats
obtenus par M. Richard et par M. de
Pompéry avec ceux que signalait na-
guère M. Dehérain, dans une communi-
cation fameuse insérée au Bulletin de
l'Académie des sciences. A la suite d'une
longue série d'expériences, faites dans
le département du Nord et dans le dé-
partement du Pas-de-Calais, àWardrec-
ques et à Blaringhem, si j'ai bonne mé-
moire, M. Dehérain — dont personne
ne contestera la compétence et l'autorité
— M. Dehérain a établi que, grâce à
un choix méthodique des semences et
des fumures, on pouvait, avec l'espèce
de blé connu sous le nom de blé à épi
carré, obtenir des rendements fabuleux
de 40, 50, 60 et jusqu'à 70 hectolitres,
avec un bénéfice net de 4, 5 ou 600
francs, à l'hectare!
• „ » * < •. "b
4 * rt
Que sera-ce , quand la haute science,
un peu trop dédaigneuse, peut-être, des
choses de la terre, dont elle ne se pré-
occupe guère qu'en théorie et platoni-
quement, par acquit de conscience, se
sera mise résolument à la besogne?
L'imagination la plus audacieuse est-
elle seulement capable de concevoir ce
que pourra faire l'électricité, cette fée
des temps modernes , dont la baguette
magique est en train de révolutionner
le monde, quand elle aura une bonne
fois jeté son dévolu sur l'agriculture?
Il y a bel âge qu'on rêvait d'appliquer
la lumière électrique à la végétation,
mais on n'avait encore abouti à rien de
pratique. Si j'en crois un écho qui me
vient de l'autre bout de l'Europe, le
sphinx aurait enfin livré son secret. Un
savant russe, M. Smaguinine, aurait con-
staté que la lumière électrique, dont
l'homme est le maître, et qu'il règle et
dirige à sa guise, est, dans certaines
conditions déterminées, non seulement
équivalente, mais supérieure même, à
cet égard, àla lumière du soleil, laquelle
est toujours fantasque et capricieuse.
Pourquoi non, en fin de compte?
N'est-ce pas un fait constant que la te-
neur en sucre des betteraves varie sui-
vant leur orientation nord-sud ou est-
ouest? Les grands crus du Médoc et de
la Côte-d'Or ne doivent-ils pas leur par-
fum subtil et leur chaude poésie autant
à la façon dont le soleil a caressé les
pampres, qu'à la nature du terroir?
N'a-t-il pas été démontré que la lumière
avait une certaine influence sur — ré-
vérence parler — l'engraissement des
cochons, à telles enseignes que l'évolu-
tion du lard n'était pas la même selon
qu'on ne laissait parvenir aux « sujets »
que des rayons rouges ou des rayons
violets ? ■ *' • *
Tout cela,' somme toute , n'est ni
plus extraordinaire, ni plus mystérieux,
ni plus incompréhensible que l'effet
bienfaisant d'une lampe Swan ou d'un
brûleur Siemens sur les lilas, les as-
perges ou le maïs. <
1
* * *
Un autre est allé plus loin : il a direc-
tement électrisé le sol. Il a fait passer,
le long d'un réseau de fils conducteurs
enfouis à une certaine profondeur dans
les sillons, le courant de machines dy-
namos puissantes, et il a constaté que ce
traitement exerçait sur la récolte une
excellente action.
Ah ! nous ne sommes pas au bout des
surprises que nous réservent l'électri-
cité, la mécanique et la chimie. Ce n'est
rien moins qu'une révolution qui se pré-
pare, la plus profonde peut-être et la
plus formidable de toutes celles qui ont
affecté les choses humaines et les ar-
rangements sociaux 1 p
Pas plus tard qu'hier, un ingénieur
de vaste envergure me faisait cette pré-
diction ébouriffante :
— Avant un mois, vous entendrez
parler d'un électricien qui, dépassant
de mille coudées Marcel Deprez et con-
sorts, se fera fort de transporter la force
avec un rendement de 90 à 95 0[0, quell
que soit la distance !
Je vous le demande : que sera l'agri-
culture de l'avenir, si la prophétie se
réalise et s'il est permis d'utiliser à si
bon compte tant d'agents naturels à
peu près improductifs, depuis les chu-
tes d'eau jusqu'aux marées, et d'en ex-
pédier par fil l'énergie laborieuse d'un
bout du monde à l'autre, comme on
expédie aujourd'hui, télégraphiquement
ou téléphoniquement, une dépêche ou
un refrain d'opérette ?
Tout cela n'est rien encore, à côté de
l'affirmation de certains savants de l'U-
niversité de Prague. A en croire ceux-
là, la terre — vous entendez bien, la
terre ! — ne serait plus indispensable à
la production des céréales, à laquelle
suffirait un peu d'eau contenant en dis-
solution les substances constitutives de
l'humus. Autant dire que l'heure ap-
proche où la terre sera expropriée de
son rôle antique de nourricière de l'hu-
manité, où les gerbes et les légumes
auront remplacé sur nos balcons les
orateurs politiques, et où nos descen-
dants, plus favorisés que Sémiramis,
auront non seulement leurs jardins,
mais leurs champs suspendus. * -.
Ce sont là perspectives qui ne sem-
blent pas faites pour recruter une clien-
tèle au pessimisme des décadents, et
ce serait vraiment dommage de mourir
avant d'avoir assisté au moins au début
des merveilles que prédit ainsi M. Tou-
beau ,} , i
r #,. uiti-
Nous pourrions nous représenter le culti-
vateur des siècles futurs dans son atelier, en
face d'un baquet plein de terre — ou d'eau
humique — entouré de caisses d'engrais arti-
ficiels. A droite, un robinet; à gauche, une
machine électrique, et. dans le baquet, des
plantes alimentaires poussant à vue d'oeil.
