Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1875-03-19
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 19 mars 1875 19 mars 1875
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/03/2013
58 Année N° 1202.1 Prix du numéro : Parts : 15 centiracs." - Départements : 20 centimes. Vendredi 19 Mars 1875.
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JOTTRN A T. RPPTTRfjr.ATN fONSRRV ATRITR
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REDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
do 2 kewes à minuit
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Los lettres non affranchies seront refusées
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Un an 50
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Six mais. 32
Un an. 62
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On s'abonne à Londres,ches M. A. M^iiBrcEgénéral ;'
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ADMINISTRATION
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Un an 62
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G, place de la Doarae, W
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advertising, agent, 13, Tavistockrow, Coveat Garden.
Paris, 18 mars 1875.
L'allocution de M. la duc d'Audiffret-
Pasquier n'a pas eu, eomme le programme
dé M. Buffet, la bonne fortune de plaire
ftwx légitimistes et à leurs amis les bona-
partistes. Il fallait s'y attendre. Pour les
€ conservateurs > vraiment dignes de ce
nom, quiconque prononce sans haut-le-
Cœur les mots de régime parlementaire ou
de liberté, ce qui est la même chose, est
un traître, un suppôt de la Révolution :
« C'est le rôle de Cabrera désertant le dra-
peau royal de Charles VII pour arborer le
drapeau révolutionnaire d'Alphonse XII. »
Ainsi s'exprimait hier, sur le compte du
nouveau président de l'Assemblée, un jour-
nal blanc comme lys. On Toit que nous
avions raison de revendiquer comme un
succès de gauche l'élection de M. le âu(;
Pasquier : voilà déjà qu'on le traite comme
un républicain!
Et sait-on ce qu'on lui reproche plus par-
ticulièrement ? C'est d'avoir fait l'éloge du
régime parlementaire, et déclaré que, grâce
à ce régime, la France avait pu surmon-
ter, depuis quatre ans, les plus dures épreu-
ves. Non, non, s'écrient en chœur légiti-
mistes et bonapartistes; ce n'est pas parce
que, c'est quoique. Ce qui revient à dire
que sans la République, sans le régime
parlementaire, il y a beaux jours que la
France serait dégrevée des lourds impôts
que lui impose sa dette, et que sans doute
elle eût -recouvré l'Alsace et la Lorraine.
Autrement, le reproche n'a pas de sens.
Mais dans ce cas les royalistes sont bien
coupables d'avoir reculé, à Bordeaux, de-
vant une restauration de la monarchie.
Sans doute, la situation manquait de char-
mes, et il fallait avoir la foi cheTillée. au
cœur pour s'atteler à une besogne que la
plupart des nations voisines jugeaient au-
dessus des forces humaines. La France
agonisait, épuisée de sang et d'argent, et les
monarchistes ne se soucièrent pas d'entre-
prendre saguérison. Ce n'est que plus tard,
qnand ils virent qu'on s'était trop hâté de
désespérer de la France, qu'ils, songèrent à
se charger de ses destinées. Mais alors il*
trouvèrent sur leur route quelques-uns de ces
amis du régime parlementaire qui ne ré-
pugnaient pas à la monarchie, loin de là,
mais qui rêvaient de la concilier avec le
respect des libertés publiques. De ce nom-
br0 était M. le duc d'Audiffret-Pasquier.
La monarchie échoua donc, et c'est ce
souvenir qui a permis au nouveau prési-
dent de faire honneur à l'Asemblée du
rétablissement et du maintien du régime
parlementaire.
Un autre reproche adressé à M. le duc
Pasquier avec un touchant ensemble par
les coalisés du 25 février, c'est d'avoir pro-
clamé la liberté comme la plus sûre garan-
tie de l'ordre et de la paix publique, quand
tout le monde sait que la France compte 42
départements en état de siège et qu'elle est
soumise depuis deux ans à un régime d'ar-
bitraire et de bon plaisir. Le reproche
n'est pas sans fondement, il faut le recon-
naître, et M. le duc Pasquier, qui est un
ami des libertés publiques, aurait dû ne
point tant tarder à faire alliance avec
ceux qui protestent depuis si longtemps
contre les mesures d'exception qui sem-
blent être devenues la règle des gou-
vernants qui se sont succédé au pou-
voir depuis le 24 mai. Mais est-ce bien aux
légitimistes et aux. bonapartistes à s'en
plaindre f Quand donc un d'entre eux a-t-il
pris l'initiative d'une proposition tendant
à la levée de l'état de siège ? Quand donc
.un seul d'entre eux a-t-il voté avec les ré-
publicains en faveur du retour au droit
communt
Mais pourquoi s'étonner ? Yoici les légi-
timistes et les bonapartistes qui redevien-
nent libéraux ; c'est la plus sûre constata-
tion qu'ils ne sont plus au pouvoir et n'es-
pèrent pas y revenir de si tôt ! Que pou-
vons-nous demander de plus ?
E. SORNnB.
COURRIER PARLEMENTAIRE
Versailles, 1.17 mars 1875.
Affaire Bertauld contre Bon Sens public :
fonctionnaires dégommés avant l'âge, de-
mande en jouissance de pensions de re-
- • traite, infirmités postiches. Seconde au-
dience. - C'est à peu près ainsi que cela
se dit sommairement au Palais. Les plai-
doiries continuent.
Me Goblet, du barreau d'Amiens, démo-
lit de fond en comble l'argumentation de
M* Bertauld, du barreau de Caen. Lui
aussi, il apporte des textes de loi. Tout le
monde a des textes ! Seulement, les textes
de M* Goblet prouvent diamétraleirent le
contraire de ce qu'avancent les textes de
M* Bertauld.
Ces points de vue juridiques ne nous sont
guère familiers ; mais nous saisissons au
vol une petite historiette qui est à la por-
tée de tout le monde. Vers 1849, un fonc-
tionnaire éTincé, comme ceux dont on
s'occupe pour l'instant, imagina de libel-
ler une double demande : celle d'une pen-
sion de retraite pour infirmités et celle
d'une réintégration en fonctions. On pour-
rait croire que l'une était capable de nuire
à l'autre. Nullement. Le fonctionnaire
obtint d'abord la place, puis la pension de
, retraite, ce qui lui permit d'alterner sui-
vant les vicissitudes des temps.
M. Goblet, ancien procureur général à
Amiens, au 4 septembre, est ferré sur la
matière juridique de façon à rendre des
points mêm.. à un professeur de droit. M.
Bertauld passe une mauvaise grande
heurt», car il nous semble qu'il est roulé
« régulièrement; juridiquement, constitu-
tionnellement, compétemment, » comme il
polirait lui-même,- s'il était homme à faire
de pareils aveux. Il pourrait même ajou-
ter : e et brillamment, » car M. Goblet, à
qui-l'on ne peut reprocher qu'un débit trop
précipité, se sert de ce défaut pour entre-
mêler la verve caustique et l'austère juris-
prudence avec une abondance tout à fait
remarquable. M. Bertauld est criblé d'épi-
grammes juridiques ; l'orateur ne cesse de
lui planter dans l'amour-propre des textes
de lois en guise de bandcrillas. Et, au banc
de la commission, M. Bertauld hoche la tête
et secoue les épaules, comme doit faire tout
légiste qui a sa conviction faite et à qui
importe peu la conviction de tout autre lé-
giste.
Les bonapartistes font semblant d'être
distraits, de ne pas s'occuper de la ques-
tion, qui touche de fort près plusieurs d'en-
tre eux. Le grand, l'immense succes que
remporte M. Goblet parait leur être iadif-
férent. Toutefois, certains qui sont direc-
tement en cause, M. Gaslonde, par exem-
ple, n'assistent pas à la séance ; ils soignent
leurs infirmités à domicile, c'est plus cou-
leur locale.
C'est que les bonapartistes sont gens es-
sentiellement malins : ces Bertrands poli-
tiques aiment volontiers, dans de pareilles
circonstances , faire travailler pour leur
compte des Ratons de bonne volonté. Et
tenez, voilà M. Bottieau qui monte à la
tribune.
M. Bottieau est un conseiller à la cour
de Douai qui a le verbe haut et la jurispru-
dence facile; M. Bottieau n'est pas inscrit,
que nous sachions, à la réunion de l'appel
au peuple; mais M. Bottieau est un homme
de dévouement qui a déjà, seul contre tous,
soutenu la nécessité de la validation de
l'éh'ction Bourgoing. Cette fois, les bona-
partistes écoutent. Lui aussi, il apporte des
textes de loi. Seulement, les textes de M.
Bottieau prouvent diamétralement le con-
traire de ce qu'affirment les textes de M.
Goblet.
