Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1875-11-24
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 24 novembre 1875 24 novembre 1875
Description : 1875/11/24 (A5,N1448). 1875/11/24 (A5,N1448).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/03/2013
Cinquième Année. — N. 1448 Prix du Numéro à Paris : 15 Oentlm.es. — Départements : 80 Centimes
Mercredi 24 Novembre 1875
LE E SIÈCLE
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
53, rue de LaCayette, 53
Les lettres non affranchies seront refusées
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois 13 fr.
Six mois. 25
Un L'Il. 50
DÉPARTEMENTS
Trois m<>Ís. 16 fr.
Six mois. 32
Un an 62
ADMINISTRATION
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
63, rue de Lafayette, 53
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus
r
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Un an 50
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 16 lï.
Six mois.--- 32
Un an.;. 62
0
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
------ Annonces, chez - MM. -- LAGRANGE, CERF - et C"
6, place de la Uonr8^r\u N
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Rédacteur en "- AKOUT
Rédttcteur e-n Chef-Géryn!!F;. ABOV'f_'
Annonces, chez ML LAGRANGE, CEKi1 et c;.
6, place de la Bourse, O
- 7
Imp. A. CHAIX ET Cie, rue Bergère, 20, à Paris
B"ULLETXN;-
-- .,<.
Paris, 23 novembre 1875.
L'Assemblée nationale a repris hier, le
cours de ses travaux. Après avoir refusé
l'urgence à une proposition de M. de Saby
tendant à l'abolition de la surtaxe établie
sur le sel, accordé l'urgence à un projet de
loi sur les réquisitions militaires déposé
par M. de Cissey, et voté un crédit sup-
plémentaire demandé par le ministre de
l'instruction publique, elle a abordé en
troisième lecture la loi électorale.
Plusieurs amendements présentés sur
l'article premier par MM. de Vinols, d'A-
boville, Delsol, Parent et de Belcastel ont
été successivement repoussés, et l'ensemble
de l'article premier a été adopté.
L'information la plus importante qui
nous arrive d'Orient est celle que donne la
Correspondance politique de Vienne,
feuille considérée comme officieuse. D'après
ce journal, un traité d'alliance offensive et
défensive existe entre la Serbie et le Mon-
ténégro. Ces deux Etats voisins, souvent
jaloux l'un de l'autre, se seraient entendus
pour engager les hostilités avec la Tur-
quie, et, d'avance, se seraient partagé les
territoires à conquérir. La Correspon-
dance politique donne le fait comme cer-
tain. Mais elle s'empresse d'ajouter que les
résultats n'en peuvent être qu'éloignés et
partant hypothétiques. Le commencement
des hostilités, d'après ses renseignements,
:serait fixé au mois d'avril ou de mai;et d'ici
là. d'ici là, il y a quatre mois à passer, et
voilà six mois que l'insurrection dure,
pourrions-nous dire. Ce n'est pas ainsi que
raisonne la Correspondance politique, et
elle croit que d'ici là une solution aura
certainement été trouvée.
Mais quelle solution ? Voilà ce que per-
sonne ne dit encore. Celle qui consisterait
dans une occupation conciliatrice de cer-
taines provinces turques par l'Autriche pa-
rait décidément abandonnée, et l'Observer
semble un peu en retard quand, tlans l'in-
quiétude que lui cause cette hypothèse, il
déclare qu'à l'entrée d'une armée autri-
chienne ou russe sur territoire turc l'An-
gleterre devrait répondre par l'envoi d'une
flotte sur le Bosphore. Ce qui est donné au-
jourd'hui comme le desideratum de l'Au-
triche, c'est un certain degré d'autonomie
accordé aux provinces turques où l'élément
chrétien domine ; celui de la Russie serait
plus modeste encore, et elle demanderait
seulement le maintien des anciennes fran-
chises stipulées en faveur de ces provinces.
Voilà, certes, une sage réserve. Mais où
seront les garanties? C'est toujours là
qu'on est ramené en cette question si
délicate. Ou les garanties consisteront
dans les promesses du gouvernement turc,
et alors., ou les puissances orientales se
chargeront de les prendre elles-mêmes,
réelles et effectives, et, dans ce cas, voici
l'Angleterre qui s'alarme et jette les yeux
sur sa flotte, comme fait 1 Observer. La
lolution sera peut-être trouvée d'ici au
mois d'avril, comme le croit la Correspon-
dance politique ; mais à coup sûr, elle ne
l'est pas encore.
L'Italie est tout occupée de ses travaux
parlementaires. Le rapport de la commis-
sion du budget a touché la question des
légations italiennes, qu'il s'agit, comme on
sait, d'élever, si les puissances y consen-
tent, au rang d'ambassades. Le rappor-
teur s'est félicité de l'acquiescement de
l'empire d'Allemagne à ce désir, et, avec
un amour-propre national qu'on ne saurait
trouver déplacé, a constaté que l'Italie,
étant devenue une grande puissance, doit
être représentée comme telle à l'étranger.
La suite de la session ne manquera pas
d'intérêt. Un projet des gauches renfer-
mant toute une réforme électorale semble
avoir été favorablement accueilli par la
majorité et par le gouvernement lui-mê-
me. Il tend à abaisser le cens et à élargir
le cercle des capacités. L'Italie marche
vers le suffrage universel de l'allure pru-
dente et ferme à la fois qui lui a réussi
en tant d'autres affaires. Le succès la
suivra sans doute aussi dans cette voie.
Nous nous en réjouissons , car on ne sau-
rait envier sa brillante fortune à un peu-
ple qui la doit non moins à ses mérites
qu'aux circonstances, et qui a donné, de-
puis qu'il a été rappelé à la vie, de très-
remarquables exemples de sagesse, d'intel-
ligence et d'esprit politique.
-
LE CAS DE M. BUFFET
Hier lundi, entre midi et 3 heures, a
été représentée dans les coulisses de
Versailles une saynette qu'on pourrait
intituler : les Propos interrompus. Ac-
teurs principaux : MM. Buffet et Du-
faure. Avec un certain nombre de cou-
pures et une infinité de raccords, il est
possible que la chose puisse se présen-
ter décemment devant la rampe dans
une huitaine de jours.
Le sujet n'est pas neuf ; c'est envi-
ron la quarantième fois qu'il a été traité
depuis une soixantaine d'années ; il
s'agit, en effet, de la loi sur la presse.
Mais les auteurs, désireux de le rajeu-
nir par quelque côté, y ont introduit un
élément tout nouveau : l'état de siège
Cela ne s'était pas encore vu ; mais l'on
sait que M. Buffet, un des collabora-
teurs, est un des esprits les plus origi-
naux de ce temps-ci. Avec lui on est
toujours assuré de quelque effet im-
prévu, de quelque combinaison toute
neuve. Le malheur, c'est le défaut
d'entente entre les deux auteurs ; il est
vraiment" trop visible et ne laisse pas
de nuire à l'unité de l'oeuvre.
Il ne s'agissait hier que d'une lec-
ture devant la commission d'examen, et
naturellement MM. Buffet et Dufaure
avaient été priés d'y assister. Mais
avant de comparaître devant la com-
mission, les deux collaborateurs avaient
négligé d'accorder leurs instruments,
si bien qu'ils ont joué chacun dans des
tons différents et produit une cacopho-
nie déplorable.
On sait déjà que l'article 1er du pro-
jet de loi en question vise les attaques
qui pourraient être dirigées « soit con-
tre les droits et l'autorité des Assem-
blées législatives, soit contre les droits
et l'autorité du gouvernement établi
par les lois constitutionnelles. » Il sem-
ble étrange, tout d'abord, que la pre-
mière préoccupation des auteurs du
projet ait été de sauvegarder autre
chose que la constitution même. Sans
doute rien n'est plus respectable et ne
doit être plus sérieusement protégé que
les droits et l'autorité des Assemblées ;
mais au-dessus de ces Assemblées, au-
dessus même du gouvernement, il y a la
constitution, à laquelle ni les Assem-
blées ni le gouvernement n'ont le droit
de porter atteinte, en dehors de certain
cas spécial prévu par la loi. Mais ce
n'est pas tout; ces lois constitutionnel-
les, qu'on semble vouloir protéger, ont
établi un régime universellement connu
sous le nom de République; et l'on s'é-
tonne àbon droit qu'une loi sur la presse,
soi-disant faite en vue de sauvegarder
les institutions, paraisse éviter dé pro-
noncer ce mot de République et préfère
recourir à une périphrase.
Tel est le sens de la première obser-
vation présentée aux auteurs du pro-
jet.
M. Dufaure a répondu. Il ne voit pas
bien la nécessité de modifier sa rédac-
tion ; toutefois, comme il n'a aucune
répugnance à prononcer le nom du ré-
gime qu'il sert, il se déclare tout dis-
posé à donner satisfaction sur ce point.
