Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1878-02-21
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 21 février 1878 21 février 1878
Description : 1878/02/21 (A8,N2259). 1878/02/21 (A8,N2259).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Huitième Année, - N. 2259
Pris du Numéro à Paris : 15 CentImes. — Départements : 20 Centimes
Jeudi 21 Février 1878
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BULLETIN
Paris, le 20 février 1878.
Le Sénat, dans sa séance d'hier, a, enfin,
élu M. de Carayon-Latour comme sénateur
inamovible.
La Chambre des députés a continué la
discussion du budget des cultes.
Le Journal officiel, d'hier matin, publie
des décrets portant nomination de juges
de paix et de suppléants de juges de paix.
La situation reste à peu près la même.
D'après une dépêche que le Times publie,
dans une seconde édition, la flotte anglaise
s'est rendue à Touzla, sur la côte d'Asie,
à -dix-sept milles de Constantinople.
Presque tous les parlements de l'Europe
s'occupent en ce moment de la question
id'Orient. A Londres, des questions se pro-
duisent tous les jours.
Lord Derby n'a pas cru devoir encore
communiquer au parlement la dépêche
relative à Gallipoli dont on a tant parlé. Il
s'est contenté de déclarer que les négo-
ciations sont encore pendantes entre les
f deux gouvernements et qu'il espère pou-
voir informer, jeudi, la Chambre du résul-
tat des négociations. Enfin, on a discuté
deux interpellations très - importantes,
l'une à Vienne, l'autre à Berlin -
A Berlin, M. de Benningsen s'est"v,.iargé
de fournir au chancelier de l'empire le
pmoyende reparaître sur la scène politique.
Jamais discours n'a été attendu avec plus
d'anxiété que celuiduprince de Bismarck.
On trouvera plus loin le résumé de ce dis-
cours. Le chancelier observe la plus gran-
de réserve. Il affirme toutefois que rien,
dans les préliminaires de paix, ne touche
les intérêts de l'Allemagne de façon à la
forcer de quitter l'attitude qu'elle a obser-
vée jusqu'ici. Le chancelier désire la
prompte réunion de la conférence, et, si le
résumé qui nous est communiqué est
exact, il paraît tout disposé à appuyer les
prétentions de la Russie.
A Vienne, le prince Auesperg, président
du conseil, a lu une importante déclara-
tion du gouvernement. Le cabinet austro-
hongrois annonce qu'après avoir été infor-
mé des conditions de la paix et de l'armis-
tice, il a déclaré à la Russie « qu'il ne re-
connaîtrait pas comme valables les arran-
gements conclus entre les belligérants qui
lui paraîtraient menacer les intérêts de la
monarchie austro-hongroise ou les droits
des puissances signataires aussi long-
temps que ces arrangements n'auraient
pas été sanctionnés par ces puissances. »
Il croit pouvoir ajouter que les négocia-
tions relatives à la réunion d'un congrès
sont presque terminées et que le congrès se
réunira prochainement. Il ne veut pas en-
trer, par conséquent, dans la discussion
des bases de la paix, mais il se borne à
déclarer d'une manière générale « qu'il
lui est impossible de trouver conformes
aux intérêts de la monarchie quelques-
unes des stipulations actuellement con-
nues. » Le prince Auesperg espère que le
congrès saura trouver les bases d'une paix
durable, satisfaisant les intérêts de toutes
les puissances, et il termine en disantqu'en
tous cas le gouvernement saura « sauve-
garder les intérêts politiques et matériels
et l'honneur de la monarchie. »
Le cabinet autrichien se tient, on le
Voit, sur la plus grande réserve. On aime-
rait à savoir au juste quels sont ces fa,
meux intérêts autrichiens dont on a tant
parlé, mais sans jamais les définir. Le ca-
binet de Saint-James, par l'organe de M.
Cross, a agi, il y a quelques mois, avec
plus de franchise. Peut-être le regrette-t-il
aujourd'hui, car il s'est exposé à voir en-
tamer les cinq fameuses conditions in-
diquées par le ministre de l'intérieur.
Mais l'Angleterre n'en est plus à comp-
ter ces petits déboires, et cela ne trouble
en rien la sérénité de ses gouvernants.
le cabinet de Vienne n'est sans doute pas
aussi sûr de sa force, et pour ne pas s'ex-
poser à ces inconvénients, il juge plus
prudent de rester dans le vague.' On sait,
d'ailleurs, que les intérêts de la monar-
chie austro-hongroise sont chose fort élas-
tique et que les hommes d'Etat de Vienne
se laissent volontiers guider à cet égard
par les circonstances. Ces hommes d'Etat
Tefusent fièrement aujourd'hui d'annexer
à l'empire la Bosnie et l'Herzégovine. Ils
se feront, sans doute, bientôt une douce
violence, et accepteront, tout en protestant,
c'est leur coutume, cet accroissement de
territoire. Grand bien leur fasse! Mais il
nous semble qu'ils oublient un peu vite
l'aventure du Danemark où les avait en-
traînés leur excellent ami et voisin le
prince de Bismarck et les conséquences
que celui-ci a su en tirer.
Ajoutons, toutefois, que les renseigne-
ments qui nous parviennent de divers cô-
tés nous signalent une mobilisation clan-
destine, pour ainsi dire, de l'armée autri-
chienne et l'envoi de troupes et d'artillerie
en Transylvanie.
Le conclave est réuni. Il travaille, puis-
que le télégraphe se charge de nous an-
noncer l'heureuse nouvelle qu'hier, vers
deux henres, on a aperçu la fumée des bul-
letins brûlés. Les cardinaux ont décidé, au
dire d'une autre dépêche, que les jour-
naux leur parviendraient dans le conclave.
Nous sommes heureux de cet hommage
rendu à la puissance de la presse. Peut-
être aussi, dans les temps agités que nous
traversons, ce supplément à l'inspiration
du Saint-Esprit ne leur sera-t-il pas inu-
tile !
1?. BARBIER.
———— —————
?i301l:f.,r8e de Pari..
:ë:'ti"'JI EOUBSB OU SOil.
S 0/0. 74 fr. 07 1/2, 10.
& O!{L , - , , iio fr. 42 1/2, 32 1/2, 36 1/4.
Egypte 137 fr. 50, 138 12.
I4ali.8B ■.. 74 fr. 05, 10.
«C>-
La. discussion du budget des cultes
s'est achevée sans grand éclat. Qui peut
s'intéresser aux homélies de MM. Baudry
d'Asson ou de la Bassetière ? Dans ces
trois séances de débats, M. Baragnon est
resté l'aigle de la droite ; mais c'est un
aigle un peu balourd, on ne suit point
son vol sans étouffer un bâillement. Si
M. Baragnon peut se piquer d'être di-
sert, il manque quelque chose à son
éloquence. Ses discours n'ont point d'â-
me ; en vain nous y cherchons ce que les
anciens appelaient le cœur, les apôtres
la foi, et ce que nous autres, modernes,
nous appelons des noms plus modestes
de conviction et de sincérité. M. Baragnon
a étudié le dossier de l'Eglise catho-
lique, apostolique et romaine, à peu près
comme un avocat d'office jette les yeux
sur le dossier de son client; et il s'est jeté
dans une plaidoirie ab hoc et ab hâc,
s'étendant en digressions et visant à
l'esprit sans trop de souci de plaider le
procès. Il n'aurait étonné personne si,
descendant de la tribune, il avait conclu
par ces mots : « Après tout, vous savez,
moi, tout cela m'est bien égal.» Et de fait
il a dû souvent contrister les vrais catho-
liques, car son discours est tout plein
d'hérésies condamnées par le Syllabus.
Un de nos confrères du National s'est
donné l'amusement de citer quelques-
uns des principes anathématisés par
le pape infaillible, et qui sont profes-
sés dans la harangue de M. Baragnon,
défenseur inconsidéré de l'Eglise (1).
C'est que la cause, étant absurde, est
indéfendable, et que M. Baragnon,
malgré son zèle, ne pouvait prononcer
quatre paroles de bon sens sans que le
Syllabus y contredit. Sa plaidoirie n'est
qu'un ennuyeux paradoxe ; on n'y sent ni
souffle ni flamme; ce ne sont qu'arguments
artificiels, phrases de convention, asser-
tions témérairas, un tissu,. pour tout
dire, de lieux communs et de faussetés.
C'est qu'il faut partager les conserva-
teurs de la droite en deux catégories : les
croyants, qui servent l'Eglise, et les poli-
tiques, qui aspirent surtout à s'en servir.
Les premiers sont ceux que l'on voit sui-
vre, un cierge à la main, les pèlerinages
de Lourdes ou de la Vierge-Noire, en chan-
tant à tue-tête : « Sauvez Rome et la
France, au nom du Sacré-Cœur! » Ce sont
des victimes de cette affection particulière
qui fait les fanatiques, les sectaires, les
illuminés de tous les temps et de tous les
pays. Les autres, qui sont les habiles et
qui s'estiment de grands hommes d'Etat,en
sont restés à la vieille maxime : qu'il faut
protéger et favoriser le développement
de la superstition, vu qu'elle doit être
un instrument de gouvernement merveil-
leux. Ils ont mal calculé parce qu'ils ne
se sont pas rendu compte de l'intensité
de la résistance que les sociétés contem-
poraines opposent plus vigoureusement
chaque jour, les progrès de la science
aidant, à ladite superstition. Mais ils n'en
dépensent pas moins d'ardeur à nous
donner la comédie de leur dévouement
à la religion. Il arrive même assez sou-
vent que cette comédie tourne à la farce,
et certains néophytes bonapartistes, l'au-
tre jour, ont fait tomber le poids de leur
indignation rétrospective sur un ancien
ministre de l'empire, M. Fortoul. Par mi-
racle ou par calcul, les « conservateurs »
sont devenus cléricaux à ce point que les
ministres mêmes de la Restauration pas-
seraient pour suspects et ne trouveraient
pas grâce devant les - légitimistes d'à
présent. Quant aux orléanistes, qui ne
veulent point rester en arrière dans ce
concours de dévotion à la sainte Eglise,
j'imagine qu'ils se voileraient la face
d'horreur si on leur apportait à la tri-
bune quelques extraits des discours
ou des circulaires de M. Guizot, qui,
comme un huguenot qu'il était, en 1846,
a fermé toutes les maisons des jésuites.