Entre nous, la seule opinion bien nette
qui, puisse résulter de cette diseussion,c'est
que nos lois sont fièrement embrouillées,
pour qu'on en trouve toujours une à op-
poser à une autre. On pourrait tout aussi
bien se contenter des proverbes 1
La clôture de la discussion votée, l'As-
semblée se trouve en présence d'un projet
et de trois amendements. Le projet admet
pour valables toutes les pensions réclamées;
l'amendementGuichard demande la révision
de toutes les pensions accordées, à titre
exceptionnel, depuis 1871; l'amendement
Leroyer nomme une commission de quinze
députés chargée d'examiner les dossiers
des anciens fonctionnaires,' en, laissant au
ministre le droit de statuer; l'amendement
Wolowski renvoie l'examen au conseil
d'Etat, statuant au contentieux.
M. Leroyer explique la portée de son
amendement.
— Je demande la parole ! crie impétueu-
sement un membre de la droite.
Et tout le monde de rire. C'est que ce
membre de la droite est M. de Gavardie, et
que l'horloge marque quatre heures vingt-
cinq. C'est l'accès à heure fixe. Il faut
convenir, d'ailleurs, que les derniers évé-
nements avaient jeté une grande perturba-
tion dans l'organisme du député des Lan-
des ; le grand ressort était dérangé. Chacun
semble heureux de constater que M. de Ga-
vardie commence à reprendre son petit
train-train, et à s'habituer à « l'ordre de
choses actuel, » comme dit M. le vice-pré-
sident du conseil.
Quoi qu'il en soit, la clarté ne jaillibpas
de cette interruption. M. Mathieu Bodet,
ex-ministre des finances, parait et en ap-
pelle à M. Léon Say, son successeur. La
question de comptabilité vient. encore
épaissir cette eau trouble où s'agite la
question de jurisprudence : la Chambre
doit voter le crédit et ne peut que refuser
le bill d'indemnité. Le cas s'embrouille de
plus en plus. Avec M. de Gavardie, il passe
à l'état d'écheveau qui aurait servi long-
temps d'amusette à un chat.
L'amendement Leroyer est retiré, l'a-
mendement Wolowski le suit dans la re-
traite ; l'amendement Guichard demeure
seul en lutte avec le projet.
Yote, pointage et repointage.
Pour 304
Contre 306
A deux voix près, l'amendement Guichard
est repoussé. Mais le projet Bertauld ne
triomphe pas encore. Fort de la faiblesse
du succès des adversaires de M. Gui-
chard, M. Tirard écarte du débat tout
ce, qui peut être considéré, à tort ou à
raison, comme chose jugée, montre
vigoureusement qu'il est un reliquat d'a-
bus sur lequel il est temps encore de ne pas
statuer et dépose un amendement ainsi
conçu : « L'Assemblée invite le gouverne-
ment à soumettre à un nouvel examen la
liquidation des pensions dont il s'agit. »
Cette proposition n'entrave en rien l'a-
doption du crédit chère à deux ministres
des finances. Aussi, au désespoir de M.
Bertauld, est-elle votée par 322 voix contre
307.
Le plus comique de l'affaire, — après la
mine que font certains intéressés,- serait
que la loi actuelle ne fût pas modifiée, bien
qu'elle ait été déclarée détestable par tous
sans exception. Nous avons déjà vu tant
de choses extraordinaires !
PAUL LAFARGUE.
-— H^I —
Voici le procèes-verbal de la réunion
tenue hier par le centre gauche :
Le centre gauche s'est réuni afin de procé-
der au renouvellement trimestriel de son bu-
reau.
Au moment où le scrutin allait être ouvert
pour l'élection du président, la nom de M.
Laboulaye a été prononcé et aussitôt acclamé
par l'unanimité des membres présents. Le
centre gauche a voulu, en décernant ainsi la
présidence d'une façon tout exceptionnelle à
M. Laboulaye, honorer le talent et la fermaté
de conduite qu'il a mis au service de la cause
républicaine, particulièrement, dans la dis-
cussion des lois contitutiormellos.
ont été nommés : président, M. Laboulaye
vice-présidents, MM. Bsthmont et Aimé Leroux ;
secrétaires, MM. Paul de Rémusat, Dietz-Mon-
nin et Félix Renaud; qaflstur, M. Gailly.
La commission chargée d'examiner le pro-
jet de loi sur le chemin do fer du Midi a
nommé président M. Baze, et secrétaires MM.
Aclocque et Rousseau.
La commission s'est ajournée jusqu'à la
rentrée de là Chambre.
La commission chargée d'examiner le pro-
jet de loi relatif au conseil général de la
Seine a nommé M. Schœlcher président, et
M. Talion secrétaire.
Elle a examiné le projet de loi et a nommé
M. Dietz-Monnin rapporteur. Le rapport
conclut à l'adoption du projet de loi.
La commission chargée d'examiner la pro-
position de Plœuc, relative aux administra-
teurs des chemins de fer, a nommé M. Arago
président, et M. Flottard secrétaire.
Chacun des membres a rendu compte de
l'opinion de son bureau, opinion unanimement
défavorable au projet.
La commission d'enquête sur l'élection de
la Nièvre a examiné le dossier qui lui a été
remis par M. le garde des sceaux.
Le 15" bureau chargé d'examiner le dos-
sier de l'élection des Hautes-Pyrénées s'est
réuni hier sous la présidence de M. le géné-
ral Mazure.
Il a entendu le rapport fait au nom de la
sous-commission par M. Ganault.
Le rapport constate des libations, des faits
d'intimidation, de fausses nouvelles répan*
dues par les partisans de < l'appel au peu-
ple > ; qn ancien sous-préfet bonapartiste
était installé dans le département, distri-
buant des photographies et des journaux.
M. Cazeaux allait trouver des instituteurs
à domicile et les menacait de destitution ; le
sous-préfet de Bagnèreg, constamment à che-
val dans son arrondissement, exhortait les
maires à donner leur concours au candidat
bonapartiste et leur faisait des menaee. Les
amis de M. Cazeaux ont adressé une lettre au
maréchal de Mac-MAhon pour se plaindre du
préfet, qui, selon eux, ne prenait pas leur
cause en main.
Beaucoup de suffrages étaient achetés par
les bonapartistes; dans une commune on a
offert 60 francs à celui qui amènerait six
électeurs à voter peur M. Cazeaux. Dans
nombre de villages, les partisans du candidat
bonapartiste payaient à boire et à manger;
on promenait des drapeaux sur lesquels figu-
raient un aigle et le portrait de l'écolier de
YVoolwich.
Tels sont, en résumé, les faits relevés par le
rapport, qui comprend une foule de lettres de
M. Fould et de ses amis, injuriant le parti
républicain. Il est aussi donné communica-
tion des affiches de la dernière heure.
Le rapport conclut à une enquête.
Le bureau s'est ajourné à aujourd'hui une
heure pour prendre une détermination.
—————————— ——————————
Hier a eu lieu, dans un des bureaux de
l'Assemblée, une réunion des députés con-
seillers généraux appartenant aux groupes
de gauche, au nombre de 126 membres.
Elle était présidée par M. le comte Ram-
pon.
La discussion a surtout porté sur les
moyens pratiques de réagir contre les em-
piétements de l'administration et la juris-
prudence du conseil d'Etat, qui tend à dé-
naturer la lettre et l'esprit de la loi du 10
août 1871.
La réunion a nommé une commission de
cinq membres, chargée de s'entendre avec
l'honorable rapporteur da la loi, M. Wad-
dington, et le gouvernement, sur cette im-
portante question.
Cette commission se compose de MM. le
comte Rampon, Magnin, Lepère, Lucet et
Méline.
La réunion s'est ajournée au vendredi 19,
à une heure, pour compléter les résolutions
qu'elle a à prendre avant la prorogation.
Rome et Berlin
Les Débats donnaient hier matin,
avec un remarquable commentaire, cet
abrégé d'un article prussien, publié
dans. la capitale de l'empereur Guil-
laume, par la National Zeitung :
c La souveraineté artificielle du pape lui
confère tous les droits d'un chef d'Etat, sans
lui imposer aucune responsabilité. Dans les
limites de la loi des garanties, le royaume
d'Italie et les sujets italiens sont impuissants
à protéger les Etats étrangers et Itturs ci-
toyens contre les actes illégaux du pape.
» Le pape peut, par ses encycliques et par
les prescriptions qui se rattachent à leur ap-
plication, mettre *n danger l'existence poli-
tique de plusieurs millions d'individus; il
peut exciter tout un peuple à la haute trahi-
son, Le gouvernement italien n'est pas en
état de protéger des droits ainsi lésés, et ce-
pendant l'Italie protège entièrement le pape
contre l'arme de la guerre : on ne peut atta-
quer le pape et son entourage sans Tioler le
territoire italien. Qui plus est, le gouverne-
ment italien s'est engagé, par l'article 2 de la
loi des garanties, à punir toute attaque contre
la personne du pape comme une attaque
contre la personne du roi.
