Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1875-03-26
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 26 mars 1875 26 mars 1875
Description : 1875/03/26 (A5,N1209). 1875/03/26 (A5,N1209).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7558218v
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/03/2013
51, Année. — No 1209. Prise du numéro : Paris : 16 cen.e$. — Départements ; 20 centimes.
♦
Vendredi 26 Mars 1875.
1
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.,1 JOURNAL REPUBLICAIN CONSERVATEUR
l. REDACTIONJJ
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Paris, 25 mars 1875.
« Oh ! ces républicains ! Ils se croient un
parti politique ; au fond, c'est un tas de
meurt-de-faim ; leur seul rêve est de gri-
gnoter le budget, leur seule ambition est
d'aveir des places! Voyez-les depuis le
25 février; ils rôdent autour des préfectu-
res et désignent eux-mêmes au gouverne-
ment les victimes qu'ils veulent voir im-
moler à leur appétit. Des places! des
places t C'est le cri des estomacs républi-
cains t » — Ce refrain bien connu est réé-
dité depuis quinze jours, avec force va-
riantes, dans un grand nombre d'honnêtes
feuilles. Le désintéressement est une vertu,
sans contredit, et nous l'admirons comme
il convient; toutefois, au risque de scanda-
liser les puritains, nous n'hésitons pas à
déclarer que le reproche d'avidité adressé
par eux aux républicains n'est malheureu-
sement pas justifié. Nous le démontrerons
sans peine.
Qu'est-ce que la politique? Yoilez-vous
la face, messieurs du Français ; la politi-
que, c'est la place des autres. Définition
brutale, mais juste. On en pourra trouver
de plus savantes, on n'en trouvera pas de
plus complète. La politique, c'est la place
des autres ; et comment en serait-il autre-
ment? Pourquoi existe-il des partis en
France! C'est apparemment que tout le
monde n'est point d'aecord sur la manière
de gérer les affaires publiques. Chacun a
sa méthode, et il va de soi que chacun se
décerne la palme ; donc se déclarer légi-
timiste, orléaniste, bonapartiste ou répu-
blicain, cela revient à dire : Moi seul pos-
sède le secret de gouverner la France, moi
seul suis en possession d'une méthode in-
faillible pour procurer aux nations les
bienfaits de la paix associés aux jouissan-
ces de l'ordre et de la liberté ! En d'autres
termes: Cédez-moi la place, et vous allez
voir comme tout va marcher ! Que les uns
soient sincères et les autres non, ce n'est
pas la question; est-il vrai, seulement,
qu'entre les partis toutes les controverses
aboutissent, doivent aboutir, et ne peuvent
aboutir qu'à cette mise en demeure plus
ou moins adoucie dans la forme : Ote-toi
de là, que je m'y mette ?
Les saintes-nitouches auront beau se ré-
crier ; ils ne feront pas que la- politique
soit pour eux autre chose que pour les ré-
publieains ; ils ne réussiront jamais à con-
vaincre personne que lorsque les légiti-
mistes ont essayé, en 1873, de restaurer la
monarchie, ce n'était pas dans l'unique
but de confier le pouvoir à des monar-
chistes ; nous en disons autant des orléa-
nistes, autant des bonapartistes. Et nous
verrons tout à l'heure si l'on a le droit d'en
dire autant des républicains. -,
Les royalistes n'ont même pas attendu
qu'ils eussent relevé le trône pour faire
main basse sur toutes les places. Et nous ne
les en blâmons pas ; ils ont eu raison. Dès
l'instant qu'ils avaient comploté le renver-
sement de la République, ils ne devaient
point reculer devant les moyens d'exécu-
tion, et il est clair qu'il fallait songer,
avant tout, à déposséder les républicains.
Ils n'y ont pas manqué. Le XIXe Siècle
publie tout justement aujourd'hui l'his-
toire abrégée des destitutions en masse
prononcées par les vainqueurs du 24 mai.
Or, notez qu'au 24 mai, il n'y avait rien de
changé dans la forme du gouvernement ;
aucune atteinte n'était et ne devait même,
suivant une parole autorisée, être portée
aux institutions existantes. On eût donc
compris, à la rigueur, que la République
demeurant le régime du pays, les républi-
cains continuassent à la servir. Qu'oa nous
cite, pourtant, le nombre des préfets, sous-
préfets, juges de paix et autres fonctionnai-
res entachés ou seulement soupçonnés de
républicanisme qui ont trouvé grâce de-
vant le 24 mai !
Serait-ce donc que les royalistes sont,
eux aussi, des coureurs de places, das glou-
tons? Assurément non, mais ils ne sont
pas plus dénués d'intelligence que les ré-
publicains ou les bonapartistes, et ils com-
prennent à merveille que le moyen de ré-
colter du blé n'est point de semer de l'orge,
et que des monarchistes feront toujours
mieux les affaires de la monarchie que des
républicains. Les dragons de vertu qui
stigmatisent la prétendue avidité des répu-
blicains trouveraient-ils scandaleux qu'un
libre-échangiste souhaitât de remplacer un
ministre du commerce protectionniste ?
= Pourquoi donc leur pudeur s'effarouche-
1 t-elle de voir les républicains s'étonner que,
sous la République, toutes les fonctions
demeurent confiées à des monarchistes ?
Nous avons eu déjà occasion de l'écrire
et nous le répétons: tout homme politique,
digne de ce nom, doit être ambitieux;
en n'est un homme politique qu'à la con-
dition d'avoir à soi un certain nombre d'i-
dées et de doctrines, une vue d'ensemble
sur telle ou telle partie de l'administration
publique; un plan, en un mot. Et si l'on a
la foi dans son programme politique,comme
l'inventeur dans son invention, le savant
dans sa découverte, le poète dans son gé-
nie, n'est-il pas légitime d'aspirer de tou-
tes ses forces au moment où il vous sera
* y •
donné de prouver la mouvement en mar-
chant, de faire passer vos théories dans le
domaine du fait, et de prouver enfin que
vous aviez raison contre vos adversaires
et vos détracteurs? Pour cela, il faut le
pouvoir. Si c'est être ambitieux de le dési-
rer dans ces conditions, eh bien ! soit ; c'est
la plus noble ambition et la plus légitime
qui puisse occuper le cœur d'un bon ci-
toyen.
Ce qui est vrai de l'homme politique est
vrai également des partis. Le parti répu-
blicain n'a pas les mêmes principes que le
parti monarchiste ; il souhaite le pouvoir
pour appliquer ses principes. C'est soit
droit, et il le réclame moins rigoureuse-
ment que ses adversaires. On l'a vu au
25 février et dans d'autres occasions, où il
s'est montré peut-être un peu plus désin-
téressé, un peu plus scrupuleux qu'il n'é-
tait nécessaire. C'est par là qu'il diffère
des autres partis. Au mois de février 1871,
nous étions en République. A la vérité, la
République n'était que provisoire, et c'est
ce qui permit sans doute à M. de Larcy, à
M. Pouyer-Quertier et à une foule d'autres
adversaires du régime républicain d'accep-
ter les portefeuilles et les émoluments de
la République.
Quand vint le 24 mai, la République
provisoire fut respectée provisoirement;
mais il n'y avait pas à s'y tromper ; MM. de
Broglie et consorts n'avaient renversé M.
Thiers que pour travailler plus librement
à une restauration monarchique. Dès que
la nouvellè fut connue en province, trente-
deux préfets et sous-préfets républicains
envoyèrent leur démission. Ils ne pou-
vaient accepter de servir, même sous la
République, un gouvernement qu'ils sa-
vaient résolu à la combattre. Ce scrupule
était assurément-honorable, mais exces-
sif. Nous avons dit alors qu'il eût été
préférable d'attendre que les ministres
eussent prouvé, par leurs actes, le peu de
cas qu'ils faisaient de la déclaration du
chef de l'Etat : «Nulle atteinte ne sera por-
tée aux institutions existantes. » L'attente
n'eût pas été longue ; on verra, par l'article
publié plus loin, que M. le ministre de l'in-
térieur fit bientôt suivre ces 32 démissions
volontaires de 66 révocations de préfets et
sous-préfets. « Il fallait, disait-il, imprimer
à l'administration entière l'unité, la cohé-
sion , l'esprit de suite nécessaire » A
quoi ? Aux projets du gouvernement de
combat, c'est-à-dire à l'écrasement des ré-
publicains, à l'escamotage de la République
et à la restauration de la monarchie.
