Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1887-01-07
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 07 janvier 1887 07 janvier 1887
Description : 1887/01/07 (A18,N5475). 1887/01/07 (A18,N5475).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
eix-Huitiême-annêe. - Ir 5475 Prix du numéro : Par;,4, et bépartemer3 : 15 centimes Vendredi 7 janvier 1887
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MM. LAGRANGE, CERF ET .1J:
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BULLETIN
Une. discussion orageuse se prépare au
Reichstag allemand : c'est le 10 que doit
s'ouvrir le débat sur le septennat mili-
taire. On sait en quoi consiste ce projet de
loi, auquel le gouvernement impérial atta-
che une importance capitale. 1L comporte
à la fois la fixation de l'effectif de l'armée
allemande pour une durée de sept années,
l'augmentation de l'effectif annuel, qui se-
rait porté à 468,409, soit quarante et un
mille hommes de supplément; enfin, la
création de trente et un nouveaux batail-
lons d'infanterie et de vingt-quatre batte-
ries d'artillerie.
La commission du Reichstag avait re-
poussé, en première lecture, les proposi-
tions du gouvernement et avait adopté des
dispositions transactionnelles, que le mi-
nistre de la guerre n'avait pas, d'ailleurs,
acceptées.
Dans une seconde délibération qui a eu
lieu mercredi, la commission a persisté
dans ses résolutions et en a encore accen-
tué la signification. Elle a rejeté, par 16
voix contre 12, l'article 1er du projet,
c'est-à-dire les dispositions relatives à la
fixation de l'effectif. Elle n'a voulu accep-
ter aucun des deux amendements propo-
sés, soit par les progressistes, soit par
le Centre, qui tendaient, l'un, à la réduc-
tion de l'effectif demandé par le gouverne-
ment, l'autre à la diminution de la durée
de sept à trois années.
En outre, la commission a adopté l'ar-
ticle 2, relatif à la fixation des cadres, sur
les bases qu'elle avait elle-même établies
en première lecture ; elle a accordé au
gouvernement 15 bataillons et 24 batte-
ries pour trois ans et 16 bataillons pour
nn an
Il résulte de ces résolutions que la com-
mission refuse énergiquement d'abdiquer
> pendant sept années, ou même pendant
trois années, le droit de contrôle du
Reichstatr sur les dépenses militaires. Si
le Rpjr'pstag ratifiait les décisions de la
commission, le budget de l'armée devrait
être voie tous les ans, comme cela a lieu
da ts tous les pays soumis au régime par-
lementaire.
Le Reichstag revendiquera-t-il cette pré-
rogative avec la même vigueur que sa
commission ? Cela est fort douteux. Une
pression très active est exercée par la
presse officieuse sur l'opinion publique ;
des pétitions se signent dans les provinces
pour appuyer l'action gouvernementale.
Les députés hostiles au projet de loi au-
ront-ils la fermeté de résister aux influen-
ces diverses que le gouvernement fait
agir? Sauront-il se défendre contre les
séductions qu'on va déployer pour les ga-
gner ? Les ultramontains ne profiteront-ils
pas, au contraire, de l'occasion qui s'offre
à eux d'arracher au chancelier de nou-
velles concessions sur le terrain religieux ?
Il est difficile de répondre de façon satis-
faisante à ces questions. Toutefois, ij est
permis de supposer que ce conflit, aujour-
d'hui à l'état aigu, se terminera par un
compromis dont le Centre lui-même, si
hostile au principe du septennat, propo-
sera les termes, et qu'en dernière analyse
le Reichstag se résignera à voter les dé-
penses de l'armée, avec augmentation d'ef-
fectif, non pas pour sept ans, mais pour
trois.
Reste à savoir si, dans cette hypothèse,
le gouvernement allemand acceptera ce
projet transactionnel ou dissoudra le Par-
lement pour ne pas laisser entamer son
autorité mise en échec par l'obstination de
la majorité.
Quoi qu'il en soit, dans l'état, l'hostilité
de certains groupes du Reichstag, qui re-
présentent plus particulièrement la bour-
geoisie et la classe pauvre, a un sens par-
ticulier. Les idées pacifiques dominent
parmi les représentants des masses popu-
laires qui fournissent les gros bataillons
de l'armée. La presse officieuse va s'effor-
cer de leur démontrer qu'ils n'ont pas le
sens patriotique. Attendons-nous à une
nouvelle croisade des journaux allemands
contre l'ennemi héréditaire. Nous sommes
prévenus ; nous aurions tort de nous émou-
voir. -
Louis HBNRIQUB.
INFORMATIONS P ARTICULIBRES
Conseil des ministres
Les ministres se sont réunis, hier matin,
au ministère de l'intérieur, sous la présidence
de M. Goblet.
M. Granet a appelé l'attention du conseil
sur les retards apportés à la livraison du nou-
vel Hôtel des Postes, qui ne lui a pas encore
été faite par l'administration des bâtiments
civils. Il doit s'entendre à ce sujet avec M.
Berthelot, dans les attributions duquel sont
placés les bâtiments civils.
M. Millaud a entretenu le conseil de la ques-
tion du cbemin de fer métropolitain. Il a dit
qu'il espérait obtenir un rapport favorable de
la commission parlementaire.
Enfin, M. Berthelot a annoncé que le Con-
seil supérieur de l'instruction publique avait
ratifié le projet relatif aux maîtres répéti-
teurs préparé par M. Goblet, relativement à
l'amélioration du sort des maîtres répéti-
teurs et aux garanties à leur accorder au
point de vue de la sécurité de leur situation.
Le conseil s'est ensuite occupé du budget de
i887.
M. Dauphin, ministre des finances, a ex-
posé les dispositions principales du budget
extraordinaire. Le conseil a décidé de ne sta-
tuer, à ce sujet, que dans sa délibération de
samedi prochain.
Quant au budget ordinaire, le ministre des
finances s'en tient, pour les dépenses, au pro-
jet présenté par M. Sadi Carnot, sauf certai-
nes économies. Pour les recettes, il l'a modifié
dans le sens des décisions de la Chambre,
c'est-à-dire qu'il renonce à tout emprunt et
à tout impôt nouveau.
Le nouveau projet réduira le nombre des
percepteurs des contributions directes. Les
suppressions s'exerceront par voie d'extinc-
tion.
M. Dauphin rattache également au budget
de 1887 une disposition relative au régime
des sucres, de manière à atténuer les effets
de la loi de 1884, en ce qui concerne les pertes
subies de ce chef par le Trésor.
M. Goblet, président du conseil, ministre
de l'intérieur, met la dernière main à son
projet de ici relatif aux sous-préfets. Ce pro-
jet supprime, comme nous l'avons déjà dit,
une soixantaine de sous-préfectures; par
suite, les arrondissements correspondants
seraient supprimés en tant que circonscrip-
tions administratives.
La suppression d'un certain nombre d'ar-
rondissements aura pour conséqueoce ulté-
rieure des modifications correspondantes dans
l'organisation judiciaire et financière.
Le président du conseil a invité ses collè-
gues de la justice et des finances à examiner
la question au point de vue du remaniement
des ressorts judiciaires et des recettes parti-
culières.
M. Goblet soumettra au conseil de samedi
le tableau des sous-préfectures supprimées.
Le Conseil supérieur du commerce
M. Lockroy, ministre du commerce et de
l'industrie, va réunir incessamment le Con-
seil supérieur du commerce pour lui soumet-
tre la question des fontes.
Le Conseil supérieur n'avait pas été réuni
depuis près de deux ans, et plusieurs de ses
membres sont décédés ou démissionnaires.
M. Lockroy va pourvoir à leur remplace-
ment.
Il est dans les intentions du ministre du
commerce et de l'industrie de donner au
Conseil supérieur du commerce l'importance
qu'il doit avoir.
On sait, d'ailleurs, qu'un projet de loi réor-
ganisant le conseil sera examiné par le Par-
lement.
On ne saurait trop approuver l'initiative de
M. Lockroy.
Les obsèques de M. Paul Bert
MM. Berthelot, ministre de l'instruction pu-
blique et des beaux-arts, et Flourens, minis-
tre des affaires étrangères, représenteront
¡"'urs coliègues aux obsèques de M. Paul
Bert, qui auront lieu à Auxerre.
La date des obsèques n'est pas encore
fixée.
M. Berthelot sera accompagné de son chef
de cabinet, M. Georges Lyon. Il est probable
que le ministre de l'instruction publique
prendra la parole sur la tomb de celui qui
fut un de ses plus éminents prédécesseurs.
Le conseil général de l'Oise
Le conseil général de l'Oise sera convoqué
à la fin du mois, en session extraordinaire,
pour examiner diverses affaires urgentes du
département, notamment celle des chemins
de fer et celle des écoles normales.