» il est évident qu'une telle situation ne
saurait durer, à cause de la contradiction
qu'elle implique. Aucun Etat n'est tenu par
les lois internationales de reconnaître une
souveraineté qui n'offre pas, par quelque
territoire, un poiat* d'attaque serrant de ga-
rantie contre les illégalités qu'elle pourrait
commettre.
», Depuis que les anciens Etats du pape sont
incorporés au royaume d'Italie, le pape-est,
aux yeux des autres puissances, sujet du gou-
vernement italien, et ce gouvernement est
responsable des actes du pape vis-à-vis des
autres gouvernements. La loi des garanties
n'est pas en vigueur en dehors du territoire
italien. Le gouvernement du roi Victor-Em-
manuel a reconnu ce fait dès le principe et a
voulu assurer aux prescriptions de la loi des
garanties une confirmation internationale.
Mais, autant que nous le sachions, aucun
Etat n'a consenti à garantir, par une con-
vention internationale, la souveraineté sans
territoire du pape; l'Allemagne, dans tous
tes cas, ne l'a pas fait.
> Tout Etat qui se tent lésé dans ses droits
par un acte du pape peut donc demander
satisfaction au gouvernement italien, sur le
territoire duquel l'illégalité a eu lieu, sans
se soucier des obligations que la loi dés ga-
ranties impose à ce gouvernement à l'intérieur
du pays ; et le gouvernemeat italien ne peut
s'appuyer sur cette loi pour refuser la satis-
faction demahdée par l'autre Etat. >
« Cet article, dit notre confrère,
n'est vraisemblablement que l'exposé
analytique des arguments soumis au
gouvernement italien par le chance-
lier allemand. A ce titre, il mérite
d'être examiné avec la plus grande at-
tention. S'il est vrai, ainsi que nous
sommes portés à le croire, que la pen-
sée du cabinet de Berlin s'y trouve fi-
dèlement représentée, celui-ci ne con-
sidérerait pas le pape comme un vé-
ritable souverain ; il ne serait, en réa-
lité, qu'un sujet du gouvernement ita-
lien, qui, par conséquent, serait res-
ponsable des actes du pape vis-à-vis
des puissances étrangères. La loi des
garanties n'aurait donc fait que confé-
rer au saint-siége une immunité, ou
pour mieux dire une impunité - incom-
patible avec la responsabilité inhérente
à l'exercice de la souveraineté. Les rai-
sons sur lesquelles s'appuie cette opi-
nion sont exposées dans l'article de la
Gazette nationale avec une brutale
franchise. D'après le journaliste berli-
nois, c'est-à-dire sans doute d'après
M. de Bismarck, « aucun Etat n'est
> tenu, par les lois internationales, de
» reconnaître une souveraineté qui n'of-
) frepas, par quelque territoire, un point
) d'attaque servant de garantie contre
) les illégalités qu'elle pourrait com-
» mettre.. En d'autres termes, il n'y a
d'Etats souverains que ceux sur les-
quels on peut mettre la main. Qu'est-
ce d'ailleurs que cette loi des garanties,
et quelle autorité pourrait-elle avoir
aux yeux des autres piiissances ? Au-
cune d'elles, dit la Gazette nationale,
ne s'est engagée à garantir par un
traité cette souveraineté sans territoire;
du moins l'Allemagne ne l'a pas fait. La
conclusion de ce raisonnement, c'est
que toute puissance lésée par un acte
du saint-siége a le droit d'en demander
satisfaction au gouvernement italien
sans s'inquiéter de la loi des garan-
ties, que celui-ci même ne serait
pas admis à opposer aux réclama-
tions qui pourraient lui être adressées,
Telle est, en résumé, la thèse profes-
sée à Berlin sur la souveraineté ponti-
ficale. Il serait facile de la réfuter ; il
suffirait de faire observer que les enga..
gements du gouvernement italien vis-
à-vis des puissances catholiques, si
spontanés qu'ils aient pu être de sa
part, et bien qu'ils n'aient pas été rati-
fiés par des traités, ont été sanction-
nés par l'assentiment unanime de ces
puissances, qui , confiantes dans la
loyauté de l'Italie, s'en sont remises à
elle du soin de veiller à la sécurité du
saint-siége et ne sauraient être assuré-
ment indifférentes aux dangers que
pourrait faire courir à cette gardienne
vigilante et sûre la responsabilité
qu'elle assume en leur nom. Mettre la
main sur le pape, c'est aujourd'hui une
entreprise contre laquelle les plus au-
dacieux se heurteraient sans grand es-
poir cfe succès. Pie IX n'a plus de terri-
toire saisissable : lft gens de justice de
Berlin peuvent à loisir instrumenter
contre lui. »
Nous comprenons fort bien, sans tou-
tefois nous y associer, la mauvaise hu-
meur des puissants et des officieux de
Berlin. Lorsqu'on a terrassé deux
grands Etats, annexé des provinces,
des principautés, des royaumes, confé-
déré beaucoup de nations qui ne le de-
mandaient pas et fondé à son profit un
vaste et formidable empire, il est dur
de se voir battu en brèche par un prê-
tre de 82 ans. La chose est d'autant
plus choquante que ce vieillard ne pos-
sède ni sujets, ni soldats, ni forteresses,
et que, pour défendre sa cause, bonne
ou mauvaise, il n'a pas sous la main
d'autres armes qu'une plume, une éuri-
toiré et quelques feuilles de papier.
Prétendra que ces engins sont toujours
inoffensifs serait donner un démenti à
l'histoire dans un pays où le pape a
fait célébrer la Saint-Barthélémy. Il est
certain que l'homme de Berlin n'a pas
tout à fait tort lorsqu'il dit qu'un ordre
de Rome peut soulever plusieurs mil-
lions d'individus. Et le roi de Prusse: a
l'ennui de régner sur neuf millions de
catholiques.
Ces catholiques, autant que nous en
pouvons en juger à distance, sont très-
chauds catholiques et Prussiens assez
froids : il semble que leurs oreilles
soient plus ouvertes aux voix de Rome
qu'aux commandements de Berlin.
Leurs préférences ont peut-être une ex-
plication dans le passé et une excuse
dans le présent. Supposez, par exem-
ple, que les Alsaciens, les Lorrains et
les Polonais de Posen soient Prussiens
par force et catholiques de plein gré.
Pour peu qu'avec cela les puissants
maîtres- qu'ils servent sans les avoir
choisis ni acceptés leur imposent un
régime peu libéral, contraire à leurs
traditions, rude à leur conscience, on
comprendra pourquoi le pape a tant
d'autorité sur eux.
Ces raisons, je l'avoue, ne sont pas
de celles dont un triomphateur invin-
cible peut se déclarer satisfait. Il est
tout naturel que les forts, élevés -et
grandis par la force, s'exagèrent un
peu les droits de la force. Celui qui fait
la loi au monde est généralement en-
clin à confondre sa volonté avec la loi,
La résistance ne l'irrite pas seule-
ment, elle le scandalise, et cela d'au-
tant plus qu'elle est moins bien armée.
Estimable vaincu qui nous lisez, met-
tez-vous un moment à la place d'un
conquérant couvert de gloire. Votre
premier mouvement ne serait-il pas
d'écraser l'ennemi qui oserait vous te-
nir tête ?
Et si cet ennemi échappait à vos
coups par sa faiblesse, si c'était une
âme sans corps, si, après avoir bien
tourné autour de lui, vous ne saviez par
où le prendre, peut-être diriez-vous
comme le journaliste de Berlin : « Je
veux un adversaire digne de moi, et à
tout prix j'aurai ma vengeance, fallût-
il frapper le voisin, déclarer l'Italie res-
ponsable du pape et foudroyer le roi
Victor-Emmanuel, qui n'en peut mais! »
Voilà ce qu'on devient lorsqu'on est in-
vincible et qu'on se trouve en guerre
avec un souffle, un être de raison, une
idée, une foi ! -
Nous n'avons pas à discuter les théo-
ries de la National Zeitung. D'ailleurs.,
les journalistes de Berlin ont pour eux
des arguments qui nous manquent.
Toutefois, je voudrais appeler timide-
ment leur attention sur le sens du mot
illégalité, qui revient par deux fois
dans l'article. On nous parle des actes
illégaux du pape, contre lesquels les
Etats étrangers ne se sentent pas assez
protégés ; et, plus loin, il s'agit de de-
mander satisfaction au gouvernement'
italien, sur le territoire duquel Yilléga-
lité a eu lieu. Cette façon de parler
suppose un code européen, une législa-
tion uniforme, une adhésion de tous les
peuples grands ou petits, forts ou fai-
bles, à certains principes de droit. PIÙt
au ciel que nous en fussions là ! Par
malheur, la civilisation du dix-neu-
vième siècle est moins avancée qu'on
ne semble le croire à Berlin. Le
droit de conquête est admis sans dis-
cussion par les forts, et nié désespéré
ment par les faibles. Le droit de résis-
tance ne fait pas doute aux yeux des
opprimés; les conquérants le contes-
tent avec une remarquable énergie. Le
droit de propagande est cher à quel-
ques-uns, odieux à quelques autres. Un
jour viendra peut-être où tous les diffé-
rends des nations seront jugés en équité
par des arbitres amiables. Nous en se-
rons charmés qnant à nous, mais il ne
nous appartient pas de décréter cette
révolution heureuse. Pour le moment,
je ne vois que l'empereur d'Allemagne
qui ait assez de canons Krupp pour ra-
mener l'Europe à l'âge d'or, et rien ne
prouve encore que telle soit son ambi-
tion.
