Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1887-01-17
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 17 janvier 1887 17 janvier 1887
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
ÎHx-Kuitième-aûttée, — N8 9485 Prix du numéro : Paris et Départements : 43 centimes Lundi 17 janvier 4887
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u bureau cLu XIXe Siècle
76, Finsbury Pavement, E. C.
RÉGISSEURS »'ANNO?rosr
MM. LAGRANGE, CERF ET e-113
6, place de la Bourse, 6
BULLETIN
Une élection législative a eu lieu hier
dans la Manche,où un siège de député était
vacant par suite du décès de M. l'amiral
de Gueydon. A l'heure où nous écrivons,
les résultats définitifs du scrutin ne sont
pas connus. Mais le succès de M. Riolteau
est certain dès à présent. Le candidat ré-
publicain a, en effet, obtenu sur son con-
current, une majorité de onze mille voix ;
il restait à connaître les résultats de six
cantons ; quels qu'ils soient, ils ne peu-
vent modifier sensiblement la situation
respective des deux candidats.
Nous pouvons donc porter une nouvelle
victoire à l'actif de la République et féli-
citer à la fois les électeurs de la Manche
et l'honorable M. Riotteau, qui va repren-
dre, à la Chambre des députés, la place
qu'il y a occupée si dignement depuis dix
ans, et qu'il n'aurait jamais dû perdre.
L'Alliance républicaine progressiste a
tenu hier une nouvelle réunion privée,
sous la présidence de M. Tolain, sénateur
de la Seine, qui a ouvert la séance par un
appel à la concorde et à l'union de tous les
républicains.
On n'a pas oublié les scènes tumultueu-
ses qui s'étalent produites lors de la pre-
mière réunion organisée par l'Alliance
républicaine. Hier, on n'a eu à regretter
aucun incident de ce genre : les anarchis-
tes avaient été sévèrement consignés à la
porte de la salle. M. Lyonnais, député ou-
vrier de la Seine-Inférieure, a pu, sans
être malmené ni même interrompu, pro-
noncer un excellent discours, rempli d'i-
dées saines et de conseils pratiques, qui
s'adressent à la fois aux travailleurs de la
démocratie et aux membres républicains
de la Chambre.
M. Strauss, conseiller municipal de Pa-
ris, a présenté un ordre du jour engageant
les républicains du Parlement à faire trêve
à leurs dissentiments, pour réaliser les ré-
formes politiques et sociales « si impa-
tiemment attendues par la démocratie ».
On ne peut mieux dire; souhaitons que
ces sages avis soient entendus.
Les délégués bulgares achèvent leur
tour d'Europe. Les dépêches signalent
leur passage à Marseille et leur départ
pour Rome, où ils doivent être arrivés à
cette heure. Ils savent par avance qu'ils
n'ont rien à attendre de l'Italie ; avant de
rentrer dans leur pays, ils sont complète-
ment édifiés sur l'inutilité de leurs efforts.
Le discours récent de M. de Bismarck leur
avait déjà appris, d'ailleurs, que la seule
politique que la Bulgarie ait à suivre con-
siste à trouver les termes d'un compromis
avec la Russie. Cette puissance, s'autori-
sant des déclarations du chancelier alle-
mand au Reichstag, certaine de n'être
point contrecarrée dans ses projets par
l'intervention de l'Autriche, forte de l'as-
sentiment de la Porte, a fait signifier aux
régents bulgares qu'elle persistait à exiger
la retraite simultanée de la régence et de
la Sebranié.
Les régents résistent encore, mais il est
manifeste qu'ils seront impuissants à con-
tinuer la lutte. Le Trésor public est à sec,
le pays est à bout de ressources et de sa-
crifices ; l'ordre n'est plus maintenu qu'à
grand'peine ; le mécontentement est gé-
néral et la crise touche à sa fin.
Quant au choix d'un souverain pour la
Bulgarie, la question reste indécise. On a
annoncé que la Russie avait abandonné la
candidature du prince de Mingrélie et y
avait substitué celle du prince Georges,
duc de Leuchtenberg. Cette nouvelle n'est
pas exacte, au moins dans la forme qu'on
lui a donnée.
Le Nord, qui est en mesure d'être bien
renseigné à cet égard, commente la nou-
velle en ces termes :
« Mise en demeure de proposer un can-
didat, la Russie a suggéré le prince de
Mingrélie, d'origine royale, de religion
orthodoxe, n'ayant aucun lien de parenté
avec la dynastie impériale et réunissant
toutes les qualifications individuelles re-
quises.
» La:iRussie n'impose pas plus cette
candidature qu'elle ne la retire. Jusqu'à la
convocation d'une Sobranié librement et
légalement élue, précédée du renyoi des
aventuriers qui ont assumé la régence, le
cabinet impérial maintient et maintiendra
la candidature du prince de Mingrélie.
Mais si, après le rétablissement d'un ordre
de choses légal, le peuple bulgare, avec
l'autorisation du sultan et l'assentiment
des grandes puissances, demandait le duc
de Leuchtenberg, il est peu probable que
l'empereur Alexandre insiste sur la candi-
dature du prince de Mingrélie. »
Le duc de Leuchtenberg paraît devoir
être le candidat de la conciliation. Si sa
nomination doit mettre un terme au ma-
laise qui règne en Europe et à l'anarchie
dont souffre le malheureux peuple bul-
gare, qu'on choisisse le duc de Leuchten-
berg; le plus tôt sera le mieux.
LOUIS HENRI QUE.
INFORMATIONS PARTICULIERES
L'élection de la Manche
Une élection législative a eu lieu, hier, dans
le département de la Manche, pour pourvoir
au remplacement de M. le vice-amiral de
Gueydon, décédé.
Deux candidats étaient en présence : MM.
Riotteau, ancien député, républicain, et M. le
vice-amiral Roussin, réactionnaire.
M. Riotteau a obtenu 49,929 voix ; M. le
vice-amiral Roussin, 38,929 voix.
Il manque le résultat de six cantons, mais
l'élection de M. Riotteau est assurée.
,, Élections municipales à Neuilly
Hier, ont eu lieu à Neuilly-sur-Seine les
élections de ballottage pour la nomination
de treize conseillers municipaux.
La liste conservatrice a été élue.
Élection au conseil général
Une élection au conseil général a eu lieu
pour le canton de Saint-Blin (Haute-Marne).
Inscrits, i639. — Votants, 1378.
Ont obtenu :
MM. Magnin, réactionnaire. 876 voix, élu.
Henriot, républtcai. 408 —
Les droits de douane
L'Union générale des syndicats girondins
(patrons), réunie à Bordeaux pour protester
contre la surtaxe des céréales et des bestiaux,
après avoir entendu M. Bonflay, délégué de
la Ligue marseillaise, a voté, à l'unanimité
l'ordre du jour suivant :
« L'Union générale des syndicats girondins,
réunie en assemblée générale extraordinaire,
proteste avec la plus grande énergie contre
toute nouvelle augmentation de droits sur les
céréales et les bestiaux. Elle considère une
telle mesure comme de nature à aggraver
profondément l'état de crise contre lequel
luttent si péniblement déjà l'industrie, le com-
merce et la marine marchande.
» L'Union générale des syndicats girondins
réclame, au contraire, une fois de plus, l'a-
brogation du décret prohibitif sur les viandes
salées d'Amérique, et elle compte que MM.
les sénateurs et députés de la Gironde feront
tous leurs efforts pour faire triompher ces ]
vœux au sein du Parlement. »
La suppression des soiis-préfectures
C'est aujourd'hui que M. le président du
conseil déposera sur le bureau de la Cham-
bre le projet de loi sur la réforme admi-
nistrative portant réduction d'un certain
nombre d'arrondissements et suppression
d'un certain nombre de sous-préfèctures.
Nous donnons ci-dessous la liste, par
ordre alphabétique, des départements sur
lesquels porte la réforme proposée, ainsi
que celle des sous-préfectures qui seraient
supprimées. Elles sont au nombre de 66.
