Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1878-02-16
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 16 février 1878 16 février 1878
Description : 1878/02/16 (A8,N2254). 1878/02/16 (A8,N2254).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
BnltlèmeAnnêe. No 225
Prix du,Numéro à Paris 115 Centimes. Ë; Départements i 20 Centimes
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LE glu
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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BULLETIN
Paris, le 15 février ii7i.:
La. Chambre, apros avoir voté le budget
des beaux-arts, a entamé la discussion gé-
nérale du budget des Cultes.
L'interpellation qui devait avoir lieu mer-
credi au Parlement allemand n'a pas eu
lieu ; une dépêche, adressée à la Gazette
de Cologne, annonce queleReichstag s'est
reposé ce jour-là. La séance avait perdu du
reste la plus grande partie de son intérêt
du moment où l'on savait que M. de Bis-
marck ne serait pas là pour répondre. L'in-
terpellation a été remise jusqu'au delà du
jour de l'arrivée à Berlin du chancelier de
l'empire. Hâtons-nous d'ajouter que le jour
n'est pas encore fixé. La diplomatie de l'Al-
lemagne n'est pas pressée de parler et de
fair e connaître ses desseins dans la ques-
tion orientale.
Nous sommes aujourd'hui sans nouvel-
les directes de l'Orient. Nous ignorons si
les Russes ont occupé Constantinople pour
répondre à la démonstration de l'Angle-
terre, comme ils en avaient fait la menace.
On dit seulement qu'un échange actif de
télégrammes "durait eu lieu entre la Russie
et la Porte d'une part, entre le sultan et
la reine d Angleterre de l'autre. Les Rus-
ses ne veulent pas voir dans l'envoi de
l'escadre anglaise devant Constantinople
une smple intention de protéger au be-
soin les nationaux. Le Nord s'exprime
ainsi : « Suivant le Times, la démonstra-
tion projetée est nécessaire afin que l'An-
gleterre ait en son pouvoir des gages ma-
tériels, qui lui garantissent que la ques-
tion de Constantiriople et celle des détroits
ne soient pas réglées dans un sens con-
traire aux intérêts britanniques. Cette ma-
nifestation navale revêt ainsi le caractère
d'un acte ide défiance avouée vis-à-vis de
la Russie. »
Quant à l'Angleterre, elle continue ses
armements, fait des achats Ide munitions
et de v ivres et ne cesse d'armer des bâti-
ments et de les diriger soit des ports an-
glais sur Malte, soit de Malte sur l'Orient.
On trouvera plus loin quelques citations
de la presse anglaise, manifestant l'état de
l'ofpinion. Pour mieux faire comprendre
c('t état de l'opinion, nous publions encore
te passage d'une lettre d'un de nos amis
actuellement à Londres et qui y a été té-
moin des derniers événements :
« La situation politique est très-singu-
lière. Pendant quelques jours les démons-
trations belliqueuses étaient extrêmement
vives. Cinq ou six meetings plus enthou-
siastes/les uns que les autres en deux jours.
On a appris l'ordre donné à la flotte de se
rendre à Constantinople et l'enthousiasme
à été croissant. Dans les théâtresla moindre
allusion faite à la Russie ou à Gladstone
mène une bordée de sifflets. On a com-
posé des chants patriotiques, et tous les
spectateurs se lèvent pour entonner le re-
fram.. Puis invariablement toute la salle
entonne le Ride Britannia, le chant natio-
nal par excellence, qui ressemble bien plus
à un cantique qu'à une Marseillaise quel-
conque. Hommes et femmes se lèvent. Les
hommes font tourner leurs chapeaux à
bout de bras les femmes leurs mouchoirs.
En somme tout l'enthousiasme dont les
Anglais sont capables.
« Il est évident pour moi que chacun es-
pérait au fond que l'envoi de la flotte à
Constantinople suffirait pour effrayer la
Russie et que l'on pourrait se féliciter à
bon marché sur la toute-puissance de l'An-
gleterre. Tout à coup on a appris que la
Turquie s'opposait au passage de laflotte et
que la Russie a décidé d'occuper Constan-
tinople au cas où la flotte anglaise pénétre-
rait dans les Dardanelles. Il y a eu un mo-
ment d'hésitation. L'enthousiasme est der
venu moins bruyant, mais l'orgueil an-
glais a reçu une profonde blessure, et
ceux-là mêmes qui, il y a quelque jours,
(je parle des membres du Parlement ap-
partenant à l'opposition) croyaient ferme-
ment à la paix, me disaient hier à la
Chambre que la guerre leur semble désor-
mais inévitable. »
■. ■ <^i
Bourse de :P a:r:l.fi
PITFFS BOURSE DU SOI*
a 0/0. 73 fr. 27 1/2, 221/2.
S 0/0 109 fr. 50, 461/4,50, 48 3/4,511 /4.
Egypte 139 fr. 50, 137 50.
Italien. 73 fr. 40, 25.
- «0» '■ — ■■■ ■—
Demain sera un nouveau jour de scru-
tin sénatorial ; pour la quatrième fois, le
Sénat tentera de donner un successeur
au général d'Aurelle de Paladines. Les
membres du centre droit viennent de
prendre à ce propos une décision qui
nous parait sage et que nous espérons
pouvoir louer jusqu'au bout.
Ils ont trois fois présenté sans succès
M. le duc Decazes, sur qui toutes les voix
des droites du Sénat devaient cependant
se porter en vertu du pacte de « roule-
ment. » Le lendemain du troisième échec,
le Soleil annonçait que le centre droit ne*
renoncerait point à son candidat, qu'il
continuerait de porter M. le duc Decazes
malgré tout. C'était déclarer qu'on ren-
drait l'élection sénatoriale impossible,
puisqu'on persévérait à soutenir un can-
didat qui avait échoué trois fois par suite
d'un incontestable parti pris.
Aujourd'hui le même Soleil nous ap-
prend que les membres du centre droit
se sont ravisés. Us ne présenteront pas
de candidat; ils laisseront ce soin aux
deux autres groupes de la droite, et ils re-
prennent individuellement leur liberté.
Nous trouvons l'incident assez considéra-
ble en soi ; car la note communiquée au
Soleil n'est pas autre chose qu'une dé-
nonciation en bonne forme du traité dé-
fensif et surtout offensif qui unissait aux
droiïesrîés« constitutionnels » du centre
droit. En fait la coalition ne tenait plus
guère ; mais la voici rompue par la décla-
ration officielle d'un de ses alliés.
Reste à savoir maintenant quel usage
les membres du centre droit comptent
faire de l'indépendance qu'ils ont recou-
vrée. Il nous semble que les diverses pé-
ripéties de cette candidature Decazes ont
mis dans tout le lustre désirable les sen-
timents d'estime, de sympathie, d'amitié
véritable que les impérialistes et les roya-
listes nourrissent pour les « constitution-
nels. »
Nous lisions justement hier dans un
journal bonapartiste :
Il paraît que M. le duc Decazes a fini par
retirer sa candidature. Enfin !
Après trois échecs, cette détermination s'im-
posait à tout homme ayant un souci quelcon-
que de sa dignité.
Mais M. le duc Decazes n'appartient pas à
cette catégorie d'hommes susceptibles ou cha-
touilleux.
Il appartient à l'espèce qu'on pourrait appe-
ler COLLANTE.
Il s'applique à plat ventre, à pleine poitrine
sur un portefeuille ou sur une candidature,s'y
cramponnant de toute la puissance denses ven-
touses et pour le faire sortir de là, il faut l'ar-
racher par morceaux.
C'est la vie politique la plus triste, la plus
écœurante que nous connaissions, etc., etc.
Voilà pour le candidat.
Et voici maintenant pour le parti ; nous
détachons le passage suivant d'une feuille
légitimiste :
Ainsi, voilà ce groupe constitutionnel qui a
mis la division depuis le 14 octobre dans le
parti conservateur et qui ne réussit même pas
à s'entendre entre ses membres!
Dans ce groupe on s'isole, on discute, on
ergote, on bavarde, on divague, on s'emballe,
on radote comme dans un cercle de vieilles
douairières ; mais on reste impuissant et l'on
agit toujours comme si l'on - voulait réduire à
la même impuissance tous les autres groupes
du parti conservateur.
Les constitutionnels ont si odieusement dé-
serté que bientôt ils seront repoussés des
cercles et des salons et que bientôt aussi sur
leur passage on entendra dire : Voilà les
LACHEURS, voilà les IMPUISSANTS, Voilà les TRAI-
TRES qui ont compromis la cause conserva-
trice, qui ont livré la France à la révolution j
Ce n'est pas nous qui, dans ces ex-
traits, soulignons les gros mots.
Nous croyons que les membres du
centre droit ont suivi la mode et qu'ils
sont, pour la plupart, assez bons catho-
liques ; mais il est permis de se deman-
der si leur faveur ira jusqu'à tendre hum-
blement l'autre joue, pour suivre le pré-
cepte de l'Evangile. Nous cherchons
surtout quel intérêt pourrait les pous-
ser désormais à donner leurs votes à
l'un ou l'autre des partis qui les inju-
rient après leur avoir manqué de parole.
Impérialistes et légitimistes vont s'en-
tendre pour présenter un candidat. Un
autre candidat sera porté par les républi-
cains. Libres d'opter entre les deux, pour
qui les « constitutionnels » voteront-ils?