Halte là! La parole est à M. Buffet;
et M. Buffet n'entend pas de cette
oreille :
Ah ! que la République à mon oreille est rude !
M. Buffet ne nie pas qu'un régime
où le chef de l'Etat est électif a quel-
que droit de s'appeler République;
mais à quoi bon habituer le pays à un
mot qui, dans cinq ans, pourra légale-
ment être remplacé par un autre ? Au
surplus ce n'est pas la constitution, ce
n'est pas la République que M. le vice-
président du conseil se préoccupe de
défendre, c'est là le cadet de ses sou-
cis. La grande affaire est de protéger
les ministres; et le projet de loi, tel
qu'il est, suffit à ce soin.
Ce qui n'empêche M. Boffet d'affirmer,
comme devant, que M. Dufaure et lui,
c'est tout un. Il y a un peu de manie
dans. son" cas; M. le vice-président du
conseil ne peut plus ouvrir la bouche
sans prendre Dieu et les hommes à té-
moin que le cabinet du 12 mars est
d'une homogénéité parfaite. Dieu ne
proteste pas, mais les simples mortels
commencent à trouver que la plaisan-
terie dure trop; et nous serions fort
étonnés si M. Dufaure ne partageait
bientôt l'avis du public.
Du reste, la maladie dont l'honorable
vice-président du conseil est atteint
fait tous les jours des progrès effrayants.
Il devient incontestable, pour quiconque
n'est pas absolument étranger à la
science du diagnostic, qu'il est en proie
à des visions. Ce n'est plus seulement à
la tribune ; mais hier, dans un bureau,
c'est-à-dire en petit comité, les mêmes
visions lui sont apparues. Il a parlé du
péril social ! On devine qu'il était ques-
tion de l'état de siège conservé, par le
projet de loi, dans quatre départe-
ments. Comme on demandait à M. Buf-
fet les motifs de cette sorte de flétris-
sure infligée aux principales villes de
France, voici, en substance ce qu'il a
répondu :
— Certainêment, l'ordre matériel rè-
gne partout ; mais l'ordre moral, non
pas. Je n'ai pas le temps de lire les
rapports de mon préfet de police sur les
complots bonapartistes, et l'on a paru
s'en étonner. La raison, c'est que j'oc-
eupe mes loisirs à sonder les reins des
Parisiens, des Lyonnais, des Marseil-
lais et des Versaillais. (A ce moment,
M. le vice-président du conseil a paru
en proie à une vive émotion.) Cepen-
dant il continua : Les passions ne sont
calmées qu'à la surface;
Le dehors vous rassure ; si vous voyiez dedans !
—Vous comprendriez que le devoir du
gouvernement est de rester armé de
pied en cap pour empècher les orages
souterrains de venir troubler la « séré-
nité » des prochaines élections ! Si vous
saviez ce que je sais !
— Dites-nous - le, demanda timide-
ment un membre de la commission.
— C'est impossible, répondit M. Bnf-
fet. J'ai des rapports plein les mains;
ma: s je refusa de les communiquer !
iSOus en appelons aux princes da la
science. Oui ou non, est-il permis de
voir là un cas pathologique? Pour
nous, plus de doute. Qu'on lise attenti-
vement le compte-rendu de la séance
de la commission, qu'on se donne la
peine do comparer les déclarations
de Mf le vice-président du conseil et
celles de son collègue, M. le garde des
sceaux, et l'on verra s'il est possible à
un homme en possession de tout son
bon sens de croire encore à l'homo-
généité du cabinet. Après cette pre-
mière constatation, on devra considérer
l'attitude de l'honorable M. Buffet, étu-
dier attentivement ses réponses au su-
jet de la nécessité de l'état de siège, et
l'on nous dira si un tel langage dans
la bouche d'un ministre peut être attri-
bué à autre chose qu'à un état ma-
ladif.
E. SCHNERB.
LA DISSOLUTION
Aujourd'hui peut-être, demain au plus
tard, M. le garde des sceaux déposera un
projet de loi dont voici les dispositions
principales.
Du dimanche 12 au 19 décembre pro-
chain, aura lieu l'élection des délégués par
les conseils municipaux de toutes les com-
munes de France.
Le 9 janvier 1876, élection des séna-
teurs par les départements. -
Le 6 février suivant, élection des dé-
putés.
Le 20 février,scrutins de ballottage.
Le 21 février, réunion du Sénat et de la
Chambre des députés.
La dissolution de l'Assemblée actuelle
aurait lieu dam la première quinzaine de
décembre. Elle nommerait, en partant,
une commission de permanence, pour as-
sister le gouvernement pendant la période
électorale.
Courrier Parlementaire
Versailles, 22 novembre 1875.
C'est sans le moindre enthousiasme que
nousvoyons commencer la troisième et der-
nière passe d armes au sujet de la loi
électorale.
Et vraiment il faut que ce public, qui
postule en foule des places à la Chambre,
ait l'imagination bien féconde pour s'at-
tendre à de brillantes joûtes oratoires, à
d'émouvantes péripéties ; il nous semble,
à nous, que les deux partis ont sérieuse-
ment mesuré leurs forces en seconde lec-
ture et qu'il ne peut plus se livrer que des
batailles du vieux cirque olympique, où
l'on connaissait d'avance les vainqueurs
et les vaincus.
L'Assemblée, d'ailleurs, semble partager
notre opinion bien plus que celle du pu-
blic, et l'indifférence avec laquelle les
droites écoutent ou plutôt n'écoutent pas
M. Ferrouiliat, risquant Tin discours sur
l'ensemble, prouve suffisamment que tout
ce qu'on pourra dire ou ne pas dire pro-
duira exactement le même effet sur elles.
Toutefois, si h.g droites restent passives
au point de vue de la discussion, elles ne
renoncent pas à l'activité en ce qui con-
cerne les mouvements stratégiques : avant
que la séance soit ouverte, elles font
courir le bruit que l'entente est faite entre
elles pour la nomination des sénateurs et
circuler en sourdine un chiffre d'adhésions
qui va s'augmentant de bouche en bouche
et d'oreille en oreille.
La manœuvre n'est point sotte, bien
qu'elle soit comique : il n'est pas inintelli.
gent à la droite de célébrer sa puissance
au moment où commence la troisième lec-
ture de la loi électorale, de se faire forte
pour écarter toute velléité de défection ;
c'est ainsi qu'au temps jadis, les augures,
quand ils parvenaient à sa regarder sans
rire, ne manquaient pas de se prédire
bruyamment la victoire.
La vie parlementaire s'étant réfugiée
dans les couloirs, rarement séance fut
aussi insjgnifiante, aussi languissante,
aussi somnolente. Après M. Ferrouiliat,
M. d'Aboville ; après M. d'Aboviile, celui-
ci ou celui là ; peu importe. Une buée d'a-
pathie enveloppait les uns comme les au-
tres. Et comme il est possible de tirer une
conséquence de tout et même de rien,
nous soutenons, en présence de cette lon-
ganimité, que les listes sénatoriales sont
loin d'être prêtes.
Ce n'est que vers quatre heures et demie
que la séance fait mine, un instant, de
prendre une tournure sérieuse. M. Delsol,
qui a déjà fait le jeu de la droite en seconde
lecture, revient à la charge contre l'arti-
cle 1er. Il est clair que la liste complé-
mentaire et les trois cent mille électeurs
qu'elle contient font mal au cœur des
droitiers ; seulement, ils n'osent pas affi-
cher hautement leur répulsion instinctive.
M. Ricard a beau jeu en face de ce bé-
gaiement qui n'amrme rien, de cette dé-
marche tortueuse qui évite de se diriger
franchement vers le but.
Aux amendements succède une botte-
lée d'articles additionnels, conceptions
souvent étranges, issues le plus souvent
d'un cas particulier qui s'est rencontré
sur la route d'un législateur. Tel a ren-
contré sur &on chemin une femme rousse
qui croit devoir faire une loi générale en
vue du roux de toutes les femmes.
Ainsi M. Parent réclame le droit pour
les électeurs de transférer, à la suite d'une
déclaration, leur domicile électoral daos
la commune où ils se trouvent au moment
des élections. M. Parent est député de la
Savoie; il y a dix à parier (iiOlltre un qu'il
a songé — fort naturellement du reste —
aux Savoisiens qui viennent à Paris
exploiter nos cheminéB8 sous le nom de
Sayoyards.
Un autre article additionnel demande
des facilités de vote pour les Français qui
arrivent, de l'étranger, s'ils ont "été in-
scrits à un consulat- de France comme ré-
sidant au siège de ce consulat Parmi les
signataires de cet amendement se trou-
vent plusieurs représentants des Bouches-
dURhôlJH; Marseille, grand port de com-
me ce ; le séjour à l'étranger, le retour en
France. Vous voyez l'enchevêtrement
dea idées..
Il faut convenir d'ailleurs que les divers
pères de ces amendements ne se font pas
grande illusion sur le sort de leurs en-
fants. Ils mettent à entretenir l'assis-
tance des mérites de leur progéniture une
discrétion que devrait imiter maint père
de famille.
