Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1875-12-17
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 17 décembre 1875 17 décembre 1875
Description : 1875/12/17 (A5,N1471). 1875/12/17 (A5,N1471).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/03/2013
Cinquième Année. — N* 1471
Prix du Numéro a Paris : 15 Centimes. - Départements : 250 Centimes
Vendredi 17 Déoem.bre 1875
|
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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Élections Sénatorial^
Sixième tour de scrutin
15 DÉCEMBRE
Nombre des votants , 681
Bulletins blancs ou nuls, , 5
Suffrages exprimés 676
Majorité absolue , 339
ONT ÉTÉ ÉLUS
MM. Voix
Chabron Gén. (liste des gauches) 376
Corbon (Id.) 353
Lanfrey (Id.) 350
Hervé de Saisy (Id.) 349
Letellier-Walazé Gén. (Id.) 348
Carnot (Id.) 344
Crouin (Id.) 344
Littré (Id.) 343
Scherer (Id.) 343
Lepetit (Id.) 343
Crémieux (Id.) 342
De Bouhet (Id.) 341
Scheurer-Hestner (Id.) 340
De TocqueTille (Id.) 340
Lorgeril (Id.) 340
Rampont (Yonne) (Id.) 340
Morin (Id.) 339
Testelia (Id.) 339
DIX-HUIT sénateurs appartenant à la
liste des gauches ont été élus.
Voici comment les votes se sont répar-
tis sur les autres candidats :
Jules Simon (g) 338
Edmond Adam (g) 338
Laurent Pichat (g) 338
Magnin (g) 337
Schœlcher (g) 337
Parent (g) 337
Bérenger (g) 334
Baron Chaurand (g-d) 334
Cazot (g) 334
Général Billot (g) 334
Brelay (g) 333
Barni (g) 331
De Ciseey (d) 329
Denormandie (g) 328
Peyrat (g) 324
Denfert-Rochereau (g) 318
Comte de la Monneraye (d) 318
Raudot (d) 318
Dupanloup (1) 318
Amiral de Montaignac (d) 315
Saint-Victor (d) 314
Larcy (d) 313
Chaudordy (d) 309
Saisset (d) 307
Kerdrel (d) 307
Mathieu-Bodet (d) 306
Kéridec (d) 306
Dompierre d'Hornoy (d) 306
Peltereau-Villeneuve (d) 305
Carayon-Latour (d) 304
La Rochefoucauld-Bisaceia (d) 304
Clapier (d) 303
Belcastel (d) 303
Chabaud-Latour (d) 302
Batbie (d) 302
Marquis d'Andelarre (d) 300
Tailhand (d) 300
Ernoul (d) 298
De Broglie (d) 296
Grivart (d) 294
Lacombe (d) 294
De Sugny (d) 293
Riant (d) 291
Delsol (d) 291
Piou (d) 291
De la Germenière (d) 287
De Bondy (d) 284
Duc Decazes (d) 282
e ————
Les gauches ont maintenu la même liste,
y compris M. Gouin, bien qu'il se soit dé-
sisté.
Les droites ont supprimé M. de Rodez-
Bénavent de leur liste.
BULLETIN -
Paris, 16 décembre 1875.
Le scrutin sénatorial a continué hier.
Le dépouillement a donné le titre de séna-
teur à 18 candidats de la liste des gauches.
Aucun candidat de la liste ministérielle
n'a réussi. Ce résultat porte à 60 le nom-
bre des sénateurs élus. Il est donc proba-
ble que les élections des sénateurs viagers
saront bitntôt terminées.
En séance publique une protestation a
eu lieu relativement au mode de distribu-
tion des bulletins et a donné lieu à des dé-
bats assez ardents auxquels MM. Paris,
Gambetta, Baragnon, et même M. Buffet
par ses interruptions, ont prix part. M. Buf-
fet et ses amis ont profité de l'occasion
pour se faire battre au scrutin public par
une majorité de 13 voix.
Ensuite l'Assemblée a examiné un projet
de loi relatif à des modifications à appor-
ter à la loi de 1875 sur les cadres d'effectif
de l'armée et a adopté l'ensemble du projet.
L'urgence a été déclarée sur un projet de
loi portant établissement d'un chemin de
fer de Constantine à Sétif,
Pendant que le Reichstag allemand con-
tinue l'examen des nouvelles lois pénales
dont quelques-unes tiennent tant à cœur
à M. de Bismarck, M. d'Arnim proteste
avec indignation contre les accusations
d'infidélité énoncées contre lui dans un des
discours du grand-chancelier.
Le gouvernement turc a publié un fir-
man relatif aux réformes administratives
et judiciaires projetées en faveur des po-
pulations chrétiennes. On en verra ail-
leurs le détail. Il semble que la Porte ait
voulu étonner le monde par sa.bonne vo-
lonté, en gagnant de vitesse le projet au-
quel travaille le comte Andrassy, et en le
dépassant d'avance en libéralisme. Le
temps nous apprendra ce qui doit sortir
de cette émulation toute nouvelle, et de
cet empressement qui s'est fait attendre.
; -—————.
, Sixième Journée
On se souvient peut-être qu'il fut un
groupe parlementaire appelé le centre
droit ; ce groupe n'est plus. Hier, vers
quatre heures, il a cessé d'intriguer et
de vivre. Depuis quelques jours déjà, il
n'était plus que l'ombre de lui-même ; ce
qui l'a achevé, ce n'est pas seulement
la noavelle victoire des gauches, mais
aussi et surtout le dernier effort qu'il a
voulu tenter. C'est de sa propre main
qu'il a reçu le coup de grâce.
Dès le début de la séance la coterie
orléaniste a vu que tout était perdu;
s'il lui était resté un peu de cette di-
gnité dont elle accuse ses anciens al-
liés de s'être départis, elle eût compris
qu'elle n'avait plus qu'à bien mourir.
Mais non ; dès qu'elle a senti les pre-
miers frissons de l'agonie, elle s'est
mise à se débattre furieusement ; elle
a gémi, crié, pleuré, supplié, grincé des
dents. Cela faisait peine à voir, je vous
assure. Et tout cela pour gagner vingt-
quatre heures ! Il n'est pas jusqu'à M.
le vice président du conseil qui ne se
soit raidi contre l'arrêt définitif qui
l'allait atteindre ! Lui non plus, il ne
voulait pas qu'on procédât au dépouil-
lement de ce scrutin d'où ne pouvait
sortir que sa condamnation. Ah ! s'il
avait pu obtenir un sursis ! Qui sait?
La veille, le centre droit avait eu
une lueur d'espoir. Le résultat quasi
négatif du scrutin lui avait suggéré la
pensée que peut-être les gauches étaient
lasses de vaincre, et qu'elles accorde-
raient quelques fiches de consolation
aux vaincus. Des démarches dans ce
sens avaient été faites ; mais elles n'a-
vaient point abouti, et l'on pouvait sup-
poser que de nouvelles tentatives se-
raient plus heureuses. Voilà pourquoi
le centre droit voulait, à tout prix,
obtenir l'annulation d'un scrutin qu'il
savait devoir être décisif. Sur quels
misérables arguments on s'est fondé
pour émettre une pareille prétention,
le compte-rendu le fera connaître. Une
fois encore, une dernière fois, nous
voulons le eroire, le parti des habiles
a montré ce dont il était capable en fait
de droiture et de bonne foi. On se rap-
pelle que, dans une circonstance ana-
logue, entre le deuxième et le troisième
tour de scrutin, les orléanistes avaient
déjà essayé d'obtenir vingt-quatre heu-
res de répit. Mais du moins ils avaient
agi franchement, sans détours. Devant
le peu de succès de cette première
tentative, ils se sont dit qu'il fallait
ruser, et ils ont eu recours à un subter-
fuge dont la majorité a fait bonne jus-
tice. Ce dernier trait comble la mesure,
et désormais, dans l'Assemblée comme
dans le pays, il n'y a plus de parti
orléaniste.