M. le duc de Broglie avait raison, et s'il
n'a pas réussi dans sa conspiration contre
la France, c'est qu'en vérité la France
tout entière conspirait contre lui ; mais il
faut reconnaître qu'il avait pris le seul
moyen qu'ait un homme politique de faire
prévaloir ses idées, c'est d'arriver au pou-
voir et de s'entourer de collaborateurs
faits à son image. Cette unité, cette cohé-
sion, cet esprit de suite qu'il désirait im-
primer à l'administration française, on
sait pour quelles raisons il n'a jamais pu
les obtenir.
Doit-on s'étonner que les républicains, qui.
eux, du moins, ne conspirent pas, mais
veulent au contraire assurer le respect de
la Loi et le fonctionnement régulier de la
constitution, reclament pour le personnel
administratif cette unité, cette cohésion
sans lesquelles il n'y aurait bientôt plus
en France que trouble, confusion et anar-
chief » f Il-
Nous examinerons demain en quoi con-
sistent exactement les prétentions des ré-
publicains, et ce qu'il faut penser de ceux
qui leur reprochent, comme faisait hier la
Patrie, de n'avoir « d'autre préoecupation
que de voir toutes les places exclusivement
occupées par eux et leurs amis. »
:> E. Somnnm. f
f
• —♦ ——————— On
La Réception du Ministre de l'intérieur
M. le ministre de l'intérieur, vice-prési-
dent du conseil, a reçu hier matin, à neuf
heures et demie, à l'hôtel de la place Beau-
vau, tout le personnel de son adminis-
tration.
M. Buffet avait à ses côtés MM. Desjar-
dins, sous-secrétaire d'Etat, Dufeuille, chef
du cabinet, Durangel et Normand, direc-
teurs au ministère.
Les bureaux du cabinet et de la presse
ont été reçus les premiers. M. le ministre,
s'adressant à M. Farcinet, chef du bureau
du personnel, l'a averti qu'ils examine-
raient ensemble les dossiers des fonction-
naires.
M. Normand ayant ensuite présenté les
chefs et les employés du secrétariat et de
la comptabilité, M. Buffet s'est enquis par-
ticulièrement de l'état des sociétés de se-
cours mutuels.
Puis est venu M. Léo, chef du bureau
de la presse, à qui le ministre a adressé
une courte allocution, dont l'Echo donne
un résumé.
Il a rappelé à ce fonctionnaire les
devoirs délicats qui lui incombaient,
et il a insisté sur la nécessité de ne pro-
voquer des mesures de rigueur pour ré-.
primer les écarts des journaux qu'après
mûre réflexion et avec la plus grande ré-
serve. Il a recommandé surtout l'impar-
tialité comme la principale règle de con-
duite.
Le chef intérimaire du service de l'Al-
gerie s'étant à son tour présenté, M. Buffet
a fait allusion aux efforts tentés par le
comité de colonisation des Alsaciens-Lor-
rains, dont il est le président, pour assu-
rer, dans la colonie, un asile à nos mal-
heureux compatriotes.
Il a, en outre, promis son concours pour
développer les ressources de l'Algérie, qui,
d'ailleurs, ne pouvait être placée en des
mains plus habiles que celles du général
Chanzy.
t La direction du secrétariat et la direc-
tion départementale et communale ont en-
suite été reçues.
- M. Buffet a demandé à ces services, bien
qu'ils n'aient pas de fonctions politiques et
qu'ils demeurent en dehors de la lutte des
partis, la plus grande activité dans l'expé-
dition des affaires, sous les ordres d'un
chef déjà éprouvé,. M. Durangel, afin de
contribuer à la bonne administration du
pays.
Ont été reçus à dix heures : le préfet de
police, le préfet de la Seine, les sous-pré-
fets de Sceaux et de Saint-Denis, les corps
militaires dépendant du ministère de l'in-
térieur et la chambre syndicale des agents
de change.
Au moment de la réception du préfet de
la Seine et des services ressortissant à la
préfecture, l'attention de M. le ministre a
été naturellement attirée sur les travaux
de Paris ; il s'en est entretenu avec M. Al-
phand. Il a également adressé de nom-
breuses questions aux maires et adjoints
de Paris, notamment au sujet du service
des écoles, des méthodes d'enseignement et
du développement qu'on pourrait donner à
ce service.
Au colonel Alavène M. Buffet a répondu
qu'il était heureux de l'occasion qui s'of-
frait à lui de remereier la garde de Paris.
Son dévouement a été à la hauteur des ter-
ribles épreuves qu'elle a traversées et que
l'on peut espérer ne pas revoir. Le ministre
sait qu'en tous les cas le gouvernement
peut compter absolument sur la garde de
Paris.
M. Buffet a répondu au colonel de la gen-
darmerie du département de la Seine :
« Les services rendus par la gendarme-
rie sont depuis longtemps appréciés par
tout le monde'. L'Assemblée nationale est
particulièrement reconnaissante envers ce
corps, dont elle se rappelle la conduite
dans une période troublée. Recrutée dans
l'élite de l'armée, la gendarmerie a droit à
la sympathie, à l'estime et au concours de
tous les honnêtes gens. »
En recevant le colonel et les officiers des
sapeurs-pompiers, M. Buffet a dit que toute
la population parisienne connaissait de
longue date le dévouement admirable du
corps des sapeurs-pompiers, dont le passé
garantissait l'avenir. i
En recevant la chambre syndicale des
agents de change, représentée par M. Mo-
reau, député de la Seine, syndic, et MM.
Mahon, Bertin et Guilhiermoz, M. Buffet a
insisté sur le caractère essentiellement
conservateur de son ministère, sur son ca-
ractère conservateur dans le sens le plus
large du mot.
La réception était terminée à 11 heures
et quart.
1-
Réflexion, Réserve, Impartialité
L'Echo, qui ne passe point pour un
journal révolutionnaire, nous a conté
hier soir la réception des chefs de ser-
vice du ministère de l'intérieur par M.
le vice-président du conseil.
M. Buffet a fait l'honneur de quel-
ques paroles au chef de bureau Léo, à
cet ancien journaliste qui, dans toute
la presse parisienne, ne trouvera qu'un
lieu d'asile, le Français, lorsqu'il sera
enfin cassé aux gages.
Voici ce que VEcho a entendu ;
Dans une courte allocution au directeur de
la presse, M. le ministre a rappelé à cet
honorable fonctionnaire les devoirs délicats
qui lui incombaient, et il a insisté sur la né-
cessité de ne provoquer des mesures de ri-
gueur pour réprimer les écarts des journaux
qu'après mûre réflexion et avec la plus
grande réserve. Il a recommandé surtout
l'impartialité "comme la principale règle de
conduite. -
Nous ne pouvons qu'approuver et
remercier l'honorable M. Buffet : ce
langage est net et loyal. M. Buffet
n'est pas de nos amis; nous l'avons
combattu souvent, il sait que nous le
combattrons encore, non sans regret,
car il ne tenait qu'à lui de rester, après
le 25 février, le leader de la majorité
nouvelle. Un programme mal inspiré
l'a éloigné du parti républicain; ses
actes l'en rapprocheront peut-être.
Nous n'avons pas plus de préjugés
que d'illusions, et nous ne connaissons
pas les sottes rancunes; nous atten-
dons, avec la France, que le chef du
gouvernement parlementaire trace sa
ligne polique par des faits.
La mercuriale discrète qu'il vient
d'adresser à l'ennemi personnel de la
presse part d'un bon naturel ; mais
une destitution pure et simple nous eût
autrement rassurés. Il est impossible
qu'un homme avisé comme M. Buffet
ne sache pas le compte des ministres
de l'intérieur que M. Léo a compromis,
renversés et enterrés. Le zèle des
agents irresponsables est un véritable
fléau; il fait d'autant plus de mal que
ces individus, cuirassés de leur néant,
sont presque certains de survivre aux
ministres qu'ils précipitent.
La presse républicaine s'honore d'a-
voir poussé résolûment MM. de Broglie,
de Fourtou et de Chabaud-Latour à
leur destin final. Elle ne pouvait pas
ménager ces trois personnalités mé-
diocres, arrogantes et nuisibles. Toute-
fois-il faut avouer que les méfaits de
M. Léo et ses iniquités subalternes ont
accéléré les culbutes ministérielles en
exaspérant des journaux modérés par
tempérament.
Nous qui nous piquons d'être conser-
vateurs entre tous les républicains,
nous avons été systématiquement affa-
més, ruinés, saignés à blanc, durant
une mortelle année, par cette espèce de
docteur Sangrado qui s'appelle M. Léo.
pour une phrase un peu trop vive de
notre excellent ami Paul Lafargue,
nous avons enduré, cinq mois durant,
un supplice chinois, qui nous aurait
tués si nous n'avions pas eu la vie dure.