Ain. Belley
Allier. Gannat
Ardennes. Rocroy
- Vouziers
Aube. Arcis-sur-Aube
Aude. Castelnaudary
Aveyron. Millau
Calvados. Pont-l'Evêque
Cantal. Muret
Charente. Barbezieux
Charente-Inférieure. Marennes
Côte-d'Or Semur
Creuse. Boussac
— Bourganeuf
Dordogne. Ribérac
Doubs. Baume-lesrDames
Drôme. Dié
Eure-et-Loire. Nogent-le-Rotrou
Finistère. Quimperlé
Haute-Garonne Villefranche
Gers. Lombez
Gironde. Bazas
— Lesparre
Hérault. Saint-Pôns
Ille-et-Vilaine. Montfort
Indre Issoudun
Indre-et-Loire. Loches
— Chinon
, Isère. La Tour-du-Pin
Jura. Poligny
Landes. Saint-Sever
Loir-at-Cher. Romorantin
Loire- Inférieure. Ancenis
Loiret. Gien
Lot. - Figeac
Lot-et-Garonne. Nérac
Lozère. Marvejols
Maine-et-Loire. Segré
Manche. Valognes
Marne.,. Vitry-le-François
— Sainte-Ménehould
Meuse. Montmédy
Nièvre. Cosne
Orne. Argentan
Puy-de-Dôme. Thiers
Basses-Pyrénées. Orthez
Hautes-Pyrénées. Bagnères-de-Bigorre
- Argelès
Pyrénées-Orientales. Céret
Rhône. Villefranche
Saône-et-Loire. Louhans
Sarthe. Saint-Calais
Seine-Inférieure. Yvetot
Seine-et- Marne. Fontainebleau
Seine-et-Oise. Rambouillet
Deux-Sèvres. Melle
Somme. Doullens
Tarn. Lavaur
Tarn-et-Garonne. Castelsarrazin
Var. Brignoles
Vaucluse. Carpentras
— Orange
Vienne. Civray
Haute-Vienne Saint Yrieix
Vosges. Mirecourt
YOD\ne. Joigny
U POLITKllE DE REFORMES
Le président du conseil va déposer
aujourd'hui, sur le bureau de la Cham-
bre, le projet de loi portant suppression
d'un certain nombre de sous-préfectu-
res dont nous publions ci-dessus la
liste. Le cabinet entre ainsi dans la voie
des réformes qu'il a pris l'engagement
de préparer et que la Chambre a ré-
clamées. Ce début est modeste. Mais
d'autres projets suivront, et l'on con-
naît assez les tendances novatrices et
libérales de M. Goblet, pour être certain
d'avance qu'ils ne tarderont pas à être
déposés.
Mais, depuis le jour où la Chambre a
renversé un cabinet pour faire l'écono-
mie des sous-préfets, des dispositions
très contradictoires se sont révélées
chez certains députés. L'annonce d'un
projet de loi portant réduction du nom-
bre de ces fonctionnaires a tout d'un
coup refroidi leur ardeur, et l'on rap-
porte que plus d'un a multiplié ses
efforts pour que son département fût
épargné dans ces réductions. Nous
avouons que nous ne comprenons pas
bien ces hésitations. Si l'on pense, d'une
façon générale, qu'il y a trop de sous-
préfets, il faut laisser le gouvernement
libre de désigner ceux qui sont le moins
utiles et qui peuvent disparaître sans
inconvénient, et l'on doit admettre que
le ministre s'inspirera uniquement, pour
procéder à cette élimination, de l'inté-
rêt général du pays.
A cet intérêt général, chacun prétend
opposer des intérêts particuliers, trop
souvent même des intérêts électoraux,
lesquels ne peuvent, en vérité, entrer
en ligne de compte lorsqu'il s'agit d'une
réforme générale. Ce sont cependant
ces intérêts qui se sont émus depuis
que le projet est en préparation, et qui
vont jouer le principal rôle dans le
débat.
Nous voulons penser qu'ils ne triom-
pheront pas. Mais l'heure nous paraît
décisive pour la Chambre. Elle est pla-
cée, pour le moment, entre deux partis.
D'un côté, c'est la politique de réfor-
mes qu'elle a réclamée et qu'on lui pro-
pose d'inaugurer; de l'autre, c'est la
politique du statu quo, du piétinement
sur place, du temps perdu.
Si c'est à cette politique effacée, qu'a-
près les agitations bruyantes des pre-
miers mois elle veut consacrer le reste
de sa carrière, il lui suffit d'un vote pour
le déclarer, et elle peut tenir pour cer-
tain que les cabinets ne commettront
plus ensuite l'imprudence de venir lui
proposer quelque modification que ce
soit à l'état actuel.
Si. au contraire, elle veut entrer avec
résolution dans la voie des réformes et
faire une œuvre utile, il est absolument
nécessaire qu'elle considère tout d'a-
bord, et d'une façon générale, le carac-
tère de la tâche qu'elle entreprend. Il
faut qu'elle sache qu'il n'est pas une
seule des réformes qui peuvent lui être
proposées qui ne lèse quelques inté-
rêts particuliers, qui ne dérange quel-
ques habitudes prises de longue date,
qui ne soit destinée à servir de sujet ou
de prétexte à des critiques, à des do-
léances, à des récriminations souvent
très âpres et très passionnées.
C'est ce qui se produit aujourd'hui
pour les sous-préfets ; cela se produira
demain pour les réductions dans le per-
sonnel des finances, ou dans celui de la
magistrature, ou dans celui de n'importe
quel service public.
De tout temps on s'est plaint du trop
grand nombre de fonctionnaires. On a
prétendu que la France était un pays de
bureaucrates. La Chambre s'est faite
l'interprète de ces plaintes. Dans un
élan, peu réfléchi du reste, elle a voulu
porter la hache dans les citadelles bu-
reaucratique et elle a fait, par exemple
à l'administration centrale du ministère
des finances, des hécatombes qui, si
elles étaient définitives, nuiraient forte-
ment à la bonne gestion des affaires pu-
bliques. Au lieu de ces suppressions
irréfléchies et mal combinées, le gou-
vernement a pris l'engagement de pro-
céder à des éliminations mûrement
étudiées, à la suppression des rouages
dont l'utilité ne paraîtrait pas suffisante.
Il a annoncé l'intention de porter enfin
la main sur cette machine administra-
tive, dont l'organisation date d'un siècle
et qui ne répond assurément plus, dans
beaucoup de ses parties, aux besoins
réels de notre époque, à la facilité des
communications, à la rapidité des dépla-
cements. Il tient sa parole et il fait au-
jourd'hui le premier pas dans la voie de
ces réformes et de ces suppressions
d'emplois inutiles. A la Chambre main-
tenant de voir si elle veut se joindre au
gouvernement pour pratiquer cette po-
litique de réformes, ou si elle préfère
donner le spectacle de la coalition des
intérêts particuliers se liguant pour
faire échec à l'intérêt général.
—————————— ——————————
Nous avons dit, hier, combien étaient
absurdes les bruits de dissentiments
ministériels qu'on se plaisait, dans
certains milieux politiques, à mettre
en circulation, n'osant pas faire au
ministère une guerre plus ouverte et
plus loyale. Nous ajoutions que, mal-
heureusement, ce n'étaient pas seule-
ment les journaux monarchistes qui
propageaient ces bruits, et que les
journaux républicains, aussi, s'en fai-
saient l'écho. En veut-on la preuve ? On
n'a qu'à lire deux journaux de nuances
bien opposées, le Soleil et le Rappel,
d'hier matin : « Les ministres ont
reproché assez vivement à M. Goblet,
dit le Soleil, de n'être pas inter-
venu, jeudi dernier, lors de la fixa-
tion de l'ordre du jour, pour deman-
der à la Chambre de discuter la loi
militaire immédiatement après le bud-
get. Nous avons expliqué les motifs
de cette abstention et dit quels pé-
rils allait faire courir au ministère le
débat sur les céréales. Le président du
conseil a dû, après une courte résistance,
promettre à ses collègues d'insister
pour que la Chambre accorde la priorité
à la loi militaire sur le relèvement des
droits sur les céréales. » Ecoutez main-
tenant ce que dit le Rappel: « On sait
que deux lois se disputent la première
place immédiatement après le budget :
la loi sur les céréales et la loi organi-
que militaire. La très grande majorité
du conseil se serait prononcée en faveur
de cette dernière ; trois ministres seu-
lement, MM. Goblet, Dauphin et Develle,
dont le protectionnisme est d'ailleurs
suffisamment connu, auraient haute-
ment déclaré leurs préférences pour les
céréales. Après une discussion assez
vive, la question aurait été provisoire-
ment tranchée dans le sens de l'absten-
tion. » Et c'est ainsi qu'on écrit l'his-
toire !