Nous ignorons leurs secrets sentiments,
n'ayant pas pénétré dans leur conscience.
Mais il nous semble que jamais pour eux
plus belle occasion ne s'est offerte d'ac-
corder leur conduite avec leurs théories.
Combien de fois, depuis les élections du
14 octobre ne nous ont-ils pas répété
qu'il ne fallait plus faire obstacle à la
République et que le devoir des bons
Français est de se soumettre à la volonté
du pays !
Ils tenaient ce langage avec chaleur,
avec éloquence. Et cependant le fameux
pacte de « roulement » subsistait tou-
jours. Convenez que, tout au moins, la
logique des « constitutionnels » a dû bien
souffrir toutes les fois qu'en affirmant ces
vérités républicaines et patriotiques Ms se
trouvaient obligés de voter au Sénat
pour un bonapartiste ou un royaliste.
Autant on a compté d'ennemis acharnés
de la République élus sénateurs, autant les
« constitutionnels» se sont infligé à eux-
mêmes de déplorables démentis.
Et cependant nos candidats, à nous,
étaient des conservateurs honorés, sin-
cères, véritables. C'est encore un conser-
vateur, et des moins suspects, que les
républicains du Sénat porteront demain
samedi. L'opinion publique attend les
« constitutionnels » à ce nouveau vote.
Ils feront ce qu'ils voudront. On leur de-
mandera seulement de ne plus faire chan-
ter par leurs journaux la gamme de l'a-
paisement s'ils se prononcent pour la
politique des conflits.
EUG. LIÉBERT.
t
Le Soleil publie la note suivante :
Les tonstitutionnels du Sénat se sont réunis
hier chez M. le comte de Bondy.
Après avoir entendu la lecture d'une lettre
de M. le duc Decazes, qui, en remerciant ses
amis du témoignage d'estime qu'il avait reçu
d'eux, les priait dans les termes les plus di-
gnes de ne plus persister à maintenir sa can-
didature, la réunion a chargé ses délégués de
faire savoir aux autres groupes de la majorité
conservatrice qu'elle renonçait à présenter un
candidat au scrutin de samedi prochain.
En reproduisant cette note, Y Univers
ajoute ceci :
La nuit, dit-on, porte conseil ; il faut espé-
ror que d'ici à samedi le groupe des constitu-
tionnels réfléchira et comprendra que son dé-
sintéressement dans la lutte engagée équivau-
drait à une dénonciation de l'accord avec les
autres groupes de la droite et livrerait dans
un avenir prochain la majorité à la gauche.
Pour notre part, nous n'y contredisons
pas ; mais les « constitutionnels » pour-
raient répondre que ceux qui ont les pre-
miers « dénoncé l'accord » sont les mem-
bres des droites, qui ont fait trois fois
échouer le candidat du centre droit.
L'INTERVENTION ANGLAISE
Londres, 14 février.
Le Daily Je te# mp/i publie, dans une édition
spéciale, la dépêche suivante de Constantino-
ple :
La flotte anglaise a franchi hier, à trois
heures de l'après-midi, le détroit des Darda-
nelles.
La Porte s'est contentée de protester.
Les Russes ont déclaré qu'ils entreront dans
la capitale.
On craint que des troubles n'éclatent, si
cette déclaration se réalise.
Vienne, 14 février.
On assure que le sultan ayant, à l'instiga-
tion de la Russie, fait prier la reine Victoria
de renoncer au projet d'envoyer la flotte an-
glaise dans le Bosphore, la reine aurait ré-
pondu que la flotte allait à Constantinople
dans un but purement pacifique.
Malte, 13 février, soir.
Une grande émotion règne à Malte, à la suite
de l'arrivée d'instructions, expédiées par l'ami-
rauté de Londres, pour faire activer les tra-
vaux des navires en réparation et les envoyer
rejoindre l'amiral Hornby.
La Dévastation part aujourd'hui de Malte.
Vienne, 14 février.
Des avis certains de Saint-Pétersbourg et de "-
Londres p ermettent;d'affirmer qu'avant-hier et
hier un échange direct de télégrammes a eu
lieu entre le sultan et la reine Victoria, d'une
part, le sultan et l'empereur Alexandre, d'au-
tre part.
Le sultan a demandé instamment, au nom
des intérêts de l'humanité tout entière, à la
reine d'Angleterre, d'ajourner l'entrée de sa
flotte dans les Dardanelles.
Il a en même temps prié l'empereur d'ajour-
ner toute mesure relative à l'entrée des trou-
pes russes à Constantinople, jusqu'à l'arrivée
de la réponse de la reine.
Si i'Angleterre a passé outre, on pense que
c'est dans la crainte de donner, par un délai,
le temps à la Russie de semer des torpilles
dans les Dardanelles.
Londres, 14 février. -
Le Times, dans une édition spéciale, publie
une dépêche de Saint-Pétersbourg, 14 février,
annonçant que le gouvernement russe a été
informé de l'arrivée de la flotte anglaise à
Constantinople.
Mais on ne sait pas d'où le gouvernement
tient cette nouvelle, ni si elle est authen-
tique.
Constantinople, 14 février.
Le gouvernement ottoman s'est borné à pro-
tester contre le passage de la flotte anglaise
dans les Dardanelles.
Brindisi, 14 février.
Le vapeur anglais Escort est arrivé, venant
de Fiume avec un chargement de torpilles.
Il est reparti, à ce qu'on assure, pour Malte.
On télégraphie de Saint-Pétersbourg, le 13
février, au Times:
« Hier soir, à une heure avancée, le gouver-
nement reçut des informations lui apprenant
que le sultan avait refusé catégoriquement un
firman à la flotte anglaise pour traverser les
Dardanelles.
» Jusqu'à aujourd'hui le gouvernement russe
n'a pas reçu de nouvelle indiquant un change-
ment d'intentions de la part de la Porte. Ce-
pendant des mesures ont été prises pour faire
avancer une partie des troupes vers Constan-
tinople, aussitôt qu'un navire de guerre an-
glais ou de toute autre nationalité pénétrerait
dans le détroit des Dardanelles.
» L'entrée des troupes russes à Constanti-
nople, si elle a lieu, n'est pas aux yeux de la
Russie un acte d'hostilité.
» Néanmoins on redoute qu'un accident im-
prévu n'amène une collision.
» On croit que si les troupes entrent, le sul-
tan se retirerait à Brousse. 11 deviendrait, dans
ce cas, extrêmement difficile de rétablir mê-
me l'ombre d'un empire turc en Europe. »
La dépêche du Times ajoute : « Il y a de
bonnes raisons de penser que le gouverne-
ment ne désire pas, pour le moment, une so-
lution aussi radicale que celle-là.
» Les négociations pour la réunion d'une
conférence semblent avoir été momentané-
ment reléguées au second plan.
» On considère une alliance austro-anglaise
comme possible.»
Londres, 14 février.
Le Standard dément le bruit de la démis-
sion de lord Derby et de la dissolution du Par-
lement.
Le Times blâme formellement là Russie de
sa détermination d'occuper Constantinople.
En agissant ainsi, elle encourt une grave et
inutile responsabilité; ello devra donner à
l'Autriche et à lAngleterre des garanties qu'elle
fera cesser cette occupation.
Le Standard déclare que l'Angleterre est
disposée à agir de concert avec une ou plu-
sieurs puissances pour repousser l'agression
russe, en se maintenant dans la limite des
droits et des intérêts de chacune de ces puis-
sances. Mais, ajoute ce journal, si toutes les
puissances s'abstiennent, l'Angleterre agira
seule, laissant à ses voisins le soin de sauver
leurs intérêts et leur honneur, s'ils le peu-
vent.
Vienne, 14 février.
Le tzar a répondu à la dépêche par laquelle
le sultan lui demandait d'ajourner l'entrée
des troupes russes à Constantinople jusqu'à
l'arrivée de la réponse de la reine d'Angle-
terre.
La réponse du tzar se borne à confirmer les
déclarations contenues dans la circulaire du
prince Gortschakoff aux ambassadeurs russes
à l'étranger, en date du 10 de ce mois.
En conséquence, les Russes, qui se trouvent
à quinze verstes des murs de Constantinople.
ont dû commencer leur mouvement en avant.
Londres, 14 février.
On assure que l'amirauté a reçu une dé-
pêche de l'amiral Hornby, annonçant que l'es-
cadre anglaise a franchi les Dardanelles sans
opposition de la part des forts turcs.
L'amirauté n'a pas encore appris que l'esca-
dre lût arrivée à Constantinople.
Constantinople, 14 février, 11 h. 30 matin.
La flotte anglaise a passé ce matin les Dar-
danelles.
La flotte anglaise arrivera à Constantinople
ce soir.
Londres, 14 février, 5 h. soir.
L'amirauté anglaise a reçu du consul anglais
à Chanak une dépêche qui confirme que six
cuirassés anglais ont passé hier les Darda-
nelles.
L'amirauté de Chanak a protesté d'une ma-
nière formelle contre cet acte, mais aucune
opposition active n'a été faite au passage.
L'amiral avait l'ordre d'entrer dans les dé-
troits avec ou sans la permission de la Porte
et de prendre ses mesures afin de protéger ses
derrières.
Les vaisseaux étaient prêts au combat.
Londres, 14 février, 5 h. 10, soir.