On voit croître le végétal, comme on voit
grandir la toile sur le métier. On fabrique des
choux, des navets, des pommes de terre, de
l'orge, comme on fabrique du sucre ou des
alcools. ! !
1 Ji t.lIl..
Même sans aller si loin, et pour nous
en tenir aux possibilités immédiates de
l'heure présente, est-ce que les prodiges
réalisés par l'incomparable culture ma-
raîchère des environs de Paris ne sont
pas là pour montrer tout ce qu'on peut
tirer du ventre de la terre, pour peu
qu'on sache s'y prendre? Et ne serait-il
pas possible- d'appliquer à la culture des
céréales un peu au moins de ces pro-
cédés intensifs ? t
Les résultats obtenus par MM. Ri-
chard, de Pompéry, Dehérain suffisent
amplement, d'ailleurs, pour soutenir
avantageusement la lutte contre les blés
américains.
Ne nous y trompons pas, en effet.
Pour colossale et savante qu'elle pa-
raisse, la culture américaine est, cepen-
dant, plutôt extensive qu'intensive. Elle
ne produit guère que huit à dix hectoli-
tres à l'hectare. Seulement, comme elle
n'est grevée que de charges insignifian-
tes, comme elle opère sur des espaces
immenses, sur des milliers d'hectares,
regagnant en quantité ce qu'elle né-
glige en profondeur, elle peut se con-
tenter d'un bénéfice minuscule multi..
plié à l'infini. Il n'en serait plus de
même si la terre de France donnait tout
ce dont elle est capable, et l'équilibre
serait tôt rétabli, d'une façon plus du-
rable et plus rationnelle qu'à l'aide d'ar-
tifices fiscaux. fI
Mais comment régénérer l'agriculture
par l'application de ces méthodes tuté-
laires, si on ne les a point apprises ?.
Et nos paysans, routiniers, hélas! en ce
qui concerne l'outillage, le choix des se-
mences et des engrais,, les procédés de
culture, les habitudes et les traditions
agronomiques, en sont encore, dans les
trois quarts de nos campagnes, à l'épo-
que romaine, sinon même à l'époque
gauloise. ,. -..,
* De tous les arts, c'est l'art agricole
qui est resté le plus enfantin, le plus
rudimentaire ; c'est pourtant celui pour
lequel il y aurait le plus à faire.--..,.
M. Lyonnais a raison : c'est à la ré-
forme de l'enseignement technique qu'il
faut songer avant tout ; le meilleur
moyen de protéger les gens, on ne sau-
rait trop le redire, c'est de les armer
cour la lutte. v *
Jamais la proposition de ce modeste
instituteur primaire de Montmartre, M.
Coldefy, que j'ai analysée ici même
(Voir le XIXe Siècle du 18 juillet 1886),
n'a été aussi opportune. M. Coldefypro- *
posa, on le sait, d'en revenir aux idées
adoptées jadis par la Constituante de
1848, et tombées depuis en désuétude.
Il voudrait qu'on organisât dès l'école
primaire, à côté de l'enseignement pro-
fessionnel industriel, qui fait l'ouvrier
hors ligne, l'enseignement professionnel
agricole, qui fera le pay san sans rival.
C'est au département de la Seine qu'il
s'estadressé dès l'abord, comme à celui
dont les initiatives sont le plus conta-
gieuses, et ce qu'il lui demande, c'est
d'employer à la création d'une ferme-
école, qui serait à la fois un exemple, une
amorce et un modèle, les terrains de
Méry-sur-Oise qui devaient, au début,
servir à faire un cimetière. i
La question est pogée. A brève
échéance, l'opinion publique en sera di-
rectement saisie autrement que par la
voie de la presse. Il y a urgence à ce
qu'on la résolve. ;
.', RAOUL - LUCET. :
- ---- ———————————.
LA SITUATION EN EUROPE
—————. i
Londres, 18 février. — Le Standard publie
la dépêche suivante, de Vienne, que nous re-
produisons sous toutes réserves : 1''
« Je tiens d'une source que j'ai tout lieu de
croire bien informée, qu'une demande ten-
dant à ce que la France s'engage à observer
la neutralité, en cas de guerre en Orient, de-
mande qui pourrait constituer un casus belli,
sera adressée par l'Allemagne à la France
avant peu. Cela répond entièrement à ce qui
t t f * - , 1 ';\" f. i i
*fr JOURNAL RËPUBLICAIN - •> - "f
REDACTION
adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit i
16, rue Cadet, 16 :
Directeur politique :
A.- EDOUARD PORTALIS
- 1-- ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS.
Trois mois. 46 »»
Six mois. 32 »»
Un an. 62 »»
PARIS
Trois mois. t3 »»
Six mois. ®5 »» -
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Supplément p* l'Étranger (Europe) 1 fr. par trimestre
Les abonnent18 partent des 1er et 15 de chaque mois ,
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Adresser les Lettres et Mandats à l'Administrateur
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R °
EN VENTE A LONDRES
Et Abonnements pour l'Angleterre
Au bureau du XIX1 Sièolë
76, Finsbury Pavement, E. C.
RÉGISSEURS D'ANNOw.,..
