Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1875-04-29
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 29 avril 1875 29 avril 1875
Description : 1875/04/29 (A5,N1242). 1875/04/29 (A5,N1242).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/03/2013
6* Année. —- N° 1242.^ 1. , Prix du numéro : Paris : 16 eentirnes. — Départements20 centimu;
Jeudi 2) Avril 175.
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MM. les Souseripteark^ôoni l'abonne- 1
ment expire le 30 tri, ji",de
le renouveler immédiatement s'ils né
veulent point éprouver de retard dans
la réception du journal.
Paris, le 28 avril 1875.
On sait que nos adversaires ont trouvé
un mot pour désigner la République ; ils
l'appellent t la révisable ; et nous n'avons
pas besoin de dire quel sens dédaigneux ils
attachent à cette expression. Un gouver-
nement révisable, quelle autorité, quel
prestige veut-on que cela ait aux yeux de
gens qui se prétendent dépositaires de la
perfection, détenteurs de gouvernements
sans retouche ? Donc, la révisable fait en
ce moment son tour de France ; nous ne sa-
vons pas à qui revient l'honneur de cette
trouvaille, mais il a le droit d'être fer;
il n'est pas un journal réactionnaire dans
les 86 départements qui ne se soit emparé
de cette perle pour la sertir à sa façon ! La
révisable 1 Vous Terrez que la République
ne s'en relèvera pas !
C'est pourtant vrai que la constitution
du 25 février est révisable, en vertu de la
loi. Mais s'imagine-t-on, par hasard, que
les républicains soient disposés à ne peint
s'en souvenir ? Ce serait une grave erreur.
Si l'article 8 de la constitution fait la joie
et la tranquillité de leurs adversaires, c'est
donc que tout est pour le mieux sous le meil-
leur des régimes, car ledit article 8 fait la
consolation et l'espérance des républicains.
Il ne manquerait plus que cela que la Ré-
publique ne fût pas révisable ! En quoi donc,
dans ce cas, différerait-elle de toutes les va-
riétés de régimes expérimentés depuis qua-
tre-vingts ans, et que les révolutions ont dû
balayer,parce que la loi ne les avait pas faits
révisables? Est-ce que la République peut
n'être pas susceptible de révision, puis-
qu'elle est l'expression la plus complète,
la seule vraie, du suffrage universel? Nous
avons la forme confiance que le vote du
25 février a eu pour principal résultat
d'inaugurer en France le règne du progrès
par la loi, opposé au progrès par la révo-
lution ; et cela parce que, au lieu d'insti-
tuer un régime fermé, cadenassé, muré,
il a établi un régime ouvert, c'est-à-dire
révisable.
Mais il faut s'entendre et ne point vio-
lenter la loi pour en extraire ce qui n'y est
pas, ce qui ne saurait s'y trouver. Les bo-
napartistes font grand bruit de la décla-
ration suivante de M. Paris, rapporteur
de la commission sur le projet de loi Wal-
lon, dans la séance du 3 février :
« Puisque l'on désire une déclaration
» plus complète, plus catégorique, nous
» ajoutons, au nom de la commission, à
» la rédaction qui nous paraissait très-
» claire, qu'en disant : « Il pourra être
» procédé en totalité ou en partie à la ré-
» vision de la constitution, » nous enten-
» dons formellement que toutes les lois
» constitutionnelles, dans leur ensemble,
» pourront être moiitiées, que la forme
» même du gouvernement pourra être
» l'objet d'une révision; il ne peut, il ne
» doit y avoir, à cet égard aucune équivo-
» que. »
Voilà qui est clair. La souveraineté na-
tionale n'a pas été confisquée par un vote,
et quand il lui plaira, sauf à se conformer
aux dispositions de la loi, elle pourra révi-
ser tout ou partie du pacte constitutionnel.
S'en suit-il que ledit pacte, tant qu'il
n'aura pas été révisé, ne s'impose point au
respect de tous, dans toutes ses parties, et
qu'on ait le droit dé se targuer de la. clause
de révision qu'il contient pour lui refuser
obéissance * Les bonapartistes répondent :
oui ! et les légitimistes,bien que timidement,
leur font écho. Autant vaudrait soutenir
que l'Assemblée n'a fait une constitution
: que pour y insérer un article qui servit de
sauf-eondllit à toutes les entreprises, à tous
les complots.
Nous savons bien que la hardiesse des
partis ne va pas jusqu'à prétendre que la
Loi votée le 25 février est une de ces lois
toutes spéciales qu'il est permis à chacun
de défendra ou de violer au besoin. Non ; les
bonapartistes eux-mêmes répètent à tout
instant qu'ils s'inclinent devant la constitu-
tion ; et les légitimistes, en l'a vu ré-
cemment dans la circulaire de M. Be-
nezet, ne font nulle difficulté de protes-
ter de leur respect pour la loi. Puis,
cètte formalité remplie, on crie tout à son
aise : Vive le roi ! ou : vive l'empereur !
Simple à-compte sur le droit de révision.
Cette façon ultra-conservatrice de com-
prendre la loi et d'interpréter une de ses
dispositions ne tend à rien moins qu'à an-
nuler la loi elle-même, ou, ee qui revient
au même, à élever l'anarchie à la hauteur
d'une institution. ;,
Aucun de ceux qui ont voté le statut du
25 février n'a certainement songé qu'il
pourrait être interprété de la sorte. Sans
doute on a entendu laisser la champ libre
à la critique, prélude naturel de l'exercice
du droit de révision; mais on a ,voulu
aussi dénoncer cette prétendue trêve
qui n'était en réalité que l'état de lutte et
de compétition permanente entre les partis ;
on a voulu en finir avec cette chi-
mère'du septennat, véritable champ-clos où
ze rencontraient et se heurtaient tour à
tour les grandes ambitions et les petites
convoitises. Drapeaux en poche; voilà ce
que dit la constitution. Or, jusqu'à présent,
nous ne voyons pas que la constitution soit
obéie. Chaean usurpe le droit de se dire
royaliste ou bonapartiste comme devant;
4® solliciter dtt..-Sutrrage universel le mandat
4e r la constitution au profit du
comte de Chambord ou du lycéen de1
Chislehurst. Il est temps d'apprendre à
ceux qui semblent - l'ignorer qu'une con-
stitution, même révisable, est une coEf-
stitution, que sous tous les régimes, la loi
a prévu et puni les attaques à la constitu-
tion, et que manifester le désir ou la vo-
lonté de la renverser, c'est déjà violer la
loi.
Puisque M. le garde des sceaux prépare
un projet de loi sur la presse, c'est une
occasion toute naturelle de jeter quelque
lumière sur ce point, et de bien prouver
que, dans l'esprit de la constitution et aux
yeux du gouvernement, l'article S n'est
pas une place de sûreté offerte aux fac-
tieux.
E. SCHNBllB.
; :
La commission de la presse se réunit
jeudi. Ainsi que nous l'avons annoncé,
plusieurs rédacteurs en chef dé journaux
sont convoqués.
M. Dufaure parait disposé à proposer
des amendes considérables pour les délits
de diffamation. Il désire aussi voir intro-
duire dans la loi des dispositions qui inter-
disent d'attaquer les lois constitution-
nelles sous prétexté de révision.
Enfin, nous pouvons affirmer de nouveau
qu'il n'est question ni d'augmenter les cau-
tionnements ni d'exiger une autorisation
préalable.
: —«
ÉDUCATION
Un de nos correspondants, qui n'ac-
cuse pas sa profession, mais qui doit
porter trois ou quatre galons à chaque
manche, nous adresse une lettre que
l'on ne lira pas sans un vif intérêt :
Lyon, 26 avril 1875.
Monsieur,
Je lis dans le X/x- Siècle votre ar-
ticle : Education. On introduit, dites-
vous, le chassepot dans les écoles munici-
pales. Puis-je faire remarquer que Henry
Martini, Gras ou Chassppot, c'est absolu-
lument sans importance, quand il ne s'agit
que de cet éternel, insipide, impuissant,
imbelle, sine ictu, « maniement des ar-
mes ? » Qu'est-ce qu'un arme de jet qui ne
jette pas t Nous continuons à faire joujou,
tandis qu'il s'agit d'abattre des adversai-
res ; nous continuons à faire de l'aligne-
ment quand toute l'Europe, l'Amérique,
l'Asie, etc., abandonnent et condamnent
les alignements. Tout cela, c'est la « pa-
rade. » Nous sommes-nous" assez moqués
de ces pauvres Chinois et de leurs dragons
peints sur les bannières! Eh bien! mon-
sieur, il faut que nous soyons bien con-
vaiaeus que nous faisons quelque chose
d'analogue, avec nos manoeuvres de collége
et de Champ-de-Mars. Il faut apprendre,
non pas à s'aligner, mais à tuer. C'est peut-
être brutal, mais e'est vrai, profondément
vrai. Il le faut. Donc, il faut du tir dans les
chambres, du tir à la cible, toujours, tou-
jours, et encore. Mille cartouches par
an !