Chambre des, Communes. — Sir Stafford
Northeote. répondant au marquis d'Warlington,
dit que la Porte a refusé l'autorisation de fran-
chir les détroits et qu'en conséquence le gou-
vernement s'est cru en droit d'ordonner à la
flotte de passer outre. Le gouverneur des dé-
troits a protesté, mais sans faire d'opposition
matérielle. Le chancelier de l'Echiquier croit
que la flotte se trouve maintenant dans le voi-
sinage de Constantinople.
La Russie a adressé une communication
portant que, la flotte anglaise approchant de
Constantinople, le gouvernement russe aura à
examiner s'il ne doit pas occuper cette capi-
tale. Le gouvernement a protesté contre cette
prétention, en déclarant que l'entrée de la
flotte, n'ayant pour but que la protection des
nationaux anglais, ce fait ne pouvait fournir
motif à une occupation. (Applaudissements
bruyants aux bancs des conservateurs.)
Sir Palk demande si le gouvernement est
d'avis que l'envoi de la flotte justifie l'occupa-
tion de Constantinople par les troupes russes
et s'il a eu soin de bien faire entendre qu'il ne
pouvait pa& admettre cette prétention.
Sir Stafford Northcote dit qu'il a déjà répon-
du à ces deux questions.
Interrogé par M. Lowe sur le sens à don-
ner aux mots : « Opposition matérielle, » il
répond que cette locution exprime toute résis-
tance par la force. Le gouvernement des dé-
troits s'est contenté de protester verbalement.
Une proposition est faite dans le but d'obte-
nir un nouveau « writ » pour la nomination de
M. Lowther comme secrétaire d'Etatpour l'Ir-
lande.
A propos de la motion en vue de la seconde
lecture du projet de loi des fonds consolidés
pour réaliser les six millions de subsides, une
discussion s'engage dans laquelle les orateurs
de l'opposition s'efforcent d'obtenir du gouver-
nement qu'il déclare s'il considère l'occupation
de Constantinople par les Russes comme un
casus belli; mais leurs efforts n'obtiennent pas
de résultat.
La seconde lecture du bill est adoptée sans
scrutin.
Londres, 14 février, soir.
Chambre des Lords. — Lord Derby, répon-
dant à lord Granville, dit que les navires ex-
pédiés sont à Constantinople, ou, pour parler
plus exactement, ont jeté l'ancre devant les
îles des Princes, à deux milles au-dessous de
Constantinople. Pleins pouvoirs ont été don-
nés à l'amiral de placer ses vaisseaux comme
il le jugera le plus utile à leur sécurité.
En ce qui concerne l'opposition de la Porte,
le gouvernement s'est immédiatement mis en
relations avec elle et a télégraphié à M.Lavard
en lui expliquant la nécessité absolue d'en-
voyer ces navires. La Porte a répondu par une
protestation formelle contre le passage des
Dardanelles, mais sans prendre de mesures
pour l'empêcher.
Le gouvernement britannique, tout en res-
pectant l'opposition de la Sublime-Porte, la
considère comme n'agissant pas de son pro-
pre mouvément et tout-à-fait librement dans
cette circonstance.
Le ministre déclare ne pouvoir parler encore
avec certitude de l'action de l'Autriche. Quant
à la Russie, outre la dépêche-circulaire connue
du prince Gortschakoff, lord Derby en a reçu
une autre conçue en ces termes :
« Le gouvernement anglais étant sur le
point d'expédier une partie de sa flotte à
Constantinople pour protéger la vie et la pro-
priété des nationaux anglais dont, d'après les
renseignements qu'il a reçus, la sûreté serait
menacée, nous avons l'intention d'envoyer,
temporairement, une partie de nos troupes à
Constantinople dans le même but, avec cette
différence que notre protection, si l'occasion
de l'exercer se présentait, s'étendrait à tous
les chrétiens. Les deux gouvernements, par
conséquent, rempliront un devoir d'humanité
qui leur est commun. »
Lord Derby ajoute que, conséquemment,
cet acte, pacifique de sa nature, ne peut pren-
dre aucun caractère d'hostilité réciproque.
Lord Derby ajoute que cette dépêche est
rédigée en termes conciliants et qu'elle n'est
pas, en somme, dénuée de fondement. Mais il
est obligé de dire que le gouvernement an-
glais n'admet pas que le cas d'une occupation
militaire de la ville elle-même et celui de
l'envoi des navires de guerre dans les rades,
au-dessous de la ville, puissent être considérés
comme identiques. (Applaudissements.) Il
ajoute que cette opinion a été nettement ex-
primée dans la réponse qui a été faite à cette
communication. ,
Répondant à lord Dunsay (?), lord Derby dit
que toute la flotte n'a pas franchi les Darda-
nelles.
DERNIÈRES NOUVELLES
Constantinople, 14 février, 11 h. 50 matin.
La flotte anglaise comprenant dix cuirassés
a franchi hier le détroit des Dardanelles, mal-
gré la protestation de la Porte. Deux cuiras-
sés anglais sont restés à Gallipoli, les huit
autres sont arrivés aujourd'hui aux îles des
Princes, dans la mer de Marmara, à une heure
de distance de Constantinople.
Les autres puissances doivent envoyer cha-
cune deux navires cuirassés à Constantinople.
Les Russes n'ont pas encore franchi la zone
neutre.
Un conseil des ministres et de hauts fonc-
tionnaires de l'empire a été tenu hier sous la
présidence du sultan.
Le conseil a examiné la situation nouvelle
résultant de l'entrée de la flotte anglaise dans
la mer de Marmara.
Constantinople, 14 février.
Par suite du passage de la flotte anglaise
dans les Dardanelles, de nombreuses troupes
russes se sont avancées de Tchataldja dans la
direction de Constantinople.
Le grand-duc Nicolas aurait menacé de faire
entrer les Russos à Constantinople.
$.
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
s
Versailles, 14 février 1878.
Et M. Bardoux, ayant retiré sa robe de
ministre de l'instruction publique, appa-
rut en ministre des beaux-arts ; autour
de lui, folâtraient les danseuses de Car-
peaux; la galvanoplastie et le carton-pierre
formaient le fond du tableau. De grave
qu'il était, le sourire de M. le ministre se
fit gai, rieur, doux comme la poésie, cares-
sant comme une œillade du corps de
ballet.
Le seul point sur lequel il nous semble
intéressant d'insister, (car noslecleurscon-
naissent déjà, depuis trois semaines, les
petites modifications apportées à ce bud-
get, au chapitre « Théâtres » ),est celui qui
touche aux irrégularités relevées dans la
comptabilité du personnel de l'adminis-
tration centrale. C'est notre excellent ami,
M. Tirard, un comptable terrible, un rap-
porteur vigilant, qui, du premier coup, a
été fourrer son nez un peu busqué dans
ce nid à abus. Depuis des aunées, les pe-
tits s'y renouvelaient, sans être nullement
inquiétés.
Voici le fait en quelques lignes- Des
fonds votés avec une destination spéciale
étaient détournés en partie de leur em-
ploi. La chose était d'autant plus grave, et
d'autant plus commode en même temps,
qu'au budget des Beaux-Arts un certain
nombre de dépenses (secours aux artistes,
achats d'objets d'art, etc.) sont pour ainsi
dire facultatives. Le personnel de l'admi-
nistration centrale trouvait bon d'encou-
rager, sur ces crédits, l'art. bureaucrati-
que ; ces messieurs s'accordaient deux
gratifications par an, l'une en janvier, l'au-
tre en juillet.
Il paraît que c'était une tradition. Et
vous savez si les traditions sont respecta-
bles 1
Toutefois, la commission du budget
s'est permis, cette année, de retrancher
aux chapitres exploités les sommes dont a
bénéficié le personnel. C'est une manière
polie de faire comprendre aux bureau-
crates qu'ils aient désormais à se priver
des encouragements dont les arts et les
artistes se passaient si aisément.
Les théâtres subventionnés ont fait en
grande partie les frais de la discussion.
Et nous ne pouvions nous empêcher de
rire, en voyant cette quantité d'ecclésias-
tiques, qui s'étaient dérangés pour l'amour
du budget des Cultes, n'entendre parler que
de l'Opéra, de l'Opéra-Comique, du Théâ-
tre-Lyrique et de la Comédie-Française, de
la cherté des ténors ou du haut prix des
prime donne, n'ouïr enfin que l'éloge de
nos comédiens français, — ces excommu-
niés du temps jadis !
Et M. Bardoux ayant rapidement jeté un
surplis par dessus ses paillettes de minis-
tre des Beaux-Arts, apparut en ministre
des Cultes.
L'heure de la revanche des ecclésiasti-
ques avait sonné.
Un royaliste, M. de la Bassetière, éprou-
ve le besoin de combattre les conclusions
du rapport du budget des Cultes et encore
plus les tendances et l'esprit qui l'inspi-
rent. Il y voit une attaque, sous forme
modérée, contre l'Eglise catholique.
M. de la Bassetière a certainement le
droit de voir, n'importe où, ce qui lui plaît
et lui déplaît; mais, de notre côté, nous,
percevons immédiatement, à cet exorde,
que nous nous trouvons en face d'un im-
mense discours. Ah 1 dame! chacun aussi
a le. droit d'avoir son genre de crainte !