La session durera trois ou quatre jours.
La question des sucres
MM. Lockroy, ministre du commerce et de
l'industrie, Dauphin, ministre des finances, et
Develle, ministre de l'agriculture, auront au-
jourd'hui une conférence au sujet de la ques-
tion des sucres.
Pour justifier l'Extrême-Gauche du
reproche de troubler la stabilité minis-
térielle, voici comment raisonne, dans
la Justice, un des membres de ce groupe:
Les programmes de l'Extrême-Gauche,
dit-il, ont été approuvés par le corps
électoral ; il y a des engagements pris
qui doivent être exécutés ; et, comme
d'autre part,, le gouvernement ne doit
être que l'expression de la volonté du
pays, son rôle est de se conformer aux
indications qui lui ont été données.
Il n'y aurait rien à reprendre à ce
langage, dans l'hypothèse d'une majo-
rité d'Extrême-Gauche imposant à la
minorité un gouvernement fait à son
image, et le soutenant. Mais est-ce là
ce qui se présente avec la Chambre
actuelle? L'Extrême-Gauche n'y forme
pas, croyons-nous, la majorité. Aucun
groupe ne la forme. Elle ne peut ré-
sulter que d'un accord entre les di-
verses fractions du parti républicain,
et aussitôt qu'il se présente quelque
dissidence, il se forme une majorité
d'une nature toute différente, une ma-
jorité de coalition à laquelle la Droite
contribue tout aussitôt du poids de ses
180 voix.
En présence du danger constant de
ces 180 voix de droite qui sont à l'affût
de toutes les occasions de détraquer la
machine gouvernementale, de renverser
le ministère et d'empêcher toute stabi-
lité, la question des programmes par-
ticuliers perd forcément une bonne
part de son importance. Les électeurs
de tel département ont bien pu expri-
mer le désir de voir le gouvernement
entrer dans une certaine voie ; ils ont
rédigé un programme de leurs désirs ou
élu les candidats qui leur présentaient
ce programme. Mais la réalisation de
ces désirs reste subordonnée à cette
circonstance essentielle, que les élec-
teurs des autres départements auront
eu des désirs analogues et les auront
manifestés en élisant des députés de
même nuance. S'ils l'ont fait, la majo-
rité est formée ; elle prend le gouverne-
ment et tout est, sinon pour le mieux,
du moins très clair. S'ils ne l'ont pas
fait, si la Chambre se trouve divisée en
trois tronçons de force à peu près
égale, dont l'un se donne pour mission
de pratiquer une opposition systémati-
que, les deux autres ne peuvent résister
à cette action dissolvante qu'en s'unis-
feant étroitement et en se faisant des con-
cessions réciproques. L'un ira un peu
plus loin qu'il ne se proposait d'aller,
l'autre rétrogradera un peu ; il s'éta-
blira ainsi une moyenne à laquelle per-
sonne ne trouvera exactement son
compte, mais qui permettra à un mi-
nistère de vivre et de faire quelque
chose.
Toutefois pour qu'il fasse quelque
chose, encore lui faut-il crédit d'un cer-
tain temps. Or, il y a des gens très pres-
sés qui veulent être servis tout de suite.
Un cabinet vient de tomber sur une
question imprévue. Un autre cabinet
prend sa place. Il n'est pas encore ins-
tallé que, déjà, l'on s'étonne qu'il n'ait
pas tout prêts des projets de réforme
fiscale, administrative, judiciaire, etc.
S'imagine-t-on donc que ce soit une be-
sogne si petite et si facile, de toucher
au mécanisme de nos institutions ? Voici
près d'un siècle qu'elles existent. Depuis
ce temps, tout ce qui a été fait a été
conçu de façon à concorder avec elles.
Elles se sont, — qu'on nous passe le
mot, — emboîtées les unes dans les
autres.
Non seulement nous voudrions qu'on
laissât aux ministres le temps de com-
biner les réformes qu'ils croient utile
de préparer, mais nous voudrions en-
core qu'on les laissât les préparer à
leur guise. A peine ont-ils commencé
leur travail que chacun donne son avis ;
l'un trouve que c'est trop et l'autre pas
assez. Les jugements hâtifs, fondés sur
des informations plus ou moins exactes,
égarent l'opinion publique, peuvent par-
fois influer sur la préparation de pro-
jets ou indisposer certaines fractions du
Parlement. N'eussent-ils pas d'autres
inconvénients, ils livrent aux polémiques
des partis des projets qui ne sont pas
encore définitifs, qui ne sont pas com-
plètement mûris et qui, par conséquent,
se ressentent jusqu'à un certain point
des inconvénients qu'aurait un projet
trop hâtif.
Laissons donc les ministres travailler
en paix, et plutôt que de critiquer par
avance leurs projets ou de nous démon-
trer à nous-mêmes qu'au nom de nos
principes particuliers, nous ne pouvons
pas être satisfaits de ce qu'ils préparent,
inspirons-nous des intérêts du pays et
de la République, qui ne demandent,
l'un et l'autre, ni bouleversement poli-
tique ni gâchis d'aucune sorte.
On a beaucoup reproché à certains
députés de voter souvent contre les
ministres dont ils se proclamaient les
meilleurs, les seuls amis. Cette mé-
thode, au grand détriment de la
loyauté' de nos mœurs publiques, pa-
raît en train de se généraliser. Les
inconvénients de renverser les minis-
tères républicains les uns après les
autres, comme des capucins de carte,
crèvent tellement les yeux ; la chute
de chaque ministère provoque dans le
pays un tel étonnement et un tel senti-
ment de réprobation contre les fauteurs
incorrigibles de crises ministérielles,
que personne n'ose plus se déclarer
a priori l'ennemi d'aucun cabinet. A
peine un ministère est-il constitué, que
chacun affecte de le prendre sous sa
protection ; mais ceux qui se proclament
ses plus ardents défenseurs ne se
croient pas, pour cela, obligés de ne pas
l'attaquer. Au contraire. Seulement, au
lieu de l'attaquer de front avec une
brutale franchise, ils l'attaquent par
côté en protestant de leurs excellentes
intentions. De semblables procédés, si
contraires au tempérament et aux tradi-
tions du journalisme français, étonnent,
surtout de la part de certains journaux.
Voici, par exemple, l'ancien journal de
Girardin, la France, qui a toujours passé
pour un journal libéral. Hier encore,
elle déclarait, en tête de ses colonnes,
que la majorité parlementaire semblait
animée, à l'égard du cabinet présidé
par M. Goblet, des meilleures inten-
tions. Mais, dans le même article, elle
accusait M. Goblet de « ruser avec
les difficultés », et d'avoir « recours
aux expédients ». Aujourd'hui, c'est
à M. Dauphin qu'elle s'en prend. Si
c'était pour critiquer un acte de
son ministère, rien ne nous paraî-
trait plus légitime ; mais ce n'est pas
les actes du ministre des finances
qu'elle condamne, ni même ses inten-
tions, mais les intentions qu'elle lui
prête. Ainsi, M. Dauphin a parlé, au
conseil des ministres, de son projet de
supprimer par voie d'extinction un
certain nombre de perceptions. Que fait
la France? Discute-t-elle le projet, le
critique-t-elle , ou l'approuve-t-elle ? Ni
l'un, ni l'autre. Elle reproche à M. Dau-
phin de se faire le défenseur des
trésoriers-payeurs généraux. S'il pro-
pose la suppression des perceptions
inutiles, c'est, dit-elle, par machiavé-
lisme, « c'est pour faire diversion. ; ce
n'est pas même une diversion qu'il tente
pour les trésoriers-payeurs généraux,
c'est une véritable campagne qu'il en-
treprend en leur faveur ». Notez que
M. Dauphin n'a jamais dit un mot, jus-
qu'ici, de ses intentions à l'égard de
ces fonctionnaires. La France affirme
que la Chambre a manifesté son désir
de les voir supprimés. Nous ignorons
dans quelle circonstance ; mais, ce qui
est indéniable, c'est que M. Dauphin n'a
pas encore eu l'occasion de se pronon-
cer sur la question, et que la presse
républicaine ferait mieux de laisser aux
monarchistes de pareils procédés de
polémique.
LES BOURSIERS DES L YUEES
ET DES COLLEGES
Le Conseil supérieur a examiné, dans
sa dernière séance, un projet d'arrêté
relatif aux examens pour l'obtention des
bourses dans les lycées et collèges de
garçons, et il en a adopté les principales
dispositions.