ABOUT.
—: ♦
LA COMMISSION DE PROROGATION
La commission chargée d'examiner le
projet de M. Malartrerelatif aux vacances
a nommé son bureau mardi soir. M. le géné-
ral Guillemaut a été élu président et M.
L'Ebraly, secrétaire.
11 avait été décidé que M. le ministre de
l'intérieur serait appelé. M. Buffet a ré-
pondu qu'il était à la disposition de la com-
mission et, hier, il s'est..Iendu dans son
sein.
M. le vice-président du conseil a déclaré
que, sous aucun prétexte, le cabinet ne con-
sentirait à une prorogation dépassant lé
11 mai, qu'il ne voyait aucun empêche-
ment au 10 mai, qu'il accepterait la date
du 3.
Interrogé sur la loi relative à la presse,
M-. le ministre répond que le projet n'est
pas arrêté, mais que le cabinet se mettra
en mesure de le présenter le plus tôt pos-
sible.
Quant aux autres lois qui doivent être
discutées par l'Assemblée avant sa "sépara-
tion définitive, M. le ministre les a énu-
mérées. Ce sont :
1* Le budget, dont le projet pourra être
distribué dès la rentrée.
28 Les lois complémentaires des lois
constitutionnelles qui soulèvent plusieurs
questions, comme les rapports des deux
Chambres entre elles, la question de sa-
voir si elles seront permanentes ou convo-
cables, le mode d'élection du Sénat, la lui
électorale. *
3* Les lois organiques complémentaires
sur l'armée, relatives à l'état-major, l'ad-
ministration militaire, etc.
4* La loi sur l'enseignement supérieur
et sur la liberté des cultes.
5* La Joi sur le régime pénitentiaire.
6* La loi sur les sucres.
M. Buffet, interrogé sur la séparation
définitive de l'Assemblée, ne croit pas de-
voir donner un avis, cela étant absolument
du ressort de l'Assemblée ; mais il insiste
sur la nécessité de faire trancher avant les
prochaines vacances la question des élec-
tions partielles. La première de ces élec-
tions doit régulièrement avoir lieu le l.r
juin ; il faudrait donc convoquer le 10 mai.
M. Buffet se retire.
La discussion a porté, après le départ
du vice-président du conseil, sur deux
points :
1* La date à fixer pour la rentrée.
Le 3 mai a été préféré au 10 mai.
2° Sur les éléments qui devaient trouver
place dans le rapport, et sur la question
de savoir s'il était convenable de toucher
d'une tacon plus ou moins directe le cas des
élections partielles.
Il a été décidé que Je président de la
commission demanderait que l'on mît en
tête de l'ordre du jour de l'Assemblée la
prise en considération de la proposition
Courcelle.
Il ne s'agit pas d'adopter le projet de M.
Courcelle, qui a été déposé il y a plus d'un
an, mais de résoudre la question.
M. Courcelle voulait que l'on ne convo-
quât pas les électeurs pour éviter de don-
ner la parole au suffrage universel. Il s'agit
aujourd'hui de surseoir, les élections géné-
rales étant sur le point de se faire.
L'Assemblée prendra aujourd'hui ce
projet de loi en considération. Il sera alors
examiné et modifié. Il est possible que la
commission de prorogation en soit saisie ;
c'est pour être fixée sur ce point qu'elle en
a demandé la mise à l'ordre du jour. Dans
tous les cas, en adressant cette requête à
l'Assemblée, il a été bien entendu que si
l'on demandait la suppression des élections
partielles, c'était.-à cause de la proximité
des élections générales.
M. de Pressensé a été nommé rappor-
teur.
+ --
Commission des Trente
La commission des Trente s'est réunie
hier, à la demande du gouvernement.
M. Dufaure est venu lui demander de
s'occuper des lois organiques qui doivent
compléter les lois constitutionnelles, de
régler les rapports des ûbiix fchambres en-
tre elles et avec le pouvoir exécutif, de
s'occuper enfin de la loi électorale pous* le
Sénat.
Un débat s'est élevé.sur la question : de
savoir si la commission demeurerait saisie
ou, au contrairA, s'il ne serait pas préïé*
rable d'attendre que le gouvernement dé-
posât un projet qui serait renvoyé soit à la
commission, - soit à une commission spé-
ciale, selon les préférences de l\A>'semblée,
M. Dufaure s'est mis à la disposition de
ses collègues. Il est certain que les Trente
furent nommés à l'époque où il s'agissait
de repousser la République. Leurs senti-
ments ne répondent pas à ceux de la majo-
rité du 25 février.
Quoi qu'il en soit, il fut déddé par 9 voix
contre 8 (ce qui fait 17 membres présents
sur 30), que la commission demeurait sai-
sie, par la raison qu'elle était très « cou*
servatrice ». M. Batbie fut chargé de s'en-
tendre avec le gouvernement, pendant les
vacances, pour la préparation des divers
projets de loi.
Il est bon de rappeler que M. Batbie a
constamment voté contre les lois constitu-
tionnelleg.
Peu de temps après que cette résolution
eut. été adoptée, M. Limpérani déposa, en
séance publique, un projet de loirelaijf
aux élections des sénateurs dans les- dé-
partemeRts. Il-en demanda le renvoi à la
commission d'initiative. C'était par le fait
dessaisir la commission des Trente. M.
Baragnon le fit remarquer et s'y opposa.
La majorité du 25 février donna gain de
cause a M. Limpérani et décida par ce fait
qu'une commission nouvelle serait chargée
d'examiner les lois organiques.
Celajnet les Trente dans une situation
délicate. Ils vont se réunir aujourd'hui
très-probablement, et après avoir décidé
hier qu'ils demeuraient saisis, ils vont re-
connaître que l'Assemblée les a dessaisis et
que dès lors leur mandat est épuisé.
—
HUMBLE SUPPLIQUE
Á Monsieur Wallon, ministre de Vin-
struction publique et des cultes.
Monsieur,
Je suis un de vos anciens élèves;
vous avez sans doute oublié mon nom,
car vous professiez l'histoire à l'Ecole
normale, et j'ai toujours eu plus de
goût pour les études purement litté-
raires. J'étais à votre cours un auditeur
très-attentif et très-Sympathique, car il
n'y eut jamais de leçons plus logique-
ment enchaînées, plus claires, plus élé-
gantes que les vôtres ; mais une fois
sorti de classe, je poursuivais d'autres
travaux, et c'était le diable pour m'ar-
racher un seul des devoirs que le règle-
ment forçait chaque professeur à exi-
ger de nous tous les mois. Vous y aviez
renoncé pour ce qui me concerne. J'en
sais quelques autres, dont vous aviez
également désespéré, et qui n'en ont
pas moins fait leur chemin. Il est vrai
qu'ils ne sont pas devenus ministres.
Vous l'êtes aujourd'hui, monsieur,
et j'ai pensé que vous seriez bien aise
que l'on vous donnât, pour votre en-
trée aux affaires, l'occasion de réparer
-une injustice et de faire un peu de bien,
De tous les dons de joyeux avènement,
je' suis convaincu que c'est celui-là qui
peut vous être le plus agréable. Je sais
combien vous avez l'esprit droit, l'âme
haute, et quel empressement vous met-
tez à corriger un des abus qui pèsent
à d'humbles fonctionnaires de cette
Université, dont les hasards de la poli-
tique vous ont fait le grand-maître,
dont vous avez toujours été l'honneur.
Vous n'ignorez pas, monsieur le mi-
nistre, la triste condition des profes-
seurs de collège, et combien elle doit
leur être plus .dure si on la met en re-
gard de celle des professeurs de lycée,
qui n'est pourtant pas déjà si brillante.
• Eatre ces deux classe. de maîtres, il y a
bien souvent égalité de grades et de
services; il n'y a jamais égalité de trai-
tements. Vous pouvez prendre le mot
traitements dans tous les sens qu'il
vous plaira.