Or, il n'y a pas un mot de vrai dans
l'information du Soleil et du Rappel.
La question de la loi sur les céréales
n'a été, jusqu'à ce jour, ni discutée ni
même abordée dans le conseil des mi-
nistres. Il a été effectivement décidé
que le gouvernement demanderait la
mise à l'ordre du jour, le plus tôt pos-
sible, de la loi militaire ; mais on n'a pas
parlé de demander que l'ordre du jour
de la Chambre fût modifié. Quant au
protectionnisme de M. Goblet, nous
ignorons par quels signes éclatants il
s'est manifesté jusqu'à ce jour. Il est
possible que le président du conseil soit
favorable au relèvement des droits sur
les céréales, pour lequel une majorité
paraît acquise dans la Chambre ; mais,
s'il nous en souvient bien, il a refusé, lors
des élections, de prendre à cet égard
aucun engagement, et c'est probable-
ment là une des causes pour lesquelles
il a été mis en ballottage au premier
tour. Mais ce n'est là qu'un détail ; ce
qui nous a paru plus grave, et ce que
nous avons cru utile de signaler, c'est
le concours assurément involontaire,que
des journaux radicaux sérieux, comme
le Rappel, apportent à leurs adversaires
politiques et même aux monarchistes,
en accueillant comme vrais des bruits
qui ne reposent absolument sur aucun
fondement.
————————— —————————
L'enseignement primaire vient d'avoir,
lui aussi, sa question du latin. Au mo-
ment où les langues mortes ne règnent
plus sans partage dans l'enseignement se-
condaire, était-il opportun de chercher à
leur faire une place un degré au-dessous ?
On nous permettra d'en douter. Un inté-
ressant débat s'était engagé tout d'abord,
sur ce sujet, dans une revue spéciale.
MM. Léonce Person et Charles Bigot
avaient été les champions du tournoi, le
premier pour, le second contre l'intro-
duction du latin dans les écoles normales
primaires.
La question a été posée devant le Con-
seil supérieur par un des maîtres de la
philologie, M. Michel Bréal. L'éminent
professeur du Collège de France a préco-
nisé l'étude du latla avec un grand luxe
d'arguments. M. Bréal, on le sait, a été
l'un des promoteurs des réformes qui se
sont accomplies dans l'enseignement se-
condaire. Peut-être s'est-il un peu refroidi
pour elles, depuis qu'elles ont eu la faveur
de l'opinion publique. Toujours est-il
qu'il a été soutenu, au sein du Conseil, par
tous ceux qui professent cette doctrine in-
transigeante : Hors du latin, point de
salut 1
Cette opinion n'a point prévalu. Une
très forte majorité s'est jointe à M. Gréard
pour repousser le présent, renouvelé des
Grecs, qu'on voulait faire aux écoles nor-
males. La durée des études dans ces écoles
est de trois ans, et le programme est déjà
trop chargé. Etait-il possible d'y faire assez
de retranchements, pour donner au latin
une place convenable ? Nullement. On
voulait introduire cette étude par super-
fétation et aggraver une erreur dont souf-
fre notre enseignement à tous les degrés,
et qui consiste à considérer les plans d'é-
tudes comme indéfiniment compressibles.
Le latin arrivait donc, de l'aveu même de
ses partisans, au rang des accessoires ou
des utilités. Dès lors, quels résultats sé-
rieux pouvait-on attendre d'une langue
qui ne serait étudiée que par surcroît,
quelques heures par semaine pendant
trois ans, alors que, dans l'enseignement
secondaire, six années consécutives pa-
raissent insuffisantes à ceux qui deman-
dent le rétablissement du latin en sep-
tième ?
Le Conseil supérieur a donc sagement
résisté à des sollicitations tout au moins
imprudentes. Nous n'avons, dans l'ensei-
gnement secondaire, que trop de latinistes
qui ne savent pas le latin. N'allons point
semer cette graine dans l'enseignement
primaire.
A. B.
Il nous paraît nécessaire de donner
quelques explications sur les crédits de-
mandés par le ministre de la guerre pour
transformer l'armement de notre infante-
rie, ainsi que pour fabriquer de nouveaux
projectiles d'artillerie et pour modifier
certains profils de nos forts d'arrêt.
L'administration militaire dispose en-
core d'une somme de près de deux cents
millions de francs, croyons-nous, qui pro-
vient de l'ancien compte de liquidation et
qui a sa destination spéciale. Sur ce reli-
quat, cent cinq millions sont concédés,
cette année, au ministre de la guerre, qui
les attribuera aux divers services dont le
matériel n'est pas encore complet, confor-
mément à la répartition établie il y a six
ans.
Indépendamment de ce crédit extraor-
dinaire, compris dans le budgét général
présenté par le gouvernement, le ministre
de la guerre demande une somme de
quatre-vingt-six millions. Cette somme
constitue la première annuité pour la fa-
brication des fusils à répétition, des obus
à la mélinite et des coupoles cuirassées.
Il est regrettable que, par la négligence
de l'administration militaire sous les pré-
cédents ministres, il n'ait pas encore été
fait emploi, à notre époque, de tous les
crédits compris dans le compte de liqui-
dation, car il en est résulté une confusion
qu'il est indispensable de dissiper entre
ces deux catégories de dépenses parfaite-
ment distinctes.
Nous souhaitons vivement qu'il soit mis
un terme à ces errements administratifs.
Il le faut même, car assurément la sur-
prise sera grande partout, quand on saura
que cette situation quelque peu compli-
quée a amené jeudi, à la Chambre, une
discussion extrêmement diffuse elle-
même. Il le faut, enfin, parce que nous
nous trouvons à la veille d'une entreprise
considérable.
En même temps que les manufactures
et les usines emploieront les sommes af-
fectées à l'achèvement de la reconstitution
ou à la transformation d'une partie de
notre matériel de guerre, les Chambres
procéderont à la discussion des divers
titres du projet de loi militaire organique,
recrutement de la troupe, rengagement
des sous-officiers, avancement des offi-
ciers, constitution de l'armée, cadres et
effectifs. C'est une œuvre de revision pres-
que complète qui va être accomplie. Il
importe qu'elle soit conduite par celui qui
feuilleton du XIXe SIECLE
Du 16 janvier 1887
CAUSERIE
DRAMATIQUE
THÉÂTRE DU GYMNASE : la Comtesse Sarah,
drame en cinq actes, de M. Ohnet. — THÉÂ-
TRE DU CHATEAU-D'EAU : Vidocq, ou la po-
lice en 18.étude policière en cinq actes,
de MM. Jaime et Richard.
Un mérite incontestable du théâtre de
M. Ohnet, c'est qu'il est facile à racon-
ter, ses drames étant simples, clairs et
très bien coupés. Je donne donc le som-
maire, acte par acte, de la Comtesse
Sarah, brièvement, pour en rappeler le
sujet à ceux qui l'ignoreraient encore,
malgré le grand débit du roman d'où M.
Ohnet a tiré la pièce jouée hier au
Gymnase.
Premier acte : La comtesse Sarah
O'Donnor, de son vrai nom Sarah tout
court, enfant trouvé, gypsie, mais adop-
tée par une comtesse O'Donnor qui lui
a légué son titre et sa fortune, court le
monde et rencontre le général comte de
Canalheilles, qui devient fort amoureux
d'elle, quoiqu'ayant quarante ans de
plus que la belle Anglaise. Il la demande
en mariage. Sarah accepte, mais seule-
ment après avoir consulté deux person-
nages qui tiennent de près au général :
sa nièce, Blanche de Cygne, et son aide
de camps Séverac, fils d'un compagnon
d'armes du général, sorte de fils adop-
tif pour lui, qui, l'un et l'autre, approu-
vent ce mariage.
Deuxième acte : le mariage accom-
pli, Sarah se montre troublée, inquiète,
nerveuse. Elle est particulièrement dé-
sagréable envers Séverac. Le général,
qui, en sa qualité de prédestiné, comme
disait Balzac, n'en manque pas une, fait
à sa femme d'amicaux reproches au
sujet de sa méchante humeur vis-à-vis
de l'aimable aide de camp. Il ménage
même une entrevue entre eux deux,
qu'il laisse discrètement seuls. L'expli-
cation, commencée sur le ton aigre-
doux, se termine par l'aveu réciproque
de leur amour que se font Séverac et
Sarah. La froideur de l'un, l'antipathie
apparente de l'autre, n'étaient qu'une
défense, désormais inutile, contre le
double amour qui s'emparait d'eux.