Le père de famille? Voilà! voilàI
Et quand bien même le succès n'aurait
pas couronné ses efforts, pourvu qu'il ait
simplement fait preuve de bonne volonté,
place, messieurs, large place dans la loi
électorale au père de famille avec ou sans
famille !
C'est M. de Belcastel qui propose l'amen-
dement suivant :
« Tout homme marié ou veuf, avec ou
sans enfants, aura droit à un vote complé-
mentaire. L'homme marié contre lequel la
séparation aura été prononcée par les tri-
bunaux perdra ce double vote. »
Cela et l'impôt sur les chapeaux de M.
de Lorgeril, voilà qui, d'ordinaire, égaie
toujours une salle. Eh bien, M. de Belcas-
tel lui-même ne parvient pas aujourd'hui à
vaincre l'apathie de la Chambre. Il exalte
les sentiments chrétiens, ça ne rend pas;
il médit du 4 Septembre, ca ne rend pas !
C'est à se demander si M. de Belcastel, de-
puis sa dernière converiion, n'est pas de-
venu trop républicain pour les monar-
chistes, et n'est pas demeuré trop monar-
chiste pour les républicains; il a l'air d'un
saint qui erre entre deux niches, — et la
clienièle aime la stabilité.
Sans M. Langlois, c'était une de ces
séances qui, à la longue, doivent mener au
suicide par la mélancolie.
«Comment! s'est écrié l'impétueux M.
Langlois, avec l'amendement de M. de
Belcastel, le curé du village aura une voix
et le sacristain, qui est marié, aura deux
voix ! »
C'était toucher la droite à sa partie sen-
sible. Et cependant deux cents bras envi-
ron se sont levés pour étayr l'amende-
ment Belcastel. Au fait, pourquoi pas ?
Fait-on autre chose que de la politique de
sacristain?
PAUL LAFARGUE.
Les négociations
En arrivant à Versailles hier, nous ap-
prenions, non sans quelque étonnement,
que la liste sénatoriale était faite. Des
nouvellistes intéressés à la chose criaient
tout haut que l'accord était fait entre les
droites et que , grâce au concours de
quelques défectionnaires du centre gauche,
la liste de droite pouvait compter sur 400
voix ; et l'on ajoutait : au moins !
Ces bruits nous ont paru quelque peu
suspects, et en puisant nos informations
à des sources très-sûres, nous avons appris
que tout cela était faux, archi faux, que
rien n'était terminé, et qu'au contraire,
les actions de la droite étaient en baisse.
*
* JI.
Néanmoins nous croyons devoir signa-
ler cette manœuvre. Il y a queiques jours
après le vote sur le scrutin uninominal,
des tentatives de rapprochement eurent
lieu entre les diverses fractions de la ma-
jorité du 24 mai. M. Buffet aidant, on
croyait'pouvoir arriver à un accord. Aussi
gardait-on un silence profond.On négociait.
Si par hasard on était parvenu à s'entendre,
quelqu'un serait monté à la tribune, au-
rait demandé immédiatement la mise à
l'ordre du jour de l'élection des 75 séna-
teurs, et le tour était joué.
Malheureusement tous ces beaux projeta
sont envolés. La droite modérée, qui était
à la tête du mouvement, s'est heurtée à des
difficultés insurmontables. Quand on s'est
contenté de dire: Entendons-nous ! cela a
bien marché; mais quand il a fallu aborder
les questions de proportions et les questions
de personnes, ç'a été fini. Chacun voulait ti-
rer à soi.Et c'est depuis ce temps quenous
entendons dire : L'accord et fait, les droi-
tes voteront comme un seul homme, les
gauches sont écrasées !
Ce procédé est fort connu. Il s'agit d'en-
trainer avec soi ceux «qui veulent être de
la majorité. » Mais en vérité, cela est
bien puéril. Aussi n'attacherions nous au-
cune importance à ces bruits si nous ne
savions qu'ils émanent de personnages
trèsimportants.
* Ji
Qui veulent ils tromper? Voilà ce qu'il
est difficile de démêler. Ils voulaient pro-
bablement peser sur les résolutions du
groupe Lavergne, qui s'est réuni hier et
qui devait prendre parti. Si c'était là le
but, il n'a pas été atteint. Le centre droit,
désirant avoir l'appoint des voix de ce
groupe parlementaire, l'avait prié de déli-
bérer et de « causer » avec le centre gauche.
Nous devons, à ce sujet, donner quelques
explications indispensables. Le groupe La-
vergne se composait, autrefois, de 15 ou 20
députés n'appartenant à aucun parti et fai-
sant pencher la balance tantôt à gauche,
tantôt à droite, suivant qu'ils se portaient
d'un côté-ou de l'autre. Au moment du
vote des lois constitutionnelles, on sait
qu'ils s'étaient portés à gauche, et ils ma-
nifestaient le désir d'y rester. Cela ne
faisait pas l'affaire des « habiles », aussi,
envoyait on au groupe Lavergne un cer-
tain nombre de députés « bien pensants »
avec mission spéciale de travailler pour le
compte de la droite.
*
* *
Hier, M. Léonce de Lavergne fit donc
savoir que le centre droit désirait eHlnai-
tre les intentions du centre gauche. Per-
sonne ne fit d'objections, et il fut convenu
que le président entrerait en pourparlers.
Mais immédiatement se posa la question
de savoir sur quelles bases. LeiJ droitiers
du groupe répondirent qu'il s'agissait sim-
plement. de poser une question au centre
gauche ; ils avaient l'air de dire qu'on le
ferait par acquit- de conscience et qu'en-
suite ou se considérerait comme dégagé.
Mais la partie gauche du groupe ne l'en-
tendait pas de cette façon. Un de ses mem-
bre fit obierver qu'on ne pouvait agir de
la sorte, qu'il fallait iribord discuter la
question de fond, et ensuite aHer trouver
le centre gauche et « causer > av«c iui. De
cette façon, a-t-il dit, nous ferons une
œuvre sérieuse; mais si nous nous con-
tentons de poser une question, on nous
répondra : Que proposez-vous? Nous ne
pouvons rien dire sans connaître vos in-
tentions.
C'est sur cette question de procédure
que l'on a discuté tout le temps de la
séance. D'une part, ceux qui voulaient que
l'on « causât » sans rien proposer, d'autre
part ceux qui voulaient qu'on prit une ré-
solution et qu'on « causât » ensuite. En ré-
sumé, les premiers cherchaient une rup-
ture et les seconds désiraient un accord.
*
X *
La discussion a été tres-vive. Ce fut une
vraie bataille, mais enfin par 13 voix con-
tre 12 il fut décidé que l'on prendrait parti
et que l'on négocierait ensuite.. C'est au-
jourd'hui qu'une décision doit intervenir.
D'après ce que nous savons des disposi-
tions de la majorité du groupe Larergne, -
majorité d'une voix ! — on a l'intention de
faire une liste de conciliation comprenant
toutesles fraetionsde l'Aesemblée, à l'exclu-
sion des intransigeants et des bonapartistes,
maisdans laquelle la prépondérance serait
donnée à la majorité du 25 lévrier. Cette lite
faite, elle serait soumise à la droite et à la
gauche. Si la droite la repousse, le groupe
Lavergne se considérerait comme dégagé
et ferait une liste en commun avec les
trois groupes de gauche.
je
.i' <
Si nous nous sommes ainsi étendus sur
le groupe Lavergne, c'est que, depuis quel-
ques jours, on le représentait comme rallié
à la politique de droite. Nous avons montré
que cela n'est pas, et si on ajoute ceux de
ses membres qui répugnent à ces alliances
compromettantes aux 320 voix de gauche
qui restent fermement unies, on n'est pas
loin d'obtenir une belle majorité. Cela suf-
firait donc à prouver que 1 a liste de droite
est une fiction et qu'elle est loin d'être
faite. Mais ce n'est pas tout. Nous venons de
dire que le centre droit avait prié le groupe
Lavergne de « causer » avec le centre
gauche. Cela prouve surabondamment que
l'on n'a pas de majorité. Les bonapartistes,
en effet, ont demandé tout ou rien. Tout,
c'est-à-dire que l'on nommât les personna-
lités marquantes de leur parti. La fraction
du centre droit qui a pris le nom de groupe
de Clercq, et qui comprend tous les
bonapartistes masqués, ne répugnait pas
à cette solution ; mais il s'est trouvé
quelques orléanistes à qui cela n'a pas
convenu. Les bonapartistes faisant dé-
faut, on s'est retourné d'un autre côté, et
en priant le groupe Lavergne de « causer »
avec le centre gauche, on a voulu tenter
à nouveau da séparer le centre gauche
des deux autres groupes républicains.