Au nom de tout ce qu'il y a de plus sa-
cré, abandonnons les ombres, les fadaises,
les jalonneurs, les « par section à gauche, »
les manœuvres enfin.
C'est le Champ-de-Mars qui nous a per-
dus.
La guerre se résume en trois mots :
Vouloir ; marcher ; tuer.
La volonté, ùous l'aurons.
La marche, nous l'avons un peu.
Le tir, nous ne l'avons pas du tout.
Il faut l'acquérir.
Tout le reste, ce ne sont que les baga-
telles de la porte.
Croyez-moi, croyex-moi I
Oui, monsieur, je vous crois et je
suis de votre avis çlus que vous-même j
ce qui n'est pas peu dire assurément.
Vous avez mille fois raison d'affir-
mer qu'on ne refait pas une armée en
exerçant les bambins,voire les hommes,
aux. manœuvres du Champ-de-Mars.
Nous pourrions jouer au soldat peh
dant un demi-siècle sans rétablir lq
tempérament de la France, et l'abu$
des parades ne servirait qu'à irriter
le voisinage. Plus nous offrirons d
pantalons rouges à l'admiration des ba-
dauds, plus nous exposerons notre minis-
tre des affaires étrangères à ces remon-
trances amicales où l'étranger, dané
notre intérêt, lui dit dans une phrase à
guirlandes : Vous armez trop.
Trop armer, en temps de paix, est
une imprudence gratuite, si l'on peut
appeler gratuite une imprudence qui
souvent coûte cher.
En revanche, une nation forte ou fai-
ble, grande ou petite, jouit incontesta-
blement du droit de faire en sorte que
tous ses citoyens soient des hommes.
Et quand je dis des hommes, j'en-
tends comme vous des gaillards résolus
à défendre leur patrie et capables de
manier utilement l'arme de jet, qui
envoie du plomb.
Si le chassepot des écoles n'était
qu'une arme de hast, ce n'est pas nous
qui serions assez Chinois pour demander
qu'on l'imposât à nos bambins et pour
féliciter les proviseurs qui l'introdui-
sent dans leurs collèges. Mais il s'agit
d'une arme de tir assez juste : experto
crede Roberto.
Elle ne porte pas à douze cents mè-
tres, ni même à cent; mais vous avez
sans doute remarqué comme moi que l'on
peut former, des tireurs dans une cour
ou dans une chambrée. Le jeune homme
ou l'enfant qui sait charger, ajuster et
tirer avec précision, celui qui fait mou-
che à quinze pas avec un -petit chasse-
pot mâtiné de Flobert , mettra sa
balle dans la cible à 500 mètres,
si la hausse de l'arme est bien ré-
glée. Il Yn'y a pas de bons tireurs à
petite portée et de bons tireurs à grande
portée ; un bon tireur est bon partout.
Et l'on peut faire les bons tireurs en
aussi grand nombre qu'on voudra,
au régiment, au village, à la ville, au
lycée, au eollége, à l'école primaire.
Dans un pays qui se respecte et qui
entend se faire respecter, il faut que
l'homme en âge de porter les armes
soit en état de tuer son prochain toutes
et quantes fois la patrie' le lui com-
mandera. Et cette éducation, qui coû-
terait fort peu de chose, ne por-
terait ombrage à personne, car enfin
personne ne peut trouver mauvais
qu'un peuple indépendant apprenné
à défendre ses droits par les moyens
les plus usités. -
Nous tenons donc, ferme comme fer,
pour l'introduction du chassepot de tir
dans toutes les écoles de France ; et
cela non-seulement parce que nos futurs
citoyens doivent apprendre l'art de
tuer, mais encore et surtout pour que
le maniement quotidien des armes de
guerre leur rappelle leurs devoirs en-
vers cette vieille patrie qui leur dira
peut-être un jour : « Mes enfants, fai-
tes-vous tuer !»
ABOUT.
♦
Il nous vient de Louargat (Côtes-du-
Nord) une curieuse histoire. Nous allons
la conter, d'après des témoignages authen-
tiQues.
Sachez d'abord qu'à Louargat, comme
en beaucoup de communes bretonnes, la
population se réunit sur la place de l'é-
glise, ehaque dimanche, au sortir de la
messe, pour entendre les communications
du premier magistrat municipal. C'est
comme un second prône administratif et
politique. Le maire monte sur un bout de
pierre" qUI sert de tribune aux, harangues,
et donne lecture à la foule assemblée des
actes de l'état civil, des arrêtés de M. le
préfet et des documents qui lui sont offi-
ciellement transmis. Ajoutons tout de
suite que le maire actuel de Louargat est
un fonctionnaire imbu de l'esprit da l'ordre
moral, un vrai maire de M. de Broglie, et
qu'il l'a bien prouvé par son attitude lors
de la récente élection des Côtes-du-Nord.
Or, on était arrivé au troisième diman-
che après le 25 février, ou, si vous aimez
mieux, après le vote des lois constitution-
nelles. Les habitants de Louargat avaient
vaguement entendu dire que, dans l'Assem-
blée de Versailles, un grand acte politique
s'était accompli. Mais quelles rois avaient
été votées 1 Quel nouveau régime fondé t
C'est ce qu'ijs ne savaient pas au juste. Au
troisième dimanche, donc, pas plus que les
deux autres dimanches, leur maire ne
les informa de rien ; il ne publia rien
ni en français ni en breton. Sans doute,
il annonça des ventes de propriétés, des
décès, des naissances, des mariages. Mais
de la nouvelle constitution pas un traître
mot. Il va sans dire aussi que, dans
ces trois semaines, il n'avait nulle part
fait apposer aucune affiche. Il n'est ce-
pendant point de commune de France où
des placards portant le texte des lois orga-
niques n'aient été envoyés par les préfets
sur les instructions du ministère. La con-
stitution du 25 février était confisquée,
pour tout dire, par M. le maire de Louar-
gat.
Ce parti pris de silence paraissait étran-
ge, et l'on en causait à Louargat. Quand,
le dimanche dont nous parlons, le maire
descendit du banc de pierre, un des plus
notables habitants du bourg, qui n'était
autre qu'un ancien maire de la commune,
voulut en avoir le cœur net. Il s'approcha
donc poliment, en homme qui connait les
formes et qui les observe, attendit que son
successeur eût quitté la place, et lui de-
manda s'il n'avait rien de plus à dire, si
toutes ses publications étaient terminées j
Sur une réponse affirmative : « Eh bien j
dit-il, je demande donc à faire cçnnaîtré
aux habitants de Louargat les nouvelles
lois constitutionnelles. » Et, montant sut
le fameux banc, tirant un journal de sa pof
che, il commence simplement à lire lé
texte de la constitution du 25 février.
Il commence, otii, mais il ne peut finirl
« Aussitôt, en effet,— nous le laissons par-
ler ici lui-même, — M. le maire de l'ordr
moral se précipita sur moi comme un fu..
rieux, me disant que je ne lirais point dd
telles choses, qu'il fallait quitter la place.
Et il me donna une gifïle ! »
Cet ancien maire de Louargat est un
vieillard de 79 ans, bon bourgeois et an+
cien notaire ; mais, après la « giffia, » qu4
vouliez-vous qu'il fiti Il riposta, et de son
mieux, par un coup de poing tel, qu'il a été
coté à 450 fr. et les frais par le tribunal
correctionnel de Guiagamp. C'est cher ;
mais sur le prix, nous n'avons rien à dire,
et l'estimation ne regarde que le tribunal.
Ainsi finit l'histoire. On en tirera la mo-
ralité. Quant à nous, nous disons seule
ment que c'est grand dommage que le
maire actuel de Louargat, représentant dii
.pouvoir central, dont il dépend et qui lé
nomme, soit un ennemi personnel de laj
constitution du 25 février. S'il y en avait
beaucoup de semblables en France, l'èra
de l'apaisement ne serait pas près de s'ou-
vrir, ni le règne des lois constitutionnelles
près de commencer.
E. L.
• !
Le Journal officiel publiait hier la lettre
suivante, qui a été adressée par le général
Chanzy au président de la commission d'en-
quête sur les actes du gouvernement de la
Défende nationale :
Alger, le 3 avril 1875.