Cette nouvelle victoire des gauches
leur fait peut-être plus d'honneur encore
que les précédentes, et le pays leur ea
aura aussi plus de reconnaissance. On
parle beaucoup de discipline depuis quel-
ques jours, et l'on a raison, car c'est la
première et la plus indispensable vertu
d'un parti qui veut lutter et qui veut
vaincre ; mais la discipline, louable en
tout temps et en toute circonstances,
l'est plus encore et mérite mieux qu'un
éloge banal, quand elle est faite sur-
tout d'abnégation et de sacrifice. Et
c'est le cas actuellement. Nous le di-
sions hier : il est impossible d'inscrire
sur une liste 75 noms également sym-
pathiques à tous ; bien des prétentions,
des droits-, des espérances très-lé-
gitimes se trouvent forcément écar-
tés ; et pour s'effacer devant l'intérêt
général, les intérêts personnels se
voient soumis parfois à de rudes épreu-
ves. Le pays saura tenir compte aux
uns et aux autres d'avoir compris que
le parti républicain était tenu, avant
de se représenter devant le suffrage
universel, de donner ce grand exemple
d'union, de force et de virilité. Il n'ou-
bliera pas non plus la réponse péremp-
toire qu'il vient d'adresser à ceux qui
l'accusaient par avance de ne vouloir
point tenir ses engagements, espérant
ainsi diviser les groupes républicains
pour mieux réussir à les battre.
Quoi qu'il arrive maintenant, et le
succès d'hier démontre qu'il dépend des
gauches d'en finir aujourd'hui, le bat
est atteint. Le Sénat ne sera point la
forteresse où la politique d'intrigue
rêvait de se retrancher ; il sera ce que
la majorité qui l'a voté a voulu en
faire, ce que le bon sens, la logique,
l'honnêteté veulent qu'il soit : un Sénat
véritablement conservateur de la po-
litique honnête et nationale.
E. SCHNERB.
— ♦——■
La gauche républicaine, convoquée pour
midi à Versailles, s'est réunie sous la prési-
dence de M. Edouard Chartou, vice-président.
On s'est entretenu du résultat du scrutin
de la veille ; on a reconnu que, si ce résultat
ne répondait pas aux espérances qu'autori-
salent les précédents suCcès, il fallait en re-
chercher la cause principale dans les radia-
tions faites individuellement dans les divers
groupes, sur la liste arrêtée par les délégués
des gauches.
Le président a vivement insisté auprès de
ses collègues pour que la liste fût aujour-
d'hui déposée dans l'urne absolument in-
tacte.
Ses paroles ont trouvé une adhésion una-
nime dans la réunion, et la gauche a remer-
cié ses délégués, par de sympathiques accla-
mations, du dévouement avec lequel ils rem-
plissent leur mandat.
Le secrétaire, SADI-CARNOT.
:
Les < honnêtes gens » sont en proie à
des accès de rage blême ; mais qui se serait
fait une idée du degré de grossièreté où ils
sont parvenus ?
Savez vous quel nom le Français a
trouvé pour MM. de Lorgeril et de La Ro-
chette? Des Jëan-f. Il n'a point écrit
les cinq dernières lettres du mot; mais
les cinq premières y sont. Si bien que le
Français trouve moyen d'être ordurier et
pudibond à la fois. Vous avez mérité,
cher frère, les bénédictions du Ciel.
Voici la. chose :
On rappelait hier, dans un salon politique,
l'épisode suivant de l'histoire de Bretagne :
Lors d'un démêlé du parlement de Rennes
avec le chancelier Meaupou, croyons-nous,
quelques membres du parlement se détachè-
rent de leurs collègues et trahirent leur cau-
se ; moyennant quoi ils reçurent des avan-
tages persoanels. Le scandale fut grand en
Bretagne et les défectionnaires intéressés
furent flétris d'un sobriquet où éclatait la
vigueur un peu grossière du langage du
temps : on les appela les Jean-I. Seule-
ment, l'écriture ayant un peu plus de réser-
ve, on prit l'habitude de n'écrire que les
deux initiales: les J.-f., et bientôt, on lut
comme on écrivait, si-bien qu'on disait, en
parlant d'eux, les If.
Aujourd'hui encore, les vieux Bretons, com-
me M. de Lorgeril ou M. de la Rechette, ont
pu entendre dire de tel de leurs compatrio-
tes : a C'est un homme honorable, seulement
il A eu autrefois un If dans sa famille. >
La tache n'est pas encore effacée., et les
If n'avaient trahi qae le parlement de leur
province.
N'est-ce pas joliment troussé? Est-on
plus galamment ignoble ?
Et que serait-ce, mes amis, si vous
voyiez le fond des cœurs !
E. L..
Courrier Parlementaire
Yersatlles, 15 décembre 1875.
Cette fois, si ça ne marche pas bien, il
n'y aura pas de la faute des gauches ! Pour
s'enlever à elles-mêmes certaines velléités
de radiation que les rivalités de personnes
rendent parfois tentantes, et pour bien
prouver à leurs alliés de droite leur bonne
volonté" les gauches, après réunion, se
sont arrêtées à une mesure capable de faire
frémir les droites : au coin du banc le plus
rapproché de la tribune, se tient un répu-
blicain quelconque — on se relaye à tour
de rôle — qui a devant lui deux tas des
listes des gauches : listes ouvertes et listes
sous enveloppes. Les votants républicains
prennent le bulletin, montent les cinq
marches et précipitent lalitte entière, sans
aucune rature,dans l'urne. Nul n'est forcé,
mais chacun suit l'exemple.
Vous devinez s'il y a là de quoi arra-
cher un cri d'effroi à ceux du centre droit
qui conservent encore quelque espoir.
Le cri d'effroi se traduit tout d'abord,
vers une heure et demie, par une alterca-
tion des plus vives entre M. Gent, le pré-
posé du moment aux listes, et des membres
du centre droit. Pas plus que M. de La
Rochette, M. Gent n'est homme à se lais-
ser intimider.
Alors, le cri d'effroi monte au fauteuil
présidentiel et s'adresse à la toute-puis-
sance du président.
A deux heures et demie, M. le duc Pas-
quier arrête un instant le vote : On lui
adresse des plaintes touchant la violation
du secret du scrutin ; en conséquence, il
prie ses collègues de ne pas faire, dans la
salie ce qu'il leur est loisible de faire en
dehors.
On voit immédiatement que les droites
sont fort agacées de ne pouvoir prendre
la parole, à cause de la présence des ur-
nef, et qu'elles tiennent essentiellement
à ouvrir la soupape à leur mauvaise hu-
meur. L'aigreur a encore une heure à sur-
chauffer ; gare à l'explosion !
- Le scrutin est fermé, dit enfin M. le
président.
Déchaîné, M. Pâris s'élance impétueuse-
ment. Le champion du centre droit a un or-
gane remarquable ; il en use et en abuse
pour formuler une protestation ampoulée,
redondante, et demander la nullité du vote
d'aujourd'hui. Les arguments ? Vraiment,
il nous serait difficile de vous les rappor-
ter : il parait qu'il y avait des listes ici et
qu'il n'y en avait pas là, aussi que des dé-
putés républicains étaient là et qu'ils au-
raient dû être ici. C'est une suite d'affir-
mations plus audacieuses que sensées, car
les gauches y répondent bruyamment par
des négations avec preuves à l'appui.
Ce qui nous frappe principalement dans
les déclarations de M. Pàris, c'est que ce
tenant des droites, flétrissant toute pres-
sion sur le votant, a en vue « de sauve-
garder la dignité de l'Assemblée. » Et les
droites, à cette heureuse inspiration, font:
« Oui I oui ! » avec une majesté tout à
fait réjouissante.
Permettez, preux chevaliers de la di-
gnité de l'Assemblée ; sans vouloir remon-
ter jusqu'au déluge, revenons seulement à
vendredi dernier.
C'était donc pour sauvegarder la digaité
de l'Assemblée que les droites engageaient
impérativement sept de leurs membres à
protester à la tribune, au mépris du règle-
ment et des objurgations du président Y
C'était donc pour sauvegarder la dignité
de l'Assemblée que les droites harcelaient
M. de Plœuc jusqu'à l'amener à commettre
une sorte de suicide parlementaire ?
C'était encore pour sauvegarder la di-
gnité de l'Assemblée que les droites huaient
le vieux M. de la Rochette apportant son
bulletin dans l'urne et pesaient sur sa vo-
lonté au point d'arracher au votant ce cri :
«Je vous connais, messieurs ; vous ne m'in-
timiderez pas ! »
Vraiment la Dignité de l'Assemblée, a
dû être, aujourd'hui, aussi surprise que
flattée I
C'est un véritable engagement survenu
à l'improviste ; les partis, qui ne faisaient
que se surveiller, se trouvent inopinément
nez à nez, au coin d'un scrutin. M. Gam-
betta donne.