MM. LAGRANGE; CERF ET 6, place de la Bourse e
î x
1
MM. les Souscripteurs dont L'abonne-
ment expire le 28 février sont priés
de le renouveler, s'ils ne veulent pas
éprouver de retard dans la réception du
iournal. ■ »
» *
BULLETIN
'1 » -
La Belgique suit l'exemple de toutes les
puissances : elle augmente ses effectifs et
remanie son système défensif, par l'ad-
jonction de forteresses sur la Meuse. Long-
temps le gouvernement belge a essayé de
nier qu'il eût formé le projet de fortifier la
Meuse. Quand, il y a quelques mois, un
journal dévoila pour la première fois les
études entreprises par le général Brial-
mont, l'ingénieur militaire de la Belgique
dont la réputation est faite dans toutes les
armées, la nouvelle fut démentie. Elle
était vraie. La Belgique n'a qu'une foi mé-
diocre dans les conventions diplomatiques
qui garantissent la neutralité de son ter-
ritoire. Elle sait qu'elle ne peut pas se
prévaloir de la situation privilégiée que
les puissances lui ont reconnue depuis
1833, que tout autant qu'aucun de ses vol-
sins n'aurait intérêt à s'affranchir des en-
gagements souscrits par l'Europe entière.
Elle veut se garder contre cette éventua-
lité, en hérissant ses frontières de fortifica-
tions nouvelles.
Un projet de loi préparé par le minis-
tre de la guerre a été déposé, ces jours
derniers, à la Chambre belge, et paraît de-
voir être adopté à bref délai. On trouvera
plus loin quelques indications intéres-
santes sur la nature et l'importance des
travaux qui vont être exécutés sur la
Meuse, si déjà ils n'ont été entrepris. La
question a été portée, avant-hier, à la tri-
bune de façon incidente par M. Frère-
Orban, qui a demandé des renseigne-
ments complémentaires sur les projets
du gouvernement. '41
La réponse du général Pontus, ministre
de la guerre, a été assez vague et n'était
pas de nature à satislaire la légitime cu-
riosité des membres du Parlement, que
des préparatifs de guerre ont gravement
émus. Le président du conseil s'est réservé
de fournir des renseignements plus précis
devant la commission chargée de l'examen
du projet.
Sans doute, le chef du cabinet belge fera
connaître à quelles nécessités répondent
les travaux projetés, contre quelle puis-
sance la Belgique aurait besoin de se dé-
fendre en cas de guerre sur le Rhin, en
un mot, quelle est l'armée étrangère qui
pourrait, le cas échéant, violer la neutra.,
lité du territoire belge. Sans doute les dé-
clarations ministérielles seront très expli-
- cites sur ce point; sans doute aussi elles
seront tenues secrètes. Nous comprenons
bien qu'il en soit ainsi. Mais il est regret-
table qu'il n'en soit pas autrement. Bien
des bruits ont couru à ce sujet, qui n'ont
pas été démentis aussi complètement
qu'il eût fallu. On a dit, entre autres
choses, qu'un traité d'alliance aurait été
conclu entre l'Allemagne et la Belgique, et
que cette puissance s'était engagée à don-
ner passage, sur son territoire, aux ar-
mées allemandes en cas de guerre avpc la
France. Personne ne saurait ajouter foi à
une telle assertion. Quelles que puissent
être les sympathies de la cour de Bruxelles
pour la famille impériale de Berlin, il-
nous répugne de croire que le souverain
de Belgique ait pu se lier d'une façon si
compromettante vis-à-vis de l'empire alle-
mand, et conclure une convention qui est
une menace directe pour la France, t
Les Belges sont aveugles. Ils ne voient
pas que leur plus mortel ennemi n'est pas
la France, et que ce n'est pas nous qui
annexerons Anvers, dont nous n'avons que
faire.
Au surplus, les fortifications que la Bel-
gique va édifier sur la Meuse seront un
médiocre obstacle aux entreprises d'un
votsin peu scrupuleux, si la fortune veut
qu'elle soit une fois de plus le champ de
bataille de l'Europe. Les millions qu'on va
engloutir sur les rives de la Meuse seront
dépensés en pure perte, si le puissant
voisin a décidé que la Belgique est une
proie à sa convenance. -
1 '-'-" LOUIS HENRIQUB.
INFORMATIONS PARTICULIÈRES
,," » ■■ - * f * ■
Les protestations contre le relèvement
des droits sur les céréales 1
M. Chevillon, député des Bouchés-du-
Rhône, a présenté à M. Develle, ministre de
l'agriculture, les ouvriers du port de Mar-
seille qui venaient protester contre le relève-
ment des droits sur les céréales.
Le ministre a reconnu que la situation de
ces ouvriers était très intéressante ; 11 a pro-
mis d'en tenir compte. <
Il a fait observer, en outre, que les popula-
tions agricoles réclamaient un relèvement des
droits, et que, sans en faire une question de
portefeuille, il soutiendrait à la tribune ce
relèvement.
L'élection du Pas-de-Calais
Le congrès républicain du Pas-de-Calais,
réuni a Saint-Pol, a adopté à l'unanimité la
candidature de M. Ribot, ancien député, au
siège laissé vacant par la mort de M. Adam,
député conservateur, décédé. u
,.
Nous avons donné, hier, quelques in-
dications sommaires sur le projet de
réforme financière dont M. Dauphin a
entretenu ses collègues au dernier
conseil des ministres. On sait que, à la
veille de la clôture de la discussion du
budget à la Chambre des députés, le
ministre des finances, répondant à M.
Georges Perin, avait déclaré qu'il pré-
senterait prochainement un projet de loi
ayant pour but d'assurer une répartition
plus équitable des charges qui pèsent
sur le contribuable. M. Georges Perin
demandait à la Chambre de voter une
résolution invitant le gouvernement à
lui présenter un projet d'impôt, sur le
revenu unique et progressif. M. Dau-
phin déclara qu'il repoussait les mots
unique et progressif. C'est ainsi amen-
-- y -
dée, que la motion de M. Georges Perin
a été votée.. 11 - *
Avec la prompte exactitude dont le
cabinet présidé par M. Goblet parait
décidément s'être fait une règle, M. le
ministre des finances n'a pas tardé à
tenir l'engagement qu'il avait pris. Son
projet sera de nouveau discuté aujour-
d'hui par le conseil des ministres, et il
sera, dans une des prochaines séances,
déposé sur le bureau de la Chambre.
