Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1874-06-09
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 09 juin 1874 09 juin 1874
Description : 1874/06/09 (A4,N934). 1874/06/09 (A4,N934).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/03/2013
?
48 Année. - N° 934 Pm m Nuliho : PiBII 15 Cumw — DÉPARTEMENTS : 20 CBNTÎMEI.
Mardi 9 Juin 1874J
LE ¡: SIECLE
JOUBM RÉPÙBLICAIN. CONSERVATEUR
RÉDACTION
V adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
- tt. rue fireuof, 1
àet manuscrits non insérés ne stroni pas rendue
ADOlnEIENTa
PARIS
Trois mois, 13 fr.
Six mois 25
Ua an ., 50
DÉPARTEMENTS
Trois mois 16 tr.
Six mois 32
Un an 62
AUBOUCM, chez MM. LAGRANGE, CERF et C-
e) place de la Bonne, 6
OB. s'abonne l LoaElres, chaz M. A. MAURICE général
adrertising, agent, 13, Tavrstoclcrow, Covent Garder
ADMINISTRATION
Adresser lettres et mandate & r Administrateur
9, rue Drevet» 9
Les lettres non affranchies seront refiteétf
AIOIiIIEIEITI
PARIS
Trois mois.. 13 fr.
Six mois 25
Un an 50
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 16 Ir.
Six m&il. Il
Un an.*. 62
-a nonec, chez MM. LAGRANGE, CERF et Q8
6, place de la Bnm, a
ON s'abonne à Londres,che* M. A. MACRIC* général
adverlising, agent, 13, TavistQCkrow. CcwtGea.
Voir à la troisième page les
SOUVENIRS DU 4 SEPTEMBRE
Par M. JULES SIMON.
Pendant tout le temps que durera
l'interdiction, le XIX" SIECLE acceptera
, des abonnements à la iemaiÍle, au
1 prix de :
1 fr. pour Paris;
1 fr. 25 c. pour les départements.
Paris, le 8 juin 4874.
Le centre gauche, après la publica-
tion de son manifeste, doit rapidement
poursuivre sa campagne et livrer sans
retard un combat décisif. On peut dire
que la France a lesyeux sur lui ; elle at-
tend qu'il propose à l'Assemblée en-
tière les résolutions qu'il a votées dans sa
réunion de samedi. Mais trouvera-t-il
une majorité prête aie suivre?
- Les journaux du centre droit juren t qUf
non, et la Presse en particulier déclare
qu'il n'y a plus que la dissolution qui
soit possible. « La postérité, dit un ré-
dacteur de la Presse, la postérité dira que
l'attitude et le langage au centre gauche
tout entier, dans la journée du 6 juin,ont
rendu fatalement inévitable une dissolu-
tion prochaine et prématurée de l'Assem-
blée, etc. » La postérité, dira tout ce
qu'elle voudra dire et prendra même ce
sJtyle ampoulé, s'il lui plaît ; mais pour
le moment nous aiçns biea d'iutres af-
faires. Le centre gauche demande la
proclamation de la République et les
organes du centre droit lui répondent :
Dissolution! Rien de mieux. Il y a long-
temps que nous répétions : « La disso-
lution est la seule issue. » Et ce ne sont
pas les conséquences de la dissolution
gui effraient le pays. Nous ajouterons que
les libéraux du centre droit, s'ils étaient
clairvoyants, ne devraient redouter plus
que nous ni la dissolution de l'Assem-
blée, ni l'établissement de la Républi-
que. Et nous ne serions pas surpris si
.l'on nous apprenait qu'un bon nombre
d entre eux sont, au fond, tout près de
se convertir, mais que c'est par respect
humain qu'ils ne veulent pas laisser pa-
raître ces nouvelles dispositions d'es-
prit. Le programme des « cinquante-
deux » n'est pas, d'ailleurs, leur dernier
mot. C'est leur habitude de procéder
toujours par demi-concessions. Ils iront
plus loin; mais il est ifâcheux qu'ils
perdent le temps en marchandages.
Qu'est-ce donc que leur politique ?
Le contre gauche propose d'adop-
ter l'article 1er de la constitution Du-
faure : « Le gouvernement de la Répu-
» blique française se compose d'un Sé-
» nat, d'une Chambre des représentants
» et d'un président dé la République,
» chef du pouvoir exécutif. » ¡
Ce n'est pas au système des deux
Chambres que le centre droit fait objec-
tion, puisqu'il le réclame; c'est à la
reconnaissance d'un régime républicain
définitif, qu'impliquerait cet article de
loi. -'
Il est superflu de faire ressortir, quant
aux résultats, les différences qu'entraî-
nerait l'application de l'un ou de l'autre
programme.
Le centre gauche veut un gouverne-
ment défini, reconnu, qui impose enfin
le siLence aux partis en querelle, qui
soit capable de réduire les factions et
les factieux.
„ Le centre droit, au contraire, avec
son septennat fmpersÓnilel ou sa Répu-
| I blique seplennale, prétend, pour em-
ployer le mot consacré, laisser Une porte
ouverte encore aux espérances. Il ap-
pelle cela, par antiphrase, « laisser in-
taete la trêve de sept années qui doit
être consacrée à l'apaisement des partis. »
On sait aujourd'hui ce que vaut cet
apaisement ; on le sait par expérience.
Sept ans du régime actuel! sept ans de
Republique injuriée et vilipendee par les
partisans de trois dynasties ! sept ans de
manœuvres, d'intrigues, de provocation,
au mépris et à la haine du gouverne-
ment républicain, que ce gouvernement,
parce qu'il est septennal, ne peut répri-
mer! En vérité, cela n'est pas possible.
Il faut que le principe du gouverne-
ment soit respecté ; il faut qu'il ne soit
pàs discuté, même. Grâce aux progrès
qu'apportent nos contemporains dans
l'art de sophistiquer la dialectique, tout
gouvernement qui tolère la discussion
de son principe est aujourd'hui un gou-
vernement bien malade".
Or, c'est le principe républicain que
le centre gauche, pour le repos du
pays, pour son salut, veut désormais
mettre à l'abri de toute atteinte.
Que le centre droit s'y refuse, c'est
sans doute son droit ; mais pourquoi s'y
refuse-t-il ?.
Quels sont les mystérieux sentiments
ou les raisons secrètes qui le guident ?
Est-ce l'espoir d'une restauration or-
léaniste ? Mais, si nous sommes bien in-
formés, et nous sommes à peu près sûrs
de l'être, une bonne partie du centre
droit aurait fait son deuil de l'idée
d'une restauration de la monarchie
de Juillet, et ceux qui font mine d'y
tenir encore n'y tiennent que peu.
La médiocrité d'esprit de M. le comte
de Paris ne pouvait guère grouper
autour de lui des partisans bien réso-
lus. Au fond, d'ailleurs, qu'ont à ga-
gner les membres influents du centre
droit à identifier leurs intérêts avec les
intérêts présumés de ce jeune prince ?
Nous disons : présumés, car la candida-
ture au trône de M. le comte de Paris ne
répond à rien, si ce n'est peut-être à
une erreur d'imagination qui, de sa part,
est excusable. Mais l'imagination n'a ja-
mais fait de souverains ; c'est tout au
plus si, à d'assez rares intervalles, elle
produit des prétendants.
Si donc, royalement parlant, il n'y a
rien de sérieux dans l'avenir de l'or-
léanisme, et si la plupart des orléanis-
tes en sont convaincus, pourquoi op-
posent-ils encore tant de résistance
a la fondation de-la République? et pour-
quoi s'attachent-ils toujours à « réserver
des espérances ? »
On en cherche la raison et on ne la
trouve que dans leur désir de rester unis
avec la droite, et de faire prévaloir, par
cette union, le plus longtemps possible,
le politique dite d'ordre moral, — poli-
tique de Broglie hier, aujourd'hui de
Fourtou, — dont ils espèrent continuer
à tirer à eux le profit. Retrouver, 'res-
saisir une majorité à droite, c'est leur
rêve actuel, et, s'ils parlent, dans leur
programme, de trêve des partis et d'es-
pérances réservées, c'est pour ne point
s'aliéner les hommes de l'espoir quand
même, les royalistes qui attendent et at-
tendraient jusqu'à la fin du monde l'avé-
nement de M. le comte de Chambord.
Rester ainsi dans un état de provisoire,
mais aussi de réaction - où le centre droit
aura la plus belle part aux affaires, voilà
le but. Vaut-il tous les risques qu'il fait
courir ?
Premièrement, les membres du centre
droit peuvent-ils être bien convaincus
de l'efficacité et de la durée de leur al-
liance avec les membres de la droite?