Cet arrêté ne modifie en rien les traits
essentiels de l'institution. Comme par
le passé, trois éléments entrent en li-
gne de compte pour la collation des
bourses : les services rendus à l'Etat,
les besoins des familles, l'aptitude des
candidats. Comme par le passé, l'ad-
mission à l'examen d'aptitude ne con-
fère aucun droit absolu. Cet examen a
surtout pour but de faciliter le choix
entre candidats ayant des titres équiva-
lents et d'empêcher que les sacrifices
de l'Etat ne soient faits en pure perte.
Pour prévenir, d'ailleurs, les abus de
ce genre, le Conseil supérieur, d'ac-
cord avec l'administration, a décidé
qu'aucun candidat boursier ne serait
admis aux épreuves orales, s'il n'avait
au moins vingt points sur quarante dans
l'ensemble des deux épreuves écrites.
La nullité d'une composition entraîne
l'ajournement. Be même, aux épreuves
orales, nul candidat ne peut être défini-
vement admis, s'il n'obtient la moitié au
moins du maximum des points. Il y a
lieu, en effet, d'arrêter net, au début, les
prétentions des familles qui se font illu-
sion sur les mérites de leurs enfants
ou ne voient dans l'obtention d'une
bourse qu'une sorte de pension alimen-
taire assurée à leurs descendants jus-
qu'à leur majorité.
Les commissions chargées d'examiner
les candidats sont toujours constituées
au chef-lieu du département, sous la
présidence de l'inspecteur d'Académie.
Mais elles ne tiendront désormais
qu'une session par an au lieu de deux.
Les examens auront lieu dans la pre-
mière quinzaine d'avril.
Il n'a jamais été question de remet-
tre aux préfets le droit de conférer des
bourses d'enseignement secondaire. Au-
cune innovation n'est apportée à cet
égard dans les décrets et arrêtés anté-
rieurs. Après les examens, le président
du jury rédige un procès-verbal auquel
il joint la liste nominative des candidats,
avec les notes qu'ils ont obtenues. Ce
procès-verbal est transmis au ministère,
où siège une commission centrale qui
examine toutes les demandes et les
classe par ordre de mérite, d'après les
titres produits à l'appui.
L'arrêté soumis au Conseil supérieur
a surtout pour objet de mettre en har-
monie le programme de l'examen avec
les plans d'études remaniés des deux
enseignements secondaires. Les candi-
dats ne peuvent être admis avant la
sixième pour l'enseignement classique,
avant la première année pour l'ensei-
gnement spécial. Ils sont distribués en
séries suivant leur âge. Chaque série
correspond à une classe, soit six séries
pour l'enseignement classique de la
sixième à la rhétorique, et six séries
parallèles pour l'enseignement spécial
de la première à la sixième année. Les
sujet de composition sont choisis par le
ministre.
La demande d'inscription aux exa-
mens doit être accompagnée d'un cer-
tificat donnant le relevé des notes mé-
ritées par le candidat, la liste de ses
places de composition et des prix ou
accessits qu'il a obtenus dans le cours
de ses études antérieures.
On ne saurait trop prendre, à notre
avis, de précautions pour écarter les
candidats indignes, et il serait bon
qu'une circulaire ministérielle, accom-
pagnant l'arrêté, rappelât aux chefs
d'établissements les cas de déchéance
qui peuvent atteindre les boursiers inca-
pables ou insoumis, trop nombreux en-
core dans nos lycées ou dans nos col-
lèges.
Trop souvent les familles, les enfants
mêmes, considèrent une bourse comme
un droit inaliénable que leur a conféré
l'Etat, et il n'est pas rare de voir les
boursiers jouir, par la faiblesse de l'ad-
ministration, d'une sorte d'inviolabilité
ou d'inamovibilité qu'ils tiennent ou
croient tenir de leurs tout-puissants
protecteurs. Les chefs d'établissements
se sentent désarmés ou intimidés de-
vant ces jeunes gens. Quand un mauvais
tour est commis, quand une révolte
éclate, cherchez le boursier. Que risque-
t-il, après tout? Le plus grand mal qui
puisse lui advenir, après une longue pa-
perasserie administrative, c'est d'être
transféré dans un autre lycée, où il s'em-
presse de recommencer, pour peu qu'il
aime à voir du pays. -
Une poignée de mauvais boursiers
suffit pour gangrener plusieurs établis-
sements et ruiner toute discipline. L'Etat
serait vraiment trop naïf, s'il entretenait
plus longtemps cette mauvaise graine.
Il est temps qu'il rappelle aux boursiers
et à leurs familles que les privilèges
dont ils jouissent sont essentiellement
révocables. Ceux qui répondent par leur
inconduite ou leur paresse aux sacrifi-
ces que l'Etat fait pour eux doivent,
sans merci, céder la place à d'autres
plus méritants. Ôn n'aura que l'embar-
ras du choix.
ANDRÉ BALZ.
Le projet de décret sur les maîtres ré-
pétiteurs des lycées et des collèges a
été également l'objet des délibérations du
Conseil supérieur. C'est M. Manuel, ins-
pecteur général de l'instruction publique,
qui a été chargé de faire le rapport sur
cette importante question. D'après ce que
nous ont dit quelques membres du Con-
seil, M. Manuel s'est acquitté à merveille
de cette tâche délicate et a donné, dans
cette circonstance, une nouvelle preuve
de ce libéralisme élevé, de cette ferme
croyance au progrès que nous avons eu
l'occasion de louer tout dernièrement dans
son discours de Riom.
L'impression produite par la lecture de
ce rapport a été si vive, que plusieurs
membres du Conseil ont demandé qu'il
fût inséré à l'Officiel. L'administration,
sans aucun doute, sera très heureuse de
déférer à ce désir.
Nous publions plus 10in les parties es-
sentielles de la nouvelle charte octroyée
aux maîtres répétiteurs, sauf à l'apprécier
plus à loisir, quand nous aurons entre les
mains le rapport de M. Manuel.
A. B.
LA VIE DE PARIS
Bien que nos gouvernants, que la
faute en soit à eux ou à d'autres, s'oc-
cupent de politique pure plus que je ne
voudrais, la force des choses aidant,
nous voyons s'accomplir tous les jours
de petits progrès dont il serait injuste
de ne pas leur être reconnaissants. Les
petits progrès, quelle grande chose!
Et combien difficile, paraît-il, puisqu'ils
s'accomplissent si lentement. Cette an-
née nouvelle nous en apporte au moins
un, qui sera bien accueilli. Il s'agit des
maîtres répétiteurs, dont la condition
va se trouver un peu améliorée, et qui,
par suite de mesures prises par M. Ber-
thelot, auront droit à un certain nom-
bre d'heures de liberté chaque jour, et
de telle façon qu'ils puissent en profi-
ter. L'important, pour le maître d'étu-
de, n'est pas, en effet, d'avoir beau-
coup de temps libre, mais bien de ne
pas l'avoir libre par petites fractions
d'une demi-heure ou d'une heure. Car,
en ce cas, il ne peut rien faire de son
loisir, si ce n'est aller perdre son temps
au café voisin. Il est vrai qu'en échange
de cette amélioration de leur vie, cer-
tains devoirs sont imposés aux maîtres
répétiteurs. Ils devront assister à des
cours et à des conférences, justifier d'un
travail universitaire. Ceci, d'ailleurs, est
de nature à relever le métier, ce qui est
le but à atteindre.
Beaucoup a été fait déjà dans ce sens.
Mais c'est bien l'occasion de se rappe-
ler ses classiques et de dire qu'il faut
considérer que rien n'est fait, tant qu'il
reste quelque chose à faire. Les maîtres
d'étude sont les sous-officiers de l'en-
seignement, et on sait qu'il n'y a pas de
bonne armée sans de bons sous-offi-
ciers. Qu'ils soient des volontaires,
comme les étudiants sans fortune qui
demandent à ce métier, qui sera toujours
un peu dur, le moyen de préparer les
examens professionnels, ou bien qu'ils
se destinent à l'enseignement et étu-
dient pour les licences, ayant parfois
échoué à l'Ecole normale, — ce qui
peut arriver même à des jeunes gens
très instruits, — les maîtres répétiteurs
forment une réserve pour les profes-
sions libérales, et tout ce qui facilite
leurs travaux et relève leur dignité est
digne d'applaudissement.
