Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-12-28
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 28 décembre 1873 28 décembre 1873
Description : 1873/12/28 (A3,N773). 1873/12/28 (A3,N773).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/03/2013
3. Année. — N° 773.
Paix u NUMÉRO : PARIS 15 CENTIMES — DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Dimanche 28 Décembre d873.
j/1
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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JOURNÉE POLITIQUE
Paris. 27 décembre 4875.
La Chambre a repris et terminé hier la
discussion générale du budget. Sur la pro-
position.sie M. le minisire des finances,
elle a resolu d'examiner le projet de nou-
veaux impôts tout de suite après le budget,
c'est-à-dire avant la loi des maires. Dans
cstte même eéance, M. Giraud a déposé
sur la proposition Courcelles, relative à l'a-
journement des élections partielles, un rap-
port qui, naturellement, est favorable ;
nous verrons plus tard ce que l'Assemblée
en pensera. Le gouvernement devait dé-
poser aussi son projet de loi sur la presse;
mais il paraît que le conseil des ministres,
au dernier moment, a trouvé l'œuvre de
MM. de Broglie et Baragnon trop réac-
tionnaire. C'est le Soir qui le dit ; nous le
croyons. Mais quel joli projet cela doit
être, pour que la majorité même da mi-
nistère en ait été scandalisée !
Si nous Avons cribquà lu. oibme aJ&m»
du Livre jaune sur les rapports de la Fran-
ce avec l'Italie, les ultramontains, de leur
cété, adressent au gouvernement le même
reproche, à un point de vue d'ailleurs tout
différent. « Nous ne savons pas plus, écrit
l'Univers, ce qu'a fait à Rome notre ambas-
sadeur auprès du pape que ce qu'y doit
faire nolre ministre près de Victor Em-
manuel. Cependant et s attentats, contre
lesquels proteste la catholicité tout entiè-
re, méritaient à coup sllr d'attirer l'atten-
tion du gouvernement français. Contre eux,
nous avons besoin de savoir s'il a été pris
des mesures ou fait des réserves, car l'an-
goisse des catholiques est à son comble,
et quand on lit les journaux italiens, l'on
voit que tout à l'heure ce n'est plus seule-
ment la liberté du pape, c'est sa vie mê-
me qui serait en cause. Pour répondre à
l'attente des catholiques, qu'a fait dans le
passé notre gouvernement ? que pense-1 il
faire dans l'avenir ? Voilà ce que ne dit
pas le Livre jaune et ce que les députés
catholiques ont le devoir de nous appren-
dre. »
La vie du pape en danger quand lo pape
fulmine tranquillement ses anathèmes
contre la plupart des gouvernements d'Ea-
rope, contre celui de son propre pays,
voilà qui passe un p-,u la-mestire ordinai-
re. Cela ne choquera point d'ailleurs le
public spécial pour lequel l'Univers écrit;
quant à Pie IX, il n'en fera que rire.
Mais ce passage de l'Univers dopne un
diapason assez exact des fureurs ulttamon-
taines. Quelle serait, dans la pratique, la
politique de l'Univers et de M. dU Tem-
ple, si elle devait prévaloir? Probablement
la guerre avec l'Italie et l'Allemagne;
expédition de Rome à l'intérieur et au
dehors. Ces déclamations ne pourraient
pas aboutir autrement. Ce n'est pas que
nous redoutions actuellement un tel résul-
tat; mais il en est un autre qu'on peut
considérer comme acquis maintenant,
et qui, s'il n'est point funeste à la France,
est au moins fâcheux pour les intérêts gé-
néraux de la liberté.
Aux provocations et aux menaces ultra-
montaines, nous avons vu déjà plusieurs
gouvernements répondre par des lois d'abso-
lutisme et de violence. M. de Bismarck,
en Allemagne, a été tout heureux de saisir
une occasion qui servait si. bien ses projets
de politique unitaire et autoritaire. A notre
grand regret, nous avons vu la Suisse
sans les mêmes raisoas d'Etat, s'en.'
gager dans la même voie. Que ne s'est-elle
contentée de faire obéir les lois par quel-
ques membres turbulents du clergé,
comme M. l'abbé Mermilloà; par exemple?
Cela n'eût point atteint la liberté des cultes.