Pour un alinéa parfaitement inoffen-
sif de Schnerb, M. Léo, parlant au
nom de M. de Chabaud-Latour absent,
nous a réexpulsés de la voie publique
depuis le 2 octobre 1874 jusqu'au 5
mars 1875. Afin que M. Buffet n'en
ignore, voici le texte ou plutôt le pré-
texte en vertu duquel M. Léo, faisant
fonctions de M. de Chabaud, nous a
ruinés tant qu'il a pu.
Il nous resterait à parler de la liberté
grande qu'a prise M. Thiers de faire un rap-
prochement entre la loi Rivet et la loi du
20 novembre. C'est le comble de l'audace,
l'abomination de la désolation ; et pour un
peu, l'on demanderait au septennat d'en-
voyer quatre hommes et un caporal à
Vizille pour en ramener le scélérat qui a
proféré un tel blasphème. Mais ce sont là des
sottises que nous n'avons ni le goût ni le temps
de relever. Constatons seulement une fois de
plus que pour mettre à ce point les cervelles
à l'envers au moindre mot qu'il prononce, il
faut en définitive que M. Thiers soit plus et
mieux qu'un adversaire, un chef d'opposi-
tion ; il faut qu'on voie en lui une protesta-
tioMrivante, un règne précurseur, quelque
cho comme le Mané, Thécel, Pharès, de
Balthazar.
Tous les journaux de la France et de
l-étranger, sans excepter les plus hos-
tiles à la République, ont déclaré una-
nimement qu'il n'y avait pas là de quoi
fouetter un chat. Le ministre lui-même,
interpellé par nos amis dans la
commission de permanence, a ré-
pondu, avec sa compét3nce habituelle,
qu'il ne connaissait pas la question,
qu'il se renseignerait, qu'il verrait.
Mais il s'est renseigné auprès de M.
Léo, il a vu par les yeux de M. Léo, et
il a attendu qu'il fut mort depuis deux
mois pour rapporter une mesure inique
que M. Léo, l'irresponsable, avait prise
en son nom, contre nous.
M. Léo chef de bureau à six ou sept
mille francs, je ne sais pas au juste,
mais notoirement incapable d'en gagner
mille écus par an dans un journal de
dernier ordre, nous en coûte près de
cent mille, et cela parce qu'il hait la
presse républicaine en général et le
XIXe Siècle en particulier.
Nous devons donc remercier le minis-
tre qui conseille à cet employé mal-
faisant la réflexion, la réserve et l'im-
partialité ; mais nous lui vouerions une
bien autre reconnaissance si, dans sôn
intérêt et dans le nôtre, il avait sim-
plement congédié M. Léo.
ABOUT.
+-
On est heureux de recueillir les témoi-
gnages d'estime et de sympathie prodigués
par les journaux anglais à M. de Jarnac et
à la France. « Le comte de Jarnac, dit le
Daily-News, sera profondément regretté
par le monde diplomatique, qui estimait
sans restriction son caractère et ses servi-
ces. Le gouvernement français trouvera dif-
ficilement un diplomate aussi familier avec
nos institutions et aussi capable de repré-
senter dans la capitale de l'Angleterre le
meilleur côté de la vie et de la société fran-
çaises. » Et le Times : « On dirait, telle-
ment le temps nous a paru court, que
c'est d'hier seulement que l'Angleterre
s'estimait heureuse de posséder, comme
représentant de sa voisine continentale la
plus rapprochée et la plus intime,' un
Français qui ait connu notre pays aussi
bien que le connaissait le comte de Jarnac
et qui ait été élevé dans les principes que
nous prisons le plus. Le choix du maré-
chal de Mac-Mahon avait été accueilli chez
nous par une approbation universelle ; M.
Disraëli et lord Derby ont publiquement
rendu témoignage de la satisfaction que
les hommes d'Etat de l'Angleterre en ont
éprouvée. Outre la perte politique que cause
aux deux nations une mort aussi im-
prévue, nous sentons aujourd'hui qu'il y a
encore une autre source de regrets; car le
comte de Jarnac n'était pas seulement un
serviteur capable et dévoué de son pays, il
était aussi l'un des ornements les plus ap-
préciés de la société anglaise. »
Ces articles de nos confrères d'outre-
Manche nous sont bien agréables à enre-
gistrer. La presse anglaise ne paye pas
seulement un tribut d'éloges à la mémoire
d'un diplomate de grand mérite et d'un
galant homme ; nous trouvons dans son
langage un nouvel indice des sentiments
de cordiale amitié que l'on éprouve à Lon-
dres pour la France. Nous avons, de l'un
et l'autre côté du détroit, assez de com-
muns intérêts et assez de craintes commu-
nes pour que l'alliance anglo-française de-
vienne bientôt, par la force des choses,
une solide et puissante réalité. Quand les
deux peuples le voudront, l'union de la
Grande-Bretagne et de la France saura
contrebalancer une autre influence dont
toute l'Europe est si profondément trou-
blée. D'ailleurs, il n'est pas malaisé de
voir que, depuis quelque temps, l'An-
gleterre. a compris les inconvénients de
la pure abstention et qu'elle se prépare
à un nouveau rôle. Par sa fière attitude
au congrès de Bruxelles, et, tout récem-
ment, par sa réponse à la circulaire du
cabinet de Saint-Pétersbourg, elle a mon-
tré qu'elle ne se résigne point à emboîter
le pas, docilement, à l'Allemagne. Elle a
contrecarré la politique de conquête et
donné des avis sur lesquels on a réfléchi
déjà, peut-être, en certains lieux. C'est
une voie où nous serons heureux de mar-
cher avec elle. D'autres Etats suivraient,
qui ne demandent qu'à fonder avec la
France et la Grande-Bretagne une mutuelle
assurance contre de redoutables ambi-
tions.
L'alliance anglo-française était le but
que M. de Jarnac poursuivait à Londres.
Il s'y appliquait de tous ses efforts, et l'on
a vu, par les regrets que sa mort a causée
en Angleterre, si notre ambassadeur s'ac-
quittait heureusement de cette grande tâ-
che. Nous devons à nos voisins et nous
nous devons à nous-mêmes de lui donner
pour successeur le diplomate le plus capa-
ble de mener à bien une entreprise qui,
pour les deux pays, est d'une si haute im-
portance. Nous ne vivons pas dans un
temps où les postes diplomatiques puissent
être distribués à la légère, en manière de
récompense, d'encouragement ou de fa-
veur. Les représentants de la France à
l'extérieur ne devraient jamais être nom-
més que pour les services qu'ils peuvent
rendre ; et maintenant plus qu'à toute au-
tre époque, c'est l'unique considération qui
doit prévaloir. La principale condition
d'une bonne politique étrangère est de ne
confier les ambassades qu'à de véritables
ambassadeurs.
Eua. LIÉBERT.
- - ■■ ■
« Pourquoi la République n'a-t-elle ja-
mais pu, malgré des efforts puissants, mal-
gré des dévouements remarquables, s'éta-
blir en France ? Parce que les classes éclai-
rées, où l'on est obligé de recruter les fonc-
tionnaires, répugnent au gouvernement
républicain ; paree que, des gendarmes aux
conseillers d'Etat, tout le personnel qui
nous gouverne est hostile, par sens, par
éducation, par intérêt, à la République, et
forme une conspiration permanente contre
la République. » Qui s'exprime ainsi ? Un
organe de cette portion du centre droit
brogliste qui, voulant à tout prix faire par-
tie de la majorité, est venue apporter à la
République un appoint que certes elle ne
lui demandait pas.
L'aveu est bon à enregistrer d'ailleurs,
et cette naïveté qui confesse « la conspira-
tion permanente » des classes éclairées
contre la République donne la mesure de
ce qu'on a appelé, à différentes époques,
« l'essai loyal de la République. » Ce sont
ceux-là mêmes qui opposent au gouverne-
ment républicain, comme grand grief, son
manque de stabilité, qui, de tout temps,
ont travaillé sourdement à détruire cette
stabilité ; c'est donc contre ceux-là mêmes
à qui on avait confié la République,
qu'elle devait être défendue. Nous nous en
doutions bien quelque peu ; mais puique
la chose est avouée, nous espérons que les
représentants autorisés « des classes éclai-
rées » renonceront désormais à cette vieille
rengaine : Ce sont les républicains qui ont
toujours tué la République.
Sic rata voluére. Il parait qu'il n'y a
pas de remède à cela. Ainsi le déclare du
moins, avec un fatalisme tout à fait orien.
tal, l'organe du centre droit, qui assure
qu'il ne servirait de rien de renouveler
le personnel administratif, parce qu'on
ne trouverait pas, parmi les républicains,
l'armée de fonctionnaires — depuis les mi-
nistres jusqu'aux gardes-champêtres — né-
cessaire à la marche de l'Etat.