Car, à la fin de l'acte, le général est
trompé, ce qui fait que nous ne le
voyons plus en uniforme, même le jour
du mariage de sa nièce. On sait que le
plus délicat respect des convenances
est la règle du Gymnase !
Troisième acte : Si la comtesse Sa-
rah trompe son seigneur et maître avec
un entrain d'enfer, d'une allure que
M. Richepin qualifierait de « toura-
nienne », Séverac, simple Arya, y va de
moins bon cœur. Il est dévoré de re-
mords. Son retour à la vertu se trouve
d'ailleurs encouragé par l'amour nou-
veau qu'il ressent pour la nièce du gé-
néral, Mlle de Cygne. Mais, comme il ne
peut songer à se marier, il prend le
parti de fuir pour rompre avec Sarah,
et, promu chef d'escadron, demande à
prendre son service en Afrique, où l'on
se bat. Il veut même partir tout aussi-
tôt sa nomination reçue. Mais Sarah le
menace d'un scandale s'il lui refuse un
dernier rendez-vous, qui aura lieu dans
la serre de l'hôtel, quand les visiteurs
ordinaires se seront retirés.
C'est, ici, la scène capitale de 1'00u-
vre, et, avec ingéniosité, l'auteur s'ar-
range de façon que ce rendez-vous in-
time de Sarah et de son amant soit un
rendez-vous général de tous les person-
nages du drame. Oh! les serres ! Le
prudent Arnolphe n'en aurait pas voulu
dans sa maison. Dans celle-ci, nous
voyons d'abord paraître Blanche, très
agitée du départ de Séverac, car elle
adore le bel aide de camp et elle a même
veillé pour aller avouer cet amour à son
oncle dès qu'il sera seul. Mais le géné-
ral n'est pas dans sa chambre, et Blan-
che vient le chercher dans la serre. Ce
n'est pas lui qu'elle trouve. Elle voit,
par le parc, Séverac s'avancer à pas de
loup ou d'amoureux. Blanche se cache
aussitôt, et Sarah arrive, qui ouvre la
porte à son amant. L'explication pas-
sionnée qu'ils ont ne doit laisser aucun
doute à Blanche, qui les écoute.
, Mais pourquoi le général n'est-il pas
dans son appartement? Il faut savoir
qu'il héberge pour le moment un vieux
camarade, le colonel Merlot, qui a une
fille, Madeleine, l'amie de Blanche ; et
cette fille est aimée d'un jeune notaire,
Frossart, que le colonel rabroue assez
fort, et qui fréquente assidûment chez
le général, étant d'ailleurs l'ami intime
de Séverac. Merlot s'est imaginé, ayant
entendu marcher une des nuits précé-
dentes dans le parc, que Frossart, fai-
sant mentir les habitudes prudentes du
notariat, vient rôder sous les fenêtres
de sa fille. Et, avec le général, il a or-
ganisé une expédition pour « pincer »
le braconnier. Entendant du bruit dans
la serre, le général a donné un tour de
clef à la porte, tandis que son ami le
colonel bloque la sortie sur le parc. Le
notaire, qui se doute de ce qui va arri-
ver, accourt pour prévenir Séverac ;
mais il vient trop tard. Le général ouvre
la porte de la serre et n'est pas peu
surpris de trouver Sarah et Séverac.
Il leur demande une explication qui sera
difficile à donner, quand Blanche sort
de sa cachette, prête à sauver l'hon-
neur et le bonheur de son oncle, en se
compromettant elle-même. Frossart, très
au courant de la situation, et qui ne
rêve que mariages et contrats, prend
la parole, comme Figaro, et explique
tout pour le mieux. Séverac aime Blan-
che. Il n'a pas osé s'adresser à son
oncle ; il a voulu parler à la comtesse.
De là, le rendez-vous, auquel il a été
convoqué lui même comme ami de la
maison et où Blanche a été appelée aussi
par la comtesse, qui voulait lui deman-
der si elle aimait Séverac. Explication
très plausible, à la suite de laquelle le
général accorde à Séverac la main de
sa nièce. Mais il garde de la méfiance.
Il a voulu que la comtesse mit elle-
même la main du bel aide de camp dans
la main de Blanche et il a surpris l'ex-
pression de sa douleur et de sa rage.
« Ils mentent tous ! » dit-il — et l'acte
finit sur ce mot plein de menaces.
Quatrième acte : Nous sommes au
jour des noces de Séverac et de Blanche.
Sarah, affolée, est malade et ne sort pas
de sa chambre. Cependant, elle se lève,
pour avoir une entrevue avec Blanche,
gardant encore l'espoir de rompre le
mariage. Mais Blanche lui avoue qu'elle
aime aussi Séverac, et finit par attendrir
la comtesse. Elle s'attendrit si bien
qu'elle avoue au général, toujours hanté
de soupçons, la faute commise. Le gé-
néral pardonne, à condition que Séverac
et Blanche partiront sur l'heure. Cin-
quième acte : La comtesse a juré à son
mari de ne pas se tuer. Malade, elle a
été en Irlande, dans ses terres, cher-
cher le repos. Mais son fatal amour ne
lui fait pas grâce, et, en apprennant par
une lettre de Blanche à son oncle que
Séverac va être père, Sarah se noie.
La Comtesse, Sarah a réussi, et je
crois que le Gymnase a du pain sur la
planche, comme on dit, presque autant
qu'aux jours heureux où Mme Desva-
rennes y pétrissait sa farine. Mais le
succès, indiscutable, ne va pas, cette
fois-ci, sans objections, sans un certain
sentiment de résistance, qu'on pouvait
trouver surtout chez les lettrés et les
gens de théâtre qui font en partie le
public des premières. Ce sentiment de
résistance, que je ne saurais me dispen-
ser de constater, en historiographe fi-
dèle, tient à plusieurs raisons, les unes
mauvaises, les autres bonnes. Il est cer-
tain qu'on trouve que M. Ohnet prend
au théâtre une place trop considérable
et qu'il prend cette place en cherchant
à plaire surtout au gros du public bour-
geois, insistant de plus en plus sur le
sentimentalisme des romanciers de l'é-
cole de M. Feuillet, sans rien concéder
à l'esprit de vérité qui, mal entendu ou
mal mis eii œuvre souvent, n'en est
pas moins une légitime préoccupation
de la nouvelle école dramatique. On re-
gimbe, il faut le dire, contre l'habileté
excessive de son œuvre, contre des har-
diesses apparentes qui ne sont que pru-
dences extrêmes, contre le trop de pré-
cautions ne reculant pas devant la ba-
nalité, en un mot contre ce retour offen
sif et triomphant d'un Scribe agrandi et
attendri, à l'heure même où Dumas, par
exemple, risque de hardies parties pour
sortir des formules usées. Ces objec-
tions, qui ne sont pas sans fondement,
ont le tort d'être exaspérées par je ne
sais quelle jalousie inavouée du succès.
Car, si la Comtesse Sarah n'est que du
théâtre, et du théâtre où l'invention est
inférieure à l'arrangement, c'est encore
quelque chose qui n'est pas à tous que
cet art de savoir plaire.
Il est incontestable pourtant que la
Comtesse Sarah, si elle égalera en suc-
cès Serge Panine et le Maître de forges,
est inférieure à ces deux œuvres, sur-
tout à la première. L'adresse en est ex-
cessive. Mais le « moyen », l'incident
ingénieux, qui doivent ne faire que ser-
vir à développer et à montrer les pas-
sions et les caractères, prennent le pas
sur eux. Et les caractères, pour ceux
qui se préoccupent surtout d'eux dans
le grand théâtre, ne nous satisfont pas
entièrement. Cependant, l'objection
principale que j'aie entendu faire contre
la comtesse Sarah, c'est que les deux
héros du drame ne sont pas sympathi-
ques. Or, présenter à la scène des per-
sonnages sans s'inquiéter de savoir s'ils
sont sympathiques ou non, n'est-ce pas
une des premières règles de l'école
nouvelle? N'est-ce pas la formule qu'on
applique, pour les louer, aux pièces de
M. Becque? Singulière confusion dans
les esprits! On accuse Ohnet d'être
« vieux jeu », et la raison profonde de
la résistance qu'on oppose à sa dernière
œuvre, c'est de ne pas avoir assez obéi
à la règle du vieux jeu, qui veut que les
amoureux soient « sympathiques » !