La réponse est aisée, puisqu'en somme
il suffit d'opposer à des affirmations ris-
quées des négations soutenues par des
preuves matérielles ; mais ce débat proces-
sif se trouve assaisonné d'une foule d'à-
propos qui en relèvent l'aridité ; la verve
méridionale a beau jeu.
— Annulons tous les scrutins ! a la naïve-
té de crier M. de Rainneville, qui obtient
ainsi, à peu de frais, un véritable succès
à gauche.
Quant à M. Buffet, sa mauvaise étoile,
qui brille en ce moment d'un éclat tout
particulier, le pousse à interrompre. Lui !
Et dans ce débat 1 Il faut aue M. Buffet.
avec son air froid, soit, au fond, bien peu
maître de lui-même : d'abord pour ne pas
savoir retenir des interruptions incessan-
tes, extraordinaires de la part 4'un ex-
président ae la unambre : ensuite, pour
s'immiscer, représentant autorisé du gou-
vernement, dans un débat qui ne regarde
que l'Assemblée et son règlement ; enfin,
pour ee laisser aller, comme homme, à des
imputations que le centre gauche entier
lui démontre matériellement inexactes.
Du reste, c'est le Ciel, juste, qui souffle
à M. le vice-président du conseil cette ma-
lencontreuse interruption, car M. Gam-
betta riposte simultanément :
« Je prie M. le ministre de l'intérieur,
s'il ne veut pas devenir le ministre de l'in-
terruption à perpétuité.»
— Bravo ! mugit frénétiquement la
gauche.
— A l'ordre ! à l'ordre ! riposte non
moins frénétiquement la droite.
- Le président se lève : « Je regrette ce
qui vient d'être dit, mais je ne puis m'ar-
rêter aux réclamations d'un côté de la
salle ; l'orateur était dans son droit quand
il réclamait contre des interruptions qui
sont contraires au règlement. »
Comme la nature a bien fait cependant
de ne pas nous mettre des pistolets à la
place d'yeux! A l'heure qu'il est, M. le
duc Pasquier aurait six cents balles dans
le corps. Les droites, ne pouvant pas faire
feu, retombent écrasées sous elles-mêmes,
et M. Buffet subit l'ovation retentissante
que les gauches font au président.
Quant à l'orateur, il continue, se mo-
quant des interruptions, enchanté peut-
être qu'elles se produisent. Car M. Gam-
betta a trouvé une arme terrible, l'argu-
ment ad hominem; interrompu, il inter-
pelle nominativement l'interrupteur, et
rien que ce nom qui retentit met admi-
rablement en lumière les rages person-
nelles, ces petites colères de sénateurs
manqués. M. Tailhand trépigne, M. De-
peyre bondit, la gauche rit à se tordre.
Il est facile de deviner d'ailleurs que, si
le but apparent visé par le centre droit
est l'annulation du scrutin, le but vérita-
ble de l'incident est de gagner du temps.
Le centre droit a encore de l'espoir ; cer-
tains de ses membres, depuis le résultat
« unique » d'hier, tâtent des membres du
centre gauche, la tactique d'aujourd'hui
est le coup de mort donné aux espérances
de raccommodement.
Et M. Pâris lutte toujours pour l'annu-
lation.
M. Baragnon aussi veut dire son mot. Il
n'en dit guère qu'un, mais il est grand, il
restera dans l'histoire.
Aux droites qui prétendaient que les
gauches ont tenu cachée leur liste, M.
Gambetta a répondu que M. Baragnon,
sur sa demande, a reçu des mains de M.
Gent la liste dite secrète.
« C'est vrai, s'écrie M. Baragnon ; mais
M. Gent m'a donné la liste parce qu'il sait
que je suis collectionneur. »
« Baragnon collectionneur » passera à
la postérité. IL y a des gens qui collection-
nent*les papillons, d'autres, les coquilla-
ges, etc. M. Baragnon avait un penchant
bien marqué pour collectionner les porte-
feuilles ; mais le portefeuille se fait rare,
il devient au-dessus des moyens de M. Ba-
ragnon ; M. Baragnon collectionne les lis-
tes. On reconnait bien lâl'avarice particu-
lière au collectionneur: M. Baragnon
âura refusé de laisser voir à ses collègues
de droite la liste d'aujourd'hui, sa pièce
rare I
'• Vous voyez qu'au fond tout cela est fort
amusant, d'autant plus amusant que M.
Baragnon se défend d'avoir voté cette
liste !
Mais la gaîté ne connait plus de bornes
quand M. Gambetta s'écrie : « Quant à
M. Baragnon, il peut venir ici défendre sa
pudeur.»
Attendez, attendez, ça n'est pas fini.
La droite pousse des nurlements, et M. le
duc Pasquier ajoute, d'un ton sévère
« Non : le président n'admet pas que per-
sonne ici ait à défendre sa pudeur ! »
Si l'on aime le grand art à Nîmes, on y
fera exécuter immédiatement un tableau
représentant M. Baragnon en Joseph poli-
tique, laissant un morceau de son manteau
aux hommes du 4 Septembre, un autre
lambeau entre les mains du légitimiste
JV1. Boyer, arrachant aux gauches de 1875
ce qui lui reste de couverture, sans cesse
violé, toujours pudique.
C'est sur ce tableau féerique qu'il est bon
de clore le débat. Un scrutin pour savoir
s'il y aura annulation de scrutin ! Et un
pointage pour le scrutin du scrutin !
A-treize voix (334 321) il est décidé que
les droites n'obtiendront pas le sursis de-
mandé.
Les trois urnes sénatoriales, rangées en
ligne de bataille sur la tribune, surveillées
par sept cents paires d'yeux environ, at-
tendaient paisiblement leur sort. Qui sait
ce qu'elles contiennent, dans leurs flancs
de zinc, de sénateurs sur lesquels on pré-
tendait mettre opposition ?
.Dixhuit !
C'est le mot de la fin — ou peu s'en
faut.
PAUL LAFARGUE.
Avant-hier, le Journal de Paris exhor-
tait M. Buffet à ne tenir nul compte des
votes d'une Assemblée « moralement dis-
soute. »
La thèse a paru si parlementaire au
Français qu'il s'en est emparé. « Il n'y a
rien de vrai, dit-il, dans les bruits de crise
ministérielle que l'on fait courir. » Et il
ajoute :
Du reste, l'Assemblée n'a pour ainsi dire
plus qu'une existence nominale, et ce n'est
pas par les derniers mouvements convulsifs
de sa fin que la politique du pays peut être
dorénavant dirigée.
Moralement dissoute était injurieux.
Mais peut être existence nominale sem-
blera t-il plus insolent. Nous sommes bien
heureux, quant à nous, de n'être point
juges du concours, car nous ne saurions à
qui des deux émules décerner la palme.
CODftBrvateurs. conservateurs. un avis
pour -'-fiir -..::.. et désintéressé ! Le pays
vous écoute. Bridez-donc mieux vos lan-
gues, et prenez garde aux sentiments que
vous lui inspirez !
La Patrie se plaint des agissements de
certains courtiers politiques qui, sous un
but électoral, exploiteraient déjà le dépar-
tement de l'Oise.
« Ils se présentent, écrit-elle, sous le
couvert de compagnies d'assurances, et,
après avoir causé assurances quelques mi-
nutes, ils démasquent leurs batteries et
attaquent la question politique. Si l'un est
éconduit, un second arrive le lendemain
ou le jour suivant et recommence sa pré-
dication. C'est le dimanche que ces beaux
diseurs opèrent, surtout dans les cabarets :
on n'y entend que leurs voix. Ils distri-
buent aux enfants des photographies, etc. »
Le tableau est parfait. On y reconnaît
tout de suite dans leurs moindres détails,
fausses compagnies d'assurances, distribu-
tions de photographies, discours de caba-
rets, etc., — les procédés habituels d'une
propagande que nous connaissions déjà.
Mais ce que nous admirons le plus, c'est
la distraction de la Patrie. Il y a là-des-
sous quelque méprise. Autrement, com-
ment s'expliquer l'insertion d'un tel pas-
sage dans la feuille de M. de Soubeyran ?