Bref, il n'est plus de « conservateur »
aujourd'hui qui ne soit ultra-clérical ou
n'affecte de le paraître. Maladie chez
ceux-ci, jonglerie chez ceux-là, leur
cléricalisme, ancien ou nouveau, ne
les rend que plus antipathiques à la
France. Qu'ils le montrent donc! qu'ils
l'étaient! La République y gagnera.
EUG. LIÉBERT.
—■
MM. les chefs de service du ministère
des affaires étrangères font attaquer gros-
sièrement dans le Français le ministre
dont ils dépendent. Ils né font d'ailleurs
que suivre en ce point la pure tradition de
M. le duc de Broglie, qui, étant ambassa-
deur à Londres, ne perdait pas une occa-
sion de montrer sa haine au gouvernement
de M. Thiers.
Le principal grief de ces messieurs,
c'est que « M. Waddington, quoique plus
» neuf qu'aucun de ses prédécesseurs aux
» affaires dont il est chargé, se prive sys-
» tématiquement de l'expérience des hom-
» mes les mieux placés au palais du quai
» d'Orsay pour le renseigner. « Ils ne sont
pas consultés par M. Waddington, tandis
(1) En voici des exemples:
M. BARAGNON. — Il n'y a pas un ecclésias
tique qui doute que l'Etat est maître dans les
affaires temporelles.
LE Syllabus. — Art. LIV. Anatkème à qui
dira : Les rois et les princes (lisez : les gou-
vernements) sont exempts de la juridiction
de l'Eglise !
M. BARAGNON. — Le pape n'a sur nous au-
cune autorité dans l'ordre politique et tem-
porel.
LE Syllabus. — Art. XXIV. Anathème à qui
dira : L'Eglise n'a pas le droit d'employer la
force; elle n'a aucun pouvoir temporel, direct
ou indirect !
M. BARAGNON. — Ceux-là ne sont pas sincè-
res qui disent qu'ils ont peur de la domina-
tion de l'Eglise, et je plains M. le rapporteur,
ainsi obsédé par le spectre de la domination
pontificale.
LE SyllaQus. — Art. XLII. Anathème à qui
dira : En cas de conflit entre les deux pou-
voirs (le pouvoir pontifical et le pouvoir civil),
le droit civil prévaut !
que M. Decazes, au contraire, faisait le plus
grand cas de leurs talents !
Cela tient peut-être à deux causes.
D'abord nous avons entendu parler de
l'hostilité sourde, - sourde est une atté-
nuation, — que MM. les chefs de service
auraient témoignée dès le premier jour au
ministre républicain; les conversations
familières ne devaient pas être faciles avec
des collaborateurs aussi renfrognés.
Mais ce n'est pas tout, et MM. les chefs
de service, qui se plaignent au Français,
s'étant associés de tout leur pouvoir à la
politique de M. Decazes, se croient obligés
de faire à la politique de son successeur
toute l'opposition qu'ils peuvent. A quoi
servirait-il à M. Waddington de faire ap-
pel à « leur lumières, » s'ils ont le parti-
pris de le contrecarrer ?
Il nous paraît donc assez naturel que M.
Waddington, comme dit le Français, « se
prive de leur expérience.» Ce que nous
nous expliquons moins, c'est qu'iln'ait pas
encore remplacé ceux de ces messieurs qui
envoient au Français des notes diplomati-
ques du style de celle que nous relevons
aujourd'hui. C'est montrer déjà beaucoup
d'indulgence que de conserver des chefs
de service qui ne rendent pas de services.
Mais ce serait une insigne faiblesse de sup-
porter auprès de soi des employés qui, non
contents d'être inutiles, travaillent à se
rendre nuisibles dans la tïlnre des pe-
tits moyens dont ils sont capables de dis-
poser.
E. L.
— l. I. ■ ■■■■■! --■■■I. —
DISCOURS DE M. DE BISMARCK
Berlin, 19 février, 4 h. 45, matin.
Voici le discours du prince de Bismarck ;
Je ne puis nier que, au premier abord, j'ai
hésité à répondre à l'interpellation, attendu
que je n'ai en réalité pas beaucoup plus à dire
que ce qui est déjà connu, notamment par
les débats du Parlement britannique.
Si toutefois je réponds, c'est qu'autrement
on pourrait se figurer que j'ai beaucoup de
choses à taire et qu'une semblable impression
aurait pu éveiller des inquiétudes.
Je réponds d'autant plus volontiers que, d'a-
près le développement donné à l'interpella-
tion, je vois que la politique allemande n'a qu'à
continuer la voie suivie jusqu'ici pour répon-
dre aux sentiments de la majorité du Reichs-
tag.
L'armistice qui vient d'être conclu procure
à l'armée russe une position, sans solution de
continuité, depuis le Danube jusqu'à la mer
de Marmara, et qui a pour bases les forteres-
ses danubiennes. C'est là une situation qui
me paraît d'une importance majeure et qui
n'a été contestée par personne.
En même temps on a signé certains préli-
minaires de paix, que je vais résumer pour y
rattacher la question de savoir si les intérêts
de l'Allemagne se trouvent engagés.
Pour ce qui est de la constitution de la Bul-
garie, cette province se trouve, en vertu de
ces préliminaires, délimitée autrement qu'elle
ne l'avait été par la conférence de Constantin
nople. Toutefois cette nouvelle délimitation
n'est pas d'une importance telle que l'on
doive en appréhender une perturbation de la
paix européenne. Suivant le projet russe, la
constitution de la Bulgarie serait semblable à
celle de la Serbie avant l'évacuation de Bel-
grade et des différents autres points fortifiés
de cette principauté.
Comme les stipulations en vertu desquelles
l'armée russe devra occuper l'intérieur de la
Bulgarie ne sont pas formulées d'une ma-
nière précise, il incombera aux puissances si-
gnataires de régler cette question restée in-
décise.
Quant à l'indépendance du Monténégro, de
la Roumanie et de la Serbie, ainsi que la si-
tuation de la Bosnie, de l'Herzégovine et des
autres provinces turques, c'est là une question
qui touche trop peu les intérêts allemands
pour que l'Allemagne y risque ses bons rap-
ports avec les Etats voisins.
Pour ce qui est de l'indemnité de guerre,
c'est, en tant que pécuniaire, l'affaire des
deux parties qui négocient la paix entre elles ;
en tant que territoriale, elle concernera égale-
ment les puissances signataires. La question
des Dardanelles, ajoute le chancelier, a provo-
qué des inquiétudes plus gaandes que ne le
justifientles faits possibles.
La question des Dardanelles a une impor-
tance considérable, s'il s'agit de mettre la clef
du Bosphore en d'autres mains, de décider si
la Russie peut, à son gré, fermer et ouvrir les
Dardanelles.
Toutes les autres stipulations se rapportent
beaucoup plus à ce qui se passe en temps de
paix qu'à ce qui se passe en temps de guerre,
alors qu'il s'agit de savoir si le détenteur de la
clef des Dardanelles est l'ennemi de la Russie
ou de l'Angleterre.
En cas de paix, les dispositions du traité
qu'on pourrait conclure, tant que les Darda-
nelles sont entre les mains d'une puissance
qui ne @ dépend pas de la Russie, ne peuvent
avoir l'importance qu'on leur donne.
Il peut être de l'intérêt des puissances mé-
diterranéennes de savoir si, en temps de paix,
la flotte russe est en droit de passer par les
Dardanelles et de se montrer dans la Méditer-
ranée.
Mais la question de savoir si, en temps de
guerre, les navires de guerre peuvent passer
par les Dardanelles, ou si la possession des
Dardanelles doit passer en d'autres mains, est
une tout autre chose. Cette éventualité, toute-
fois, ne se présente pas dans la situation ac-
tuelle.
Il ne s'agit pour moi, en ce moment, que de
préciser l'importance des intérêts qui pour-
raient provoquer une nouvelle guerre après
la guerre russo-turque.
Je suis d'avis que des dispositions relatives
au passage des Dardanelles par les vaisseaux
de guerre n'ont guère autant d'importance
que des dispositions relatives aux transactions
commerciales.
L'intérêt majeur de l'Allemagne en Orient
est que les détroits et les voies fluviales,
comme le Danube, à partir de la mer Noire,
restent libres comme ils le sont aujourd'hui.
C'est un résultat que nous obtiendrons à.coup
sûr, à en juger par une communication offi-
cielle de Saint-Pétersbourg sur ce sujet que
nous avons sous les yeux, et qui, sur ce point,
s'en rapporte aux stipulations du traité de
Paris.
L'intérêt que nous prenons au sort meil-
leur des chrétiens de la Turquie est un inté-
rêt moins direct de l'Allemagne, et vient en
seconde ligne, mais n'en est pas moins, au
point de vue humanitaire, un de ceux qu'a
l'Allemagne dans les affaires d'Orient.
Le reste de l'interpellation, continue le chan-
celier, a trait à l'attitude prise par l'Allemagne,
et qu'elle entend prendre à l'avenir relative-
ment à ces affaires. Pour le moment, je ne puis
vous faire aucune communication relative-
ment à l'attitude prise ; car ce n'est que depuis
ce matin que je suis officiellement en posses-
sion des documents que j'ai signalés tout à
l'heure. Ces documents concordent à peu près
avec les communications que nous devons à
l'obligeance d'autres gouvernements. (Ecou-
tez ! écoutez !)
Ces documents serviront de matériaux à la
conférence qui doit se réunir, mais pourront
dès maintenant faire l'objet d'un échange
d'opinions entre les différents gouvernements.
Tout changement apporté au traité de 1856
exigera la sanction des puissances signataires.
