Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1874-03-22
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 22 mars 1874 22 mars 1874
Description : 1874/03/22 (A4,N857). 1874/03/22 (A4,N857).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7558892g
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/03/2013
4* Année. — N* 857.
PRIX DU NUMÉRO : PARIS 15 CENTIMES - DÉPARTEMENTS : 20 CENTIMES.
Dimanche 22 Mars 4874;
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
"adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
38* rue Drouot, 9
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus
ABONNEMENTS
PARIS
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Six mois.;. 25
Un an. 50
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 16 fir.
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la lettres mon affranchios seront rtfutéot
ABOIINEMtlrs
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Trois mois..;.*.;* 13 fr.
Six mois. 25
Un an 50
DÉPARTKMSHÏS
Trois mois. 16 tr.
Six mois 12 t
Un an .6£064.61. 6* 3
- 1
C
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et CM
6, place de la Bourse, a
On s'abonne à Londres, chez M. A. MATTRIot généra
advertising, agent, 13, Tavistockrow, CoventGarden.
- Pendant mtrte temps que durera
tïnterdiction, le XIXe SIECLE ac-
ceptera des abonnements à la se-
maine au prix de :
1 fr. pour Paris;
4 ir. 25 c. pour les Départements.
Nous venons de prendre une
mesure qui évitera tout dérange-
ment à nos abonnés à la semaine
(de Paris). Chaque personne qui
désirera recevoir à domicile le
XIXe SIÈCLE, pendant toute la durée
de l'interdiction de la vente sur la
voie publique, pourra nous en
avertir partune simple carte pos-
tale, et nous ferons toucher chaque
semaine, par un service spécial de
receveurs, chez leur concierge, la
somme de 1 franc, prix de leur
souscription.
Nous commencerons avant la fin
du mois de Mars la publication des
SOUVENIRS
9
DU
QUATRE SEPTEMBRE
PAR
M. JULES SIMON
JOURNÉE POLITIQUE
Paris, 20 mars 4874.
Le Journal officiel a publié hier matin
une lettre, assez attendue du monde poli-
tique, adressée par M. le maréchal de
Mac-Mahon au vice-président du conseil
des ministres. Le président de la Répu-
blique y félicite, un peu ironiquement,
peut-être, M. de Broglie d'avoir si «bien
compris les droits que lui a conférés et les
devoirs que lui impose, pendant sept an-
nées, la confiance de lAssemblée. » Mais
le but du maréchal, en cette occurrence,
n'est évidemment pas de louer la harangue
du ministre, qui pousse l'intelligence jus-
qu'à comprendre le gouvernement qu'il
s'est chargé de servir ; le dessein princi-
pal de la lettre présidentielle est d'annon-
cer clairement « au pays ce que M. de
Broglie concoit si bien. » Pour plus de
clarté, voici'le tour qu'a imaginé M. le
maréchal. Il déclare, dans un paragraphe
de sa lettre, que les paroles prononcées
l'autre jour par M. de Broglie - sont con-
formes « au langage qu'il a lui même tenu
à MM. les présidents du tribunal et de
la ehambre de commerce de Paris » ;
et dans un post-scriptum significatif, le
Journal officiel publie le fragment qui
suit de l'allocution qu'a prononcée le
président de la République, lors de sa vi-
site au tribunal de commerce. « Le 19
novembre , l'Assemblée nationale m'a
remis le pouvoir pour sept années. Mon
premier devoir est de veiller à l'exécution
de cette décision souveraine. Pendant sept
ans, je saurai faire respecter de tous l'or-
dre de choses légalement établi. »
Il n'en faut donc plus douter, le maré-
chal entend que le septennat dure sept
années. Lisez et instruisez-vous, MM. les
légitimistes, et vous aussi, MM. les bona-
partistes !
Le général Bertrand est décidément li-
vra à ses propres forces par le parti dont
il avait si franchement, c'est-à-dire si peu
habilement arboré le drapeau. Un journal
bonapartiste de Paris — et le journal du
parti d'action — a publié hier encore un
article en faveur de M. Larrieu. Cela ap-
prendra à M. Bertrand, le candidat de l'ap-
pel au peuple, à prendre au mot les arti-
cles plébiscitaires de ses amis et toutes
leurs simagrées de franchise.
Le Reichstag allemand s'occupe, lui aus-
Ii, d'une loi sur la presse, par où il faut
entendre, cela va de soi, une sérié de me-
sures législatives, dirigées contre les jour-
naux qui déplaisent à M. de Bismarck,
c'est-à-dire, comme l'a avancé M. de Molt-
ke, ceux de l'Europe entière. Dans la
séance du 19, plusieurs des articles de la
commission ont été adoptés par la Cham-
bre, parmi lesquels l'article, 17 qui auto-
rise le chancelier de l'empire à interdire
pour deux ans les feuilles étrangères qui
ont subi une double condamnation.
M. Sonnemann a demandé la sup-
pression de cet article, et un des députés
de l'Alsace-Lorraine qui ont cru devoir
Tester à Berlin, M. Guerber, s'est plaint
en particulier de la rigueur dont les jour-
naux français sont l'objet dans les pro-
vinces annexées. Mais ces deux voix
n'ont pas été écoutées.
L'empereur d'Autriche n'a encore pris
aucune décision au sujet de la démission
du cabinet hongrois. Mais un télégramme
nous apprend que M. Bitto, président de
la Chambre des députés, négocie avec les
membres influents du parti déakiste pour
s'assurer de Jeurs dispositions à entrer
dans le cabinet, au cas où il serait chargé
de former un nouveau ministère.
*
Voici le texte de la lettre adres$ée par le pré-
sident de la République à M. le Tiee-président
du conseil, ministre de l'intérieur.
Versailles, 19 mars 1874.
Monsieur le du*,
.Te viens de lire les paroles qt; v.
qî;c --- - -
avez prononcées hier à la tribune de 1 A&
semblée nationale.
Elles sont conformes au langage que
j'ai tenu moi-même à MM. les présidents
du tribunal et de la chambre de commerce
de Paris.
Je leur donne donc mon entière appro-
bation et je vous remercie d'avoir si bien
compris les droits que m'a conférés et les
devoirs que m'impose, pendant sept années,
la confiance de l'Assemblée.
Veuillez agréer, monsièur le duc, la
nouvelle assurance de ma haute considé-
ration.
Le président de la République française,
Maréchal DE MAG-MAHON,
Dac DE MAGENTA.
A la suite de cette lettre, le Journal officiel
reproduit les paroles prononcées au tribunal
de commerce et auxquelles fait allusion M. le
président de la République :
« Le 19 novembre, l'Assemblée natio-
» nale m'a remis le pouvoir pour sept
» ans. Mon premier devoir est de veiller
» à l'exécution de cette décision souve-
» raine. Soyez donc sans inquiétude. Pen-
» dant sept ans je saurai faire respecter
» de tous l'ordre de choses légalement
» établi. »
t
J'y suis, j'y reste !
M. le président de la République a
compris qu'il y avait quelque chose à
dire après M. le duc de Broglie, et il
vient d'écrire une lettre qui l'honore
autant qu'une loyale déclaration a
honoré M. Cazenove de Pradine et tout
le parti royaliste. Nous ne nous arrête-
rons pas. à la forme ; la lettre présiden-
tielle devait forcément contenir un éloge
à l'adresse de M. le vice-président du
conseil, dès l'instant que le maréchal
n'était pas encore décidé à lui signer son
congé ; mais il faut bien reconnaître, ou
que cette lettre ne signifie rien, ou
qu'elle veut suppléer à la réponse que
M. le duc de Broglie aurait dû faire, le
18 mars, à M. Cazenove de Pradine, et
qu'il ne lui à pas faite.
A quel propos M. le maréchal de Mac-
Mahon serait-il sorti de sa réserve habi-
tuelle ? Il n'a pu céder à un désir subit
d'apprendre urbi et orbi que le chef du
cabinet, dans cette occasion comoîe dans
toutes les autres, s'était montré l'inter-
prète fidèle de sa pensée ; il n'a point
obéi à un de ces entraînements du cœur
que les amoureux éprouvent quelquefois
et qui les poussent à faire confidence de
leur amour à tous les vents du ciel. Non;
M. le maréchal de Mae-Mahon a passé
l'âge où ces besoins d'épanchement se
font sentir, et s'il a parlé, c'est qu'il avait
quelque chose à dire.
- Il importe, pour bien comprendre la
gravité de l'acte dont nous parlons,
d'établir nettement la situation et fde
rappeler les circonstances qui l'ont pro-
voqué. M. le duc de Broglie avait à s'ex-
pliquer sur le septennat ; il s'est contenté
de déclarer que les pouvoirs conférés au
maréchal de Mac-Mahon pour sept an-
nées n'étaient point résiliables à volonté.