E. L.
————— —————
RÉFLEXIONS UTILES
Je reçois de M. Beurdeley, un des
avocats distingués du barreau de Pa-
ris, une lettre que je ne veux point ci-
ter par modestie, mais dont je vais don-
ner l'analyse exacte, parce qu'elle me
fournira l'occasion de quelques ré-
flexions utiles. M. Beurdeley est, pour
moi, un de ces amis inconnus que tout
écrivain, qui parle avec conviction des
sujets qu'il traite, conquiert dans le jour-
nalisme. Il me fait quelquefois l'hon-
neur de m'écrire, à propos de mes ar-
ticles ; ses lettres sont toujours pleines
de bon sens et d'esprit.
M. Beurdeley commence parme faire
remarquer que je fais sans cesse allu-
sion aux cochons dela Sainte-Enfance,
et que je n'ai pas encore dit comment
et où les contes que l'on a débités sur
ce thème ont pu naître et se propager.
Ils lui paraissent si invraisemblables
qu'il en cherche une explication philo-
sophique, qui est ingénieuse.
Il croit que c'est là une légende.
Il me rappelle comment les légendes
se forment dans l'esprit des populations
ignorantes. Le porc, animal immonde,
est une incarnation de Satan. Les en-
fants que des mères dénaturées aban-
donnent en Chine et exposent à la mort,
doivent être naturellement la proie du
diable, puisqu'ils né sont pas baptisés.
Cette idée aura pris corps dans l'imagi-
nation des femmes et des enfants. De
là tous ces récits absurdes, où le pour-
ceau joue un si grand rôle.
L'exégèse ..est ingénieuse. Elle est,
par malheur, en contradiction avec les
faits.
Je possède la collection complète des
Annales de la Sainte-Enfance, depuis
l'an 1844 jusqu'à nos jours. Les pre-
miers volumes sont pleins de récits où
les missionnaires déelarent avoir vu, de
leurs yeux vu, ces abominables scènes
que M. Beurdeley tâche d'expliquer par
un complaisant symbolisme.
Je donnerai quelques-uns de ces pas-
sages ; pour aujourd'hui, je ne citerai
que ces quelques lignes extraites d'une
lettre de Fr. Joseph, évêque d'Aradan,
à Mgr de Forbin-Janson (1 or y., p. 123) :
« Il est vrai, monseigneur, que le
temps approche où cet empire, excessi-
vement populeux, recevra enfin le bien-
fait de cette civilisation que peut seule
donner la lumière de l'Evangile. Mais,
en attendant, il est affreux de voir tant
d'innocents enfants, qui, tout pleurants,
et enveloppés tantôt dans un peu 4e
paille, tantôt dans quelque linge, sont
jetés par des parents dénaturés, pour
être livrés à la cruelle voracité des
chiens, des pourceaux, des corbeaux,
qui parfois, plus humains que les au-
teurs mêmes de leurs jours.ont horreur
de tels mets, comme ja l'ai vn moi-
même plus d'une fois, non sans fris-
sonner et me sentir déchiré de regrets
pour n'avoir pu les secourir. Une si
énorme barbarie, qui semblerait in-
croyable, si elle n'était vraie. »
Voilà qui ne laisse guère de prise à
ergoter. Ce brave évêque l'a vu, de ses
yeux vu; et non pas une fois, mais
plusieurs. Plus heureux en cela ou plus
malheureux, si vous voulez, que le
père Hue, qui déclare avoir vécu dix
ans en Chine et avoir traversé ce vaste
empire en tous les sens, sans avoir ja-
mais rencontré rien de pareil. Et ce
qu'il y a de plus étrange, c'est que tous
les voyageurs (à deux ou trois exoop.
tions près), c'est que tous les commer-
çants revenus de Chine sont, à cet
égard, dans le cas du père Hue.
J'avais aujourd'hui même l'honneur
de causer avec M. de Montigny, qui a
longtemps vécu en Chine, qui fait en-
core d'immenses affaires avec ce pays.'
Il m'affirmait (en m'autorisant à user
de son témoignage) que jamais, au
grand jamais, il n'avait ouf parler d'un
enfant jeté aux chiens ni aux pour-
ceaux,
Et cependant je ne jurerais pas que
ce pieux missionnaire ne fût de très-
bonne foi, en écrivant ces bourdes ex-
travagantes. Qui ne sait la nuissaricA
d'illusion qu'exeree sur nos pauvres
cervelles une foi ardente ! Il avait e&
effet vu, dans quelque hallucination.
de petits Chinois livrés aux cochons, et
les cochons reculant d'horreur, comme
le soleil devant le festin d'Atrée.
Ce qui n'est pas une hallucination*
par exemple, ce sont les petits sous
que ces lamentables récits ont fait lior.,
tir de nos poches. -
M. Beurdeley termine sa lettre par
quelques réflexions qui m'ont semblé
bien justes.
Il dit qu'il a rencontré dans son
entourage nombre de gens qui, voyant
les articles tomber coup sur coup dans
le XIX Siècle sur le même objet, se
récriaient: « Toujours Lala 1 toujours les
petits Chinois ! c'est une série. Je leur
ai représenté, ajoute-t-il, que vous ne
pouviez faire autrement ; que c'était le
système tout entier que vous attaquiez,
en frappant sur un point ; et que c'était
pour le moment la guerre la plus utile
à faire. Continuez donc, monsieur. »
M. Beurdeley a raison. Croit-on que,
dans cette histoire ruthénoise de la
guérison de Mlle Lissorgue, s'il n'y
avait eu en jeu que la mince personna-
lité du docteur Lala ou la piètre
gloire de l'abbé Alazard, l'homme le
plus poli, mais le plus attrapé de
France, croit-on que j'eusse mis tant
d'insistance à fixer sur de si petits
compagnons l'attention de nos lecteurs ?
C'est que partout il y a des abbés Ala-
zards, se targuant de quelque miracla
inédit; c'est que partout ces abbés sont
en quête de quelque docteur Lala" qu'ils
puissent pousser en avant, et s'ils n'en
trouvent que rarement, c'est que les
universités catholiques n'ont pas encore
fait de docteurs.
Aujourd'hui, nous nous battons au-
tour de la Sainte-Enfance. Est-ce que
c'est moi qui ai choisi ce terrain de
manœuvres? Je ne songeais aucune-
ment à la Sainte-Enfance, dont j'avais-
dit un -- mot - en passant, mais - sans aucune
: intention d'y revenir.:
Ce sont eux qui sont venus m'offrir
le combat. Je l'ai accepté.
Mais toutes ces preuves que j'accu*
mule contre les récits des missionnai*
res vont bien plus loin que la Sainte-
Enfance. Parmi les œuvres catholiques
il en est beaucofttt-ellentes, et je
ne nie même pas que la Sainte-Enfance
ne rende des services. Ce que je dis,
ce que je démontre ils mon mieux, c'est
que nous payons ces services fort cher,
c'est qu'ils sont mêlés d'abus déplora-
bles, c'est qu'avant d'ouvrir sa bourse
à ces infatigables mendiants, qui vien-
nent de canoniser saint Labre, il faut
se livrer à une enquête sérieuse et sa-
voir où va l'argent qui nous est de-
mandé.
FRANCISQUE SARCEY.
---- ————————.——
Ce n'est point du tout que M. Buffet nous
gêne. Oh ! mon Dieu ! non 1 Pour la place
qu'il occupe à cette heure, vous pouvez
croire qu'il nous gêae peu. Mais si l'adver-
saire est désarmé par la piteuse déconfi-
ture de M. le vice président du conseil, le
moraliste ne peut s'empêcher d'observer
curieusement l'attitude actuelle de M. Buf-
fet, et de faire telle comparaison qui s'ime
pose d'elle-même.
Vous souvient-il du temps où M. Buffet
avait toujours la main sur son portefeuille
- pour le rendre W Quelle désintéressement
alors et quelle modestie ! — « Vous avez
l'air de vouloir que je parte! - Mais non.
— C'est qu'il ne faudrait pas me le dire
deux fois. Je suis de ces hommes qui.
— Allons! restez. — Très-bien, je cède. Je
ne partirai que demain. » La scène se re-
produisait tous les jours. Ce qu'on dépen-
sait d'efforts pour retenir M. Buffet est in-
calculable. On s'y épuisait, M. Buffet avait
toujours un pied hors de son ministère,
1 autre sur la tête de l'hydre révolution,
naire. Et l'on se disait : A la bonne heure !
en voilà un au moins qui, le jour où il tau.
dra dire adieu aux grandeurs, ne se fera
pas prier.