Si le centre droit est réactionnaire, la
droite est ultramontaine, et sur bien des
points il arrivera que la droite et le
centre droit se sépareront. C'est ce
qu'on a vu samèdi dans le vote sur le
projet Chaurand, pour l'observation du
dimanche. Le centre droit presque tout
entier (c'est à sa louange) a rejeté le
projet ou s'est abstenu ; déjà la droite
le lui reproche, et M. Chaurand traite le
due d'Audiffret-Pasquier de voltairien.
Sur les prétentions de liultramonta-
nisme, une scission est sur le point de
s'opérer, qui sera profonde.
Mais admettons enfin qu'aucune scis-
sion ne s'opère. Admettons l'impossi-
ble ; admettons que, par quelque mira-
cle, droite et centre droit se maintièn-
nent ensemble au gouvernement. Qu'ést-
ce que les orléanistes en espèrent ? La
possession des portefeuilles ? La conti-
nuation, jusqu'au jour où l'on ne pourra
plus continuer, de la politique de Broglie
et Fourtou ? Eh bien où est l'avantage ?
Où va-t-on? Où échouerons-nous si la
droite et le centre droit empêchent de
faire la République? Quoi ! c'est sérieu-
sement qu'on propose encore un sys-
tème qui est la négation de la paix
intérieure et de la stabilité !
Ruinez la République, il est bien cer-
tain que vous n'établirez sur ses ruines
ni la monarchie traditionnelle ni la mo-
narchie dite de Juillet. Que restera-t-il
donc? Nous n'attachons pas une impor-
tance exagérée aux périls que nous fait
courir le parti de l'empire. Mais enfin que
restera-t-il? Puisqu'on assure que quel-
ques-uns des princes de la famille d'Or-
léans, — nous ne parlons pas de M. le
comte de Paris, mais de ceux dont l'esprit
est plus ouvert, — ont conservé sur leurs
amis de l'autorité ou de l'influence, nous
nous étonnons qu'ils ne voient pas
mieux ce queleur intérêt conseille,et qu'ils
ne poussent pas de tout leur pou-
voir le centre droit dans la voie
de la République. Sous la Républi-
que, après tout, même définitive, ils ne
sont pas à plaindre, et leur conditionne
laisse pas d'être enviable. Il n'y a pas
longtemps qu'ils ont connu de plus
mauvais jours, et leur mémoire est
vraiment courte s'ils ont pu si tôt ou-
blier Twickenham et Claremont, ces
lieux d'exil.
EUG. LIÉBERT..
* ■ 1 -1 11..1.
La gauche républicaine s'est réunie hier, à
deux heures, sous la présidence de M. Du-
clere.
La réunion comptait près de cent membres
présents. Plusieurs députés du centre gauche,
qui ne sont pas inscrits à la gauche républicai-
ne, entre autres MM. Ricard et Lepetit, assis-
taient également à la séance.
Le président a ouvert la séance en recomman-
dant à tous les membres de la réunion la plus
grande exactitude à se rendre aux convocations,
tant dans leurs bureaux que dans les différentes
commissions dont ils font partie.
Cette recommandation serait d'autant plus
utile, suivant M. Duclefc, que des faits récents
de négligence ont compromis les intérêts de là
gauche dans les élections des bureaux et dans
les nominations de rapporteurs.
La discussion s'est ensuite ouverte sur le
dernier programme du centre gauche. Elle a été
longue, et vingt-cinq ou trente membres ont
cru devoir prendre la parole, presque tous pour
appuyer les principes posés dans ce programme.
En somme, la réunion déclare, à l'unanimité,
« se féliciter de l'effet produit par l'amrmation
formelle et persistante de la Republique. » Elle
a reconnu « la nécessité d'un prompt appel à la
nation au moyen d'élections générales. »
La gauche s'est séparée à quatre heures et da-
mie, après avoir fixé sa prochaine réunion a £
samedi 13 juin, à neuf heures du soir, dans le
local ordinaire, et en décidant que, désormais,
les réunions hebdomadaires auraient lieu le sa-
medi soir.
—————————— » ——————————
L'ARMÉE ALLEMANDE NOUVELLE
La nouvelle loi que vient de voter le
Reichstag allemand est-elle appelée à
avoir une conséquence considérable? Nous
le croyons, et cela à un double point de
vue, intérieur et extérieur.
En effet, sous le rapport intérieur, l'ac-
ceptation sans opposition du projet du gou-
vernement est un nouveau pas de fait
dans la voie de l'annihilation de l'Assem-
blée allemande. C'est également le pre-
mier germe d'une tendance marquée vers
l'absolutisme militaire, un acheminement
vers les armées permanentes de plus en plus
fortes, une négation indirecte du système
des landwehrs, c'est-à-dire du principe
organique qui a fait la force de la Prusse
affaiblie après 1806. Dans cet ordre d'idées,
nous n'avons pas à pous réjouir ou à nous
plaindre d'un phénomène semblable ; nous
n'avons qu'à le constater et à assister en
spectateur désintéressé à ce spectacle de
transformation. La France militaire de 1874
est toute à sa réorganisation, à sa régénéra-
tion. Elle n'a donc rien à mettre en parallèle,
et elle ne peut être un danger pourl'Alla
magne. Seulement nous pouvons d'autant
mieux examiner le mouvement qui se pro-
duit chez nos. voisins et en Rechercher les
causes et les résultats. Ce qui se passe en
effet de l'autre côté du Rhin n'est que la
conséquence même des événements. Au
lieu de voir que c'est dans la masse popu-
laire, dans le système transitoire et affaibli
du caractère permanent de l'armée, que la
Prusse a puisé son expansion, tes géné-
raux prussiens, prenant les effets pour les
causes, s'imaginent peu à peu être les uni-
ques promoteurs de ces grands succès. Ils
se sont trouvés voués des lors à une vic-
toire perpétuelle et à une supériorité con-
stante. Et, au lieu de rechercher cette su-
prématie dans la nation, dans son instruc-
tion et dans son expansion, ils la vojit
puiser dans l'augmentation de leurs effec-
tifs permanents. Or, c'est là justement une
cause de faiblesse; c'est ce qui a perdu
Napoléon Ier et Napoléon III, c'est ce qui
perdra la Prusse militaire et amènera dans
un temps plus ou moins rapproché un dé-
placement nécessaire dans l'organisme
constitutif de ce pays, parce qu'une faute
en amènera une autre, parce qu'une exten-
sion d'attributions engagera à en obtenir
une seconde.
Cela ira ainsi jusqu'au jour où le désac-
cord sera complet entre le gouvernement
militaire et le pays, où la somme de bien
apportée par l'organisation de l'armée al-
lemamde se trouvera inférieure aux résul-
tats acquis. Dans toutes les entreprises
humaines il y a un summum qu'il ne faut
pas dépasser; il y a surtout un intérêt
qu'il ne faut pas heurter, celui de la masse,
qui, quoi que l'on prétende, est la vé-
ritable force de la nation.
Evidemment le but d'un gouvernement
exclusivement militaire comme celui delà
Prusse, et logique avec lui-même, est con-
traint à arriver au maximum d'instruction
guerrière : et la tendance du pouvoir prus-
sien est aujourd'hui d'obtenir jusqu'à 200
recrues instruites annuellement par batail-
lon, de manière à avoir d'un côté le plus
de monde 'possible et d'autre part à faire
rester ce même monde le moins longtemps
sous les drapeaux. Ce desideratum est
poursuivi avec persévérance par l'état-
major général allemand, et il fait hon-
neur à son intelligence des nécessités des
guerres futures.
Mais, d'autre part, l'accroissement de ces
charges, l'extension du pouvoir central mili-
taire et l'affaiblissement moral du Reichstag
sont les résultats inévitables à l'intérieur;
detié ^ne:mentation considérable de forces
actives dévier; à l'extérieur, l'indice de
craintes considérant*, hautement mani-
festées du reste parles oraitrs prussiens,
et un sujet de préoccupations constantes
pour les Etats voisins.
Là encore nous ne discuterons pas, et
pour cause. Nous ne rechercherons ni les
objectifs ni les subjectifs de cette situation
nouvelle que la Prusse se crée en Europe.
Nous observerons seulement, et nous ajou-
terons que cette préoccupation hâtive, ces
fortifications accumulées, ces trésors gar-
dés, ces effectifs accrus, doivent être pour
tous un profond avertissement et un en-
couragement à bien faire.