Nous n'avons pas besoin de dire que
l'on échouera, et nous devons ajouter que
les membres du groupe Lavergne qui
veulent enirer en pourparlers siérieux avec
le centre gauche ne se font aucune illu-
sion et savent très-pian qu'il s'agit pour
eux de s'entendre avec les trois gauches.
Les frix délégués nommés par les bureaux
des groupes républicains délibèrent tous
les jours et nous pouvons affirmer que
l'accord le plus parfait règne entre eux.
Il est bon que l'on sache qu'ils disposent
de 320 voix. Nous ne savons pas si,
avant le vote, un accord interviendra
entre eux et d'autres groupes de l'Assem-
b lée, mais, jusqu'au bout, l'accord des ré-
publicains sera maintenu en face des
droites divisées.
RAYMOND.
COMMISSION DE LA PRESSE
PRÉSIDENCE DE M. CORNE
M. le garde des sceaux et M. le vice-
président du conseil sont introduits dès le
début de la séance.
M. le président explique qu'à la der-
nière séance il a été chargé de demander
aux ministres des explications sur deux
points capitaux : l'article 1er et l'article 10.
Ils sont ainsi conçus :
Article premier. — Toute attaque, par
l'un des moyens énoncé. en l'article 1er de
la loi du 17 mai 1819, soit contre les droits
et l'autorité des Assemblées législatives,
soit contre les droits et l'autorité du gou-
vernement établi par les lois constitution-
nelles, sera punie des peines édictées par
l'article 1er du décret du Il août 1848.
L'article 463 du code pénal sera applica-
ble dans le cas prévu par le paragraphe
précédent.
Art. 10. — L'état de sirge sera levé de
plein droit dans ces quatre départements
et dans la ville d'Alger à partir du 1er mai
1876, s'il n'a été, avant cette époque, con-
firmé par une loi nouvelle.
L'article 1" ne fait pas ce que l'on avait
fait en 1848; il n'indique pas la forme du
gouvernement à protéger. En résumé, la
République n'est pas nommée. Pourquoi?
L'article 10 maintient l'état de siège dans
les départements, Y a t-il donc un péril im
minent pour la sécurité intérieure ou exté-
rieure du pays ?
Tels sont les points sur lesquels la com-
mitsion appelle l'attention des ministres.
M. le garde des sceaux répond que le
projet de loi actuel n'a fait que reproduire
ce qui avait été fait antérieurement, en
1848 et en 1849. En 1848, on a parlé de
souveraineté du peuple et de suffrage uni-
versel. A ce tte époque, la constitution n'é-
tait pas votée. La loi du 27 juillet 1849 se
borne à protéger la constitution, ce qui
dit tout, et comprend ce qui constitue les
principes du gouvernement de la Républi-
que. Si on trouvait que cola n'est pas suf-
fisant, il ilt1 s'opposerait pas à ce qu'on
ajoutât ?;iut,.; chose, tuais la formule em-
ployée d»-;* io projet- dit.tout ce qu'il y a à
ni T e,
M. Buffet, ministre, de C intérieur, est
d'accord sur cette queuion comme sur
toutes les autres avec M. le garde des
sceaux, il croit que les termes du projet
répondent à toutes les nécessités sans les
dépasser. Mais il ne faut pja oublier que
la loi existera sans doute quand la période
de révision sera ouverte. Même à ce mo-
ment, il ne sera pas permis d'attaquer l'au-
torité que les Assemblées et le chef du
pouvoir exécutif tiennent des lois consti-
tutionnelles. Mais on pourra discuter la
forme du gouvernement. Les termes du
projetempruntés à la législation antérieure
répondent donc exactement à la pensée du
gouvernement.
M. Albert Grévy voudrait prier M. If*
vice-président du conseil de préciser sa re
ponse. Ce qui est acquis, c'est que les at-
taques contre la constitution républicains
sont prohibées même pendant la période ds
révision.
M. Buffet. — Ce qui est interdit, s'est
de contester la légitimité des droits que
les Assemblées et le chef du gouvernement
tiennent de la constitution.
M. Grévy. — Mais la loi de 1848, après
avoir parlé de l'Assemblée, parle des insti-
tutions républicaines, de la constitution et
du principe même du gouvernement répu-
blicain, c'est-à-dire de la souveraineté du
peuple et du suffrage universel. Messieurs
les ministres entendent-ils supprimer toute
la fin de l'article premier du décrèt dit Il
août 1848 ?
M. Dufaure. — Nous protégeons le
gouvernement établi par les lois consti-
tutionnelles que vous avez votées. Or, le
principe républicain est inscrit dans ces
lois. Jusqu'où ira cette protection? Le ju-
ry en décidera.
M. Grévy. - Il est donc bien entendu
que la loi prohibe les attaques visées dans
le décret de 1848 ?
M. Buffet. — Pardon ! il ne faut pas
me faire dire ce que je ne dis pas. Danu
la constitution de 1848 il y avait des dé-
clarations de principes qui ne se retrou-
vent pas dans la constitution actuelle,
laquelle ne contient autre chose qu'une or-
ganisation des pouvoirs publics. C'est là
Ce que la loi protégera. On a essayé de dé-
montrer que la constitution du 25 février
était en contradiction avec ce qu'il con-
vient à M. Louis Blanc d'appeler le prin-
cipe républicain, il l'a victorieusement dé-
montré. Cette constitution organise des
pouvoirs publics, elle organise une Répu-
blique.
M. Pelletan. - Vous l'avouez donc !
M. Buffet. — Comment appeler autre
ment une organisation qui comprend un
chef électif?
M. Grévy. — Alors le gouvernement
prohibe les attaques contre la constitu-
tion ?
M. Dufaure. — Le suffrage universel
est la base de la constitution. Evidemment
si vous faites une loi pour protéger la con-
stitution, vous protégez le suffrage uni-
versel.
M. Grévy. — Nous sommes d'accord.
M. Buffet admet la légitimité de la
discussion. Si elle dévie, les tribunaux ap-
précieront. Les termes de la loi rendent
la pensée du gouvernement et ne. vont ni
en delà ni en deçà.
Un journal du Puy-de-Dôme a dit que la
constitution était une œuvre malhonnête
et criminelle, le gouvernement a prescrit
des poursuites. S il s'était contenté de dire
qu'elle contenait des dispositions défec-
tueuses, on n'aurait pas poursuivi.
M. Bertauld. — Mais si on mettait dans
la loi ces mots : le gouvernement de la
République ?
M. Buffet répond qu'il n'entend pas dis-
cuter une rédaction dans le sein de Ja com-
mission.
M. pqlletan. — Le principe et la formo
du gouvernement seraient ainsi livrés à
toutes les attaques : voilà ce que vous vou-
lez ?
M. Jules Favre. - M. le vice-président
du conseil admettrait-il qu'on adoptât.
cette rédaction : les attaques contre le prin-
cipe sur lequel repose Je gouvernactuel ?
M. Buffet. — Le gouvernement délibé
rera quand le moment sera venu sur c» tte
rédaction.
M. Jules Favre. — Reconnaitsez-vouw
au moins que votre gouvernement repMf)
sur un principe?
M. Buffet proteste contre ce genre de
discussion dans laquelle on altère sans in-
tention sans doute sa pensée.11 déclare que
la loi constitutionnelle faite par l'Assem-
blée commande l'obéissance et le respect;
c'est elle que la loi protégera. Sans doute
les lois constitutionnelles dérivent de cer-
tains principes, mais la constitution ac-
tuelle ne contient aucun principe abstrait,
aucune thèse spéculative.
M. Ferry voudrait savoir, et ceci n e
rien de spéculatif, si, dans la pensée des
ministres, la clause de révision enlève
quelque chose du respect dû à la constitu-
tion? Il ne lui a pas paru que le gouverne-
ment se fût exprimé d'une manière claire
et homogène. M. Dufaure a dit : Nqus vou-
lons protéger la constitution comme la loi
de 1848 le faisait, et M. Buffet, avec en
théorie sur la clause de révision, nous pa
rait donner aux lois constitutionnelles une
protection moins étendue, Y a-t-il donc
une différence ?
M. Dufazwe. - Jusqu'au jour où la con-
stitution sera révilée, le gouvernement la
fera respecter absolument comme il en a
été de celle de 1848 et de ceile de l'em
pire, qui, l'une et l'autre, étaient bujettcà
à révision. Sans doute, il y a un parti qui
cherche à exploiter cette < lause de révi-
sion; mais elle ne permet pas des -
qui seront immédiatement réprimées.
M. le président- fait, observer qu'il y
aurait lieu d'entendre MM. le.. Tuiuistres
sur la question de l'état de SÎPÉTP.
M. Buffet. — Le gs-uTemsjrcn-- ,,}-.t
désiré pouvoir proposer îs ls*Tt'e fio r 6"J.:
de siège dans tous l.*s dépsrtemsa'is, sous
la condition toutefois qu'une loi moins
inefficace que la législation actuelle mr 11
presse serait votée par l'Asgemblrii, re-
cette législation ne réprime rien ; mai:.. If-,
hommes chargés do la direction de l'état
Mercredi 24 Novembre 1875
LE E SIÈCLE
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
53, rue de LaCayette, 53
Les lettres non affranchies seront refusées
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois 13 fr.