A quoi un membre de l'extrême droite
a répondu : Nous sommes d'accord;
mais sous cette réserve expresse que
notre droit de constituer reste entier, et
que nous pourrons , quand il nous
plaira, proclamer la monarchie, sauf à
obtenir, par les voies amiables de M. le
président delà République, qu'il cède sa
place au roi de France.
- Et quelle a été l'attitude de M. le vice-
président du conseil devant cette théorie
nouvelle du septennat? Il s'est borné à
dire que l'opinion de M. Cazenove de
Pradine n'était point l'opinion du gou-
vernement ; mais il n'a pas prononcé un
seul mot qui pût être considéré par l'ho-
norable député ou par ses amis de l'ex-
trême droite comme une condamnation
des espérances du parti royaliste, ni sur-
tout comme une protestation contre les
insinuations contenues dans le manifeste
royaliste.
C'est cette protestation que le maré-
chal a cru devoir faire entendre, autant
pour mettre à l'abri de tout commen-
taire désobligeant son honneur trop mol-
lement protégé par M. le vice-président
du conseil, que pour décourager ceux
qu'un premier succès aurait pu ren-
dre à l'avenir plus entreprenants, plus
audacieux, et, pour tout dire, moins pla-
toniquement rebelles à la loi du 19 no-
vembre. v*
On pourra interpréter autrement la let-
tre du maréchal et n'y voir qu'une simple
politesse à M. de Broglie, en même temps
qu'une confirmation de ses paroles. Mais
on ne parviendra point à en altérer le
sens réel aux yeux de quiconque n'a pas
d'intérêt à dissimuler la vérité. D'ailleurs,
ce n'est plus un secret pour personne
que les termes mêmes de sa lettre ont
été délibérés en conseil, et que les deux
membres de l'extrême droite qui font
partie du ministère ont vivement com-
battu la résolution du maréchal. Pour-
quoi, si ce n'est que le langage ambigu,
les réticences calculées de M. le vice-
président du conseil avaient laissé à leurs
amis toute liberté d'action et de vote,
tandis que la lettre du président de la
République, en repoussant, ou, pour
mieux dire, en condamnant d'une façon
catégorique les réserves exprimées par
le groupe royaliste, ruine du même coup,
au moins pour sept ans, les espérances
monarchistes, et rend impossible le
maintien du cabinet actuel ?
Si M, le duc de Broglie avait répondu
à M. Gazenove de Pradine : Vous vous
;^mpez, J® warecnal ne connaît que la
loi * la -loi M aoufr,y'c r de pouvoir,
loi ; la LOI ..- At ll' a iigg0 - î~pgp ~P, -
il la rospectera et saur .a fU' f¡'
tM nous repoussons donc, en son
nom , tous les compromis auxquels
vous osez dire que le président de
la République pourra prêter les mains
un jour ou l'autre ; si M. le due de
Broglie avait tenu ce langage, il n'y au-
rait plus de ministère depuis quarante-
huit heures, car toute l'extrême droite,
sans exception, eût voté contre lui.
A cet égard, il n'y a point de doute
possible; il suffit de lire les réflexions
que suggère la lettre du maréchal aux
organes royalistes. Et, cette fois, on ne
saurait nous objecter que l'Union et l'U-
nivers ne représentent que quelques
membres épars de l'extrême droite, car
la retraite probable, et déjà même an-
noncée, des deux ministres royalistes,
MM. de Larcy et Depeyre, sont un signe
incontestable que, dans cette circons-
tance, du moins, le groupe tout entier
porte un jugement identique sur la si-
tuation.
Il est évident, dit l'Union, que la lettre du
maréchal de Mac-Mahon a été inspirée par le
désir de suppléer aux prétéritions de M. le
vice-président du conseil ; elle est, dans la pen-
sée de M. de Broglie, la réfutation qu'il n'a
point osé opposer à la déclaration formulée par
M. de Cazenove, et appuyée par MM. de La
Rochette et de Carayon-Latour, au nom de leurs
amis.
Là est la témérité de M. le ministre de l'in-
térieur, car, si la lettre du maréchal devait
avoir cette pertée, il faudrait regretter d'avoir
maintenu M. de Broglie au pouvoir, et ces re-
grets devraient prochainement se traduire par
des actes.
Et plus loin, revenant sur la séance
du 18 mars, Y Union dit encore :
L'acte avait un caractère individuel, mais il
est devenu collectif dans son développement et
ses conséquences. M. le vice-président du con-
seil a pu dire que la parole de M. Cazenove de
Pradine n'engageait pas le gouvernement ; c'é-
tait tout simple. Mais M. le duc de Broglie n'a
rien pu dire de plus ; s'il avait déclaré que le
septennat excluait toute liberté d'action et d'es-
pérance monarchique, il aurait succombé; et
c'est à ce prix qu'il a rallié les 90 voix de
l'extrême droite et d'autres encore.
L'Univers .dit, de son côté :
La petite lettre de M. le maréchal de Mac-
Mahon et l'annexe dont M. le duc de Broglie a
pris soin de l'enrichir déterminent très-bien la
situation. C'est la condamnation indirecte et
courtoise, mais très-nette, des espérances ex-
primées par M. Cazenove de Pradine.
Bref, M. le maréchal de Mac-Mahon répète
son mot de Malakoff : « J'y suis, j'y reste ! »
Et les royalistes qui ont voté le septennat peu-
vent voir maintenant qu'ils ont légalement
écarté le roi pour sept ans, tout au moins. -
On le voit, il a suffi à M. le prési-
dent de la République de quelques li-
gnes bien nettes, bien franches, pour
renverser tout l'échafaudage d'équivo-
ques laborieusement élevé dans vingt
discours pap M. le duc de Broglie.
Désormais chacun sait à quoi s'en
tenir, et le temps est proche où l'on
pourra, honnêtement, aborder la dis-
cussion des lois constitutives du septen-
nat. Toutefois il reste encore quelque
chose- à faire, et puisque M. le ma-
réchal de Mac-Mahon est en si bon
chemin, il comprendra bientôt, nous
l'espérons, qu'il doit aller jusqu'au bout.
Il ne faut pas qu'il soit mis de nouveau
dans l'obligation de suppléer, par lettre,
« aux prétéritions» dont M. le vice-prési-
dent du conseil ne manquerait pas de
faire usage aux cours des débats sur les
lois constitutionnelles ; et pour cela nous
ne voyons qu'tin moyen : c'est de re-
mettre en des mains plus sûres, la direc-
tion du cabinet.
Alors, mais alors seulement, M. le
maréchal pourra dire, en toute sécurité :
j'y suis, j'y reste.
E. SciINERB.
—♦ —————————
COURRIER PARLEMENTAIRE
Versailles, 20 mars 4874.
La lettre de M. le maréchal de M-
Mahon produit le meilleur effet à Ver-
sailles; le centre droit semble ravi, la
droite enchantée, l'extrême droite satis-
faite, le parti républicain pas autrement
mécontent, — et M. le duc de Broglie
transporté. En présence d'un si heureux
résultai, M. le président de la République
devrait bien renoncer à être si avare de sa
prose. Une si unanime satisfaction pour
quelques lignes 1 Avec quels transports des
explications plus détaillées ne seraient-
elles pas accueillies !
Il est vrai qu en face de cette béatitude
générale, et en particulier de la félicité de
M. le duc de Broglie, la logique suggère
au simple électeur de bien étranges raison-
nements,.entre autres le suivant : Si M.
le vice-président du conseil est content,
c'est que son langage a été approuvé par
M. le président de la République; mais
si M. le maréchal a éprouvé le besoin de
parler comme M. le duc de, Broglie, c'est
peut-être que M. le duc de Broglie n'avait
pas assez parlé comme M. le maréchal.
et, dans ce cas, M. le vice-président du
conseil n'a aucune raison de se pavaner
de la lettre approbative qui rectifie sa
conduite. — On pourrait se faire de la
sorte une foule de raisonnements ; mais,
pour cela, il faudrait admettre que l'é-
quivoque se glissât même dans l'expression
4e la joie.
Par compensation, la séance a eu le don
de présenter le résultat inverse à celui
fourni par la lettre : personne n'était con-
tent.
, Deux amendements (l'un de M. Delpit,
l'autre de M. Vandler) demandaient que
l'Assemblée allouât, sur le compte de li-
quidation, vingt millions au lieu de dix
au crédit de la Marine,,? ^ou* avouom
sincèrement que, malgré la haute estime
que nous faisons de la Marine, la préten-
tion nous paraissait excessive : cette of-
frande de dix millions de plus à la Ma-
rine, quand le budget boîte déjà de trente
millions, nous faisait l'effet d'une largesse
de Gascon. Pendant deux bonnes heures
cependant nous avons cru être dans le
faux.