Il nous semble que la proposition est as-
sez habilement retournée par notre con-
frère : ce sont les gouvernements qui ont
bien plus manqué aux républicains que les
républicains n'ont fait défaut aux gouver-
nements.
— Le parti orléaniste, mieux que tout
autre, doit comprendre cette vérité, lui
qui, après un éloignement de vingt ans des
affaires, s'est vu dans la dure nécessité
d'emprunter la moitié de son personnel ad-
ministratif au parti bonapartiste. — C'est
vrai, les républicains n'ont pas grand
temps de se former au maniement des af-
faires publiques ; le premier pauvre garde-
champêtre venu est destitué lorsqu'il est
soupçonné de républicanisme, et, tandis
que M. le duc de Broglie, ambassadeur de
la République, peut impunément dénigrer
le gouvernement qu'il dessert, tout diplo-
mate qui avoue des sentiments républi-
cains est instantanément mis en suspicion.
On chasse, on traque, au nom des classes
éclairées, les fonctionnaires qui ont du dé-
vouement pour la République; on s'em-
presse de ne pas choisir, dans les rangs de
ces classes éclairées, les hommes qui au-
raient des tendances républicaines; en
guise d'encouragements, on distribue l'in-
jure, et l'on vous dit tranquillement, en
profond philosophe : Les fonctionnaires
doivent fatalement sortir des classes éclai-
rées, et les classes éclairées répugnent au
gouvernement républicain.
Ah ça! est-ce que les Rouher, les Ba-
roche et tant d'autres dont la liste serait
trop longue, ne font pas partie des classes
éclairées? Il nous semble qu'il fut un temps
où les gaillards ne répugnaient pas au. gou-
vernement républicain.En quoi auraient-ils
été moins bons fonctionnaires sous la Ré-
publique que sous l'empire ? Seulement ils
voulaient être- fonctionnaires et grands
fonctionnaires, lestement, d'une enjambée,
et, pour cela, ils ont simplement menti à
leur parole, ce qui, parait-il, n'est pas ré-
pugnant pour les classes éclairées.
La théorie de la répugnance des classes
éclairées pour le gouvernement républi-
cain est une pure exploitation des gouver-
nements monarchiques, et la répugnance
des fonctionnaires une simple affaire de
circulaire ministérielle. Et encore l'exploi-
tation réussit-elle mal parfois ! C'est ce
qui explique d'ailleurs les furieuses colères
qui se déchaînent au nom des classes éclai-
rées contre les Thiers, les Remusat, les
Montalivet, les Casimir Périer, les perfidies
qu'on insinue contre les Noailles ou au-
tres diplomates le jour où ils acceptent
franchement et loyalement le gouverne-
ment républicain. Il s'agit de prouver qu'il
est impossible de former un personnel ad-
ministratif qui ne répugne pas à la Répu-
blique; pour les petits, les obscurs, il est
toujours facile d'escamoter la vérité ; mais
quand les grands viennent vous donner
d'aussi éclatants démentis, n'est-ce pas un
scandale?
PAUL LAFARGUE.
* i m l' QIlM A.TJLQFQ
Le président de la République semble
avoir renoncé à aller passer quelques jours
dans le Loiret.
C'est aujourd'hui que l'ambassadeur
d'Espagne doit lui remettre à l'Elysée le
collier de la Toison-d'Or.
A cette occasion, des voitures de gala
escortées de piquets d'honneur iront cher-
cher M. le comte de Molins au quai d'Orsay,
avec le cérémonial usité pour la réception
des ambassadeurs. Le président de la Ré-
publique donnerait ce soir un grand diner
diplomatique.
Le bruit répandu depuis' quelques jours
d'un emprunt considérable, que M. Léon
Say serait disposé à émettre, est formelle-
ment démenti.
1.1Jt; - - J.J —
Le mouvement préfectoral que prépare
M. Buffet paraitra prochainement au
Journal officiel.
-. n
Les quatre ministres, membres des con-
seils généraux, MM. Dufaure, Decazes,
Caillaux et de Meaux, vont quitter Paris
pour assister à la session qui va s'ouvrir.
M. Buffet doit se rendre la semaine pro.
chaine dans les Vosges, où l'appellent des
affaires de famille.
Le ministre de la guerre visitera pro..
chainementles camps établis autour de Ver.
sailles.
M. Aulnoy, trésorier-payeur général
da département de l'Aude, vient de mou-
rir.
£
A la suite de la mort de M. Fourtier,
trésorier-payeur central du ministère des
finances, M. Léon Say a décidé qu'il y au-
rait à l'avenir un trésorier-payeur chargé
de centraliser les services pour les paye-
ments à effectuer dans tous les ministères
et les services qui sont actuellèment pla-
cés sous la direction du trésorier-payeur
central. Mais il y aura, en outre, un tréso-
rier-payeur de la dette publique, qui sera
spécialement chargé des services de la
Rente, du grànd-livre, des emprunts, etc.
M. de Marcillac, actuellement sous-
payeur central, parait être désigné pour
succéder à M. Fourtier dans les fonctions
de trésorier-payeur central.
La mort de M. le comte de Jarnac est
trop récente encore, quoi qu'en pensent
certains de nos confrères, pour qu'on se
soit occupé de nommer un nouveau titu.
laire à l'ambassade de Londres.
On a déjà mis plusieurs noms en avant,
ceux du duc de Broglie, du duc d'Ayen, du
comte de Chaudordy. Mais, comme nous
le disions, ces bruits n'ont aucun fonde-
ment. Les plus simples convenances indi-
quent qu'aucune candidature n'a pu être
jusqu'ici discutée.
Le garde des sceaux doit nommer une
commission extra-parlementaire pour étu-
dier un projet de loi sur la presse.
Voici, d'après le Siècle, la liste des pré-
fets qui persistent à ne pas mettre en tête
des documents administratifs la rubrique
légale : République française :
M. de Qrisenoy, préfet de l'Aisne; M. de
Tracy, des Bouehes-du-Rhône ; M. de Cha-
zelles, du Cantal ; M. Lauras, du Cher; M.
Sers, de l'Eure; M. Guigues, du Gard; M.
Tripier, du Gers; M. de Reinach, du Jura;
M. Cardon de Sandrans, de la Loire ; M.
de Behr, du Loiret; M. de Chambon, de
Meurthe-et-Moselle ; M. Leguay, du Nord ;
M. ^Sazerae de Forges, de la Nièvre ; M.
Choppin,. de l'Oise; et M. Tassin, de la
Sarthe.
,)3\}. —
L'état de M. Amédée Achard est des plus
inquiétant. -
On dit que M. le marquis de la Valette,
ancien ministre de l'intérieur sous l'em-
pire, est en o* moment très-dangereuse-
ment mala de. tt', -') t
Nous apprenons que le peintre Charles
Boulogne vient d'être nommé chevalier
de la Légion d'honneur.
- De nationalité belge, Charles Boulogne
est un vrai Parisien qui, depuis longtemps,
a fait de la France son pays d'adoption.
Excellent musicien, autant qu'habile pay-
sagiste, il a composé plusieurs œuvres
dont nous entendrons aux premiers beaux
jours deux morceaux que lui a demandés
Sellenick, pour lbs faire exécuter par son
orchestre de la garde de Paris.
Collectionneur érudit, il possède dans la
rue Vintimille un véritable musée.
Rappelons à ce propos que pendant la
Commune sa conduite fut au-dessus de
tout éloge, et que son hôtel servit de re-
fuge à bon nombre de proscrits.
Sa nomination fera plaisir à ses nom-
breux amis et à toute la colonie belge de
Paris. ,,"
Au nom des jurés désignés par le sort
dont nous avons publié hier la liste il con-
vient d'ajouter les jurés nommés par l'ad-
ministration. Ce sont :
pour la peinture : MM. Edouard An-
dré; Maurice Cottier; Eudoxe Marcille;
M. le comte d'Osmoy; le vicomte de
Tauzin.
Pour la sculpture : MM. Barbet de
Jouy; Michaux; le vicomte de Rainne-
ville.
Pour l'architecture : MM. de Cardail-
lac ; Alfred Lenoir.
Pour la gravure: MM. Edouard Char-
ton ; le vicomte H. Delaborde ; Paul
Mantz.
L'Académie-Française, dans sa séance
M
♦
Vendredi 26 Mars 1875.