Ce n'est pas assurément de cette iné-
galité que je me plains. Il faut bien qu'il
y ait, dans l'Université comme dans
toutes les administrations, une hiérar-
chie certaine; il est bon que si l'on
débute par être professeur dans les
collèges, on soit soutenu, encourag6
par la perspective de passer dans des
établissements plus considérables. qui
sont les lycées. Il est tout naturel que,
si l'on ne se distingue pas, on reste
dans les emplois secondaires, et que
, -
;. E
JOTTRN A T. RPPTTRfjr.ATN fONSRRV ATRITR
7 -
REDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
do 2 kewes à minuit
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Los lettres non affranchies seront refusées
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Un an. 62
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6, idaee de la ISoHrse, 0 .':. .-.
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advertisingr agent, 13, Tavistockrow, Goient Garden.,
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G, place de la Doarae, W
On t'abonnit Londres, chez M. A. JhnICB Æénéral
advertising, agent, 13, Tavistockrow, Coveat Garden.
Paris, 18 mars 1875.
L'allocution de M. la duc d'Audiffret-
Pasquier n'a pas eu, eomme le programme
dé M. Buffet, la bonne fortune de plaire
ftwx légitimistes et à leurs amis les bona-
partistes. Il fallait s'y attendre. Pour les
€ conservateurs > vraiment dignes de ce
nom, quiconque prononce sans haut-le-
Cœur les mots de régime parlementaire ou
de liberté, ce qui est la même chose, est
un traître, un suppôt de la Révolution :
« C'est le rôle de Cabrera désertant le dra-
peau royal de Charles VII pour arborer le
drapeau révolutionnaire d'Alphonse XII. »
Ainsi s'exprimait hier, sur le compte du
nouveau président de l'Assemblée, un jour-
nal blanc comme lys. On Toit que nous
avions raison de revendiquer comme un
succès de gauche l'élection de M. le âu(;
Pasquier : voilà déjà qu'on le traite comme
un républicain!
Et sait-on ce qu'on lui reproche plus par-
ticulièrement ? C'est d'avoir fait l'éloge du
régime parlementaire, et déclaré que, grâce
à ce régime, la France avait pu surmon-
ter, depuis quatre ans, les plus dures épreu-
ves. Non, non, s'écrient en chœur légiti-
mistes et bonapartistes; ce n'est pas parce
que, c'est quoique. Ce qui revient à dire
que sans la République, sans le régime
parlementaire, il y a beaux jours que la
France serait dégrevée des lourds impôts
que lui impose sa dette, et que sans doute
elle eût -recouvré l'Alsace et la Lorraine.
Autrement, le reproche n'a pas de sens.
Mais dans ce cas les royalistes sont bien
coupables d'avoir reculé, à Bordeaux, de-
vant une restauration de la monarchie.
Sans doute, la situation manquait de char-
mes, et il fallait avoir la foi cheTillée. au
cœur pour s'atteler à une besogne que la
plupart des nations voisines jugeaient au-
dessus des forces humaines. La France
agonisait, épuisée de sang et d'argent, et les
monarchistes ne se soucièrent pas d'entre-
prendre saguérison. Ce n'est que plus tard,
qnand ils virent qu'on s'était trop hâté de
désespérer de la France, qu'ils, songèrent à
se charger de ses destinées. Mais alors il*
trouvèrent sur leur route quelques-uns de ces
amis du régime parlementaire qui ne ré-
pugnaient pas à la monarchie, loin de là,
mais qui rêvaient de la concilier avec le
respect des libertés publiques. De ce nom-
br0 était M. le duc d'Audiffret-Pasquier.
La monarchie échoua donc, et c'est ce
souvenir qui a permis au nouveau prési-
dent de faire honneur à l'Asemblée du
rétablissement et du maintien du régime
parlementaire.
Un autre reproche adressé à M. le duc
Pasquier avec un touchant ensemble par
les coalisés du 25 février, c'est d'avoir pro-
clamé la liberté comme la plus sûre garan-
tie de l'ordre et de la paix publique, quand
tout le monde sait que la France compte 42
départements en état de siège et qu'elle est
soumise depuis deux ans à un régime d'ar-
bitraire et de bon plaisir. Le reproche
n'est pas sans fondement, il faut le recon-
naître, et M. le duc Pasquier, qui est un
ami des libertés publiques, aurait dû ne
point tant tarder à faire alliance avec
ceux qui protestent depuis si longtemps
contre les mesures d'exception qui sem-
blent être devenues la règle des gou-
vernants qui se sont succédé au pou-
voir depuis le 24 mai. Mais est-ce bien aux
légitimistes et aux. bonapartistes à s'en
plaindre f Quand donc un d'entre eux a-t-il
pris l'initiative d'une proposition tendant
à la levée de l'état de siège ? Quand donc
.un seul d'entre eux a-t-il voté avec les ré-
publicains en faveur du retour au droit
communt
Mais pourquoi s'étonner ? Yoici les légi-
timistes et les bonapartistes qui redevien-
nent libéraux ; c'est la plus sûre constata-
tion qu'ils ne sont plus au pouvoir et n'es-
pèrent pas y revenir de si tôt ! Que pou-
vons-nous demander de plus ?
E. SORNnB.
COURRIER PARLEMENTAIRE
Versailles, 1.17 mars 1875.
Affaire Bertauld contre Bon Sens public :
fonctionnaires dégommés avant l'âge, de-
mande en jouissance de pensions de re-
- • traite, infirmités postiches. Seconde au-
dience. - C'est à peu près ainsi que cela
se dit sommairement au Palais. Les plai-
doiries continuent.
Me Goblet, du barreau d'Amiens, démo-
lit de fond en comble l'argumentation de
M* Bertauld, du barreau de Caen. Lui
aussi, il apporte des textes de loi. Tout le
monde a des textes ! Seulement, les textes
de M* Goblet prouvent diamétraleirent le
contraire de ce qu'avancent les textes de
M* Bertauld.
Ces points de vue juridiques ne nous sont
guère familiers ; mais nous saisissons au
vol une petite historiette qui est à la por-
tée de tout le monde. Vers 1849, un fonc-
tionnaire éTincé, comme ceux dont on
s'occupe pour l'instant, imagina de libel-
ler une double demande : celle d'une pen-
sion de retraite pour infirmités et celle
d'une réintégration en fonctions. On pour-
rait croire que l'une était capable de nuire
à l'autre. Nullement. Le fonctionnaire
obtint d'abord la place, puis la pension de
, retraite, ce qui lui permit d'alterner sui-
vant les vicissitudes des temps.
M. Goblet, ancien procureur général à
Amiens, au 4 septembre, est ferré sur la
matière juridique de façon à rendre des
points mêm.. à un professeur de droit. M.
Bertauld passe une mauvaise grande
heurt», car il nous semble qu'il est roulé
« régulièrement; juridiquement, constitu-
tionnellement, compétemment, » comme il
polirait lui-même,- s'il était homme à faire
de pareils aveux. Il pourrait même ajou-
ter : e et brillamment, » car M. Goblet, à
qui-l'on ne peut reprocher qu'un débit trop
précipité, se sert de ce défaut pour entre-
mêler la verve caustique et l'austère juris-
prudence avec une abondance tout à fait
remarquable. M. Bertauld est criblé d'épi-
grammes juridiques ; l'orateur ne cesse de
lui planter dans l'amour-propre des textes
de lois en guise de bandcrillas. Et, au banc
de la commission, M. Bertauld hoche la tête
et secoue les épaules, comme doit faire tout
légiste qui a sa conviction faite et à qui
importe peu la conviction de tout autre lé-
giste.
Les bonapartistes font semblant d'être
distraits, de ne pas s'occuper de la ques-
tion, qui touche de fort près plusieurs d'en-
tre eux. Le grand, l'immense succes que
remporte M. Goblet parait leur être iadif-
férent. Toutefois, certains qui sont direc-
tement en cause, M. Gaslonde, par exem-
ple, n'assistent pas à la séance ; ils soignent
leurs infirmités à domicile, c'est plus cou-
leur locale.
C'est que les bonapartistes sont gens es-
sentiellement malins : ces Bertrands poli-
tiques aiment volontiers, dans de pareilles
circonstances , faire travailler pour leur
compte des Ratons de bonne volonté. Et
tenez, voilà M. Bottieau qui monte à la
tribune.
M. Bottieau est un conseiller à la cour
de Douai qui a le verbe haut et la jurispru-
dence facile; M. Bottieau n'est pas inscrit,
que nous sachions, à la réunion de l'appel
au peuple; mais M. Bottieau est un homme
de dévouement qui a déjà, seul contre tous,
soutenu la nécessité de la validation de
l'éh'ction Bourgoing. Cette fois, les bona-
partistes écoutent. Lui aussi, il apporte des
textes de loi. Seulement, les textes de M.
Bottieau prouvent diamétralement le con-
traire de ce qu'affirment les textes de M.
Goblet.