Ils ne le sont certainement pas, ni la1
JOURNAL REPUBLICAIN
REDACTION
Adresser au Secrétaire de la Rédaction
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Et Abonnements pour l'Angleterre
u bureau cLu XIXe Siècle
76, Finsbury Pavement, E. C.
RÉGISSEURS »'ANNO?rosr
MM. LAGRANGE, CERF ET e-113
6, place de la Bourse, 6
BULLETIN
Une élection législative a eu lieu hier
dans la Manche,où un siège de député était
vacant par suite du décès de M. l'amiral
de Gueydon. A l'heure où nous écrivons,
les résultats définitifs du scrutin ne sont
pas connus. Mais le succès de M. Riolteau
est certain dès à présent. Le candidat ré-
publicain a, en effet, obtenu sur son con-
current, une majorité de onze mille voix ;
il restait à connaître les résultats de six
cantons ; quels qu'ils soient, ils ne peu-
vent modifier sensiblement la situation
respective des deux candidats.
Nous pouvons donc porter une nouvelle
victoire à l'actif de la République et féli-
citer à la fois les électeurs de la Manche
et l'honorable M. Riotteau, qui va repren-
dre, à la Chambre des députés, la place
qu'il y a occupée si dignement depuis dix
ans, et qu'il n'aurait jamais dû perdre.
L'Alliance républicaine progressiste a
tenu hier une nouvelle réunion privée,
sous la présidence de M. Tolain, sénateur
de la Seine, qui a ouvert la séance par un
appel à la concorde et à l'union de tous les
républicains.
On n'a pas oublié les scènes tumultueu-
ses qui s'étalent produites lors de la pre-
mière réunion organisée par l'Alliance
républicaine. Hier, on n'a eu à regretter
aucun incident de ce genre : les anarchis-
tes avaient été sévèrement consignés à la
porte de la salle. M. Lyonnais, député ou-
vrier de la Seine-Inférieure, a pu, sans
être malmené ni même interrompu, pro-
noncer un excellent discours, rempli d'i-
dées saines et de conseils pratiques, qui
s'adressent à la fois aux travailleurs de la
démocratie et aux membres républicains
de la Chambre.
M. Strauss, conseiller municipal de Pa-
ris, a présenté un ordre du jour engageant
les républicains du Parlement à faire trêve
à leurs dissentiments, pour réaliser les ré-
formes politiques et sociales « si impa-
tiemment attendues par la démocratie ».
On ne peut mieux dire; souhaitons que
ces sages avis soient entendus.
Les délégués bulgares achèvent leur
tour d'Europe. Les dépêches signalent
leur passage à Marseille et leur départ
pour Rome, où ils doivent être arrivés à
cette heure. Ils savent par avance qu'ils
n'ont rien à attendre de l'Italie ; avant de
rentrer dans leur pays, ils sont complète-
ment édifiés sur l'inutilité de leurs efforts.
Le discours récent de M. de Bismarck leur
avait déjà appris, d'ailleurs, que la seule
politique que la Bulgarie ait à suivre con-
siste à trouver les termes d'un compromis
avec la Russie. Cette puissance, s'autori-
sant des déclarations du chancelier alle-
mand au Reichstag, certaine de n'être
point contrecarrée dans ses projets par
l'intervention de l'Autriche, forte de l'as-
sentiment de la Porte, a fait signifier aux
régents bulgares qu'elle persistait à exiger
la retraite simultanée de la régence et de
la Sebranié.
Les régents résistent encore, mais il est
manifeste qu'ils seront impuissants à con-
tinuer la lutte. Le Trésor public est à sec,
le pays est à bout de ressources et de sa-
crifices ; l'ordre n'est plus maintenu qu'à
grand'peine ; le mécontentement est gé-
néral et la crise touche à sa fin.
Quant au choix d'un souverain pour la
Bulgarie, la question reste indécise. On a
annoncé que la Russie avait abandonné la
candidature du prince de Mingrélie et y
avait substitué celle du prince Georges,
duc de Leuchtenberg. Cette nouvelle n'est
pas exacte, au moins dans la forme qu'on
lui a donnée.
Le Nord, qui est en mesure d'être bien
renseigné à cet égard, commente la nou-
velle en ces termes :
« Mise en demeure de proposer un can-
didat, la Russie a suggéré le prince de
Mingrélie, d'origine royale, de religion
orthodoxe, n'ayant aucun lien de parenté
avec la dynastie impériale et réunissant
toutes les qualifications individuelles re-
quises.
» La:iRussie n'impose pas plus cette
candidature qu'elle ne la retire. Jusqu'à la
convocation d'une Sobranié librement et
légalement élue, précédée du renyoi des
aventuriers qui ont assumé la régence, le
cabinet impérial maintient et maintiendra
la candidature du prince de Mingrélie.
Mais si, après le rétablissement d'un ordre
de choses légal, le peuple bulgare, avec
l'autorisation du sultan et l'assentiment
des grandes puissances, demandait le duc
de Leuchtenberg, il est peu probable que
l'empereur Alexandre insiste sur la candi-
dature du prince de Mingrélie. »
Le duc de Leuchtenberg paraît devoir
être le candidat de la conciliation. Si sa
nomination doit mettre un terme au ma-
laise qui règne en Europe et à l'anarchie
dont souffre le malheureux peuple bul-
gare, qu'on choisisse le duc de Leuchten-
berg; le plus tôt sera le mieux.
LOUIS HENRI QUE.
INFORMATIONS PARTICULIERES
L'élection de la Manche
Une élection législative a eu lieu, hier, dans
le département de la Manche, pour pourvoir
au remplacement de M. le vice-amiral de
Gueydon, décédé.
Deux candidats étaient en présence : MM.
Riotteau, ancien député, républicain, et M. le
vice-amiral Roussin, réactionnaire.
M. Riotteau a obtenu 49,929 voix ; M. le
vice-amiral Roussin, 38,929 voix.
Il manque le résultat de six cantons, mais
l'élection de M. Riotteau est assurée.
,, Élections municipales à Neuilly
Hier, ont eu lieu à Neuilly-sur-Seine les
élections de ballottage pour la nomination
de treize conseillers municipaux.
La liste conservatrice a été élue.
Élection au conseil général
Une élection au conseil général a eu lieu
pour le canton de Saint-Blin (Haute-Marne).
Inscrits, i639. — Votants, 1378.
Ont obtenu :
MM. Magnin, réactionnaire. 876 voix, élu.
Henriot, républtcai. 408 —
Les droits de douane
L'Union générale des syndicats girondins
(patrons), réunie à Bordeaux pour protester
contre la surtaxe des céréales et des bestiaux,
après avoir entendu M. Bonflay, délégué de
la Ligue marseillaise, a voté, à l'unanimité
l'ordre du jour suivant :
« L'Union générale des syndicats girondins,
réunie en assemblée générale extraordinaire,
proteste avec la plus grande énergie contre
toute nouvelle augmentation de droits sur les
céréales et les bestiaux. Elle considère une
telle mesure comme de nature à aggraver
profondément l'état de crise contre lequel
luttent si péniblement déjà l'industrie, le com-
merce et la marine marchande.
» L'Union générale des syndicats girondins
réclame, au contraire, une fois de plus, l'a-
brogation du décret prohibitif sur les viandes
salées d'Amérique, et elle compte que MM.
les sénateurs et députés de la Gironde feront
tous leurs efforts pour faire triompher ces ]
vœux au sein du Parlement. »
La suppression des soiis-préfectures
C'est aujourd'hui que M. le président du
conseil déposera sur le bureau de la Cham-
bre le projet de loi sur la réforme admi-
nistrative portant réduction d'un certain
nombre d'arrondissements et suppression
d'un certain nombre de sous-préfèctures.
Nous donnons ci-dessous la liste, par
ordre alphabétique, des départements sur
lesquels porte la réforme proposée, ainsi
que celle des sous-préfectures qui seraient
supprimées. Elles sont au nombre de 66.