Une des rares joies de l'homme qui
vieillit est de constater que ce qu'il a
vécu de temps a été au moins suffisant
pour accomplir un progrès dont profite-
ront ses enfants. Quel chemin parcouru
depuis l'époque où le maître répétiteur,
qui n'était même pas le maître d'étude,
s'entendait appeler « pion » et « chien
de cour », détesté des élèves, peu es-
timé des parents et mal défendu, bien
souvent, par ses supérieurs ! Et il arri-
vait tout naturellement que, le métier
n'étant pas suffisamment tenu en hon-
neur, on ne trouvait pour l'accepter que
des désespérés ou des résignés, qui
souvent, il faut le reconnaître, justi-
fiaient la sévérité de l'opinion. Il fau-
drait que j'aie l'âme bien noire pour
avoir gardé des rancunes vieilles de
trente ans ! Quand je parle des souve-
nirs de mon enfance au lycée de pro-
vince où je commençai à étudier, et à
Paris où je finis mes humanités, on doit
croire que je le fais d'un esprit impar-
tial, plutôt enclin à l'indulgence qu'à la
dureté ; car les choses du passé ne nous
reviennent à la mémoire qu'avec une
douce mélancolie qui en tempère l'â-
preté. Eh bien ! je déclare que j'ai connu,
dans ma jeunesse, deux ou trois
« pions M que je trouve peut-être plus
détestables aujourd'hui que je ne les
estimais haïssables tant que j'étais sous
leur férule. Car je puis mieux qu'alors
me rendre compte de ce qu'un mauvais
maître d'étude, soit qu'il ait un carac-
tère méchant, soit qu'il manque de
conscience, peut faire de mal à l'âme,
souvent très tendre, d'un enfant. J'ai
connu de vieux « pions » aigris, ayant
toutes les manies des petits employés
malheureux et envieux, abominant l'en-
fance confiée à leurs soins, tâtillons,
durs, entêtés, injustes. J'ai connu aussi
des « pions », jeunes ceux-là, paysans
et villageois mal éduqués, grossiers,
brutaux, parfois même vicieux. @ Le per-
sonnel, en un mot, mal recruté, ne pré-
sentait aucune garantie pour la plus dé-
licate des tâches qui lui était confiée,
celle de manier de jeunes caractères.
Une discipline apparente était mainte-
nue, par la peur commune que « pions»
et élèves avaient du censeur et des
surveillants généraux. Mais aucune dis-
cipline morale n'existait ; et c'est cette
discipline morale qui peut être l'œuvre
des maîtres répétiteurs, pourvu qu'ils
aient un peu de bonne éducation, le
sens de la justice et le goût du bien.
Le professeur, dans nos lycées, ayant
des classes que la nécessité fait encore
trop nombreuses, ne connaît pas bien
ses élèves. Il ne les voit qu'un certain
nombre d'heures par semaine, s'occupe
des leçons, des devoirs, des explica-
tions d'auteurs, ne vit pas avec eux et
ne s'intéresse qu'aux plus « forts », à
ceux dont l'intelligence éveillée lui per-
met d'espérer des succès. Pour les au-
tres, il ne s'enjsoucie guère, et j'ai connu
un professeur d'histoire qui poussait
l'indifférence sur ce point jusqu'à tolérer
que « le banc des cancres » transformât
la classe en réfectoire et mangeât, pen-
dant la leçon, des pâtés apportés par
les externes, sous prétexte que, quand
on a la bouche pleine, on est forcé-
ment silencieux. Le maître d'étude, ait
contraire, vit près de ses élèves. Il peut
avoir une action décisive sur des en-
fants médiocrement brillants en classe,
mais qui, timides ou un peu lents d'es-
prit, peuvent cependant ne pas perdre
leur temps si un peu de bienveillance
vient stimuler leur application. Les en-
fants valent peut-être mieux qu'on ne
le dit d'habitude. Ils sont incontesta-
blement cruels, mais presque toujours
par ignorance, faute de bien apprécier
la portée de leurs railleries et de leurs
farces, et un certain esprit de justice
est la contre-partie heureuse de cette
tendance malfaisante. Dans la généra-
lité des cas, on trouve assez aisément
le chemin de leur raison et de leur
cœur. Je me souviens encore que, quel-
ques mois après le coup d'Etat, il nous
arriva à Marseille un maître d'étude
qui venait de Paris. J'ai su depuis que
c'était un étudiant compromis dans les
agitations du quartier Latin et qui, par
une histoire assez romanesque, avait
trouvé refuge dans l'Université.
Ce grand beau garçon, d'humeur
assez sombre, portait des pantalons lar-
ges, un chapeau à bords relevés et avait
un accent fort pur. Or, les philosophes
ont remarqué que ce qui est « diffé-
rent » paraît toujours ridicule aux peu-
ples jeunes et aux enfants. Le Parisien,
n'ayant pas l'accent provençal nous pa-
raissait donc ridicule. Il n'est pas de
misère qu'on ne lui fît. Il avait beau
nous punir, nous redoublions. Le cen-
seur dut intervenir, et nous étions assez
visiblement canailles pour bien nous
rendre compte que le malheureux, noté
comme ne sachant pas tenir l'étude,
serait renvoyé. Une fois, nous le fîmes
pleurer. Enfin, un jour, il se décida à
nous haranguer, et, sans nous dire son
histoire, il nous fit connaître, avec un
grand accent de sincérité, qu'au premier
désordre il serait remercié et que, s'il
était remercié, il était un homme perdu,
ne pouvant plus finir ses études, ni ga-
gner sa vie. Nous délibérâmes entre
nous. Je dois dire qu'il y eut des in-
transigeants pour soutenir que si un
« pion » avait envie de se pendre, il
faudrait vendre son habit pour lui ache-
ter une corde. Mais la majorité de l'é-
tude fut d'un autre sentiment. On fit la
paix avec le « pion », et quand quel-
qu'un de nous troublait lebon ordre de
l'étude autrement que par inadvertance
et légèrement, nous le rossions. Je n'ai
pas oublié l'espèce de joie mélancolique
de ce jeune homme quand, par la suite,
il devint notre camarade, nous aidant
aux devoirs, partageant nos jeux. Nous
passâmes avec lui une année charmante.
Et je crois que l'enfance, après tout,
peut être aisément maniée par des hom-
mes qui l'aiment et qui lui en imposent
par le travail. Car les paresseux, même
au collège, estiment les travailleurs.
HENRY FOUQUIER.
«+»
L'AFFAIRE DE BULGARIE
(SIRVICiS BAVAS ET DÊPÈCHHS PARTICULIÈRIS)
La situation générale
Londres, 6 janvier.
D'après le Standard, le tsar serait assez
disposé à abandonner la candidature du prince
de Mingrélie, en faveur de celle du prince
d'Oldenbourg.
Le Standard Invite les Bulgares à faire, de
leur côté, les concessions compatibles avec
leur indépendance, afin de ramener leur pays
à son état normal.
Le correspondant du même journal à Saint-
Pétersbourg dément de nouveau, de la façon
la plus catégorique, qu'une alliance ait été
conclue entre la Russie et l'Allemagne.
Les relations de ces deux empires, dit le
correspondant en question, sont évidemment
améliorées, mais aux yeux des hommes d'E-
tat russes, elles laissent encore beaucoup à
désirer.
Les informations du Daily News ne concor-
dent pas avec celles du Standard; elles ten-
dent encore une fois à représenter comme ef-
fective cette alliance russo-allemande qui,
depuis quelque temps, donne lieu, dans la
presse anglaise, à des nouvelles si contradic-
toires. Le correspondant du journal libéral à
Constantinople télégraphie :
« On croit ici, dans les cercles officiels et
diplomatiques, qu'une entente existe entre la
Russie et l'Allemagne en vue d'une action
commune relativement à la question bulgare,
et que la Porte a promis d'agir conformément
aux recommandations communes des deux
empires. On affirme que les régents bulgares
seront invités à se retirer. Pour le moment,
tous les efforts tendraient directement à ce
but.
» La France aurait consenti, ajoute le cor-
respondant du Daily News, à agir dans le
même sens ; elle refuserait son concours à
toute mesure qui serait en opposition-avec
la combinaison ci-dessus indiquée. »
Londres, 6 janvier.
M. Grékoff fait démentir le bruit que la dé-
légation bulgare ait reçu à Londres des assu-
rances de nature à favoriser l'idée d'une res-
tauration d'Alexandre de Battenberg. Bien
que l'éventualité de cette restauration lie
soit pas impossible, elle reste des plus impro-
bables.
Les hommes d'Etat anglais conseilleraient,
au contraire, à la Bulgarie une politique
d'extrême modération vis-à-vis de la Russie.
D'après le délégué bulgare, la Sobranié se-
rait spécialement convoquée dans le cou-
rant du mois, pour permettre à la délégation
de rendre compte des résultats de sa mis-
sion.
NOUVELLES DE L'ETRANGER
(SKRVICS- HA VAS ET DÂPfllCHXS PUTICULIÈlUIS)
La crise ministérielle en Angleterre
Ottawa, 5 janvier. — Le marquis de Lans-
downe, gouverneur général du Canada, a ré-
pondu à la dépêche de lord Salisbury en dé-
clinant le portefeuille de la guerre, qui lui
était offert. Il motive son refus sur le désir de
rester au Canada.