Mais ce sont de véritables religions d'Etat
que l'on organise, et quiconque ne veut
être, en Allemagne ou en Suisse, ni vieux-
catholique, ni protestant, quiconque y
veut rester fidèle au catholicisme romain
est persécuté.
Nous constatons avec chagrin que des
tendances analogues reparaissent en An-
gleterre. Les publications insensées de M.
Manning, l'archevêque catholique deWest-
minter, y donnent au vieil esprit de secte
protestant les plus beaux prétextes d'in-
tolérance. Le Times se déclare indigné des
hardiesses dogmatiques de M. Manning. Il
nous paraît qu il prend ombrage d'assez
peu de chose. Que dirait-il d jnc s il lisait,
en France, 'les mandements de nos pré-
lats ? Malheureusement, des hommes d'E-
tat anglais, et des plus illustres, se lais-
sent entraîner par le même courant do-
pinion. Ce fut lord Russell, en personne,
qui présida, le mois dernier, le meetiug
ou les bourgeois de Londres exprimèrent
leur assentiment aux actes du gouverne-
ment de Berlin contre le clergé cîtholiq e.
Un membre de la Chambre des communes,
sic G. Bowyer, a fait là-dessus de justes
observations que le Times a publiées avec
la réponse du comte Russell : « Permettez
moi de vous dire de la manière la plus
respeotueuse, lui a-t-il écrit, qu'un mou-
vement combiné entre l'Angleterre et l'Al-
lemagne contre la religion romaine serait
une grande injustice contre les sujets
catholiques de Sa Majesté et porterait un
coup dangereux à la paix et à la prospérité
de l'Angleterre. » Dans la réponse de lord
Russell la passion a plus de part que les
sages arguments. On la lira plus loin. Lord
Russell y a prononcé bien imprudemment
le nom de l'Irlande ? Sir Robert Peel, dont
il invoque la mémoire, et qui ne rêvait
pour l'Irlande que la pacification des es-
prits, aurait été plus circonspect. Quant à
l'Angleterre opprimée par la domination
du catholicisme ronnin, c'est une plaisan-
terie qui, dans son genre, vaut celles de
M. Veuillot sur le cachot du pape.
Bataille de religions, intolérance pro-
testante contre intolérance catholique, tel
est le spectacle qui nous est offert.On nous
permettra de ne pas le trouver encoura-
geant pour l'avenir de la civilisation et de
la saiae philosophie. Nous n'avons pas
plus de goût pour le protestantisme suisse,
allemand ou anglais, que pour le catho-
licisme romain ; ce que BOUS constatons,
c'est que, presque partout, un cnlte veut
exterminer l'autre, et tend à devenir re-
ligion d'Etat. Renvoyez-nous alors au
moyen-âge ! On aimerait pou tant à con-
cevoir un autre idéal ; on voudrait croire
que le temps est venu de séparer l'Etat
d'avec l'Eglise. Mais nous vivons dans un
siècle bizarce, où les peuples n'ont guère
plus de foi, et où pourtant ce sont tou-
jours les passions religieuses qui finissent
par les gouverner. -
EUG. LIÉÈIMT.
P. S. — Nous recevons le corapte-renlu
de la séance du conseil municipal d'hier.
EUejtété intéressante. On verra que les
dernières taxes d'octroi qui restaient à vo-
ter (fromages, fruits lecs, zinc et plomb,etc.)
ont pu être abandonnées. La discussion a
commencé sur les nouvelles taxes de voi-
rie.
- — 1 ■■ —
L'entrée en France vient d'être interdite
à la Patrie de Genève. Cette mesure nous
paraît d'autant plus regrettable que la
Patrie genevoise, l'un des plus importants
organes de la Suisse romande, était sym-
pathique à la France. Ses opinions répu-
blicaines étaient assez modérées, car, à
l'époque des dernières élections de Paris,
elle se prononça énergiquement pour h
candidature de *M. de Rémusat, qui était
combattue par tous les autres organes de
la presse radicale suisse. Certains journaux
des cantons allemands ont souvent repro-
ché à la Patrie sei tendances françaises.