Dans ce temps-là, M. Buffet ne se conten-
tait pas d'une majorité, comme un simple
Prix du Numéro a Paris : 15 Centimes. - Départements : 250 Centimes
Vendredi 17 Déoem.bre 1875
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Élections Sénatorial^
Sixième tour de scrutin
15 DÉCEMBRE
Nombre des votants , 681
Bulletins blancs ou nuls, , 5
Suffrages exprimés 676
Majorité absolue , 339
ONT ÉTÉ ÉLUS
MM. Voix
Chabron Gén. (liste des gauches) 376
Corbon (Id.) 353
Lanfrey (Id.) 350
Hervé de Saisy (Id.) 349
Letellier-Walazé Gén. (Id.) 348
Carnot (Id.) 344
Crouin (Id.) 344
Littré (Id.) 343
Scherer (Id.) 343
Lepetit (Id.) 343
Crémieux (Id.) 342
De Bouhet (Id.) 341
Scheurer-Hestner (Id.) 340
De TocqueTille (Id.) 340
Lorgeril (Id.) 340
Rampont (Yonne) (Id.) 340
Morin (Id.) 339
Testelia (Id.) 339
DIX-HUIT sénateurs appartenant à la
liste des gauches ont été élus.
Voici comment les votes se sont répar-
tis sur les autres candidats :
Jules Simon (g) 338
Edmond Adam (g) 338
Laurent Pichat (g) 338
Magnin (g) 337
Schœlcher (g) 337
Parent (g) 337
Bérenger (g) 334
Baron Chaurand (g-d) 334
Cazot (g) 334
Général Billot (g) 334
Brelay (g) 333
Barni (g) 331
De Ciseey (d) 329
Denormandie (g) 328
Peyrat (g) 324
Denfert-Rochereau (g) 318
Comte de la Monneraye (d) 318
Raudot (d) 318
Dupanloup (1) 318
Amiral de Montaignac (d) 315
Saint-Victor (d) 314
Larcy (d) 313
Chaudordy (d) 309
Saisset (d) 307
Kerdrel (d) 307
Mathieu-Bodet (d) 306
Kéridec (d) 306
Dompierre d'Hornoy (d) 306
Peltereau-Villeneuve (d) 305
Carayon-Latour (d) 304
La Rochefoucauld-Bisaceia (d) 304
Clapier (d) 303
Belcastel (d) 303
Chabaud-Latour (d) 302
Batbie (d) 302
Marquis d'Andelarre (d) 300
Tailhand (d) 300
Ernoul (d) 298
De Broglie (d) 296
Grivart (d) 294
Lacombe (d) 294
De Sugny (d) 293
Riant (d) 291
Delsol (d) 291
Piou (d) 291
De la Germenière (d) 287
De Bondy (d) 284
Duc Decazes (d) 282
e ————
Les gauches ont maintenu la même liste,
y compris M. Gouin, bien qu'il se soit dé-
sisté.
Les droites ont supprimé M. de Rodez-
Bénavent de leur liste.
BULLETIN -
Paris, 16 décembre 1875.
Le scrutin sénatorial a continué hier.
Le dépouillement a donné le titre de séna-
teur à 18 candidats de la liste des gauches.
Aucun candidat de la liste ministérielle
n'a réussi. Ce résultat porte à 60 le nom-
bre des sénateurs élus. Il est donc proba-
ble que les élections des sénateurs viagers
saront bitntôt terminées.
En séance publique une protestation a
eu lieu relativement au mode de distribu-
tion des bulletins et a donné lieu à des dé-
bats assez ardents auxquels MM. Paris,
Gambetta, Baragnon, et même M. Buffet
par ses interruptions, ont prix part. M. Buf-
fet et ses amis ont profité de l'occasion
pour se faire battre au scrutin public par
une majorité de 13 voix.
Ensuite l'Assemblée a examiné un projet
de loi relatif à des modifications à appor-
ter à la loi de 1875 sur les cadres d'effectif
de l'armée et a adopté l'ensemble du projet.
L'urgence a été déclarée sur un projet de
loi portant établissement d'un chemin de
fer de Constantine à Sétif,
Pendant que le Reichstag allemand con-
tinue l'examen des nouvelles lois pénales
dont quelques-unes tiennent tant à cœur
à M. de Bismarck, M. d'Arnim proteste
avec indignation contre les accusations
d'infidélité énoncées contre lui dans un des
discours du grand-chancelier.
Le gouvernement turc a publié un fir-
man relatif aux réformes administratives
et judiciaires projetées en faveur des po-
pulations chrétiennes. On en verra ail-
leurs le détail. Il semble que la Porte ait
voulu étonner le monde par sa.bonne vo-
lonté, en gagnant de vitesse le projet au-
quel travaille le comte Andrassy, et en le
dépassant d'avance en libéralisme. Le
temps nous apprendra ce qui doit sortir
de cette émulation toute nouvelle, et de
cet empressement qui s'est fait attendre.
; -—————.
, Sixième Journée
On se souvient peut-être qu'il fut un
groupe parlementaire appelé le centre
droit ; ce groupe n'est plus. Hier, vers
quatre heures, il a cessé d'intriguer et
de vivre. Depuis quelques jours déjà, il
n'était plus que l'ombre de lui-même ; ce
qui l'a achevé, ce n'est pas seulement
la noavelle victoire des gauches, mais
aussi et surtout le dernier effort qu'il a
voulu tenter. C'est de sa propre main
qu'il a reçu le coup de grâce.
Dès le début de la séance la coterie
orléaniste a vu que tout était perdu;
s'il lui était resté un peu de cette di-
gnité dont elle accuse ses anciens al-
liés de s'être départis, elle eût compris
qu'elle n'avait plus qu'à bien mourir.
Mais non ; dès qu'elle a senti les pre-
miers frissons de l'agonie, elle s'est
mise à se débattre furieusement ; elle
a gémi, crié, pleuré, supplié, grincé des
dents. Cela faisait peine à voir, je vous
assure. Et tout cela pour gagner vingt-
quatre heures ! Il n'est pas jusqu'à M.
le vice président du conseil qui ne se
soit raidi contre l'arrêt définitif qui
l'allait atteindre ! Lui non plus, il ne
voulait pas qu'on procédât au dépouil-
lement de ce scrutin d'où ne pouvait
sortir que sa condamnation. Ah ! s'il
avait pu obtenir un sursis ! Qui sait?
La veille, le centre droit avait eu
une lueur d'espoir. Le résultat quasi
négatif du scrutin lui avait suggéré la
pensée que peut-être les gauches étaient
lasses de vaincre, et qu'elles accorde-
raient quelques fiches de consolation
aux vaincus. Des démarches dans ce
sens avaient été faites ; mais elles n'a-
vaient point abouti, et l'on pouvait sup-
poser que de nouvelles tentatives se-
raient plus heureuses. Voilà pourquoi
le centre droit voulait, à tout prix,
obtenir l'annulation d'un scrutin qu'il
savait devoir être décisif. Sur quels
misérables arguments on s'est fondé
pour émettre une pareille prétention,
le compte-rendu le fera connaître. Une
fois encore, une dernière fois, nous
voulons le eroire, le parti des habiles
a montré ce dont il était capable en fait
de droiture et de bonne foi. On se rap-
pelle que, dans une circonstance ana-
logue, entre le deuxième et le troisième
tour de scrutin, les orléanistes avaient
déjà essayé d'obtenir vingt-quatre heu-
res de répit. Mais du moins ils avaient
agi franchement, sans détours. Devant
le peu de succès de cette première
tentative, ils se sont dit qu'il fallait
ruser, et ils ont eu recours à un subter-
fuge dont la majorité a fait bonne jus-
tice. Ce dernier trait comble la mesure,
et désormais, dans l'Assemblée comme
dans le pays, il n'y a plus de parti
orléaniste.