Londres, 5 janvier. — Lord Northbrook, d'a-
près les bruits persistants, refuserait d'entrer
dans le cabinet.
f LJTËP i VÀI1AV gjfPPI ÏG1
JOURNAL RÉPUBLICAIN
REDACTION
adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
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MM. LAGRANGE, CERF ET .1J:
6, place de la Bourse, 6
BULLETIN
Une. discussion orageuse se prépare au
Reichstag allemand : c'est le 10 que doit
s'ouvrir le débat sur le septennat mili-
taire. On sait en quoi consiste ce projet de
loi, auquel le gouvernement impérial atta-
che une importance capitale. 1L comporte
à la fois la fixation de l'effectif de l'armée
allemande pour une durée de sept années,
l'augmentation de l'effectif annuel, qui se-
rait porté à 468,409, soit quarante et un
mille hommes de supplément; enfin, la
création de trente et un nouveaux batail-
lons d'infanterie et de vingt-quatre batte-
ries d'artillerie.
La commission du Reichstag avait re-
poussé, en première lecture, les proposi-
tions du gouvernement et avait adopté des
dispositions transactionnelles, que le mi-
nistre de la guerre n'avait pas, d'ailleurs,
acceptées.
Dans une seconde délibération qui a eu
lieu mercredi, la commission a persisté
dans ses résolutions et en a encore accen-
tué la signification. Elle a rejeté, par 16
voix contre 12, l'article 1er du projet,
c'est-à-dire les dispositions relatives à la
fixation de l'effectif. Elle n'a voulu accep-
ter aucun des deux amendements propo-
sés, soit par les progressistes, soit par
le Centre, qui tendaient, l'un, à la réduc-
tion de l'effectif demandé par le gouverne-
ment, l'autre à la diminution de la durée
de sept à trois années.
En outre, la commission a adopté l'ar-
ticle 2, relatif à la fixation des cadres, sur
les bases qu'elle avait elle-même établies
en première lecture ; elle a accordé au
gouvernement 15 bataillons et 24 batte-
ries pour trois ans et 16 bataillons pour
nn an
Il résulte de ces résolutions que la com-
mission refuse énergiquement d'abdiquer
> pendant sept années, ou même pendant
trois années, le droit de contrôle du
Reichstatr sur les dépenses militaires. Si
le Rpjr'pstag ratifiait les décisions de la
commission, le budget de l'armée devrait
être voie tous les ans, comme cela a lieu
da ts tous les pays soumis au régime par-
lementaire.
Le Reichstag revendiquera-t-il cette pré-
rogative avec la même vigueur que sa
commission ? Cela est fort douteux. Une
pression très active est exercée par la
presse officieuse sur l'opinion publique ;
des pétitions se signent dans les provinces
pour appuyer l'action gouvernementale.
Les députés hostiles au projet de loi au-
ront-ils la fermeté de résister aux influen-
ces diverses que le gouvernement fait
agir? Sauront-il se défendre contre les
séductions qu'on va déployer pour les ga-
gner ? Les ultramontains ne profiteront-ils
pas, au contraire, de l'occasion qui s'offre
à eux d'arracher au chancelier de nou-
velles concessions sur le terrain religieux ?
Il est difficile de répondre de façon satis-
faisante à ces questions. Toutefois, ij est
permis de supposer que ce conflit, aujour-
d'hui à l'état aigu, se terminera par un
compromis dont le Centre lui-même, si
hostile au principe du septennat, propo-
sera les termes, et qu'en dernière analyse
le Reichstag se résignera à voter les dé-
penses de l'armée, avec augmentation d'ef-
fectif, non pas pour sept ans, mais pour
trois.
Reste à savoir si, dans cette hypothèse,
le gouvernement allemand acceptera ce
projet transactionnel ou dissoudra le Par-
lement pour ne pas laisser entamer son
autorité mise en échec par l'obstination de
la majorité.
Quoi qu'il en soit, dans l'état, l'hostilité
de certains groupes du Reichstag, qui re-
présentent plus particulièrement la bour-
geoisie et la classe pauvre, a un sens par-
ticulier. Les idées pacifiques dominent
parmi les représentants des masses popu-
laires qui fournissent les gros bataillons
de l'armée. La presse officieuse va s'effor-
cer de leur démontrer qu'ils n'ont pas le
sens patriotique. Attendons-nous à une
nouvelle croisade des journaux allemands
contre l'ennemi héréditaire. Nous sommes
prévenus ; nous aurions tort de nous émou-
voir. -
Louis HBNRIQUB.
INFORMATIONS P ARTICULIBRES
Conseil des ministres
Les ministres se sont réunis, hier matin,
au ministère de l'intérieur, sous la présidence
de M. Goblet.
M. Granet a appelé l'attention du conseil
sur les retards apportés à la livraison du nou-
vel Hôtel des Postes, qui ne lui a pas encore
été faite par l'administration des bâtiments
civils. Il doit s'entendre à ce sujet avec M.
Berthelot, dans les attributions duquel sont
placés les bâtiments civils.
M. Millaud a entretenu le conseil de la ques-
tion du cbemin de fer métropolitain. Il a dit
qu'il espérait obtenir un rapport favorable de
la commission parlementaire.
Enfin, M. Berthelot a annoncé que le Con-
seil supérieur de l'instruction publique avait
ratifié le projet relatif aux maîtres répéti-
teurs préparé par M. Goblet, relativement à
l'amélioration du sort des maîtres répéti-
teurs et aux garanties à leur accorder au
point de vue de la sécurité de leur situation.
Le conseil s'est ensuite occupé du budget de
i887.
M. Dauphin, ministre des finances, a ex-
posé les dispositions principales du budget
extraordinaire. Le conseil a décidé de ne sta-
tuer, à ce sujet, que dans sa délibération de
samedi prochain.
Quant au budget ordinaire, le ministre des
finances s'en tient, pour les dépenses, au pro-
jet présenté par M. Sadi Carnot, sauf certai-
nes économies. Pour les recettes, il l'a modifié
dans le sens des décisions de la Chambre,
c'est-à-dire qu'il renonce à tout emprunt et
à tout impôt nouveau.
Le nouveau projet réduira le nombre des
percepteurs des contributions directes. Les
suppressions s'exerceront par voie d'extinc-
tion.
M. Dauphin rattache également au budget
de 1887 une disposition relative au régime
des sucres, de manière à atténuer les effets
de la loi de 1884, en ce qui concerne les pertes
subies de ce chef par le Trésor.
M. Goblet, président du conseil, ministre
de l'intérieur, met la dernière main à son
projet de ici relatif aux sous-préfets. Ce pro-
jet supprime, comme nous l'avons déjà dit,
une soixantaine de sous-préfectures; par
suite, les arrondissements correspondants
seraient supprimés en tant que circonscrip-
tions administratives.
La suppression d'un certain nombre d'ar-
rondissements aura pour conséqueoce ulté-
rieure des modifications correspondantes dans
l'organisation judiciaire et financière.
Le président du conseil a invité ses collè-
gues de la justice et des finances à examiner
la question au point de vue du remaniement
des ressorts judiciaires et des recettes parti-
culières.
M. Goblet soumettra au conseil de samedi
le tableau des sous-préfectures supprimées.
Le Conseil supérieur du commerce
M. Lockroy, ministre du commerce et de
l'industrie, va réunir incessamment le Con-
seil supérieur du commerce pour lui soumet-
tre la question des fontes.
Le Conseil supérieur n'avait pas été réuni
depuis près de deux ans, et plusieurs de ses
membres sont décédés ou démissionnaires.
M. Lockroy va pourvoir à leur remplace-
ment.
Il est dans les intentions du ministre du
commerce et de l'industrie de donner au
Conseil supérieur du commerce l'importance
qu'il doit avoir.
On sait, d'ailleurs, qu'un projet de loi réor-
ganisant le conseil sera examiné par le Par-
lement.
On ne saurait trop approuver l'initiative de
M. Lockroy.
Les obsèques de M. Paul Bert
MM. Berthelot, ministre de l'instruction pu-
blique et des beaux-arts, et Flourens, minis-
tre des affaires étrangères, représenteront
¡"'urs coliègues aux obsèques de M. Paul
Bert, qui auront lieu à Auxerre.
La date des obsèques n'est pas encore
fixée.
M. Berthelot sera accompagné de son chef
de cabinet, M. Georges Lyon. Il est probable
que le ministre de l'instruction publique
prendra la parole sur la tomb de celui qui
fut un de ses plus éminents prédécesseurs.
Le conseil général de l'Oise
Le conseil général de l'Oise sera convoqué
à la fin du mois, en session extraordinaire,
pour examiner diverses affaires urgentes du
département, notamment celle des chemins
de fer et celle des écoles normales.
La session durera trois ou quatre jours.