On sait qu'il consiste dans une transfor-
mation de l'impôt personnel et mobi-
lier, qui est aujourd'hui un impôt de
répartition, en un impôt de quotité. Le
Temps n'attend pas d'ea savoir davantage
pour le condamner a priori : « Ce projet,
dit-il, est un projet d'impôt sur le re-
venu moins le nom ; c'est l'impôt sur le
revenu masqué, mais d'autant plus per-
fide. » Nous ne voyons pas, pour notre
part, d'après ce que nous en savons, ce
qu'on peut découvrir de masqué dans
le projet de réforme de M. Dauphin.
La Chambre a invité le gouvernement
à lui présenter un projet d'impôt sur le
revenu, les membres du cabinet qui font
partie de la Chambre ont voté cette
proposition. M. Dauphin ne dissimule
en aucune façon que c'est le revenu
qu'il veut atteindre. Au lieu de sou-
mettre le contribuable à l'obligation de
déclarer ses revenus, comme cela se
pratique en Angleterre pour l'incorne
tax, ou de faire déterminer la valeur
de ses revenus par l'administration, il
prend la valeur locative comme l'indice
le moins trompeur de la richesse et
des revenus de chaque contribuable. En
même temps, il propose de rétablir au-
tant que possible l'égalité du contribua-
ble devant le fisc par la réforme d'un
impôt qui est perçu aujourd'hui d'après
des évaluations qui varient selon les
départements et selon les communes,
et qui, dans la plupart des cas, ne
correspondent plus à la valeur réelle
des propriétés. Si c'est cette ré-
forme que -le Temps prétend signaler
comme un danger à l'opinion et aux
Chambres, on pourrait lui demander
ce qu'il voulait dire quand, au lendemain
de la chute du cabinet Freycinet, il disait,
répondant à la Justice, que l'entente
pourrait et devrait se faire entre les ré-
publicains sur la réforme administrative
et sui* la réforme fiscale. A peine M. Go-
blet avait-il déposé son projet de ré-
forme administrative, que le Temps
l'a combattu. Voici qu'aujourd'hui le
ministre des finances propose à son tour
un projet de réforme fiscale, et le Temps
s'indigne. Peut-être faudrait-il chercher
le secret de cette indignation dans l'hor-
reur instinctive qu'inspire à certains po-
litiques la perspective de toute réforme,
quelle qu'elle soit. Mais, si vraiment on
veut que les ministres républicains ne
fassent rien ou même qu'ils s'appliquent
à conserver les abus et les injustices, si
l'on estime que l'idéal de la Répu-
blique doit être, à défaut de la réaction,
l'immobilisme, on ferait mieux de l'avouer
franchement. De cette manière, au
moins, chacun saurait à quoi s'en tenir,
et la politique en serait plus claire.
QUESTIONS DU JOUR
* En Alsace-Lorraine
Nous voici donc à la veille des élec-
tions du Reichstag. Il était temps pour
l'Alsace et pour la Lorraine, gouvernées
avec une férocité croissante depuis ces
quinze derniers jours. On les accuse, les
pauvres annexés, de « sympathies fran-
çaises ». Est-ce que l'Allemagne espé-
rait que des sympathies germaniques
naîtraient dans leurs cœurs? Ils sont
sujets allemands, ils sont soumis, en
cette qualité, aux lois de l'empire; ils
obéissent avec une résignation héroïque.
Mais est-il écrit dans le traité qu'on leur
arrachera du cœur l'amour de la France?
Empêchera-t-on qu'ils ne soient nés
Français?
Les voici maintenant menacés, per-
sécutés, traqués de toutes parts par la
police impériale, et pourquoi ? Parce
qu'ils se préparent à élire des annexés
comme eux, et à voter contre les pro-
jets militaires! N'est-ce pas leur droit
d'éleeteurs ? Les peut-on contraindre à
prendre pour représentants des Prus-
siens ou des Bavarois, ou même quel-
que chose de pis? Et s'ils refusent le
septennat, que font-ils autre chose que
le parti allemand du Centre, le parti
progressiste et le parti socialiste?
Ils agissent donc selon leur droit.
Quant aux lois allemandes, quant au
gouvernement impérial, ils obéissent à
ses lois; mais il n'est écrit dans au-
cune que les Alsaciens-Lorrains devront
élire des députés pour voter des sub-
sides en vue d'une guerre de l'empire
allemand contre la France. Le gouver-
nement les menace d'ajouter l'état de
siège à la dictature, si leurs élections
sont « mauvaises », pour employer le
propre mot de M. de Bismarck. Voilà la
politique allemande peinte par elle-
même. Le tableau s'achève. Qu'en pen-
sera l'Europe ? *
> ? EUG. LIÉBERT.
c.
, M. des Houx relève, dans le Constitu-
tionnel, les réflexions que nous avons
faites au sujet de la Droite républicaine.
Nous âvionsexprimé la crainte que si, dans
l'avenir, ce parti arrivait aux affaires, il
n'anéantît les conquêtes libérales. M. des
Houx nous engage à nous rassurer et pour
prouver que nos craintes ne sont pas fon-
dées, il dit : -,
« Il ne peut s'agir en France dans notre
pays égalisé, démocratisé jusqu'aux moel-
les, de modifier sous la forme républicaine,
ou même sous la monarchie telle que la
donnerait la maison d'Orléans, les condi-
tions essentielles de notre état social.