Ce sera sur ce dernier point que nous
arrêterons notre jugement, car, de cette
concurrence qu'un pareil état de choses va
nécessairement susciter dans tous les Etats
européens, de ces efforts multipliés et con-
cordants, de cette éducation militaire et
populaire, sortiront nécessairement et co-
rollairement des situations nouvelles dont
la Prusse ne paraît pas se douter. L'excès
d'un mal est padvis un bien, et ces ac-
croissements extraorctiiï^ires des armées
européennes, parallèlement à oCUx de l'in-
dustrie et du commerce, amèneront fata-
lement des compromis, des déplacements
et des apaisements naturels
En tout cas, ce vote du Reichstag alle-
mand aura été pour l'Europe l'indice le
plus frappant de la situation vraie, au point
de vue militaire et gouvernemental, de
l'Allemagne du Nord. Qui trop embrasse
mal étreint, dit le proverbe, toujours vrai,
et encore plus vrai en cette circonstance.
Sachons nous le rappeler, et que la pre-
mière conséquence d'un tel vote, le premier
des devoirs de l'Assemblée, à sa rentrée,
soit de voter les lois des cadres et de l'ad-
ministration qui doivent compléter notre
organisation.
1 1 P »
NOUVELLES D'ESPAGNE
La seule indiscrétion militaire que se per-
mette aujourd'hui le télégraphe de Madrid
consiste à nous apprendre que les carlistes se
cencentrent en Navarre et que le maréchal
Concha les poursuit, — c'est-à-dire ce que
tout le monde sent depuis plus de huit
jours.
D'après une dépêche émanant des car-
listes, ceux-ci n'auraient « suspendu » le
blocus -de Fontarabie et d'Irun que pour
permettre aux cultivateurs d'ensemencer
leurs terres. Tant. d'humanité ne laisse
pas que de faire contraste avec les douze
cents bombes que ces mêmes carlistes ve-
naient de semer, à quelques kilomètres
de là, sur l'inoffensive population d'Her-
nani.
On mande de Santander, 6 juin :
Le général Loma a visité Hernani. Les car-
listes sont nombreux dans le voisinage d'Her-
nani et de Telesa.
Une émeute sérieuse a éclaté parmi les ba-
taillons du Gjiipuzcoa.
La seconde partie de la nouvelle expli-
que la première. Si, malgré l'ordre donné
aux carlistes de cette région d'aller 1 se-
courir Estella, ils restent encore en nom-
bre dans le voisinage d'Hemani et de To-
losa, c'est qu'apparemment les bataillons
guipuzcoans répugnent à passer en Na-
varre. Il y a déjà longtemps que les cor-
respondances françaises et anglaises ont
constaté ces dispositions, que partagent,
dit-on, mais à un degré moindre, les ba-
taillons biscayens.
Don Carlos ne peut faire sérieusement
fond que sur les Navarrais, qui ont à sou-
tenir une réputation d'entêtement dont ils
sont très-fiers et très-jaloux.
Il semble résulter de la dépêche sui-
vante que don Alphonse inaugure assez
malheureusement son expédition dan* le
Maëstrazgo :
Barcelone, 6 juin, midi 30.
Victoire complète à fiandesa (province de
Tarragone), remportée par la colonne Despujols
contre les factions réunies du Maëstrazgo. Les
canines ont subi de grandes pertes,
Voici les nouvelles de Madrid, 6 juin :
Madrid, 6 juin.
Les bruits sont contradictoires au sujet des
mesures financières.
La Iberia assure que la politique du gouver-
nement est aussi éloignée des alphonsistes que
des anarchistes.
Les autorités de Santurce ont retenu le va-
peur français le Negrito, sorti de Bilbao sans
avoir rempli les formalités d'usage.
Le ministre de la guerre va envoyer un ren-
fort de 10,000 hommes en Catalogne, autant
dans le Nord et autant au centre.
Le marquis Vega de Armijo a accepté l'am-
bassade d'Espagne à Paris.
»
Est-ce que M. de Villeneuve-Bargemon,
préfet des Alpes-Maritimes, s'est proposé
de mettre en interdit tous les journaux
francais de Nice? Hier c'était Y Ordre so-
cial; c'est le Journal de Nice, organe du
centre gauche, qu'il frappe aujourd'hui.
Voici le texte de son arrêté :
Préfecture des Alpes-llfaritfmes.
Nous, préfet des Alpes-Maritimes, comman-
deur de la Légion d'honneur,
Vu le numéro du Journal de Nice en date du
5 juin 1874, et spécialement l'article sans si-
gnature publié en tête du journal ;
Vu la loi du 27 juillet 1849, article 6 ;
Considérant qne dans l'article sus-visé l'écri-
vain fait ouvertement appel à un coup d'Etat et
outrage l'Assemblée, qull considère comme mo-
ralement dissoute ;
Considérant que de semblables attaques à
l'Assemblée nationale ne peuvent être tolérées,
Arrêtons :
Art. 1er. — La vente sur la voie publique, la
distribution et le colportage du Journalise Nite
sont interdits dans le département des Alpes-
Maritimes.
Art. 2. — MM. le sous-préfet de Grasse et de
Puget-Théniers, les maires des communes du
département, le commandant de gendarmerie et
le commissaire central de police de Nice sent
chargés de l'exécution du présent arrêté.
Fait à Nice, le 5 juin 1874.
Le préfet,
Signé : De VILLENEUVE-BARGEMON.
Naturellement, nous nous sommes em-
pressés de rechercher l'article du 5 juin
où M. de Villeneuve-Bargemon a vu l'ap-
pel aux coups d'Etat. De la part du Journal
de Nice, un appel aux coups d'Etat nous
aurait causé une stupéfaction véritable.
L'article lu, relu, nous pouvons déclarer
qu'il ne contient rien de tel, et que le
préfet des Alpes-Maritimes s'est trompé
tout à fait sur les intentions de notre con-
frère.
Le tort du Journal de Nice, si c est un
tort, est d'avoir dit que la dissolution n'a-
mènera aucun « gâchis », parce que le ma-
réchal-président, « comme un nouvel Ale-
xandre, » sera là, avec son épée, pour « tran-
cher le nœud gordien et maintenir l'équi-
libre.» Abus de métaphores, et qui ne sont
pas bonnes; mais enfin où M. de Villeneu-
ve-Bargemon prend-il son appel à un coup
d'Etat centre l'Assemblée, quand le
Journal de Nice ne parle que du rôle que
doit jouer le maréchal après la dissolution?
Et quand il conseillerait au maréchal d'ap-
puyer de son influence la politique de
dissolution, où serait le crime ?
Ce qu'il y a de plus regrettable, c'est
que M. de Villeneuve-Bargemon, ayant
pris de travers ce qu'il lisait, ne se soit pas
donné le temps d'écrire à Versailles et d'en
référer à son ministre. Il a rédigé, signé,
fait signifier son arrêté sur l'heure mê-
me, comme un petit pacha qu'il est. Eh !
là, monsieur, l'on se fait expliquer quand
on n'est pas sûr, de comprendre, et,
--..-h' ',"" .,
FEUILLETON DU XIX* SIÈCLE
Du mardi 9 juin. 1874.
CAUSERIE
DRAMATIQUE
LE DROIT DES PAUVRES. - L'ANNIVERSAIRE DE
CORNEILLE A L. COMÉDIE-FRANÇAISE. — LA NA-
TIONALITÉ DE M. AUGUSTE MERMEÎ.
,,' ) -
« Refuser ce que tous demandent, c'est
remuer un nid de guêpes, » a dit Gœthe:
je ne sais ce que cela nous présage de
concorde et d'union pour l'avenir ; mais il
me semble qu'on s'ingénie singulièrement,
én ces jours d'aveuglement et d'intolé-
rance, à remuer pas mal d'essaims et à je-
ter à travers notre atmosphère quelques
myriades d'hyménoptères bourdonnants et
d'aiguillons irrités. Sans entrer dans le
domaine de la politique, où les vœux uni-
versels sont assez imprudemment mécon-
nus, notre petit monde artiste nous offre
un certain nombre de questions où les de-
mandes de tous ne rencontrent que des
silences hautains et des inerties coupa-
bles. En de certains cas cela prond tout à
fait la tournure de véritables dénis de jus-
tice, et je, me permettrai même de dire
d'un accomplissement insuffisant du de-
voir.
Parmi ces questions, il en est une dont
la plupart de mes confrères se sont occu-
pés, réunis dans un sentiment unanime,
et que je ne puis passer sous silence : je
veux parler du Droit des pauvres. N'allez
pas vous méprendre sur le sens de ce mot
« droit ; » ici, cela veut dire « impôt, » et
rien de plus.
Les directeurs de théâtre, frappés par
cet impôt exceptionnel et arbitraire, en
ont réclamé d'abord l'abrogation complète,
puis, de concession en concession, en sont
arrivés à une telle réduction de préten-
tions qu'aujourd'hui le refus qu'on leur
oppose ne semble plus qu'une taquinerie
gratuite.