Tout ce qui tient à la flotte prend la
parole.
M. Vandier, officier de marine, M.
Farcy, capitaine de frégate, l'amiral Jau-
rès, l'amiral la Roncière le Noury, l'ami-
ral Fourichon, l'amiral Pothuau, se suc-
cèdent à la tribune. Quadrille d'amiraux ;
il ne manque à la fête que M. le ministre
de la marine, qui se tient coi. Et tous par-
lent dans le même sens : donnez vingt
millions à la marine, qui en a besoin, ab-
solument besoin.
Et plusieurs d'entre eux produisent une
grande impression sur l'auditoire, entre
autres l'amiral Jaurès, avec son appel aux
souvenirs patriotiques, et l'amiral Fouri-
chon, avec son petit médaillon historique
sur la marine. L'Assemblée se laisse en-
traîner par le sentiment, c'est clair. Et il
n'y a que M. Lefébure, le sous-secrétaire
d'Etat aux finances, pour la ramener sur
la reute du devoir.
M. Lefébure tente de louables efforts,
mais il est bien jeune. C'est fini, le vote
va avoir lieu. La salle est subjuguée par
les marins, de grands enjôleurs. Le Trésor
est battu, nous n'en voulons pour preuve
que l'agitation de la salle. Comme les gens
que poursuit une crainte, la Chambre fait
toujours du bruit quand elle a besoin de
s'enhardir.
Le tumulte est assez grand pour empê-
cher M. le président de procéder immé-
diatement au vote. Heureuse eoïnoidence !
M. Langlois saute à la tribune. Il fut of-
ficier de marine, mais il est membre de
la commission du budget. S'emparant du
texte de l'amendement Delpit, il montra à
la Chambre ce qu'elle va faire — une folie
budgétaire — et provoque de la part du
ministre, de la marine une explication
qu'il lui souffle, presque d'avance.
Connaissez vous M. l'amiral Dompierre
d'Hornoy ? Si vous ne le connaissez pas,
toute peinture est inutile; il faudrait être
Manet, le peintre extra-réaliste, pour es-
quisser cette silhouette.
Sachez simplement que M. l'amiral Dom-
pierre d'Hornoy, qui doit être un excel-
lent homme et sans doute un excellent
marin, est orateur à peu près comme une
pièce de 4. Quand il parle, il parle à inter-
valles inégaux, faisant « Boum, boum, »
et lançant des arguments à peu près dans
le sens indiqué. Mais il faut avoir eu le
soin de le pointer d'avance !
Or, M. Langlois l'a pointé avec précipi-
tation ;M.le ministre fait « boum, boum, »
et, au milieu de ce roulis parlementaire,
les projectiles vont se loger dans la coque
du ministère : « Donnez le plus possible
à la Marine, s'écrie-t-il ; quant au mi-
nistre des finances, il fera ce qu'il pour-
ra. »
Hein! que vous semble de cette solida-
rité ministérielle? A gauche, les rires
éclatent ; au banc des ministres, M. De-
peyre a des soubresauts nerveux, et M.
Decazes s'arrache sa calvitie. Quant à
M. Magne, il est heureusement malade :
il serait mort du coup!
Lorsque M. le ministre de la marine re-
gagne sa place, il semble attérré de la stu-
péfaction qu'il vient de causer à ses collè.
giies.
Mais la commission du budget a eu le
temps de reprendre ses esprits ; M. Gouin
opère une diversion, et M. Deseilligny sent
qu'il faut sauver son futur portefeuille.
Nos plus sincères compliments, cette
fois, à M. Deseilligny; il a retrouvé, en
cette circonstance suprême, sa fine bon-
homie d'autrefois. Avec un aplomb qui a
un air d'innoeenee, M. le ministre de
l'agriculture et du commerce, qui défend
la question budgétaire, s'écrie : « M. le
ministre de la marine vous a dit ceci ; il
vous a dit aussi cela. » M. le ministre
de la marine @ n'a pas plus dit cela que
ceci; mais, n'importe, les erreurs minis-
térielles sont redressées, le tour est joué
et bien joué! Un simple civil vient de
repêcher un amiral qui se noie, et qui noie
avec lui tout un banc ministériel.
Rien que la façon dont la manœuvre
est exécutée vaudrait un triomphe ; mais
le fond même de la cruestion justifie le
succès. Aussi ne sommes-nous nullement
étonné, de voir, malgré l'entraînement
momentané qu'a subi la Chambre, 438
voix contre 187 repousser les amende-
ments.
On nous assure que, si M. le duc de
Broglie venait- jamais à tomber malade,
M. le ministre de la marine pourrait bien
être ehargé de porter à la tribune toute
déclaration relative au septennat. Eh
bien, quoi ! M. le maréchal de Mae-Mahon
en serait quitte pour envoyer, le lende-
main, une petite lettre au Journal officiel.
PAUL LAFüGa.
———————— ♦ ————————
Les journaux de l'ordre moral sont en
liesse. Le communard Vermersch a décla-
mé des vers dans un meeting de Londres,
et ces vars sont aussi infâmes qu'on avait
lien, de l'espérer. On en pourra juger par
cet échantillon, que j'emprunte àunefeuille
monarchiste :
Tout est fini. Voici la semaine sanglante,
Et l'insurrection, épuisée et râlante,
Achève de mourir sur ses derniers pavés. v
Versailio enfin respire ; et, les deux bras levés
Au cial, pour le bénir de l'émeute vaincue
Le Sénat aux soudards hurle bravement : Tue 1
lissent là de nouveau, tous les hommes de Juin:
Dufaure, Dahirel, Larochejacquelein,
Buffet. Grévy, Schœlcher, Arago, Saint-Hilaire,
Martin Bernard le traître et Favre le faussaire,
Garnier-Pagès, Larcy, Corne, Duprat, Bethmont,
Carnot, Crémieux, Qainet, Louis Blanc et Simon,.
Tous ces voleurs, tous ces menteurs, tous ces
, 1 Tartuffes,
Héros du chambertin et du filet aux truffes,
Qui semblent tout le jour prêts à s'exterminer,
Et n'ont plus d'ennemis à l'hr du dîner 1
Une simple observation. Les gens de
bien qui reproduisent ce chef-d'œuvre ne
manqueront pas de nous dire demain,
comme hier et comme tous les jou^
'-F:. - ¿,;.;\,.;! ..-..,.,.c.f:" -'k;' < - 9
qu'il y a identité entre le parti républi-
cain et les fous furieux de la Commune.
Il serait superflu de leur faire observer que
nos amis MM. Grévy, Schœlcher, Arago,
Saint-Hilaire, Jules Favre, Garnier-Pagès,
Duprat, Bethmont, Carnot, Crémieux, Ju-
les Simon, etc., sont insultés par Ver-
mersch à peu près dans le même style
que par M. Beslay (le fils).
A.
.—————— ———————
LES CONSEILS MUNICIPAUX
M. de Marcère vient d'être thoisi pour
rapporteur par la commission chargée
d'examiner le projet de loi de M. de
Broglie sur la prorogation, du mandat
des conseils municipaux. Nous n'avons
pas. besoin de rappeler que leurs pouvoirs
expirent le 30 avril et que M* de Bro-
glie propose cependant à l'Assemblée
de les maintenir en fonctions jusqu'au
1er janvier prochain, sous prétexte que
la nouvelle loi municipale organique ne
peut être prête avant la fin de 1874.
Cette intervention de l'Assemblée,
qui se substituerait aux dix millions de
commettants des conseils municipaux
actuels, équivaudrait à la négation pure
et simple des principes mêmes du droit
électoral. Le mandat des conseils muni-
cipaux a été conféré, pour une période
dé temps définie, par les électeurs ; il ne
peut être prolongé ni renouvelé par
l'Assemblée nationale. Au reste, on n'a
pas oublié sans doute tout ce qui a été
dit là-dessus, non-seulement dans ce
journal, mais dans les bureaux et dans
la commission de l'Assemblée, où les
commissaires opposants se trouvent en
majorité. Hier encore, on a pu lire le
discours si probant de M. Marc Dufraisse.
A toutes les objections, qu'a répondu M.
le vice-président du conseil ? Rien, sinon
« qu'il voulait sa loi. » Entendu par la
commission, il a déclaré, en quelques
paroles tranchantes, qu'il maintenait son
projet et ne ferait point de concession.
Le rôle de la commission paraît donc
désormais bien simple. Il ne lui reste à
proposer que le rejet du projet de loi de
M. de Broglie, et ce sera évidemment la
conclusion du rapport de M. de Marcère.