Si cette sanction fait défaut, il ne s'en suivra
pas nécessairement qu'une nouvelle guerre
doive avoir lieu ; mais ce qui se produirait,
c'est un état de choses que je voudrais voir
éviter dans l'intérêt de l'Europe. Je suppose
un moment qu'on ne tombe pas d'accord à la
conférence et que les puissances qui ont inté-
rêt à s'opposer aux stipulations russes disent :
Il ne nous convient pas de déclarer pour le
moment la guerre ; mais cela n'empêche pas
que nous ne restions en désaccord ; nous fai-
sens toutes nos réserves. C'est un état de
choses que la politique russe ne peut pas dé-
sirer. Cette politique se dit avec raison :
« Nous ne sentons nullement le besoin de
nous exposer tous les dix ou vingt ans à la
nécessité d'une campagne de Turquie ; mais
nous ne pouvons pas davantage souhaiter d'y
voir substituer tous les dix ou vingt ans une
complication avec l'Autriche et l'Angleterre. »
Je suis persuadé qu'il est également de
l'intérêt de la Russie d'arriver à une solution
et de ne pas ajourner la question indécise à
une époque ultérieure, peut-être moins pro-
pice. Quant à l'idée, de la part de la Russie,
de vouloir extorquer par la force des armes
le consentement des autres puissances aux
modifications qu'elle juge nécessaires, je la
considère, après mûre réflexion, comme une
idée à peu près impossible. Il est probable
que si la Russie ne parvient pas à obtenir,
dès aujourd'hui, le consentement des autres
puissances co-signataires du traité de 1856,
elle se consolera avec cette pensée : « Conten-
tons-nous de ce que nous avons. — Beati
vossidentes. »
Mais alors surgit la question de savoir si
ceux qui seraient mécontents des arrange-
ments conclus par la Russie, et en première
ligne ceux qui y auraient réellement des in-
térêts matériels propres engagés, seraient
disposés à faire la guerre pour forcer la Rus-
sie à renoncer à une partie de ses exigences,
au risque de laisser en Russie, lors du retour
de ses troupes, le sentiment qui par exem-
ple s'est manifesté en Prusse, après le traité
de Vienne sous forme d'arrière-pensée que
l'affaire n'était pas terminée et qu'on serait
obligé de recommencer.
Ce moyen ne réussissant pas, il faudrait es-
sayer de refouler la Russie hors des villes de
la Bulgarie et de ses positions, d'où elle me-
nace Constantinople. Mais alors ceux qui au-
raient obtenu ce résultat aumoyen de la guerre
seraient également obligés de se charger de la
mission et de la responsabilité de décider du
sort ultérieur de ces provinces de la Turquie
d'Europe. Je ne crois pas qu'il soit probable,
après ce qui a été dit et résolu à la conférence
de Constantinople, qu'ils fussent disposés à
rétablir, purement et simplement, l'autorité
turque.
Ils proposeraient par conséquent une solu-
tion à côté de celle qui est proposée aujour-
d'hui et différant de celle-ci. C'est une éventua-
lité qu'on veut bien admettre en principe.
Mais j'hésite à croire que l'Autriche, la puis-
sance la plus voisine, serait, dans ce cas, prête
à accepter tout l'héritage des conquêtes ac-
tuelles de la Hussie et à prendre, par là, la
responsabilité de l'avenir de ces provinces sla-
ves, soit en les annexant au royaume de Hon-
grie, soit en les formant en Etats vassaux. Je
ne crois que ce seit là le but que poursuit la
politique autrichienne.
Je n'ai parlé de cette éventualité que pour
montrer combien peu se trouve justifiée, à mes
yeux, la crainte d'une guerre européenne.
Pour obvier à ces éventualités l'Autricge a
pris l'initiative de la proposition d'une confé-
rence, et nous avons été les premiers à nous
rallier à cette idée. Il s'est élevé des difficultés
sur le choix de la localité où cette conférence
devrait se réunir ; mais ces difficultés ne sont
pas proportionnelles à l'importance de la ques-
tion en elle-même.
Cependant, même- sous ce rapport, nous
n'avons pas élevé d'objections. Nous avons
déclaré que nous acquiescerions à l'une ou à
l'autre des villes qui avaient été proposées et
qui étaient Vienne, Bruxelles, Bade, Wiesba-
den, Wildbad ou une localité de la Suisse.
L'une ou l'autre de ces villes nous aurait
agréé. Il paraît que le choix se fixera défini-
tivement sur Bade.
Notre intérêt, qui est partagé par les puis-
sances avec lesquelles nous avons corres-
pondu à cet effet, consiste en la réunion la
pluspromptepossible de la conférenee, abstrac-
tion faite de tout choix de localité.
Il est à peu près indifférent, pour nous, où
la conférence s'assemblera. Relativement au
choix d'une ville allemande, je n'ai pas d'au-
tre opinion si ce n'est que, dansle cas où l'on
choisirait une localité sur le territoire alle-
mand, il serait nécessaire que la conférence
fut présidée par le plénipotentiaire allemand;
cette idée n'a été combattue par personne.
Une fois le principe admis, on verra plus
tard si, par des raisons d'opportunité, il sera
nécessaire de s'y tenir d'une manière absolue,
suivant le personnel dont se composera la
conférence, que,dans ma conviction intime, je
considère comme assurée et qui, comme je le
présume, pourra s'ouvrir dès la première
moitié du mois de mars.
Il serait désirable que cela pût avoir lieu
plus tôt, pour mettre fin à l'incertitude qui se
rattache à cette question. Mais il faut admet-
tre que les puissances, avant de se réunir, vou-
dront préalablement échanger leurs vues, et
les communications avec le théâtre de la
guerre ne sont guère rapides. -
Le retard qu'ont éprouvé les nouvelles qui
nous sont parvenues ont eu pour cause, et
auraient encore pour cause, la lenteur des
communications avec le théâtre de la guerre.
La supposition que ce retard avait été prémé-
dité, tombe absolument, lorsqu'on se rend
compte du fait que la marche en avant des
troupes russes, après le 30 décembre, est une
conséquence des conditions ( de l'armistice, et
nullement la mise à profit d'un « temps utile»
habilement conquis.
La limite en deçà de laquelle l'armée russe
occupe aujourd'hui ses positions est la ligne
de démarcation stipulée par l'armistice, et je
ne crois à un retard prémédité d'aucun côté.
Je crois au contraire au désir loyal de toutes
parts d'envoyer le plus tôt possible des délé-
gués à la conférence. En tout cas nous ferons
tous nos efforts pour atteindre ce but.
A l'heure ou nous mettons sous presse,
la fin du discours de M. de Bismarck ne
nous est pas encore parvenue.
INTERPELLATION SUR LA QUESTION D'ORIENT
AU PARLEMENT AUTRICHIEN
Vienne, 19 février, 1 h. 25.
Chambre des Députés. — Le président
du conseil, prince Auersperg, répond en
ces termes à l'interpellation de M. Giskra,
relative aux affaires d'Orient :
Le gouvernement austro-hongrois a été in-
formé des bases de paix en vertu desquelles
un armistice a été conclu entre la Russie et la
Turquie; ces bases répondent dans d'ensem-
ble aux communications faites à ce sujet par
les journaux de Saint-Pétersbourg. Le gouver-
nement n'a pas connaissance de l'existence
d'autres arrangements.
Le gouvernement, en face de ces bases con-
nues, a exposé en toute franchise le point de
vue auquel il se place en principe.
Il a déclaré qu'il ne reconnaîtrait pas com-
me valables en droit les arrangement conclus
entre les belligérants qui lui paraîtraient me-
nacer les intérêts de la monarchie austro-hon-
groise, ou les droits des puissances signa-
taires, aussi longtemps que ces arrangements
n'auraient pas été sanctionnés par ces puis-
sances. En même temps, le gouvernement
a pris l'initiative pour la réunion d'une confé-
rence.
Le principe admis par le gouvernement et
sa proposition tendant à tenir une conférence
ont été adoptés par tous les cabinets ; le cabi-
net russe, seul, a proposé, en ce qui concerne
la forme de réunion projetée, de convoquer,
non pas une conférence, mais un congrès, et a
demandé que ce congrès n'eût pas lieu dans
la capitale d'un Etat signataire. Les négocia-
tions relatives à cette affaire sont presque
terminées, et nous croyons pouvoir espérer
que le congrès se réunira prochainement.
C'est pourquoi le gouvernement ne saurait
fournir des renseignements détaillés sur les
opinions qu'il a adoptées relativement aux
bases de la paix ; mais il ne peut cependant se
dispenser de déclarer d'une manière générale
qu'il lui est impossible de trouver conformes
à ses intérêts quelques-unes des stipulations
actuellement connues. Toutefois cette réserve
ne s'applique pas aux points qui concernent
l'amélioration du sort des chrétiens d'Orient,
mais aux dispositions qui pourraient entraî-
ner un changement dans les conditions politi-
ques de l'Orient au détriment de la monar-
chie.
Le gouvernement a le sérieux espoir que
les délibérations de l'Europe réussiront à ame-
ner une entente. Comme toutes les puissances
intéressées doivent désirer qu'une paix du-
rable, et non une paix momentanée, sorte de
la crise actuelle, le gouvernement espère que
les délibérations des puissances aboutiront à
une solution qui satisfasse non pas les inté-
rêts d'un seul, mais ceux de tous;
En tout cas, le gouvernement, en face de
la gravité des événements, considère, après
comme avant, comme son devoir de sauve-
garder dans tous les sens les intérêts politi-
ques et matériels ainsi que l'honneur de la
monarchie.
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
Versailles, 19 février 1878.-
Ah 1 nous avions bien dit que l'escalier
de droite serait fatigué quand viendrait à
la tribune le budget des cultes!. Si en-
core il n'y avait eu que lui de fatigué !
On attendait une séance palpitante, l'as-
pect des tribunes en était la preuve mani-
feste ; le ténor clérical devait chanter son
grand morceau. Mais qui peut prévoir
les machinations de l'Esprit malin ?