» Nous croyons nos esprits aussi ouverts
que ceux des radicaux aux réformes né-
cessaires, aux progrès et à l'admission des
libertés compatibles avec l'ordre et la mo-
rale publics. »
Ce n'est évidemment qu'une opinion
particulière. M. des Houx a eu, plus d'une
fois, l'honneur de marcher à l'avant-garde
de son parti, parfois même de le devan-
cer notablement, au point de perdre de
vue ceux qui étaient supposés le suivre.
Dernièrement, à propos de l'élection de
la Manche, il écrivait que s'il était élec-
teur dans ce département, il ne voterait
pas pour l'amiral Roussin, qu'il voterait
pour le républicain, et qu'en toute cir-
constance il voterait pour le républicain,
celui-ci fût-il radical, intransigeant, so-
cialiste. Les clameurs que cette déclaration
a fait pousser aux amis de M. des Houx
lui ont sans doute démontré que son alti-
tude n'était pas approuvée. Il en sera de
même aujourd'hui.
Dans son zèle de néophyte républicain,
M. des Houx va droit devant lui, sans son-
ger à ceux qui le suivent et qui vont plus
tentement. Il oublie qu'il est de la Droite,
pour se souvenir seulement qu'il est répu-
blicain. Mais d'autres droitiers ont sans
doute l'esprit moins ouvert qu'il ne l'a lui-
même « aux réformes nécessaires et aux
progrès », ou ils les entendent autrement,
car ce qu'ils demandent à la République
ou à la monarchie, c'est précisément de
faire le contraire de ce qui a été fait de-
puis dix ans. Précisons. Ils poursuivent
notamment l'abrogation des lois scolaires
et la suppression du divorce. Voilà, au
moins sur deux points, le programme des
Droites. M. des Houx est-il pour ou con-
tre ces destructions ? S'il en est partisan,
nos craintes ne sont pas aussi chiméri-
ques qu'il se plaît à le dire; s'il y est op-
posé, il est, dans son parti, à l'état d'ex-
ception peut-être unique, et nous n'avons
guère moins raison de concevoir quelques
craintes.
♦ Le seul motif qui pourrait diminuer nos
appréhensions, c'est que le moment (paraît
encore éloigné où les droitiers, même répu-
blicains, exerceront une action sur le gou-
vernement. Cette éventualité ne pourrait
être réalisée que si l'on arrivait à conclure
des alliances avec une fraction de la majo-
rité. M. Ranc examinait, hier, cette hypo-
thèse, et il ajoutait : « Ce n'est qu'un ca-
nard, mais un canard qu'il est bon d'étouf-
fer dans l'œuf. » Là encore, nous nous
trouvons en présence d'une opinion per-
sonnelle. M. Ranc ne croit pas aux négo-
ciations ; il n'admet pas l'hypothèse d'une
alliance. Mais d'autres peuvent penser
autrement ; ils peuvent être séduits par
l'espérance de ressaisir le pouvoir qui les
fuit, et il ne serait pas impossible qu'a-
près avoir aidé, à leur corps défendant,
à faire certaines réformes qu'ils désap-
prouvaient, ils fussentassez disposés à les
défaire. Le gouvernement qui résulterait
de cette entente, qui s'appuierait sur une
majorité où la Droite formerait l'élément
principal, nous ramènerait, comme le dit
M. Ranc, « un peu en arrière de M. Du-
faure ». Il constituerait donc, pour les
conquêtes libérales de ces dernières an-
nées, le danger que nous signalions et que
nous persistons à redouter, malgré les
assurances de M. des Houx et les dénéga-
tions de M. Ranc.
Un de nos confrères a reçu avis qu'un
fourgon chargé de casques de dragons
français aurait été vu à la porte de France,
à Metz. Il paraît même que ce fourgon était
suivi d'une autre voiture contenant des
uniformes également de dragons français.
-. Le fait est vrai.
Mais, comment l'interpréter ?
• Peut-on admettre que, réellement, le
sous-officier allemand qui escortait ce con-
voi, se soit soumis aux injonctions du
préposé de l'octroi qui le sommait d'avoir
à laisser visiter les voitures dont il avait la
responsabilité ? * * -
N'y a-t-il pas eu connivence entre l'au-
torité allemande et l'administration de
l'octroi de Metz ?
Des deux hypothèses, la seconde parait
la plus vraisemblable, car il est à supposer
que l'autorité militaire aurait pris toutes
ses précautions, si elle n'avait point cher-
ché à divulguer elle-même cet incident.
Quel était son but ? demandera-t-on.
Faire naître sans doute quelque agitation
à proximité de la frontière, tant en Lor-
raine qu'en France. Il faut, en effet, nous
attendre à des manœuvres de ce genre
jusqu'à la fin de la période électorale.
Mais elles ne nous troublent plus. !
LA LOI DE FINANCES
DE L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE
On a détaché de la loi du 30 octobre
toutes les dispositions financières pour
en faire l'objet d'une loi spéciale, et on
a bien fait, car il eût été impossible de
rien entreprendre avec un budget d'at-
tente aussi péniblement échafaudé que
le budget de 1887 r
Mais jusqu'au vote de cette loi, la si-
tuàtion d'une grande partie du person-
nel reste précaire et mal définie.
La loi du 30 octobre établit des ins-
tituteurs titulaires et des stagiaires. Les
titulaires existaient déjà, et leur traite-
ment est réglé par les lois antérieures.
Mais que de contradictions et d'absur-
dités dans cet arsenal de règlements
souvent fort embrouillés ! En voulez-
vous un exemple?
Un instituteur est appelé, il y a quel-
ques années, dans la commune de X.
Il n'avait dans son école qu'une vingtaine
d'enfants. Il travaille avec le zèle d'un
néophyte, et bientôt ses efforts sont
couronnés de succès. Au bout de quel-
ques années, l'école est trop petite et
le maître voit se presser autour de lui
plus de cent élèves. Tout le monde est
enchanté du résultat, à commencer par
le .conseil municipal, qui vote des félici-
tations au titulaire et s'empresse de
demander un instituteur adjoint.