Ce n'est pas cela pourtant et il y a au
contraire dans ce refus une prudence et
une perspicacité qui ne m'étonnent pas
de la part d'une administration avide, ha-
bile et vigilante comme celle dite de l'As-
sistance publique. 1
Le droit perçu au profit de la caisse des
hospices est plus qu'un impôt, c'est un
dogme. Un dogme ne se discute pas :
le jour où la discussion en serait per-
mise, il tomberait tout entier. L'admi-
nistration de l'Assistance publique le
déguise sous le nom plus pratique de
« principe » et en refuse à ce titre la dis-
cussion ; son éternel et invariable non
possumus en est une preuve; car je ne
vois pas qu'elle mette en avant aucune au-
tre espèce d'argument..
Elle bénéficie de l'aspect général de la
question, que trop de gens, qui n'y regar-
dent guère de près, se hâtent de juger, ou,
pour mieux dire, de trancher, à la légère,
sentimentalement et sur des apparences.
Ce qui mé frappé le plus dans les plai-
doyers des soutiens, plus ou moins of-
ficiels, de cette injuste perception, c'est la
singulière anarchie d'arguments dans les-
quels ils pataugent. Il y a un peu de tout
dans leur arsenal; il y a surtout, ce que
personne, je crois, n'a relevé, il y a du
préjugé religieux contre le théâtre en par-
ticulier, et je ne sais quelle réminiscence
lointaine de prêches de capucins contre le
luxe en général. Les uns poussent, sans
s'en douter, au maintien d'une sorte d'a-
mende expiatoire pour une industrie diaboli-
que et encore toute chaude d'excommu-
nications; les autres aident à mainte-
nir à l'étalage un vieux rossignol, oublié
sur le rayon poudreux des anciennes lois
somptuaires.
On sent, du reste, dans cette rede-
vance isolée, un petit ,parfum féodal, un
léger fumet de bon plaisir qui ne peut
que chatouiller agréablement l'odorat des
défenseurs du trône et de l'autel. En-
fin, il y a — si l'on veut bien me
permettre le calembour — il y a dans
ce droit une si parfaite absence de
droit que les amateurs de procédés auto-
ritaires et d'interventions arbitraires doi-
vent lui être acquis d'avance. Au fond, le
prétendu principe du « droit des pauvres »
se compose de ces deux choses : le préjugé
religieux et l'idée mal assise d'un impôt
somptuaire.
Les préjugés religieux font un peu le
métier, à travers les fluctuations de nos in-
nombrables gouvernements et de nos
mœurs versatiles, de ces troncs d'arbres
que roulent les eaux du Mississipi: flottant
entre deux eaux, plongeant au fond, où
parfois ils s'envasent pour Un temps plus
ou moins prolongé, ou, redressés par un
remous, remontant à là surface et piquant
une pointe en l'air, comme poussés par uù
ressort, au risque de crever la eoque d'un
steamer inoffensif et de noyer quelques
centaines de passagers.
r On n'en a jamais tant vif à fleur d'eau !
Le théâtre, jadis patronné par des pa-
pes, tomba dans le discrédit, mieux que
cela, dans l'anathème, puis se releva peu
à peu dans l'essor général des esprits ;
mais il ne faut pas croire qu'il soit
en possession plénière de ses droits appa-
rents : ses ennemis n'ont pas désarmé, et
ils nourrissent avec soin au fond des âmes
étroites et craintives les traditions et les
rancunes de l'époque où un Harlay de
Champvallon, archevêque de Paris, ordon-
nait que le corps d'un Molière restât sans
sépulture.
On sait que le grand homme à l'heure
de sa mort ne put obtenir le secours d'au-
cun prêtre de sa paroisse : tous refusè-
rent de l'administrer, et il fallut l'inter-
vention du roi Louis XIV lui-même pour
obtenir que la dépouille mortelle de celui
à qui nous avons dressé des statues, dont
le nom est une de nos gloires, fût inhumé
dans la partie non bénite du cimetière Saint-
Joseph. C'est tout co que la grand roi put
obtenir de la charité de l'archevêque.
Nous étions alors loin du temps où le
Trissino dédiait à Léon X sa tragédie de
Sophonisba, et où le Vatican avait sa trou-
pe. Et ce n'était pas seulement la majes-
tueuse tragédie qu'on y représentait, en
présence du pape, des cardinaux, de tous
les dignitaires de l'Eglise et de la no-
:blse romaine : on y jouait une œu-
vre assez gaillarde, la Ctland¡'ÙJ" du
cardinal Bibbiena lui-même, la Jlan-
dragore, de Machiavel, — dont le conte
de Lafontaino peut donner la mesure,
— et même les farces populaires du
Rozzi, le Vadé de ce temps-là, que des
bateleurs forains venaient débiter dans la
le des marchés et des rues, pour le plus
grand ébattement du pape, à qui cela rap-
pelait les farces au gros sel de ses bons
Florentins.
1 Autre temps, autres mœurs ! Pour mon
compte, je n'hésite pas à le déclarer, je re-
grette Léon X.
Ainsi il est indubitable pour moi que
l'idée sourde et obscure du rachat d'un pé-
ché par J'aumône,- point de départ d'ail-
leurs et idée-mère incontestablement de
cet impôt bizarre, - réside toujours au fond
de la pensée de beaucoup de gens, qui s'en
doutent ou ne s'en doutent pas ; mais qui
obéissent passivement à l'influence du
préjugé et remplacent le raisonnement,
c'est-à-dire la vérité, la logique et la jus
tice, par quoi?. Par une docilité instinc-
tive à un dogme secret et suranné.
Mais --- l'Eglise a fait la paix avec le
théâtre: elle marie les comédiens et les en-
terre, les ondoie et les huile confortable-
mont pour leur argent sans la moindre
difficulté! Ils peuvent se soustraire, moyen-
nant finances, comme tout le monde, aux
hontes et aux horreurs de l'enfouissement
civil ! Il n'y a plus d'anathème, il n'y a
plus d'excommunication, il n'y a plus de
péché !
Le croyez-vous ? A coup sûr, je vous en
réponds, l'Eglise, elle, no le croit pas. La
doctrine de M. Harlay de Champvallon
n'est pas tombée en désuétude : elle est
vivante et règne au fond des âmes pieuses
et dans l'esprit des ministres fidèles.
Que cela soit le sentiment intime des
dévots, je n'y contredis point; que cela
exerce sur leur intelligence une obscura-
tion naturelle, c'est tout simple ; mais mal-
gré la persistance virtuelle de ce dogme
inavoué, le fait de son abrogation n'en est
pas moins ostensiblement admis, et il
n'est pas possible de s'appuyer ouverte-
ment sur ce chef, qui constitue pourtant,
au fond, le plus fort tesson de l'assiette de
l'impôt.
A côté du préjugé religieux, se placent
les vagues souvenirs des impôts somptuaires
et le sentiment plus généreux qu'équitable
des compensations dues à la souffrance par
le plaisir.
Je n'ai pas l'intention de faire ici l'his-
toire des impôts somptuaires. Dans sen
ordonnance curieuse sur le luxe, qui com-
mençait à se répandre dans le royaume
avec une tendance égalitaire alarmante,
Philippe-le-Bel ne procède que par prohi-
bition. De la défense absolue à la tolé-
rance, moyennant le paiement d'un droit,
il n'y avait qu'un pas.
L'impôt frappé sur le luxe semble entre
tous le plus équitable et le mieux justifié.
La taxe sur les voitures et tes chevaux do
luxe existe en Angleterre, et chez nous
une loi du 7 thermidor an III (1795)
établit une contribution somptuaire que
quelques années plus tard Bonaparte, en
arrivant au Consulat (1799), s'empressa
de faire rapporter. Elle fut définitivement
abrogée en 1803, et les droits réunis vin-
rent accroître les charges communes au
pauvre monde, puisque les gens riches
avaient assez de crédit pour se fairé exo-
nérer d'un impôt que leur fortune leur
permettait de supporter sans gêne.
Nous avons vu dans ces derniers temps
les victorieuses résistances qu'a rencontrées
l'établissement d'un impôt sur le revenu.
C'est toujours la même chose : les riches
ne veulent prendre part qu'aux charges
communes qui pèsent également sur le
médiocre et sur le pauvre, et nous devons
nous estimer encore assez heureux qu'ils
n'en arrivent pas à s'en faire exempter.
Des diverses perceptions somptuaires édic-
tées par la loi du 7 thermidor, une seule
a survécu : c'est « le droit des pauvres a
frappé sur les recettes des théâtres.
Mais de même que les dispositions relU
gieuses, en ce qui touche la matière, ayant
été mises à néant, les théâtres et tout ce
qui est de leur ressort sont rentrés dans-
le droit commun ; de même la loi somp-
tuaire du 7 thermidor ayant été abrogée,
aucune de ses dispositions ne doit plus
subsister isolément.