Monsieur le ministre,
C'est avec la plus rive indignation que je
viens de lire dans l'enquête sur les actes da
gouvernement de la Défense nationale en ce
qui coneerne l'Algérie (rapport de M. de La
"Sieotière) les passages de la dépositisn de M.
du Bouzet, dans lesquels ii insulte l'autorité
militaire, tout un corps d'officiers, et par
suite l'armée, dans un langage des plus vio-
lents et des plus grossiers. S'il n'y avait dans
les appréciations auxquelles se livre l'ex-
commiasaire extraordinaire que les inexacti-
tudes et les injures qu'il croit utile d'employer
pour expliquer les faits à sa façon et le rôlè
qu'il a joué à son prefit, elles ne mériteraient
que le dédain. 11 y a plus ; elles contiennent
une accusation nettement formulée de trahi-
son et de concussion dirigée contre des offi-
ciers qui sont dans l'armée, aussi bien en
France qu'en Algérie, et dont la plupart sont
encore chargés ici des fonctions qui leur ont
valu ces outrages.
Comme gouverneur général de l'Algérie,
ayant le droit de faire respecter ceux qui se
vouent avec tant d'abnégation aux intérêts
de ce pays, jaloux de sauvegarder la dignité
des officiers auxquels j'ai l'honneur de com-
mander, je proteste énergiquement contre les
diffamations de M. du Beuzet; je demande à
l'Assemblée nationale de venger ceux qui en
sont les victimes, par un acte ostensible, et je
réclame l'insertion de cette lettre à la suite
du rapport de la commission.
Veuillez agréer, monsieur le ministre, l'ex-
pression de mon respectueux dévouement.
Le gouverneur général civil de l'Algérie,
commandant en chef les forces de terre
et de mer..
Général Chanïy.
En répense à'la lettre qui précède, M. du
Bouzet vient d'adresser la demande sui-
vante à M. le comte Daru. Nous la publions
à titre de document, sans vouloir en au-
cune façon prendre parti dans un débat
dont les éléments d'appréciation nous font
défaut.
- Monsieur le président, ,
Je trouve aujourd'hui dans le Journal offi-
ciel la lettre que vous a adressée M. le gouver-
neur général civil de l4Algérie.
Après lecture de cette lettre et des deux
volumes de l'enquête, je c?ois devoir mainte-
nir les faits et les appréciations contenus
dans ma déposition et contre lesquels pro-
teste M. le général Chanzy, sans admettre
d'ailleurs l'application qu'il cherche à en faire
il la généralité de l'armée.
Confiant dans l'impartialité de la commis-
sion, je demande à être entendu par elle,
pour répondre aux allégations de M. le géné-
ral Chanzy.
Veuillez agréer, monsieur le président,
l'expression de mon profond respect,
Charles Du BOUZET.
Paris, 27 avril.
A M. le comte Daru, président de la commis-
sion d'enquête sur le gouvernement du 4 Sep-
tembre.
i—
LA CORRESPONDANCE D'AMPÈRE
Il est bien vrai de dire que les livres
ont leur destin. Vous souvient-il d'un
ouvrage que j'ai beaucoup loué ici
même ? Il avait pour titre : la Corres-
pondance d'Ampère. Je n'avais pas été
le seul à en faire l'éloge : le concert
avait été unanime dans toute là presse ;
Taine au Journal des Débats, Weiss à
la Revue des Deux-Mondes, M. Cuvil-
lier-Fleury, tous les maîtres de la cri-
tique s'étaient répandus en longs arti-
cles sur cet humble volume de deux
cents pages. Tous s'étaient accordés à
dire que ce frais roman d'amour, éclos
des lettres d'Ampère, qu'avait recueil-
lies et mises en ordre une main pieuse
de femme, était aussi virginal, aussi
chaste, plus tendre et plus douloureux
que Paul et Virginie; qu'il avait en-
core, sur la fiction de Bernardin de
Saint-Pierre, cet avantage incontesta-
ble, c'est qu'il était vrai du premier
mot au dernier; c'est que les person-
nages qu'il mettait en scène étaient des
personnages connus, et que l'un d'eux
est un des. plus grands génies et des
cœurs les plus sensibles qui aient ja-
mais existé.
Je me répète en reprenant ce thème.
Car il n'y a pas de livres dont je vou
aie plus souvent entretenu et avec plus
de passion. Il n'y en a guère aussi qad
j'aie lu plus souvent, et jamais je n'a
pu le lire sans verser des larmes d'at
tendrissement ; il n'y en a guère dont
j'aie acheté plus d'exemplaires pour le4
distribuer aux mères de famille qui
me demandaient des livres, les 8Upl
pliant de mettre ce volume entre le4
mains de leurs filles, comme le plué
moral, le plus noble, le plus pathéti-
que, le plus délicieux qu'elles puissen t
jamais rencontrer.
Eh bien ! rien n'y a fait. Il ne s'est
pas vendu trois mille exemplaires de cé
chef-d'œuvre incomparable, tout par-
fumé de grâce, de vertu et d'amour.
C'est l'éditeur lui-même qui me l'a as-
sure ; et je n'ai pas eu de peine à le
croire.. Car dans le petit cercle de mes
connaissances, j'ai été obligé de dé"
ployer des trésors d'éloquence pour le
faire lire. La Correspondance d'Am-
père , cela sonnait à leurs oreilles
comme un ouvrage de mathématiques
transcendantes. J'avais beau dire,:
Mais non, c'est un roman, et un ro-
man vrai, et un roman chaste, le ro-
man de deux âmes que la nature avait
créées supérieures, roman écrit aujour
le jour par les deux héros, qui ne se
doutaient.'guère que la postérité lirait
leurs lettres, et qu'ils écrivaient pour
l'immortalité.
On se méfiait; et je n'ai jamais pu
vaincre cette réserve qu'à force de ser-
ments. Quant au public, au grand pu-
blic, non, il est demeuré tout à fait
rétif. Ce livre, qui devrait être dans
toutes les bibliothèques scolaires, ce
livre qu'il faudrait mettre entre les
mains de tous les jeunes gens des deux
sexes, il n'est pas connu. Picciola,
cette fadeur romanesque, s'est vendue
à plus de cent mille exemplaires ; elle
a le privilége d'arracher encore des lar-
mes aux yeux des chastes demoiselles ;
cette lecture ne saurait pourtant exci-
ter chez les jeunes filles qu'une sensi-
bilité un peu maladive. Elles trouve-
raient dans la Correspondance d'Am-
père de graves et charmantes leçons.
C'est à vous que je m'adresse, à vous
qui avez lu ce délicieux recueil de let-
tres d'amour : est-ce que vous ne vous
êtes pas pris d'une affection profondé
et d'une tendre pitié pour ce pauvre
grand homme, si aimant et si malheu-
reux? Nous ne connaissions, avant la
publication de ce livre, nous ne con-
naissions Ampère que pour un savant
de premier ordre et un distrait de pre-
mière classe; nous ne savions pas qu'à
ce goût des sciences exactes il joignît
une imagination ardente et un cœur de
feu.
Comme on en veut à cette Julie, si
bonne, cependant, et si douce, de ne
pas comprendre ce mari, qui est si
grand et qui l'adore, de le traiter
comme un enfant, de ne répondre aux
élans de cette tendresse passionnée que
par une affection solide et sévère ! Et,
cependant, elle l'a rendu heureux tant
qu'elle a vécu ! car elle était le modèle
des honnêtes femmes et des dignes
épouses. Et quel désespoir quand 1*
mort, par un coup soudain, enlève à
l'infortuné mari sa Julie tant aimée,
celle qui était son tout, et qu'il croyait
être sa seule raison de vivre en ce
monde ! Rien n'égale l'éloquence de se $
regrets ; nous avons tous été emportés
dans ce torrent de douleurs.
Nous croyions le roman terminé là.
C'est un dénouement, en effet, un dé-
nouement tel qu'en imaginent les ar-
tistes. Au moment où les deux amants
vont se rejoindre pour la vie et se pro-
mettent un bonheur sans mélange, la
mort arrive, qui renverse leurs espé-
rances, saisissant l'un et laissant l'au-
tre accablé d'un chagrin sans remède.
Mais dans la vie rien ne se terminè;
tout se continue. La vie est une chaîne
d'événements sans fin, dont les deux
bouts trempent dans l'ombre.
Après la mort de Julie, Ampère resta
sans doute fort longtemps atterré. Mais
enfin il sortit de ce douloureux accable-
ment et se reprit à vivre. La plaie ne se
cicatrisa point ; il la portait toujours
saignante au cœur. Mais elle n'avertis-
sait plus de sa présence par des élan-
cements continuels. Elle ne répandait
plus dans toute la machine qu'une dou-
leur sourde, qui se trahissait, à de rareé
intervalles, par de soudains réveils.