Six mois. 25
Un L'Il. 50
DÉPARTEMENTS
Trois m<>Ís. 16 fr.
Six mois. 32
Un an 62
ADMINISTRATION
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
63, rue de Lafayette, 53
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus
r
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Trois mois. 13 fr.
Six mois 25
Un an 50
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 16 lï.
Six mois.--- 32
Un an.;. 62
0
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
------ Annonces, chez - MM. -- LAGRANGE, CERF - et C"
6, place de la Uonr8^r\u N
/-;- ev 1 - l*
Rédacteur en "- AKOUT
Rédttcteur e-n Chef-Géryn!!F;. ABOV'f_'
Annonces, chez ML LAGRANGE, CEKi1 et c;.
6, place de la Bourse, O
- 7
Imp. A. CHAIX ET Cie, rue Bergère, 20, à Paris
B"ULLETXN;-
-- .,<.
Paris, 23 novembre 1875.
L'Assemblée nationale a repris hier, le
cours de ses travaux. Après avoir refusé
l'urgence à une proposition de M. de Saby
tendant à l'abolition de la surtaxe établie
sur le sel, accordé l'urgence à un projet de
loi sur les réquisitions militaires déposé
par M. de Cissey, et voté un crédit sup-
plémentaire demandé par le ministre de
l'instruction publique, elle a abordé en
troisième lecture la loi électorale.
Plusieurs amendements présentés sur
l'article premier par MM. de Vinols, d'A-
boville, Delsol, Parent et de Belcastel ont
été successivement repoussés, et l'ensemble
de l'article premier a été adopté.
L'information la plus importante qui
nous arrive d'Orient est celle que donne la
Correspondance politique de Vienne,
feuille considérée comme officieuse. D'après
ce journal, un traité d'alliance offensive et
défensive existe entre la Serbie et le Mon-
ténégro. Ces deux Etats voisins, souvent
jaloux l'un de l'autre, se seraient entendus
pour engager les hostilités avec la Tur-
quie, et, d'avance, se seraient partagé les
territoires à conquérir. La Correspon-
dance politique donne le fait comme cer-
tain. Mais elle s'empresse d'ajouter que les
résultats n'en peuvent être qu'éloignés et
partant hypothétiques. Le commencement
des hostilités, d'après ses renseignements,
:serait fixé au mois d'avril ou de mai;et d'ici
là. d'ici là, il y a quatre mois à passer, et
voilà six mois que l'insurrection dure,
pourrions-nous dire. Ce n'est pas ainsi que
raisonne la Correspondance politique, et
elle croit que d'ici là une solution aura
certainement été trouvée.
Mais quelle solution ? Voilà ce que per-
sonne ne dit encore. Celle qui consisterait
dans une occupation conciliatrice de cer-
taines provinces turques par l'Autriche pa-
rait décidément abandonnée, et l'Observer
semble un peu en retard quand, tlans l'in-
quiétude que lui cause cette hypothèse, il
déclare qu'à l'entrée d'une armée autri-
chienne ou russe sur territoire turc l'An-
gleterre devrait répondre par l'envoi d'une
flotte sur le Bosphore. Ce qui est donné au-
jourd'hui comme le desideratum de l'Au-
triche, c'est un certain degré d'autonomie
accordé aux provinces turques où l'élément
chrétien domine ; celui de la Russie serait
plus modeste encore, et elle demanderait
seulement le maintien des anciennes fran-
chises stipulées en faveur de ces provinces.
Voilà, certes, une sage réserve. Mais où
seront les garanties? C'est toujours là
qu'on est ramené en cette question si
délicate. Ou les garanties consisteront
dans les promesses du gouvernement turc,
et alors., ou les puissances orientales se
chargeront de les prendre elles-mêmes,
réelles et effectives, et, dans ce cas, voici
l'Angleterre qui s'alarme et jette les yeux
sur sa flotte, comme fait 1 Observer. La
lolution sera peut-être trouvée d'ici au
mois d'avril, comme le croit la Correspon-
dance politique ; mais à coup sûr, elle ne
l'est pas encore.
L'Italie est tout occupée de ses travaux
parlementaires. Le rapport de la commis-
sion du budget a touché la question des
légations italiennes, qu'il s'agit, comme on
sait, d'élever, si les puissances y consen-
tent, au rang d'ambassades. Le rappor-
teur s'est félicité de l'acquiescement de
l'empire d'Allemagne à ce désir, et, avec
un amour-propre national qu'on ne saurait
trouver déplacé, a constaté que l'Italie,
étant devenue une grande puissance, doit
être représentée comme telle à l'étranger.
La suite de la session ne manquera pas
d'intérêt. Un projet des gauches renfer-
mant toute une réforme électorale semble
avoir été favorablement accueilli par la
majorité et par le gouvernement lui-mê-
me. Il tend à abaisser le cens et à élargir
le cercle des capacités. L'Italie marche
vers le suffrage universel de l'allure pru-
dente et ferme à la fois qui lui a réussi
en tant d'autres affaires. Le succès la
suivra sans doute aussi dans cette voie.
Nous nous en réjouissons , car on ne sau-
rait envier sa brillante fortune à un peu-
ple qui la doit non moins à ses mérites
qu'aux circonstances, et qui a donné, de-
puis qu'il a été rappelé à la vie, de très-
remarquables exemples de sagesse, d'intel-
ligence et d'esprit politique.
-
LE CAS DE M. BUFFET
Hier lundi, entre midi et 3 heures, a
été représentée dans les coulisses de
Versailles une saynette qu'on pourrait
intituler : les Propos interrompus. Ac-
teurs principaux : MM. Buffet et Du-
faure. Avec un certain nombre de cou-
pures et une infinité de raccords, il est
possible que la chose puisse se présen-
ter décemment devant la rampe dans
une huitaine de jours.
Le sujet n'est pas neuf ; c'est envi-
ron la quarantième fois qu'il a été traité
depuis une soixantaine d'années ; il
s'agit, en effet, de la loi sur la presse.
Mais les auteurs, désireux de le rajeu-
nir par quelque côté, y ont introduit un
élément tout nouveau : l'état de siège
Cela ne s'était pas encore vu ; mais l'on
sait que M. Buffet, un des collabora-
teurs, est un des esprits les plus origi-
naux de ce temps-ci. Avec lui on est
toujours assuré de quelque effet im-
prévu, de quelque combinaison toute
neuve. Le malheur, c'est le défaut
d'entente entre les deux auteurs ; il est
vraiment" trop visible et ne laisse pas
de nuire à l'unité de l'oeuvre.
Il ne s'agissait hier que d'une lec-
ture devant la commission d'examen, et
naturellement MM. Buffet et Dufaure
avaient été priés d'y assister. Mais
avant de comparaître devant la com-
mission, les deux collaborateurs avaient
négligé d'accorder leurs instruments,
si bien qu'ils ont joué chacun dans des
tons différents et produit une cacopho-
nie déplorable.
On sait déjà que l'article 1er du pro-
jet de loi en question vise les attaques
qui pourraient être dirigées « soit con-
tre les droits et l'autorité des Assem-
blées législatives, soit contre les droits
et l'autorité du gouvernement établi
par les lois constitutionnelles. » Il sem-
ble étrange, tout d'abord, que la pre-
mière préoccupation des auteurs du
projet ait été de sauvegarder autre
chose que la constitution même. Sans
doute rien n'est plus respectable et ne
doit être plus sérieusement protégé que
les droits et l'autorité des Assemblées ;
mais au-dessus de ces Assemblées, au-
dessus même du gouvernement, il y a la
constitution, à laquelle ni les Assem-
blées ni le gouvernement n'ont le droit
de porter atteinte, en dehors de certain
cas spécial prévu par la loi. Mais ce
n'est pas tout; ces lois constitutionnel-
les, qu'on semble vouloir protéger, ont
établi un régime universellement connu
sous le nom de République; et l'on s'é-
tonne àbon droit qu'une loi sur la presse,
soi-disant faite en vue de sauvegarder
les institutions, paraisse éviter dé pro-
noncer ce mot de République et préfère
recourir à une périphrase.
Tel est le sens de la première obser-
vation présentée aux auteurs du pro-
jet.
M. Dufaure a répondu. Il ne voit pas
bien la nécessité de modifier sa rédac-
tion ; toutefois, comme il n'a aucune
répugnance à prononcer le nom du ré-
gime qu'il sert, il se déclare tout dis-
posé à donner satisfaction sur ce point.
Halte là! La parole est à M. Buffet;
et M. Buffet n'entend pas de cette
oreille :
Ah ! que la République à mon oreille est rude !