L'industrie théâtrale partage toutes les
48 Année. - N° 934 Pm m Nuliho : PiBII 15 Cumw — DÉPARTEMENTS : 20 CBNTÎMEI.
Mardi 9 Juin 1874J
LE ¡: SIECLE
JOUBM RÉPÙBLICAIN. CONSERVATEUR
RÉDACTION
V adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
- tt. rue fireuof, 1
àet manuscrits non insérés ne stroni pas rendue
ADOlnEIENTa
PARIS
Trois mois, 13 fr.
Six mois 25
Ua an ., 50
DÉPARTEMENTS
Trois mois 16 tr.
Six mois 32
Un an 62
AUBOUCM, chez MM. LAGRANGE, CERF et C-
e) place de la Bonne, 6
OB. s'abonne l LoaElres, chaz M. A. MAURICE général
adrertising, agent, 13, Tavrstoclcrow, Covent Garder
ADMINISTRATION
Adresser lettres et mandate & r Administrateur
9, rue Drevet» 9
Les lettres non affranchies seront refiteétf
AIOIiIIEIEITI
PARIS
Trois mois.. 13 fr.
Six mois 25
Un an 50
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 16 Ir.
Six m&il. Il
Un an.*. 62
-a nonec, chez MM. LAGRANGE, CERF et Q8
6, place de la Bnm, a
ON s'abonne à Londres,che* M. A. MACRIC* général
adverlising, agent, 13, TavistQCkrow. CcwtGea.
Voir à la troisième page les
SOUVENIRS DU 4 SEPTEMBRE
Par M. JULES SIMON.
Pendant tout le temps que durera
l'interdiction, le XIX" SIECLE acceptera
, des abonnements à la iemaiÍle, au
1 prix de :
1 fr. pour Paris;
1 fr. 25 c. pour les départements.
Paris, le 8 juin 4874.
Le centre gauche, après la publica-
tion de son manifeste, doit rapidement
poursuivre sa campagne et livrer sans
retard un combat décisif. On peut dire
que la France a lesyeux sur lui ; elle at-
tend qu'il propose à l'Assemblée en-
tière les résolutions qu'il a votées dans sa
réunion de samedi. Mais trouvera-t-il
une majorité prête aie suivre?
- Les journaux du centre droit juren t qUf
non, et la Presse en particulier déclare
qu'il n'y a plus que la dissolution qui
soit possible. « La postérité, dit un ré-
dacteur de la Presse, la postérité dira que
l'attitude et le langage au centre gauche
tout entier, dans la journée du 6 juin,ont
rendu fatalement inévitable une dissolu-
tion prochaine et prématurée de l'Assem-
blée, etc. » La postérité, dira tout ce
qu'elle voudra dire et prendra même ce
sJtyle ampoulé, s'il lui plaît ; mais pour
le moment nous aiçns biea d'iutres af-
faires. Le centre gauche demande la
proclamation de la République et les
organes du centre droit lui répondent :
Dissolution! Rien de mieux. Il y a long-
temps que nous répétions : « La disso-
lution est la seule issue. » Et ce ne sont
pas les conséquences de la dissolution
gui effraient le pays. Nous ajouterons que
les libéraux du centre droit, s'ils étaient
clairvoyants, ne devraient redouter plus
que nous ni la dissolution de l'Assem-
blée, ni l'établissement de la Républi-
que. Et nous ne serions pas surpris si
.l'on nous apprenait qu'un bon nombre
d entre eux sont, au fond, tout près de
se convertir, mais que c'est par respect
humain qu'ils ne veulent pas laisser pa-
raître ces nouvelles dispositions d'es-
prit. Le programme des « cinquante-
deux » n'est pas, d'ailleurs, leur dernier
mot. C'est leur habitude de procéder
toujours par demi-concessions. Ils iront
plus loin; mais il est ifâcheux qu'ils
perdent le temps en marchandages.
Qu'est-ce donc que leur politique ?
Le contre gauche propose d'adop-
ter l'article 1er de la constitution Du-
faure : « Le gouvernement de la Répu-
» blique française se compose d'un Sé-
» nat, d'une Chambre des représentants
» et d'un président dé la République,
» chef du pouvoir exécutif. » ¡
Ce n'est pas au système des deux
Chambres que le centre droit fait objec-
tion, puisqu'il le réclame; c'est à la
reconnaissance d'un régime républicain
définitif, qu'impliquerait cet article de
loi. -'
Il est superflu de faire ressortir, quant
aux résultats, les différences qu'entraî-
nerait l'application de l'un ou de l'autre
programme.
Le centre gauche veut un gouverne-
ment défini, reconnu, qui impose enfin
le siLence aux partis en querelle, qui
soit capable de réduire les factions et
les factieux.
„ Le centre droit, au contraire, avec
son septennat fmpersÓnilel ou sa Répu-
| I blique seplennale, prétend, pour em-
ployer le mot consacré, laisser Une porte
ouverte encore aux espérances. Il ap-
pelle cela, par antiphrase, « laisser in-
taete la trêve de sept années qui doit
être consacrée à l'apaisement des partis. »
On sait aujourd'hui ce que vaut cet
apaisement ; on le sait par expérience.
Sept ans du régime actuel! sept ans de
Republique injuriée et vilipendee par les
partisans de trois dynasties ! sept ans de
manœuvres, d'intrigues, de provocation,
au mépris et à la haine du gouverne-
ment républicain, que ce gouvernement,
parce qu'il est septennal, ne peut répri-
mer! En vérité, cela n'est pas possible.
Il faut que le principe du gouverne-
ment soit respecté ; il faut qu'il ne soit
pàs discuté, même. Grâce aux progrès
qu'apportent nos contemporains dans
l'art de sophistiquer la dialectique, tout
gouvernement qui tolère la discussion
de son principe est aujourd'hui un gou-
vernement bien malade".
Or, c'est le principe républicain que
le centre gauche, pour le repos du
pays, pour son salut, veut désormais
mettre à l'abri de toute atteinte.
Que le centre droit s'y refuse, c'est
sans doute son droit ; mais pourquoi s'y
refuse-t-il ?.
Quels sont les mystérieux sentiments
ou les raisons secrètes qui le guident ?
Est-ce l'espoir d'une restauration or-
léaniste ? Mais, si nous sommes bien in-
formés, et nous sommes à peu près sûrs
de l'être, une bonne partie du centre
droit aurait fait son deuil de l'idée
d'une restauration de la monarchie
de Juillet, et ceux qui font mine d'y
tenir encore n'y tiennent que peu.
La médiocrité d'esprit de M. le comte
de Paris ne pouvait guère grouper
autour de lui des partisans bien réso-
lus. Au fond, d'ailleurs, qu'ont à ga-
gner les membres influents du centre
droit à identifier leurs intérêts avec les
intérêts présumés de ce jeune prince ?
Nous disons : présumés, car la candida-
ture au trône de M. le comte de Paris ne
répond à rien, si ce n'est peut-être à
une erreur d'imagination qui, de sa part,
est excusable. Mais l'imagination n'a ja-
mais fait de souverains ; c'est tout au
plus si, à d'assez rares intervalles, elle
produit des prétendants.
Si donc, royalement parlant, il n'y a
rien de sérieux dans l'avenir de l'or-
léanisme, et si la plupart des orléanis-
tes en sont convaincus, pourquoi op-
posent-ils encore tant de résistance
a la fondation de-la République? et pour-
quoi s'attachent-ils toujours à « réserver
des espérances ? »
On en cherche la raison et on ne la
trouve que dans leur désir de rester unis
avec la droite, et de faire prévaloir, par
cette union, le plus longtemps possible,
le politique dite d'ordre moral, — poli-
tique de Broglie hier, aujourd'hui de
Fourtou, — dont ils espèrent continuer
à tirer à eux le profit. Retrouver, 'res-
saisir une majorité à droite, c'est leur
rêve actuel, et, s'ils parlent, dans leur
programme, de trêve des partis et d'es-
pérances réservées, c'est pour ne point
s'aliéner les hommes de l'espoir quand
même, les royalistes qui attendent et at-
tendraient jusqu'à la fin du monde l'avé-
nement de M. le comte de Chambord.
Rester ainsi dans un état de provisoire,
mais aussi de réaction - où le centre droit
aura la plus belle part aux affaires, voilà
le but. Vaut-il tous les risques qu'il fait
courir ?
Premièrement, les membres du centre
droit peuvent-ils être bien convaincus
de l'efficacité et de la durée de leur al-
liance avec les membres de la droite?