Entre nous, la seule opinion bien nette
qui, puisse résulter de cette diseussion,c'est
que nos lois sont fièrement embrouillées,
pour qu'on en trouve toujours une à op-
poser à une autre. On pourrait tout aussi
bien se contenter des proverbes 1
La clôture de la discussion votée, l'As-
semblée se trouve en présence d'un projet
et de trois amendements. Le projet admet
pour valables toutes les pensions réclamées;
l'amendementGuichard demande la révision
de toutes les pensions accordées, à titre
exceptionnel, depuis 1871; l'amendement
Leroyer nomme une commission de quinze
députés chargée d'examiner les dossiers
des anciens fonctionnaires,' en, laissant au
ministre le droit de statuer; l'amendement
Wolowski renvoie l'examen au conseil
d'Etat, statuant au contentieux.
M. Leroyer explique la portée de son
amendement.
— Je demande la parole ! crie impétueu-
sement un membre de la droite.
Et tout le monde de rire. C'est que ce
membre de la droite est M. de Gavardie, et
que l'horloge marque quatre heures vingt-
cinq. C'est l'accès à heure fixe. Il faut
convenir, d'ailleurs, que les derniers évé-
nements avaient jeté une grande perturba-
tion dans l'organisme du député des Lan-
des ; le grand ressort était dérangé. Chacun
semble heureux de constater que M. de Ga-
vardie commence à reprendre son petit
train-train, et à s'habituer à « l'ordre de
choses actuel, » comme dit M. le vice-pré-
sident du conseil.
Quoi qu'il en soit, la clarté ne jaillibpas
de cette interruption. M. Mathieu Bodet,
ex-ministre des finances, parait et en ap-
pelle à M. Léon Say, son successeur. La
question de comptabilité vient. encore
épaissir cette eau trouble où s'agite la
question de jurisprudence : la Chambre
doit voter le crédit et ne peut que refuser
le bill d'indemnité. Le cas s'embrouille de
plus en plus. Avec M. de Gavardie, il passe
à l'état d'écheveau qui aurait servi long-
temps d'amusette à un chat.
L'amendement Leroyer est retiré, l'a-
mendement Wolowski le suit dans la re-
traite ; l'amendement Guichard demeure
seul en lutte avec le projet.
Yote, pointage et repointage.
Pour 304
Contre 306
A deux voix près, l'amendement Guichard
est repoussé. Mais le projet Bertauld ne
triomphe pas encore. Fort de la faiblesse
du succès des adversaires de M. Gui-
chard, M. Tirard écarte du débat tout
ce, qui peut être considéré, à tort ou à
raison, comme chose jugée, montre
vigoureusement qu'il est un reliquat d'a-
bus sur lequel il est temps encore de ne pas
statuer et dépose un amendement ainsi
conçu : « L'Assemblée invite le gouverne-
ment à soumettre à un nouvel examen la
liquidation des pensions dont il s'agit. »
Cette proposition n'entrave en rien l'a-
doption du crédit chère à deux ministres
des finances. Aussi, au désespoir de M.
Bertauld, est-elle votée par 322 voix contre
307.
Le plus comique de l'affaire, — après la
mine que font certains intéressés,- serait
que la loi actuelle ne fût pas modifiée, bien
qu'elle ait été déclarée détestable par tous
sans exception. Nous avons déjà vu tant
de choses extraordinaires !
PAUL LAFARGUE.
-— H^I —
Voici le procèes-verbal de la réunion
tenue hier par le centre gauche :
Le centre gauche s'est réuni afin de procé-
der au renouvellement trimestriel de son bu-
reau.
Au moment où le scrutin allait être ouvert
pour l'élection du président, la nom de M.
Laboulaye a été prononcé et aussitôt acclamé
par l'unanimité des membres présents. Le
centre gauche a voulu, en décernant ainsi la
présidence d'une façon tout exceptionnelle à
M. Laboulaye, honorer le talent et la fermaté
de conduite qu'il a mis au service de la cause
républicaine, particulièrement, dans la dis-
cussion des lois contitutiormellos.
ont été nommés : président, M. Laboulaye
vice-présidents, MM. Bsthmont et Aimé Leroux ;
secrétaires, MM. Paul de Rémusat, Dietz-Mon-
nin et Félix Renaud; qaflstur, M. Gailly.
La commission chargée d'examiner le pro-
jet de loi sur le chemin do fer du Midi a
nommé président M. Baze, et secrétaires MM.
Aclocque et Rousseau.
La commission s'est ajournée jusqu'à la
rentrée de là Chambre.
La commission chargée d'examiner le pro-
jet de loi relatif au conseil général de la
Seine a nommé M. Schœlcher président, et
M. Talion secrétaire.
Elle a examiné le projet de loi et a nommé
M. Dietz-Monnin rapporteur. Le rapport
conclut à l'adoption du projet de loi.
La commission chargée d'examiner la pro-
position de Plœuc, relative aux administra-
teurs des chemins de fer, a nommé M. Arago
président, et M. Flottard secrétaire.
Chacun des membres a rendu compte de
l'opinion de son bureau, opinion unanimement
défavorable au projet.
La commission d'enquête sur l'élection de
la Nièvre a examiné le dossier qui lui a été
remis par M. le garde des sceaux.
Le 15" bureau chargé d'examiner le dos-
sier de l'élection des Hautes-Pyrénées s'est
réuni hier sous la présidence de M. le géné-
ral Mazure.
Il a entendu le rapport fait au nom de la
sous-commission par M. Ganault.
Le rapport constate des libations, des faits
d'intimidation, de fausses nouvelles répan*
dues par les partisans de < l'appel au peu-
ple > ; qn ancien sous-préfet bonapartiste
était installé dans le département, distri-
buant des photographies et des journaux.
M. Cazeaux allait trouver des instituteurs
à domicile et les menacait de destitution ; le
sous-préfet de Bagnèreg, constamment à che-
val dans son arrondissement, exhortait les
maires à donner leur concours au candidat
bonapartiste et leur faisait des menaee. Les
amis de M. Cazeaux ont adressé une lettre au
maréchal de Mac-MAhon pour se plaindre du
préfet, qui, selon eux, ne prenait pas leur
cause en main.
Beaucoup de suffrages étaient achetés par
les bonapartistes; dans une commune on a
offert 60 francs à celui qui amènerait six
électeurs à voter peur M. Cazeaux. Dans
nombre de villages, les partisans du candidat
bonapartiste payaient à boire et à manger;
on promenait des drapeaux sur lesquels figu-
raient un aigle et le portrait de l'écolier de
YVoolwich.
Tels sont, en résumé, les faits relevés par le
rapport, qui comprend une foule de lettres de
M. Fould et de ses amis, injuriant le parti
républicain. Il est aussi donné communica-
tion des affiches de la dernière heure.
Le rapport conclut à une enquête.
Le bureau s'est ajourné à aujourd'hui une
heure pour prendre une détermination.
—————————— ——————————
Hier a eu lieu, dans un des bureaux de
l'Assemblée, une réunion des députés con-
seillers généraux appartenant aux groupes
de gauche, au nombre de 126 membres.
Elle était présidée par M. le comte Ram-
pon.
La discussion a surtout porté sur les
moyens pratiques de réagir contre les em-
piétements de l'administration et la juris-
prudence du conseil d'Etat, qui tend à dé-
naturer la lettre et l'esprit de la loi du 10
août 1871.
La réunion a nommé une commission de
cinq membres, chargée de s'entendre avec
l'honorable rapporteur da la loi, M. Wad-
dington, et le gouvernement, sur cette im-
portante question.
Cette commission se compose de MM. le
comte Rampon, Magnin, Lepère, Lucet et
Méline.
La réunion s'est ajournée au vendredi 19,
à une heure, pour compléter les résolutions
qu'elle a à prendre avant la prorogation.
Rome et Berlin
Les Débats donnaient hier matin,
avec un remarquable commentaire, cet
abrégé d'un article prussien, publié
dans. la capitale de l'empereur Guil-
laume, par la National Zeitung :
c La souveraineté artificielle du pape lui
confère tous les droits d'un chef d'Etat, sans
lui imposer aucune responsabilité. Dans les
limites de la loi des garanties, le royaume
d'Italie et les sujets italiens sont impuissants
à protéger les Etats étrangers et Itturs ci-
toyens contre les actes illégaux du pape.
» Le pape peut, par ses encycliques et par
les prescriptions qui se rattachent à leur ap-
plication, mettre *n danger l'existence poli-
tique de plusieurs millions d'individus; il
peut exciter tout un peuple à la haute trahi-
son, Le gouvernement italien n'est pas en
état de protéger des droits ainsi lésés, et ce-
pendant l'Italie protège entièrement le pape
contre l'arme de la guerre : on ne peut atta-
quer le pape et son entourage sans Tioler le
territoire italien. Qui plus est, le gouverne-
ment italien s'est engagé, par l'article 2 de la
loi des garanties, à punir toute attaque contre
la personne du pape comme une attaque
contre la personne du roi.