Ain. Belley
Allier. Gannat
Ardennes. Rocroy
- Vouziers
Aube. Arcis-sur-Aube
Aude. Castelnaudary
Aveyron. Millau
Calvados. Pont-l'Evêque
Cantal. Muret
Charente. Barbezieux
Charente-Inférieure. Marennes
Côte-d'Or Semur
Creuse. Boussac
— Bourganeuf
Dordogne. Ribérac
Doubs. Baume-lesrDames
Drôme. Dié
Eure-et-Loire. Nogent-le-Rotrou
Finistère. Quimperlé
Haute-Garonne Villefranche
Gers. Lombez
Gironde. Bazas
— Lesparre
Hérault. Saint-Pôns
Ille-et-Vilaine. Montfort
Indre Issoudun
Indre-et-Loire. Loches
— Chinon
, Isère. La Tour-du-Pin
Jura. Poligny
Landes. Saint-Sever
Loir-at-Cher. Romorantin
Loire- Inférieure. Ancenis
Loiret. Gien
Lot. - Figeac
Lot-et-Garonne. Nérac
Lozère. Marvejols
Maine-et-Loire. Segré
Manche. Valognes
Marne.,. Vitry-le-François
— Sainte-Ménehould
Meuse. Montmédy
Nièvre. Cosne
Orne. Argentan
Puy-de-Dôme. Thiers
Basses-Pyrénées. Orthez
Hautes-Pyrénées. Bagnères-de-Bigorre
- Argelès
Pyrénées-Orientales. Céret
Rhône. Villefranche
Saône-et-Loire. Louhans
Sarthe. Saint-Calais
Seine-Inférieure. Yvetot
Seine-et- Marne. Fontainebleau
Seine-et-Oise. Rambouillet
Deux-Sèvres. Melle
Somme. Doullens
Tarn. Lavaur
Tarn-et-Garonne. Castelsarrazin
Var. Brignoles
Vaucluse. Carpentras
— Orange
Vienne. Civray
Haute-Vienne Saint Yrieix
Vosges. Mirecourt
YOD\ne. Joigny
U POLITKllE DE REFORMES
Le président du conseil va déposer
aujourd'hui, sur le bureau de la Cham-
bre, le projet de loi portant suppression
d'un certain nombre de sous-préfectu-
res dont nous publions ci-dessus la
liste. Le cabinet entre ainsi dans la voie
des réformes qu'il a pris l'engagement
de préparer et que la Chambre a ré-
clamées. Ce début est modeste. Mais
d'autres projets suivront, et l'on con-
naît assez les tendances novatrices et
libérales de M. Goblet, pour être certain
d'avance qu'ils ne tarderont pas à être
déposés.
Mais, depuis le jour où la Chambre a
renversé un cabinet pour faire l'écono-
mie des sous-préfets, des dispositions
très contradictoires se sont révélées
chez certains députés. L'annonce d'un
projet de loi portant réduction du nom-
bre de ces fonctionnaires a tout d'un
coup refroidi leur ardeur, et l'on rap-
porte que plus d'un a multiplié ses
efforts pour que son département fût
épargné dans ces réductions. Nous
avouons que nous ne comprenons pas
bien ces hésitations. Si l'on pense, d'une
façon générale, qu'il y a trop de sous-
préfets, il faut laisser le gouvernement
libre de désigner ceux qui sont le moins
utiles et qui peuvent disparaître sans
inconvénient, et l'on doit admettre que
le ministre s'inspirera uniquement, pour
procéder à cette élimination, de l'inté-
rêt général du pays.
A cet intérêt général, chacun prétend
opposer des intérêts particuliers, trop
souvent même des intérêts électoraux,
lesquels ne peuvent, en vérité, entrer
en ligne de compte lorsqu'il s'agit d'une
réforme générale. Ce sont cependant
ces intérêts qui se sont émus depuis
que le projet est en préparation, et qui
vont jouer le principal rôle dans le
débat.
Nous voulons penser qu'ils ne triom-
pheront pas. Mais l'heure nous paraît
décisive pour la Chambre. Elle est pla-
cée, pour le moment, entre deux partis.
D'un côté, c'est la politique de réfor-
mes qu'elle a réclamée et qu'on lui pro-
pose d'inaugurer; de l'autre, c'est la
politique du statu quo, du piétinement
sur place, du temps perdu.
Si c'est à cette politique effacée, qu'a-
près les agitations bruyantes des pre-
miers mois elle veut consacrer le reste
de sa carrière, il lui suffit d'un vote pour
le déclarer, et elle peut tenir pour cer-
tain que les cabinets ne commettront
plus ensuite l'imprudence de venir lui
proposer quelque modification que ce
soit à l'état actuel.
Si. au contraire, elle veut entrer avec
résolution dans la voie des réformes et
faire une œuvre utile, il est absolument
nécessaire qu'elle considère tout d'a-
bord, et d'une façon générale, le carac-
tère de la tâche qu'elle entreprend. Il
faut qu'elle sache qu'il n'est pas une
seule des réformes qui peuvent lui être
proposées qui ne lèse quelques inté-
rêts particuliers, qui ne dérange quel-
ques habitudes prises de longue date,
qui ne soit destinée à servir de sujet ou
de prétexte à des critiques, à des do-
léances, à des récriminations souvent
très âpres et très passionnées.
C'est ce qui se produit aujourd'hui
pour les sous-préfets ; cela se produira
demain pour les réductions dans le per-
sonnel des finances, ou dans celui de la
magistrature, ou dans celui de n'importe
quel service public.
De tout temps on s'est plaint du trop
grand nombre de fonctionnaires. On a
prétendu que la France était un pays de
bureaucrates. La Chambre s'est faite
l'interprète de ces plaintes. Dans un
élan, peu réfléchi du reste, elle a voulu
porter la hache dans les citadelles bu-
reaucratique et elle a fait, par exemple
à l'administration centrale du ministère
des finances, des hécatombes qui, si
elles étaient définitives, nuiraient forte-
ment à la bonne gestion des affaires pu-
bliques. Au lieu de ces suppressions
irréfléchies et mal combinées, le gou-
vernement a pris l'engagement de pro-
céder à des éliminations mûrement
étudiées, à la suppression des rouages
dont l'utilité ne paraîtrait pas suffisante.
Il a annoncé l'intention de porter enfin
la main sur cette machine administra-
tive, dont l'organisation date d'un siècle
et qui ne répond assurément plus, dans
beaucoup de ses parties, aux besoins
réels de notre époque, à la facilité des
communications, à la rapidité des dépla-
cements. Il tient sa parole et il fait au-
jourd'hui le premier pas dans la voie de
ces réformes et de ces suppressions
d'emplois inutiles. A la Chambre main-
tenant de voir si elle veut se joindre au
gouvernement pour pratiquer cette po-
litique de réformes, ou si elle préfère
donner le spectacle de la coalition des
intérêts particuliers se liguant pour
faire échec à l'intérêt général.
—————————— ——————————
Nous avons dit, hier, combien étaient
absurdes les bruits de dissentiments
ministériels qu'on se plaisait, dans
certains milieux politiques, à mettre
en circulation, n'osant pas faire au
ministère une guerre plus ouverte et
plus loyale. Nous ajoutions que, mal-
heureusement, ce n'étaient pas seule-
ment les journaux monarchistes qui
propageaient ces bruits, et que les
journaux républicains, aussi, s'en fai-
saient l'écho. En veut-on la preuve ? On
n'a qu'à lire deux journaux de nuances
bien opposées, le Soleil et le Rappel,
d'hier matin : « Les ministres ont
reproché assez vivement à M. Goblet,
dit le Soleil, de n'être pas inter-
venu, jeudi dernier, lors de la fixa-
tion de l'ordre du jour, pour deman-
der à la Chambre de discuter la loi
militaire immédiatement après le bud-
get. Nous avons expliqué les motifs
de cette abstention et dit quels pé-
rils allait faire courir au ministère le
débat sur les céréales. Le président du
conseil a dû, après une courte résistance,
promettre à ses collègues d'insister
pour que la Chambre accorde la priorité
à la loi militaire sur le relèvement des
droits sur les céréales. » Ecoutez main-
tenant ce que dit le Rappel: « On sait
que deux lois se disputent la première
place immédiatement après le budget :
la loi sur les céréales et la loi organi-
que militaire. La très grande majorité
du conseil se serait prononcée en faveur
de cette dernière ; trois ministres seu-
lement, MM. Goblet, Dauphin et Develle,
dont le protectionnisme est d'ailleurs
suffisamment connu, auraient haute-
ment déclaré leurs préférences pour les
céréales. Après une discussion assez
vive, la question aurait été provisoire-
ment tranchée dans le sens de l'absten-
tion. » Et c'est ainsi qu'on écrit l'his-
toire !
Or, il n'y a pas un mot de vrai dans
l'information du Soleil et du Rappel.