Si le centre droit est réactionnaire, la
droite est ultramontaine, et sur bien des
points il arrivera que la droite et le
centre droit se sépareront. C'est ce
qu'on a vu samèdi dans le vote sur le
projet Chaurand, pour l'observation du
dimanche. Le centre droit presque tout
entier (c'est à sa louange) a rejeté le
projet ou s'est abstenu ; déjà la droite
le lui reproche, et M. Chaurand traite le
due d'Audiffret-Pasquier de voltairien.
Sur les prétentions de liultramonta-
nisme, une scission est sur le point de
s'opérer, qui sera profonde.
Mais admettons enfin qu'aucune scis-
sion ne s'opère. Admettons l'impossi-
ble ; admettons que, par quelque mira-
cle, droite et centre droit se maintièn-
nent ensemble au gouvernement. Qu'ést-
ce que les orléanistes en espèrent ? La
possession des portefeuilles ? La conti-
nuation, jusqu'au jour où l'on ne pourra
plus continuer, de la politique de Broglie
et Fourtou ? Eh bien où est l'avantage ?
Où va-t-on? Où échouerons-nous si la
droite et le centre droit empêchent de
faire la République? Quoi ! c'est sérieu-
sement qu'on propose encore un sys-
tème qui est la négation de la paix
intérieure et de la stabilité !
Ruinez la République, il est bien cer-
tain que vous n'établirez sur ses ruines
ni la monarchie traditionnelle ni la mo-
narchie dite de Juillet. Que restera-t-il
donc? Nous n'attachons pas une impor-
tance exagérée aux périls que nous fait
courir le parti de l'empire. Mais enfin que
restera-t-il? Puisqu'on assure que quel-
ques-uns des princes de la famille d'Or-
léans, — nous ne parlons pas de M. le
comte de Paris, mais de ceux dont l'esprit
est plus ouvert, — ont conservé sur leurs
amis de l'autorité ou de l'influence, nous
nous étonnons qu'ils ne voient pas
mieux ce queleur intérêt conseille,et qu'ils
ne poussent pas de tout leur pou-
voir le centre droit dans la voie
de la République. Sous la Républi-
que, après tout, même définitive, ils ne
sont pas à plaindre, et leur conditionne
laisse pas d'être enviable. Il n'y a pas
longtemps qu'ils ont connu de plus
mauvais jours, et leur mémoire est
vraiment courte s'ils ont pu si tôt ou-
blier Twickenham et Claremont, ces
lieux d'exil.
EUG. LIÉBERT..
* ■ 1 -1 11..1.
La gauche républicaine s'est réunie hier, à
deux heures, sous la présidence de M. Du-
clere.
La réunion comptait près de cent membres
présents. Plusieurs députés du centre gauche,
qui ne sont pas inscrits à la gauche républicai-
ne, entre autres MM. Ricard et Lepetit, assis-
taient également à la séance.
Le président a ouvert la séance en recomman-
dant à tous les membres de la réunion la plus
grande exactitude à se rendre aux convocations,
tant dans leurs bureaux que dans les différentes
commissions dont ils font partie.
Cette recommandation serait d'autant plus
utile, suivant M. Duclefc, que des faits récents
de négligence ont compromis les intérêts de là
gauche dans les élections des bureaux et dans
les nominations de rapporteurs.
La discussion s'est ensuite ouverte sur le
dernier programme du centre gauche. Elle a été
longue, et vingt-cinq ou trente membres ont
cru devoir prendre la parole, presque tous pour
appuyer les principes posés dans ce programme.
En somme, la réunion déclare, à l'unanimité,
« se féliciter de l'effet produit par l'amrmation
formelle et persistante de la Republique. » Elle
a reconnu « la nécessité d'un prompt appel à la
nation au moyen d'élections générales. »
La gauche s'est séparée à quatre heures et da-
mie, après avoir fixé sa prochaine réunion a £
samedi 13 juin, à neuf heures du soir, dans le
local ordinaire, et en décidant que, désormais,
les réunions hebdomadaires auraient lieu le sa-
medi soir.
—————————— » ——————————
L'ARMÉE ALLEMANDE NOUVELLE
La nouvelle loi que vient de voter le
Reichstag allemand est-elle appelée à
avoir une conséquence considérable? Nous
le croyons, et cela à un double point de
vue, intérieur et extérieur.
En effet, sous le rapport intérieur, l'ac-
ceptation sans opposition du projet du gou-
vernement est un nouveau pas de fait
dans la voie de l'annihilation de l'Assem-
blée allemande. C'est également le pre-
mier germe d'une tendance marquée vers
l'absolutisme militaire, un acheminement
vers les armées permanentes de plus en plus
fortes, une négation indirecte du système
des landwehrs, c'est-à-dire du principe
organique qui a fait la force de la Prusse
affaiblie après 1806. Dans cet ordre d'idées,
nous n'avons pas à pous réjouir ou à nous
plaindre d'un phénomène semblable ; nous
n'avons qu'à le constater et à assister en
spectateur désintéressé à ce spectacle de
transformation. La France militaire de 1874
est toute à sa réorganisation, à sa régénéra-
tion. Elle n'a donc rien à mettre en parallèle,
et elle ne peut être un danger pourl'Alla
magne. Seulement nous pouvons d'autant
mieux examiner le mouvement qui se pro-
duit chez nos. voisins et en Rechercher les
causes et les résultats. Ce qui se passe en
effet de l'autre côté du Rhin n'est que la
conséquence même des événements. Au
lieu de voir que c'est dans la masse popu-
laire, dans le système transitoire et affaibli
du caractère permanent de l'armée, que la
Prusse a puisé son expansion, tes géné-
raux prussiens, prenant les effets pour les
causes, s'imaginent peu à peu être les uni-
ques promoteurs de ces grands succès. Ils
se sont trouvés voués des lors à une vic-
toire perpétuelle et à une supériorité con-
stante. Et, au lieu de rechercher cette su-
prématie dans la nation, dans son instruc-
tion et dans son expansion, ils la vojit
puiser dans l'augmentation de leurs effec-
tifs permanents. Or, c'est là justement une
cause de faiblesse; c'est ce qui a perdu
Napoléon Ier et Napoléon III, c'est ce qui
perdra la Prusse militaire et amènera dans
un temps plus ou moins rapproché un dé-
placement nécessaire dans l'organisme
constitutif de ce pays, parce qu'une faute
en amènera une autre, parce qu'une exten-
sion d'attributions engagera à en obtenir
une seconde.
Cela ira ainsi jusqu'au jour où le désac-
cord sera complet entre le gouvernement
militaire et le pays, où la somme de bien
apportée par l'organisation de l'armée al-
lemamde se trouvera inférieure aux résul-
tats acquis. Dans toutes les entreprises
humaines il y a un summum qu'il ne faut
pas dépasser; il y a surtout un intérêt
qu'il ne faut pas heurter, celui de la masse,
qui, quoi que l'on prétende, est la vé-
ritable force de la nation.
Evidemment le but d'un gouvernement
exclusivement militaire comme celui delà
Prusse, et logique avec lui-même, est con-
traint à arriver au maximum d'instruction
guerrière : et la tendance du pouvoir prus-
sien est aujourd'hui d'obtenir jusqu'à 200
recrues instruites annuellement par batail-
lon, de manière à avoir d'un côté le plus
de monde 'possible et d'autre part à faire
rester ce même monde le moins longtemps
sous les drapeaux. Ce desideratum est
poursuivi avec persévérance par l'état-
major général allemand, et il fait hon-
neur à son intelligence des nécessités des
guerres futures.
Mais, d'autre part, l'accroissement de ces
charges, l'extension du pouvoir central mili-
taire et l'affaiblissement moral du Reichstag
sont les résultats inévitables à l'intérieur;
detié ^ne:mentation considérable de forces
actives dévier; à l'extérieur, l'indice de
craintes considérant*, hautement mani-
festées du reste parles oraitrs prussiens,
et un sujet de préoccupations constantes
pour les Etats voisins.
Là encore nous ne discuterons pas, et
pour cause. Nous ne rechercherons ni les
objectifs ni les subjectifs de cette situation
nouvelle que la Prusse se crée en Europe.
Nous observerons seulement, et nous ajou-
terons que cette préoccupation hâtive, ces
fortifications accumulées, ces trésors gar-
dés, ces effectifs accrus, doivent être pour
tous un profond avertissement et un en-
couragement à bien faire.
Ce sera sur ce dernier point que nous
arrêterons notre jugement, car, de cette
concurrence qu'un pareil état de choses va
nécessairement susciter dans tous les Etats
européens, de ces efforts multipliés et con-
cordants, de cette éducation militaire et
populaire, sortiront nécessairement et co-
rollairement des situations nouvelles dont
la Prusse ne paraît pas se douter. L'excès
d'un mal est padvis un bien, et ces ac-
croissements extraorctiiï^ires des armées
européennes, parallèlement à oCUx de l'in-
dustrie et du commerce, amèneront fata-
lement des compromis, des déplacements
et des apaisements naturels
En tout cas, ce vote du Reichstag alle-
mand aura été pour l'Europe l'indice le
plus frappant de la situation vraie, au point
de vue militaire et gouvernemental, de
l'Allemagne du Nord. Qui trop embrasse
mal étreint, dit le proverbe, toujours vrai,
et encore plus vrai en cette circonstance.