Et c'est sur elle que tombe la sévérité du
gouvernement de Versailles! Interdiction
doublement maladroite, car elle indispo-
sera contre nous les populations de la
Suisse française qui sont sympathiques à
notre pays, et elle fournira aux journaux
de la Suisse allemande un sujet de récri-
minations en faveur de la politique pour-
suivie par la Prusse dans la Confédération
helvétique.
Voilà plusieurs jours qu'on s'occupe
a l'Assemblée et dans les journaux de
la convention intervenue entre le minis-
tre des finances, agissant au nom de
l'Etat, et M. Rouher, fondé de pouvoirs
de la veuve de Napoléon III, au sujet de
la liquidation de la liste civile impériale.
M.Fourcand, l'honorable député de la Gi-
ronde, a même déposé une interpellation
dans le but d'obliger le gouvernement à
soumettre aux représentants du pays les
termes du traité, qui, paraît-il, devient
exécutoire à partir du 1er janvier 1874.
C'est, en effet, le droit et le devoir de
l'Assemblée d'examiner une transaction
d'autant plus importante qu'elle consti-
tue l'Etat débiteur d'une somme de près
de trois millions envers les héritiers de
Napoléon. Mais, s'il faut l'avouer, nous
ne comprendrions pas que la politique
eût la plus petite part dans un débat de
cette nature. Quand il s'est agi de resti-
tuer à la famille d'Orléans les minions
que l'Empire lui avait confisqués, on ne
s'est point demandé si le bénéficiaire
principal ferait usage de cet argent dans
l'intérêt de sa cause; on devait, on a
payé. De même il ne nous est point per-
mis de nous dire que peut-être le parti
bonapartiste ne se servira des trois mil-
lions réclamés à la France que pour sti-
muler la campagne de propagande qu'il
poursuit depuis plusieurs mois dans les
départements. Si nous devons, payons.
M. Rouher a bien voulu, paraît-il, ac-
corder du temps au Trésor pour acquit-
ter la facture impériale. Tant pis; tout
autre ministre des finances que M. Magne
n'eût sans doute pas manqué de penser
comme nous qu'il valait mieux en finir
d'un coup avec une dette de cette na-
ture, sauf à trouver un impôt spécial à
répartir sur tous les contribuables, dû-
ment avertis qu'après avoir donné leurs
économies aux Prussiens, il leur fallait
encore apporter leur obole à la veuve et
à l'orphelin. Mais puisque, sans doute en
considération du mauvais état de nos
finances en dépit des fameux dix-huit ans
de prospérité impériale, notre créancière
consent à n'être payée que par annuités,
montrons-nous dignes de cette marque
de confiance, et ne marchandons pas.
La collection d'armes du château de
Pierrefonds appartenait en propre à
l'empereur ; c'est sur sa cassette parti-
culière, comme on dit en style monar-
chique, qu'il l'avait payée, et elle lui re-
venait à près de 400,000 francs. C'est,
dit-on, une affaire avantageuse qu'avait
conclue l'empereur, car, aujourd'hui,
on assure que cette collection a acquis
une plus-value d'un million. S'il est vrai
que les armes dont elle se compose
donneraient à notre musée d'artillerie
une richesse incomparable et en feraient
le premier musée du monde, il n'y a
pas à hésiter. Offrons à l'héritière de
Napoléon le bénéfice auquel elle a le droit
de prétendre. Sans doute elle donnera la
préférence à son pays d'adoption, et
nous prouverons ainsi que, même en
République, la France sait à l'occasion se
payer des fantaisies royales.
Nous ne parlons pas, bien entendu,
d'un certain nombre de tableaux récla-
més par les ayant-droit comme tableaux
de famille. Eussent-ils été payés sur le
budget des baaux-arts, s'ils représen-
tent, en effet, des sujets intimes, nous ne
voyons pas quel intérêt nous aurions à
en revendiquer la possession.
Quant à ce qui concerne le musée
chinois, nous déclarons ne nous associer
dans aucune mesure aux nombreuses
controverses dont il est l'objet dans la
plupart des journaux, sans acception de
nuances. Presque tout le monde s'ac-
corde - à dire que ce musée ne peut être
considéré comme une propriété particu-
lière, pour deux raisons : la première,
c'est qu'il est un trophée de l'armée
française ; la seconde, c'est que le don
en a été fait, non pas à Napoléon, mais à
la nation elle-même, dans la personne
du chef de l'Etat.