M. Buffet ne nie pas qu'un régime
où le chef de l'Etat est électif a quel-
que droit de s'appeler République;
mais à quoi bon habituer le pays à un
mot qui, dans cinq ans, pourra légale-
ment être remplacé par un autre ? Au
surplus ce n'est pas la constitution, ce
n'est pas la République que M. le vice-
président du conseil se préoccupe de
défendre, c'est là le cadet de ses sou-
cis. La grande affaire est de protéger
les ministres; et le projet de loi, tel
qu'il est, suffit à ce soin.
Ce qui n'empêche M. Boffet d'affirmer,
comme devant, que M. Dufaure et lui,
c'est tout un. Il y a un peu de manie
dans. son" cas; M. le vice-président du
conseil ne peut plus ouvrir la bouche
sans prendre Dieu et les hommes à té-
moin que le cabinet du 12 mars est
d'une homogénéité parfaite. Dieu ne
proteste pas, mais les simples mortels
commencent à trouver que la plaisan-
terie dure trop; et nous serions fort
étonnés si M. Dufaure ne partageait
bientôt l'avis du public.
Du reste, la maladie dont l'honorable
vice-président du conseil est atteint
fait tous les jours des progrès effrayants.
Il devient incontestable, pour quiconque
n'est pas absolument étranger à la
science du diagnostic, qu'il est en proie
à des visions. Ce n'est plus seulement à
la tribune ; mais hier, dans un bureau,
c'est-à-dire en petit comité, les mêmes
visions lui sont apparues. Il a parlé du
péril social ! On devine qu'il était ques-
tion de l'état de siège conservé, par le
projet de loi, dans quatre départe-
ments. Comme on demandait à M. Buf-
fet les motifs de cette sorte de flétris-
sure infligée aux principales villes de
France, voici, en substance ce qu'il a
répondu :
— Certainêment, l'ordre matériel rè-
gne partout ; mais l'ordre moral, non
pas. Je n'ai pas le temps de lire les
rapports de mon préfet de police sur les
complots bonapartistes, et l'on a paru
s'en étonner. La raison, c'est que j'oc-
eupe mes loisirs à sonder les reins des
Parisiens, des Lyonnais, des Marseil-
lais et des Versaillais. (A ce moment,
M. le vice-président du conseil a paru
en proie à une vive émotion.) Cepen-
dant il continua : Les passions ne sont
calmées qu'à la surface;
Le dehors vous rassure ; si vous voyiez dedans !
—Vous comprendriez que le devoir du
gouvernement est de rester armé de
pied en cap pour empècher les orages
souterrains de venir troubler la « séré-
nité » des prochaines élections ! Si vous
saviez ce que je sais !
— Dites-nous - le, demanda timide-
ment un membre de la commission.
— C'est impossible, répondit M. Bnf-
fet. J'ai des rapports plein les mains;
ma: s je refusa de les communiquer !
iSOus en appelons aux princes da la
science. Oui ou non, est-il permis de
voir là un cas pathologique? Pour
nous, plus de doute. Qu'on lise attenti-
vement le compte-rendu de la séance
de la commission, qu'on se donne la
peine do comparer les déclarations
de Mf le vice-président du conseil et
celles de son collègue, M. le garde des
sceaux, et l'on verra s'il est possible à
un homme en possession de tout son
bon sens de croire encore à l'homo-
généité du cabinet. Après cette pre-
mière constatation, on devra considérer
l'attitude de l'honorable M. Buffet, étu-
dier attentivement ses réponses au su-
jet de la nécessité de l'état de siège, et
l'on nous dira si un tel langage dans
la bouche d'un ministre peut être attri-
bué à autre chose qu'à un état ma-
ladif.
E. SCHNERB.
LA DISSOLUTION
Aujourd'hui peut-être, demain au plus
tard, M. le garde des sceaux déposera un
projet de loi dont voici les dispositions
principales.
Du dimanche 12 au 19 décembre pro-
chain, aura lieu l'élection des délégués par
les conseils municipaux de toutes les com-
munes de France.
Le 9 janvier 1876, élection des séna-
teurs par les départements. -
Le 6 février suivant, élection des dé-
putés.
Le 20 février,scrutins de ballottage.
Le 21 février, réunion du Sénat et de la
Chambre des députés.
La dissolution de l'Assemblée actuelle
aurait lieu dam la première quinzaine de
décembre. Elle nommerait, en partant,
une commission de permanence, pour as-
sister le gouvernement pendant la période
électorale.
Courrier Parlementaire
Versailles, 22 novembre 1875.
C'est sans le moindre enthousiasme que
nousvoyons commencer la troisième et der-
nière passe d armes au sujet de la loi
électorale.
Et vraiment il faut que ce public, qui
postule en foule des places à la Chambre,
ait l'imagination bien féconde pour s'at-
tendre à de brillantes joûtes oratoires, à
d'émouvantes péripéties ; il nous semble,
à nous, que les deux partis ont sérieuse-
ment mesuré leurs forces en seconde lec-
ture et qu'il ne peut plus se livrer que des
batailles du vieux cirque olympique, où
l'on connaissait d'avance les vainqueurs
et les vaincus.
L'Assemblée, d'ailleurs, semble partager
notre opinion bien plus que celle du pu-
blic, et l'indifférence avec laquelle les
droites écoutent ou plutôt n'écoutent pas
M. Ferrouiliat, risquant Tin discours sur
l'ensemble, prouve suffisamment que tout
ce qu'on pourra dire ou ne pas dire pro-
duira exactement le même effet sur elles.
Toutefois, si h.g droites restent passives
au point de vue de la discussion, elles ne
renoncent pas à l'activité en ce qui con-
cerne les mouvements stratégiques : avant
que la séance soit ouverte, elles font
courir le bruit que l'entente est faite entre
elles pour la nomination des sénateurs et
circuler en sourdine un chiffre d'adhésions
qui va s'augmentant de bouche en bouche
et d'oreille en oreille.
La manœuvre n'est point sotte, bien
qu'elle soit comique : il n'est pas inintelli.
gent à la droite de célébrer sa puissance
au moment où commence la troisième lec-
ture de la loi électorale, de se faire forte
pour écarter toute velléité de défection ;
c'est ainsi qu'au temps jadis, les augures,
quand ils parvenaient à sa regarder sans
rire, ne manquaient pas de se prédire
bruyamment la victoire.
La vie parlementaire s'étant réfugiée
dans les couloirs, rarement séance fut
aussi insjgnifiante, aussi languissante,
aussi somnolente. Après M. Ferrouiliat,
M. d'Aboville ; après M. d'Aboviile, celui-
ci ou celui là ; peu importe. Une buée d'a-
pathie enveloppait les uns comme les au-
tres. Et comme il est possible de tirer une
conséquence de tout et même de rien,
nous soutenons, en présence de cette lon-
ganimité, que les listes sénatoriales sont
loin d'être prêtes.
Ce n'est que vers quatre heures et demie
que la séance fait mine, un instant, de
prendre une tournure sérieuse. M. Delsol,
qui a déjà fait le jeu de la droite en seconde
lecture, revient à la charge contre l'arti-
cle 1er. Il est clair que la liste complé-
mentaire et les trois cent mille électeurs
qu'elle contient font mal au cœur des
droitiers ; seulement, ils n'osent pas affi-
cher hautement leur répulsion instinctive.
M. Ricard a beau jeu en face de ce bé-
gaiement qui n'amrme rien, de cette dé-
marche tortueuse qui évite de se diriger
franchement vers le but.
Aux amendements succède une botte-
lée d'articles additionnels, conceptions
souvent étranges, issues le plus souvent
d'un cas particulier qui s'est rencontré
sur la route d'un législateur. Tel a ren-
contré sur &on chemin une femme rousse
qui croit devoir faire une loi générale en
vue du roux de toutes les femmes.
Ainsi M. Parent réclame le droit pour
les électeurs de transférer, à la suite d'une
déclaration, leur domicile électoral daos
la commune où ils se trouvent au moment
des élections. M. Parent est député de la
Savoie; il y a dix à parier (iiOlltre un qu'il
a songé — fort naturellement du reste —
aux Savoisiens qui viennent à Paris
exploiter nos cheminéB8 sous le nom de
Sayoyards.
Un autre article additionnel demande
des facilités de vote pour les Français qui
arrivent, de l'étranger, s'ils ont "été in-
scrits à un consulat- de France comme ré-
sidant au siège de ce consulat Parmi les
signataires de cet amendement se trou-
vent plusieurs représentants des Bouches-
dURhôlJH; Marseille, grand port de com-
me ce ; le séjour à l'étranger, le retour en
France. Vous voyez l'enchevêtrement
dea idées..
Il faut convenir d'ailleurs que les divers
pères de ces amendements ne se font pas
grande illusion sur le sort de leurs en-
fants. Ils mettent à entretenir l'assis-
tance des mérites de leur progéniture une
discrétion que devrait imiter maint père
de famille.