Ce n'est pas un Bossuet que M. de la
Bassetière, (il est trop clérical pour cela 1)
ni un Bourdaloue, ni un Fléchier, pas mê-
me un Mascaron (la violence n'est pas son
fait) ; c'est simplement un honnête pro-
priétaire Vendéen, qui parle assez facile-
ment, quoique sans élégance, et qui d'ail-
leurs a le tact de ne pas se prodiguer.
Homme aimable, doux, gracieux même,
dans le particulier, on ne lui connaît qu'un
défaut apparent : il tient à débiter sur les
Cultes son discours anniiAÎ.
Et, comme il apporte régulièrement à la
tribune toute l'urbanité possible, comme
le flot de son éloquence ne diffère guère
de l'orgeat pur que par la quantité plus ou
moins considérable de litres d'eau claire
dont il la dilue, nous ne serons certes ja-
mais de ceux qui chercheront noise à M. de
la Bassetière. Bien au contraire, nous som-
mes d'avis qu'il y a tout profit pour la
Chambre et pour le pays à écouter avec
recueillement un pareil orateur.
Ainsi ne dit-il pas : « Comme si ces doc-
trines n'étaient pas aujourd'hui les doc-
trines de l'Eglise tout entière ! » Les voilà
vingt, à droite, qui applaudissent, et ins-
tantanément cent, à gauche, qui renfor-
cent ces maigres bravos. C'est qu'en effet
cette phrase, sorte de génuflexion devant
le Syllabus, est immédiatement suivie du
Raca lancé aux catholiques mous. Les
bonapartistes, qui ont la prétention d'être
des enfants de la France moderne, tout en
restant des fils soumis de la Rome actuelle,
font vraiment une drôle de mine en face
de cette intransigeance qui semble s igno-
rer.
Et ce n'est pas le seul service que nous
rend M. de la Bassetière! Il appelle à la
tribune M. Guichard, l'auteur du si remar-
quable rapport sur le budget des cultes, et
provoque ainsi un retentissant débat pu-
blic, grâce auquel tout Français pourra ju-
ger de quel côté se trouvent la modération
et le respect de la loi. Ce sont des mor-
ceaux qu'il faut lire d'un bout à l'autre,
bien que la péroraison du rapporteur ré-
sume toute la doctrine de la majorité de la
Chambre: « L'Etat veut remplir ses obli-
gations envers le clergé, mais l'Eglise doit
remplir les siennes vis-à-vis de l'Etat, et,
parmi ces obligations, la première est la
soumission aux lois du pays. »
M. Baudry d'Asson a demandé le renvoi
de la suite de la discussion à samedi.
Dieu bon! si c'est ce Vendéen qui doit
donner la réplique à M. Guichard, c'est
une preuve manifeste que le Ciel s'aban-
donne lui-même ! Les apôtres étaient en
général illettrés, c'est vrai ; mais, depuis
le temps, on est devenu difficile.
PAUL LAFARGUE.
Petites Misères
Quel dossier on pourrait faire des ré-
clamations, récriminations et lamenta-
tions des petits employés en France ! Je
ne manque guère à leur prêter, quand je
le peux, l'appui de notre publicité. Et ce-
pendant, je ne les entends jamais se plain-
dre que je ne maugrée tout bas contre
l'imprévoyance des parents qui ont eu la
fâcheuse idée de mettre a si grands frais
aux mains de leurs fils un si pauvre outil
de fortune ! Toutes ces doléances se ré-
sument en un seul mot : « Nous ne som-
mes pas assez payés ! il est impossible de
vivre avec de'si maigres appointements.»
La chose est vraie; mais n'est-elle pas
vraie aussi, la réponse de cet ingénieur
en chef à qui je transmettais un jour la
plainte d'un cantonnier:
« Ils ne gagnent pas assez, j'en con-
viens, me disait-il; mais que l'un deux
se retire ou soit révoqué, nous avons
cent cinquante solliciteurs qui briguent
sa place. Pourquoi voulez-vous que, l'of-
fre étant de beaucoup supérieure à la de-
mande, on songe à augmenter le traite-
ment? »
Il n'y a rien à répondre à un raisonne-
ment pareil. Et je suis toujours tenté de
l'opposer aux jeunes gens (expéditionnai-
res ou autres) qui, faisant grand bruit de
la modicité de leurs salaires, exhalent
leur mécontentement en lettres aux jour-
naux.
En voici un. Mon Dieu! tout ce qu'il
m'écrit est juste ou me semble tel. Mais
supposez qu'il donne sa.démission ; com-
bien demanderont sa place, et avec achar-
nement !
Il me rappelle une mesure qu'avait
prise le conseil municipal de la ville de
Paris, et que j'ai exposée ici même au
public, en lui donnant des éloges. C'était
un arrêté en vertu duquel le traitement
minimum des employés, dits auxiliaires,
devait être fixé à 1,500 francs.
Vous vous imaginez, vous, bon enfant,
me dit-il, que tous les employés auxi-
liaires ont bénéficié de cette faveur.
Vous êtes loin de compte. On a divisé
les auxiliaires en deux catégories : les
auxiliaires à titre provisoire et les auxi-
liaires à titre permanent. Ces derniers
sont les moins nombreux, comme vous
pensez bien, et ce sont les seuls à qui doit
profiter la décision du conseil municipal.
« Vous me demanderez sans doute,
ajoute-t-il, ce que l'on peut bien entendre
par auxiliaire permanent. Rien n'est
pourtant plus facile à comprendre. Vous
avez vu au bas de la rue des Martyrs le
cheval qui, penchant la tête d'un air mé-
lancolique, attend l'omnibus, et qu'on y
attelle pour aider les deux chevaux ré-
glementaires à gravir la montée. Il s'ap-
pelle dans l'argot du métier : un cheval
de montagne. Eh bien ! attelez-le à de-
meure à l'omnibus, pour qu'il fasse le
chemin, à la descente et en plaine, com-
me aux montées; vous aurez un auxi-
liaire permanent.
Parmi les services ressortissant à la
Préfecture de la Seine, il paraît qu'il y
en a sur qui ne s'est pas répandue la ro-
sée des bénédictions distribuées par le
conseil : la municipale entre autres.
Les grades y sont restés fixés comme
ils étaient auparavant : auxiliaires,
1,200fr. par an; expéditionnaires, 1,500,
commis, 2,400.; puis commis principal,
sous-chef de bureau, chef de bureau ;
rien n'a donc été changé.
Les chefs ont argué, pour refuser toute
bonification de traitement à leurs em-
ployés, de l'institution des séances.
Ceci demande quelque éclaircissement.
On appelle du nom de séances, dans les
bureaux, des travaux supplémentaires
qui se font soit avant, soit après les heu-
res de bureau, et qui sont par cela même
rétribuées à part. Ces travaux, qui sont
relativement bien payés, rapportent 1 f. 50
l'heure aux sous-chefs, 1 fr. 25 aux
commis principaux, et 1 franc aux em-
ployés de grade inférieur.
Mais voici le hic: ces séances, qui sont
considérées comme des faveurs, et qui
sont des faveurs en effet, s'accordent tou-
jours aux sous-chefs, très-souvent aux
commis principaux, fréquemment aux
commis, quelquefois aux expéditionnai-
res, rarement.., oh 1 très-rarement, aux
pauvres auxiliaires.
« En sorte, s'écrie mon correspondant,
qu'il y a là une centaine et plus de pau-
vres diables qui touchent, comme moi,
125 fr. par mois, moins la retenue pour
la retraite, soit, net : 118 fr. 75 c., avec
quoi il faut que je nourrisse ma femme et
mon enfant. Notez que je ne suis pas en-
core parmi les plus malheureux, puisque
je suis, non pas auxiliaire, mais expédi-
tionnaire. Je fais tout ce que je peux pour
participer au travail des séances ; mais
dame ! je ne réussis pas toujours. » -
Ces chagrins s'irritent parfois de pe-
tits coups d'épingle, qui sont bien cruels
et dont le récit formerait un joli chapitre
appendice aux misères du fonctionna-
riat.
« Notre directeur, dit ce même corres-
pondant, à moins que ce ne soit un autre,
vient d'être nommé officier de la Légion
d'honneur. Vous dire quelle émotion s'est
emparée des bureaux à cette nouvelle, ce
serait chose impossible. Il n'y eut jamais
plus de bruit à Landerneau, car vous sen-
tez bien, monsieur, quel honneur ce doit
être pour nous que d'être dirigés par un
monsieur à rosette! Dono, l'autre jour, à
notre arrivée au bureau, nous avons ap-
pris que quelques employés — qui ont,
avec la discrétion de la violette, dérobé
leurs noms à notre reconnaissance —
avaient pris l'initiative d'offrir à mon-
sieur l'officier une croix d'apparat, faite
de ce métal précieux qu'on nous dis-
tribue si parcimonieusement tous les
mois.
» Cette nouvelle, je dois le constater,
ne m'a paru soulever parmi nous qu'un
enthousiasme qui connaît des bornes.
Ainsi me voilà contraint, moi, par exem-
ple, et cela par des raisons qui se devi-
nent aisément, de prélever cinq francs
sur mes 118 fr. 75 mensuels, pour m'ins-
crire sur cette liste de souscription, qui
sera remise à notre chef en mains pro-
pres.