La même personne qui nous avait
donné cet admirable premier volume
de la Correspondance d'Ampère, nous a
rendu le service de poursuivre cette pu-
blication ; et elle vient de donner doux
autres volumes qui ont pour titre :
André-Marie Ampère et Jean-Jacques
Ampère, et en sous-titre : Correspon-
dance et souvenirs de 1805 à 1864.
Dans la premier de ces deux nou-
veaux volumes, nous trouvons l'épilo-
gue des ameurs d'Ampère.
Les lettres qui suivent cette seeonde
partie sont toutes pleines d'une tristesse
lointaine. Ampère a èu beau se jeter dans
des travaux immenses ; en vain il a
conquis la gloire ; le souvenir de Julie
jette sur toute sa correspondance un
voile sombre. Il se réfugie dans la foi ;
il cherche à se persuader qu'il croit
sincèrement et il est repris d'accès de
doute qui lui sont insupportables, et
qui lui arrachent des cris de désespoir.
Sss amis, témoins de ce chagrin in-
vincible, désolés de le voir rentrer dans
un intérieur froid et vide, dans un mé-
nage mal tenu, s'imaginent que pour
lui rendre le bonheur, il faut lui donner
une nouvelle compagne. Il résiste long-
temps à leurs sollicitations et à lui-
même.
On le présente à une jeune fille,qui le
séduit en lui débitant de belles phrases
sur la vertu, là nature, l'art, le génie.
Elle abonde en beaux sentiments, qui
lui font illusion. Il a pourtant des in-
quiétudes, et, avant de conclure, il va
demander permission à Elise. vous
savez bien. Elise, cette aimable sœur
de Julie, cette fille si sensée, si spiri-
tuelle, si aimante, si résignée !. Ah!
quel malheur que ce ne soit pas celle-là
qu'Ampère ait aimée, au lieu de Julie !
Elle l'aimait tant ! elle le comprenait
si bien! elle avait tant d'admiration
pour son génie et d'indulgente tendresse
pour ses légers travers ! Jamais je ne
me consolerai que ce mariage-là ne se
soit pas fait !
Elise, consultée, donne son assenti-
ment par la lettre la plus digne et la
plus touchante. Elle ne connaissait
point la personne. Si elle l'avait vue
une seule fois, non, elle n'aurait ja-
mais permis que son ami, son frère
s'engageât dans des liens qui devaient
faire son malheur.
C'était une ambitieuse, qui nvépousait
Ampèrp que pour les hautes positions
où elle voulait le pousser; qui le te-
nait au fond en tr-ès-petite estime, se
réservant d'en faire un homme du
mbnde et peut-être, qui sait ! un homme
de cour.
Quatre mois ne s'étaient pas écoulés,
que la vie commune était devenue un
enfer. Ces deux êtres, que le mariàge
avait rivés à la même chaîne, n'avaient
pas un seul point commun. Dix lignes
que j'emprunte à une lettre d'un des
amis les plus chers d'Ampère vous fe-
ront bien saisir son caractère et ses
sentiments à cette épeque* (
« Ampère, écrit l'ami 4 un autre
0
correspondant, m'a. abordé d'un air éga-
ré. Cependant ses souffrances ne l'ont
pas changé. C'est touiours la même ac-
tivité, le même feu, la même exalta-
tion, la même tendresse ; rien de plus
mobile que ses idées, rien de plus per.
sistant que son caractère. Il m'a. ra-
conté les détails de sa catastrophe. Ses
lettres ne m'avaient donné qu'une
faible idée de ses douleurs. Il s'était
allié à un être d'une autre espèce que
lui! Et de son côté, pas la moindre in-
telligence dei hommes, point de ré..,
flexion, point de raison ; de la faiblesse,
de l'étourderie, de l'imprévoyance. Il
s'est jeté à corps perdu dans les lacs
qu'on lui a tendus.
» En me racontant, les larmes aux
yeux, à combien d'épreuves on l'avait
soumis, il était dominé par un senti-
ment de douleur si profond que je
croyais ne pouvoir jamais l'en distrai-
re. Mais le mot de métaphysique arrive
sur ses lèvres; voilà un tout autre
hemme. Il se met à me développer ses
systèmes d'idéologie avec un entraîne-
ment incroyable, intarissable. Son en-
fant lui demande le nom d'une plante;
aussitôt il lui explique les systèmes
de Tournefort, de Linné, l'astronomie,
la religion, tout. »
On comprend ce que cette nature sen-
sible et passionnée dut souffrir aux
mille coups d'épingle quotidiens que
lui enfonçait dans le cœur une femme
qui ne l'aimait pas et qui, pour cdmble
de malheur, était soutenue par une
mère acariâtre.
Les lettres d'Ampère sont déchiran-
tes. On était un peu impatienté contre
la divine et froide Julie; on est furieux,
on est exaspéré centre cette sotte, mé-
chante et ridicule péronnelle, qui abreuve
d'amertumes ce malheureux grand hom-
me. Un rien le jetait hors des gonds : -
« Ah ! s'écrie-t-il douloureusement quel-
que part, les peines les plus cruelles
dépendent bien moins des causes qui
les produisent que de l'extrême sensi-
bilité de celui qui les éprouve. Etre aimé
me paraît un enchantement, moi qui
n'ose plus l'espérer ! »
Cette odieuse femme le rend père
d'une petite fille. Il espère un instant
que la naissance de cette enfant lui ra-
'mènera sa femme. Les tribunaux lui
avaient donné gain de cause en le
séparant d'elle. Il l'invite par une lettre
bien tendre et bien touchante à venir
élever sa fille. Elle ne- répond même
pas ; elle ne va jamais voir l'enfant.
Heureusement, le divorce existait en
ce temps-là.
Et cependant le fils de Julie, celui qui
devait être Jean-Jacques Ampère, gran-
dissait ; il va entrer en seène. Il va de-
venir amoureux de Mme Récamier. C'est
un nouveau roman qui se prépare.
J'en reparlerai un autre jour.
Francisque SUU:Z-Jt.
—
ï B'FOBMATÏOlfE
Grosse nouvelle. Le remède contre les
ravages du phylloxera serait enfin décou-
vert.
C'est du moins ce que M. Dumas a ain
noacé avant-hier au président de la Répu-
blique pendant la réception du président
de l'Assemblée.
Les expériences faites par les académies
de Paris et di Montpellier ne laisseraient
aucun doute sur l'efficacité de ce remède.
On pense que M. Dumas fera à ce sujet
une communication à la prochaine séanea
de l'Académie des sciences.
Le ministre dé l'instruction publique
est allé, samedi dernier, visiter le lycée de
Douai, dont il est un des anciens élèves.
Nous avons annoncé que M. le ministre
des finances, bien loin d'admettre les ré-
clamations si peu fondées des héritiers de
Napoléon III, entendait abroger les projets
de convention rédigés par ses prédécesseurs
et se ralliait à l'avis de la commission par-
lementaire.
UEcho nous apprend que, après use
étude sérieuse et approfoadie de la ques-
tion, M. Léon Say trouve exagérées les of-
fres de la commission, qui aurait consenti à
donner 4 millions pour la liquidation de.
l'ex-liste civile impériale, laquelle en ré-
clame 8. M. le ministre des finances est
d'avis qu'il n'est pas dû aux héritiers de
Napoléon III plus de 2 millions 700,000 fr.
et il demandera à l'Assemblée de no pas.
dépasser cette somme.
Lundi prochain, un banquèt se*a offert
par l'ambassadeur d'Espagne au président
de la République et aux autres personnages
qui assistaÎBnt à la céi-émonidde la' Toison-
d Or.
Un mouvement viGt d'être opér4 dans
le corps des ponts et chaussées, par déci-
sion de M. lQ mInistre des travaux publics :
M. Meêh. de Loisne, ingénieur en chef
du département de la Creuse, est nommé
ingénieur en chef de l'Aisne.
M. Bauby, ingénieur de première classe
dans le Tarn-et-Garonne, est appelé à rem- A
plir les fonctions d'ingénieur en chef de la
Lozère.
M. Domeriget, ingénieur en chef en dis*
pénibilité, est chargé du service de con-
trôle du chemin de fer de Givors à la Voulte*
et des lignes de Lyon à la Croix-Rousse et
à Bourg.
M. Harlé, ingénieur de l'arrondissement
de Tlemcen, est nommé ingéaieur de l'ar-
rondissement de Villefranehe.
M. Pelletreau, actuellement en Corse»
est nemmé ingénieur à Tlemcelt.