Il n'en peut avoir d'autre. QuaDt aux
conséquences du rejet, nous ne voyons
pas qu'il y ait lieu de s'en préoccuper.
La proposition de Broglie étant écartée,
le renouvellement des conseils munici-
paux devra s'opérer dans le délai légal,
c'est-à-dire avant le 30 avril.
Comment les élections se feront-
elles ?
Comme l'Assemblée voudra.
Rien n'empêche d'y procéder dans les
conditions déterminées par la loi de
1871, ce qui n'offrirait pas d'autre in-
convénient que de contrarier M. le duc
de Broglie.
Rien n'empêche non plus, -si la majo-
rité trouve décidément que la loi de 1871
est trop libérale, de discuter et de voter
avant le 15 avril prochain la loi organi-
que nouvelle. C'est dans les derniers
jours de mars que la loi de 1871 fut dé-
posée par le gouvernement ; la commis-
sion fut nommée aussitôt, elle travailla
sans désemparer, et la loi fut votée le
14 avril. Or, nous ne sommes, à. présent,
qu'au 21 mars; le projet de loi organi-
que a été déposé, avec le rapport de la
commission, par M. de Chabrol ; il n'y a
plus qu'à en commencer la discussion
quand on voudra, et l'Assemblée, après
trois ans d'études, doit être bien plus en
état de débattre promptement ces ques-
tions qu'en 1871. Si elle y met du bon
vouloir, elle peut achever ce travail en
une semaine, et le gouvernement peut
convoquer les électeurs dans miinzA
jours. - -1 ---- -
L'Assemblée est donc libre de voter
ou de ne pas voter la loi organique
avant que les électeurs soient con-
voqués pour le renouvellement des
conseils. Mais ce qui devrait être mis,
dès à présent, hors de conteste, c'est
que, le mandat des conseils munici-
paux expirant le 30 avril, les élections
municipales ne peuvent pas être recu-
lées au-delà, et que nul pouvoir au
monde n'a qualité pour renouveler ou
prolonger, en faveur des conseils actuels,
un mandat que les seuls électeurs sont
aptes à leur conférer.
Voilà ce que dira bientôt, sans doute,
le rapport de l'honorable M. de Mareère,
et nous espérons que l'Assemblée ne
permettra, pas qu'o'n embrouille une
question de principes et de droit public
qui est plus claire que le jour. La loi
du 14 avril 1871 dit : « Les conseils
» municipaux nommés resteront PU
» fonctions jusqu'à la promulgation de
» la loi organique; néanmoins, la durée de
Il ces fonctions ne pourra excéder trois
» ans. » il n'y a que M. Anisson-Duper-
ron pour prétendre que ce terme de trois
ans et ce néanmoins sont élastiques, et
que « l'illégalité » consisterait à renou-
veler les conseils municipaux en temps
voulu ! Il faut supposer que M. Anisson-
Duperron, par ce paradoxe, a voulu con-
querir une célébrité. Qu'il n'y compte
pas trop ; dans notre pays on lm as-
surément les paradoxes, mais on oublie
vite, et l'éclat des plus Óblouissant èst
bien fugitf,
Quant à la question de cabinet, elle ne
sera posée que si le cabinet la pose.
Comme les membres de la majorité de
la commission l'ont très-bien dit dans
une précédente séance, ils cece.
autre chose qu'une occasion d'escarmou-
cher contre M. de Broglie. C'est sur un
autre terrain qu'ils se placent; et l'esprit
de parti n'a rien à voir dans une ques-
tion de droit public. Si le ministère dit :
Je veux que vous déclariez que le blane
est noir, ou je me retire, — il ne fera
qu'un acte de mauvais goût. Mais nous
pouvons être assurés qu'il ne commettra
pas cet acte même; malgré ses 370 voix
de l'autre jour, il sait trop bien que le
temps n'est pas favorable aux ultimltum"
EUG, LlÉBDT.
La 26" commission d'initiative parlementaire
a examiné hier le projet de loi - des députés de
la Côte-d'Or, relatif à la levée de l'état de siége
dans ce département.
M. dg Mortemart s'est prononcé pour la prise
en considération. Plusieurs membres de la ma-
jorité ont pensé qu'il était nécessaire d'entendre
le gouvernement. Cette proposition a été adop-
tée.
La commission relative à la promulgation au
Journal officiel et au Bulletin des Lois des dé-
crets ou arrêtés du pouvoir exécutif a entendu
hier l'auteur de la proposition, M. Hervé de
Saisy. Celui-ci a fait l'énumératioll des décrets
qu'il a voulu atteindra. Il s'est longuement
étendu sur ceux qui sont relatifs à 1 état de
siège.
Un membre de la minorité, qui fait partie de la
droite, a déclaré qu'il était impossible de faire une
enquête à ce sujet sans entendre le gouvernement.
M. Mazeau, au nom de la majorité, a répondu
que tout le monde était d'accord pour recevoir
les explications des ministres.
M. Durangel a été ensuite introduit. Plu*
sieurs questions lui ont été posées sur les dé-
crets non promulgués. Il a reconnu qu'il y en
avait beaucoup. Sur la demande de plusieurs
membres, il a promis de faire un relevé com-
plet de tous les décrets qui sont appliqués irré-
gulièrement et de l'adresser prochainement à la
commission.
Nous avions annoncé par erreur que les élec-
teurs du Rhône seraient convoqùés pour nom-
mer un député, en remplacement de M. Ranc.
Le comité consultatif de la gauche avait exa-
miné le cas du député du Rhône, et avait re-
connu que le gouvernement ne pouvait convo-
quer le collége électoral tant que l'Assemblée
n aurait pas prononcé la déchéance de M.
Ranc. -
Le centre gauche s'est réuni hier sous la pré-
sidence de M. de Maleville.
On a examiné la loi sur la prorogation des
conseils municipaux. Le contre gauche, à l'una-
nimité, a décidé qu'il voterait contre cette lei..
M. de Broglie et M. l'amiral Dompierre d'Hor-
noy ont exposé devant la commission des
Trente leur sentimeat sur la représentation
aux côlenies.
Ils trouvent inutile de donner des représen-
tants à nos colons. Ils font cependant une ex-
ception pour 1 Algérie.
Sur la proposition de M. Dufaure, une sous-à
commission composée de MM. Daru, Talion,
de Lacombe, Dufaure et Kerdrel, a été nom-
mée pour préparer une loi spéciale sur la re-
présentation des colonies et de l'Algérie.
Le rapport de M. Batbie sera lu aujourd'hui
on pense qu'il pourra être déposé immédiate-
ment sur le bureau de l'Assemblée.
M. Ganivet a déposé, hier, à l'Assemblée, une
proposition teDdant à proroger l'Assemblée da
28 mars au 4 mai, -
L'urgenoe a éi~,déclarée; les bureaux se réu-
nissent aujo*jrd hui pour nommer la commis-
SIon.
-..
TROP DE ZÈLE
A M. le due de Broglie, premier ministre;
Monsieur le duc,
Permettez-moi de vous adresser une
humble requête. C'est une grâce que je
veux vous demander. Vous imaginez
bien qu'il ne s'agit pas de la nôtre. Le
journal a été frappé par vous; je ne di-
rai pas que nous en sommes bien ai-
ses; ce serait aller un peu loin; mais les
rigueurs dont vous nous avez honorés
ont leurs compensations, que nous ne
goûtons pas sans une certaine fierté.
Nous en avons donc pris notre parti-
nous savons qu'elles n'auront d'autre
terme que celui de votre ministère. Nous
attendrons.
v
Vous vous rappelez le mot d'une maî-
tresse de Louis XV à un grand seigneur
qui lui faisait une cour un peu vive -
- Moi 1 s'écria-t-elle, je céderais à
toute la cour avant de vous céder, à
vous.
- J attendrai ! répondit-il galamment.
L'espérance est un dernier bien que vous
ne sauriez nous enlever. Je me plais même
à reconnaître, monsieur le duc, que vous
faites de votre mieux pour accroître et
fortifier, la nôtre.
Mais encore un coup, ce n'est point
pour vous parler de notre journal que
j'ai pris la plume. Je ne veux aujour-
d hm que signaler à votre esprit de jus-
tice un acte d'iniquité et de sottise tout
à la fois, commis en votre nom par vos
agents, et dont vous portez, sans en rien
savoir, la responsabilité par devant le
public.
Bien des gens me détournaient du
dessein que j'avais formé de vous écrira
a ce sujet.
- k quoi bon ? ma disaient-ils. Quel
poids voulez-vous qu'ait près d'un mi-
nistre la recommandation d'un adver-
saire?