» Dame; cinq francs ! c'est que cela re-
présente mon déjeuner au bureau pen-
dant dix jours; cela représente aussi le
combustible qui permet à ma femme de
se chauffer un mois durant, aHu de ne
Prix du,Numéro à Paris 115 Centimes. Ë; Départements i 20 Centimes
Samedi ï6Fêvrïè? W9
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Un an. G2 » a8
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Régisseurs d'Annonces : MM. LAGRANGE, CEJLletC.
6, place de la Bourse, 8
BULLETIN
Paris, le 15 février ii7i.:
La. Chambre, apros avoir voté le budget
des beaux-arts, a entamé la discussion gé-
nérale du budget des Cultes.
L'interpellation qui devait avoir lieu mer-
credi au Parlement allemand n'a pas eu
lieu ; une dépêche, adressée à la Gazette
de Cologne, annonce queleReichstag s'est
reposé ce jour-là. La séance avait perdu du
reste la plus grande partie de son intérêt
du moment où l'on savait que M. de Bis-
marck ne serait pas là pour répondre. L'in-
terpellation a été remise jusqu'au delà du
jour de l'arrivée à Berlin du chancelier de
l'empire. Hâtons-nous d'ajouter que le jour
n'est pas encore fixé. La diplomatie de l'Al-
lemagne n'est pas pressée de parler et de
fair e connaître ses desseins dans la ques-
tion orientale.
Nous sommes aujourd'hui sans nouvel-
les directes de l'Orient. Nous ignorons si
les Russes ont occupé Constantinople pour
répondre à la démonstration de l'Angle-
terre, comme ils en avaient fait la menace.
On dit seulement qu'un échange actif de
télégrammes "durait eu lieu entre la Russie
et la Porte d'une part, entre le sultan et
la reine d Angleterre de l'autre. Les Rus-
ses ne veulent pas voir dans l'envoi de
l'escadre anglaise devant Constantinople
une smple intention de protéger au be-
soin les nationaux. Le Nord s'exprime
ainsi : « Suivant le Times, la démonstra-
tion projetée est nécessaire afin que l'An-
gleterre ait en son pouvoir des gages ma-
tériels, qui lui garantissent que la ques-
tion de Constantiriople et celle des détroits
ne soient pas réglées dans un sens con-
traire aux intérêts britanniques. Cette ma-
nifestation navale revêt ainsi le caractère
d'un acte ide défiance avouée vis-à-vis de
la Russie. »
Quant à l'Angleterre, elle continue ses
armements, fait des achats Ide munitions
et de v ivres et ne cesse d'armer des bâti-
ments et de les diriger soit des ports an-
glais sur Malte, soit de Malte sur l'Orient.
On trouvera plus loin quelques citations
de la presse anglaise, manifestant l'état de
l'ofpinion. Pour mieux faire comprendre
c('t état de l'opinion, nous publions encore
te passage d'une lettre d'un de nos amis
actuellement à Londres et qui y a été té-
moin des derniers événements :
« La situation politique est très-singu-
lière. Pendant quelques jours les démons-
trations belliqueuses étaient extrêmement
vives. Cinq ou six meetings plus enthou-
siastes/les uns que les autres en deux jours.
On a appris l'ordre donné à la flotte de se
rendre à Constantinople et l'enthousiasme
à été croissant. Dans les théâtresla moindre
allusion faite à la Russie ou à Gladstone
mène une bordée de sifflets. On a com-
posé des chants patriotiques, et tous les
spectateurs se lèvent pour entonner le re-
fram.. Puis invariablement toute la salle
entonne le Ride Britannia, le chant natio-
nal par excellence, qui ressemble bien plus
à un cantique qu'à une Marseillaise quel-
conque. Hommes et femmes se lèvent. Les
hommes font tourner leurs chapeaux à
bout de bras les femmes leurs mouchoirs.
En somme tout l'enthousiasme dont les
Anglais sont capables.
« Il est évident pour moi que chacun es-
pérait au fond que l'envoi de la flotte à
Constantinople suffirait pour effrayer la
Russie et que l'on pourrait se féliciter à
bon marché sur la toute-puissance de l'An-
gleterre. Tout à coup on a appris que la
Turquie s'opposait au passage de laflotte et
que la Russie a décidé d'occuper Constan-
tinople au cas où la flotte anglaise pénétre-
rait dans les Dardanelles. Il y a eu un mo-
ment d'hésitation. L'enthousiasme est der
venu moins bruyant, mais l'orgueil an-
glais a reçu une profonde blessure, et
ceux-là mêmes qui, il y a quelque jours,
(je parle des membres du Parlement ap-
partenant à l'opposition) croyaient ferme-
ment à la paix, me disaient hier à la
Chambre que la guerre leur semble désor-
mais inévitable. »
■. ■ <^i
Bourse de :P a:r:l.fi
PITFFS BOURSE DU SOI*
a 0/0. 73 fr. 27 1/2, 221/2.
S 0/0 109 fr. 50, 461/4,50, 48 3/4,511 /4.
Egypte 139 fr. 50, 137 50.
Italien. 73 fr. 40, 25.
- «0» '■ — ■■■ ■—
Demain sera un nouveau jour de scru-
tin sénatorial ; pour la quatrième fois, le
Sénat tentera de donner un successeur
au général d'Aurelle de Paladines. Les
membres du centre droit viennent de
prendre à ce propos une décision qui
nous parait sage et que nous espérons
pouvoir louer jusqu'au bout.
Ils ont trois fois présenté sans succès
M. le duc Decazes, sur qui toutes les voix
des droites du Sénat devaient cependant
se porter en vertu du pacte de « roule-
ment. » Le lendemain du troisième échec,
le Soleil annonçait que le centre droit ne*
renoncerait point à son candidat, qu'il
continuerait de porter M. le duc Decazes
malgré tout. C'était déclarer qu'on ren-
drait l'élection sénatoriale impossible,
puisqu'on persévérait à soutenir un can-
didat qui avait échoué trois fois par suite
d'un incontestable parti pris.
Aujourd'hui le même Soleil nous ap-
prend que les membres du centre droit
se sont ravisés. Us ne présenteront pas
de candidat; ils laisseront ce soin aux
deux autres groupes de la droite, et ils re-
prennent individuellement leur liberté.
Nous trouvons l'incident assez considéra-
ble en soi ; car la note communiquée au
Soleil n'est pas autre chose qu'une dé-
nonciation en bonne forme du traité dé-
fensif et surtout offensif qui unissait aux
droiïesrîés« constitutionnels » du centre
droit. En fait la coalition ne tenait plus
guère ; mais la voici rompue par la décla-
ration officielle d'un de ses alliés.
Reste à savoir maintenant quel usage
les membres du centre droit comptent
faire de l'indépendance qu'ils ont recou-
vrée. Il nous semble que les diverses pé-
ripéties de cette candidature Decazes ont
mis dans tout le lustre désirable les sen-
timents d'estime, de sympathie, d'amitié
véritable que les impérialistes et les roya-
listes nourrissent pour les « constitution-
nels. »
Nous lisions justement hier dans un
journal bonapartiste :
Il paraît que M. le duc Decazes a fini par
retirer sa candidature. Enfin !
Après trois échecs, cette détermination s'im-
posait à tout homme ayant un souci quelcon-
que de sa dignité.
Mais M. le duc Decazes n'appartient pas à
cette catégorie d'hommes susceptibles ou cha-
touilleux.
Il appartient à l'espèce qu'on pourrait appe-
ler COLLANTE.
Il s'applique à plat ventre, à pleine poitrine
sur un portefeuille ou sur une candidature,s'y
cramponnant de toute la puissance denses ven-
touses et pour le faire sortir de là, il faut l'ar-
racher par morceaux.
C'est la vie politique la plus triste, la plus
écœurante que nous connaissions, etc., etc.
Voilà pour le candidat.
Et voici maintenant pour le parti ; nous
détachons le passage suivant d'une feuille
légitimiste :
Ainsi, voilà ce groupe constitutionnel qui a
mis la division depuis le 14 octobre dans le
parti conservateur et qui ne réussit même pas
à s'entendre entre ses membres!
Dans ce groupe on s'isole, on discute, on
ergote, on bavarde, on divague, on s'emballe,
on radote comme dans un cercle de vieilles
douairières ; mais on reste impuissant et l'on
agit toujours comme si l'on - voulait réduire à
la même impuissance tous les autres groupes
du parti conservateur.
Les constitutionnels ont si odieusement dé-
serté que bientôt ils seront repoussés des
cercles et des salons et que bientôt aussi sur
leur passage on entendra dire : Voilà les
LACHEURS, voilà les IMPUISSANTS, Voilà les TRAI-
TRES qui ont compromis la cause conserva-
trice, qui ont livré la France à la révolution j
Ce n'est pas nous qui, dans ces ex-
traits, soulignons les gros mots.
Nous croyons que les membres du
centre droit ont suivi la mode et qu'ils
sont, pour la plupart, assez bons catho-
liques ; mais il est permis de se deman-
der si leur faveur ira jusqu'à tendre hum-
blement l'autre joue, pour suivre le pré-
cepte de l'Evangile. Nous cherchons
surtout quel intérêt pourrait les pous-
ser désormais à donner leurs votes à
l'un ou l'autre des partis qui les inju-
rient après leur avoir manqué de parole.
Impérialistes et légitimistes vont s'en-
tendre pour présenter un candidat. Un
autre candidat sera porté par les républi-
cains. Libres d'opter entre les deux, pour
qui les « constitutionnels » voteront-ils?