La France rappelle, à ce propos, qu'à
la mort du maréchal Vaillant, l'Etat fit
réclamer les clefs de Rome, souvenir de
l'expédition française, et que ces clefs,
faisant partie de la succession du maré-
chal, furent pourtant restituées à l'Etat.
Le principe est irréprochable. Il ne peut
venir à l'idée de flWWJflhe qu'dh fepeau
enlevé à l'ennemi parun soldatappartienne
à ce soldat; mais il faut prendre garde
qu'on arriverait à d'étranges conclusions
si, dans la pratique, il était admis que
ce principe général ne souffre point
d'exceptions.
Quand il s'agit d'objets ayant une va-
leur purement historique, comme les
clefs de Rome ou bien un étendard, il
va de soi qu'ils deviennent une propriété
nationale ; mais on ne saurait assimiler
à ce glorieux butin celui de la rapine et
du pillage. Or, la collection du musée
chinois est dans ce dernier cas.
Le général Cousin Montauban, comte
de Palikao, a pris Pékin; il est entré
dans le palais d'Eté, d'où il a enlevé les
objets les plus précieux, laissant le reste
à la discrétion de ses troupes ; et voilà
le trophée dont il a fait présent à l'em-
pereur! N'en soyons pas jaloux. L'em-
pereur Guillaume ne s'imaginera jamais
de réclamer à ses lieutenants les pendu-
les, les bronzes et autres souvenirs qu'ils
ont emportés de France. Ils leur appar-
tiennent comme appartient le musée
chinois aux héritiers de l'empereur.
Qu'ils le prennent.
Et finissons-en vite avec un marchan-
dage où nos finances n'ont guère à ga-
gner, où notre dignité pourrait perdre
beaucoup. Quand le vin est tiré, il faut le
boire; la France a fait l'Empire, elle l'a
supporté pendant dix-huit ans, et il lui
coûte, en fin de compte, dix milliards
et deux provinces. Qu'est-ce que trois
millions de plus ou de moins, surtout
quand on songe que c'est la dernière
quittance à payer que nous présente la
liste civile impériale ?
E. SCHNERB.
----.----------+--- .-------.--.
Voici la lettre de lord Russell, dont il
est parlé dans la Journée politique :
Cher sir Georges Bowyer,
Je suis fâché de différer d'opinion avec
vous sur la démarche que j'ai faite en acceptant
la présidence d'un meeting dont le but est d'ex-
primer la sympathie du public anglais aux dé-
clarations faites par l'empereur d'Allemagne
dans sa lettre au pape.
Suivant moi, nous sommes arrivés à cette
époque prévue par sir Robert Peel, où l'Eglise
catholique romaine ne se contente plus d être
sur le pied d'égalité avec les autres religions et
où rien ne pourra la satisfaire, si ce n'est la
domination.
A cette domination, qui ose s'affirmer sur
toutes les personnes ayant reçu le baptême et
qui a la prétention d'inclure et la reine, et le
prince de Ciliés, et nos évêques, et notre clergé,
je refuse de me soumettre.
A Rome, on affirme l'autonomie de l'Ir-
lande. Je repousse la suprématie temporelle du
pape sur cette partie de l'empire britannique.
Signé : RUSSELL.
—
COURRIER PARLEMENTAIRE
Versailles, 26 décembre 4873.
Suite et fin de la discussion générale du
budget. On connaît notre théorie en pa-
reille matière ; nous- n'avons plus qu'à la
mettre en pratique, c'est-à-dire à ne pas
entrer dans la discussion de la discussiou
générale.
MM. Chesnelong, Magne, Léon Say,
Alfred André et Germain se sont tour à
tour fait entendre et écouter; après quoi,
la clôture de la discussion générale ayant
été votée d'un accord presque unanime,
M. Keller est revenu, à propos d'un cha-
pitre particulier, sur tout ce qui faisait le
fond de la discussion générale. La dame
des pensées pour laquelle tous ces finan-
ciers rompent des lances est la Banque
de France, uae grosse jeune première,
rebondie, qui ne manque pas de char
mes.