Et moi je répondais que l'on pouvait
combattre la politique d'un ministre sans
être son ennemi personnel; que j'avais
eu, MOI personnellement, l'honneur dé
cenierencier, dans votre pays, sous vo-
tre patronage, à une époque où une otw
position commune reunissait tous les
gens de cœur dans une même haine
oOuUe te tyrannie de l'ompira vieil-
PRIX DU NUMÉRO : PARIS 15 CENTIMES - DÉPARTEMENTS : 20 CENTIMES.
Dimanche 22 Mars 4874;
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
"adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
38* rue Drouot, 9
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus
ABONNEMENTS
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Un an .6£064.61. 6* 3
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C
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- Pendant mtrte temps que durera
tïnterdiction, le XIXe SIECLE ac-
ceptera des abonnements à la se-
maine au prix de :
1 fr. pour Paris;
4 ir. 25 c. pour les Départements.
Nous venons de prendre une
mesure qui évitera tout dérange-
ment à nos abonnés à la semaine
(de Paris). Chaque personne qui
désirera recevoir à domicile le
XIXe SIÈCLE, pendant toute la durée
de l'interdiction de la vente sur la
voie publique, pourra nous en
avertir partune simple carte pos-
tale, et nous ferons toucher chaque
semaine, par un service spécial de
receveurs, chez leur concierge, la
somme de 1 franc, prix de leur
souscription.
Nous commencerons avant la fin
du mois de Mars la publication des
SOUVENIRS
9
DU
QUATRE SEPTEMBRE
PAR
M. JULES SIMON
JOURNÉE POLITIQUE
Paris, 20 mars 4874.
Le Journal officiel a publié hier matin
une lettre, assez attendue du monde poli-
tique, adressée par M. le maréchal de
Mac-Mahon au vice-président du conseil
des ministres. Le président de la Répu-
blique y félicite, un peu ironiquement,
peut-être, M. de Broglie d'avoir si «bien
compris les droits que lui a conférés et les
devoirs que lui impose, pendant sept an-
nées, la confiance de lAssemblée. » Mais
le but du maréchal, en cette occurrence,
n'est évidemment pas de louer la harangue
du ministre, qui pousse l'intelligence jus-
qu'à comprendre le gouvernement qu'il
s'est chargé de servir ; le dessein princi-
pal de la lettre présidentielle est d'annon-
cer clairement « au pays ce que M. de
Broglie concoit si bien. » Pour plus de
clarté, voici'le tour qu'a imaginé M. le
maréchal. Il déclare, dans un paragraphe
de sa lettre, que les paroles prononcées
l'autre jour par M. de Broglie - sont con-
formes « au langage qu'il a lui même tenu
à MM. les présidents du tribunal et de
la ehambre de commerce de Paris » ;
et dans un post-scriptum significatif, le
Journal officiel publie le fragment qui
suit de l'allocution qu'a prononcée le
président de la République, lors de sa vi-
site au tribunal de commerce. « Le 19
novembre , l'Assemblée nationale m'a
remis le pouvoir pour sept années. Mon
premier devoir est de veiller à l'exécution
de cette décision souveraine. Pendant sept
ans, je saurai faire respecter de tous l'or-
dre de choses légalement établi. »
Il n'en faut donc plus douter, le maré-
chal entend que le septennat dure sept
années. Lisez et instruisez-vous, MM. les
légitimistes, et vous aussi, MM. les bona-
partistes !
Le général Bertrand est décidément li-
vra à ses propres forces par le parti dont
il avait si franchement, c'est-à-dire si peu
habilement arboré le drapeau. Un journal
bonapartiste de Paris — et le journal du
parti d'action — a publié hier encore un
article en faveur de M. Larrieu. Cela ap-
prendra à M. Bertrand, le candidat de l'ap-
pel au peuple, à prendre au mot les arti-
cles plébiscitaires de ses amis et toutes
leurs simagrées de franchise.
Le Reichstag allemand s'occupe, lui aus-
Ii, d'une loi sur la presse, par où il faut
entendre, cela va de soi, une sérié de me-
sures législatives, dirigées contre les jour-
naux qui déplaisent à M. de Bismarck,
c'est-à-dire, comme l'a avancé M. de Molt-
ke, ceux de l'Europe entière. Dans la
séance du 19, plusieurs des articles de la
commission ont été adoptés par la Cham-
bre, parmi lesquels l'article, 17 qui auto-
rise le chancelier de l'empire à interdire
pour deux ans les feuilles étrangères qui
ont subi une double condamnation.
M. Sonnemann a demandé la sup-
pression de cet article, et un des députés
de l'Alsace-Lorraine qui ont cru devoir
Tester à Berlin, M. Guerber, s'est plaint
en particulier de la rigueur dont les jour-
naux français sont l'objet dans les pro-
vinces annexées. Mais ces deux voix
n'ont pas été écoutées.
L'empereur d'Autriche n'a encore pris
aucune décision au sujet de la démission
du cabinet hongrois. Mais un télégramme
nous apprend que M. Bitto, président de
la Chambre des députés, négocie avec les
membres influents du parti déakiste pour
s'assurer de Jeurs dispositions à entrer
dans le cabinet, au cas où il serait chargé
de former un nouveau ministère.
*
Voici le texte de la lettre adres$ée par le pré-
sident de la République à M. le Tiee-président
du conseil, ministre de l'intérieur.
Versailles, 19 mars 1874.
Monsieur le du*,
.Te viens de lire les paroles qt; v.
qî;c --- - -
avez prononcées hier à la tribune de 1 A&
semblée nationale.
Elles sont conformes au langage que
j'ai tenu moi-même à MM. les présidents
du tribunal et de la chambre de commerce
de Paris.
Je leur donne donc mon entière appro-
bation et je vous remercie d'avoir si bien
compris les droits que m'a conférés et les
devoirs que m'impose, pendant sept années,
la confiance de l'Assemblée.
Veuillez agréer, monsièur le duc, la
nouvelle assurance de ma haute considé-
ration.
Le président de la République française,
Maréchal DE MAG-MAHON,
Dac DE MAGENTA.
A la suite de cette lettre, le Journal officiel
reproduit les paroles prononcées au tribunal
de commerce et auxquelles fait allusion M. le
président de la République :
« Le 19 novembre, l'Assemblée natio-
» nale m'a remis le pouvoir pour sept
» ans. Mon premier devoir est de veiller
» à l'exécution de cette décision souve-
» raine. Soyez donc sans inquiétude. Pen-
» dant sept ans je saurai faire respecter
» de tous l'ordre de choses légalement
» établi. »
t
J'y suis, j'y reste !
M. le président de la République a
compris qu'il y avait quelque chose à
dire après M. le duc de Broglie, et il
vient d'écrire une lettre qui l'honore
autant qu'une loyale déclaration a
honoré M. Cazenove de Pradine et tout
le parti royaliste. Nous ne nous arrête-
rons pas. à la forme ; la lettre présiden-
tielle devait forcément contenir un éloge
à l'adresse de M. le vice-président du
conseil, dès l'instant que le maréchal
n'était pas encore décidé à lui signer son
congé ; mais il faut bien reconnaître, ou
que cette lettre ne signifie rien, ou
qu'elle veut suppléer à la réponse que
M. le duc de Broglie aurait dû faire, le
18 mars, à M. Cazenove de Pradine, et
qu'il ne lui à pas faite.
A quel propos M. le maréchal de Mac-
Mahon serait-il sorti de sa réserve habi-
tuelle ? Il n'a pu céder à un désir subit
d'apprendre urbi et orbi que le chef du
cabinet, dans cette occasion comoîe dans
toutes les autres, s'était montré l'inter-
prète fidèle de sa pensée ; il n'a point
obéi à un de ces entraînements du cœur
que les amoureux éprouvent quelquefois
et qui les poussent à faire confidence de
leur amour à tous les vents du ciel. Non;
M. le maréchal de Mae-Mahon a passé
l'âge où ces besoins d'épanchement se
font sentir, et s'il a parlé, c'est qu'il avait
quelque chose à dire.
- Il importe, pour bien comprendre la
gravité de l'acte dont nous parlons,
d'établir nettement la situation et fde
rappeler les circonstances qui l'ont pro-
voqué. M. le duc de Broglie avait à s'ex-
pliquer sur le septennat ; il s'est contenté
de déclarer que les pouvoirs conférés au
maréchal de Mac-Mahon pour sept an-
nées n'étaient point résiliables à volonté.
A quoi un membre de l'extrême droite
a répondu : Nous sommes d'accord;
mais sous cette réserve expresse que
notre droit de constituer reste entier, et
que nous pourrons , quand il nous
plaira, proclamer la monarchie, sauf à
obtenir, par les voies amiables de M. le
président delà République, qu'il cède sa
place au roi de France.