Vous savez qu'actuellement les émo-
luments de l'instituteur se composent
d'un traitement fixe et d'un traitement
éventuel, qui varie avec le nombre des
élèves. En augmentant peu à peu le
chiffre de sa population scolaire, notre
homme était parvenu à se faire environ
1,400 fr. Avouez qu'il ne les avait pas
volés. ;
L'adjoint arrive. Il décharge le titulaire
d'une partie du service, mais il le dé-
charge en même temps d'une partie de
son traitement. L'éventuel doit être par-
tagé désormais entre les deux maîtres,
et voilà le titulaire qui, de par la loi de
1881, va redescendre de 1,400 fr. à
900 fr., à 1,000 fr. tout au plus. La pros-
périté de l'école, c'est pour lui la mi-
sère.
Ainsi, voilà un homme qui a travaillé
avec ardeur dans des circonstances par-
ticulièrement difficiles et réussi au delà
de tout espoir ; comment en est-il ré-
compensé? Par la diminution du tiers
de ses appointements. N'aurait-il, pas
mieux valu — pour lui, sinon pour la
commune — qu'il eût moins de succès
et moins d'élèves? S'il avait moins
réussi, son traitement ne serait pas au-
jourd'hui rogné. Une loi qui met ainsi
l'intérêt des fonctionnaires en opposi-
tion avec leur devoir, n'est-ce pas une
loi immorale au premier chef? Ne les
invite-t-elle pas à prendre pour mot
d'ordre le mot de Talleyrand : Pas trop
de zèle?
Je sais que le projet de loi soumis
aux Chambres supprime l'éventuel et
ne comprend plus que des traitements
fixes. Mais il ne suffit pas que d'aussi
criantes injustices soient impossibles à
l'avenir, l'administration devrait pren-
dre immédiatement des mesures pour
les réparer dans le présent. ,-"
Nous attendons également le vote de
la loi de finances pour être définitive-
ment fixés sur, la situation des sta-
giaires. On les assimile actuellement
aux adjoints. Ils ne peuvent être nom-
més titulaires qu'après un stage de deux
ans, et à condition d'être pourvus du
certificat d'aptitude pédagogique. 1
On a supposé, sans doute, que tous
subiraient avec succès les épreuves de
ce certificat. Mais, ou l'examen ne sera
qu'une simple formalité, et il risquerait
fort dans ce cas de devenir inutile, ou
il présentera certaines difficultés qui
ne le rendront pas accessible à tous les
stagiaires sans exception. Que devien-
dront ceux qui auront été éliminés à
plusieurs reprises? Resteront-ils sta-
giaires à perpétuité, ou devront-ils,
après une période d'essai, quitter l'en-
seignement, faute d'aptitudes? Il fau-
drait le dire nettement.
Certains articles de la loi du 39 octo-
bre sont enfin subordonnés dans leur
application au vote de la loi de finances.
C'est le cas de l'article 25, qui est ainsi
conçu :
Sont interdites aux instituteurs et institu-
trices publics de tout ordre les professions
commerciales et industrielles, et les fonctions
administratives.
Sont également interdits les emplois rému-
nérés ou gratuits dans les services des cultes.
Toutefois, cette dernière Interdiction n'aura
d'effet qu'après la promulgation de la loi re-
lative aux traitements des instituteurs.
- Il est évident que d'ici là, les institu-
teurs peuvent continuer à faire partie
du domestique de MM. les curés et
chanter au lutrin, à l'exemple des pre-
miers Capétiens. Il importe donc de
compléter bien vite les dispositions de
la loi du 30 octobre, si l'on veut qu'elle
soit laïque dans son application comme
dans son principe. -
J'ajoute qu'il y aurait d'autres incon-
vénients à remettre de session en ses-
sion la discussion d'une loi sur le trai-
tement des instituteurs. Un sentiment
de haute convenance défend aux dépu-
tés d'attendre pour. un pareil vote la
veille du jour où ils solliciteront de leurs
électeurs le renouvellement de leur
mandat. J' -
,/; ANDRÉ BALZ.
J' t
CHRONIQUE
La question agricole -,
tu « Ce qui manque le plus à l'agricul-
ture française, a dit M. Lyonnais dans
son beau discours contre la surtaxe des
blés étrangers, c'est l'instruction tech-
nique. Donnez-lui cette instruction tech-
nique qui lui fait défaut, et elle de-
viendra rémunératrice. »
Et il a cité, à l'appui de ses dires, le
rendement des propriétés de feu M. de
Pompéry. Grâce à une exploitation ha-
bile et savante, ces propriétés, sises en
Bretagne , c'est-à-dire dans un pays
dont le sol est loin d'être le plus riche
de France, ont octuplé de valeur, et
leur production normale atteint le chif-
fre énorme de 32 hectolitres à l'hectare.
La propriété foncière n'a donc pas
subi la dépréciation dont les protection-
nistes aiment à se plaindre. Le tout est
de savoir en tirer parti.