M. Chesnelong, rapporteur du budget des
finances, gagne à être entendu dans tout
autre genre que le genre prophétique.
Comme son talent consiste à savoir entou-
rer une dose hoinœopathique de réalités
d'une immensité de phrases, afin de pré-
senter à rœil et à l'ouïe un ensemble res-
pectable, il est réellement fort lorsqu'il a
ua peu de fond à mettre au service de tout
ce qu'il a de forme. Sa fameuse déclara-
tion, relative à l'entrevue de Frohsdorf, ne
contenait absolument rien ; débitée d'une
voix sonore et sur le mode prophétique,
elle a été accueillie avec estims par la
droite; son discours d'aujourd'hui, qui
contient les idées, et les idées bien expri-
mées de M. Magne, ne peut être un mau-
vais discours.
Quelle que soit, d'ailleurs, la branche
oratoire qu'exploite M. Chesnelong, le pro-
cédé qu'il emploie est toujours le même :
sa principale force consiste daps la
rapidité de son d-'ïbit ; M. Chesnelong
est certainement l'orateur de la Cham-
bre dont le courant se cube pat- le
plus gros chiffre. Député des Basses-Py-
rénées, cet honorable nous fait l'tftet
d'uu contrebandier de la parole, faisant
passer en fraude une foule de choses,
grâce à la rapidité de la marche et à la pres-
tesse des mouvements ; reste le bruit.
mais l'on sait que ce qui est défavorable
au contrebandier ne nuit nullement au dé-
puté. Faut il croire à cette rumeur qui
assure que, si M. Magne jetait son
portefeuille aux orties, M. Chesnelong ne
craindrait pas de se piquer les doigts eii le
ramassant?
Quelques mots nets, vifs, de M. Léon
Say pour appuyer derechef son système,
qui nous paraît le plus pratique de tous
dans la situation difficile où nous patau-
geons. Et M. Alfred André, banquier, fait
un discours de fond sur la situation géné-
rale financière. Après quoi, M. Germain,
banquier, se lance dans des considérations
én le pa:::é, le présent etTave-
nir de nos finances.
M. Germain, gendre du conservateur
M. Vuitry et conservateur lui-même,
est un révolutionnaire en matière budgé-
taire. Ministre des finances de. l'avenir,
son heure venue, il appliquera sans doute
les théories de ses prédécesseurs; mais,
pour le moment, il tient à montrer qu'il
a des idées à lui, — ou, du moins, des
idées qui n'appartiennent pas à tout le
monde. Aujourd'hui le procéda — artifi-
ciel, comme l'a appelé M. Magae, — que
M. Germain a proposé, ne nous a pas sé
duit. Mais la fin du discours du financier
du centre gauche a produit une grande
impression sur toute la partie républicaine
de-l'Assemblée :
«. Pour rendre au pays lactivité et,
par conséquent, la prospérité, il faut qu'il
y ait, en outre, un gouvernement qui so.t
une réalité vivante, qui soit le chef de c¿s
sept millions de conservateurs demandant
au gouvernement de leur assurer à la fois
l'ordre et les conquêtes de la Républi-
que. » -
Les applaudissements du côté gauche
venaient de prendre fin, lorsque M. Magne
a répondu : « Je suis convaincu qu'avec
de la sagesse, qu'avec un gouvernement
solide et conservateur, comme le deman-
dait l'honorable M. Germaiu. » Et sou-
dain, la salve d'applaudisgemeuts s'est ra
vivée à gauche. La droite, sentânt le coup,
a voulu le parer, en prenant part au mou-
vement; mais , prise à l'improviste et
quelque peu hésitante, sans doute, entre
le gouvernement solide et conservateur de
M. Germain, le gouvernement également
solide et conservateur da. M. Msgne et
la pluralité de ses gouvernement-; non
moins solides et conservateurs, elle n'a
pas mis à son approbation un ensemble
digne de cette admirable majorité indis-
soluble que vous connaissez.