Sachons nous le rappeler, et que la pre-
mière conséquence d'un tel vote, le premier
des devoirs de l'Assemblée, à sa rentrée,
soit de voter les lois des cadres et de l'ad-
ministration qui doivent compléter notre
organisation.
1 1 P »
NOUVELLES D'ESPAGNE
La seule indiscrétion militaire que se per-
mette aujourd'hui le télégraphe de Madrid
consiste à nous apprendre que les carlistes se
cencentrent en Navarre et que le maréchal
Concha les poursuit, — c'est-à-dire ce que
tout le monde sent depuis plus de huit
jours.
D'après une dépêche émanant des car-
listes, ceux-ci n'auraient « suspendu » le
blocus -de Fontarabie et d'Irun que pour
permettre aux cultivateurs d'ensemencer
leurs terres. Tant. d'humanité ne laisse
pas que de faire contraste avec les douze
cents bombes que ces mêmes carlistes ve-
naient de semer, à quelques kilomètres
de là, sur l'inoffensive population d'Her-
nani.
On mande de Santander, 6 juin :
Le général Loma a visité Hernani. Les car-
listes sont nombreux dans le voisinage d'Her-
nani et de Telesa.
Une émeute sérieuse a éclaté parmi les ba-
taillons du Gjiipuzcoa.
La seconde partie de la nouvelle expli-
que la première. Si, malgré l'ordre donné
aux carlistes de cette région d'aller 1 se-
courir Estella, ils restent encore en nom-
bre dans le voisinage d'Hemani et de To-
losa, c'est qu'apparemment les bataillons
guipuzcoans répugnent à passer en Na-
varre. Il y a déjà longtemps que les cor-
respondances françaises et anglaises ont
constaté ces dispositions, que partagent,
dit-on, mais à un degré moindre, les ba-
taillons biscayens.
Don Carlos ne peut faire sérieusement
fond que sur les Navarrais, qui ont à sou-
tenir une réputation d'entêtement dont ils
sont très-fiers et très-jaloux.
Il semble résulter de la dépêche sui-
vante que don Alphonse inaugure assez
malheureusement son expédition dan* le
Maëstrazgo :
Barcelone, 6 juin, midi 30.
Victoire complète à fiandesa (province de
Tarragone), remportée par la colonne Despujols
contre les factions réunies du Maëstrazgo. Les
canines ont subi de grandes pertes,
Voici les nouvelles de Madrid, 6 juin :
Madrid, 6 juin.
Les bruits sont contradictoires au sujet des
mesures financières.
La Iberia assure que la politique du gouver-
nement est aussi éloignée des alphonsistes que
des anarchistes.
Les autorités de Santurce ont retenu le va-
peur français le Negrito, sorti de Bilbao sans
avoir rempli les formalités d'usage.
Le ministre de la guerre va envoyer un ren-
fort de 10,000 hommes en Catalogne, autant
dans le Nord et autant au centre.
Le marquis Vega de Armijo a accepté l'am-
bassade d'Espagne à Paris.
»
Est-ce que M. de Villeneuve-Bargemon,
préfet des Alpes-Maritimes, s'est proposé
de mettre en interdit tous les journaux
francais de Nice? Hier c'était Y Ordre so-
cial; c'est le Journal de Nice, organe du
centre gauche, qu'il frappe aujourd'hui.
Voici le texte de son arrêté :
Préfecture des Alpes-llfaritfmes.
Nous, préfet des Alpes-Maritimes, comman-
deur de la Légion d'honneur,
Vu le numéro du Journal de Nice en date du
5 juin 1874, et spécialement l'article sans si-
gnature publié en tête du journal ;
Vu la loi du 27 juillet 1849, article 6 ;
Considérant qne dans l'article sus-visé l'écri-
vain fait ouvertement appel à un coup d'Etat et
outrage l'Assemblée, qull considère comme mo-
ralement dissoute ;
Considérant que de semblables attaques à
l'Assemblée nationale ne peuvent être tolérées,
Arrêtons :
Art. 1er. — La vente sur la voie publique, la
distribution et le colportage du Journalise Nite
sont interdits dans le département des Alpes-
Maritimes.
Art. 2. — MM. le sous-préfet de Grasse et de
Puget-Théniers, les maires des communes du
département, le commandant de gendarmerie et
le commissaire central de police de Nice sent
chargés de l'exécution du présent arrêté.
Fait à Nice, le 5 juin 1874.
Le préfet,
Signé : De VILLENEUVE-BARGEMON.
Naturellement, nous nous sommes em-
pressés de rechercher l'article du 5 juin
où M. de Villeneuve-Bargemon a vu l'ap-
pel aux coups d'Etat. De la part du Journal
de Nice, un appel aux coups d'Etat nous
aurait causé une stupéfaction véritable.
L'article lu, relu, nous pouvons déclarer
qu'il ne contient rien de tel, et que le
préfet des Alpes-Maritimes s'est trompé
tout à fait sur les intentions de notre con-
frère.
Le tort du Journal de Nice, si c est un
tort, est d'avoir dit que la dissolution n'a-
mènera aucun « gâchis », parce que le ma-
réchal-président, « comme un nouvel Ale-
xandre, » sera là, avec son épée, pour « tran-
cher le nœud gordien et maintenir l'équi-
libre.» Abus de métaphores, et qui ne sont
pas bonnes; mais enfin où M. de Villeneu-
ve-Bargemon prend-il son appel à un coup
d'Etat centre l'Assemblée, quand le
Journal de Nice ne parle que du rôle que
doit jouer le maréchal après la dissolution?
Et quand il conseillerait au maréchal d'ap-
puyer de son influence la politique de
dissolution, où serait le crime ?
Ce qu'il y a de plus regrettable, c'est
que M. de Villeneuve-Bargemon, ayant
pris de travers ce qu'il lisait, ne se soit pas
donné le temps d'écrire à Versailles et d'en
référer à son ministre. Il a rédigé, signé,
fait signifier son arrêté sur l'heure mê-
me, comme un petit pacha qu'il est. Eh !
là, monsieur, l'on se fait expliquer quand
on n'est pas sûr, de comprendre, et,
--..-h' ',"" .,
FEUILLETON DU XIX* SIÈCLE
Du mardi 9 juin. 1874.
CAUSERIE
DRAMATIQUE
LE DROIT DES PAUVRES. - L'ANNIVERSAIRE DE
CORNEILLE A L. COMÉDIE-FRANÇAISE. — LA NA-
TIONALITÉ DE M. AUGUSTE MERMEÎ.
,,' ) -
« Refuser ce que tous demandent, c'est
remuer un nid de guêpes, » a dit Gœthe:
je ne sais ce que cela nous présage de
concorde et d'union pour l'avenir ; mais il
me semble qu'on s'ingénie singulièrement,
én ces jours d'aveuglement et d'intolé-
rance, à remuer pas mal d'essaims et à je-
ter à travers notre atmosphère quelques
myriades d'hyménoptères bourdonnants et
d'aiguillons irrités. Sans entrer dans le
domaine de la politique, où les vœux uni-
versels sont assez imprudemment mécon-
nus, notre petit monde artiste nous offre
un certain nombre de questions où les de-
mandes de tous ne rencontrent que des
silences hautains et des inerties coupa-
bles. En de certains cas cela prond tout à
fait la tournure de véritables dénis de jus-
tice, et je, me permettrai même de dire
d'un accomplissement insuffisant du de-
voir.
Parmi ces questions, il en est une dont
la plupart de mes confrères se sont occu-
pés, réunis dans un sentiment unanime,
et que je ne puis passer sous silence : je
veux parler du Droit des pauvres. N'allez
pas vous méprendre sur le sens de ce mot
« droit ; » ici, cela veut dire « impôt, » et
rien de plus.
Les directeurs de théâtre, frappés par
cet impôt exceptionnel et arbitraire, en
ont réclamé d'abord l'abrogation complète,
puis, de concession en concession, en sont
arrivés à une telle réduction de préten-
tions qu'aujourd'hui le refus qu'on leur
oppose ne semble plus qu'une taquinerie
gratuite.