La question des sucres
MM. Lockroy, ministre du commerce et de
l'industrie, Dauphin, ministre des finances, et
Develle, ministre de l'agriculture, auront au-
jourd'hui une conférence au sujet de la ques-
tion des sucres.
Pour justifier l'Extrême-Gauche du
reproche de troubler la stabilité minis-
térielle, voici comment raisonne, dans
la Justice, un des membres de ce groupe:
Les programmes de l'Extrême-Gauche,
dit-il, ont été approuvés par le corps
électoral ; il y a des engagements pris
qui doivent être exécutés ; et, comme
d'autre part,, le gouvernement ne doit
être que l'expression de la volonté du
pays, son rôle est de se conformer aux
indications qui lui ont été données.
Il n'y aurait rien à reprendre à ce
langage, dans l'hypothèse d'une majo-
rité d'Extrême-Gauche imposant à la
minorité un gouvernement fait à son
image, et le soutenant. Mais est-ce là
ce qui se présente avec la Chambre
actuelle? L'Extrême-Gauche n'y forme
pas, croyons-nous, la majorité. Aucun
groupe ne la forme. Elle ne peut ré-
sulter que d'un accord entre les di-
verses fractions du parti républicain,
et aussitôt qu'il se présente quelque
dissidence, il se forme une majorité
d'une nature toute différente, une ma-
jorité de coalition à laquelle la Droite
contribue tout aussitôt du poids de ses
180 voix.
En présence du danger constant de
ces 180 voix de droite qui sont à l'affût
de toutes les occasions de détraquer la
machine gouvernementale, de renverser
le ministère et d'empêcher toute stabi-
lité, la question des programmes par-
ticuliers perd forcément une bonne
part de son importance. Les électeurs
de tel département ont bien pu expri-
mer le désir de voir le gouvernement
entrer dans une certaine voie ; ils ont
rédigé un programme de leurs désirs ou
élu les candidats qui leur présentaient
ce programme. Mais la réalisation de
ces désirs reste subordonnée à cette
circonstance essentielle, que les élec-
teurs des autres départements auront
eu des désirs analogues et les auront
manifestés en élisant des députés de
même nuance. S'ils l'ont fait, la majo-
rité est formée ; elle prend le gouverne-
ment et tout est, sinon pour le mieux,
du moins très clair. S'ils ne l'ont pas
fait, si la Chambre se trouve divisée en
trois tronçons de force à peu près
égale, dont l'un se donne pour mission
de pratiquer une opposition systémati-
que, les deux autres ne peuvent résister
à cette action dissolvante qu'en s'unis-
feant étroitement et en se faisant des con-
cessions réciproques. L'un ira un peu
plus loin qu'il ne se proposait d'aller,
l'autre rétrogradera un peu ; il s'éta-
blira ainsi une moyenne à laquelle per-
sonne ne trouvera exactement son
compte, mais qui permettra à un mi-
nistère de vivre et de faire quelque
chose.
Toutefois pour qu'il fasse quelque
chose, encore lui faut-il crédit d'un cer-
tain temps. Or, il y a des gens très pres-
sés qui veulent être servis tout de suite.
Un cabinet vient de tomber sur une
question imprévue. Un autre cabinet
prend sa place. Il n'est pas encore ins-
tallé que, déjà, l'on s'étonne qu'il n'ait
pas tout prêts des projets de réforme
fiscale, administrative, judiciaire, etc.
S'imagine-t-on donc que ce soit une be-
sogne si petite et si facile, de toucher
au mécanisme de nos institutions ? Voici
près d'un siècle qu'elles existent. Depuis
ce temps, tout ce qui a été fait a été
conçu de façon à concorder avec elles.
Elles se sont, — qu'on nous passe le
mot, — emboîtées les unes dans les
autres.
Non seulement nous voudrions qu'on
laissât aux ministres le temps de com-
biner les réformes qu'ils croient utile
de préparer, mais nous voudrions en-
core qu'on les laissât les préparer à
leur guise. A peine ont-ils commencé
leur travail que chacun donne son avis ;
l'un trouve que c'est trop et l'autre pas
assez. Les jugements hâtifs, fondés sur
des informations plus ou moins exactes,
égarent l'opinion publique, peuvent par-
fois influer sur la préparation de pro-
jets ou indisposer certaines fractions du
Parlement. N'eussent-ils pas d'autres
inconvénients, ils livrent aux polémiques
des partis des projets qui ne sont pas
encore définitifs, qui ne sont pas com-
plètement mûris et qui, par conséquent,
se ressentent jusqu'à un certain point
des inconvénients qu'aurait un projet
trop hâtif.
Laissons donc les ministres travailler
en paix, et plutôt que de critiquer par
avance leurs projets ou de nous démon-
trer à nous-mêmes qu'au nom de nos
principes particuliers, nous ne pouvons
pas être satisfaits de ce qu'ils préparent,
inspirons-nous des intérêts du pays et
de la République, qui ne demandent,
l'un et l'autre, ni bouleversement poli-
tique ni gâchis d'aucune sorte.
On a beaucoup reproché à certains
députés de voter souvent contre les
ministres dont ils se proclamaient les
meilleurs, les seuls amis. Cette mé-
thode, au grand détriment de la
loyauté' de nos mœurs publiques, pa-
raît en train de se généraliser. Les
inconvénients de renverser les minis-
tères républicains les uns après les
autres, comme des capucins de carte,
crèvent tellement les yeux ; la chute
de chaque ministère provoque dans le
pays un tel étonnement et un tel senti-
ment de réprobation contre les fauteurs
incorrigibles de crises ministérielles,
que personne n'ose plus se déclarer
a priori l'ennemi d'aucun cabinet. A
peine un ministère est-il constitué, que
chacun affecte de le prendre sous sa
protection ; mais ceux qui se proclament
ses plus ardents défenseurs ne se
croient pas, pour cela, obligés de ne pas
l'attaquer. Au contraire. Seulement, au
lieu de l'attaquer de front avec une
brutale franchise, ils l'attaquent par
côté en protestant de leurs excellentes
intentions. De semblables procédés, si
contraires au tempérament et aux tradi-
tions du journalisme français, étonnent,
surtout de la part de certains journaux.
Voici, par exemple, l'ancien journal de
Girardin, la France, qui a toujours passé
pour un journal libéral. Hier encore,
elle déclarait, en tête de ses colonnes,
que la majorité parlementaire semblait
animée, à l'égard du cabinet présidé
par M. Goblet, des meilleures inten-
tions. Mais, dans le même article, elle
accusait M. Goblet de « ruser avec
les difficultés », et d'avoir « recours
aux expédients ». Aujourd'hui, c'est
à M. Dauphin qu'elle s'en prend. Si
c'était pour critiquer un acte de
son ministère, rien ne nous paraî-
trait plus légitime ; mais ce n'est pas
les actes du ministre des finances
qu'elle condamne, ni même ses inten-
tions, mais les intentions qu'elle lui
prête. Ainsi, M. Dauphin a parlé, au
conseil des ministres, de son projet de
supprimer par voie d'extinction un
certain nombre de perceptions. Que fait
la France? Discute-t-elle le projet, le
critique-t-elle , ou l'approuve-t-elle ? Ni
l'un, ni l'autre. Elle reproche à M. Dau-
phin de se faire le défenseur des
trésoriers-payeurs généraux. S'il pro-
pose la suppression des perceptions
inutiles, c'est, dit-elle, par machiavé-
lisme, « c'est pour faire diversion. ; ce
n'est pas même une diversion qu'il tente
pour les trésoriers-payeurs généraux,
c'est une véritable campagne qu'il en-
treprend en leur faveur ». Notez que
M. Dauphin n'a jamais dit un mot, jus-
qu'ici, de ses intentions à l'égard de
ces fonctionnaires. La France affirme
que la Chambre a manifesté son désir
de les voir supprimés. Nous ignorons
dans quelle circonstance ; mais, ce qui
est indéniable, c'est que M. Dauphin n'a
pas encore eu l'occasion de se pronon-
cer sur la question, et que la presse
républicaine ferait mieux de laisser aux
monarchistes de pareils procédés de
polémique.
LES BOURSIERS DES L YUEES
ET DES COLLEGES
Le Conseil supérieur a examiné, dans
sa dernière séance, un projet d'arrêté
relatif aux examens pour l'obtention des
bourses dans les lycées et collèges de
garçons, et il en a adopté les principales
dispositions.
Cet arrêté ne modifie en rien les traits
essentiels de l'institution. Comme par
le passé, trois éléments entrent en li-
gne de compte pour la collation des
bourses : les services rendus à l'Etat,
les besoins des familles, l'aptitude des
candidats. Comme par le passé, l'ad-
mission à l'examen d'aptitude ne con-
fère aucun droit absolu. Cet examen a
surtout pour but de faciliter le choix
entre candidats ayant des titres équiva-
lents et d'empêcher que les sacrifices
de l'Etat ne soient faits en pure perte.