M. Lyonnais aurait pu citer d'autres
exemples, plus éloquents et plus dé-
cisifs encore. En pareille matière, on
n'a que l'embarras du choix. En voici
deux, au hasard de la plume :
*
.",
..,<
Le vénérable doyen des agronomes
de France, M. Richard (du Cantal), qui
a consacré sa vie au relèvement de no-
tre agriculture nationale, a mieux fait
o.!' f 9 •
que prêcher sa thèse : il l'a vécue pour
ainsi dire, il l'a traduite en actes, en ac-
tes qui en sont la démonstration irré-
fragable. Sur la ferme-école deSouliard,
en Auvergne, qu'il avait fondée et qu'il
dirigeait lui-même, il réussit, le plus ai-
sément du monde, à doubler et à tripler
le rendement à l'hectare, et, là où,
avant lui, avant l'inauguration de la
méthode scientifique qu'il incarnait, on
n'avait que 12 ou 14 hectolitres de blé
en moyenne, à en produire 25, 30 et
même 35. ■'
C'est de l'histoire, cela, de l'histoire
qui fût devenue féconde sans le 2 Dé-
cembre et la longue période de désar-
roi politique qui s'ensuivit, et qui en-
traîna la ruine, non seulement de la
ferme-école de Souliard, mais de tous
les autres établissements agronomiques
du même genre.
Il est bon d'ajouter que la science
n'était pas alors, à beaucoup près, aussi
avancée qu'aujourd'hui, et que l'agri-
culture, qui tient assez étroitement à
toutes les branches de l'activité humaine
pour qu'il ne soit pas une seule décou-
verte, pas un seul progrès, en chimie,
en météorologie, en botanique, en phy-
sique, en mécanique, etc., qui ne lui
puisse et ne lui doive profiter, était
loin de disposer d'autant de puissance
et de ressources.
Il suffit, pour s'en convaincre et
pour en concevoir les plus ambitieuses
espérances, de comparer les résultats
obtenus par M. Richard et par M. de
Pompéry avec ceux que signalait na-
guère M. Dehérain, dans une communi-
cation fameuse insérée au Bulletin de
l'Académie des sciences. A la suite d'une
longue série d'expériences, faites dans
le département du Nord et dans le dé-
partement du Pas-de-Calais, àWardrec-
ques et à Blaringhem, si j'ai bonne mé-
moire, M. Dehérain — dont personne
ne contestera la compétence et l'autorité
— M. Dehérain a établi que, grâce à
un choix méthodique des semences et
des fumures, on pouvait, avec l'espèce
de blé connu sous le nom de blé à épi
carré, obtenir des rendements fabuleux
de 40, 50, 60 et jusqu'à 70 hectolitres,
avec un bénéfice net de 4, 5 ou 600
francs, à l'hectare!
• „ » * < •. "b
4 * rt
Que sera-ce , quand la haute science,
un peu trop dédaigneuse, peut-être, des
choses de la terre, dont elle ne se pré-
occupe guère qu'en théorie et platoni-
quement, par acquit de conscience, se
sera mise résolument à la besogne?
L'imagination la plus audacieuse est-
elle seulement capable de concevoir ce
que pourra faire l'électricité, cette fée
des temps modernes , dont la baguette
magique est en train de révolutionner
le monde, quand elle aura une bonne
fois jeté son dévolu sur l'agriculture?
Il y a bel âge qu'on rêvait d'appliquer
la lumière électrique à la végétation,
mais on n'avait encore abouti à rien de
pratique. Si j'en crois un écho qui me
vient de l'autre bout de l'Europe, le
sphinx aurait enfin livré son secret. Un
savant russe, M. Smaguinine, aurait con-
staté que la lumière électrique, dont
l'homme est le maître, et qu'il règle et
dirige à sa guise, est, dans certaines
conditions déterminées, non seulement
équivalente, mais supérieure même, à
cet égard, àla lumière du soleil, laquelle
est toujours fantasque et capricieuse.
Pourquoi non, en fin de compte?
N'est-ce pas un fait constant que la te-
neur en sucre des betteraves varie sui-
vant leur orientation nord-sud ou est-
ouest? Les grands crus du Médoc et de
la Côte-d'Or ne doivent-ils pas leur par-
fum subtil et leur chaude poésie autant
à la façon dont le soleil a caressé les
pampres, qu'à la nature du terroir?
N'a-t-il pas été démontré que la lumière
avait une certaine influence sur — ré-
vérence parler — l'engraissement des
cochons, à telles enseignes que l'évolu-
tion du lard n'était pas la même selon
qu'on ne laissait parvenir aux « sujets »
que des rayons rouges ou des rayons
violets ? ■ *' • *
Tout cela,' somme toute , n'est ni
plus extraordinaire, ni plus mystérieux,
ni plus incompréhensible que l'effet
bienfaisant d'une lampe Swan ou d'un
brûleur Siemens sur les lilas, les as-
perges ou le maïs. <
1
* * *
Un autre est allé plus loin : il a direc-
tement électrisé le sol. Il a fait passer,
le long d'un réseau de fils conducteurs
enfouis à une certaine profondeur dans
les sillons, le courant de machines dy-
namos puissantes, et il a constaté que ce
traitement exerçait sur la récolte une
excellente action.
Ah ! nous ne sommes pas au bout des
surprises que nous réservent l'électri-
cité, la mécanique et la chimie. Ce n'est
rien moins qu'une révolution qui se pré-
pare, la plus profonde peut-être et la
plus formidable de toutes celles qui ont
affecté les choses humaines et les ar-
rangements sociaux 1 p
Pas plus tard qu'hier, un ingénieur
de vaste envergure me faisait cette pré-
diction ébouriffante :
— Avant un mois, vous entendrez
parler d'un électricien qui, dépassant
de mille coudées Marcel Deprez et con-
sorts, se fera fort de transporter la force
avec un rendement de 90 à 95 0[0, quell
que soit la distance !
Je vous le demande : que sera l'agri-
culture de l'avenir, si la prophétie se
réalise et s'il est permis d'utiliser à si
bon compte tant d'agents naturels à
peu près improductifs, depuis les chu-
tes d'eau jusqu'aux marées, et d'en ex-
pédier par fil l'énergie laborieuse d'un
bout du monde à l'autre, comme on
expédie aujourd'hui, télégraphiquement
ou téléphoniquement, une dépêche ou
un refrain d'opérette ?