Ce n'est pas cela pourtant et il y a au
contraire dans ce refus une prudence et
une perspicacité qui ne m'étonnent pas
de la part d'une administration avide, ha-
bile et vigilante comme celle dite de l'As-
sistance publique. 1
Le droit perçu au profit de la caisse des
hospices est plus qu'un impôt, c'est un
dogme. Un dogme ne se discute pas :
le jour où la discussion en serait per-
mise, il tomberait tout entier. L'admi-
nistration de l'Assistance publique le
déguise sous le nom plus pratique de
« principe » et en refuse à ce titre la dis-
cussion ; son éternel et invariable non
possumus en est une preuve; car je ne
vois pas qu'elle mette en avant aucune au-
tre espèce d'argument..
Elle bénéficie de l'aspect général de la
question, que trop de gens, qui n'y regar-
dent guère de près, se hâtent de juger, ou,
pour mieux dire, de trancher, à la légère,
sentimentalement et sur des apparences.
Ce qui mé frappé le plus dans les plai-
doyers des soutiens, plus ou moins of-
ficiels, de cette injuste perception, c'est la
singulière anarchie d'arguments dans les-
quels ils pataugent. Il y a un peu de tout
dans leur arsenal; il y a surtout, ce que
personne, je crois, n'a relevé, il y a du
préjugé religieux contre le théâtre en par-
ticulier, et je ne sais quelle réminiscence
lointaine de prêches de capucins contre le
luxe en général. Les uns poussent, sans
s'en douter, au maintien d'une sorte d'a-
mende expiatoire pour une industrie diaboli-
que et encore toute chaude d'excommu-
nications; les autres aident à mainte-
nir à l'étalage un vieux rossignol, oublié
sur le rayon poudreux des anciennes lois
somptuaires.
On sent, du reste, dans cette rede-
vance isolée, un petit ,parfum féodal, un
léger fumet de bon plaisir qui ne peut
que chatouiller agréablement l'odorat des
défenseurs du trône et de l'autel. En-
fin, il y a — si l'on veut bien me
permettre le calembour — il y a dans
ce droit une si parfaite absence de
droit que les amateurs de procédés auto-
ritaires et d'interventions arbitraires doi-
vent lui être acquis d'avance. Au fond, le
prétendu principe du « droit des pauvres »
se compose de ces deux choses : le préjugé
religieux et l'idée mal assise d'un impôt
somptuaire.
Les préjugés religieux font un peu le
métier, à travers les fluctuations de nos in-
nombrables gouvernements et de nos
mœurs versatiles, de ces troncs d'arbres
que roulent les eaux du Mississipi: flottant
entre deux eaux, plongeant au fond, où
parfois ils s'envasent pour Un temps plus
ou moins prolongé, ou, redressés par un
remous, remontant à là surface et piquant
une pointe en l'air, comme poussés par uù
ressort, au risque de crever la eoque d'un
steamer inoffensif et de noyer quelques
centaines de passagers.
r On n'en a jamais tant vif à fleur d'eau !
Le théâtre, jadis patronné par des pa-
pes, tomba dans le discrédit, mieux que
cela, dans l'anathème, puis se releva peu
à peu dans l'essor général des esprits ;
mais il ne faut pas croire qu'il soit
en possession plénière de ses droits appa-
rents : ses ennemis n'ont pas désarmé, et
ils nourrissent avec soin au fond des âmes
étroites et craintives les traditions et les
rancunes de l'époque où un Harlay de
Champvallon, archevêque de Paris, ordon-
nait que le corps d'un Molière restât sans
sépulture.
On sait que le grand homme à l'heure
de sa mort ne put obtenir le secours d'au-
cun prêtre de sa paroisse : tous refusè-
rent de l'administrer, et il fallut l'inter-
vention du roi Louis XIV lui-même pour
obtenir que la dépouille mortelle de celui
à qui nous avons dressé des statues, dont
le nom est une de nos gloires, fût inhumé
dans la partie non bénite du cimetière Saint-
Joseph. C'est tout co que la grand roi put
obtenir de la charité de l'archevêque.
Nous étions alors loin du temps où le
Trissino dédiait à Léon X sa tragédie de
Sophonisba, et où le Vatican avait sa trou-
pe. Et ce n'était pas seulement la majes-
tueuse tragédie qu'on y représentait, en
présence du pape, des cardinaux, de tous
les dignitaires de l'Eglise et de la no-
:blse romaine : on y jouait une œu-
vre assez gaillarde, la Ctland¡'ÙJ" du
cardinal Bibbiena lui-même, la Jlan-
dragore, de Machiavel, — dont le conte
de Lafontaino peut donner la mesure,
— et même les farces populaires du
Rozzi, le Vadé de ce temps-là, que des
bateleurs forains venaient débiter dans la
le des marchés et des rues, pour le plus
grand ébattement du pape, à qui cela rap-
pelait les farces au gros sel de ses bons
Florentins.
1 Autre temps, autres mœurs ! Pour mon
compte, je n'hésite pas à le déclarer, je re-
grette Léon X.
Ainsi il est indubitable pour moi que
l'idée sourde et obscure du rachat d'un pé-
ché par J'aumône,- point de départ d'ail-
leurs et idée-mère incontestablement de
cet impôt bizarre, - réside toujours au fond
de la pensée de beaucoup de gens, qui s'en
doutent ou ne s'en doutent pas ; mais qui
obéissent passivement à l'influence du
préjugé et remplacent le raisonnement,
c'est-à-dire la vérité, la logique et la jus
tice, par quoi?. Par une docilité instinc-
tive à un dogme secret et suranné.
Mais --- l'Eglise a fait la paix avec le
théâtre: elle marie les comédiens et les en-
terre, les ondoie et les huile confortable-
mont pour leur argent sans la moindre
difficulté! Ils peuvent se soustraire, moyen-
nant finances, comme tout le monde, aux
hontes et aux horreurs de l'enfouissement
civil ! Il n'y a plus d'anathème, il n'y a
plus d'excommunication, il n'y a plus de
péché !
Le croyez-vous ? A coup sûr, je vous en
réponds, l'Eglise, elle, no le croit pas. La
doctrine de M. Harlay de Champvallon
n'est pas tombée en désuétude : elle est
vivante et règne au fond des âmes pieuses
et dans l'esprit des ministres fidèles.
Que cela soit le sentiment intime des
dévots, je n'y contredis point; que cela
exerce sur leur intelligence une obscura-
tion naturelle, c'est tout simple ; mais mal-
gré la persistance virtuelle de ce dogme
inavoué, le fait de son abrogation n'en est
pas moins ostensiblement admis, et il
n'est pas possible de s'appuyer ouverte-
ment sur ce chef, qui constitue pourtant,
au fond, le plus fort tesson de l'assiette de
l'impôt.
A côté du préjugé religieux, se placent
les vagues souvenirs des impôts somptuaires
et le sentiment plus généreux qu'équitable
des compensations dues à la souffrance par
le plaisir.
Je n'ai pas l'intention de faire ici l'his-
toire des impôts somptuaires. Dans sen
ordonnance curieuse sur le luxe, qui com-
mençait à se répandre dans le royaume
avec une tendance égalitaire alarmante,
Philippe-le-Bel ne procède que par prohi-
bition. De la défense absolue à la tolé-
rance, moyennant le paiement d'un droit,
il n'y avait qu'un pas.
L'impôt frappé sur le luxe semble entre
tous le plus équitable et le mieux justifié.
La taxe sur les voitures et tes chevaux do
luxe existe en Angleterre, et chez nous
une loi du 7 thermidor an III (1795)
établit une contribution somptuaire que
quelques années plus tard Bonaparte, en
arrivant au Consulat (1799), s'empressa
de faire rapporter. Elle fut définitivement
abrogée en 1803, et les droits réunis vin-
rent accroître les charges communes au
pauvre monde, puisque les gens riches
avaient assez de crédit pour se fairé exo-
nérer d'un impôt que leur fortune leur
permettait de supporter sans gêne.
Nous avons vu dans ces derniers temps
les victorieuses résistances qu'a rencontrées
l'établissement d'un impôt sur le revenu.
C'est toujours la même chose : les riches
ne veulent prendre part qu'aux charges
communes qui pèsent également sur le
médiocre et sur le pauvre, et nous devons
nous estimer encore assez heureux qu'ils
n'en arrivent pas à s'en faire exempter.
Des diverses perceptions somptuaires édic-
tées par la loi du 7 thermidor, une seule
a survécu : c'est « le droit des pauvres a
frappé sur les recettes des théâtres.
Mais de même que les dispositions relU
gieuses, en ce qui touche la matière, ayant
été mises à néant, les théâtres et tout ce
qui est de leur ressort sont rentrés dans-
le droit commun ; de même la loi somp-
tuaire du 7 thermidor ayant été abrogée,
aucune de ses dispositions ne doit plus
subsister isolément.
L'industrie théâtrale partage toutes les
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