Cette nouvelle victoire des gauches
leur fait peut-être plus d'honneur encore
que les précédentes, et le pays leur ea
aura aussi plus de reconnaissance. On
parle beaucoup de discipline depuis quel-
ques jours, et l'on a raison, car c'est la
première et la plus indispensable vertu
d'un parti qui veut lutter et qui veut
vaincre ; mais la discipline, louable en
tout temps et en toute circonstances,
l'est plus encore et mérite mieux qu'un
éloge banal, quand elle est faite sur-
tout d'abnégation et de sacrifice. Et
c'est le cas actuellement. Nous le di-
sions hier : il est impossible d'inscrire
sur une liste 75 noms également sym-
pathiques à tous ; bien des prétentions,
des droits-, des espérances très-lé-
gitimes se trouvent forcément écar-
tés ; et pour s'effacer devant l'intérêt
général, les intérêts personnels se
voient soumis parfois à de rudes épreu-
ves. Le pays saura tenir compte aux
uns et aux autres d'avoir compris que
le parti républicain était tenu, avant
de se représenter devant le suffrage
universel, de donner ce grand exemple
d'union, de force et de virilité. Il n'ou-
bliera pas non plus la réponse péremp-
toire qu'il vient d'adresser à ceux qui
l'accusaient par avance de ne vouloir
point tenir ses engagements, espérant
ainsi diviser les groupes républicains
pour mieux réussir à les battre.
Quoi qu'il arrive maintenant, et le
succès d'hier démontre qu'il dépend des
gauches d'en finir aujourd'hui, le bat
est atteint. Le Sénat ne sera point la
forteresse où la politique d'intrigue
rêvait de se retrancher ; il sera ce que
la majorité qui l'a voté a voulu en
faire, ce que le bon sens, la logique,
l'honnêteté veulent qu'il soit : un Sénat
véritablement conservateur de la po-
litique honnête et nationale.
E. SCHNERB.
— ♦——■
La gauche républicaine, convoquée pour
midi à Versailles, s'est réunie sous la prési-
dence de M. Edouard Chartou, vice-président.
On s'est entretenu du résultat du scrutin
de la veille ; on a reconnu que, si ce résultat
ne répondait pas aux espérances qu'autori-
salent les précédents suCcès, il fallait en re-
chercher la cause principale dans les radia-
tions faites individuellement dans les divers
groupes, sur la liste arrêtée par les délégués
des gauches.
Le président a vivement insisté auprès de
ses collègues pour que la liste fût aujour-
d'hui déposée dans l'urne absolument in-
tacte.
Ses paroles ont trouvé une adhésion una-
nime dans la réunion, et la gauche a remer-
cié ses délégués, par de sympathiques accla-
mations, du dévouement avec lequel ils rem-
plissent leur mandat.
Le secrétaire, SADI-CARNOT.
:
Les < honnêtes gens » sont en proie à
des accès de rage blême ; mais qui se serait
fait une idée du degré de grossièreté où ils
sont parvenus ?
Savez vous quel nom le Français a
trouvé pour MM. de Lorgeril et de La Ro-
chette? Des Jëan-f. Il n'a point écrit
les cinq dernières lettres du mot; mais
les cinq premières y sont. Si bien que le
Français trouve moyen d'être ordurier et
pudibond à la fois. Vous avez mérité,
cher frère, les bénédictions du Ciel.
Voici la. chose :
On rappelait hier, dans un salon politique,
l'épisode suivant de l'histoire de Bretagne :
Lors d'un démêlé du parlement de Rennes
avec le chancelier Meaupou, croyons-nous,
quelques membres du parlement se détachè-
rent de leurs collègues et trahirent leur cau-
se ; moyennant quoi ils reçurent des avan-
tages persoanels. Le scandale fut grand en
Bretagne et les défectionnaires intéressés
furent flétris d'un sobriquet où éclatait la
vigueur un peu grossière du langage du
temps : on les appela les Jean-I. Seule-
ment, l'écriture ayant un peu plus de réser-
ve, on prit l'habitude de n'écrire que les
deux initiales: les J.-f., et bientôt, on lut
comme on écrivait, si-bien qu'on disait, en
parlant d'eux, les If.
Aujourd'hui encore, les vieux Bretons, com-
me M. de Lorgeril ou M. de la Rechette, ont
pu entendre dire de tel de leurs compatrio-
tes : a C'est un homme honorable, seulement
il A eu autrefois un If dans sa famille. >
La tache n'est pas encore effacée., et les
If n'avaient trahi qae le parlement de leur
province.
N'est-ce pas joliment troussé? Est-on
plus galamment ignoble ?
Et que serait-ce, mes amis, si vous
voyiez le fond des cœurs !
E. L..
Courrier Parlementaire
Yersatlles, 15 décembre 1875.
Cette fois, si ça ne marche pas bien, il
n'y aura pas de la faute des gauches ! Pour
s'enlever à elles-mêmes certaines velléités
de radiation que les rivalités de personnes
rendent parfois tentantes, et pour bien
prouver à leurs alliés de droite leur bonne
volonté" les gauches, après réunion, se
sont arrêtées à une mesure capable de faire
frémir les droites : au coin du banc le plus
rapproché de la tribune, se tient un répu-
blicain quelconque — on se relaye à tour
de rôle — qui a devant lui deux tas des
listes des gauches : listes ouvertes et listes
sous enveloppes. Les votants républicains
prennent le bulletin, montent les cinq
marches et précipitent lalitte entière, sans
aucune rature,dans l'urne. Nul n'est forcé,
mais chacun suit l'exemple.
Vous devinez s'il y a là de quoi arra-
cher un cri d'effroi à ceux du centre droit
qui conservent encore quelque espoir.
Le cri d'effroi se traduit tout d'abord,
vers une heure et demie, par une alterca-
tion des plus vives entre M. Gent, le pré-
posé du moment aux listes, et des membres
du centre droit. Pas plus que M. de La
Rochette, M. Gent n'est homme à se lais-
ser intimider.
Alors, le cri d'effroi monte au fauteuil
présidentiel et s'adresse à la toute-puis-
sance du président.
A deux heures et demie, M. le duc Pas-
quier arrête un instant le vote : On lui
adresse des plaintes touchant la violation
du secret du scrutin ; en conséquence, il
prie ses collègues de ne pas faire, dans la
salie ce qu'il leur est loisible de faire en
dehors.
On voit immédiatement que les droites
sont fort agacées de ne pouvoir prendre
la parole, à cause de la présence des ur-
nef, et qu'elles tiennent essentiellement
à ouvrir la soupape à leur mauvaise hu-
meur. L'aigreur a encore une heure à sur-
chauffer ; gare à l'explosion !
- Le scrutin est fermé, dit enfin M. le
président.
Déchaîné, M. Pâris s'élance impétueuse-
ment. Le champion du centre droit a un or-
gane remarquable ; il en use et en abuse
pour formuler une protestation ampoulée,
redondante, et demander la nullité du vote
d'aujourd'hui. Les arguments ? Vraiment,
il nous serait difficile de vous les rappor-
ter : il parait qu'il y avait des listes ici et
qu'il n'y en avait pas là, aussi que des dé-
putés républicains étaient là et qu'ils au-
raient dû être ici. C'est une suite d'affir-
mations plus audacieuses que sensées, car
les gauches y répondent bruyamment par
des négations avec preuves à l'appui.
Ce qui nous frappe principalement dans
les déclarations de M. Pàris, c'est que ce
tenant des droites, flétrissant toute pres-
sion sur le votant, a en vue « de sauve-
garder la dignité de l'Assemblée. » Et les
droites, à cette heureuse inspiration, font:
« Oui I oui ! » avec une majesté tout à
fait réjouissante.
Permettez, preux chevaliers de la di-
gnité de l'Assemblée ; sans vouloir remon-
ter jusqu'au déluge, revenons seulement à
vendredi dernier.
C'était donc pour sauvegarder la digaité
de l'Assemblée que les droites engageaient
impérativement sept de leurs membres à
protester à la tribune, au mépris du règle-
ment et des objurgations du président Y
C'était donc pour sauvegarder la dignité
de l'Assemblée que les droites harcelaient
M. de Plœuc jusqu'à l'amener à commettre
une sorte de suicide parlementaire ?
C'était encore pour sauvegarder la di-
gnité de l'Assemblée que les droites huaient
le vieux M. de la Rochette apportant son
bulletin dans l'urne et pesaient sur sa vo-
lonté au point d'arracher au votant ce cri :
«Je vous connais, messieurs ; vous ne m'in-
timiderez pas ! »
Vraiment la Dignité de l'Assemblée, a
dû être, aujourd'hui, aussi surprise que
flattée I
C'est un véritable engagement survenu
à l'improviste ; les partis, qui ne faisaient
que se surveiller, se trouvent inopinément
nez à nez, au coin d'un scrutin. M. Gam-
betta donne.