Or donc, après quelques ascensions peu
importantes de droitiers à la tribune, on
était parvenu au chapitre VI. Le chapi-
tre VI, c'est tout ! — et bien peu de chose,
en somme. Il réglemente les « bourses de
séminaires. »
La commission du budget propose un
crédit d'un peu plus d'un million, comme
la chose fut votée en 1876, comme M.
Léon Say l'a inscrite dans son travail d'en-
semble ; c'est à ce chiffre que se rallie M.
Bardoux. D'autre part, M. Caillaux, le fi-
nancier du 16 mai, avait porté à ce crédit
140,000 francs de pl us, ce qui rétablissait les
chiffres de 1875 ; c'est ce chiffre qu'appuie
la droite, par voie d'amendement.
Car vous vous rappelez sans doute que
ce chapitre VI fut, au premier budget
adopté par la majorité républicaine, une
des causes qui mirent la Chambre et le Sé-
nat en délicatesse. Les cléricaux tenaient
essentiellement à ne pas laisser diminuer
ce crédit; ils préféraient certainement voir
sacrifierà cette diminution l'augmentation
des desservants de campagne, qui repré-
sentait cependant une somme notamment
plus considérable.
La pensée des hauts bonnets du cléri-
calisme estbien facile à pénétrer : les des-
servants de campagne, se disaient-ils, vi-
vent, donc ils setireronttoujours d'affaire;
tandis que, plus le crédit afférent aux
bourses de séminaires sera important,
plus nous pourrons nous livrer à l'élevage
des séminaristes.
Le raisonnement de la commission du
budget était tout autre : ces bourses de sé-
minaires servent à pourvoir aux besoins du
personnel des cures et des succursales.
Mais ces cures et succursales sont main-
tenant pourvues de titulaires ; il ne s'agit
plus aujourd'hui que de parer aux extinc-
tions ; l'Etat n'est pas tenu d'élever des
séminaristes pour en faire des précepteurs
de jeunes gens de famille. -
M. le comte de Perrochel est chargé
de jouer le lever de rideau. C'est un petit
pince-sans-rire qui a des prétentions à
l'esprit et qui débite les sottises les plus
énormes avec une suffisance extraordi-
naire. Cette fois, il se livre contre le rap-
porteur, qui est protestant, à des plaisan-
teries catholiques, apostoliques et romai-
nes, d'un goût si détestable que M. le
président se voit obligé de l'arrêter. M. de
Perrochel en est quitte pour sauter trois
feuillets.
Celui-là est un catholique de l'école du
Francais. Nous le soupçonnons d'être là
pour l'aire une sorte d'acte de foi ou de
contrition, comme vous voudrez, car il
apporte à la tribune la soumission de l'ex-
catholicisme libéral. Le révérend Père
Ochel n'a d'ailleurs pas le moindre succès;
les tribunes, comme la salle, restent parfai-
tement indifférentes aux éclats voilés de
son éloquence ; ce qu'elles attendent, c'est
M. de Mun.
Et c'est ici qu'il vous sera loisible de
saisir à quel point l'Esprit malin est
astucieux dans les pièges qu'il tend aux
âmes innocentes ! Ne se sert-il pas d'une
erreur de M. Guichard, d'une erreur qui
devrait tourner à laconfusion des méchants,
pour se gausser des desseins des bons?
En effet, M. le rapporteur, répondant à
M. de Perrochel, commet une erreur, une
grosse erreur matérielle, où l'induit la
lecture trop précipitée d'un document offi-
ciel. M. Keller la relève en quelques mots ;
M. le rapporteur, qui est un homme de
bonne foi, s'incline et se tait. La scène se
passe très-rapidement. Et M. le président
met le chapitre aux voix.
M. de Mun qui se trouve n'avoir per-
sonne à pourfendre, hésite un instant à
assumer le rôle de Don Quichotte fondant
sur des moulins à vent. Et le chapitre est
voté. -
Qui ressemble alors au chevalier de la
Triste-Figure ?. M. de Mun !
Que va dire le Père Dulac?
Et M. de Mun cherche à rattraper son
tour, en se réclamant de certain chapitre
de la loi de finances qui se rattache au
chapitre VI du budget des Cultes.
Cette intercalation réclamée simplement
pour la plus grande commodité de M. de
Mun est admirable. M. Bardoux, en adver-
saire courtois, l'accepte. Les femmes sont
haletantes. Mais M. le président trouve
cette combinaison étonnante au point
de vue du règlement. Et la Chambre par-
tage son avis. - Infortuné M. de Mun r
Les sénateurs, M. Buffet en tête, s'éclip-
sent, les évêques disparaissent, les simples
curés baissent la tête avec accablement,
les dames prennent une petite moue dépi-
tée qui est charmante, et M. de Mun mar-
tyrise avec rage sa moustache, en songeant
à la déconvenue de ses invités et invitées.
Nous, il nous semble entendre comme
un strident ricanement dans une moulure
du plafond lumineux. A coup sûr c'est
l'Esprit malin, qui, étant incombustible de
sa nature, n'a pas craint de se nicher
là et qui crie : » Ah 1 ah 1 ah ! il faudra
maintenant que tu traites la fameuse ques-
tion au milieu des huiles et des savons 1 »
Nous renonçons à énumérer toutes les
observations qu'ont présentées doïem-
ment les membres de la droite.
Deux chapitres cependant ont offert un
petit intérêt de lutte.
Au chapitre XI (acquisition et entretien
des édifices diocésains), trois chiffres se
trouvaient en présence : un crédit de
2,400,000 francs, demandé par la droite et
basé sur le budget de 1875 : un crédit de
2,000,000 appuyé par le gouvernement,
d'après le précédent budget ; un crédit de
1,800,000 francs, présenté par la commis-
sion.
La commission, en proposant une di-
minution de 200,000 francs, ne voulait pas
évidemment nuire à l'entretien de nos
monuments religieux, chefs-d'œuvre de
l'art ancien ; mais elle avait sans doute en
vue un abus dont elle entendait ainsi mar-
quer la fin. Dans le rapport, nous lisons
en effet : « Dans un diocèse, où il a déjà été
acquis, sur les crédits affectés aux édifices
diocésains, une maison de campagne et un
hôtel considérable pour l'évêque, il est
question de racheter encore à l'évêque un
hôtel qu'il a acquis sans autorisation ;
quelque intérêt qu'inspire cette position
irrégulière, nous sommes assurés que le
ministre, dans cette circonstance, comme
dans toutes les autres, ne consultera que
les intérêts de l'Etat. »
C'est le chiffre de M. Bardoux qui a
triomphé. De même, au chapitre XII, où
certaines cathédrales, en voie de répara-
tion, n'ont pas vu leur crédit diminué de
300,000 francs.
Savez-vous qui va être le plus content
de la journée, — après M. Bardoux, dont
le service est enfin terminé ? C'est notre
ami Sarcey. M. le ministre des Cultes a
solennellement annoncé que l'article 12 de
la loi du 28 septembre 1876 était exécuté
et que l'impression de l'état des congré-
gations religieuses allait être prochaine-
ment livrée à la publicité.
PAUL LAFARGUE.
COURRIER DU SÉNAT
Ce Sénat 1 il n'a qu'une séance par se-
maine, et c'est toujours la même. On a
encore voté aujourd'hui; tout le monde-
était venu. Il fallait en finir. La droite
surtout était au complet ; on nous citait
un sénateur qui était sorti de son lit pour
venir voter ; on avait dû le traîner à la
tribune. Il lui en coûtera peut-être, mais
qu'importe 1 les droitiers n'y regardent
pas de si près ; ces gens-là, -
Pour remplacer les morts font mourir les vivants!
Enfin, l'opération a réussi, cette fois.
Nous av.ons un nouvel inamovible, baron,
clérical et légitimiste, tout ce qu'il y a de
mieux comme sénateur. Les constitution-
nels peuvent être fiers : c'était leur tour
de roulement,.on leur donne'M. de Ca-
rayon-Latour. Que vous disions-nous, l'au-
tre jour? Que M. deLareinty était un grand
politique.
Cela semblait extraordinaire. Eh bien,
là, vous voyez ! M. Victor Lefranc a gardé
ses 135 voix, et le baron est arrivé à 140.
Où les a-t-il prises! C'est encore une ques-
tion, mais elle est facile à résoudre ; le
centre droit a voté comme un seul hom-
me. Grand bien lui fasse 1 M. de Carayon
ne s'en plaindra pas, mais c'est le duc De-
cazes qui ne sera pas content 1
Il restaitun quartd'heure avantle train:
on s'est mis à parler des insectes nuisi-
bles. C'est le triomphe de M. de -la Sico-
tière. Si on ne l'arrêtait pas, il n'en finirait
plus. On l'a arrêté heureusement. Mais il
n'était pas au bout, le cher homme! et l'on
sentait bien qu'il en avait encore tl ès long
à dire. Ce sera pour jeudi, hélas!
EMMANUEL Aiiixs.
ECHOS PARLEMENTAIRES
Les bureawx de la Chambre se sont réu-
nis hier et ont nommé trois importantes com-
missions:
1° Celle chargée de la proposition de MM.
Proust et Gambetta, destinée à élever la re-
traite des officiers; ont été élus : MM. Gamhetta
Proust, Brisson, général de Clianal, Lnisant,
Lnnglois, de Lur-Saluces, de Rtys, Giraud,,
Wargame, Frogier de Pontlevov ;
2° Celle chargée du projet de M. Birdoux
sur le mode de nomination des mstituteurs ;
ont été élus : MM. Chantemille, Duvaux, Fave,
Constans, Drumel, Rouseet, Chalamet, de Son-
nier, René Briceet Ganne.