La question de la loi sur les céréales
n'a été, jusqu'à ce jour, ni discutée ni
même abordée dans le conseil des mi-
nistres. Il a été effectivement décidé
que le gouvernement demanderait la
mise à l'ordre du jour, le plus tôt pos-
sible, de la loi militaire ; mais on n'a pas
parlé de demander que l'ordre du jour
de la Chambre fût modifié. Quant au
protectionnisme de M. Goblet, nous
ignorons par quels signes éclatants il
s'est manifesté jusqu'à ce jour. Il est
possible que le président du conseil soit
favorable au relèvement des droits sur
les céréales, pour lequel une majorité
paraît acquise dans la Chambre ; mais,
s'il nous en souvient bien, il a refusé, lors
des élections, de prendre à cet égard
aucun engagement, et c'est probable-
ment là une des causes pour lesquelles
il a été mis en ballottage au premier
tour. Mais ce n'est là qu'un détail ; ce
qui nous a paru plus grave, et ce que
nous avons cru utile de signaler, c'est
le concours assurément involontaire,que
des journaux radicaux sérieux, comme
le Rappel, apportent à leurs adversaires
politiques et même aux monarchistes,
en accueillant comme vrais des bruits
qui ne reposent absolument sur aucun
fondement.
————————— —————————
L'enseignement primaire vient d'avoir,
lui aussi, sa question du latin. Au mo-
ment où les langues mortes ne règnent
plus sans partage dans l'enseignement se-
condaire, était-il opportun de chercher à
leur faire une place un degré au-dessous ?
On nous permettra d'en douter. Un inté-
ressant débat s'était engagé tout d'abord,
sur ce sujet, dans une revue spéciale.
MM. Léonce Person et Charles Bigot
avaient été les champions du tournoi, le
premier pour, le second contre l'intro-
duction du latin dans les écoles normales
primaires.
La question a été posée devant le Con-
seil supérieur par un des maîtres de la
philologie, M. Michel Bréal. L'éminent
professeur du Collège de France a préco-
nisé l'étude du latla avec un grand luxe
d'arguments. M. Bréal, on le sait, a été
l'un des promoteurs des réformes qui se
sont accomplies dans l'enseignement se-
condaire. Peut-être s'est-il un peu refroidi
pour elles, depuis qu'elles ont eu la faveur
de l'opinion publique. Toujours est-il
qu'il a été soutenu, au sein du Conseil, par
tous ceux qui professent cette doctrine in-
transigeante : Hors du latin, point de
salut 1
Cette opinion n'a point prévalu. Une
très forte majorité s'est jointe à M. Gréard
pour repousser le présent, renouvelé des
Grecs, qu'on voulait faire aux écoles nor-
males. La durée des études dans ces écoles
est de trois ans, et le programme est déjà
trop chargé. Etait-il possible d'y faire assez
de retranchements, pour donner au latin
une place convenable ? Nullement. On
voulait introduire cette étude par super-
fétation et aggraver une erreur dont souf-
fre notre enseignement à tous les degrés,
et qui consiste à considérer les plans d'é-
tudes comme indéfiniment compressibles.
Le latin arrivait donc, de l'aveu même de
ses partisans, au rang des accessoires ou
des utilités. Dès lors, quels résultats sé-
rieux pouvait-on attendre d'une langue
qui ne serait étudiée que par surcroît,
quelques heures par semaine pendant
trois ans, alors que, dans l'enseignement
secondaire, six années consécutives pa-
raissent insuffisantes à ceux qui deman-
dent le rétablissement du latin en sep-
tième ?
Le Conseil supérieur a donc sagement
résisté à des sollicitations tout au moins
imprudentes. Nous n'avons, dans l'ensei-
gnement secondaire, que trop de latinistes
qui ne savent pas le latin. N'allons point
semer cette graine dans l'enseignement
primaire.
A. B.
Il nous paraît nécessaire de donner
quelques explications sur les crédits de-
mandés par le ministre de la guerre pour
transformer l'armement de notre infante-
rie, ainsi que pour fabriquer de nouveaux
projectiles d'artillerie et pour modifier
certains profils de nos forts d'arrêt.
L'administration militaire dispose en-
core d'une somme de près de deux cents
millions de francs, croyons-nous, qui pro-
vient de l'ancien compte de liquidation et
qui a sa destination spéciale. Sur ce reli-
quat, cent cinq millions sont concédés,
cette année, au ministre de la guerre, qui
les attribuera aux divers services dont le
matériel n'est pas encore complet, confor-
mément à la répartition établie il y a six
ans.
Indépendamment de ce crédit extraor-
dinaire, compris dans le budgét général
présenté par le gouvernement, le ministre
de la guerre demande une somme de
quatre-vingt-six millions. Cette somme
constitue la première annuité pour la fa-
brication des fusils à répétition, des obus
à la mélinite et des coupoles cuirassées.
Il est regrettable que, par la négligence
de l'administration militaire sous les pré-
cédents ministres, il n'ait pas encore été
fait emploi, à notre époque, de tous les
crédits compris dans le compte de liqui-
dation, car il en est résulté une confusion
qu'il est indispensable de dissiper entre
ces deux catégories de dépenses parfaite-
ment distinctes.
Nous souhaitons vivement qu'il soit mis
un terme à ces errements administratifs.
Il le faut même, car assurément la sur-
prise sera grande partout, quand on saura
que cette situation quelque peu compli-
quée a amené jeudi, à la Chambre, une
discussion extrêmement diffuse elle-
même. Il le faut, enfin, parce que nous
nous trouvons à la veille d'une entreprise
considérable.
En même temps que les manufactures
et les usines emploieront les sommes af-
fectées à l'achèvement de la reconstitution
ou à la transformation d'une partie de
notre matériel de guerre, les Chambres
procéderont à la discussion des divers
titres du projet de loi militaire organique,
recrutement de la troupe, rengagement
des sous-officiers, avancement des offi-
ciers, constitution de l'armée, cadres et
effectifs. C'est une œuvre de revision pres-
que complète qui va être accomplie. Il
importe qu'elle soit conduite par celui qui
feuilleton du XIXe SIECLE
Du 16 janvier 1887
CAUSERIE
DRAMATIQUE
THÉÂTRE DU GYMNASE : la Comtesse Sarah,
drame en cinq actes, de M. Ohnet. — THÉÂ-
TRE DU CHATEAU-D'EAU : Vidocq, ou la po-
lice en 18.étude policière en cinq actes,
de MM. Jaime et Richard.
Un mérite incontestable du théâtre de
M. Ohnet, c'est qu'il est facile à racon-
ter, ses drames étant simples, clairs et
très bien coupés. Je donne donc le som-
maire, acte par acte, de la Comtesse
Sarah, brièvement, pour en rappeler le
sujet à ceux qui l'ignoreraient encore,
malgré le grand débit du roman d'où M.
Ohnet a tiré la pièce jouée hier au
Gymnase.
Premier acte : La comtesse Sarah
O'Donnor, de son vrai nom Sarah tout
court, enfant trouvé, gypsie, mais adop-
tée par une comtesse O'Donnor qui lui
a légué son titre et sa fortune, court le
monde et rencontre le général comte de
Canalheilles, qui devient fort amoureux
d'elle, quoiqu'ayant quarante ans de
plus que la belle Anglaise. Il la demande
en mariage. Sarah accepte, mais seule-
ment après avoir consulté deux person-
nages qui tiennent de près au général :
sa nièce, Blanche de Cygne, et son aide
de camps Séverac, fils d'un compagnon
d'armes du général, sorte de fils adop-
tif pour lui, qui, l'un et l'autre, approu-
vent ce mariage.
Deuxième acte : le mariage accom-
pli, Sarah se montre troublée, inquiète,
nerveuse. Elle est particulièrement dé-
sagréable envers Séverac. Le général,
qui, en sa qualité de prédestiné, comme
disait Balzac, n'en manque pas une, fait
à sa femme d'amicaux reproches au
sujet de sa méchante humeur vis-à-vis
de l'aimable aide de camp. Il ménage
même une entrevue entre eux deux,
qu'il laisse discrètement seuls. L'expli-
cation, commencée sur le ton aigre-
doux, se termine par l'aveu réciproque
de leur amour que se font Séverac et
Sarah. La froideur de l'un, l'antipathie
apparente de l'autre, n'étaient qu'une
défense, désormais inutile, contre le
double amour qui s'emparait d'eux.