Pour prévenir, d'ailleurs, les abus de
ce genre, le Conseil supérieur, d'ac-
cord avec l'administration, a décidé
qu'aucun candidat boursier ne serait
admis aux épreuves orales, s'il n'avait
au moins vingt points sur quarante dans
l'ensemble des deux épreuves écrites.
La nullité d'une composition entraîne
l'ajournement. Be même, aux épreuves
orales, nul candidat ne peut être défini-
vement admis, s'il n'obtient la moitié au
moins du maximum des points. Il y a
lieu, en effet, d'arrêter net, au début, les
prétentions des familles qui se font illu-
sion sur les mérites de leurs enfants
ou ne voient dans l'obtention d'une
bourse qu'une sorte de pension alimen-
taire assurée à leurs descendants jus-
qu'à leur majorité.
Les commissions chargées d'examiner
les candidats sont toujours constituées
au chef-lieu du département, sous la
présidence de l'inspecteur d'Académie.
Mais elles ne tiendront désormais
qu'une session par an au lieu de deux.
Les examens auront lieu dans la pre-
mière quinzaine d'avril.
Il n'a jamais été question de remet-
tre aux préfets le droit de conférer des
bourses d'enseignement secondaire. Au-
cune innovation n'est apportée à cet
égard dans les décrets et arrêtés anté-
rieurs. Après les examens, le président
du jury rédige un procès-verbal auquel
il joint la liste nominative des candidats,
avec les notes qu'ils ont obtenues. Ce
procès-verbal est transmis au ministère,
où siège une commission centrale qui
examine toutes les demandes et les
classe par ordre de mérite, d'après les
titres produits à l'appui.
L'arrêté soumis au Conseil supérieur
a surtout pour objet de mettre en har-
monie le programme de l'examen avec
les plans d'études remaniés des deux
enseignements secondaires. Les candi-
dats ne peuvent être admis avant la
sixième pour l'enseignement classique,
avant la première année pour l'ensei-
gnement spécial. Ils sont distribués en
séries suivant leur âge. Chaque série
correspond à une classe, soit six séries
pour l'enseignement classique de la
sixième à la rhétorique, et six séries
parallèles pour l'enseignement spécial
de la première à la sixième année. Les
sujet de composition sont choisis par le
ministre.
La demande d'inscription aux exa-
mens doit être accompagnée d'un cer-
tificat donnant le relevé des notes mé-
ritées par le candidat, la liste de ses
places de composition et des prix ou
accessits qu'il a obtenus dans le cours
de ses études antérieures.
On ne saurait trop prendre, à notre
avis, de précautions pour écarter les
candidats indignes, et il serait bon
qu'une circulaire ministérielle, accom-
pagnant l'arrêté, rappelât aux chefs
d'établissements les cas de déchéance
qui peuvent atteindre les boursiers inca-
pables ou insoumis, trop nombreux en-
core dans nos lycées ou dans nos col-
lèges.
Trop souvent les familles, les enfants
mêmes, considèrent une bourse comme
un droit inaliénable que leur a conféré
l'Etat, et il n'est pas rare de voir les
boursiers jouir, par la faiblesse de l'ad-
ministration, d'une sorte d'inviolabilité
ou d'inamovibilité qu'ils tiennent ou
croient tenir de leurs tout-puissants
protecteurs. Les chefs d'établissements
se sentent désarmés ou intimidés de-
vant ces jeunes gens. Quand un mauvais
tour est commis, quand une révolte
éclate, cherchez le boursier. Que risque-
t-il, après tout? Le plus grand mal qui
puisse lui advenir, après une longue pa-
perasserie administrative, c'est d'être
transféré dans un autre lycée, où il s'em-
presse de recommencer, pour peu qu'il
aime à voir du pays. -
Une poignée de mauvais boursiers
suffit pour gangrener plusieurs établis-
sements et ruiner toute discipline. L'Etat
serait vraiment trop naïf, s'il entretenait
plus longtemps cette mauvaise graine.
Il est temps qu'il rappelle aux boursiers
et à leurs familles que les privilèges
dont ils jouissent sont essentiellement
révocables. Ceux qui répondent par leur
inconduite ou leur paresse aux sacrifi-
ces que l'Etat fait pour eux doivent,
sans merci, céder la place à d'autres
plus méritants. Ôn n'aura que l'embar-
ras du choix.
ANDRÉ BALZ.
Le projet de décret sur les maîtres ré-
pétiteurs des lycées et des collèges a
été également l'objet des délibérations du
Conseil supérieur. C'est M. Manuel, ins-
pecteur général de l'instruction publique,
qui a été chargé de faire le rapport sur
cette importante question. D'après ce que
nous ont dit quelques membres du Con-
seil, M. Manuel s'est acquitté à merveille
de cette tâche délicate et a donné, dans
cette circonstance, une nouvelle preuve
de ce libéralisme élevé, de cette ferme
croyance au progrès que nous avons eu
l'occasion de louer tout dernièrement dans
son discours de Riom.
L'impression produite par la lecture de
ce rapport a été si vive, que plusieurs
membres du Conseil ont demandé qu'il
fût inséré à l'Officiel. L'administration,
sans aucun doute, sera très heureuse de
déférer à ce désir.
Nous publions plus 10in les parties es-
sentielles de la nouvelle charte octroyée
aux maîtres répétiteurs, sauf à l'apprécier
plus à loisir, quand nous aurons entre les
mains le rapport de M. Manuel.
A. B.
LA VIE DE PARIS
Bien que nos gouvernants, que la
faute en soit à eux ou à d'autres, s'oc-
cupent de politique pure plus que je ne
voudrais, la force des choses aidant,
nous voyons s'accomplir tous les jours
de petits progrès dont il serait injuste
de ne pas leur être reconnaissants. Les
petits progrès, quelle grande chose!
Et combien difficile, paraît-il, puisqu'ils
s'accomplissent si lentement. Cette an-
née nouvelle nous en apporte au moins
un, qui sera bien accueilli. Il s'agit des
maîtres répétiteurs, dont la condition
va se trouver un peu améliorée, et qui,
par suite de mesures prises par M. Ber-
thelot, auront droit à un certain nom-
bre d'heures de liberté chaque jour, et
de telle façon qu'ils puissent en profi-
ter. L'important, pour le maître d'étu-
de, n'est pas, en effet, d'avoir beau-
coup de temps libre, mais bien de ne
pas l'avoir libre par petites fractions
d'une demi-heure ou d'une heure. Car,
en ce cas, il ne peut rien faire de son
loisir, si ce n'est aller perdre son temps
au café voisin. Il est vrai qu'en échange
de cette amélioration de leur vie, cer-
tains devoirs sont imposés aux maîtres
répétiteurs. Ils devront assister à des
cours et à des conférences, justifier d'un
travail universitaire. Ceci, d'ailleurs, est
de nature à relever le métier, ce qui est
le but à atteindre.
Beaucoup a été fait déjà dans ce sens.
Mais c'est bien l'occasion de se rappe-
ler ses classiques et de dire qu'il faut
considérer que rien n'est fait, tant qu'il
reste quelque chose à faire. Les maîtres
d'étude sont les sous-officiers de l'en-
seignement, et on sait qu'il n'y a pas de
bonne armée sans de bons sous-offi-
ciers. Qu'ils soient des volontaires,
comme les étudiants sans fortune qui
demandent à ce métier, qui sera toujours
un peu dur, le moyen de préparer les
examens professionnels, ou bien qu'ils
se destinent à l'enseignement et étu-
dient pour les licences, ayant parfois
échoué à l'Ecole normale, — ce qui
peut arriver même à des jeunes gens
très instruits, — les maîtres répétiteurs
forment une réserve pour les profes-
sions libérales, et tout ce qui facilite
leurs travaux et relève leur dignité est
digne d'applaudissement.