1
E
*9 "■
.,1 JOURNAL REPUBLICAIN CONSERVATEUR
l. REDACTIONJJ
j :. S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit e
13, r. Lafayette
Les lettres non affranchies seront refusées
'1 ABONNEMENTS" 'c.
PARIS
Trois mois..!.;.** 13 fr.
Six mois- 25
Un an 00,
DÉPARTEMENTS ":J
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née, nous prloÀ^^nstami^i«nt nos
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expire à cette date de ne point
attendre la fin du mois pour nous
adresser leur renouvellement, afin
de leur éviter tout retard dans la
réception du journal*
-.,. - r: *
Paris, 25 mars 1875.
« Oh ! ces républicains ! Ils se croient un
parti politique ; au fond, c'est un tas de
meurt-de-faim ; leur seul rêve est de gri-
gnoter le budget, leur seule ambition est
d'aveir des places! Voyez-les depuis le
25 février; ils rôdent autour des préfectu-
res et désignent eux-mêmes au gouverne-
ment les victimes qu'ils veulent voir im-
moler à leur appétit. Des places! des
places t C'est le cri des estomacs républi-
cains t » — Ce refrain bien connu est réé-
dité depuis quinze jours, avec force va-
riantes, dans un grand nombre d'honnêtes
feuilles. Le désintéressement est une vertu,
sans contredit, et nous l'admirons comme
il convient; toutefois, au risque de scanda-
liser les puritains, nous n'hésitons pas à
déclarer que le reproche d'avidité adressé
par eux aux républicains n'est malheureu-
sement pas justifié. Nous le démontrerons
sans peine.
Qu'est-ce que la politique? Yoilez-vous
la face, messieurs du Français ; la politi-
que, c'est la place des autres. Définition
brutale, mais juste. On en pourra trouver
de plus savantes, on n'en trouvera pas de
plus complète. La politique, c'est la place
des autres ; et comment en serait-il autre-
ment? Pourquoi existe-il des partis en
France! C'est apparemment que tout le
monde n'est point d'aecord sur la manière
de gérer les affaires publiques. Chacun a
sa méthode, et il va de soi que chacun se
décerne la palme ; donc se déclarer légi-
timiste, orléaniste, bonapartiste ou répu-
blicain, cela revient à dire : Moi seul pos-
sède le secret de gouverner la France, moi
seul suis en possession d'une méthode in-
faillible pour procurer aux nations les
bienfaits de la paix associés aux jouissan-
ces de l'ordre et de la liberté ! En d'autres
termes: Cédez-moi la place, et vous allez
voir comme tout va marcher ! Que les uns
soient sincères et les autres non, ce n'est
pas la question; est-il vrai, seulement,
qu'entre les partis toutes les controverses
aboutissent, doivent aboutir, et ne peuvent
aboutir qu'à cette mise en demeure plus
ou moins adoucie dans la forme : Ote-toi
de là, que je m'y mette ?
Les saintes-nitouches auront beau se ré-
crier ; ils ne feront pas que la- politique
soit pour eux autre chose que pour les ré-
publieains ; ils ne réussiront jamais à con-
vaincre personne que lorsque les légiti-
mistes ont essayé, en 1873, de restaurer la
monarchie, ce n'était pas dans l'unique
but de confier le pouvoir à des monar-
chistes ; nous en disons autant des orléa-
nistes, autant des bonapartistes. Et nous
verrons tout à l'heure si l'on a le droit d'en
dire autant des républicains. -,
Les royalistes n'ont même pas attendu
qu'ils eussent relevé le trône pour faire
main basse sur toutes les places. Et nous ne
les en blâmons pas ; ils ont eu raison. Dès
l'instant qu'ils avaient comploté le renver-
sement de la République, ils ne devaient
point reculer devant les moyens d'exécu-
tion, et il est clair qu'il fallait songer,
avant tout, à déposséder les républicains.
Ils n'y ont pas manqué. Le XIXe Siècle
publie tout justement aujourd'hui l'his-
toire abrégée des destitutions en masse
prononcées par les vainqueurs du 24 mai.
Or, notez qu'au 24 mai, il n'y avait rien de
changé dans la forme du gouvernement ;
aucune atteinte n'était et ne devait même,
suivant une parole autorisée, être portée
aux institutions existantes. On eût donc
compris, à la rigueur, que la République
demeurant le régime du pays, les républi-
cains continuassent à la servir. Qu'oa nous
cite, pourtant, le nombre des préfets, sous-
préfets, juges de paix et autres fonctionnai-
res entachés ou seulement soupçonnés de
républicanisme qui ont trouvé grâce de-
vant le 24 mai !
Serait-ce donc que les royalistes sont,
eux aussi, des coureurs de places, das glou-
tons? Assurément non, mais ils ne sont
pas plus dénués d'intelligence que les ré-
publicains ou les bonapartistes, et ils com-
prennent à merveille que le moyen de ré-
colter du blé n'est point de semer de l'orge,
et que des monarchistes feront toujours
mieux les affaires de la monarchie que des
républicains. Les dragons de vertu qui
stigmatisent la prétendue avidité des répu-
blicains trouveraient-ils scandaleux qu'un
libre-échangiste souhaitât de remplacer un
ministre du commerce protectionniste ?
= Pourquoi donc leur pudeur s'effarouche-
1 t-elle de voir les républicains s'étonner que,
sous la République, toutes les fonctions
demeurent confiées à des monarchistes ?
Nous avons eu déjà occasion de l'écrire
et nous le répétons: tout homme politique,
digne de ce nom, doit être ambitieux;
en n'est un homme politique qu'à la con-
dition d'avoir à soi un certain nombre d'i-
dées et de doctrines, une vue d'ensemble
sur telle ou telle partie de l'administration
publique; un plan, en un mot. Et si l'on a
la foi dans son programme politique,comme
l'inventeur dans son invention, le savant
dans sa découverte, le poète dans son gé-
nie, n'est-il pas légitime d'aspirer de tou-
tes ses forces au moment où il vous sera
* y •
donné de prouver la mouvement en mar-
chant, de faire passer vos théories dans le
domaine du fait, et de prouver enfin que
vous aviez raison contre vos adversaires
et vos détracteurs? Pour cela, il faut le
pouvoir. Si c'est être ambitieux de le dési-
rer dans ces conditions, eh bien ! soit ; c'est
la plus noble ambition et la plus légitime
qui puisse occuper le cœur d'un bon ci-
toyen.
Ce qui est vrai de l'homme politique est
vrai également des partis. Le parti répu-
blicain n'a pas les mêmes principes que le
parti monarchiste ; il souhaite le pouvoir
pour appliquer ses principes. C'est soit
droit, et il le réclame moins rigoureuse-
ment que ses adversaires. On l'a vu au
25 février et dans d'autres occasions, où il
s'est montré peut-être un peu plus désin-
téressé, un peu plus scrupuleux qu'il n'é-
tait nécessaire. C'est par là qu'il diffère
des autres partis. Au mois de février 1871,
nous étions en République. A la vérité, la
République n'était que provisoire, et c'est
ce qui permit sans doute à M. de Larcy, à
M. Pouyer-Quertier et à une foule d'autres
adversaires du régime républicain d'accep-
ter les portefeuilles et les émoluments de
la République.
Quand vint le 24 mai, la République
provisoire fut respectée provisoirement;
mais il n'y avait pas à s'y tromper ; MM. de
Broglie et consorts n'avaient renversé M.
Thiers que pour travailler plus librement
à une restauration monarchique. Dès que
la nouvellè fut connue en province, trente-
deux préfets et sous-préfets républicains
envoyèrent leur démission. Ils ne pou-
vaient accepter de servir, même sous la
République, un gouvernement qu'ils sa-
vaient résolu à la combattre. Ce scrupule
était assurément-honorable, mais exces-
sif. Nous avons dit alors qu'il eût été
préférable d'attendre que les ministres
eussent prouvé, par leurs actes, le peu de
cas qu'ils faisaient de la déclaration du
chef de l'Etat : «Nulle atteinte ne sera por-
tée aux institutions existantes. » L'attente
n'eût pas été longue ; on verra, par l'article
publié plus loin, que M. le ministre de l'in-
térieur fit bientôt suivre ces 32 démissions
volontaires de 66 révocations de préfets et
sous-préfets. « Il fallait, disait-il, imprimer
à l'administration entière l'unité, la cohé-
sion , l'esprit de suite nécessaire » A
quoi ? Aux projets du gouvernement de
combat, c'est-à-dire à l'écrasement des ré-
publicains, à l'escamotage de la République
et à la restauration de la monarchie.