Tout cela n'est rien encore, à côté de
l'affirmation de certains savants de l'U-
niversité de Prague. A en croire ceux-
là, la terre — vous entendez bien, la
terre ! — ne serait plus indispensable à
la production des céréales, à laquelle
suffirait un peu d'eau contenant en dis-
solution les substances constitutives de
l'humus. Autant dire que l'heure ap-
proche où la terre sera expropriée de
son rôle antique de nourricière de l'hu-
manité, où les gerbes et les légumes
auront remplacé sur nos balcons les
orateurs politiques, et où nos descen-
dants, plus favorisés que Sémiramis,
auront non seulement leurs jardins,
mais leurs champs suspendus. * -.
Ce sont là perspectives qui ne sem-
blent pas faites pour recruter une clien-
tèle au pessimisme des décadents, et
ce serait vraiment dommage de mourir
avant d'avoir assisté au moins au début
des merveilles que prédit ainsi M. Tou-
beau ,} , i
r #,. uiti-
Nous pourrions nous représenter le culti-
vateur des siècles futurs dans son atelier, en
face d'un baquet plein de terre — ou d'eau
humique — entouré de caisses d'engrais arti-
ficiels. A droite, un robinet; à gauche, une
machine électrique, et. dans le baquet, des
plantes alimentaires poussant à vue d'oeil.
On voit croître le végétal, comme on voit
grandir la toile sur le métier. On fabrique des
choux, des navets, des pommes de terre, de
l'orge, comme on fabrique du sucre ou des
alcools. ! !
1 Ji t.lIl..
Même sans aller si loin, et pour nous
en tenir aux possibilités immédiates de
l'heure présente, est-ce que les prodiges
réalisés par l'incomparable culture ma-
raîchère des environs de Paris ne sont
pas là pour montrer tout ce qu'on peut
tirer du ventre de la terre, pour peu
qu'on sache s'y prendre? Et ne serait-il
pas possible- d'appliquer à la culture des
céréales un peu au moins de ces pro-
cédés intensifs ? t
Les résultats obtenus par MM. Ri-
chard, de Pompéry, Dehérain suffisent
amplement, d'ailleurs, pour soutenir
avantageusement la lutte contre les blés
américains.
Ne nous y trompons pas, en effet.
Pour colossale et savante qu'elle pa-
raisse, la culture américaine est, cepen-
dant, plutôt extensive qu'intensive. Elle
ne produit guère que huit à dix hectoli-
tres à l'hectare. Seulement, comme elle
n'est grevée que de charges insignifian-
tes, comme elle opère sur des espaces
immenses, sur des milliers d'hectares,
regagnant en quantité ce qu'elle né-
glige en profondeur, elle peut se con-
tenter d'un bénéfice minuscule multi..
plié à l'infini. Il n'en serait plus de
même si la terre de France donnait tout
ce dont elle est capable, et l'équilibre
serait tôt rétabli, d'une façon plus du-
rable et plus rationnelle qu'à l'aide d'ar-
tifices fiscaux. fI
Mais comment régénérer l'agriculture
par l'application de ces méthodes tuté-
laires, si on ne les a point apprises ?.
Et nos paysans, routiniers, hélas! en ce
qui concerne l'outillage, le choix des se-
mences et des engrais,, les procédés de
culture, les habitudes et les traditions
agronomiques, en sont encore, dans les
trois quarts de nos campagnes, à l'épo-
que romaine, sinon même à l'époque
gauloise. ,. -..,
* De tous les arts, c'est l'art agricole
qui est resté le plus enfantin, le plus
rudimentaire ; c'est pourtant celui pour
lequel il y aurait le plus à faire.--..,.
M. Lyonnais a raison : c'est à la ré-
forme de l'enseignement technique qu'il
faut songer avant tout ; le meilleur
moyen de protéger les gens, on ne sau-
rait trop le redire, c'est de les armer
cour la lutte. v *
Jamais la proposition de ce modeste
instituteur primaire de Montmartre, M.
Coldefy, que j'ai analysée ici même
(Voir le XIXe Siècle du 18 juillet 1886),
n'a été aussi opportune. M. Coldefypro- *
posa, on le sait, d'en revenir aux idées
adoptées jadis par la Constituante de
1848, et tombées depuis en désuétude.
Il voudrait qu'on organisât dès l'école
primaire, à côté de l'enseignement pro-
fessionnel industriel, qui fait l'ouvrier
hors ligne, l'enseignement professionnel
agricole, qui fera le pay san sans rival.
C'est au département de la Seine qu'il
s'estadressé dès l'abord, comme à celui
dont les initiatives sont le plus conta-
gieuses, et ce qu'il lui demande, c'est
d'employer à la création d'une ferme-
école, qui serait à la fois un exemple, une
amorce et un modèle, les terrains de
Méry-sur-Oise qui devaient, au début,
servir à faire un cimetière. i
La question est pogée. A brève
échéance, l'opinion publique en sera di-
rectement saisie autrement que par la
voie de la presse. Il y a urgence à ce
qu'on la résolve. ;
.', RAOUL - LUCET. :
- ---- ———————————.
LA SITUATION EN EUROPE
—————. i
Londres, 18 février. — Le Standard publie
la dépêche suivante, de Vienne, que nous re-
produisons sous toutes réserves : 1''
« Je tiens d'une source que j'ai tout lieu de
croire bien informée, qu'une demande ten-
dant à ce que la France s'engage à observer
la neutralité, en cas de guerre en Orient, de-
mande qui pourrait constituer un casus belli,
sera adressée par l'Allemagne à la France
avant peu. Cela répond entièrement à ce qui
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