- Et quelle a été l'attitude de M. le vice-
président du conseil devant cette théorie
nouvelle du septennat? Il s'est borné à
dire que l'opinion de M. Cazenove de
Pradine n'était point l'opinion du gou-
vernement ; mais il n'a pas prononcé un
seul mot qui pût être considéré par l'ho-
norable député ou par ses amis de l'ex-
trême droite comme une condamnation
des espérances du parti royaliste, ni sur-
tout comme une protestation contre les
insinuations contenues dans le manifeste
royaliste.
C'est cette protestation que le maré-
chal a cru devoir faire entendre, autant
pour mettre à l'abri de tout commen-
taire désobligeant son honneur trop mol-
lement protégé par M. le vice-président
du conseil, que pour décourager ceux
qu'un premier succès aurait pu ren-
dre à l'avenir plus entreprenants, plus
audacieux, et, pour tout dire, moins pla-
toniquement rebelles à la loi du 19 no-
vembre. v*
On pourra interpréter autrement la let-
tre du maréchal et n'y voir qu'une simple
politesse à M. de Broglie, en même temps
qu'une confirmation de ses paroles. Mais
on ne parviendra point à en altérer le
sens réel aux yeux de quiconque n'a pas
d'intérêt à dissimuler la vérité. D'ailleurs,
ce n'est plus un secret pour personne
que les termes mêmes de sa lettre ont
été délibérés en conseil, et que les deux
membres de l'extrême droite qui font
partie du ministère ont vivement com-
battu la résolution du maréchal. Pour-
quoi, si ce n'est que le langage ambigu,
les réticences calculées de M. le vice-
président du conseil avaient laissé à leurs
amis toute liberté d'action et de vote,
tandis que la lettre du président de la
République, en repoussant, ou, pour
mieux dire, en condamnant d'une façon
catégorique les réserves exprimées par
le groupe royaliste, ruine du même coup,
au moins pour sept ans, les espérances
monarchistes, et rend impossible le
maintien du cabinet actuel ?
Si M, le duc de Broglie avait répondu
à M. Gazenove de Pradine : Vous vous
;^mpez, J® warecnal ne connaît que la
loi * la -loi M aoufr,y'c r de pouvoir,
loi ; la LOI ..- At ll' a iigg0 - î~pgp ~P, -
il la rospectera et saur .a fU' f¡'
tM nous repoussons donc, en son
nom , tous les compromis auxquels
vous osez dire que le président de
la République pourra prêter les mains
un jour ou l'autre ; si M. le due de
Broglie avait tenu ce langage, il n'y au-
rait plus de ministère depuis quarante-
huit heures, car toute l'extrême droite,
sans exception, eût voté contre lui.
A cet égard, il n'y a point de doute
possible; il suffit de lire les réflexions
que suggère la lettre du maréchal aux
organes royalistes. Et, cette fois, on ne
saurait nous objecter que l'Union et l'U-
nivers ne représentent que quelques
membres épars de l'extrême droite, car
la retraite probable, et déjà même an-
noncée, des deux ministres royalistes,
MM. de Larcy et Depeyre, sont un signe
incontestable que, dans cette circons-
tance, du moins, le groupe tout entier
porte un jugement identique sur la si-
tuation.
Il est évident, dit l'Union, que la lettre du
maréchal de Mac-Mahon a été inspirée par le
désir de suppléer aux prétéritions de M. le
vice-président du conseil ; elle est, dans la pen-
sée de M. de Broglie, la réfutation qu'il n'a
point osé opposer à la déclaration formulée par
M. de Cazenove, et appuyée par MM. de La
Rochette et de Carayon-Latour, au nom de leurs
amis.
Là est la témérité de M. le ministre de l'in-
térieur, car, si la lettre du maréchal devait
avoir cette pertée, il faudrait regretter d'avoir
maintenu M. de Broglie au pouvoir, et ces re-
grets devraient prochainement se traduire par
des actes.
Et plus loin, revenant sur la séance
du 18 mars, Y Union dit encore :
L'acte avait un caractère individuel, mais il
est devenu collectif dans son développement et
ses conséquences. M. le vice-président du con-
seil a pu dire que la parole de M. Cazenove de
Pradine n'engageait pas le gouvernement ; c'é-
tait tout simple. Mais M. le duc de Broglie n'a
rien pu dire de plus ; s'il avait déclaré que le
septennat excluait toute liberté d'action et d'es-
pérance monarchique, il aurait succombé; et
c'est à ce prix qu'il a rallié les 90 voix de
l'extrême droite et d'autres encore.
L'Univers .dit, de son côté :
La petite lettre de M. le maréchal de Mac-
Mahon et l'annexe dont M. le duc de Broglie a
pris soin de l'enrichir déterminent très-bien la
situation. C'est la condamnation indirecte et
courtoise, mais très-nette, des espérances ex-
primées par M. Cazenove de Pradine.
Bref, M. le maréchal de Mac-Mahon répète
son mot de Malakoff : « J'y suis, j'y reste ! »
Et les royalistes qui ont voté le septennat peu-
vent voir maintenant qu'ils ont légalement
écarté le roi pour sept ans, tout au moins. -
On le voit, il a suffi à M. le prési-
dent de la République de quelques li-
gnes bien nettes, bien franches, pour
renverser tout l'échafaudage d'équivo-
ques laborieusement élevé dans vingt
discours pap M. le duc de Broglie.
Désormais chacun sait à quoi s'en
tenir, et le temps est proche où l'on
pourra, honnêtement, aborder la dis-
cussion des lois constitutives du septen-
nat. Toutefois il reste encore quelque
chose- à faire, et puisque M. le ma-
réchal de Mac-Mahon est en si bon
chemin, il comprendra bientôt, nous
l'espérons, qu'il doit aller jusqu'au bout.
Il ne faut pas qu'il soit mis de nouveau
dans l'obligation de suppléer, par lettre,
« aux prétéritions» dont M. le vice-prési-
dent du conseil ne manquerait pas de
faire usage aux cours des débats sur les
lois constitutionnelles ; et pour cela nous
ne voyons qu'tin moyen : c'est de re-
mettre en des mains plus sûres, la direc-
tion du cabinet.
Alors, mais alors seulement, M. le
maréchal pourra dire, en toute sécurité :
j'y suis, j'y reste.
E. SciINERB.
—♦ —————————
COURRIER PARLEMENTAIRE
Versailles, 20 mars 4874.
La lettre de M. le maréchal de M-
Mahon produit le meilleur effet à Ver-
sailles; le centre droit semble ravi, la
droite enchantée, l'extrême droite satis-
faite, le parti républicain pas autrement
mécontent, — et M. le duc de Broglie
transporté. En présence d'un si heureux
résultai, M. le président de la République
devrait bien renoncer à être si avare de sa
prose. Une si unanime satisfaction pour
quelques lignes 1 Avec quels transports des
explications plus détaillées ne seraient-
elles pas accueillies !
Il est vrai qu en face de cette béatitude
générale, et en particulier de la félicité de
M. le duc de Broglie, la logique suggère
au simple électeur de bien étranges raison-
nements,.entre autres le suivant : Si M.
le vice-président du conseil est content,
c'est que son langage a été approuvé par
M. le président de la République; mais
si M. le maréchal a éprouvé le besoin de
parler comme M. le duc de, Broglie, c'est
peut-être que M. le duc de Broglie n'avait
pas assez parlé comme M. le maréchal.
et, dans ce cas, M. le vice-président du
conseil n'a aucune raison de se pavaner
de la lettre approbative qui rectifie sa
conduite. — On pourrait se faire de la
sorte une foule de raisonnements ; mais,
pour cela, il faudrait admettre que l'é-
quivoque se glissât même dans l'expression
4e la joie.
Par compensation, la séance a eu le don
de présenter le résultat inverse à celui
fourni par la lettre : personne n'était con-
tent.
, Deux amendements (l'un de M. Delpit,
l'autre de M. Vandler) demandaient que
l'Assemblée allouât, sur le compte de li-
quidation, vingt millions au lieu de dix
au crédit de la Marine,,? ^ou* avouom
sincèrement que, malgré la haute estime
que nous faisons de la Marine, la préten-
tion nous paraissait excessive : cette of-
frande de dix millions de plus à la Ma-
rine, quand le budget boîte déjà de trente
millions, nous faisait l'effet d'une largesse
de Gascon. Pendant deux bonnes heures
cependant nous avons cru être dans le
faux.
Tout ce qui tient à la flotte prend la
parole.