M. Bulet, ingénieur ordinaire, est a.U.
Jeudi 2) Avril 175.
JOURNAL REPUBLICAIN CONSERVATEUR
REDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
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advertising, agent, 13, Takrow, Cevent Garden.
MM. les Souseripteark^ôoni l'abonne- 1
ment expire le 30 tri, ji",de
le renouveler immédiatement s'ils né
veulent point éprouver de retard dans
la réception du journal.
Paris, le 28 avril 1875.
On sait que nos adversaires ont trouvé
un mot pour désigner la République ; ils
l'appellent t la révisable ; et nous n'avons
pas besoin de dire quel sens dédaigneux ils
attachent à cette expression. Un gouver-
nement révisable, quelle autorité, quel
prestige veut-on que cela ait aux yeux de
gens qui se prétendent dépositaires de la
perfection, détenteurs de gouvernements
sans retouche ? Donc, la révisable fait en
ce moment son tour de France ; nous ne sa-
vons pas à qui revient l'honneur de cette
trouvaille, mais il a le droit d'être fer;
il n'est pas un journal réactionnaire dans
les 86 départements qui ne se soit emparé
de cette perle pour la sertir à sa façon ! La
révisable 1 Vous Terrez que la République
ne s'en relèvera pas !
C'est pourtant vrai que la constitution
du 25 février est révisable, en vertu de la
loi. Mais s'imagine-t-on, par hasard, que
les républicains soient disposés à ne peint
s'en souvenir ? Ce serait une grave erreur.
Si l'article 8 de la constitution fait la joie
et la tranquillité de leurs adversaires, c'est
donc que tout est pour le mieux sous le meil-
leur des régimes, car ledit article 8 fait la
consolation et l'espérance des républicains.
Il ne manquerait plus que cela que la Ré-
publique ne fût pas révisable ! En quoi donc,
dans ce cas, différerait-elle de toutes les va-
riétés de régimes expérimentés depuis qua-
tre-vingts ans, et que les révolutions ont dû
balayer,parce que la loi ne les avait pas faits
révisables? Est-ce que la République peut
n'être pas susceptible de révision, puis-
qu'elle est l'expression la plus complète,
la seule vraie, du suffrage universel? Nous
avons la forme confiance que le vote du
25 février a eu pour principal résultat
d'inaugurer en France le règne du progrès
par la loi, opposé au progrès par la révo-
lution ; et cela parce que, au lieu d'insti-
tuer un régime fermé, cadenassé, muré,
il a établi un régime ouvert, c'est-à-dire
révisable.
Mais il faut s'entendre et ne point vio-
lenter la loi pour en extraire ce qui n'y est
pas, ce qui ne saurait s'y trouver. Les bo-
napartistes font grand bruit de la décla-
ration suivante de M. Paris, rapporteur
de la commission sur le projet de loi Wal-
lon, dans la séance du 3 février :
« Puisque l'on désire une déclaration
» plus complète, plus catégorique, nous
» ajoutons, au nom de la commission, à
» la rédaction qui nous paraissait très-
» claire, qu'en disant : « Il pourra être
» procédé en totalité ou en partie à la ré-
» vision de la constitution, » nous enten-
» dons formellement que toutes les lois
» constitutionnelles, dans leur ensemble,
» pourront être moiitiées, que la forme
» même du gouvernement pourra être
» l'objet d'une révision; il ne peut, il ne
» doit y avoir, à cet égard aucune équivo-
» que. »
Voilà qui est clair. La souveraineté na-
tionale n'a pas été confisquée par un vote,
et quand il lui plaira, sauf à se conformer
aux dispositions de la loi, elle pourra révi-
ser tout ou partie du pacte constitutionnel.
S'en suit-il que ledit pacte, tant qu'il
n'aura pas été révisé, ne s'impose point au
respect de tous, dans toutes ses parties, et
qu'on ait le droit dé se targuer de la. clause
de révision qu'il contient pour lui refuser
obéissance * Les bonapartistes répondent :
oui ! et les légitimistes,bien que timidement,
leur font écho. Autant vaudrait soutenir
que l'Assemblée n'a fait une constitution
: que pour y insérer un article qui servit de
sauf-eondllit à toutes les entreprises, à tous
les complots.
Nous savons bien que la hardiesse des
partis ne va pas jusqu'à prétendre que la
Loi votée le 25 février est une de ces lois
toutes spéciales qu'il est permis à chacun
de défendra ou de violer au besoin. Non ; les
bonapartistes eux-mêmes répètent à tout
instant qu'ils s'inclinent devant la constitu-
tion ; et les légitimistes, en l'a vu ré-
cemment dans la circulaire de M. Be-
nezet, ne font nulle difficulté de protes-
ter de leur respect pour la loi. Puis,
cètte formalité remplie, on crie tout à son
aise : Vive le roi ! ou : vive l'empereur !
Simple à-compte sur le droit de révision.
Cette façon ultra-conservatrice de com-
prendre la loi et d'interpréter une de ses
dispositions ne tend à rien moins qu'à an-
nuler la loi elle-même, ou, ee qui revient
au même, à élever l'anarchie à la hauteur
d'une institution. ;,
Aucun de ceux qui ont voté le statut du
25 février n'a certainement songé qu'il
pourrait être interprété de la sorte. Sans
doute on a entendu laisser la champ libre
à la critique, prélude naturel de l'exercice
du droit de révision; mais on a ,voulu
aussi dénoncer cette prétendue trêve
qui n'était en réalité que l'état de lutte et
de compétition permanente entre les partis ;
on a voulu en finir avec cette chi-
mère'du septennat, véritable champ-clos où
ze rencontraient et se heurtaient tour à
tour les grandes ambitions et les petites
convoitises. Drapeaux en poche; voilà ce
que dit la constitution. Or, jusqu'à présent,
nous ne voyons pas que la constitution soit
obéie. Chaean usurpe le droit de se dire
royaliste ou bonapartiste comme devant;
4® solliciter dtt..-Sutrrage universel le mandat
4e r la constitution au profit du
comte de Chambord ou du lycéen de1
Chislehurst. Il est temps d'apprendre à
ceux qui semblent - l'ignorer qu'une con-
stitution, même révisable, est une coEf-
stitution, que sous tous les régimes, la loi
a prévu et puni les attaques à la constitu-
tion, et que manifester le désir ou la vo-
lonté de la renverser, c'est déjà violer la
loi.
Puisque M. le garde des sceaux prépare
un projet de loi sur la presse, c'est une
occasion toute naturelle de jeter quelque
lumière sur ce point, et de bien prouver
que, dans l'esprit de la constitution et aux
yeux du gouvernement, l'article S n'est
pas une place de sûreté offerte aux fac-
tieux.
E. SCHNBllB.
; :
La commission de la presse se réunit
jeudi. Ainsi que nous l'avons annoncé,
plusieurs rédacteurs en chef dé journaux
sont convoqués.
M. Dufaure parait disposé à proposer
des amendes considérables pour les délits
de diffamation. Il désire aussi voir intro-
duire dans la loi des dispositions qui inter-
disent d'attaquer les lois constitution-
nelles sous prétexté de révision.
Enfin, nous pouvons affirmer de nouveau
qu'il n'est question ni d'augmenter les cau-
tionnements ni d'exiger une autorisation
préalable.
: —«
ÉDUCATION
Un de nos correspondants, qui n'ac-
cuse pas sa profession, mais qui doit
porter trois ou quatre galons à chaque
manche, nous adresse une lettre que
l'on ne lira pas sans un vif intérêt :
Lyon, 26 avril 1875.
Monsieur,
Je lis dans le X/x- Siècle votre ar-
ticle : Education. On introduit, dites-
vous, le chassepot dans les écoles munici-
pales. Puis-je faire remarquer que Henry
Martini, Gras ou Chassppot, c'est absolu-
lument sans importance, quand il ne s'agit
que de cet éternel, insipide, impuissant,
imbelle, sine ictu, « maniement des ar-
mes ? » Qu'est-ce qu'un arme de jet qui ne
jette pas t Nous continuons à faire joujou,
tandis qu'il s'agit d'abattre des adversai-
res ; nous continuons à faire de l'aligne-
ment quand toute l'Europe, l'Amérique,
l'Asie, etc., abandonnent et condamnent
les alignements. Tout cela, c'est la « pa-
rade. » Nous sommes-nous" assez moqués
de ces pauvres Chinois et de leurs dragons
peints sur les bannières! Eh bien! mon-
sieur, il faut que nous soyons bien con-
vaiaeus que nous faisons quelque chose
d'analogue, avec nos manoeuvres de collége
et de Champ-de-Mars. Il faut apprendre,
non pas à s'aligner, mais à tuer. C'est peut-
être brutal, mais e'est vrai, profondément
vrai. Il le faut. Donc, il faut du tir dans les
chambres, du tir à la cible, toujours, tou-
jours, et encore. Mille cartouches par
an !