Le père de famille? Voilà! voilàI
Et quand bien même le succès n'aurait
pas couronné ses efforts, pourvu qu'il ait
simplement fait preuve de bonne volonté,
place, messieurs, large place dans la loi
électorale au père de famille avec ou sans
famille !
C'est M. de Belcastel qui propose l'amen-
dement suivant :
« Tout homme marié ou veuf, avec ou
sans enfants, aura droit à un vote complé-
mentaire. L'homme marié contre lequel la
séparation aura été prononcée par les tri-
bunaux perdra ce double vote. »
Cela et l'impôt sur les chapeaux de M.
de Lorgeril, voilà qui, d'ordinaire, égaie
toujours une salle. Eh bien, M. de Belcas-
tel lui-même ne parvient pas aujourd'hui à
vaincre l'apathie de la Chambre. Il exalte
les sentiments chrétiens, ça ne rend pas;
il médit du 4 Septembre, ca ne rend pas !
C'est à se demander si M. de Belcastel, de-
puis sa dernière converiion, n'est pas de-
venu trop républicain pour les monar-
chistes, et n'est pas demeuré trop monar-
chiste pour les républicains; il a l'air d'un
saint qui erre entre deux niches, — et la
clienièle aime la stabilité.
Sans M. Langlois, c'était une de ces
séances qui, à la longue, doivent mener au
suicide par la mélancolie.
«Comment! s'est écrié l'impétueux M.
Langlois, avec l'amendement de M. de
Belcastel, le curé du village aura une voix
et le sacristain, qui est marié, aura deux
voix ! »
C'était toucher la droite à sa partie sen-
sible. Et cependant deux cents bras envi-
ron se sont levés pour étayr l'amende-
ment Belcastel. Au fait, pourquoi pas ?
Fait-on autre chose que de la politique de
sacristain?
PAUL LAFARGUE.
Les négociations
En arrivant à Versailles hier, nous ap-
prenions, non sans quelque étonnement,
que la liste sénatoriale était faite. Des
nouvellistes intéressés à la chose criaient
tout haut que l'accord était fait entre les
droites et que , grâce au concours de
quelques défectionnaires du centre gauche,
la liste de droite pouvait compter sur 400
voix ; et l'on ajoutait : au moins !
Ces bruits nous ont paru quelque peu
suspects, et en puisant nos informations
à des sources très-sûres, nous avons appris
que tout cela était faux, archi faux, que
rien n'était terminé, et qu'au contraire,
les actions de la droite étaient en baisse.
*
* JI.
Néanmoins nous croyons devoir signa-
ler cette manœuvre. Il y a queiques jours
après le vote sur le scrutin uninominal,
des tentatives de rapprochement eurent
lieu entre les diverses fractions de la ma-
jorité du 24 mai. M. Buffet aidant, on
croyait'pouvoir arriver à un accord. Aussi
gardait-on un silence profond.On négociait.
Si par hasard on était parvenu à s'entendre,
quelqu'un serait monté à la tribune, au-
rait demandé immédiatement la mise à
l'ordre du jour de l'élection des 75 séna-
teurs, et le tour était joué.
Malheureusement tous ces beaux projeta
sont envolés. La droite modérée, qui était
à la tête du mouvement, s'est heurtée à des
difficultés insurmontables. Quand on s'est
contenté de dire: Entendons-nous ! cela a
bien marché; mais quand il a fallu aborder
les questions de proportions et les questions
de personnes, ç'a été fini. Chacun voulait ti-
rer à soi.Et c'est depuis ce temps quenous
entendons dire : L'accord et fait, les droi-
tes voteront comme un seul homme, les
gauches sont écrasées !
Ce procédé est fort connu. Il s'agit d'en-
trainer avec soi ceux «qui veulent être de
la majorité. » Mais en vérité, cela est
bien puéril. Aussi n'attacherions nous au-
cune importance à ces bruits si nous ne
savions qu'ils émanent de personnages
trèsimportants.
* Ji
Qui veulent ils tromper? Voilà ce qu'il
est difficile de démêler. Ils voulaient pro-
bablement peser sur les résolutions du
groupe Lavergne, qui s'est réuni hier et
qui devait prendre parti. Si c'était là le
but, il n'a pas été atteint. Le centre droit,
désirant avoir l'appoint des voix de ce
groupe parlementaire, l'avait prié de déli-
bérer et de « causer » avec le centre gauche.
Nous devons, à ce sujet, donner quelques
explications indispensables. Le groupe La-
vergne se composait, autrefois, de 15 ou 20
députés n'appartenant à aucun parti et fai-
sant pencher la balance tantôt à gauche,
tantôt à droite, suivant qu'ils se portaient
d'un côté-ou de l'autre. Au moment du
vote des lois constitutionnelles, on sait
qu'ils s'étaient portés à gauche, et ils ma-
nifestaient le désir d'y rester. Cela ne
faisait pas l'affaire des « habiles », aussi,
envoyait on au groupe Lavergne un cer-
tain nombre de députés « bien pensants »
avec mission spéciale de travailler pour le
compte de la droite.
*
* *
Hier, M. Léonce de Lavergne fit donc
savoir que le centre droit désirait eHlnai-
tre les intentions du centre gauche. Per-
sonne ne fit d'objections, et il fut convenu
que le président entrerait en pourparlers.
Mais immédiatement se posa la question
de savoir sur quelles bases. LeiJ droitiers
du groupe répondirent qu'il s'agissait sim-
plement. de poser une question au centre
gauche ; ils avaient l'air de dire qu'on le
ferait par acquit- de conscience et qu'en-
suite ou se considérerait comme dégagé.
Mais la partie gauche du groupe ne l'en-
tendait pas de cette façon. Un de ses mem-
bre fit obierver qu'on ne pouvait agir de
la sorte, qu'il fallait iribord discuter la
question de fond, et ensuite aHer trouver
le centre gauche et « causer > av«c iui. De
cette façon, a-t-il dit, nous ferons une
œuvre sérieuse; mais si nous nous con-
tentons de poser une question, on nous
répondra : Que proposez-vous? Nous ne
pouvons rien dire sans connaître vos in-
tentions.
C'est sur cette question de procédure
que l'on a discuté tout le temps de la
séance. D'une part, ceux qui voulaient que
l'on « causât » sans rien proposer, d'autre
part ceux qui voulaient qu'on prit une ré-
solution et qu'on « causât » ensuite. En ré-
sumé, les premiers cherchaient une rup-
ture et les seconds désiraient un accord.
*
X *
La discussion a été tres-vive. Ce fut une
vraie bataille, mais enfin par 13 voix con-
tre 12 il fut décidé que l'on prendrait parti
et que l'on négocierait ensuite.. C'est au-
jourd'hui qu'une décision doit intervenir.
D'après ce que nous savons des disposi-
tions de la majorité du groupe Larergne, -
majorité d'une voix ! — on a l'intention de
faire une liste de conciliation comprenant
toutesles fraetionsde l'Aesemblée, à l'exclu-
sion des intransigeants et des bonapartistes,
maisdans laquelle la prépondérance serait
donnée à la majorité du 25 lévrier. Cette lite
faite, elle serait soumise à la droite et à la
gauche. Si la droite la repousse, le groupe
Lavergne se considérerait comme dégagé
et ferait une liste en commun avec les
trois groupes de gauche.
je
.i' <
Si nous nous sommes ainsi étendus sur
le groupe Lavergne, c'est que, depuis quel-
ques jours, on le représentait comme rallié
à la politique de droite. Nous avons montré
que cela n'est pas, et si on ajoute ceux de
ses membres qui répugnent à ces alliances
compromettantes aux 320 voix de gauche
qui restent fermement unies, on n'est pas
loin d'obtenir une belle majorité. Cela suf-
firait donc à prouver que 1 a liste de droite
est une fiction et qu'elle est loin d'être
faite. Mais ce n'est pas tout. Nous venons de
dire que le centre droit avait prié le groupe
Lavergne de « causer » avec le centre
gauche. Cela prouve surabondamment que
l'on n'a pas de majorité. Les bonapartistes,
en effet, ont demandé tout ou rien. Tout,
c'est-à-dire que l'on nommât les personna-
lités marquantes de leur parti. La fraction
du centre droit qui a pris le nom de groupe
de Clercq, et qui comprend tous les
bonapartistes masqués, ne répugnait pas
à cette solution ; mais il s'est trouvé
quelques orléanistes à qui cela n'a pas
convenu. Les bonapartistes faisant dé-
faut, on s'est retourné d'un autre côté, et
en priant le groupe Lavergne de « causer »
avec le centre gauche, on a voulu tenter
à nouveau da séparer le centre gauche
des deux autres groupes républicains.
Nous n'avons pas besoin de dire que
l'on échouera, et nous devons ajouter que
les membres du groupe Lavergne qui
veulent enirer en pourparlers siérieux avec
le centre gauche ne se font aucune illu-
sion et savent très-pian qu'il s'agit pour
eux de s'entendre avec les trois gauches.