Nous ignorons leurs secrets sentiments,
n'ayant pas pénétré dans leur conscience.
Mais il nous semble que jamais pour eux
plus belle occasion ne s'est offerte d'ac-
corder leur conduite avec leurs théories.
Combien de fois, depuis les élections du
14 octobre ne nous ont-ils pas répété
qu'il ne fallait plus faire obstacle à la
République et que le devoir des bons
Français est de se soumettre à la volonté
du pays !
Ils tenaient ce langage avec chaleur,
avec éloquence. Et cependant le fameux
pacte de « roulement » subsistait tou-
jours. Convenez que, tout au moins, la
logique des « constitutionnels » a dû bien
souffrir toutes les fois qu'en affirmant ces
vérités républicaines et patriotiques Ms se
trouvaient obligés de voter au Sénat
pour un bonapartiste ou un royaliste.
Autant on a compté d'ennemis acharnés
de la République élus sénateurs, autant les
« constitutionnels» se sont infligé à eux-
mêmes de déplorables démentis.
Et cependant nos candidats, à nous,
étaient des conservateurs honorés, sin-
cères, véritables. C'est encore un conser-
vateur, et des moins suspects, que les
républicains du Sénat porteront demain
samedi. L'opinion publique attend les
« constitutionnels » à ce nouveau vote.
Ils feront ce qu'ils voudront. On leur de-
mandera seulement de ne plus faire chan-
ter par leurs journaux la gamme de l'a-
paisement s'ils se prononcent pour la
politique des conflits.
EUG. LIÉBERT.
t
Le Soleil publie la note suivante :
Les tonstitutionnels du Sénat se sont réunis
hier chez M. le comte de Bondy.
Après avoir entendu la lecture d'une lettre
de M. le duc Decazes, qui, en remerciant ses
amis du témoignage d'estime qu'il avait reçu
d'eux, les priait dans les termes les plus di-
gnes de ne plus persister à maintenir sa can-
didature, la réunion a chargé ses délégués de
faire savoir aux autres groupes de la majorité
conservatrice qu'elle renonçait à présenter un
candidat au scrutin de samedi prochain.
En reproduisant cette note, Y Univers
ajoute ceci :
La nuit, dit-on, porte conseil ; il faut espé-
ror que d'ici à samedi le groupe des constitu-
tionnels réfléchira et comprendra que son dé-
sintéressement dans la lutte engagée équivau-
drait à une dénonciation de l'accord avec les
autres groupes de la droite et livrerait dans
un avenir prochain la majorité à la gauche.
Pour notre part, nous n'y contredisons
pas ; mais les « constitutionnels » pour-
raient répondre que ceux qui ont les pre-
miers « dénoncé l'accord » sont les mem-
bres des droites, qui ont fait trois fois
échouer le candidat du centre droit.
L'INTERVENTION ANGLAISE
Londres, 14 février.
Le Daily Je te# mp/i publie, dans une édition
spéciale, la dépêche suivante de Constantino-
ple :
La flotte anglaise a franchi hier, à trois
heures de l'après-midi, le détroit des Darda-
nelles.
La Porte s'est contentée de protester.
Les Russes ont déclaré qu'ils entreront dans
la capitale.
On craint que des troubles n'éclatent, si
cette déclaration se réalise.
Vienne, 14 février.
On assure que le sultan ayant, à l'instiga-
tion de la Russie, fait prier la reine Victoria
de renoncer au projet d'envoyer la flotte an-
glaise dans le Bosphore, la reine aurait ré-
pondu que la flotte allait à Constantinople
dans un but purement pacifique.
Malte, 13 février, soir.
Une grande émotion règne à Malte, à la suite
de l'arrivée d'instructions, expédiées par l'ami-
rauté de Londres, pour faire activer les tra-
vaux des navires en réparation et les envoyer
rejoindre l'amiral Hornby.
La Dévastation part aujourd'hui de Malte.
Vienne, 14 février.
Des avis certains de Saint-Pétersbourg et de "-
Londres p ermettent;d'affirmer qu'avant-hier et
hier un échange direct de télégrammes a eu
lieu entre le sultan et la reine Victoria, d'une
part, le sultan et l'empereur Alexandre, d'au-
tre part.
Le sultan a demandé instamment, au nom
des intérêts de l'humanité tout entière, à la
reine d'Angleterre, d'ajourner l'entrée de sa
flotte dans les Dardanelles.
Il a en même temps prié l'empereur d'ajour-
ner toute mesure relative à l'entrée des trou-
pes russes à Constantinople, jusqu'à l'arrivée
de la réponse de la reine.
Si i'Angleterre a passé outre, on pense que
c'est dans la crainte de donner, par un délai,
le temps à la Russie de semer des torpilles
dans les Dardanelles.
Londres, 14 février. -
Le Times, dans une édition spéciale, publie
une dépêche de Saint-Pétersbourg, 14 février,
annonçant que le gouvernement russe a été
informé de l'arrivée de la flotte anglaise à
Constantinople.
Mais on ne sait pas d'où le gouvernement
tient cette nouvelle, ni si elle est authen-
tique.
Constantinople, 14 février.
Le gouvernement ottoman s'est borné à pro-
tester contre le passage de la flotte anglaise
dans les Dardanelles.
Brindisi, 14 février.
Le vapeur anglais Escort est arrivé, venant
de Fiume avec un chargement de torpilles.
Il est reparti, à ce qu'on assure, pour Malte.
On télégraphie de Saint-Pétersbourg, le 13
février, au Times:
« Hier soir, à une heure avancée, le gouver-
nement reçut des informations lui apprenant
que le sultan avait refusé catégoriquement un
firman à la flotte anglaise pour traverser les
Dardanelles.
» Jusqu'à aujourd'hui le gouvernement russe
n'a pas reçu de nouvelle indiquant un change-
ment d'intentions de la part de la Porte. Ce-
pendant des mesures ont été prises pour faire
avancer une partie des troupes vers Constan-
tinople, aussitôt qu'un navire de guerre an-
glais ou de toute autre nationalité pénétrerait
dans le détroit des Dardanelles.
» L'entrée des troupes russes à Constanti-
nople, si elle a lieu, n'est pas aux yeux de la
Russie un acte d'hostilité.
» Néanmoins on redoute qu'un accident im-
prévu n'amène une collision.
» On croit que si les troupes entrent, le sul-
tan se retirerait à Brousse. 11 deviendrait, dans
ce cas, extrêmement difficile de rétablir mê-
me l'ombre d'un empire turc en Europe. »
La dépêche du Times ajoute : « Il y a de
bonnes raisons de penser que le gouverne-
ment ne désire pas, pour le moment, une so-
lution aussi radicale que celle-là.
» Les négociations pour la réunion d'une
conférence semblent avoir été momentané-
ment reléguées au second plan.
» On considère une alliance austro-anglaise
comme possible.»
Londres, 14 février.
Le Standard dément le bruit de la démis-
sion de lord Derby et de la dissolution du Par-
lement.
Le Times blâme formellement là Russie de
sa détermination d'occuper Constantinople.
En agissant ainsi, elle encourt une grave et
inutile responsabilité; ello devra donner à
l'Autriche et à lAngleterre des garanties qu'elle
fera cesser cette occupation.
Le Standard déclare que l'Angleterre est
disposée à agir de concert avec une ou plu-
sieurs puissances pour repousser l'agression
russe, en se maintenant dans la limite des
droits et des intérêts de chacune de ces puis-
sances. Mais, ajoute ce journal, si toutes les
puissances s'abstiennent, l'Angleterre agira
seule, laissant à ses voisins le soin de sauver
leurs intérêts et leur honneur, s'ils le peu-
vent.
Vienne, 14 février.
Le tzar a répondu à la dépêche par laquelle
le sultan lui demandait d'ajourner l'entrée
des troupes russes à Constantinople jusqu'à
l'arrivée de la réponse de la reine d'Angle-
terre.
La réponse du tzar se borne à confirmer les
déclarations contenues dans la circulaire du
prince Gortschakoff aux ambassadeurs russes
à l'étranger, en date du 10 de ce mois.
En conséquence, les Russes, qui se trouvent
à quinze verstes des murs de Constantinople.
ont dû commencer leur mouvement en avant.
Londres, 14 février.
On assure que l'amirauté a reçu une dé-
pêche de l'amiral Hornby, annonçant que l'es-
cadre anglaise a franchi les Dardanelles sans
opposition de la part des forts turcs.
L'amirauté n'a pas encore appris que l'esca-
dre lût arrivée à Constantinople.
Constantinople, 14 février, 11 h. 30 matin.
La flotte anglaise a passé ce matin les Dar-
danelles.
La flotte anglaise arrivera à Constantinople
ce soir.
Londres, 14 février, 5 h. soir.
L'amirauté anglaise a reçu du consul anglais
à Chanak une dépêche qui confirme que six
cuirassés anglais ont passé hier les Darda-
nelles.
L'amirauté de Chanak a protesté d'une ma-
nière formelle contre cet acte, mais aucune
opposition active n'a été faite au passage.
L'amiral avait l'ordre d'entrer dans les dé-
troits avec ou sans la permission de la Porte
et de prendre ses mesures afin de protéger ses
derrières.
Les vaisseaux étaient prêts au combat.
Londres, 14 février, 5 h. 10, soir.