M. Vandier, officier de marine, M.
Farcy, capitaine de frégate, l'amiral Jau-
rès, l'amiral la Roncière le Noury, l'ami-
ral Fourichon, l'amiral Pothuau, se suc-
cèdent à la tribune. Quadrille d'amiraux ;
il ne manque à la fête que M. le ministre
de la marine, qui se tient coi. Et tous par-
lent dans le même sens : donnez vingt
millions à la marine, qui en a besoin, ab-
solument besoin.
Et plusieurs d'entre eux produisent une
grande impression sur l'auditoire, entre
autres l'amiral Jaurès, avec son appel aux
souvenirs patriotiques, et l'amiral Fouri-
chon, avec son petit médaillon historique
sur la marine. L'Assemblée se laisse en-
traîner par le sentiment, c'est clair. Et il
n'y a que M. Lefébure, le sous-secrétaire
d'Etat aux finances, pour la ramener sur
la reute du devoir.
M. Lefébure tente de louables efforts,
mais il est bien jeune. C'est fini, le vote
va avoir lieu. La salle est subjuguée par
les marins, de grands enjôleurs. Le Trésor
est battu, nous n'en voulons pour preuve
que l'agitation de la salle. Comme les gens
que poursuit une crainte, la Chambre fait
toujours du bruit quand elle a besoin de
s'enhardir.
Le tumulte est assez grand pour empê-
cher M. le président de procéder immé-
diatement au vote. Heureuse eoïnoidence !
M. Langlois saute à la tribune. Il fut of-
ficier de marine, mais il est membre de
la commission du budget. S'emparant du
texte de l'amendement Delpit, il montra à
la Chambre ce qu'elle va faire — une folie
budgétaire — et provoque de la part du
ministre, de la marine une explication
qu'il lui souffle, presque d'avance.
Connaissez vous M. l'amiral Dompierre
d'Hornoy ? Si vous ne le connaissez pas,
toute peinture est inutile; il faudrait être
Manet, le peintre extra-réaliste, pour es-
quisser cette silhouette.
Sachez simplement que M. l'amiral Dom-
pierre d'Hornoy, qui doit être un excel-
lent homme et sans doute un excellent
marin, est orateur à peu près comme une
pièce de 4. Quand il parle, il parle à inter-
valles inégaux, faisant « Boum, boum, »
et lançant des arguments à peu près dans
le sens indiqué. Mais il faut avoir eu le
soin de le pointer d'avance !
Or, M. Langlois l'a pointé avec précipi-
tation ;M.le ministre fait « boum, boum, »
et, au milieu de ce roulis parlementaire,
les projectiles vont se loger dans la coque
du ministère : « Donnez le plus possible
à la Marine, s'écrie-t-il ; quant au mi-
nistre des finances, il fera ce qu'il pour-
ra. »
Hein! que vous semble de cette solida-
rité ministérielle? A gauche, les rires
éclatent ; au banc des ministres, M. De-
peyre a des soubresauts nerveux, et M.
Decazes s'arrache sa calvitie. Quant à
M. Magne, il est heureusement malade :
il serait mort du coup!
Lorsque M. le ministre de la marine re-
gagne sa place, il semble attérré de la stu-
péfaction qu'il vient de causer à ses collè.
giies.
Mais la commission du budget a eu le
temps de reprendre ses esprits ; M. Gouin
opère une diversion, et M. Deseilligny sent
qu'il faut sauver son futur portefeuille.
Nos plus sincères compliments, cette
fois, à M. Deseilligny; il a retrouvé, en
cette circonstance suprême, sa fine bon-
homie d'autrefois. Avec un aplomb qui a
un air d'innoeenee, M. le ministre de
l'agriculture et du commerce, qui défend
la question budgétaire, s'écrie : « M. le
ministre de la marine vous a dit ceci ; il
vous a dit aussi cela. » M. le ministre
de la marine @ n'a pas plus dit cela que
ceci; mais, n'importe, les erreurs minis-
térielles sont redressées, le tour est joué
et bien joué! Un simple civil vient de
repêcher un amiral qui se noie, et qui noie
avec lui tout un banc ministériel.
Rien que la façon dont la manœuvre
est exécutée vaudrait un triomphe ; mais
le fond même de la cruestion justifie le
succès. Aussi ne sommes-nous nullement
étonné, de voir, malgré l'entraînement
momentané qu'a subi la Chambre, 438
voix contre 187 repousser les amende-
ments.
On nous assure que, si M. le duc de
Broglie venait- jamais à tomber malade,
M. le ministre de la marine pourrait bien
être ehargé de porter à la tribune toute
déclaration relative au septennat. Eh
bien, quoi ! M. le maréchal de Mae-Mahon
en serait quitte pour envoyer, le lende-
main, une petite lettre au Journal officiel.
PAUL LAFüGa.
———————— ♦ ————————
Les journaux de l'ordre moral sont en
liesse. Le communard Vermersch a décla-
mé des vers dans un meeting de Londres,
et ces vars sont aussi infâmes qu'on avait
lien, de l'espérer. On en pourra juger par
cet échantillon, que j'emprunte àunefeuille
monarchiste :
Tout est fini. Voici la semaine sanglante,
Et l'insurrection, épuisée et râlante,
Achève de mourir sur ses derniers pavés. v
Versailio enfin respire ; et, les deux bras levés
Au cial, pour le bénir de l'émeute vaincue
Le Sénat aux soudards hurle bravement : Tue 1
lissent là de nouveau, tous les hommes de Juin:
Dufaure, Dahirel, Larochejacquelein,
Buffet. Grévy, Schœlcher, Arago, Saint-Hilaire,
Martin Bernard le traître et Favre le faussaire,
Garnier-Pagès, Larcy, Corne, Duprat, Bethmont,
Carnot, Crémieux, Qainet, Louis Blanc et Simon,.
Tous ces voleurs, tous ces menteurs, tous ces
, 1 Tartuffes,
Héros du chambertin et du filet aux truffes,
Qui semblent tout le jour prêts à s'exterminer,
Et n'ont plus d'ennemis à l'hr du dîner 1
Une simple observation. Les gens de
bien qui reproduisent ce chef-d'œuvre ne
manqueront pas de nous dire demain,
comme hier et comme tous les jou^
'-F:. - ¿,;.;\,.;! ..-..,.,.c.f:" -'k;' < - 9
qu'il y a identité entre le parti républi-
cain et les fous furieux de la Commune.
Il serait superflu de leur faire observer que
nos amis MM. Grévy, Schœlcher, Arago,
Saint-Hilaire, Jules Favre, Garnier-Pagès,
Duprat, Bethmont, Carnot, Crémieux, Ju-
les Simon, etc., sont insultés par Ver-
mersch à peu près dans le même style
que par M. Beslay (le fils).
A.
.—————— ———————
LES CONSEILS MUNICIPAUX
M. de Marcère vient d'être thoisi pour
rapporteur par la commission chargée
d'examiner le projet de loi de M. de
Broglie sur la prorogation, du mandat
des conseils municipaux. Nous n'avons
pas. besoin de rappeler que leurs pouvoirs
expirent le 30 avril et que M* de Bro-
glie propose cependant à l'Assemblée
de les maintenir en fonctions jusqu'au
1er janvier prochain, sous prétexte que
la nouvelle loi municipale organique ne
peut être prête avant la fin de 1874.
Cette intervention de l'Assemblée,
qui se substituerait aux dix millions de
commettants des conseils municipaux
actuels, équivaudrait à la négation pure
et simple des principes mêmes du droit
électoral. Le mandat des conseils muni-
cipaux a été conféré, pour une période
dé temps définie, par les électeurs ; il ne
peut être prolongé ni renouvelé par
l'Assemblée nationale. Au reste, on n'a
pas oublié sans doute tout ce qui a été
dit là-dessus, non-seulement dans ce
journal, mais dans les bureaux et dans
la commission de l'Assemblée, où les
commissaires opposants se trouvent en
majorité. Hier encore, on a pu lire le
discours si probant de M. Marc Dufraisse.
A toutes les objections, qu'a répondu M.
le vice-président du conseil ? Rien, sinon
« qu'il voulait sa loi. » Entendu par la
commission, il a déclaré, en quelques
paroles tranchantes, qu'il maintenait son
projet et ne ferait point de concession.
Le rôle de la commission paraît donc
désormais bien simple. Il ne lui reste à
proposer que le rejet du projet de loi de
M. de Broglie, et ce sera évidemment la
conclusion du rapport de M. de Marcère.
Il n'en peut avoir d'autre. QuaDt aux
conséquences du rejet, nous ne voyons
pas qu'il y ait lieu de s'en préoccuper.
La proposition de Broglie étant écartée,
le renouvellement des conseils munici-
paux devra s'opérer dans le délai légal,
c'est-à-dire avant le 30 avril.