36 Commission de 33 membres pour l'examen
Pris du Numéro à Paris : 15 CentImes. — Départements : 20 Centimes
Jeudi 21 Février 1878
_, : E
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
REDACTION
S adresser au Secrétaire de la Rédactioæ
de 2 heures à minuit
53, rue de Lafayette, 53
Sureau d'Abonnements : 3, rue de Chateaudus
Mêma maison.;
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Six mois. 25 » »
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Six mois. 32 » MM
Un an. 62 » an
Supplément pour l'Étranger 1 fr. par trimestre
Les Abonnements partent des 1er et 15 de chaque mois
Régisseurs d'Annonces: MM. LAGRANGE, CERF et G®
6, place de la Bourse, ê
ADMINISTRATION
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Six mois». 25:11 n
Un an. 50 » JIJI
Trois mois.- fl«t » »»
Six mois. 32» M
Un an 62 » 30
Supplément pour l'Etranger 1 ir. par wimenire
SaM Abonnements partent des 1" et 15 de chaque mois
Régisseurs d'Annonces : MM. LAGRANGE, CERF et G*
i 6. place de la Bourse, 6
BULLETIN
Paris, le 20 février 1878.
Le Sénat, dans sa séance d'hier, a, enfin,
élu M. de Carayon-Latour comme sénateur
inamovible.
La Chambre des députés a continué la
discussion du budget des cultes.
Le Journal officiel, d'hier matin, publie
des décrets portant nomination de juges
de paix et de suppléants de juges de paix.
La situation reste à peu près la même.
D'après une dépêche que le Times publie,
dans une seconde édition, la flotte anglaise
s'est rendue à Touzla, sur la côte d'Asie,
à -dix-sept milles de Constantinople.
Presque tous les parlements de l'Europe
s'occupent en ce moment de la question
id'Orient. A Londres, des questions se pro-
duisent tous les jours.
Lord Derby n'a pas cru devoir encore
communiquer au parlement la dépêche
relative à Gallipoli dont on a tant parlé. Il
s'est contenté de déclarer que les négo-
ciations sont encore pendantes entre les
f deux gouvernements et qu'il espère pou-
voir informer, jeudi, la Chambre du résul-
tat des négociations. Enfin, on a discuté
deux interpellations très - importantes,
l'une à Vienne, l'autre à Berlin -
A Berlin, M. de Benningsen s'est"v,.iargé
de fournir au chancelier de l'empire le
pmoyende reparaître sur la scène politique.
Jamais discours n'a été attendu avec plus
d'anxiété que celuiduprince de Bismarck.
On trouvera plus loin le résumé de ce dis-
cours. Le chancelier observe la plus gran-
de réserve. Il affirme toutefois que rien,
dans les préliminaires de paix, ne touche
les intérêts de l'Allemagne de façon à la
forcer de quitter l'attitude qu'elle a obser-
vée jusqu'ici. Le chancelier désire la
prompte réunion de la conférence, et, si le
résumé qui nous est communiqué est
exact, il paraît tout disposé à appuyer les
prétentions de la Russie.
A Vienne, le prince Auesperg, président
du conseil, a lu une importante déclara-
tion du gouvernement. Le cabinet austro-
hongrois annonce qu'après avoir été infor-
mé des conditions de la paix et de l'armis-
tice, il a déclaré à la Russie « qu'il ne re-
connaîtrait pas comme valables les arran-
gements conclus entre les belligérants qui
lui paraîtraient menacer les intérêts de la
monarchie austro-hongroise ou les droits
des puissances signataires aussi long-
temps que ces arrangements n'auraient
pas été sanctionnés par ces puissances. »
Il croit pouvoir ajouter que les négocia-
tions relatives à la réunion d'un congrès
sont presque terminées et que le congrès se
réunira prochainement. Il ne veut pas en-
trer, par conséquent, dans la discussion
des bases de la paix, mais il se borne à
déclarer d'une manière générale « qu'il
lui est impossible de trouver conformes
aux intérêts de la monarchie quelques-
unes des stipulations actuellement con-
nues. » Le prince Auesperg espère que le
congrès saura trouver les bases d'une paix
durable, satisfaisant les intérêts de toutes
les puissances, et il termine en disantqu'en
tous cas le gouvernement saura « sauve-
garder les intérêts politiques et matériels
et l'honneur de la monarchie. »
Le cabinet autrichien se tient, on le
Voit, sur la plus grande réserve. On aime-
rait à savoir au juste quels sont ces fa,
meux intérêts autrichiens dont on a tant
parlé, mais sans jamais les définir. Le ca-
binet de Saint-James, par l'organe de M.
Cross, a agi, il y a quelques mois, avec
plus de franchise. Peut-être le regrette-t-il
aujourd'hui, car il s'est exposé à voir en-
tamer les cinq fameuses conditions in-
diquées par le ministre de l'intérieur.
Mais l'Angleterre n'en est plus à comp-
ter ces petits déboires, et cela ne trouble
en rien la sérénité de ses gouvernants.
le cabinet de Vienne n'est sans doute pas
aussi sûr de sa force, et pour ne pas s'ex-
poser à ces inconvénients, il juge plus
prudent de rester dans le vague.' On sait,
d'ailleurs, que les intérêts de la monar-
chie austro-hongroise sont chose fort élas-
tique et que les hommes d'Etat de Vienne
se laissent volontiers guider à cet égard
par les circonstances. Ces hommes d'Etat
Tefusent fièrement aujourd'hui d'annexer
à l'empire la Bosnie et l'Herzégovine. Ils
se feront, sans doute, bientôt une douce
violence, et accepteront, tout en protestant,
c'est leur coutume, cet accroissement de
territoire. Grand bien leur fasse! Mais il
nous semble qu'ils oublient un peu vite
l'aventure du Danemark où les avait en-
traînés leur excellent ami et voisin le
prince de Bismarck et les conséquences
que celui-ci a su en tirer.
Ajoutons, toutefois, que les renseigne-
ments qui nous parviennent de divers cô-
tés nous signalent une mobilisation clan-
destine, pour ainsi dire, de l'armée autri-
chienne et l'envoi de troupes et d'artillerie
en Transylvanie.
Le conclave est réuni. Il travaille, puis-
que le télégraphe se charge de nous an-
noncer l'heureuse nouvelle qu'hier, vers
deux henres, on a aperçu la fumée des bul-
letins brûlés. Les cardinaux ont décidé, au
dire d'une autre dépêche, que les jour-
naux leur parviendraient dans le conclave.
Nous sommes heureux de cet hommage
rendu à la puissance de la presse. Peut-
être aussi, dans les temps agités que nous
traversons, ce supplément à l'inspiration
du Saint-Esprit ne leur sera-t-il pas inu-
tile !
1?. BARBIER.
———— —————
?i301l:f.,r8e de Pari..
:ë:'ti"'JI EOUBSB OU SOil.
S 0/0. 74 fr. 07 1/2, 10.
& O!{L , - , , iio fr. 42 1/2, 32 1/2, 36 1/4.
Egypte 137 fr. 50, 138 12.
I4ali.8B ■.. 74 fr. 05, 10.
«C>-
La. discussion du budget des cultes
s'est achevée sans grand éclat. Qui peut
s'intéresser aux homélies de MM. Baudry
d'Asson ou de la Bassetière ? Dans ces
trois séances de débats, M. Baragnon est
resté l'aigle de la droite ; mais c'est un
aigle un peu balourd, on ne suit point
son vol sans étouffer un bâillement. Si
M. Baragnon peut se piquer d'être di-
sert, il manque quelque chose à son
éloquence. Ses discours n'ont point d'â-
me ; en vain nous y cherchons ce que les
anciens appelaient le cœur, les apôtres
la foi, et ce que nous autres, modernes,
nous appelons des noms plus modestes
de conviction et de sincérité. M. Baragnon
a étudié le dossier de l'Eglise catho-
lique, apostolique et romaine, à peu près
comme un avocat d'office jette les yeux
sur le dossier de son client; et il s'est jeté
dans une plaidoirie ab hoc et ab hâc,
s'étendant en digressions et visant à
l'esprit sans trop de souci de plaider le
procès. Il n'aurait étonné personne si,
descendant de la tribune, il avait conclu
par ces mots : « Après tout, vous savez,
moi, tout cela m'est bien égal.» Et de fait
il a dû souvent contrister les vrais catho-
liques, car son discours est tout plein
d'hérésies condamnées par le Syllabus.
Un de nos confrères du National s'est
donné l'amusement de citer quelques-
uns des principes anathématisés par
le pape infaillible, et qui sont profes-
sés dans la harangue de M. Baragnon,
défenseur inconsidéré de l'Eglise (1).
C'est que la cause, étant absurde, est
indéfendable, et que M. Baragnon,
malgré son zèle, ne pouvait prononcer
quatre paroles de bon sens sans que le
Syllabus y contredit. Sa plaidoirie n'est
qu'un ennuyeux paradoxe ; on n'y sent ni
souffle ni flamme; ce ne sont qu'arguments
artificiels, phrases de convention, asser-
tions témérairas, un tissu,. pour tout
dire, de lieux communs et de faussetés.
C'est qu'il faut partager les conserva-
teurs de la droite en deux catégories : les
croyants, qui servent l'Eglise, et les poli-
tiques, qui aspirent surtout à s'en servir.
Les premiers sont ceux que l'on voit sui-
vre, un cierge à la main, les pèlerinages
de Lourdes ou de la Vierge-Noire, en chan-
tant à tue-tête : « Sauvez Rome et la
France, au nom du Sacré-Cœur! » Ce sont
des victimes de cette affection particulière
qui fait les fanatiques, les sectaires, les
illuminés de tous les temps et de tous les
pays. Les autres, qui sont les habiles et
qui s'estiment de grands hommes d'Etat,en
sont restés à la vieille maxime : qu'il faut
protéger et favoriser le développement
de la superstition, vu qu'elle doit être
un instrument de gouvernement merveil-
leux. Ils ont mal calculé parce qu'ils ne
se sont pas rendu compte de l'intensité
de la résistance que les sociétés contem-
poraines opposent plus vigoureusement
chaque jour, les progrès de la science
aidant, à ladite superstition. Mais ils n'en
dépensent pas moins d'ardeur à nous
donner la comédie de leur dévouement
à la religion. Il arrive même assez sou-
vent que cette comédie tourne à la farce,
et certains néophytes bonapartistes, l'au-
tre jour, ont fait tomber le poids de leur
indignation rétrospective sur un ancien
ministre de l'empire, M. Fortoul. Par mi-
racle ou par calcul, les « conservateurs »
sont devenus cléricaux à ce point que les
ministres mêmes de la Restauration pas-
seraient pour suspects et ne trouveraient
pas grâce devant les - légitimistes d'à
présent. Quant aux orléanistes, qui ne
veulent point rester en arrière dans ce
concours de dévotion à la sainte Eglise,
j'imagine qu'ils se voileraient la face
d'horreur si on leur apportait à la tri-
bune quelques extraits des discours
ou des circulaires de M. Guizot, qui,
comme un huguenot qu'il était, en 1846,
a fermé toutes les maisons des jésuites.