Les frix délégués nommés par les bureaux
des groupes républicains délibèrent tous
les jours et nous pouvons affirmer que
l'accord le plus parfait règne entre eux.
Il est bon que l'on sache qu'ils disposent
de 320 voix. Nous ne savons pas si,
avant le vote, un accord interviendra
entre eux et d'autres groupes de l'Assem-
b lée, mais, jusqu'au bout, l'accord des ré-
publicains sera maintenu en face des
droites divisées.
RAYMOND.
COMMISSION DE LA PRESSE
PRÉSIDENCE DE M. CORNE
M. le garde des sceaux et M. le vice-
président du conseil sont introduits dès le
début de la séance.
M. le président explique qu'à la der-
nière séance il a été chargé de demander
aux ministres des explications sur deux
points capitaux : l'article 1er et l'article 10.
Ils sont ainsi conçus :
Article premier. — Toute attaque, par
l'un des moyens énoncé. en l'article 1er de
la loi du 17 mai 1819, soit contre les droits
et l'autorité des Assemblées législatives,
soit contre les droits et l'autorité du gou-
vernement établi par les lois constitution-
nelles, sera punie des peines édictées par
l'article 1er du décret du Il août 1848.
L'article 463 du code pénal sera applica-
ble dans le cas prévu par le paragraphe
précédent.
Art. 10. — L'état de sirge sera levé de
plein droit dans ces quatre départements
et dans la ville d'Alger à partir du 1er mai
1876, s'il n'a été, avant cette époque, con-
firmé par une loi nouvelle.
L'article 1" ne fait pas ce que l'on avait
fait en 1848; il n'indique pas la forme du
gouvernement à protéger. En résumé, la
République n'est pas nommée. Pourquoi?
L'article 10 maintient l'état de siège dans
les départements, Y a t-il donc un péril im
minent pour la sécurité intérieure ou exté-
rieure du pays ?
Tels sont les points sur lesquels la com-
mitsion appelle l'attention des ministres.
M. le garde des sceaux répond que le
projet de loi actuel n'a fait que reproduire
ce qui avait été fait antérieurement, en
1848 et en 1849. En 1848, on a parlé de
souveraineté du peuple et de suffrage uni-
versel. A ce tte époque, la constitution n'é-
tait pas votée. La loi du 27 juillet 1849 se
borne à protéger la constitution, ce qui
dit tout, et comprend ce qui constitue les
principes du gouvernement de la Républi-
que. Si on trouvait que cola n'est pas suf-
fisant, il ilt1 s'opposerait pas à ce qu'on
ajoutât ?;iut,.; chose, tuais la formule em-
ployée d»-;* io projet- dit.tout ce qu'il y a à
ni T e,
M. Buffet, ministre, de C intérieur, est
d'accord sur cette queuion comme sur
toutes les autres avec M. le garde des
sceaux, il croit que les termes du projet
répondent à toutes les nécessités sans les
dépasser. Mais il ne faut pja oublier que
la loi existera sans doute quand la période
de révision sera ouverte. Même à ce mo-
ment, il ne sera pas permis d'attaquer l'au-
torité que les Assemblées et le chef du
pouvoir exécutif tiennent des lois consti-
tutionnelles. Mais on pourra discuter la
forme du gouvernement. Les termes du
projetempruntés à la législation antérieure
répondent donc exactement à la pensée du
gouvernement.
M. Albert Grévy voudrait prier M. If*
vice-président du conseil de préciser sa re
ponse. Ce qui est acquis, c'est que les at-
taques contre la constitution républicains
sont prohibées même pendant la période ds
révision.
M. Buffet. — Ce qui est interdit, s'est
de contester la légitimité des droits que
les Assemblées et le chef du gouvernement
tiennent de la constitution.
M. Grévy. — Mais la loi de 1848, après
avoir parlé de l'Assemblée, parle des insti-
tutions républicaines, de la constitution et
du principe même du gouvernement répu-
blicain, c'est-à-dire de la souveraineté du
peuple et du suffrage universel. Messieurs
les ministres entendent-ils supprimer toute
la fin de l'article premier du décrèt dit Il
août 1848 ?
M. Dufaure. — Nous protégeons le
gouvernement établi par les lois consti-
tutionnelles que vous avez votées. Or, le
principe républicain est inscrit dans ces
lois. Jusqu'où ira cette protection? Le ju-
ry en décidera.
M. Grévy. - Il est donc bien entendu
que la loi prohibe les attaques visées dans
le décret de 1848 ?
M. Buffet. — Pardon ! il ne faut pas
me faire dire ce que je ne dis pas. Danu
la constitution de 1848 il y avait des dé-
clarations de principes qui ne se retrou-
vent pas dans la constitution actuelle,
laquelle ne contient autre chose qu'une or-
ganisation des pouvoirs publics. C'est là
Ce que la loi protégera. On a essayé de dé-
montrer que la constitution du 25 février
était en contradiction avec ce qu'il con-
vient à M. Louis Blanc d'appeler le prin-
cipe républicain, il l'a victorieusement dé-
montré. Cette constitution organise des
pouvoirs publics, elle organise une Répu-
blique.
M. Pelletan. - Vous l'avouez donc !
M. Buffet. — Comment appeler autre
ment une organisation qui comprend un
chef électif?
M. Grévy. — Alors le gouvernement
prohibe les attaques contre la constitu-
tion ?
M. Dufaure. — Le suffrage universel
est la base de la constitution. Evidemment
si vous faites une loi pour protéger la con-
stitution, vous protégez le suffrage uni-
versel.
M. Grévy. — Nous sommes d'accord.
M. Buffet admet la légitimité de la
discussion. Si elle dévie, les tribunaux ap-
précieront. Les termes de la loi rendent
la pensée du gouvernement et ne. vont ni
en delà ni en deçà.
Un journal du Puy-de-Dôme a dit que la
constitution était une œuvre malhonnête
et criminelle, le gouvernement a prescrit
des poursuites. S il s'était contenté de dire
qu'elle contenait des dispositions défec-
tueuses, on n'aurait pas poursuivi.
M. Bertauld. — Mais si on mettait dans
la loi ces mots : le gouvernement de la
République ?
M. Buffet répond qu'il n'entend pas dis-
cuter une rédaction dans le sein de Ja com-
mission.
M. pqlletan. — Le principe et la formo
du gouvernement seraient ainsi livrés à
toutes les attaques : voilà ce que vous vou-
lez ?
M. Jules Favre. - M. le vice-président
du conseil admettrait-il qu'on adoptât.
cette rédaction : les attaques contre le prin-
cipe sur lequel repose Je gouvernactuel ?
M. Buffet. — Le gouvernement délibé
rera quand le moment sera venu sur c» tte
rédaction.
M. Jules Favre. — Reconnaitsez-vouw
au moins que votre gouvernement repMf)
sur un principe?
M. Buffet proteste contre ce genre de
discussion dans laquelle on altère sans in-
tention sans doute sa pensée.11 déclare que
la loi constitutionnelle faite par l'Assem-
blée commande l'obéissance et le respect;
c'est elle que la loi protégera. Sans doute
les lois constitutionnelles dérivent de cer-
tains principes, mais la constitution ac-
tuelle ne contient aucun principe abstrait,
aucune thèse spéculative.
M. Ferry voudrait savoir, et ceci n e
rien de spéculatif, si, dans la pensée des
ministres, la clause de révision enlève
quelque chose du respect dû à la constitu-
tion? Il ne lui a pas paru que le gouverne-
ment se fût exprimé d'une manière claire
et homogène. M. Dufaure a dit : Nqus vou-
lons protéger la constitution comme la loi
de 1848 le faisait, et M. Buffet, avec en
théorie sur la clause de révision, nous pa
rait donner aux lois constitutionnelles une
protection moins étendue, Y a-t-il donc
une différence ?
M. Dufazwe. - Jusqu'au jour où la con-
stitution sera révilée, le gouvernement la
fera respecter absolument comme il en a
été de celle de 1848 et de ceile de l'em
pire, qui, l'une et l'autre, étaient bujettcà
à révision. Sans doute, il y a un parti qui
cherche à exploiter cette < lause de révi-
sion; mais elle ne permet pas des -
qui seront immédiatement réprimées.
M. le président- fait, observer qu'il y
aurait lieu d'entendre MM. le.. Tuiuistres
sur la question de l'état de SÎPÉTP.
M. Buffet. — Le gs-uTemsjrcn-- ,,}-.t
désiré pouvoir proposer îs ls*Tt'e fio r 6"J.:
de siège dans tous l.*s dépsrtemsa'is, sous
la condition toutefois qu'une loi moins
inefficace que la législation actuelle mr 11
presse serait votée par l'Asgemblrii, re-
cette législation ne réprime rien ; mai:.. If-,
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