M. le duc de Broglie avait raison, et s'il
n'a pas réussi dans sa conspiration contre
la France, c'est qu'en vérité la France
tout entière conspirait contre lui ; mais il
faut reconnaître qu'il avait pris le seul
moyen qu'ait un homme politique de faire
prévaloir ses idées, c'est d'arriver au pou-
voir et de s'entourer de collaborateurs
faits à son image. Cette unité, cette cohé-
sion, cet esprit de suite qu'il désirait im-
primer à l'administration française, on
sait pour quelles raisons il n'a jamais pu
les obtenir.
Doit-on s'étonner que les républicains, qui.
eux, du moins, ne conspirent pas, mais
veulent au contraire assurer le respect de
la Loi et le fonctionnement régulier de la
constitution, reclament pour le personnel
administratif cette unité, cette cohésion
sans lesquelles il n'y aurait bientôt plus
en France que trouble, confusion et anar-
chief » f Il-
Nous examinerons demain en quoi con-
sistent exactement les prétentions des ré-
publicains, et ce qu'il faut penser de ceux
qui leur reprochent, comme faisait hier la
Patrie, de n'avoir « d'autre préoecupation
que de voir toutes les places exclusivement
occupées par eux et leurs amis. »
:> E. Somnnm. f
f
• —♦ ——————— On
La Réception du Ministre de l'intérieur
M. le ministre de l'intérieur, vice-prési-
dent du conseil, a reçu hier matin, à neuf
heures et demie, à l'hôtel de la place Beau-
vau, tout le personnel de son adminis-
tration.
M. Buffet avait à ses côtés MM. Desjar-
dins, sous-secrétaire d'Etat, Dufeuille, chef
du cabinet, Durangel et Normand, direc-
teurs au ministère.
Les bureaux du cabinet et de la presse
ont été reçus les premiers. M. le ministre,
s'adressant à M. Farcinet, chef du bureau
du personnel, l'a averti qu'ils examine-
raient ensemble les dossiers des fonction-
naires.
M. Normand ayant ensuite présenté les
chefs et les employés du secrétariat et de
la comptabilité, M. Buffet s'est enquis par-
ticulièrement de l'état des sociétés de se-
cours mutuels.
Puis est venu M. Léo, chef du bureau
de la presse, à qui le ministre a adressé
une courte allocution, dont l'Echo donne
un résumé.
Il a rappelé à ce fonctionnaire les
devoirs délicats qui lui incombaient,
et il a insisté sur la nécessité de ne pro-
voquer des mesures de rigueur pour ré-.
primer les écarts des journaux qu'après
mûre réflexion et avec la plus grande ré-
serve. Il a recommandé surtout l'impar-
tialité comme la principale règle de con-
duite.
Le chef intérimaire du service de l'Al-
gerie s'étant à son tour présenté, M. Buffet
a fait allusion aux efforts tentés par le
comité de colonisation des Alsaciens-Lor-
rains, dont il est le président, pour assu-
rer, dans la colonie, un asile à nos mal-
heureux compatriotes.
Il a, en outre, promis son concours pour
développer les ressources de l'Algérie, qui,
d'ailleurs, ne pouvait être placée en des
mains plus habiles que celles du général
Chanzy.
t La direction du secrétariat et la direc-
tion départementale et communale ont en-
suite été reçues.
- M. Buffet a demandé à ces services, bien
qu'ils n'aient pas de fonctions politiques et
qu'ils demeurent en dehors de la lutte des
partis, la plus grande activité dans l'expé-
dition des affaires, sous les ordres d'un
chef déjà éprouvé,. M. Durangel, afin de
contribuer à la bonne administration du
pays.
Ont été reçus à dix heures : le préfet de
police, le préfet de la Seine, les sous-pré-
fets de Sceaux et de Saint-Denis, les corps
militaires dépendant du ministère de l'in-
térieur et la chambre syndicale des agents
de change.
Au moment de la réception du préfet de
la Seine et des services ressortissant à la
préfecture, l'attention de M. le ministre a
été naturellement attirée sur les travaux
de Paris ; il s'en est entretenu avec M. Al-
phand. Il a également adressé de nom-
breuses questions aux maires et adjoints
de Paris, notamment au sujet du service
des écoles, des méthodes d'enseignement et
du développement qu'on pourrait donner à
ce service.
Au colonel Alavène M. Buffet a répondu
qu'il était heureux de l'occasion qui s'of-
frait à lui de remereier la garde de Paris.
Son dévouement a été à la hauteur des ter-
ribles épreuves qu'elle a traversées et que
l'on peut espérer ne pas revoir. Le ministre
sait qu'en tous les cas le gouvernement
peut compter absolument sur la garde de
Paris.
M. Buffet a répondu au colonel de la gen-
darmerie du département de la Seine :
« Les services rendus par la gendarme-
rie sont depuis longtemps appréciés par
tout le monde'. L'Assemblée nationale est
particulièrement reconnaissante envers ce
corps, dont elle se rappelle la conduite
dans une période troublée. Recrutée dans
l'élite de l'armée, la gendarmerie a droit à
la sympathie, à l'estime et au concours de
tous les honnêtes gens. »
En recevant le colonel et les officiers des
sapeurs-pompiers, M. Buffet a dit que toute
la population parisienne connaissait de
longue date le dévouement admirable du
corps des sapeurs-pompiers, dont le passé
garantissait l'avenir. i
En recevant la chambre syndicale des
agents de change, représentée par M. Mo-
reau, député de la Seine, syndic, et MM.
Mahon, Bertin et Guilhiermoz, M. Buffet a
insisté sur le caractère essentiellement
conservateur de son ministère, sur son ca-
ractère conservateur dans le sens le plus
large du mot.
La réception était terminée à 11 heures
et quart.
1-
Réflexion, Réserve, Impartialité
L'Echo, qui ne passe point pour un
journal révolutionnaire, nous a conté
hier soir la réception des chefs de ser-
vice du ministère de l'intérieur par M.
le vice-président du conseil.
M. Buffet a fait l'honneur de quel-
ques paroles au chef de bureau Léo, à
cet ancien journaliste qui, dans toute
la presse parisienne, ne trouvera qu'un
lieu d'asile, le Français, lorsqu'il sera
enfin cassé aux gages.
Voici ce que VEcho a entendu ;
Dans une courte allocution au directeur de
la presse, M. le ministre a rappelé à cet
honorable fonctionnaire les devoirs délicats
qui lui incombaient, et il a insisté sur la né-
cessité de ne provoquer des mesures de ri-
gueur pour réprimer les écarts des journaux
qu'après mûre réflexion et avec la plus
grande réserve. Il a recommandé surtout
l'impartialité "comme la principale règle de
conduite. -
Nous ne pouvons qu'approuver et
remercier l'honorable M. Buffet : ce
langage est net et loyal. M. Buffet
n'est pas de nos amis; nous l'avons
combattu souvent, il sait que nous le
combattrons encore, non sans regret,
car il ne tenait qu'à lui de rester, après
le 25 février, le leader de la majorité
nouvelle. Un programme mal inspiré
l'a éloigné du parti républicain; ses
actes l'en rapprocheront peut-être.
Nous n'avons pas plus de préjugés
que d'illusions, et nous ne connaissons
pas les sottes rancunes; nous atten-
dons, avec la France, que le chef du
gouvernement parlementaire trace sa
ligne polique par des faits.
La mercuriale discrète qu'il vient
d'adresser à l'ennemi personnel de la
presse part d'un bon naturel ; mais
une destitution pure et simple nous eût
autrement rassurés. Il est impossible
qu'un homme avisé comme M. Buffet
ne sache pas le compte des ministres
de l'intérieur que M. Léo a compromis,
renversés et enterrés. Le zèle des
agents irresponsables est un véritable
fléau; il fait d'autant plus de mal que
ces individus, cuirassés de leur néant,
sont presque certains de survivre aux
ministres qu'ils précipitent.
La presse républicaine s'honore d'a-
voir poussé résolûment MM. de Broglie,
de Fourtou et de Chabaud-Latour à
leur destin final. Elle ne pouvait pas
ménager ces trois personnalités mé-
diocres, arrogantes et nuisibles. Toute-
fois-il faut avouer que les méfaits de
M. Léo et ses iniquités subalternes ont
accéléré les culbutes ministérielles en
exaspérant des journaux modérés par
tempérament.
Nous qui nous piquons d'être conser-
vateurs entre tous les républicains,
nous avons été systématiquement affa-
més, ruinés, saignés à blanc, durant
une mortelle année, par cette espèce de
docteur Sangrado qui s'appelle M. Léo.
pour une phrase un peu trop vive de
notre excellent ami Paul Lafargue,
nous avons enduré, cinq mois durant,
un supplice chinois, qui nous aurait
tués si nous n'avions pas eu la vie dure.