La réponse est aisée, puisqu'en somme
il suffit d'opposer à des affirmations ris-
quées des négations soutenues par des
preuves matérielles ; mais ce débat proces-
sif se trouve assaisonné d'une foule d'à-
propos qui en relèvent l'aridité ; la verve
méridionale a beau jeu.
— Annulons tous les scrutins ! a la naïve-
té de crier M. de Rainneville, qui obtient
ainsi, à peu de frais, un véritable succès
à gauche.
Quant à M. Buffet, sa mauvaise étoile,
qui brille en ce moment d'un éclat tout
particulier, le pousse à interrompre. Lui !
Et dans ce débat 1 Il faut aue M. Buffet.
avec son air froid, soit, au fond, bien peu
maître de lui-même : d'abord pour ne pas
savoir retenir des interruptions incessan-
tes, extraordinaires de la part 4'un ex-
président ae la unambre : ensuite, pour
s'immiscer, représentant autorisé du gou-
vernement, dans un débat qui ne regarde
que l'Assemblée et son règlement ; enfin,
pour ee laisser aller, comme homme, à des
imputations que le centre gauche entier
lui démontre matériellement inexactes.
Du reste, c'est le Ciel, juste, qui souffle
à M. le vice-président du conseil cette ma-
lencontreuse interruption, car M. Gam-
betta riposte simultanément :
« Je prie M. le ministre de l'intérieur,
s'il ne veut pas devenir le ministre de l'in-
terruption à perpétuité.»
— Bravo ! mugit frénétiquement la
gauche.
— A l'ordre ! à l'ordre ! riposte non
moins frénétiquement la droite.
- Le président se lève : « Je regrette ce
qui vient d'être dit, mais je ne puis m'ar-
rêter aux réclamations d'un côté de la
salle ; l'orateur était dans son droit quand
il réclamait contre des interruptions qui
sont contraires au règlement. »
Comme la nature a bien fait cependant
de ne pas nous mettre des pistolets à la
place d'yeux! A l'heure qu'il est, M. le
duc Pasquier aurait six cents balles dans
le corps. Les droites, ne pouvant pas faire
feu, retombent écrasées sous elles-mêmes,
et M. Buffet subit l'ovation retentissante
que les gauches font au président.
Quant à l'orateur, il continue, se mo-
quant des interruptions, enchanté peut-
être qu'elles se produisent. Car M. Gam-
betta a trouvé une arme terrible, l'argu-
ment ad hominem; interrompu, il inter-
pelle nominativement l'interrupteur, et
rien que ce nom qui retentit met admi-
rablement en lumière les rages person-
nelles, ces petites colères de sénateurs
manqués. M. Tailhand trépigne, M. De-
peyre bondit, la gauche rit à se tordre.
Il est facile de deviner d'ailleurs que, si
le but apparent visé par le centre droit
est l'annulation du scrutin, le but vérita-
ble de l'incident est de gagner du temps.
Le centre droit a encore de l'espoir ; cer-
tains de ses membres, depuis le résultat
« unique » d'hier, tâtent des membres du
centre gauche, la tactique d'aujourd'hui
est le coup de mort donné aux espérances
de raccommodement.
Et M. Pâris lutte toujours pour l'annu-
lation.
M. Baragnon aussi veut dire son mot. Il
n'en dit guère qu'un, mais il est grand, il
restera dans l'histoire.
Aux droites qui prétendaient que les
gauches ont tenu cachée leur liste, M.
Gambetta a répondu que M. Baragnon,
sur sa demande, a reçu des mains de M.
Gent la liste dite secrète.
« C'est vrai, s'écrie M. Baragnon ; mais
M. Gent m'a donné la liste parce qu'il sait
que je suis collectionneur. »
« Baragnon collectionneur » passera à
la postérité. IL y a des gens qui collection-
nent*les papillons, d'autres, les coquilla-
ges, etc. M. Baragnon avait un penchant
bien marqué pour collectionner les porte-
feuilles ; mais le portefeuille se fait rare,
il devient au-dessus des moyens de M. Ba-
ragnon ; M. Baragnon collectionne les lis-
tes. On reconnait bien lâl'avarice particu-
lière au collectionneur: M. Baragnon
âura refusé de laisser voir à ses collègues
de droite la liste d'aujourd'hui, sa pièce
rare I
'• Vous voyez qu'au fond tout cela est fort
amusant, d'autant plus amusant que M.
Baragnon se défend d'avoir voté cette
liste !
Mais la gaîté ne connait plus de bornes
quand M. Gambetta s'écrie : « Quant à
M. Baragnon, il peut venir ici défendre sa
pudeur.»
Attendez, attendez, ça n'est pas fini.
La droite pousse des nurlements, et M. le
duc Pasquier ajoute, d'un ton sévère
« Non : le président n'admet pas que per-
sonne ici ait à défendre sa pudeur ! »
Si l'on aime le grand art à Nîmes, on y
fera exécuter immédiatement un tableau
représentant M. Baragnon en Joseph poli-
tique, laissant un morceau de son manteau
aux hommes du 4 Septembre, un autre
lambeau entre les mains du légitimiste
JV1. Boyer, arrachant aux gauches de 1875
ce qui lui reste de couverture, sans cesse
violé, toujours pudique.
C'est sur ce tableau féerique qu'il est bon
de clore le débat. Un scrutin pour savoir
s'il y aura annulation de scrutin ! Et un
pointage pour le scrutin du scrutin !
A-treize voix (334 321) il est décidé que
les droites n'obtiendront pas le sursis de-
mandé.
Les trois urnes sénatoriales, rangées en
ligne de bataille sur la tribune, surveillées
par sept cents paires d'yeux environ, at-
tendaient paisiblement leur sort. Qui sait
ce qu'elles contiennent, dans leurs flancs
de zinc, de sénateurs sur lesquels on pré-
tendait mettre opposition ?
.Dixhuit !
C'est le mot de la fin — ou peu s'en
faut.
PAUL LAFARGUE.
Avant-hier, le Journal de Paris exhor-
tait M. Buffet à ne tenir nul compte des
votes d'une Assemblée « moralement dis-
soute. »
La thèse a paru si parlementaire au
Français qu'il s'en est emparé. « Il n'y a
rien de vrai, dit-il, dans les bruits de crise
ministérielle que l'on fait courir. » Et il
ajoute :
Du reste, l'Assemblée n'a pour ainsi dire
plus qu'une existence nominale, et ce n'est
pas par les derniers mouvements convulsifs
de sa fin que la politique du pays peut être
dorénavant dirigée.
Moralement dissoute était injurieux.
Mais peut être existence nominale sem-
blera t-il plus insolent. Nous sommes bien
heureux, quant à nous, de n'être point
juges du concours, car nous ne saurions à
qui des deux émules décerner la palme.
CODftBrvateurs. conservateurs. un avis
pour -'-fiir -..::.. et désintéressé ! Le pays
vous écoute. Bridez-donc mieux vos lan-
gues, et prenez garde aux sentiments que
vous lui inspirez !
La Patrie se plaint des agissements de
certains courtiers politiques qui, sous un
but électoral, exploiteraient déjà le dépar-
tement de l'Oise.
« Ils se présentent, écrit-elle, sous le
couvert de compagnies d'assurances, et,
après avoir causé assurances quelques mi-
nutes, ils démasquent leurs batteries et
attaquent la question politique. Si l'un est
éconduit, un second arrive le lendemain
ou le jour suivant et recommence sa pré-
dication. C'est le dimanche que ces beaux
diseurs opèrent, surtout dans les cabarets :
on n'y entend que leurs voix. Ils distri-
buent aux enfants des photographies, etc. »
Le tableau est parfait. On y reconnaît
tout de suite dans leurs moindres détails,
fausses compagnies d'assurances, distribu-
tions de photographies, discours de caba-
rets, etc., — les procédés habituels d'une
propagande que nous connaissions déjà.
Mais ce que nous admirons le plus, c'est
la distraction de la Patrie. Il y a là-des-
sous quelque méprise. Autrement, com-
ment s'expliquer l'insertion d'un tel pas-
sage dans la feuille de M. de Soubeyran ?