Au nom de tout ce qu'il y a de plus sa-
cré, abandonnons les ombres, les fadaises,
les jalonneurs, les « par section à gauche, »
les manœuvres enfin.
C'est le Champ-de-Mars qui nous a per-
dus.
La guerre se résume en trois mots :
Vouloir ; marcher ; tuer.
La volonté, ùous l'aurons.
La marche, nous l'avons un peu.
Le tir, nous ne l'avons pas du tout.
Il faut l'acquérir.
Tout le reste, ce ne sont que les baga-
telles de la porte.
Croyez-moi, croyex-moi I
Oui, monsieur, je vous crois et je
suis de votre avis çlus que vous-même j
ce qui n'est pas peu dire assurément.
Vous avez mille fois raison d'affir-
mer qu'on ne refait pas une armée en
exerçant les bambins,voire les hommes,
aux. manœuvres du Champ-de-Mars.
Nous pourrions jouer au soldat peh
dant un demi-siècle sans rétablir lq
tempérament de la France, et l'abu$
des parades ne servirait qu'à irriter
le voisinage. Plus nous offrirons d
pantalons rouges à l'admiration des ba-
dauds, plus nous exposerons notre minis-
tre des affaires étrangères à ces remon-
trances amicales où l'étranger, dané
notre intérêt, lui dit dans une phrase à
guirlandes : Vous armez trop.
Trop armer, en temps de paix, est
une imprudence gratuite, si l'on peut
appeler gratuite une imprudence qui
souvent coûte cher.
En revanche, une nation forte ou fai-
ble, grande ou petite, jouit incontesta-
blement du droit de faire en sorte que
tous ses citoyens soient des hommes.
Et quand je dis des hommes, j'en-
tends comme vous des gaillards résolus
à défendre leur patrie et capables de
manier utilement l'arme de jet, qui
envoie du plomb.
Si le chassepot des écoles n'était
qu'une arme de hast, ce n'est pas nous
qui serions assez Chinois pour demander
qu'on l'imposât à nos bambins et pour
féliciter les proviseurs qui l'introdui-
sent dans leurs collèges. Mais il s'agit
d'une arme de tir assez juste : experto
crede Roberto.
Elle ne porte pas à douze cents mè-
tres, ni même à cent; mais vous avez
sans doute remarqué comme moi que l'on
peut former, des tireurs dans une cour
ou dans une chambrée. Le jeune homme
ou l'enfant qui sait charger, ajuster et
tirer avec précision, celui qui fait mou-
che à quinze pas avec un -petit chasse-
pot mâtiné de Flobert , mettra sa
balle dans la cible à 500 mètres,
si la hausse de l'arme est bien ré-
glée. Il Yn'y a pas de bons tireurs à
petite portée et de bons tireurs à grande
portée ; un bon tireur est bon partout.
Et l'on peut faire les bons tireurs en
aussi grand nombre qu'on voudra,
au régiment, au village, à la ville, au
lycée, au eollége, à l'école primaire.
Dans un pays qui se respecte et qui
entend se faire respecter, il faut que
l'homme en âge de porter les armes
soit en état de tuer son prochain toutes
et quantes fois la patrie' le lui com-
mandera. Et cette éducation, qui coû-
terait fort peu de chose, ne por-
terait ombrage à personne, car enfin
personne ne peut trouver mauvais
qu'un peuple indépendant apprenné
à défendre ses droits par les moyens
les plus usités. -
Nous tenons donc, ferme comme fer,
pour l'introduction du chassepot de tir
dans toutes les écoles de France ; et
cela non-seulement parce que nos futurs
citoyens doivent apprendre l'art de
tuer, mais encore et surtout pour que
le maniement quotidien des armes de
guerre leur rappelle leurs devoirs en-
vers cette vieille patrie qui leur dira
peut-être un jour : « Mes enfants, fai-
tes-vous tuer !»
ABOUT.
♦
Il nous vient de Louargat (Côtes-du-
Nord) une curieuse histoire. Nous allons
la conter, d'après des témoignages authen-
tiQues.
Sachez d'abord qu'à Louargat, comme
en beaucoup de communes bretonnes, la
population se réunit sur la place de l'é-
glise, ehaque dimanche, au sortir de la
messe, pour entendre les communications
du premier magistrat municipal. C'est
comme un second prône administratif et
politique. Le maire monte sur un bout de
pierre" qUI sert de tribune aux, harangues,
et donne lecture à la foule assemblée des
actes de l'état civil, des arrêtés de M. le
préfet et des documents qui lui sont offi-
ciellement transmis. Ajoutons tout de
suite que le maire actuel de Louargat est
un fonctionnaire imbu de l'esprit da l'ordre
moral, un vrai maire de M. de Broglie, et
qu'il l'a bien prouvé par son attitude lors
de la récente élection des Côtes-du-Nord.
Or, on était arrivé au troisième diman-
che après le 25 février, ou, si vous aimez
mieux, après le vote des lois constitution-
nelles. Les habitants de Louargat avaient
vaguement entendu dire que, dans l'Assem-
blée de Versailles, un grand acte politique
s'était accompli. Mais quelles rois avaient
été votées 1 Quel nouveau régime fondé t
C'est ce qu'ijs ne savaient pas au juste. Au
troisième dimanche, donc, pas plus que les
deux autres dimanches, leur maire ne
les informa de rien ; il ne publia rien
ni en français ni en breton. Sans doute,
il annonça des ventes de propriétés, des
décès, des naissances, des mariages. Mais
de la nouvelle constitution pas un traître
mot. Il va sans dire aussi que, dans
ces trois semaines, il n'avait nulle part
fait apposer aucune affiche. Il n'est ce-
pendant point de commune de France où
des placards portant le texte des lois orga-
niques n'aient été envoyés par les préfets
sur les instructions du ministère. La con-
stitution du 25 février était confisquée,
pour tout dire, par M. le maire de Louar-
gat.
Ce parti pris de silence paraissait étran-
ge, et l'on en causait à Louargat. Quand,
le dimanche dont nous parlons, le maire
descendit du banc de pierre, un des plus
notables habitants du bourg, qui n'était
autre qu'un ancien maire de la commune,
voulut en avoir le cœur net. Il s'approcha
donc poliment, en homme qui connait les
formes et qui les observe, attendit que son
successeur eût quitté la place, et lui de-
manda s'il n'avait rien de plus à dire, si
toutes ses publications étaient terminées j
Sur une réponse affirmative : « Eh bien j
dit-il, je demande donc à faire cçnnaîtré
aux habitants de Louargat les nouvelles
lois constitutionnelles. » Et, montant sut
le fameux banc, tirant un journal de sa pof
che, il commence simplement à lire lé
texte de la constitution du 25 février.
Il commence, otii, mais il ne peut finirl
« Aussitôt, en effet,— nous le laissons par-
ler ici lui-même, — M. le maire de l'ordr
moral se précipita sur moi comme un fu..
rieux, me disant que je ne lirais point dd
telles choses, qu'il fallait quitter la place.
Et il me donna une gifïle ! »
Cet ancien maire de Louargat est un
vieillard de 79 ans, bon bourgeois et an+
cien notaire ; mais, après la « giffia, » qu4
vouliez-vous qu'il fiti Il riposta, et de son
mieux, par un coup de poing tel, qu'il a été
coté à 450 fr. et les frais par le tribunal
correctionnel de Guiagamp. C'est cher ;
mais sur le prix, nous n'avons rien à dire,
et l'estimation ne regarde que le tribunal.
Ainsi finit l'histoire. On en tirera la mo-
ralité. Quant à nous, nous disons seule
ment que c'est grand dommage que le
maire actuel de Louargat, représentant dii
.pouvoir central, dont il dépend et qui lé
nomme, soit un ennemi personnel de laj
constitution du 25 février. S'il y en avait
beaucoup de semblables en France, l'èra
de l'apaisement ne serait pas près de s'ou-
vrir, ni le règne des lois constitutionnelles
près de commencer.
E. L.
• !
Le Journal officiel publiait hier la lettre
suivante, qui a été adressée par le général
Chanzy au président de la commission d'en-
quête sur les actes du gouvernement de la
Défende nationale :
Alger, le 3 avril 1875.