Car, à la fin de l'acte, le général est
trompé, ce qui fait que nous ne le
voyons plus en uniforme, même le jour
du mariage de sa nièce. On sait que le
plus délicat respect des convenances
est la règle du Gymnase !
Troisième acte : Si la comtesse Sa-
rah trompe son seigneur et maître avec
un entrain d'enfer, d'une allure que
M. Richepin qualifierait de « toura-
nienne », Séverac, simple Arya, y va de
moins bon cœur. Il est dévoré de re-
mords. Son retour à la vertu se trouve
d'ailleurs encouragé par l'amour nou-
veau qu'il ressent pour la nièce du gé-
néral, Mlle de Cygne. Mais, comme il ne
peut songer à se marier, il prend le
parti de fuir pour rompre avec Sarah,
et, promu chef d'escadron, demande à
prendre son service en Afrique, où l'on
se bat. Il veut même partir tout aussi-
tôt sa nomination reçue. Mais Sarah le
menace d'un scandale s'il lui refuse un
dernier rendez-vous, qui aura lieu dans
la serre de l'hôtel, quand les visiteurs
ordinaires se seront retirés.
C'est, ici, la scène capitale de 1'00u-
vre, et, avec ingéniosité, l'auteur s'ar-
range de façon que ce rendez-vous in-
time de Sarah et de son amant soit un
rendez-vous général de tous les person-
nages du drame. Oh! les serres ! Le
prudent Arnolphe n'en aurait pas voulu
dans sa maison. Dans celle-ci, nous
voyons d'abord paraître Blanche, très
agitée du départ de Séverac, car elle
adore le bel aide de camp et elle a même
veillé pour aller avouer cet amour à son
oncle dès qu'il sera seul. Mais le géné-
ral n'est pas dans sa chambre, et Blan-
che vient le chercher dans la serre. Ce
n'est pas lui qu'elle trouve. Elle voit,
par le parc, Séverac s'avancer à pas de
loup ou d'amoureux. Blanche se cache
aussitôt, et Sarah arrive, qui ouvre la
porte à son amant. L'explication pas-
sionnée qu'ils ont ne doit laisser aucun
doute à Blanche, qui les écoute.
, Mais pourquoi le général n'est-il pas
dans son appartement? Il faut savoir
qu'il héberge pour le moment un vieux
camarade, le colonel Merlot, qui a une
fille, Madeleine, l'amie de Blanche ; et
cette fille est aimée d'un jeune notaire,
Frossart, que le colonel rabroue assez
fort, et qui fréquente assidûment chez
le général, étant d'ailleurs l'ami intime
de Séverac. Merlot s'est imaginé, ayant
entendu marcher une des nuits précé-
dentes dans le parc, que Frossart, fai-
sant mentir les habitudes prudentes du
notariat, vient rôder sous les fenêtres
de sa fille. Et, avec le général, il a or-
ganisé une expédition pour « pincer »
le braconnier. Entendant du bruit dans
la serre, le général a donné un tour de
clef à la porte, tandis que son ami le
colonel bloque la sortie sur le parc. Le
notaire, qui se doute de ce qui va arri-
ver, accourt pour prévenir Séverac ;
mais il vient trop tard. Le général ouvre
la porte de la serre et n'est pas peu
surpris de trouver Sarah et Séverac.
Il leur demande une explication qui sera
difficile à donner, quand Blanche sort
de sa cachette, prête à sauver l'hon-
neur et le bonheur de son oncle, en se
compromettant elle-même. Frossart, très
au courant de la situation, et qui ne
rêve que mariages et contrats, prend
la parole, comme Figaro, et explique
tout pour le mieux. Séverac aime Blan-
che. Il n'a pas osé s'adresser à son
oncle ; il a voulu parler à la comtesse.
De là, le rendez-vous, auquel il a été
convoqué lui même comme ami de la
maison et où Blanche a été appelée aussi
par la comtesse, qui voulait lui deman-
der si elle aimait Séverac. Explication
très plausible, à la suite de laquelle le
général accorde à Séverac la main de
sa nièce. Mais il garde de la méfiance.
Il a voulu que la comtesse mit elle-
même la main du bel aide de camp dans
la main de Blanche et il a surpris l'ex-
pression de sa douleur et de sa rage.
« Ils mentent tous ! » dit-il — et l'acte
finit sur ce mot plein de menaces.
Quatrième acte : Nous sommes au
jour des noces de Séverac et de Blanche.
Sarah, affolée, est malade et ne sort pas
de sa chambre. Cependant, elle se lève,
pour avoir une entrevue avec Blanche,
gardant encore l'espoir de rompre le
mariage. Mais Blanche lui avoue qu'elle
aime aussi Séverac, et finit par attendrir
la comtesse. Elle s'attendrit si bien
qu'elle avoue au général, toujours hanté
de soupçons, la faute commise. Le gé-
néral pardonne, à condition que Séverac
et Blanche partiront sur l'heure. Cin-
quième acte : La comtesse a juré à son
mari de ne pas se tuer. Malade, elle a
été en Irlande, dans ses terres, cher-
cher le repos. Mais son fatal amour ne
lui fait pas grâce, et, en apprennant par
une lettre de Blanche à son oncle que
Séverac va être père, Sarah se noie.
La Comtesse, Sarah a réussi, et je
crois que le Gymnase a du pain sur la
planche, comme on dit, presque autant
qu'aux jours heureux où Mme Desva-
rennes y pétrissait sa farine. Mais le
succès, indiscutable, ne va pas, cette
fois-ci, sans objections, sans un certain
sentiment de résistance, qu'on pouvait
trouver surtout chez les lettrés et les
gens de théâtre qui font en partie le
public des premières. Ce sentiment de
résistance, que je ne saurais me dispen-
ser de constater, en historiographe fi-
dèle, tient à plusieurs raisons, les unes
mauvaises, les autres bonnes. Il est cer-
tain qu'on trouve que M. Ohnet prend
au théâtre une place trop considérable
et qu'il prend cette place en cherchant
à plaire surtout au gros du public bour-
geois, insistant de plus en plus sur le
sentimentalisme des romanciers de l'é-
cole de M. Feuillet, sans rien concéder
à l'esprit de vérité qui, mal entendu ou
mal mis eii œuvre souvent, n'en est
pas moins une légitime préoccupation
de la nouvelle école dramatique. On re-
gimbe, il faut le dire, contre l'habileté
excessive de son œuvre, contre des har-
diesses apparentes qui ne sont que pru-
dences extrêmes, contre le trop de pré-
cautions ne reculant pas devant la ba-
nalité, en un mot contre ce retour offen
sif et triomphant d'un Scribe agrandi et
attendri, à l'heure même où Dumas, par
exemple, risque de hardies parties pour
sortir des formules usées. Ces objec-
tions, qui ne sont pas sans fondement,
ont le tort d'être exaspérées par je ne
sais quelle jalousie inavouée du succès.
Car, si la Comtesse Sarah n'est que du
théâtre, et du théâtre où l'invention est
inférieure à l'arrangement, c'est encore
quelque chose qui n'est pas à tous que
cet art de savoir plaire.
Il est incontestable pourtant que la
Comtesse Sarah, si elle égalera en suc-
cès Serge Panine et le Maître de forges,
est inférieure à ces deux œuvres, sur-
tout à la première. L'adresse en est ex-
cessive. Mais le « moyen », l'incident
ingénieux, qui doivent ne faire que ser-
vir à développer et à montrer les pas-
sions et les caractères, prennent le pas
sur eux. Et les caractères, pour ceux
qui se préoccupent surtout d'eux dans
le grand théâtre, ne nous satisfont pas
entièrement. Cependant, l'objection
principale que j'aie entendu faire contre
la comtesse Sarah, c'est que les deux
héros du drame ne sont pas sympathi-
ques. Or, présenter à la scène des per-
sonnages sans s'inquiéter de savoir s'ils
sont sympathiques ou non, n'est-ce pas
une des premières règles de l'école
nouvelle? N'est-ce pas la formule qu'on
applique, pour les louer, aux pièces de
M. Becque? Singulière confusion dans
les esprits! On accuse Ohnet d'être
« vieux jeu », et la raison profonde de
la résistance qu'on oppose à sa dernière
œuvre, c'est de ne pas avoir assez obéi
à la règle du vieux jeu, qui veut que les
amoureux soient « sympathiques » !
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