Une des rares joies de l'homme qui
vieillit est de constater que ce qu'il a
vécu de temps a été au moins suffisant
pour accomplir un progrès dont profite-
ront ses enfants. Quel chemin parcouru
depuis l'époque où le maître répétiteur,
qui n'était même pas le maître d'étude,
s'entendait appeler « pion » et « chien
de cour », détesté des élèves, peu es-
timé des parents et mal défendu, bien
souvent, par ses supérieurs ! Et il arri-
vait tout naturellement que, le métier
n'étant pas suffisamment tenu en hon-
neur, on ne trouvait pour l'accepter que
des désespérés ou des résignés, qui
souvent, il faut le reconnaître, justi-
fiaient la sévérité de l'opinion. Il fau-
drait que j'aie l'âme bien noire pour
avoir gardé des rancunes vieilles de
trente ans ! Quand je parle des souve-
nirs de mon enfance au lycée de pro-
vince où je commençai à étudier, et à
Paris où je finis mes humanités, on doit
croire que je le fais d'un esprit impar-
tial, plutôt enclin à l'indulgence qu'à la
dureté ; car les choses du passé ne nous
reviennent à la mémoire qu'avec une
douce mélancolie qui en tempère l'â-
preté. Eh bien ! je déclare que j'ai connu,
dans ma jeunesse, deux ou trois
« pions M que je trouve peut-être plus
détestables aujourd'hui que je ne les
estimais haïssables tant que j'étais sous
leur férule. Car je puis mieux qu'alors
me rendre compte de ce qu'un mauvais
maître d'étude, soit qu'il ait un carac-
tère méchant, soit qu'il manque de
conscience, peut faire de mal à l'âme,
souvent très tendre, d'un enfant. J'ai
connu de vieux « pions » aigris, ayant
toutes les manies des petits employés
malheureux et envieux, abominant l'en-
fance confiée à leurs soins, tâtillons,
durs, entêtés, injustes. J'ai connu aussi
des « pions », jeunes ceux-là, paysans
et villageois mal éduqués, grossiers,
brutaux, parfois même vicieux. @ Le per-
sonnel, en un mot, mal recruté, ne pré-
sentait aucune garantie pour la plus dé-
licate des tâches qui lui était confiée,
celle de manier de jeunes caractères.
Une discipline apparente était mainte-
nue, par la peur commune que « pions»
et élèves avaient du censeur et des
surveillants généraux. Mais aucune dis-
cipline morale n'existait ; et c'est cette
discipline morale qui peut être l'œuvre
des maîtres répétiteurs, pourvu qu'ils
aient un peu de bonne éducation, le
sens de la justice et le goût du bien.
Le professeur, dans nos lycées, ayant
des classes que la nécessité fait encore
trop nombreuses, ne connaît pas bien
ses élèves. Il ne les voit qu'un certain
nombre d'heures par semaine, s'occupe
des leçons, des devoirs, des explica-
tions d'auteurs, ne vit pas avec eux et
ne s'intéresse qu'aux plus « forts », à
ceux dont l'intelligence éveillée lui per-
met d'espérer des succès. Pour les au-
tres, il ne s'enjsoucie guère, et j'ai connu
un professeur d'histoire qui poussait
l'indifférence sur ce point jusqu'à tolérer
que « le banc des cancres » transformât
la classe en réfectoire et mangeât, pen-
dant la leçon, des pâtés apportés par
les externes, sous prétexte que, quand
on a la bouche pleine, on est forcé-
ment silencieux. Le maître d'étude, ait
contraire, vit près de ses élèves. Il peut
avoir une action décisive sur des en-
fants médiocrement brillants en classe,
mais qui, timides ou un peu lents d'es-
prit, peuvent cependant ne pas perdre
leur temps si un peu de bienveillance
vient stimuler leur application. Les en-
fants valent peut-être mieux qu'on ne
le dit d'habitude. Ils sont incontesta-
blement cruels, mais presque toujours
par ignorance, faute de bien apprécier
la portée de leurs railleries et de leurs
farces, et un certain esprit de justice
est la contre-partie heureuse de cette
tendance malfaisante. Dans la généra-
lité des cas, on trouve assez aisément
le chemin de leur raison et de leur
cœur. Je me souviens encore que, quel-
ques mois après le coup d'Etat, il nous
arriva à Marseille un maître d'étude
qui venait de Paris. J'ai su depuis que
c'était un étudiant compromis dans les
agitations du quartier Latin et qui, par
une histoire assez romanesque, avait
trouvé refuge dans l'Université.
Ce grand beau garçon, d'humeur
assez sombre, portait des pantalons lar-
ges, un chapeau à bords relevés et avait
un accent fort pur. Or, les philosophes
ont remarqué que ce qui est « diffé-
rent » paraît toujours ridicule aux peu-
ples jeunes et aux enfants. Le Parisien,
n'ayant pas l'accent provençal nous pa-
raissait donc ridicule. Il n'est pas de
misère qu'on ne lui fît. Il avait beau
nous punir, nous redoublions. Le cen-
seur dut intervenir, et nous étions assez
visiblement canailles pour bien nous
rendre compte que le malheureux, noté
comme ne sachant pas tenir l'étude,
serait renvoyé. Une fois, nous le fîmes
pleurer. Enfin, un jour, il se décida à
nous haranguer, et, sans nous dire son
histoire, il nous fit connaître, avec un
grand accent de sincérité, qu'au premier
désordre il serait remercié et que, s'il
était remercié, il était un homme perdu,
ne pouvant plus finir ses études, ni ga-
gner sa vie. Nous délibérâmes entre
nous. Je dois dire qu'il y eut des in-
transigeants pour soutenir que si un
« pion » avait envie de se pendre, il
faudrait vendre son habit pour lui ache-
ter une corde. Mais la majorité de l'é-
tude fut d'un autre sentiment. On fit la
paix avec le « pion », et quand quel-
qu'un de nous troublait lebon ordre de
l'étude autrement que par inadvertance
et légèrement, nous le rossions. Je n'ai
pas oublié l'espèce de joie mélancolique
de ce jeune homme quand, par la suite,
il devint notre camarade, nous aidant
aux devoirs, partageant nos jeux. Nous
passâmes avec lui une année charmante.
Et je crois que l'enfance, après tout,
peut être aisément maniée par des hom-
mes qui l'aiment et qui lui en imposent
par le travail. Car les paresseux, même
au collège, estiment les travailleurs.
HENRY FOUQUIER.
«+»
L'AFFAIRE DE BULGARIE
(SIRVICiS BAVAS ET DÊPÈCHHS PARTICULIÈRIS)
La situation générale
Londres, 6 janvier.
D'après le Standard, le tsar serait assez
disposé à abandonner la candidature du prince
de Mingrélie, en faveur de celle du prince
d'Oldenbourg.
Le Standard Invite les Bulgares à faire, de
leur côté, les concessions compatibles avec
leur indépendance, afin de ramener leur pays
à son état normal.
Le correspondant du même journal à Saint-
Pétersbourg dément de nouveau, de la façon
la plus catégorique, qu'une alliance ait été
conclue entre la Russie et l'Allemagne.
Les relations de ces deux empires, dit le
correspondant en question, sont évidemment
améliorées, mais aux yeux des hommes d'E-
tat russes, elles laissent encore beaucoup à
désirer.
Les informations du Daily News ne concor-
dent pas avec celles du Standard; elles ten-
dent encore une fois à représenter comme ef-
fective cette alliance russo-allemande qui,
depuis quelque temps, donne lieu, dans la
presse anglaise, à des nouvelles si contradic-
toires. Le correspondant du journal libéral à
Constantinople télégraphie :
« On croit ici, dans les cercles officiels et
diplomatiques, qu'une entente existe entre la
Russie et l'Allemagne en vue d'une action
commune relativement à la question bulgare,
et que la Porte a promis d'agir conformément
aux recommandations communes des deux
empires. On affirme que les régents bulgares
seront invités à se retirer. Pour le moment,
tous les efforts tendraient directement à ce
but.
» La France aurait consenti, ajoute le cor-
respondant du Daily News, à agir dans le
même sens ; elle refuserait son concours à
toute mesure qui serait en opposition-avec
la combinaison ci-dessus indiquée. »
Londres, 6 janvier.
M. Grékoff fait démentir le bruit que la dé-
légation bulgare ait reçu à Londres des assu-
rances de nature à favoriser l'idée d'une res-
tauration d'Alexandre de Battenberg. Bien
que l'éventualité de cette restauration lie
soit pas impossible, elle reste des plus impro-
bables.
Les hommes d'Etat anglais conseilleraient,
au contraire, à la Bulgarie une politique
d'extrême modération vis-à-vis de la Russie.
D'après le délégué bulgare, la Sobranié se-
rait spécialement convoquée dans le cou-
rant du mois, pour permettre à la délégation
de rendre compte des résultats de sa mis-
sion.
NOUVELLES DE L'ETRANGER
(SKRVICS- HA VAS ET DÂPfllCHXS PUTICULIÈlUIS)
La crise ministérielle en Angleterre
Ottawa, 5 janvier. — Le marquis de Lans-
downe, gouverneur général du Canada, a ré-
pondu à la dépêche de lord Salisbury en dé-
clinant le portefeuille de la guerre, qui lui
était offert. Il motive son refus sur le désir de
rester au Canada.
Londres, 5 janvier. — Lord Northbrook, d'a-
près les bruits persistants, refuserait d'entrer
dans le cabinet.
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