Chambre des, Communes. — Sir Stafford
Northeote. répondant au marquis d'Warlington,
dit que la Porte a refusé l'autorisation de fran-
chir les détroits et qu'en conséquence le gou-
vernement s'est cru en droit d'ordonner à la
flotte de passer outre. Le gouverneur des dé-
troits a protesté, mais sans faire d'opposition
matérielle. Le chancelier de l'Echiquier croit
que la flotte se trouve maintenant dans le voi-
sinage de Constantinople.
La Russie a adressé une communication
portant que, la flotte anglaise approchant de
Constantinople, le gouvernement russe aura à
examiner s'il ne doit pas occuper cette capi-
tale. Le gouvernement a protesté contre cette
prétention, en déclarant que l'entrée de la
flotte, n'ayant pour but que la protection des
nationaux anglais, ce fait ne pouvait fournir
motif à une occupation. (Applaudissements
bruyants aux bancs des conservateurs.)
Sir Palk demande si le gouvernement est
d'avis que l'envoi de la flotte justifie l'occupa-
tion de Constantinople par les troupes russes
et s'il a eu soin de bien faire entendre qu'il ne
pouvait pa& admettre cette prétention.
Sir Stafford Northcote dit qu'il a déjà répon-
du à ces deux questions.
Interrogé par M. Lowe sur le sens à don-
ner aux mots : « Opposition matérielle, » il
répond que cette locution exprime toute résis-
tance par la force. Le gouvernement des dé-
troits s'est contenté de protester verbalement.
Une proposition est faite dans le but d'obte-
nir un nouveau « writ » pour la nomination de
M. Lowther comme secrétaire d'Etatpour l'Ir-
lande.
A propos de la motion en vue de la seconde
lecture du projet de loi des fonds consolidés
pour réaliser les six millions de subsides, une
discussion s'engage dans laquelle les orateurs
de l'opposition s'efforcent d'obtenir du gouver-
nement qu'il déclare s'il considère l'occupation
de Constantinople par les Russes comme un
casus belli; mais leurs efforts n'obtiennent pas
de résultat.
La seconde lecture du bill est adoptée sans
scrutin.
Londres, 14 février, soir.
Chambre des Lords. — Lord Derby, répon-
dant à lord Granville, dit que les navires ex-
pédiés sont à Constantinople, ou, pour parler
plus exactement, ont jeté l'ancre devant les
îles des Princes, à deux milles au-dessous de
Constantinople. Pleins pouvoirs ont été don-
nés à l'amiral de placer ses vaisseaux comme
il le jugera le plus utile à leur sécurité.
En ce qui concerne l'opposition de la Porte,
le gouvernement s'est immédiatement mis en
relations avec elle et a télégraphié à M.Lavard
en lui expliquant la nécessité absolue d'en-
voyer ces navires. La Porte a répondu par une
protestation formelle contre le passage des
Dardanelles, mais sans prendre de mesures
pour l'empêcher.
Le gouvernement britannique, tout en res-
pectant l'opposition de la Sublime-Porte, la
considère comme n'agissant pas de son pro-
pre mouvément et tout-à-fait librement dans
cette circonstance.
Le ministre déclare ne pouvoir parler encore
avec certitude de l'action de l'Autriche. Quant
à la Russie, outre la dépêche-circulaire connue
du prince Gortschakoff, lord Derby en a reçu
une autre conçue en ces termes :
« Le gouvernement anglais étant sur le
point d'expédier une partie de sa flotte à
Constantinople pour protéger la vie et la pro-
priété des nationaux anglais dont, d'après les
renseignements qu'il a reçus, la sûreté serait
menacée, nous avons l'intention d'envoyer,
temporairement, une partie de nos troupes à
Constantinople dans le même but, avec cette
différence que notre protection, si l'occasion
de l'exercer se présentait, s'étendrait à tous
les chrétiens. Les deux gouvernements, par
conséquent, rempliront un devoir d'humanité
qui leur est commun. »
Lord Derby ajoute que, conséquemment,
cet acte, pacifique de sa nature, ne peut pren-
dre aucun caractère d'hostilité réciproque.
Lord Derby ajoute que cette dépêche est
rédigée en termes conciliants et qu'elle n'est
pas, en somme, dénuée de fondement. Mais il
est obligé de dire que le gouvernement an-
glais n'admet pas que le cas d'une occupation
militaire de la ville elle-même et celui de
l'envoi des navires de guerre dans les rades,
au-dessous de la ville, puissent être considérés
comme identiques. (Applaudissements.) Il
ajoute que cette opinion a été nettement ex-
primée dans la réponse qui a été faite à cette
communication. ,
Répondant à lord Dunsay (?), lord Derby dit
que toute la flotte n'a pas franchi les Darda-
nelles.
DERNIÈRES NOUVELLES
Constantinople, 14 février, 11 h. 50 matin.
La flotte anglaise comprenant dix cuirassés
a franchi hier le détroit des Dardanelles, mal-
gré la protestation de la Porte. Deux cuiras-
sés anglais sont restés à Gallipoli, les huit
autres sont arrivés aujourd'hui aux îles des
Princes, dans la mer de Marmara, à une heure
de distance de Constantinople.
Les autres puissances doivent envoyer cha-
cune deux navires cuirassés à Constantinople.
Les Russes n'ont pas encore franchi la zone
neutre.
Un conseil des ministres et de hauts fonc-
tionnaires de l'empire a été tenu hier sous la
présidence du sultan.
Le conseil a examiné la situation nouvelle
résultant de l'entrée de la flotte anglaise dans
la mer de Marmara.
Constantinople, 14 février.
Par suite du passage de la flotte anglaise
dans les Dardanelles, de nombreuses troupes
russes se sont avancées de Tchataldja dans la
direction de Constantinople.
Le grand-duc Nicolas aurait menacé de faire
entrer les Russos à Constantinople.
$.
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
s
Versailles, 14 février 1878.
Et M. Bardoux, ayant retiré sa robe de
ministre de l'instruction publique, appa-
rut en ministre des beaux-arts ; autour
de lui, folâtraient les danseuses de Car-
peaux; la galvanoplastie et le carton-pierre
formaient le fond du tableau. De grave
qu'il était, le sourire de M. le ministre se
fit gai, rieur, doux comme la poésie, cares-
sant comme une œillade du corps de
ballet.
Le seul point sur lequel il nous semble
intéressant d'insister, (car noslecleurscon-
naissent déjà, depuis trois semaines, les
petites modifications apportées à ce bud-
get, au chapitre « Théâtres » ),est celui qui
touche aux irrégularités relevées dans la
comptabilité du personnel de l'adminis-
tration centrale. C'est notre excellent ami,
M. Tirard, un comptable terrible, un rap-
porteur vigilant, qui, du premier coup, a
été fourrer son nez un peu busqué dans
ce nid à abus. Depuis des aunées, les pe-
tits s'y renouvelaient, sans être nullement
inquiétés.
Voici le fait en quelques lignes- Des
fonds votés avec une destination spéciale
étaient détournés en partie de leur em-
ploi. La chose était d'autant plus grave, et
d'autant plus commode en même temps,
qu'au budget des Beaux-Arts un certain
nombre de dépenses (secours aux artistes,
achats d'objets d'art, etc.) sont pour ainsi
dire facultatives. Le personnel de l'admi-
nistration centrale trouvait bon d'encou-
rager, sur ces crédits, l'art. bureaucrati-
que ; ces messieurs s'accordaient deux
gratifications par an, l'une en janvier, l'au-
tre en juillet.
Il paraît que c'était une tradition. Et
vous savez si les traditions sont respecta-
bles 1
Toutefois, la commission du budget
s'est permis, cette année, de retrancher
aux chapitres exploités les sommes dont a
bénéficié le personnel. C'est une manière
polie de faire comprendre aux bureau-
crates qu'ils aient désormais à se priver
des encouragements dont les arts et les
artistes se passaient si aisément.
Les théâtres subventionnés ont fait en
grande partie les frais de la discussion.
Et nous ne pouvions nous empêcher de
rire, en voyant cette quantité d'ecclésias-
tiques, qui s'étaient dérangés pour l'amour
du budget des Cultes, n'entendre parler que
de l'Opéra, de l'Opéra-Comique, du Théâ-
tre-Lyrique et de la Comédie-Française, de
la cherté des ténors ou du haut prix des
prime donne, n'ouïr enfin que l'éloge de
nos comédiens français, — ces excommu-
niés du temps jadis !
Et M. Bardoux ayant rapidement jeté un
surplis par dessus ses paillettes de minis-
tre des Beaux-Arts, apparut en ministre
des Cultes.
L'heure de la revanche des ecclésiasti-
ques avait sonné.
Un royaliste, M. de la Bassetière, éprou-
ve le besoin de combattre les conclusions
du rapport du budget des Cultes et encore
plus les tendances et l'esprit qui l'inspi-
rent. Il y voit une attaque, sous forme
modérée, contre l'Eglise catholique.
M. de la Bassetière a certainement le
droit de voir, n'importe où, ce qui lui plaît
et lui déplaît; mais, de notre côté, nous,
percevons immédiatement, à cet exorde,
que nous nous trouvons en face d'un im-
mense discours. Ah 1 dame! chacun aussi
a le. droit d'avoir son genre de crainte !