Comment les élections se feront-
elles ?
Comme l'Assemblée voudra.
Rien n'empêche d'y procéder dans les
conditions déterminées par la loi de
1871, ce qui n'offrirait pas d'autre in-
convénient que de contrarier M. le duc
de Broglie.
Rien n'empêche non plus, -si la majo-
rité trouve décidément que la loi de 1871
est trop libérale, de discuter et de voter
avant le 15 avril prochain la loi organi-
que nouvelle. C'est dans les derniers
jours de mars que la loi de 1871 fut dé-
posée par le gouvernement ; la commis-
sion fut nommée aussitôt, elle travailla
sans désemparer, et la loi fut votée le
14 avril. Or, nous ne sommes, à. présent,
qu'au 21 mars; le projet de loi organi-
que a été déposé, avec le rapport de la
commission, par M. de Chabrol ; il n'y a
plus qu'à en commencer la discussion
quand on voudra, et l'Assemblée, après
trois ans d'études, doit être bien plus en
état de débattre promptement ces ques-
tions qu'en 1871. Si elle y met du bon
vouloir, elle peut achever ce travail en
une semaine, et le gouvernement peut
convoquer les électeurs dans miinzA
jours. - -1 ---- -
L'Assemblée est donc libre de voter
ou de ne pas voter la loi organique
avant que les électeurs soient con-
voqués pour le renouvellement des
conseils. Mais ce qui devrait être mis,
dès à présent, hors de conteste, c'est
que, le mandat des conseils munici-
paux expirant le 30 avril, les élections
municipales ne peuvent pas être recu-
lées au-delà, et que nul pouvoir au
monde n'a qualité pour renouveler ou
prolonger, en faveur des conseils actuels,
un mandat que les seuls électeurs sont
aptes à leur conférer.
Voilà ce que dira bientôt, sans doute,
le rapport de l'honorable M. de Mareère,
et nous espérons que l'Assemblée ne
permettra, pas qu'o'n embrouille une
question de principes et de droit public
qui est plus claire que le jour. La loi
du 14 avril 1871 dit : « Les conseils
» municipaux nommés resteront PU
» fonctions jusqu'à la promulgation de
» la loi organique; néanmoins, la durée de
Il ces fonctions ne pourra excéder trois
» ans. » il n'y a que M. Anisson-Duper-
ron pour prétendre que ce terme de trois
ans et ce néanmoins sont élastiques, et
que « l'illégalité » consisterait à renou-
veler les conseils municipaux en temps
voulu ! Il faut supposer que M. Anisson-
Duperron, par ce paradoxe, a voulu con-
querir une célébrité. Qu'il n'y compte
pas trop ; dans notre pays on lm as-
surément les paradoxes, mais on oublie
vite, et l'éclat des plus Óblouissant èst
bien fugitf,
Quant à la question de cabinet, elle ne
sera posée que si le cabinet la pose.
Comme les membres de la majorité de
la commission l'ont très-bien dit dans
une précédente séance, ils cece.
autre chose qu'une occasion d'escarmou-
cher contre M. de Broglie. C'est sur un
autre terrain qu'ils se placent; et l'esprit
de parti n'a rien à voir dans une ques-
tion de droit public. Si le ministère dit :
Je veux que vous déclariez que le blane
est noir, ou je me retire, — il ne fera
qu'un acte de mauvais goût. Mais nous
pouvons être assurés qu'il ne commettra
pas cet acte même; malgré ses 370 voix
de l'autre jour, il sait trop bien que le
temps n'est pas favorable aux ultimltum"
EUG, LlÉBDT.
La 26" commission d'initiative parlementaire
a examiné hier le projet de loi - des députés de
la Côte-d'Or, relatif à la levée de l'état de siége
dans ce département.
M. dg Mortemart s'est prononcé pour la prise
en considération. Plusieurs membres de la ma-
jorité ont pensé qu'il était nécessaire d'entendre
le gouvernement. Cette proposition a été adop-
tée.
La commission relative à la promulgation au
Journal officiel et au Bulletin des Lois des dé-
crets ou arrêtés du pouvoir exécutif a entendu
hier l'auteur de la proposition, M. Hervé de
Saisy. Celui-ci a fait l'énumératioll des décrets
qu'il a voulu atteindra. Il s'est longuement
étendu sur ceux qui sont relatifs à 1 état de
siège.
Un membre de la minorité, qui fait partie de la
droite, a déclaré qu'il était impossible de faire une
enquête à ce sujet sans entendre le gouvernement.
M. Mazeau, au nom de la majorité, a répondu
que tout le monde était d'accord pour recevoir
les explications des ministres.
M. Durangel a été ensuite introduit. Plu*
sieurs questions lui ont été posées sur les dé-
crets non promulgués. Il a reconnu qu'il y en
avait beaucoup. Sur la demande de plusieurs
membres, il a promis de faire un relevé com-
plet de tous les décrets qui sont appliqués irré-
gulièrement et de l'adresser prochainement à la
commission.
Nous avions annoncé par erreur que les élec-
teurs du Rhône seraient convoqùés pour nom-
mer un député, en remplacement de M. Ranc.
Le comité consultatif de la gauche avait exa-
miné le cas du député du Rhône, et avait re-
connu que le gouvernement ne pouvait convo-
quer le collége électoral tant que l'Assemblée
n aurait pas prononcé la déchéance de M.
Ranc. -
Le centre gauche s'est réuni hier sous la pré-
sidence de M. de Maleville.
On a examiné la loi sur la prorogation des
conseils municipaux. Le contre gauche, à l'una-
nimité, a décidé qu'il voterait contre cette lei..
M. de Broglie et M. l'amiral Dompierre d'Hor-
noy ont exposé devant la commission des
Trente leur sentimeat sur la représentation
aux côlenies.
Ils trouvent inutile de donner des représen-
tants à nos colons. Ils font cependant une ex-
ception pour 1 Algérie.
Sur la proposition de M. Dufaure, une sous-à
commission composée de MM. Daru, Talion,
de Lacombe, Dufaure et Kerdrel, a été nom-
mée pour préparer une loi spéciale sur la re-
présentation des colonies et de l'Algérie.
Le rapport de M. Batbie sera lu aujourd'hui
on pense qu'il pourra être déposé immédiate-
ment sur le bureau de l'Assemblée.
M. Ganivet a déposé, hier, à l'Assemblée, une
proposition teDdant à proroger l'Assemblée da
28 mars au 4 mai, -
L'urgenoe a éi~,déclarée; les bureaux se réu-
nissent aujo*jrd hui pour nommer la commis-
SIon.
-..
TROP DE ZÈLE
A M. le due de Broglie, premier ministre;
Monsieur le duc,
Permettez-moi de vous adresser une
humble requête. C'est une grâce que je
veux vous demander. Vous imaginez
bien qu'il ne s'agit pas de la nôtre. Le
journal a été frappé par vous; je ne di-
rai pas que nous en sommes bien ai-
ses; ce serait aller un peu loin; mais les
rigueurs dont vous nous avez honorés
ont leurs compensations, que nous ne
goûtons pas sans une certaine fierté.
Nous en avons donc pris notre parti-
nous savons qu'elles n'auront d'autre
terme que celui de votre ministère. Nous
attendrons.
v
Vous vous rappelez le mot d'une maî-
tresse de Louis XV à un grand seigneur
qui lui faisait une cour un peu vive -
- Moi 1 s'écria-t-elle, je céderais à
toute la cour avant de vous céder, à
vous.
- J attendrai ! répondit-il galamment.
L'espérance est un dernier bien que vous
ne sauriez nous enlever. Je me plais même
à reconnaître, monsieur le duc, que vous
faites de votre mieux pour accroître et
fortifier, la nôtre.
Mais encore un coup, ce n'est point
pour vous parler de notre journal que
j'ai pris la plume. Je ne veux aujour-
d hm que signaler à votre esprit de jus-
tice un acte d'iniquité et de sottise tout
à la fois, commis en votre nom par vos
agents, et dont vous portez, sans en rien
savoir, la responsabilité par devant le
public.
Bien des gens me détournaient du
dessein que j'avais formé de vous écrira
a ce sujet.
- k quoi bon ? ma disaient-ils. Quel
poids voulez-vous qu'ait près d'un mi-
nistre la recommandation d'un adver-
saire?
Et moi je répondais que l'on pouvait
combattre la politique d'un ministre sans
être son ennemi personnel; que j'avais
eu, MOI personnellement, l'honneur dé
cenierencier, dans votre pays, sous vo-
tre patronage, à une époque où une otw
position commune reunissait tous les
gens de cœur dans une même haine
oOuUe te tyrannie de l'ompira vieil-
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