Bref, il n'est plus de « conservateur »
aujourd'hui qui ne soit ultra-clérical ou
n'affecte de le paraître. Maladie chez
ceux-ci, jonglerie chez ceux-là, leur
cléricalisme, ancien ou nouveau, ne
les rend que plus antipathiques à la
France. Qu'ils le montrent donc! qu'ils
l'étaient! La République y gagnera.
EUG. LIÉBERT.
—■
MM. les chefs de service du ministère
des affaires étrangères font attaquer gros-
sièrement dans le Français le ministre
dont ils dépendent. Ils né font d'ailleurs
que suivre en ce point la pure tradition de
M. le duc de Broglie, qui, étant ambassa-
deur à Londres, ne perdait pas une occa-
sion de montrer sa haine au gouvernement
de M. Thiers.
Le principal grief de ces messieurs,
c'est que « M. Waddington, quoique plus
» neuf qu'aucun de ses prédécesseurs aux
» affaires dont il est chargé, se prive sys-
» tématiquement de l'expérience des hom-
» mes les mieux placés au palais du quai
» d'Orsay pour le renseigner. « Ils ne sont
pas consultés par M. Waddington, tandis
(1) En voici des exemples:
M. BARAGNON. — Il n'y a pas un ecclésias
tique qui doute que l'Etat est maître dans les
affaires temporelles.
LE Syllabus. — Art. LIV. Anatkème à qui
dira : Les rois et les princes (lisez : les gou-
vernements) sont exempts de la juridiction
de l'Eglise !
M. BARAGNON. — Le pape n'a sur nous au-
cune autorité dans l'ordre politique et tem-
porel.
LE Syllabus. — Art. XXIV. Anathème à qui
dira : L'Eglise n'a pas le droit d'employer la
force; elle n'a aucun pouvoir temporel, direct
ou indirect !
M. BARAGNON. — Ceux-là ne sont pas sincè-
res qui disent qu'ils ont peur de la domina-
tion de l'Eglise, et je plains M. le rapporteur,
ainsi obsédé par le spectre de la domination
pontificale.
LE SyllaQus. — Art. XLII. Anathème à qui
dira : En cas de conflit entre les deux pou-
voirs (le pouvoir pontifical et le pouvoir civil),
le droit civil prévaut !
que M. Decazes, au contraire, faisait le plus
grand cas de leurs talents !
Cela tient peut-être à deux causes.
D'abord nous avons entendu parler de
l'hostilité sourde, - sourde est une atté-
nuation, — que MM. les chefs de service
auraient témoignée dès le premier jour au
ministre républicain; les conversations
familières ne devaient pas être faciles avec
des collaborateurs aussi renfrognés.
Mais ce n'est pas tout, et MM. les chefs
de service, qui se plaignent au Français,
s'étant associés de tout leur pouvoir à la
politique de M. Decazes, se croient obligés
de faire à la politique de son successeur
toute l'opposition qu'ils peuvent. A quoi
servirait-il à M. Waddington de faire ap-
pel à « leur lumières, » s'ils ont le parti-
pris de le contrecarrer ?
Il nous paraît donc assez naturel que M.
Waddington, comme dit le Français, « se
prive de leur expérience.» Ce que nous
nous expliquons moins, c'est qu'iln'ait pas
encore remplacé ceux de ces messieurs qui
envoient au Français des notes diplomati-
ques du style de celle que nous relevons
aujourd'hui. C'est montrer déjà beaucoup
d'indulgence que de conserver des chefs
de service qui ne rendent pas de services.
Mais ce serait une insigne faiblesse de sup-
porter auprès de soi des employés qui, non
contents d'être inutiles, travaillent à se
rendre nuisibles dans la tïlnre des pe-
tits moyens dont ils sont capables de dis-
poser.
E. L.
— l. I. ■ ■■■■■! --■■■I. —
DISCOURS DE M. DE BISMARCK
Berlin, 19 février, 4 h. 45, matin.
Voici le discours du prince de Bismarck ;
Je ne puis nier que, au premier abord, j'ai
hésité à répondre à l'interpellation, attendu
que je n'ai en réalité pas beaucoup plus à dire
que ce qui est déjà connu, notamment par
les débats du Parlement britannique.
Si toutefois je réponds, c'est qu'autrement
on pourrait se figurer que j'ai beaucoup de
choses à taire et qu'une semblable impression
aurait pu éveiller des inquiétudes.
Je réponds d'autant plus volontiers que, d'a-
près le développement donné à l'interpella-
tion, je vois que la politique allemande n'a qu'à
continuer la voie suivie jusqu'ici pour répon-
dre aux sentiments de la majorité du Reichs-
tag.
L'armistice qui vient d'être conclu procure
à l'armée russe une position, sans solution de
continuité, depuis le Danube jusqu'à la mer
de Marmara, et qui a pour bases les forteres-
ses danubiennes. C'est là une situation qui
me paraît d'une importance majeure et qui
n'a été contestée par personne.
En même temps on a signé certains préli-
minaires de paix, que je vais résumer pour y
rattacher la question de savoir si les intérêts
de l'Allemagne se trouvent engagés.
Pour ce qui est de la constitution de la Bul-
garie, cette province se trouve, en vertu de
ces préliminaires, délimitée autrement qu'elle
ne l'avait été par la conférence de Constantin
nople. Toutefois cette nouvelle délimitation
n'est pas d'une importance telle que l'on
doive en appréhender une perturbation de la
paix européenne. Suivant le projet russe, la
constitution de la Bulgarie serait semblable à
celle de la Serbie avant l'évacuation de Bel-
grade et des différents autres points fortifiés
de cette principauté.
Comme les stipulations en vertu desquelles
l'armée russe devra occuper l'intérieur de la
Bulgarie ne sont pas formulées d'une ma-
nière précise, il incombera aux puissances si-
gnataires de régler cette question restée in-
décise.
Quant à l'indépendance du Monténégro, de
la Roumanie et de la Serbie, ainsi que la si-
tuation de la Bosnie, de l'Herzégovine et des
autres provinces turques, c'est là une question
qui touche trop peu les intérêts allemands
pour que l'Allemagne y risque ses bons rap-
ports avec les Etats voisins.
Pour ce qui est de l'indemnité de guerre,
c'est, en tant que pécuniaire, l'affaire des
deux parties qui négocient la paix entre elles ;
en tant que territoriale, elle concernera égale-
ment les puissances signataires. La question
des Dardanelles, ajoute le chancelier, a provo-
qué des inquiétudes plus gaandes que ne le
justifientles faits possibles.
La question des Dardanelles a une impor-
tance considérable, s'il s'agit de mettre la clef
du Bosphore en d'autres mains, de décider si
la Russie peut, à son gré, fermer et ouvrir les
Dardanelles.
Toutes les autres stipulations se rapportent
beaucoup plus à ce qui se passe en temps de
paix qu'à ce qui se passe en temps de guerre,
alors qu'il s'agit de savoir si le détenteur de la
clef des Dardanelles est l'ennemi de la Russie
ou de l'Angleterre.
En cas de paix, les dispositions du traité
qu'on pourrait conclure, tant que les Darda-
nelles sont entre les mains d'une puissance
qui ne @ dépend pas de la Russie, ne peuvent
avoir l'importance qu'on leur donne.
Il peut être de l'intérêt des puissances mé-
diterranéennes de savoir si, en temps de paix,
la flotte russe est en droit de passer par les
Dardanelles et de se montrer dans la Méditer-
ranée.
Mais la question de savoir si, en temps de
guerre, les navires de guerre peuvent passer
par les Dardanelles, ou si la possession des
Dardanelles doit passer en d'autres mains, est
une tout autre chose. Cette éventualité, toute-
fois, ne se présente pas dans la situation ac-
tuelle.
Il ne s'agit pour moi, en ce moment, que de
préciser l'importance des intérêts qui pour-
raient provoquer une nouvelle guerre après
la guerre russo-turque.
Je suis d'avis que des dispositions relatives
au passage des Dardanelles par les vaisseaux
de guerre n'ont guère autant d'importance
que des dispositions relatives aux transactions
commerciales.
L'intérêt majeur de l'Allemagne en Orient
est que les détroits et les voies fluviales,
comme le Danube, à partir de la mer Noire,
restent libres comme ils le sont aujourd'hui.
C'est un résultat que nous obtiendrons à.coup
sûr, à en juger par une communication offi-
cielle de Saint-Pétersbourg sur ce sujet que
nous avons sous les yeux, et qui, sur ce point,
s'en rapporte aux stipulations du traité de
Paris.
L'intérêt que nous prenons au sort meil-
leur des chrétiens de la Turquie est un inté-
rêt moins direct de l'Allemagne, et vient en
seconde ligne, mais n'en est pas moins, au
point de vue humanitaire, un de ceux qu'a
l'Allemagne dans les affaires d'Orient.
Le reste de l'interpellation, continue le chan-
celier, a trait à l'attitude prise par l'Allemagne,
et qu'elle entend prendre à l'avenir relative-
ment à ces affaires. Pour le moment, je ne puis
vous faire aucune communication relative-
ment à l'attitude prise ; car ce n'est que depuis
ce matin que je suis officiellement en posses-
sion des documents que j'ai signalés tout à
l'heure. Ces documents concordent à peu près
avec les communications que nous devons à
l'obligeance d'autres gouvernements. (Ecou-
tez ! écoutez !)