Monsieur le ministre,
C'est avec la plus rive indignation que je
viens de lire dans l'enquête sur les actes da
gouvernement de la Défense nationale en ce
qui coneerne l'Algérie (rapport de M. de La
"Sieotière) les passages de la dépositisn de M.
du Bouzet, dans lesquels ii insulte l'autorité
militaire, tout un corps d'officiers, et par
suite l'armée, dans un langage des plus vio-
lents et des plus grossiers. S'il n'y avait dans
les appréciations auxquelles se livre l'ex-
commiasaire extraordinaire que les inexacti-
tudes et les injures qu'il croit utile d'employer
pour expliquer les faits à sa façon et le rôlè
qu'il a joué à son prefit, elles ne mériteraient
que le dédain. 11 y a plus ; elles contiennent
une accusation nettement formulée de trahi-
son et de concussion dirigée contre des offi-
ciers qui sont dans l'armée, aussi bien en
France qu'en Algérie, et dont la plupart sont
encore chargés ici des fonctions qui leur ont
valu ces outrages.
Comme gouverneur général de l'Algérie,
ayant le droit de faire respecter ceux qui se
vouent avec tant d'abnégation aux intérêts
de ce pays, jaloux de sauvegarder la dignité
des officiers auxquels j'ai l'honneur de com-
mander, je proteste énergiquement contre les
diffamations de M. du Beuzet; je demande à
l'Assemblée nationale de venger ceux qui en
sont les victimes, par un acte ostensible, et je
réclame l'insertion de cette lettre à la suite
du rapport de la commission.
Veuillez agréer, monsieur le ministre, l'ex-
pression de mon respectueux dévouement.
Le gouverneur général civil de l'Algérie,
commandant en chef les forces de terre
et de mer..
Général Chanïy.
En répense à'la lettre qui précède, M. du
Bouzet vient d'adresser la demande sui-
vante à M. le comte Daru. Nous la publions
à titre de document, sans vouloir en au-
cune façon prendre parti dans un débat
dont les éléments d'appréciation nous font
défaut.
- Monsieur le président, ,
Je trouve aujourd'hui dans le Journal offi-
ciel la lettre que vous a adressée M. le gouver-
neur général civil de l4Algérie.
Après lecture de cette lettre et des deux
volumes de l'enquête, je c?ois devoir mainte-
nir les faits et les appréciations contenus
dans ma déposition et contre lesquels pro-
teste M. le général Chanzy, sans admettre
d'ailleurs l'application qu'il cherche à en faire
il la généralité de l'armée.
Confiant dans l'impartialité de la commis-
sion, je demande à être entendu par elle,
pour répondre aux allégations de M. le géné-
ral Chanzy.
Veuillez agréer, monsieur le président,
l'expression de mon profond respect,
Charles Du BOUZET.
Paris, 27 avril.
A M. le comte Daru, président de la commis-
sion d'enquête sur le gouvernement du 4 Sep-
tembre.
i—
LA CORRESPONDANCE D'AMPÈRE
Il est bien vrai de dire que les livres
ont leur destin. Vous souvient-il d'un
ouvrage que j'ai beaucoup loué ici
même ? Il avait pour titre : la Corres-
pondance d'Ampère. Je n'avais pas été
le seul à en faire l'éloge : le concert
avait été unanime dans toute là presse ;
Taine au Journal des Débats, Weiss à
la Revue des Deux-Mondes, M. Cuvil-
lier-Fleury, tous les maîtres de la cri-
tique s'étaient répandus en longs arti-
cles sur cet humble volume de deux
cents pages. Tous s'étaient accordés à
dire que ce frais roman d'amour, éclos
des lettres d'Ampère, qu'avait recueil-
lies et mises en ordre une main pieuse
de femme, était aussi virginal, aussi
chaste, plus tendre et plus douloureux
que Paul et Virginie; qu'il avait en-
core, sur la fiction de Bernardin de
Saint-Pierre, cet avantage incontesta-
ble, c'est qu'il était vrai du premier
mot au dernier; c'est que les person-
nages qu'il mettait en scène étaient des
personnages connus, et que l'un d'eux
est un des. plus grands génies et des
cœurs les plus sensibles qui aient ja-
mais existé.
Je me répète en reprenant ce thème.
Car il n'y a pas de livres dont je vou
aie plus souvent entretenu et avec plus
de passion. Il n'y en a guère aussi qad
j'aie lu plus souvent, et jamais je n'a
pu le lire sans verser des larmes d'at
tendrissement ; il n'y en a guère dont
j'aie acheté plus d'exemplaires pour le4
distribuer aux mères de famille qui
me demandaient des livres, les 8Upl
pliant de mettre ce volume entre le4
mains de leurs filles, comme le plué
moral, le plus noble, le plus pathéti-
que, le plus délicieux qu'elles puissen t
jamais rencontrer.
Eh bien ! rien n'y a fait. Il ne s'est
pas vendu trois mille exemplaires de cé
chef-d'œuvre incomparable, tout par-
fumé de grâce, de vertu et d'amour.
C'est l'éditeur lui-même qui me l'a as-
sure ; et je n'ai pas eu de peine à le
croire.. Car dans le petit cercle de mes
connaissances, j'ai été obligé de dé"
ployer des trésors d'éloquence pour le
faire lire. La Correspondance d'Am-
père , cela sonnait à leurs oreilles
comme un ouvrage de mathématiques
transcendantes. J'avais beau dire,:
Mais non, c'est un roman, et un ro-
man vrai, et un roman chaste, le ro-
man de deux âmes que la nature avait
créées supérieures, roman écrit aujour
le jour par les deux héros, qui ne se
doutaient.'guère que la postérité lirait
leurs lettres, et qu'ils écrivaient pour
l'immortalité.
On se méfiait; et je n'ai jamais pu
vaincre cette réserve qu'à force de ser-
ments. Quant au public, au grand pu-
blic, non, il est demeuré tout à fait
rétif. Ce livre, qui devrait être dans
toutes les bibliothèques scolaires, ce
livre qu'il faudrait mettre entre les
mains de tous les jeunes gens des deux
sexes, il n'est pas connu. Picciola,
cette fadeur romanesque, s'est vendue
à plus de cent mille exemplaires ; elle
a le privilége d'arracher encore des lar-
mes aux yeux des chastes demoiselles ;
cette lecture ne saurait pourtant exci-
ter chez les jeunes filles qu'une sensi-
bilité un peu maladive. Elles trouve-
raient dans la Correspondance d'Am-
père de graves et charmantes leçons.
C'est à vous que je m'adresse, à vous
qui avez lu ce délicieux recueil de let-
tres d'amour : est-ce que vous ne vous
êtes pas pris d'une affection profondé
et d'une tendre pitié pour ce pauvre
grand homme, si aimant et si malheu-
reux? Nous ne connaissions, avant la
publication de ce livre, nous ne con-
naissions Ampère que pour un savant
de premier ordre et un distrait de pre-
mière classe; nous ne savions pas qu'à
ce goût des sciences exactes il joignît
une imagination ardente et un cœur de
feu.
Comme on en veut à cette Julie, si
bonne, cependant, et si douce, de ne
pas comprendre ce mari, qui est si
grand et qui l'adore, de le traiter
comme un enfant, de ne répondre aux
élans de cette tendresse passionnée que
par une affection solide et sévère ! Et,
cependant, elle l'a rendu heureux tant
qu'elle a vécu ! car elle était le modèle
des honnêtes femmes et des dignes
épouses. Et quel désespoir quand 1*
mort, par un coup soudain, enlève à
l'infortuné mari sa Julie tant aimée,
celle qui était son tout, et qu'il croyait
être sa seule raison de vivre en ce
monde ! Rien n'égale l'éloquence de se $
regrets ; nous avons tous été emportés
dans ce torrent de douleurs.
Nous croyions le roman terminé là.
C'est un dénouement, en effet, un dé-
nouement tel qu'en imaginent les ar-
tistes. Au moment où les deux amants
vont se rejoindre pour la vie et se pro-
mettent un bonheur sans mélange, la
mort arrive, qui renverse leurs espé-
rances, saisissant l'un et laissant l'au-
tre accablé d'un chagrin sans remède.
Mais dans la vie rien ne se terminè;
tout se continue. La vie est une chaîne
d'événements sans fin, dont les deux
bouts trempent dans l'ombre.
Après la mort de Julie, Ampère resta
sans doute fort longtemps atterré. Mais
enfin il sortit de ce douloureux accable-
ment et se reprit à vivre. La plaie ne se
cicatrisa point ; il la portait toujours
saignante au cœur. Mais elle n'avertis-
sait plus de sa présence par des élan-
cements continuels. Elle ne répandait
plus dans toute la machine qu'une dou-
leur sourde, qui se trahissait, à de rareé
intervalles, par de soudains réveils.