Pour un alinéa parfaitement inoffen-
sif de Schnerb, M. Léo, parlant au
nom de M. de Chabaud-Latour absent,
nous a réexpulsés de la voie publique
depuis le 2 octobre 1874 jusqu'au 5
mars 1875. Afin que M. Buffet n'en
ignore, voici le texte ou plutôt le pré-
texte en vertu duquel M. Léo, faisant
fonctions de M. de Chabaud, nous a
ruinés tant qu'il a pu.
Il nous resterait à parler de la liberté
grande qu'a prise M. Thiers de faire un rap-
prochement entre la loi Rivet et la loi du
20 novembre. C'est le comble de l'audace,
l'abomination de la désolation ; et pour un
peu, l'on demanderait au septennat d'en-
voyer quatre hommes et un caporal à
Vizille pour en ramener le scélérat qui a
proféré un tel blasphème. Mais ce sont là des
sottises que nous n'avons ni le goût ni le temps
de relever. Constatons seulement une fois de
plus que pour mettre à ce point les cervelles
à l'envers au moindre mot qu'il prononce, il
faut en définitive que M. Thiers soit plus et
mieux qu'un adversaire, un chef d'opposi-
tion ; il faut qu'on voie en lui une protesta-
tioMrivante, un règne précurseur, quelque
cho comme le Mané, Thécel, Pharès, de
Balthazar.
Tous les journaux de la France et de
l-étranger, sans excepter les plus hos-
tiles à la République, ont déclaré una-
nimement qu'il n'y avait pas là de quoi
fouetter un chat. Le ministre lui-même,
interpellé par nos amis dans la
commission de permanence, a ré-
pondu, avec sa compét3nce habituelle,
qu'il ne connaissait pas la question,
qu'il se renseignerait, qu'il verrait.
Mais il s'est renseigné auprès de M.
Léo, il a vu par les yeux de M. Léo, et
il a attendu qu'il fut mort depuis deux
mois pour rapporter une mesure inique
que M. Léo, l'irresponsable, avait prise
en son nom, contre nous.
M. Léo chef de bureau à six ou sept
mille francs, je ne sais pas au juste,
mais notoirement incapable d'en gagner
mille écus par an dans un journal de
dernier ordre, nous en coûte près de
cent mille, et cela parce qu'il hait la
presse républicaine en général et le
XIXe Siècle en particulier.
Nous devons donc remercier le minis-
tre qui conseille à cet employé mal-
faisant la réflexion, la réserve et l'im-
partialité ; mais nous lui vouerions une
bien autre reconnaissance si, dans sôn
intérêt et dans le nôtre, il avait sim-
plement congédié M. Léo.
ABOUT.
+-
On est heureux de recueillir les témoi-
gnages d'estime et de sympathie prodigués
par les journaux anglais à M. de Jarnac et
à la France. « Le comte de Jarnac, dit le
Daily-News, sera profondément regretté
par le monde diplomatique, qui estimait
sans restriction son caractère et ses servi-
ces. Le gouvernement français trouvera dif-
ficilement un diplomate aussi familier avec
nos institutions et aussi capable de repré-
senter dans la capitale de l'Angleterre le
meilleur côté de la vie et de la société fran-
çaises. » Et le Times : « On dirait, telle-
ment le temps nous a paru court, que
c'est d'hier seulement que l'Angleterre
s'estimait heureuse de posséder, comme
représentant de sa voisine continentale la
plus rapprochée et la plus intime,' un
Français qui ait connu notre pays aussi
bien que le connaissait le comte de Jarnac
et qui ait été élevé dans les principes que
nous prisons le plus. Le choix du maré-
chal de Mac-Mahon avait été accueilli chez
nous par une approbation universelle ; M.
Disraëli et lord Derby ont publiquement
rendu témoignage de la satisfaction que
les hommes d'Etat de l'Angleterre en ont
éprouvée. Outre la perte politique que cause
aux deux nations une mort aussi im-
prévue, nous sentons aujourd'hui qu'il y a
encore une autre source de regrets; car le
comte de Jarnac n'était pas seulement un
serviteur capable et dévoué de son pays, il
était aussi l'un des ornements les plus ap-
préciés de la société anglaise. »
Ces articles de nos confrères d'outre-
Manche nous sont bien agréables à enre-
gistrer. La presse anglaise ne paye pas
seulement un tribut d'éloges à la mémoire
d'un diplomate de grand mérite et d'un
galant homme ; nous trouvons dans son
langage un nouvel indice des sentiments
de cordiale amitié que l'on éprouve à Lon-
dres pour la France. Nous avons, de l'un
et l'autre côté du détroit, assez de com-
muns intérêts et assez de craintes commu-
nes pour que l'alliance anglo-française de-
vienne bientôt, par la force des choses,
une solide et puissante réalité. Quand les
deux peuples le voudront, l'union de la
Grande-Bretagne et de la France saura
contrebalancer une autre influence dont
toute l'Europe est si profondément trou-
blée. D'ailleurs, il n'est pas malaisé de
voir que, depuis quelque temps, l'An-
gleterre. a compris les inconvénients de
la pure abstention et qu'elle se prépare
à un nouveau rôle. Par sa fière attitude
au congrès de Bruxelles, et, tout récem-
ment, par sa réponse à la circulaire du
cabinet de Saint-Pétersbourg, elle a mon-
tré qu'elle ne se résigne point à emboîter
le pas, docilement, à l'Allemagne. Elle a
contrecarré la politique de conquête et
donné des avis sur lesquels on a réfléchi
déjà, peut-être, en certains lieux. C'est
une voie où nous serons heureux de mar-
cher avec elle. D'autres Etats suivraient,
qui ne demandent qu'à fonder avec la
France et la Grande-Bretagne une mutuelle
assurance contre de redoutables ambi-
tions.
L'alliance anglo-française était le but
que M. de Jarnac poursuivait à Londres.
Il s'y appliquait de tous ses efforts, et l'on
a vu, par les regrets que sa mort a causée
en Angleterre, si notre ambassadeur s'ac-
quittait heureusement de cette grande tâ-
che. Nous devons à nos voisins et nous
nous devons à nous-mêmes de lui donner
pour successeur le diplomate le plus capa-
ble de mener à bien une entreprise qui,
pour les deux pays, est d'une si haute im-
portance. Nous ne vivons pas dans un
temps où les postes diplomatiques puissent
être distribués à la légère, en manière de
récompense, d'encouragement ou de fa-
veur. Les représentants de la France à
l'extérieur ne devraient jamais être nom-
més que pour les services qu'ils peuvent
rendre ; et maintenant plus qu'à toute au-
tre époque, c'est l'unique considération qui
doit prévaloir. La principale condition
d'une bonne politique étrangère est de ne
confier les ambassades qu'à de véritables
ambassadeurs.
Eua. LIÉBERT.
- - ■■ ■
« Pourquoi la République n'a-t-elle ja-
mais pu, malgré des efforts puissants, mal-
gré des dévouements remarquables, s'éta-
blir en France ? Parce que les classes éclai-
rées, où l'on est obligé de recruter les fonc-
tionnaires, répugnent au gouvernement
républicain ; paree que, des gendarmes aux
conseillers d'Etat, tout le personnel qui
nous gouverne est hostile, par sens, par
éducation, par intérêt, à la République, et
forme une conspiration permanente contre
la République. » Qui s'exprime ainsi ? Un
organe de cette portion du centre droit
brogliste qui, voulant à tout prix faire par-
tie de la majorité, est venue apporter à la
République un appoint que certes elle ne
lui demandait pas.
L'aveu est bon à enregistrer d'ailleurs,
et cette naïveté qui confesse « la conspira-
tion permanente » des classes éclairées
contre la République donne la mesure de
ce qu'on a appelé, à différentes époques,
« l'essai loyal de la République. » Ce sont
ceux-là mêmes qui opposent au gouverne-
ment républicain, comme grand grief, son
manque de stabilité, qui, de tout temps,
ont travaillé sourdement à détruire cette
stabilité ; c'est donc contre ceux-là mêmes
à qui on avait confié la République,
qu'elle devait être défendue. Nous nous en
doutions bien quelque peu ; mais puique
la chose est avouée, nous espérons que les
représentants autorisés « des classes éclai-
rées » renonceront désormais à cette vieille
rengaine : Ce sont les républicains qui ont
toujours tué la République.