Ces documents serviront de matériaux à la
conférence qui doit se réunir, mais pourront
dès maintenant faire l'objet d'un échange
d'opinions entre les différents gouvernements.
Tout changement apporté au traité de 1856
exigera la sanction des puissances signataires.
Si cette sanction fait défaut, il ne s'en suivra
pas nécessairement qu'une nouvelle guerre
doive avoir lieu ; mais ce qui se produirait,
c'est un état de choses que je voudrais voir
éviter dans l'intérêt de l'Europe. Je suppose
un moment qu'on ne tombe pas d'accord à la
conférence et que les puissances qui ont inté-
rêt à s'opposer aux stipulations russes disent :
Il ne nous convient pas de déclarer pour le
moment la guerre ; mais cela n'empêche pas
que nous ne restions en désaccord ; nous fai-
sens toutes nos réserves. C'est un état de
choses que la politique russe ne peut pas dé-
sirer. Cette politique se dit avec raison :
« Nous ne sentons nullement le besoin de
nous exposer tous les dix ou vingt ans à la
nécessité d'une campagne de Turquie ; mais
nous ne pouvons pas davantage souhaiter d'y
voir substituer tous les dix ou vingt ans une
complication avec l'Autriche et l'Angleterre. »
Je suis persuadé qu'il est également de
l'intérêt de la Russie d'arriver à une solution
et de ne pas ajourner la question indécise à
une époque ultérieure, peut-être moins pro-
pice. Quant à l'idée, de la part de la Russie,
de vouloir extorquer par la force des armes
le consentement des autres puissances aux
modifications qu'elle juge nécessaires, je la
considère, après mûre réflexion, comme une
idée à peu près impossible. Il est probable
que si la Russie ne parvient pas à obtenir,
dès aujourd'hui, le consentement des autres
puissances co-signataires du traité de 1856,
elle se consolera avec cette pensée : « Conten-
tons-nous de ce que nous avons. — Beati
vossidentes. »
Mais alors surgit la question de savoir si
ceux qui seraient mécontents des arrange-
ments conclus par la Russie, et en première
ligne ceux qui y auraient réellement des in-
térêts matériels propres engagés, seraient
disposés à faire la guerre pour forcer la Rus-
sie à renoncer à une partie de ses exigences,
au risque de laisser en Russie, lors du retour
de ses troupes, le sentiment qui par exem-
ple s'est manifesté en Prusse, après le traité
de Vienne sous forme d'arrière-pensée que
l'affaire n'était pas terminée et qu'on serait
obligé de recommencer.
Ce moyen ne réussissant pas, il faudrait es-
sayer de refouler la Russie hors des villes de
la Bulgarie et de ses positions, d'où elle me-
nace Constantinople. Mais alors ceux qui au-
raient obtenu ce résultat aumoyen de la guerre
seraient également obligés de se charger de la
mission et de la responsabilité de décider du
sort ultérieur de ces provinces de la Turquie
d'Europe. Je ne crois pas qu'il soit probable,
après ce qui a été dit et résolu à la conférence
de Constantinople, qu'ils fussent disposés à
rétablir, purement et simplement, l'autorité
turque.
Ils proposeraient par conséquent une solu-
tion à côté de celle qui est proposée aujour-
d'hui et différant de celle-ci. C'est une éventua-
lité qu'on veut bien admettre en principe.
Mais j'hésite à croire que l'Autriche, la puis-
sance la plus voisine, serait, dans ce cas, prête
à accepter tout l'héritage des conquêtes ac-
tuelles de la Hussie et à prendre, par là, la
responsabilité de l'avenir de ces provinces sla-
ves, soit en les annexant au royaume de Hon-
grie, soit en les formant en Etats vassaux. Je
ne crois que ce seit là le but que poursuit la
politique autrichienne.
Je n'ai parlé de cette éventualité que pour
montrer combien peu se trouve justifiée, à mes
yeux, la crainte d'une guerre européenne.
Pour obvier à ces éventualités l'Autricge a
pris l'initiative de la proposition d'une confé-
rence, et nous avons été les premiers à nous
rallier à cette idée. Il s'est élevé des difficultés
sur le choix de la localité où cette conférence
devrait se réunir ; mais ces difficultés ne sont
pas proportionnelles à l'importance de la ques-
tion en elle-même.
Cependant, même- sous ce rapport, nous
n'avons pas élevé d'objections. Nous avons
déclaré que nous acquiescerions à l'une ou à
l'autre des villes qui avaient été proposées et
qui étaient Vienne, Bruxelles, Bade, Wiesba-
den, Wildbad ou une localité de la Suisse.
L'une ou l'autre de ces villes nous aurait
agréé. Il paraît que le choix se fixera défini-
tivement sur Bade.
Notre intérêt, qui est partagé par les puis-
sances avec lesquelles nous avons corres-
pondu à cet effet, consiste en la réunion la
pluspromptepossible de la conférenee, abstrac-
tion faite de tout choix de localité.
Il est à peu près indifférent, pour nous, où
la conférence s'assemblera. Relativement au
choix d'une ville allemande, je n'ai pas d'au-
tre opinion si ce n'est que, dansle cas où l'on
choisirait une localité sur le territoire alle-
mand, il serait nécessaire que la conférence
fut présidée par le plénipotentiaire allemand;
cette idée n'a été combattue par personne.
Une fois le principe admis, on verra plus
tard si, par des raisons d'opportunité, il sera
nécessaire de s'y tenir d'une manière absolue,
suivant le personnel dont se composera la
conférence, que,dans ma conviction intime, je
considère comme assurée et qui, comme je le
présume, pourra s'ouvrir dès la première
moitié du mois de mars.
Il serait désirable que cela pût avoir lieu
plus tôt, pour mettre fin à l'incertitude qui se
rattache à cette question. Mais il faut admet-
tre que les puissances, avant de se réunir, vou-
dront préalablement échanger leurs vues, et
les communications avec le théâtre de la
guerre ne sont guère rapides. -
Le retard qu'ont éprouvé les nouvelles qui
nous sont parvenues ont eu pour cause, et
auraient encore pour cause, la lenteur des
communications avec le théâtre de la guerre.
La supposition que ce retard avait été prémé-
dité, tombe absolument, lorsqu'on se rend
compte du fait que la marche en avant des
troupes russes, après le 30 décembre, est une
conséquence des conditions ( de l'armistice, et
nullement la mise à profit d'un « temps utile»
habilement conquis.
La limite en deçà de laquelle l'armée russe
occupe aujourd'hui ses positions est la ligne
de démarcation stipulée par l'armistice, et je
ne crois à un retard prémédité d'aucun côté.
Je crois au contraire au désir loyal de toutes
parts d'envoyer le plus tôt possible des délé-
gués à la conférence. En tout cas nous ferons
tous nos efforts pour atteindre ce but.
A l'heure ou nous mettons sous presse,
la fin du discours de M. de Bismarck ne
nous est pas encore parvenue.
INTERPELLATION SUR LA QUESTION D'ORIENT
AU PARLEMENT AUTRICHIEN
Vienne, 19 février, 1 h. 25.
Chambre des Députés. — Le président
du conseil, prince Auersperg, répond en
ces termes à l'interpellation de M. Giskra,
relative aux affaires d'Orient :
Le gouvernement austro-hongrois a été in-
formé des bases de paix en vertu desquelles
un armistice a été conclu entre la Russie et la
Turquie; ces bases répondent dans d'ensem-
ble aux communications faites à ce sujet par
les journaux de Saint-Pétersbourg. Le gouver-
nement n'a pas connaissance de l'existence
d'autres arrangements.
Le gouvernement, en face de ces bases con-
nues, a exposé en toute franchise le point de
vue auquel il se place en principe.
Il a déclaré qu'il ne reconnaîtrait pas com-
me valables en droit les arrangement conclus
entre les belligérants qui lui paraîtraient me-
nacer les intérêts de la monarchie austro-hon-
groise, ou les droits des puissances signa-
taires, aussi longtemps que ces arrangements
n'auraient pas été sanctionnés par ces puis-
sances. En même temps, le gouvernement
a pris l'initiative pour la réunion d'une confé-
rence.
Le principe admis par le gouvernement et
sa proposition tendant à tenir une conférence
ont été adoptés par tous les cabinets ; le cabi-
net russe, seul, a proposé, en ce qui concerne
la forme de réunion projetée, de convoquer,
non pas une conférence, mais un congrès, et a
demandé que ce congrès n'eût pas lieu dans
la capitale d'un Etat signataire. Les négocia-
tions relatives à cette affaire sont presque
terminées, et nous croyons pouvoir espérer
que le congrès se réunira prochainement.
C'est pourquoi le gouvernement ne saurait
fournir des renseignements détaillés sur les
opinions qu'il a adoptées relativement aux
bases de la paix ; mais il ne peut cependant se
dispenser de déclarer d'une manière générale
qu'il lui est impossible de trouver conformes
à ses intérêts quelques-unes des stipulations
actuellement connues. Toutefois cette réserve
ne s'applique pas aux points qui concernent
l'amélioration du sort des chrétiens d'Orient,
mais aux dispositions qui pourraient entraî-
ner un changement dans les conditions politi-
ques de l'Orient au détriment de la monar-
chie.
Le gouvernement a le sérieux espoir que
les délibérations de l'Europe réussiront à ame-
ner une entente. Comme toutes les puissances
intéressées doivent désirer qu'une paix du-
rable, et non une paix momentanée, sorte de
la crise actuelle, le gouvernement espère que
les délibérations des puissances aboutiront à
une solution qui satisfasse non pas les inté-
rêts d'un seul, mais ceux de tous;
En tout cas, le gouvernement, en face de
la gravité des événements, considère, après
comme avant, comme son devoir de sauve-
garder dans tous les sens les intérêts politi-
ques et matériels ainsi que l'honneur de la
monarchie.