La même personne qui nous avait
donné cet admirable premier volume
de la Correspondance d'Ampère, nous a
rendu le service de poursuivre cette pu-
blication ; et elle vient de donner doux
autres volumes qui ont pour titre :
André-Marie Ampère et Jean-Jacques
Ampère, et en sous-titre : Correspon-
dance et souvenirs de 1805 à 1864.
Dans la premier de ces deux nou-
veaux volumes, nous trouvons l'épilo-
gue des ameurs d'Ampère.
Les lettres qui suivent cette seeonde
partie sont toutes pleines d'une tristesse
lointaine. Ampère a èu beau se jeter dans
des travaux immenses ; en vain il a
conquis la gloire ; le souvenir de Julie
jette sur toute sa correspondance un
voile sombre. Il se réfugie dans la foi ;
il cherche à se persuader qu'il croit
sincèrement et il est repris d'accès de
doute qui lui sont insupportables, et
qui lui arrachent des cris de désespoir.
Sss amis, témoins de ce chagrin in-
vincible, désolés de le voir rentrer dans
un intérieur froid et vide, dans un mé-
nage mal tenu, s'imaginent que pour
lui rendre le bonheur, il faut lui donner
une nouvelle compagne. Il résiste long-
temps à leurs sollicitations et à lui-
même.
On le présente à une jeune fille,qui le
séduit en lui débitant de belles phrases
sur la vertu, là nature, l'art, le génie.
Elle abonde en beaux sentiments, qui
lui font illusion. Il a pourtant des in-
quiétudes, et, avant de conclure, il va
demander permission à Elise. vous
savez bien. Elise, cette aimable sœur
de Julie, cette fille si sensée, si spiri-
tuelle, si aimante, si résignée !. Ah!
quel malheur que ce ne soit pas celle-là
qu'Ampère ait aimée, au lieu de Julie !
Elle l'aimait tant ! elle le comprenait
si bien! elle avait tant d'admiration
pour son génie et d'indulgente tendresse
pour ses légers travers ! Jamais je ne
me consolerai que ce mariage-là ne se
soit pas fait !
Elise, consultée, donne son assenti-
ment par la lettre la plus digne et la
plus touchante. Elle ne connaissait
point la personne. Si elle l'avait vue
une seule fois, non, elle n'aurait ja-
mais permis que son ami, son frère
s'engageât dans des liens qui devaient
faire son malheur.
C'était une ambitieuse, qui nvépousait
Ampèrp que pour les hautes positions
où elle voulait le pousser; qui le te-
nait au fond en tr-ès-petite estime, se
réservant d'en faire un homme du
mbnde et peut-être, qui sait ! un homme
de cour.
Quatre mois ne s'étaient pas écoulés,
que la vie commune était devenue un
enfer. Ces deux êtres, que le mariàge
avait rivés à la même chaîne, n'avaient
pas un seul point commun. Dix lignes
que j'emprunte à une lettre d'un des
amis les plus chers d'Ampère vous fe-
ront bien saisir son caractère et ses
sentiments à cette épeque* (
« Ampère, écrit l'ami 4 un autre
0
correspondant, m'a. abordé d'un air éga-
ré. Cependant ses souffrances ne l'ont
pas changé. C'est touiours la même ac-
tivité, le même feu, la même exalta-
tion, la même tendresse ; rien de plus
mobile que ses idées, rien de plus per.
sistant que son caractère. Il m'a. ra-
conté les détails de sa catastrophe. Ses
lettres ne m'avaient donné qu'une
faible idée de ses douleurs. Il s'était
allié à un être d'une autre espèce que
lui! Et de son côté, pas la moindre in-
telligence dei hommes, point de ré..,
flexion, point de raison ; de la faiblesse,
de l'étourderie, de l'imprévoyance. Il
s'est jeté à corps perdu dans les lacs
qu'on lui a tendus.
» En me racontant, les larmes aux
yeux, à combien d'épreuves on l'avait
soumis, il était dominé par un senti-
ment de douleur si profond que je
croyais ne pouvoir jamais l'en distrai-
re. Mais le mot de métaphysique arrive
sur ses lèvres; voilà un tout autre
hemme. Il se met à me développer ses
systèmes d'idéologie avec un entraîne-
ment incroyable, intarissable. Son en-
fant lui demande le nom d'une plante;
aussitôt il lui explique les systèmes
de Tournefort, de Linné, l'astronomie,
la religion, tout. »
On comprend ce que cette nature sen-
sible et passionnée dut souffrir aux
mille coups d'épingle quotidiens que
lui enfonçait dans le cœur une femme
qui ne l'aimait pas et qui, pour cdmble
de malheur, était soutenue par une
mère acariâtre.
Les lettres d'Ampère sont déchiran-
tes. On était un peu impatienté contre
la divine et froide Julie; on est furieux,
on est exaspéré centre cette sotte, mé-
chante et ridicule péronnelle, qui abreuve
d'amertumes ce malheureux grand hom-
me. Un rien le jetait hors des gonds : -
« Ah ! s'écrie-t-il douloureusement quel-
que part, les peines les plus cruelles
dépendent bien moins des causes qui
les produisent que de l'extrême sensi-
bilité de celui qui les éprouve. Etre aimé
me paraît un enchantement, moi qui
n'ose plus l'espérer ! »
Cette odieuse femme le rend père
d'une petite fille. Il espère un instant
que la naissance de cette enfant lui ra-
'mènera sa femme. Les tribunaux lui
avaient donné gain de cause en le
séparant d'elle. Il l'invite par une lettre
bien tendre et bien touchante à venir
élever sa fille. Elle ne- répond même
pas ; elle ne va jamais voir l'enfant.
Heureusement, le divorce existait en
ce temps-là.
Et cependant le fils de Julie, celui qui
devait être Jean-Jacques Ampère, gran-
dissait ; il va entrer en seène. Il va de-
venir amoureux de Mme Récamier. C'est
un nouveau roman qui se prépare.
J'en reparlerai un autre jour.
Francisque SUU:Z-Jt.
—
ï B'FOBMATÏOlfE
Grosse nouvelle. Le remède contre les
ravages du phylloxera serait enfin décou-
vert.
C'est du moins ce que M. Dumas a ain
noacé avant-hier au président de la Répu-
blique pendant la réception du président
de l'Assemblée.
Les expériences faites par les académies
de Paris et di Montpellier ne laisseraient
aucun doute sur l'efficacité de ce remède.
On pense que M. Dumas fera à ce sujet
une communication à la prochaine séanea
de l'Académie des sciences.
Le ministre dé l'instruction publique
est allé, samedi dernier, visiter le lycée de
Douai, dont il est un des anciens élèves.
Nous avons annoncé que M. le ministre
des finances, bien loin d'admettre les ré-
clamations si peu fondées des héritiers de
Napoléon III, entendait abroger les projets
de convention rédigés par ses prédécesseurs
et se ralliait à l'avis de la commission par-
lementaire.
UEcho nous apprend que, après use
étude sérieuse et approfoadie de la ques-
tion, M. Léon Say trouve exagérées les of-
fres de la commission, qui aurait consenti à
donner 4 millions pour la liquidation de.
l'ex-liste civile impériale, laquelle en ré-
clame 8. M. le ministre des finances est
d'avis qu'il n'est pas dû aux héritiers de
Napoléon III plus de 2 millions 700,000 fr.
et il demandera à l'Assemblée de no pas.
dépasser cette somme.
Lundi prochain, un banquèt se*a offert
par l'ambassadeur d'Espagne au président
de la République et aux autres personnages
qui assistaÎBnt à la céi-émonidde la' Toison-
d Or.
Un mouvement viGt d'être opér4 dans
le corps des ponts et chaussées, par déci-
sion de M. lQ mInistre des travaux publics :
M. Meêh. de Loisne, ingénieur en chef
du département de la Creuse, est nommé
ingénieur en chef de l'Aisne.
M. Bauby, ingénieur de première classe
dans le Tarn-et-Garonne, est appelé à rem- A
plir les fonctions d'ingénieur en chef de la
Lozère.
M. Domeriget, ingénieur en chef en dis*
pénibilité, est chargé du service de con-
trôle du chemin de fer de Givors à la Voulte*
et des lignes de Lyon à la Croix-Rousse et
à Bourg.
M. Harlé, ingénieur de l'arrondissement
de Tlemcen, est nommé ingéaieur de l'ar-
rondissement de Villefranehe.
M. Pelletreau, actuellement en Corse»
est nemmé ingénieur à Tlemcelt.
M. Bulet, ingénieur ordinaire, est a.U.
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