E. L.
————— —————
RÉFLEXIONS UTILES
Je reçois de M. Beurdeley, un des
avocats distingués du barreau de Pa-
ris, une lettre que je ne veux point ci-
ter par modestie, mais dont je vais don-
ner l'analyse exacte, parce qu'elle me
fournira l'occasion de quelques ré-
flexions utiles. M. Beurdeley est, pour
moi, un de ces amis inconnus que tout
écrivain, qui parle avec conviction des
sujets qu'il traite, conquiert dans le jour-
nalisme. Il me fait quelquefois l'hon-
neur de m'écrire, à propos de mes ar-
ticles ; ses lettres sont toujours pleines
de bon sens et d'esprit.
M. Beurdeley commence parme faire
remarquer que je fais sans cesse allu-
sion aux cochons dela Sainte-Enfance,
et que je n'ai pas encore dit comment
et où les contes que l'on a débités sur
ce thème ont pu naître et se propager.
Ils lui paraissent si invraisemblables
qu'il en cherche une explication philo-
sophique, qui est ingénieuse.
Il croit que c'est là une légende.
Il me rappelle comment les légendes
se forment dans l'esprit des populations
ignorantes. Le porc, animal immonde,
est une incarnation de Satan. Les en-
fants que des mères dénaturées aban-
donnent en Chine et exposent à la mort,
doivent être naturellement la proie du
diable, puisqu'ils né sont pas baptisés.
Cette idée aura pris corps dans l'imagi-
nation des femmes et des enfants. De
là tous ces récits absurdes, où le pour-
ceau joue un si grand rôle.
L'exégèse ..est ingénieuse. Elle est,
par malheur, en contradiction avec les
faits.
Je possède la collection complète des
Annales de la Sainte-Enfance, depuis
l'an 1844 jusqu'à nos jours. Les pre-
miers volumes sont pleins de récits où
les missionnaires déelarent avoir vu, de
leurs yeux vu, ces abominables scènes
que M. Beurdeley tâche d'expliquer par
un complaisant symbolisme.
Je donnerai quelques-uns de ces pas-
sages ; pour aujourd'hui, je ne citerai
que ces quelques lignes extraites d'une
lettre de Fr. Joseph, évêque d'Aradan,
à Mgr de Forbin-Janson (1 or y., p. 123) :
« Il est vrai, monseigneur, que le
temps approche où cet empire, excessi-
vement populeux, recevra enfin le bien-
fait de cette civilisation que peut seule
donner la lumière de l'Evangile. Mais,
en attendant, il est affreux de voir tant
d'innocents enfants, qui, tout pleurants,
et enveloppés tantôt dans un peu 4e
paille, tantôt dans quelque linge, sont
jetés par des parents dénaturés, pour
être livrés à la cruelle voracité des
chiens, des pourceaux, des corbeaux,
qui parfois, plus humains que les au-
teurs mêmes de leurs jours.ont horreur
de tels mets, comme ja l'ai vn moi-
même plus d'une fois, non sans fris-
sonner et me sentir déchiré de regrets
pour n'avoir pu les secourir. Une si
énorme barbarie, qui semblerait in-
croyable, si elle n'était vraie. »
Voilà qui ne laisse guère de prise à
ergoter. Ce brave évêque l'a vu, de ses
yeux vu; et non pas une fois, mais
plusieurs. Plus heureux en cela ou plus
malheureux, si vous voulez, que le
père Hue, qui déclare avoir vécu dix
ans en Chine et avoir traversé ce vaste
empire en tous les sens, sans avoir ja-
mais rencontré rien de pareil. Et ce
qu'il y a de plus étrange, c'est que tous
les voyageurs (à deux ou trois exoop.
tions près), c'est que tous les commer-
çants revenus de Chine sont, à cet
égard, dans le cas du père Hue.
J'avais aujourd'hui même l'honneur
de causer avec M. de Montigny, qui a
longtemps vécu en Chine, qui fait en-
core d'immenses affaires avec ce pays.'
Il m'affirmait (en m'autorisant à user
de son témoignage) que jamais, au
grand jamais, il n'avait ouf parler d'un
enfant jeté aux chiens ni aux pour-
ceaux,
Et cependant je ne jurerais pas que
ce pieux missionnaire ne fût de très-
bonne foi, en écrivant ces bourdes ex-
travagantes. Qui ne sait la nuissaricA
d'illusion qu'exeree sur nos pauvres
cervelles une foi ardente ! Il avait e&
effet vu, dans quelque hallucination.
de petits Chinois livrés aux cochons, et
les cochons reculant d'horreur, comme
le soleil devant le festin d'Atrée.
Ce qui n'est pas une hallucination*
par exemple, ce sont les petits sous
que ces lamentables récits ont fait lior.,
tir de nos poches. -
M. Beurdeley termine sa lettre par
quelques réflexions qui m'ont semblé
bien justes.
Il dit qu'il a rencontré dans son
entourage nombre de gens qui, voyant
les articles tomber coup sur coup dans
le XIX Siècle sur le même objet, se
récriaient: « Toujours Lala 1 toujours les
petits Chinois ! c'est une série. Je leur
ai représenté, ajoute-t-il, que vous ne
pouviez faire autrement ; que c'était le
système tout entier que vous attaquiez,
en frappant sur un point ; et que c'était
pour le moment la guerre la plus utile
à faire. Continuez donc, monsieur. »
M. Beurdeley a raison. Croit-on que,
dans cette histoire ruthénoise de la
guérison de Mlle Lissorgue, s'il n'y
avait eu en jeu que la mince personna-
lité du docteur Lala ou la piètre
gloire de l'abbé Alazard, l'homme le
plus poli, mais le plus attrapé de
France, croit-on que j'eusse mis tant
d'insistance à fixer sur de si petits
compagnons l'attention de nos lecteurs ?
C'est que partout il y a des abbés Ala-
zards, se targuant de quelque miracla
inédit; c'est que partout ces abbés sont
en quête de quelque docteur Lala" qu'ils
puissent pousser en avant, et s'ils n'en
trouvent que rarement, c'est que les
universités catholiques n'ont pas encore
fait de docteurs.
Aujourd'hui, nous nous battons au-
tour de la Sainte-Enfance. Est-ce que
c'est moi qui ai choisi ce terrain de
manœuvres? Je ne songeais aucune-
ment à la Sainte-Enfance, dont j'avais-
dit un -- mot - en passant, mais - sans aucune
: intention d'y revenir.:
Ce sont eux qui sont venus m'offrir
le combat. Je l'ai accepté.
Mais toutes ces preuves que j'accu*
mule contre les récits des missionnai*
res vont bien plus loin que la Sainte-
Enfance. Parmi les œuvres catholiques
il en est beaucofttt-ellentes, et je
ne nie même pas que la Sainte-Enfance
ne rende des services. Ce que je dis,
ce que je démontre ils mon mieux, c'est
que nous payons ces services fort cher,
c'est qu'ils sont mêlés d'abus déplora-
bles, c'est qu'avant d'ouvrir sa bourse
à ces infatigables mendiants, qui vien-
nent de canoniser saint Labre, il faut
se livrer à une enquête sérieuse et sa-
voir où va l'argent qui nous est de-
mandé.
FRANCISQUE SARCEY.
---- ————————.——
Ce n'est point du tout que M. Buffet nous
gêne. Oh ! mon Dieu ! non 1 Pour la place
qu'il occupe à cette heure, vous pouvez
croire qu'il nous gêae peu. Mais si l'adver-
saire est désarmé par la piteuse déconfi-
ture de M. le vice président du conseil, le
moraliste ne peut s'empêcher d'observer
curieusement l'attitude actuelle de M. Buf-
fet, et de faire telle comparaison qui s'ime
pose d'elle-même.
Vous souvient-il du temps où M. Buffet
avait toujours la main sur son portefeuille
- pour le rendre W Quelle désintéressement
alors et quelle modestie ! — « Vous avez
l'air de vouloir que je parte! - Mais non.
— C'est qu'il ne faudrait pas me le dire
deux fois. Je suis de ces hommes qui.
— Allons! restez. — Très-bien, je cède. Je
ne partirai que demain. » La scène se re-
produisait tous les jours. Ce qu'on dépen-
sait d'efforts pour retenir M. Buffet est in-
calculable. On s'y épuisait, M. Buffet avait
toujours un pied hors de son ministère,
1 autre sur la tête de l'hydre révolution,
naire. Et l'on se disait : A la bonne heure !
en voilà un au moins qui, le jour où il tau.
dra dire adieu aux grandeurs, ne se fera
pas prier.
Dans ce temps-là, M. Buffet ne se conten-
tait pas d'une majorité, comme un simple
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