Sic rata voluére. Il parait qu'il n'y a
pas de remède à cela. Ainsi le déclare du
moins, avec un fatalisme tout à fait orien.
tal, l'organe du centre droit, qui assure
qu'il ne servirait de rien de renouveler
le personnel administratif, parce qu'on
ne trouverait pas, parmi les républicains,
l'armée de fonctionnaires — depuis les mi-
nistres jusqu'aux gardes-champêtres — né-
cessaire à la marche de l'Etat.
Il nous semble que la proposition est as-
sez habilement retournée par notre con-
frère : ce sont les gouvernements qui ont
bien plus manqué aux républicains que les
républicains n'ont fait défaut aux gouver-
nements.
— Le parti orléaniste, mieux que tout
autre, doit comprendre cette vérité, lui
qui, après un éloignement de vingt ans des
affaires, s'est vu dans la dure nécessité
d'emprunter la moitié de son personnel ad-
ministratif au parti bonapartiste. — C'est
vrai, les républicains n'ont pas grand
temps de se former au maniement des af-
faires publiques ; le premier pauvre garde-
champêtre venu est destitué lorsqu'il est
soupçonné de républicanisme, et, tandis
que M. le duc de Broglie, ambassadeur de
la République, peut impunément dénigrer
le gouvernement qu'il dessert, tout diplo-
mate qui avoue des sentiments républi-
cains est instantanément mis en suspicion.
On chasse, on traque, au nom des classes
éclairées, les fonctionnaires qui ont du dé-
vouement pour la République; on s'em-
presse de ne pas choisir, dans les rangs de
ces classes éclairées, les hommes qui au-
raient des tendances républicaines; en
guise d'encouragements, on distribue l'in-
jure, et l'on vous dit tranquillement, en
profond philosophe : Les fonctionnaires
doivent fatalement sortir des classes éclai-
rées, et les classes éclairées répugnent au
gouvernement républicain.
Ah ça! est-ce que les Rouher, les Ba-
roche et tant d'autres dont la liste serait
trop longue, ne font pas partie des classes
éclairées? Il nous semble qu'il fut un temps
où les gaillards ne répugnaient pas au. gou-
vernement républicain.En quoi auraient-ils
été moins bons fonctionnaires sous la Ré-
publique que sous l'empire ? Seulement ils
voulaient être- fonctionnaires et grands
fonctionnaires, lestement, d'une enjambée,
et, pour cela, ils ont simplement menti à
leur parole, ce qui, parait-il, n'est pas ré-
pugnant pour les classes éclairées.
La théorie de la répugnance des classes
éclairées pour le gouvernement républi-
cain est une pure exploitation des gouver-
nements monarchiques, et la répugnance
des fonctionnaires une simple affaire de
circulaire ministérielle. Et encore l'exploi-
tation réussit-elle mal parfois ! C'est ce
qui explique d'ailleurs les furieuses colères
qui se déchaînent au nom des classes éclai-
rées contre les Thiers, les Remusat, les
Montalivet, les Casimir Périer, les perfidies
qu'on insinue contre les Noailles ou au-
tres diplomates le jour où ils acceptent
franchement et loyalement le gouverne-
ment républicain. Il s'agit de prouver qu'il
est impossible de former un personnel ad-
ministratif qui ne répugne pas à la Répu-
blique; pour les petits, les obscurs, il est
toujours facile d'escamoter la vérité ; mais
quand les grands viennent vous donner
d'aussi éclatants démentis, n'est-ce pas un
scandale?
PAUL LAFARGUE.
* i m l' QIlM A.TJLQFQ
Le président de la République semble
avoir renoncé à aller passer quelques jours
dans le Loiret.
C'est aujourd'hui que l'ambassadeur
d'Espagne doit lui remettre à l'Elysée le
collier de la Toison-d'Or.
A cette occasion, des voitures de gala
escortées de piquets d'honneur iront cher-
cher M. le comte de Molins au quai d'Orsay,
avec le cérémonial usité pour la réception
des ambassadeurs. Le président de la Ré-
publique donnerait ce soir un grand diner
diplomatique.
Le bruit répandu depuis' quelques jours
d'un emprunt considérable, que M. Léon
Say serait disposé à émettre, est formelle-
ment démenti.
1.1Jt; - - J.J —
Le mouvement préfectoral que prépare
M. Buffet paraitra prochainement au
Journal officiel.
-. n
Les quatre ministres, membres des con-
seils généraux, MM. Dufaure, Decazes,
Caillaux et de Meaux, vont quitter Paris
pour assister à la session qui va s'ouvrir.
M. Buffet doit se rendre la semaine pro.
chaine dans les Vosges, où l'appellent des
affaires de famille.
Le ministre de la guerre visitera pro..
chainementles camps établis autour de Ver.
sailles.
M. Aulnoy, trésorier-payeur général
da département de l'Aude, vient de mou-
rir.
£
A la suite de la mort de M. Fourtier,
trésorier-payeur central du ministère des
finances, M. Léon Say a décidé qu'il y au-
rait à l'avenir un trésorier-payeur chargé
de centraliser les services pour les paye-
ments à effectuer dans tous les ministères
et les services qui sont actuellèment pla-
cés sous la direction du trésorier-payeur
central. Mais il y aura, en outre, un tréso-
rier-payeur de la dette publique, qui sera
spécialement chargé des services de la
Rente, du grànd-livre, des emprunts, etc.
M. de Marcillac, actuellement sous-
payeur central, parait être désigné pour
succéder à M. Fourtier dans les fonctions
de trésorier-payeur central.
La mort de M. le comte de Jarnac est
trop récente encore, quoi qu'en pensent
certains de nos confrères, pour qu'on se
soit occupé de nommer un nouveau titu.
laire à l'ambassade de Londres.
On a déjà mis plusieurs noms en avant,
ceux du duc de Broglie, du duc d'Ayen, du
comte de Chaudordy. Mais, comme nous
le disions, ces bruits n'ont aucun fonde-
ment. Les plus simples convenances indi-
quent qu'aucune candidature n'a pu être
jusqu'ici discutée.
Le garde des sceaux doit nommer une
commission extra-parlementaire pour étu-
dier un projet de loi sur la presse.
Voici, d'après le Siècle, la liste des pré-
fets qui persistent à ne pas mettre en tête
des documents administratifs la rubrique
légale : République française :
M. de Qrisenoy, préfet de l'Aisne; M. de
Tracy, des Bouehes-du-Rhône ; M. de Cha-
zelles, du Cantal ; M. Lauras, du Cher; M.
Sers, de l'Eure; M. Guigues, du Gard; M.
Tripier, du Gers; M. de Reinach, du Jura;
M. Cardon de Sandrans, de la Loire ; M.
de Behr, du Loiret; M. de Chambon, de
Meurthe-et-Moselle ; M. Leguay, du Nord ;
M. ^Sazerae de Forges, de la Nièvre ; M.
Choppin,. de l'Oise; et M. Tassin, de la
Sarthe.
,)3\}. —
L'état de M. Amédée Achard est des plus
inquiétant. -
On dit que M. le marquis de la Valette,
ancien ministre de l'intérieur sous l'em-
pire, est en o* moment très-dangereuse-
ment mala de. tt', -') t
Nous apprenons que le peintre Charles
Boulogne vient d'être nommé chevalier
de la Légion d'honneur.
- De nationalité belge, Charles Boulogne
est un vrai Parisien qui, depuis longtemps,
a fait de la France son pays d'adoption.
Excellent musicien, autant qu'habile pay-
sagiste, il a composé plusieurs œuvres
dont nous entendrons aux premiers beaux
jours deux morceaux que lui a demandés
Sellenick, pour lbs faire exécuter par son
orchestre de la garde de Paris.
Collectionneur érudit, il possède dans la
rue Vintimille un véritable musée.
Rappelons à ce propos que pendant la
Commune sa conduite fut au-dessus de
tout éloge, et que son hôtel servit de re-
fuge à bon nombre de proscrits.
Sa nomination fera plaisir à ses nom-
breux amis et à toute la colonie belge de
Paris. ,,"
Au nom des jurés désignés par le sort
dont nous avons publié hier la liste il con-
vient d'ajouter les jurés nommés par l'ad-
ministration. Ce sont :
pour la peinture : MM. Edouard An-
dré; Maurice Cottier; Eudoxe Marcille;
M. le comte d'Osmoy; le vicomte de
Tauzin.
Pour la sculpture : MM. Barbet de
Jouy; Michaux; le vicomte de Rainne-
ville.
Pour l'architecture : MM. de Cardail-
lac ; Alfred Lenoir.
Pour la gravure: MM. Edouard Char-
ton ; le vicomte H. Delaborde ; Paul
Mantz.
L'Académie-Française, dans sa séance
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