» il est évident qu'une telle situation ne
saurait durer, à cause de la contradiction
qu'elle implique. Aucun Etat n'est tenu par
les lois internationales de reconnaître une
souveraineté qui n'offre pas, par quelque
territoire, un poiat* d'attaque serrant de ga-
rantie contre les illégalités qu'elle pourrait
commettre.
», Depuis que les anciens Etats du pape sont
incorporés au royaume d'Italie, le pape-est,
aux yeux des autres puissances, sujet du gou-
vernement italien, et ce gouvernement est
responsable des actes du pape vis-à-vis des
autres gouvernements. La loi des garanties
n'est pas en vigueur en dehors du territoire
italien. Le gouvernement du roi Victor-Em-
manuel a reconnu ce fait dès le principe et a
voulu assurer aux prescriptions de la loi des
garanties une confirmation internationale.
Mais, autant que nous le sachions, aucun
Etat n'a consenti à garantir, par une con-
vention internationale, la souveraineté sans
territoire du pape; l'Allemagne, dans tous
tes cas, ne l'a pas fait.
> Tout Etat qui se tent lésé dans ses droits
par un acte du pape peut donc demander
satisfaction au gouvernement italien, sur le
territoire duquel l'illégalité a eu lieu, sans
se soucier des obligations que la loi dés ga-
ranties impose à ce gouvernement à l'intérieur
du pays ; et le gouvernemeat italien ne peut
s'appuyer sur cette loi pour refuser la satis-
faction demahdée par l'autre Etat. >
« Cet article, dit notre confrère,
n'est vraisemblablement que l'exposé
analytique des arguments soumis au
gouvernement italien par le chance-
lier allemand. A ce titre, il mérite
d'être examiné avec la plus grande at-
tention. S'il est vrai, ainsi que nous
sommes portés à le croire, que la pen-
sée du cabinet de Berlin s'y trouve fi-
dèlement représentée, celui-ci ne con-
sidérerait pas le pape comme un vé-
ritable souverain ; il ne serait, en réa-
lité, qu'un sujet du gouvernement ita-
lien, qui, par conséquent, serait res-
ponsable des actes du pape vis-à-vis
des puissances étrangères. La loi des
garanties n'aurait donc fait que confé-
rer au saint-siége une immunité, ou
pour mieux dire une impunité - incom-
patible avec la responsabilité inhérente
à l'exercice de la souveraineté. Les rai-
sons sur lesquelles s'appuie cette opi-
nion sont exposées dans l'article de la
Gazette nationale avec une brutale
franchise. D'après le journaliste berli-
nois, c'est-à-dire sans doute d'après
M. de Bismarck, « aucun Etat n'est
> tenu, par les lois internationales, de
» reconnaître une souveraineté qui n'of-
) frepas, par quelque territoire, un point
) d'attaque servant de garantie contre
) les illégalités qu'elle pourrait com-
» mettre.. En d'autres termes, il n'y a
d'Etats souverains que ceux sur les-
quels on peut mettre la main. Qu'est-
ce d'ailleurs que cette loi des garanties,
et quelle autorité pourrait-elle avoir
aux yeux des autres piiissances ? Au-
cune d'elles, dit la Gazette nationale,
ne s'est engagée à garantir par un
traité cette souveraineté sans territoire;
du moins l'Allemagne ne l'a pas fait. La
conclusion de ce raisonnement, c'est
que toute puissance lésée par un acte
du saint-siége a le droit d'en demander
satisfaction au gouvernement italien
sans s'inquiéter de la loi des garan-
ties, que celui-ci même ne serait
pas admis à opposer aux réclama-
tions qui pourraient lui être adressées,
Telle est, en résumé, la thèse profes-
sée à Berlin sur la souveraineté ponti-
ficale. Il serait facile de la réfuter ; il
suffirait de faire observer que les enga..
gements du gouvernement italien vis-
à-vis des puissances catholiques, si
spontanés qu'ils aient pu être de sa
part, et bien qu'ils n'aient pas été rati-
fiés par des traités, ont été sanction-
nés par l'assentiment unanime de ces
puissances, qui , confiantes dans la
loyauté de l'Italie, s'en sont remises à
elle du soin de veiller à la sécurité du
saint-siége et ne sauraient être assuré-
ment indifférentes aux dangers que
pourrait faire courir à cette gardienne
vigilante et sûre la responsabilité
qu'elle assume en leur nom. Mettre la
main sur le pape, c'est aujourd'hui une
entreprise contre laquelle les plus au-
dacieux se heurteraient sans grand es-
poir cfe succès. Pie IX n'a plus de terri-
toire saisissable : lft gens de justice de
Berlin peuvent à loisir instrumenter
contre lui. »
Nous comprenons fort bien, sans tou-
tefois nous y associer, la mauvaise hu-
meur des puissants et des officieux de
Berlin. Lorsqu'on a terrassé deux
grands Etats, annexé des provinces,
des principautés, des royaumes, confé-
déré beaucoup de nations qui ne le de-
mandaient pas et fondé à son profit un
vaste et formidable empire, il est dur
de se voir battu en brèche par un prê-
tre de 82 ans. La chose est d'autant
plus choquante que ce vieillard ne pos-
sède ni sujets, ni soldats, ni forteresses,
et que, pour défendre sa cause, bonne
ou mauvaise, il n'a pas sous la main
d'autres armes qu'une plume, une éuri-
toiré et quelques feuilles de papier.
Prétendra que ces engins sont toujours
inoffensifs serait donner un démenti à
l'histoire dans un pays où le pape a
fait célébrer la Saint-Barthélémy. Il est
certain que l'homme de Berlin n'a pas
tout à fait tort lorsqu'il dit qu'un ordre
de Rome peut soulever plusieurs mil-
lions d'individus. Et le roi de Prusse: a
l'ennui de régner sur neuf millions de
catholiques.
Ces catholiques, autant que nous en
pouvons en juger à distance, sont très-
chauds catholiques et Prussiens assez
froids : il semble que leurs oreilles
soient plus ouvertes aux voix de Rome
qu'aux commandements de Berlin.
Leurs préférences ont peut-être une ex-
plication dans le passé et une excuse
dans le présent. Supposez, par exem-
ple, que les Alsaciens, les Lorrains et
les Polonais de Posen soient Prussiens
par force et catholiques de plein gré.
Pour peu qu'avec cela les puissants
maîtres- qu'ils servent sans les avoir
choisis ni acceptés leur imposent un
régime peu libéral, contraire à leurs
traditions, rude à leur conscience, on
comprendra pourquoi le pape a tant
d'autorité sur eux.
Ces raisons, je l'avoue, ne sont pas
de celles dont un triomphateur invin-
cible peut se déclarer satisfait. Il est
tout naturel que les forts, élevés -et
grandis par la force, s'exagèrent un
peu les droits de la force. Celui qui fait
la loi au monde est généralement en-
clin à confondre sa volonté avec la loi,
La résistance ne l'irrite pas seule-
ment, elle le scandalise, et cela d'au-
tant plus qu'elle est moins bien armée.
Estimable vaincu qui nous lisez, met-
tez-vous un moment à la place d'un
conquérant couvert de gloire. Votre
premier mouvement ne serait-il pas
d'écraser l'ennemi qui oserait vous te-
nir tête ?
Et si cet ennemi échappait à vos
coups par sa faiblesse, si c'était une
âme sans corps, si, après avoir bien
tourné autour de lui, vous ne saviez par
où le prendre, peut-être diriez-vous
comme le journaliste de Berlin : « Je
veux un adversaire digne de moi, et à
tout prix j'aurai ma vengeance, fallût-
il frapper le voisin, déclarer l'Italie res-
ponsable du pape et foudroyer le roi
Victor-Emmanuel, qui n'en peut mais! »
Voilà ce qu'on devient lorsqu'on est in-
vincible et qu'on se trouve en guerre
avec un souffle, un être de raison, une
idée, une foi ! -
Nous n'avons pas à discuter les théo-
ries de la National Zeitung. D'ailleurs.,
les journalistes de Berlin ont pour eux
des arguments qui nous manquent.
Toutefois, je voudrais appeler timide-
ment leur attention sur le sens du mot
illégalité, qui revient par deux fois
dans l'article. On nous parle des actes
illégaux du pape, contre lesquels les
Etats étrangers ne se sentent pas assez
protégés ; et, plus loin, il s'agit de de-
mander satisfaction au gouvernement'
italien, sur le territoire duquel Yilléga-
lité a eu lieu. Cette façon de parler
suppose un code européen, une législa-
tion uniforme, une adhésion de tous les
peuples grands ou petits, forts ou fai-
bles, à certains principes de droit. PIÙt
au ciel que nous en fussions là ! Par
malheur, la civilisation du dix-neu-
vième siècle est moins avancée qu'on
ne semble le croire à Berlin. Le
droit de conquête est admis sans dis-
cussion par les forts, et nié désespéré
ment par les faibles. Le droit de résis-
tance ne fait pas doute aux yeux des
opprimés; les conquérants le contes-
tent avec une remarquable énergie. Le
droit de propagande est cher à quel-
ques-uns, odieux à quelques autres. Un
jour viendra peut-être où tous les diffé-
rends des nations seront jugés en équité
par des arbitres amiables. Nous en se-
rons charmés qnant à nous, mais il ne
nous appartient pas de décréter cette
révolution heureuse. Pour le moment,
je ne vois que l'empereur d'Allemagne
qui ait assez de canons Krupp pour ra-
mener l'Europe à l'âge d'or, et rien ne
prouve encore que telle soit son ambi-
tion.