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
Versailles, 19 février 1878.-
Ah 1 nous avions bien dit que l'escalier
de droite serait fatigué quand viendrait à
la tribune le budget des cultes!. Si en-
core il n'y avait eu que lui de fatigué !
On attendait une séance palpitante, l'as-
pect des tribunes en était la preuve mani-
feste ; le ténor clérical devait chanter son
grand morceau. Mais qui peut prévoir
les machinations de l'Esprit malin ?
Or donc, après quelques ascensions peu
importantes de droitiers à la tribune, on
était parvenu au chapitre VI. Le chapi-
tre VI, c'est tout ! — et bien peu de chose,
en somme. Il réglemente les « bourses de
séminaires. »
La commission du budget propose un
crédit d'un peu plus d'un million, comme
la chose fut votée en 1876, comme M.
Léon Say l'a inscrite dans son travail d'en-
semble ; c'est à ce chiffre que se rallie M.
Bardoux. D'autre part, M. Caillaux, le fi-
nancier du 16 mai, avait porté à ce crédit
140,000 francs de pl us, ce qui rétablissait les
chiffres de 1875 ; c'est ce chiffre qu'appuie
la droite, par voie d'amendement.
Car vous vous rappelez sans doute que
ce chapitre VI fut, au premier budget
adopté par la majorité républicaine, une
des causes qui mirent la Chambre et le Sé-
nat en délicatesse. Les cléricaux tenaient
essentiellement à ne pas laisser diminuer
ce crédit; ils préféraient certainement voir
sacrifierà cette diminution l'augmentation
des desservants de campagne, qui repré-
sentait cependant une somme notamment
plus considérable.
La pensée des hauts bonnets du cléri-
calisme estbien facile à pénétrer : les des-
servants de campagne, se disaient-ils, vi-
vent, donc ils setireronttoujours d'affaire;
tandis que, plus le crédit afférent aux
bourses de séminaires sera important,
plus nous pourrons nous livrer à l'élevage
des séminaristes.
Le raisonnement de la commission du
budget était tout autre : ces bourses de sé-
minaires servent à pourvoir aux besoins du
personnel des cures et des succursales.
Mais ces cures et succursales sont main-
tenant pourvues de titulaires ; il ne s'agit
plus aujourd'hui que de parer aux extinc-
tions ; l'Etat n'est pas tenu d'élever des
séminaristes pour en faire des précepteurs
de jeunes gens de famille. -
M. le comte de Perrochel est chargé
de jouer le lever de rideau. C'est un petit
pince-sans-rire qui a des prétentions à
l'esprit et qui débite les sottises les plus
énormes avec une suffisance extraordi-
naire. Cette fois, il se livre contre le rap-
porteur, qui est protestant, à des plaisan-
teries catholiques, apostoliques et romai-
nes, d'un goût si détestable que M. le
président se voit obligé de l'arrêter. M. de
Perrochel en est quitte pour sauter trois
feuillets.
Celui-là est un catholique de l'école du
Francais. Nous le soupçonnons d'être là
pour l'aire une sorte d'acte de foi ou de
contrition, comme vous voudrez, car il
apporte à la tribune la soumission de l'ex-
catholicisme libéral. Le révérend Père
Ochel n'a d'ailleurs pas le moindre succès;
les tribunes, comme la salle, restent parfai-
tement indifférentes aux éclats voilés de
son éloquence ; ce qu'elles attendent, c'est
M. de Mun.
Et c'est ici qu'il vous sera loisible de
saisir à quel point l'Esprit malin est
astucieux dans les pièges qu'il tend aux
âmes innocentes ! Ne se sert-il pas d'une
erreur de M. Guichard, d'une erreur qui
devrait tourner à laconfusion des méchants,
pour se gausser des desseins des bons?
En effet, M. le rapporteur, répondant à
M. de Perrochel, commet une erreur, une
grosse erreur matérielle, où l'induit la
lecture trop précipitée d'un document offi-
ciel. M. Keller la relève en quelques mots ;
M. le rapporteur, qui est un homme de
bonne foi, s'incline et se tait. La scène se
passe très-rapidement. Et M. le président
met le chapitre aux voix.
M. de Mun qui se trouve n'avoir per-
sonne à pourfendre, hésite un instant à
assumer le rôle de Don Quichotte fondant
sur des moulins à vent. Et le chapitre est
voté. -
Qui ressemble alors au chevalier de la
Triste-Figure ?. M. de Mun !
Que va dire le Père Dulac?
Et M. de Mun cherche à rattraper son
tour, en se réclamant de certain chapitre
de la loi de finances qui se rattache au
chapitre VI du budget des Cultes.
Cette intercalation réclamée simplement
pour la plus grande commodité de M. de
Mun est admirable. M. Bardoux, en adver-
saire courtois, l'accepte. Les femmes sont
haletantes. Mais M. le président trouve
cette combinaison étonnante au point
de vue du règlement. Et la Chambre par-
tage son avis. - Infortuné M. de Mun r
Les sénateurs, M. Buffet en tête, s'éclip-
sent, les évêques disparaissent, les simples
curés baissent la tête avec accablement,
les dames prennent une petite moue dépi-
tée qui est charmante, et M. de Mun mar-
tyrise avec rage sa moustache, en songeant
à la déconvenue de ses invités et invitées.
Nous, il nous semble entendre comme
un strident ricanement dans une moulure
du plafond lumineux. A coup sûr c'est
l'Esprit malin, qui, étant incombustible de
sa nature, n'a pas craint de se nicher
là et qui crie : » Ah 1 ah 1 ah ! il faudra
maintenant que tu traites la fameuse ques-
tion au milieu des huiles et des savons 1 »
Nous renonçons à énumérer toutes les
observations qu'ont présentées doïem-
ment les membres de la droite.
Deux chapitres cependant ont offert un
petit intérêt de lutte.
Au chapitre XI (acquisition et entretien
des édifices diocésains), trois chiffres se
trouvaient en présence : un crédit de
2,400,000 francs, demandé par la droite et
basé sur le budget de 1875 : un crédit de
2,000,000 appuyé par le gouvernement,
d'après le précédent budget ; un crédit de
1,800,000 francs, présenté par la commis-
sion.
La commission, en proposant une di-
minution de 200,000 francs, ne voulait pas
évidemment nuire à l'entretien de nos
monuments religieux, chefs-d'œuvre de
l'art ancien ; mais elle avait sans doute en
vue un abus dont elle entendait ainsi mar-
quer la fin. Dans le rapport, nous lisons
en effet : « Dans un diocèse, où il a déjà été
acquis, sur les crédits affectés aux édifices
diocésains, une maison de campagne et un
hôtel considérable pour l'évêque, il est
question de racheter encore à l'évêque un
hôtel qu'il a acquis sans autorisation ;
quelque intérêt qu'inspire cette position
irrégulière, nous sommes assurés que le
ministre, dans cette circonstance, comme
dans toutes les autres, ne consultera que
les intérêts de l'Etat. »
C'est le chiffre de M. Bardoux qui a
triomphé. De même, au chapitre XII, où
certaines cathédrales, en voie de répara-
tion, n'ont pas vu leur crédit diminué de
300,000 francs.
Savez-vous qui va être le plus content
de la journée, — après M. Bardoux, dont
le service est enfin terminé ? C'est notre
ami Sarcey. M. le ministre des Cultes a
solennellement annoncé que l'article 12 de
la loi du 28 septembre 1876 était exécuté
et que l'impression de l'état des congré-
gations religieuses allait être prochaine-
ment livrée à la publicité.
PAUL LAFARGUE.
COURRIER DU SÉNAT
Ce Sénat 1 il n'a qu'une séance par se-
maine, et c'est toujours la même. On a
encore voté aujourd'hui; tout le monde-
était venu. Il fallait en finir. La droite
surtout était au complet ; on nous citait
un sénateur qui était sorti de son lit pour
venir voter ; on avait dû le traîner à la
tribune. Il lui en coûtera peut-être, mais
qu'importe 1 les droitiers n'y regardent
pas de si près ; ces gens-là, -
Pour remplacer les morts font mourir les vivants!
Enfin, l'opération a réussi, cette fois.
Nous av.ons un nouvel inamovible, baron,
clérical et légitimiste, tout ce qu'il y a de
mieux comme sénateur. Les constitution-
nels peuvent être fiers : c'était leur tour
de roulement,.on leur donne'M. de Ca-
rayon-Latour. Que vous disions-nous, l'au-
tre jour? Que M. deLareinty était un grand
politique.
Cela semblait extraordinaire. Eh bien,
là, vous voyez ! M. Victor Lefranc a gardé
ses 135 voix, et le baron est arrivé à 140.
Où les a-t-il prises! C'est encore une ques-
tion, mais elle est facile à résoudre ; le
centre droit a voté comme un seul hom-
me. Grand bien lui fasse 1 M. de Carayon
ne s'en plaindra pas, mais c'est le duc De-
cazes qui ne sera pas content 1
Il restaitun quartd'heure avantle train:
on s'est mis à parler des insectes nuisi-
bles. C'est le triomphe de M. de -la Sico-
tière. Si on ne l'arrêtait pas, il n'en finirait
plus. On l'a arrêté heureusement. Mais il
n'était pas au bout, le cher homme! et l'on
sentait bien qu'il en avait encore tl ès long
à dire. Ce sera pour jeudi, hélas!
EMMANUEL Aiiixs.
ECHOS PARLEMENTAIRES
Les bureawx de la Chambre se sont réu-
nis hier et ont nommé trois importantes com-
missions:
1° Celle chargée de la proposition de MM.
Proust et Gambetta, destinée à élever la re-
traite des officiers; ont été élus : MM. Gamhetta
Proust, Brisson, général de Clianal, Lnisant,
Lnnglois, de Lur-Saluces, de Rtys, Giraud,,
Wargame, Frogier de Pontlevov ;
2° Celle chargée du projet de M. Birdoux
sur le mode de nomination des mstituteurs ;
ont été élus : MM. Chantemille, Duvaux, Fave,
Constans, Drumel, Rouseet, Chalamet, de Son-
nier, René Briceet Ganne.
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