Ce n'est pas un Bossuet que M. de la
Bassetière, (il est trop clérical pour cela 1)
ni un Bourdaloue, ni un Fléchier, pas mê-
me un Mascaron (la violence n'est pas son
fait) ; c'est simplement un honnête pro-
priétaire Vendéen, qui parle assez facile-
ment, quoique sans élégance, et qui d'ail-
leurs a le tact de ne pas se prodiguer.
Homme aimable, doux, gracieux même,
dans le particulier, on ne lui connaît qu'un
défaut apparent : il tient à débiter sur les
Cultes son discours anniiAÎ.
Et, comme il apporte régulièrement à la
tribune toute l'urbanité possible, comme
le flot de son éloquence ne diffère guère
de l'orgeat pur que par la quantité plus ou
moins considérable de litres d'eau claire
dont il la dilue, nous ne serons certes ja-
mais de ceux qui chercheront noise à M. de
la Bassetière. Bien au contraire, nous som-
mes d'avis qu'il y a tout profit pour la
Chambre et pour le pays à écouter avec
recueillement un pareil orateur.
Ainsi ne dit-il pas : « Comme si ces doc-
trines n'étaient pas aujourd'hui les doc-
trines de l'Eglise tout entière ! » Les voilà
vingt, à droite, qui applaudissent, et ins-
tantanément cent, à gauche, qui renfor-
cent ces maigres bravos. C'est qu'en effet
cette phrase, sorte de génuflexion devant
le Syllabus, est immédiatement suivie du
Raca lancé aux catholiques mous. Les
bonapartistes, qui ont la prétention d'être
des enfants de la France moderne, tout en
restant des fils soumis de la Rome actuelle,
font vraiment une drôle de mine en face
de cette intransigeance qui semble s igno-
rer.
Et ce n'est pas le seul service que nous
rend M. de la Bassetière! Il appelle à la
tribune M. Guichard, l'auteur du si remar-
quable rapport sur le budget des cultes, et
provoque ainsi un retentissant débat pu-
blic, grâce auquel tout Français pourra ju-
ger de quel côté se trouvent la modération
et le respect de la loi. Ce sont des mor-
ceaux qu'il faut lire d'un bout à l'autre,
bien que la péroraison du rapporteur ré-
sume toute la doctrine de la majorité de la
Chambre: « L'Etat veut remplir ses obli-
gations envers le clergé, mais l'Eglise doit
remplir les siennes vis-à-vis de l'Etat, et,
parmi ces obligations, la première est la
soumission aux lois du pays. »
M. Baudry d'Asson a demandé le renvoi
de la suite de la discussion à samedi.
Dieu bon! si c'est ce Vendéen qui doit
donner la réplique à M. Guichard, c'est
une preuve manifeste que le Ciel s'aban-
donne lui-même ! Les apôtres étaient en
général illettrés, c'est vrai ; mais, depuis
le temps, on est devenu difficile.
PAUL LAFARGUE.
Petites Misères
Quel dossier on pourrait faire des ré-
clamations, récriminations et lamenta-
tions des petits employés en France ! Je
ne manque guère à leur prêter, quand je
le peux, l'appui de notre publicité. Et ce-
pendant, je ne les entends jamais se plain-
dre que je ne maugrée tout bas contre
l'imprévoyance des parents qui ont eu la
fâcheuse idée de mettre a si grands frais
aux mains de leurs fils un si pauvre outil
de fortune ! Toutes ces doléances se ré-
sument en un seul mot : « Nous ne som-
mes pas assez payés ! il est impossible de
vivre avec de'si maigres appointements.»
La chose est vraie; mais n'est-elle pas
vraie aussi, la réponse de cet ingénieur
en chef à qui je transmettais un jour la
plainte d'un cantonnier:
« Ils ne gagnent pas assez, j'en con-
viens, me disait-il; mais que l'un deux
se retire ou soit révoqué, nous avons
cent cinquante solliciteurs qui briguent
sa place. Pourquoi voulez-vous que, l'of-
fre étant de beaucoup supérieure à la de-
mande, on songe à augmenter le traite-
ment? »
Il n'y a rien à répondre à un raisonne-
ment pareil. Et je suis toujours tenté de
l'opposer aux jeunes gens (expéditionnai-
res ou autres) qui, faisant grand bruit de
la modicité de leurs salaires, exhalent
leur mécontentement en lettres aux jour-
naux.
En voici un. Mon Dieu! tout ce qu'il
m'écrit est juste ou me semble tel. Mais
supposez qu'il donne sa.démission ; com-
bien demanderont sa place, et avec achar-
nement !
Il me rappelle une mesure qu'avait
prise le conseil municipal de la ville de
Paris, et que j'ai exposée ici même au
public, en lui donnant des éloges. C'était
un arrêté en vertu duquel le traitement
minimum des employés, dits auxiliaires,
devait être fixé à 1,500 francs.
Vous vous imaginez, vous, bon enfant,
me dit-il, que tous les employés auxi-
liaires ont bénéficié de cette faveur.
Vous êtes loin de compte. On a divisé
les auxiliaires en deux catégories : les
auxiliaires à titre provisoire et les auxi-
liaires à titre permanent. Ces derniers
sont les moins nombreux, comme vous
pensez bien, et ce sont les seuls à qui doit
profiter la décision du conseil municipal.
« Vous me demanderez sans doute,
ajoute-t-il, ce que l'on peut bien entendre
par auxiliaire permanent. Rien n'est
pourtant plus facile à comprendre. Vous
avez vu au bas de la rue des Martyrs le
cheval qui, penchant la tête d'un air mé-
lancolique, attend l'omnibus, et qu'on y
attelle pour aider les deux chevaux ré-
glementaires à gravir la montée. Il s'ap-
pelle dans l'argot du métier : un cheval
de montagne. Eh bien ! attelez-le à de-
meure à l'omnibus, pour qu'il fasse le
chemin, à la descente et en plaine, com-
me aux montées; vous aurez un auxi-
liaire permanent.
Parmi les services ressortissant à la
Préfecture de la Seine, il paraît qu'il y
en a sur qui ne s'est pas répandue la ro-
sée des bénédictions distribuées par le
conseil : la municipale entre autres.
Les grades y sont restés fixés comme
ils étaient auparavant : auxiliaires,
1,200fr. par an; expéditionnaires, 1,500,
commis, 2,400.; puis commis principal,
sous-chef de bureau, chef de bureau ;
rien n'a donc été changé.
Les chefs ont argué, pour refuser toute
bonification de traitement à leurs em-
ployés, de l'institution des séances.
Ceci demande quelque éclaircissement.
On appelle du nom de séances, dans les
bureaux, des travaux supplémentaires
qui se font soit avant, soit après les heu-
res de bureau, et qui sont par cela même
rétribuées à part. Ces travaux, qui sont
relativement bien payés, rapportent 1 f. 50
l'heure aux sous-chefs, 1 fr. 25 aux
commis principaux, et 1 franc aux em-
ployés de grade inférieur.
Mais voici le hic: ces séances, qui sont
considérées comme des faveurs, et qui
sont des faveurs en effet, s'accordent tou-
jours aux sous-chefs, très-souvent aux
commis principaux, fréquemment aux
commis, quelquefois aux expéditionnai-
res, rarement.., oh 1 très-rarement, aux
pauvres auxiliaires.
« En sorte, s'écrie mon correspondant,
qu'il y a là une centaine et plus de pau-
vres diables qui touchent, comme moi,
125 fr. par mois, moins la retenue pour
la retraite, soit, net : 118 fr. 75 c., avec
quoi il faut que je nourrisse ma femme et
mon enfant. Notez que je ne suis pas en-
core parmi les plus malheureux, puisque
je suis, non pas auxiliaire, mais expédi-
tionnaire. Je fais tout ce que je peux pour
participer au travail des séances ; mais
dame ! je ne réussis pas toujours. » -
Ces chagrins s'irritent parfois de pe-
tits coups d'épingle, qui sont bien cruels
et dont le récit formerait un joli chapitre
appendice aux misères du fonctionna-
riat.
« Notre directeur, dit ce même corres-
pondant, à moins que ce ne soit un autre,
vient d'être nommé officier de la Légion
d'honneur. Vous dire quelle émotion s'est
emparée des bureaux à cette nouvelle, ce
serait chose impossible. Il n'y eut jamais
plus de bruit à Landerneau, car vous sen-
tez bien, monsieur, quel honneur ce doit
être pour nous que d'être dirigés par un
monsieur à rosette! Dono, l'autre jour, à
notre arrivée au bureau, nous avons ap-
pris que quelques employés — qui ont,
avec la discrétion de la violette, dérobé
leurs noms à notre reconnaissance —
avaient pris l'initiative d'offrir à mon-
sieur l'officier une croix d'apparat, faite
de ce métal précieux qu'on nous dis-
tribue si parcimonieusement tous les
mois.
» Cette nouvelle, je dois le constater,
ne m'a paru soulever parmi nous qu'un
enthousiasme qui connaît des bornes.
Ainsi me voilà contraint, moi, par exem-
ple, et cela par des raisons qui se devi-
nent aisément, de prélever cinq francs
sur mes 118 fr. 75 mensuels, pour m'ins-
crire sur cette liste de souscription, qui
sera remise à notre chef en mains pro-
pres.
» Dame; cinq francs ! c'est que cela re-
présente mon déjeuner au bureau pen-
dant dix jours; cela représente aussi le
combustible qui permet à ma femme de
se chauffer un mois durant, aHu de ne
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