ABOUT.
—: ♦
LA COMMISSION DE PROROGATION
La commission chargée d'examiner le
projet de M. Malartrerelatif aux vacances
a nommé son bureau mardi soir. M. le géné-
ral Guillemaut a été élu président et M.
L'Ebraly, secrétaire.
11 avait été décidé que M. le ministre de
l'intérieur serait appelé. M. Buffet a ré-
pondu qu'il était à la disposition de la com-
mission et, hier, il s'est..Iendu dans son
sein.
M. le vice-président du conseil a déclaré
que, sous aucun prétexte, le cabinet ne con-
sentirait à une prorogation dépassant lé
11 mai, qu'il ne voyait aucun empêche-
ment au 10 mai, qu'il accepterait la date
du 3.
Interrogé sur la loi relative à la presse,
M-. le ministre répond que le projet n'est
pas arrêté, mais que le cabinet se mettra
en mesure de le présenter le plus tôt pos-
sible.
Quant aux autres lois qui doivent être
discutées par l'Assemblée avant sa "sépara-
tion définitive, M. le ministre les a énu-
mérées. Ce sont :
1* Le budget, dont le projet pourra être
distribué dès la rentrée.
28 Les lois complémentaires des lois
constitutionnelles qui soulèvent plusieurs
questions, comme les rapports des deux
Chambres entre elles, la question de sa-
voir si elles seront permanentes ou convo-
cables, le mode d'élection du Sénat, la lui
électorale. *
3* Les lois organiques complémentaires
sur l'armée, relatives à l'état-major, l'ad-
ministration militaire, etc.
4* La loi sur l'enseignement supérieur
et sur la liberté des cultes.
5* La Joi sur le régime pénitentiaire.
6* La loi sur les sucres.
M. Buffet, interrogé sur la séparation
définitive de l'Assemblée, ne croit pas de-
voir donner un avis, cela étant absolument
du ressort de l'Assemblée ; mais il insiste
sur la nécessité de faire trancher avant les
prochaines vacances la question des élec-
tions partielles. La première de ces élec-
tions doit régulièrement avoir lieu le l.r
juin ; il faudrait donc convoquer le 10 mai.
M. Buffet se retire.
La discussion a porté, après le départ
du vice-président du conseil, sur deux
points :
1* La date à fixer pour la rentrée.
Le 3 mai a été préféré au 10 mai.
2° Sur les éléments qui devaient trouver
place dans le rapport, et sur la question
de savoir s'il était convenable de toucher
d'une tacon plus ou moins directe le cas des
élections partielles.
Il a été décidé que Je président de la
commission demanderait que l'on mît en
tête de l'ordre du jour de l'Assemblée la
prise en considération de la proposition
Courcelle.
Il ne s'agit pas d'adopter le projet de M.
Courcelle, qui a été déposé il y a plus d'un
an, mais de résoudre la question.
M. Courcelle voulait que l'on ne convo-
quât pas les électeurs pour éviter de don-
ner la parole au suffrage universel. Il s'agit
aujourd'hui de surseoir, les élections géné-
rales étant sur le point de se faire.
L'Assemblée prendra aujourd'hui ce
projet de loi en considération. Il sera alors
examiné et modifié. Il est possible que la
commission de prorogation en soit saisie ;
c'est pour être fixée sur ce point qu'elle en
a demandé la mise à l'ordre du jour. Dans
tous les cas, en adressant cette requête à
l'Assemblée, il a été bien entendu que si
l'on demandait la suppression des élections
partielles, c'était.-à cause de la proximité
des élections générales.
M. de Pressensé a été nommé rappor-
teur.
+ --
Commission des Trente
La commission des Trente s'est réunie
hier, à la demande du gouvernement.
M. Dufaure est venu lui demander de
s'occuper des lois organiques qui doivent
compléter les lois constitutionnelles, de
régler les rapports des ûbiix fchambres en-
tre elles et avec le pouvoir exécutif, de
s'occuper enfin de la loi électorale pous* le
Sénat.
Un débat s'est élevé.sur la question : de
savoir si la commission demeurerait saisie
ou, au contrairA, s'il ne serait pas préïé*
rable d'attendre que le gouvernement dé-
posât un projet qui serait renvoyé soit à la
commission, - soit à une commission spé-
ciale, selon les préférences de l\A>'semblée,
M. Dufaure s'est mis à la disposition de
ses collègues. Il est certain que les Trente
furent nommés à l'époque où il s'agissait
de repousser la République. Leurs senti-
ments ne répondent pas à ceux de la majo-
rité du 25 février.
Quoi qu'il en soit, il fut déddé par 9 voix
contre 8 (ce qui fait 17 membres présents
sur 30), que la commission demeurait sai-
sie, par la raison qu'elle était très « cou*
servatrice ». M. Batbie fut chargé de s'en-
tendre avec le gouvernement, pendant les
vacances, pour la préparation des divers
projets de loi.
Il est bon de rappeler que M. Batbie a
constamment voté contre les lois constitu-
tionnelleg.
Peu de temps après que cette résolution
eut. été adoptée, M. Limpérani déposa, en
séance publique, un projet de loirelaijf
aux élections des sénateurs dans les- dé-
partemeRts. Il-en demanda le renvoi à la
commission d'initiative. C'était par le fait
dessaisir la commission des Trente. M.
Baragnon le fit remarquer et s'y opposa.
La majorité du 25 février donna gain de
cause a M. Limpérani et décida par ce fait
qu'une commission nouvelle serait chargée
d'examiner les lois organiques.
Celajnet les Trente dans une situation
délicate. Ils vont se réunir aujourd'hui
très-probablement, et après avoir décidé
hier qu'ils demeuraient saisis, ils vont re-
connaître que l'Assemblée les a dessaisis et
que dès lors leur mandat est épuisé.
—
HUMBLE SUPPLIQUE
Á Monsieur Wallon, ministre de Vin-
struction publique et des cultes.
Monsieur,
Je suis un de vos anciens élèves;
vous avez sans doute oublié mon nom,
car vous professiez l'histoire à l'Ecole
normale, et j'ai toujours eu plus de
goût pour les études purement litté-
raires. J'étais à votre cours un auditeur
très-attentif et très-Sympathique, car il
n'y eut jamais de leçons plus logique-
ment enchaînées, plus claires, plus élé-
gantes que les vôtres ; mais une fois
sorti de classe, je poursuivais d'autres
travaux, et c'était le diable pour m'ar-
racher un seul des devoirs que le règle-
ment forçait chaque professeur à exi-
ger de nous tous les mois. Vous y aviez
renoncé pour ce qui me concerne. J'en
sais quelques autres, dont vous aviez
également désespéré, et qui n'en ont
pas moins fait leur chemin. Il est vrai
qu'ils ne sont pas devenus ministres.
Vous l'êtes aujourd'hui, monsieur,
et j'ai pensé que vous seriez bien aise
que l'on vous donnât, pour votre en-
trée aux affaires, l'occasion de réparer
-une injustice et de faire un peu de bien,
De tous les dons de joyeux avènement,
je' suis convaincu que c'est celui-là qui
peut vous être le plus agréable. Je sais
combien vous avez l'esprit droit, l'âme
haute, et quel empressement vous met-
tez à corriger un des abus qui pèsent
à d'humbles fonctionnaires de cette
Université, dont les hasards de la poli-
tique vous ont fait le grand-maître,
dont vous avez toujours été l'honneur.
Vous n'ignorez pas, monsieur le mi-
nistre, la triste condition des profes-
seurs de collège, et combien elle doit
leur être plus .dure si on la met en re-
gard de celle des professeurs de lycée,
qui n'est pourtant pas déjà si brillante.
• Eatre ces deux classe. de maîtres, il y a
bien souvent égalité de grades et de
services; il n'y a jamais égalité de trai-
tements. Vous pouvez prendre le mot
traitements dans tous les sens qu'il
vous plaira.
Ce n'est pas assurément de cette iné-
galité que je me plains. Il faut bien qu'il
y ait, dans l'Université comme dans
toutes les administrations, une hiérar-
chie certaine; il est bon que si l'on
débute par être professeur dans les
collèges, on soit soutenu, encourag6
par la perspective de passer dans des
établissements plus considérables. qui
sont les lycées. Il est tout naturel que,
si l'on ne se distingue pas, on reste
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