Du discours de M. le ministre des fi.
nances — qui - s'est - montré à la hauteur
de lui-même dans la première partie de
son allocution et à la taille du M. Magne
de samedi dans la seconde partie,—nous ne
parlerions pas, si un passage de ce discours
ne nous avait fait tre saillir. M. le minis-
tre déclare qu'il est pressé par le temps
pour les anciens et les nouveaux impôts,
car, à partir du 1er jauvier, le Trésor per-
dra douze millions par mois de retard, et
il termine par cette phrase : « J'insiste
donc pour que le budget soit voté sans dés-
emparer. »
Là ! qu ont dit ces exécrables orateurs de
la gaucke lorsque les excellentes gens de
la droite ont voulu, à toute force, inter-
caler la loi des maires entre deux actes du
budget ? Qu'a dit, entre autres, ce fou de
M. Langlois s'adrebsant aux sages mo-
narchistes, qui n'ont pas voum l'écoute r ?
Cette insinuation ministérielle est sou-
lignée par un rapide bravo de la gauche
et par un silence embarrassé de la droite.
Evidemment, de ce côté de l'A--semblée,on
espère encore que le ministre des finances
vient seulement de laisser échapper un
désir et n'exprime pas une volonté, qui
est une blessure ouverte au flanc du Cabi-
net politique. Montrer des plaies qui
excitent toute autre chose que la compas-
sion, cela est mauvais ; nous sommes de
cet avis.
Lafln de la journée est pleine de petits
incidents qui jettent le mouvement dans
cette séance si calme.
M. Giraud dépose son rapport sur la
proposition de M. Courcelles, relative à la
suppression des élections partielles. Ce
rapport, qui n'est pas lu, conclut, assure-
t-OB, à la prise en considération de la pro-
position. Il est bien heureux qu'il y ait
dans la droite une quarantaine de bona-
partistes qui échafaudent leur principe sur
les consultations populaires: avec l'ap-
point de ceux-là, la proposition Courcelles
fût été trouvée admirable; leur adhésion
manquant, la proposition restera détes-
table.
Le vote final sur l'amendement Tirard,
dernière épave du budget des dépenses,
amène un assez vif conflit entra MM. Ches-
nelong et Magne d'une part et M. Tirard de
l'autre ; M. Léon Say attrape même, en
cette affaire, un projectile égaré qu'il rap-
porte avec délicatesse dans le jardin de
M. Magne. -.,
(Jet amendement Tirard, si l'on s en
souvient, diminuait d'une somme de 500,C00
francs le chapitre « Matériel, » qni a
subi, cette année, une malheureuse aug-
mentation de 1,800,000 francs, c'est-à dire
qui a, presque doublé. Lorsque M. Ti-
rard fit ex àbruplo sauter cette anomaie
aut yeux de l'Assemblée, M. Lefebure, le
sous-secrétaire d'Etat aux finances, tut
beau avoir recours à toutes les ressouices
de son immense talent, la demande de ré-
duction de 500,000 fr. fut prise en considé-
ration. Et nous disions alors : C'est le pre-
mier mouvement, le bon ; attendons le se-
cond.
Le second s'est produit aujourd'hui, et,
malgré M. Tirard, qui a fait observer que
le détail apporté à la tribune par M. Ches-
nelong lui était vainement demandé depuis
trois jours, de telle sorte que les chiffres
ne semblent pas être la base de l'augmen-
tation, mais que l'augmentation paraît
avoir servi de base pour établir les chif-
fres, le second mouvement a fait repousser
l'amendement Tirard par 121 voix contre
440.
Cette première altercation avait déjà un
peu échauffé les esprits ; aussi la discus-
sion a-t-elle failli tourner à l'aigre lorsque,
M. de Larcy ayant déposé le projet de loi
sur la convention intervenue entre le gou-
vernement et la liste civile, il a été ques-
tion de la mise à l'ordre du jour de ce
projet dans les bureaux. Tout a bien fini,
— quoique rien ne soit fini.
Mais ce qui a peut-être plus d'impor-
tance que ces chamailleries, c'est la décla-
ration formelle apportée incidemment par
M. le président de la commission du bud-
get et confirmée par M. le ministre des fi-
nances : l'Assemblée s'occupera des nou-
veaux impôts sur lesquels on est d'accord
immédiatement après le vote du budget
général des recettes, — c'est-à-dire avant
de discuter la loi sur les maires !
Et c'est pour arriver à ce résultat inévita-
ble que M. LéoncedeLavergne, le président
de la commission du budget, a mis, il y
a huit jours, tant de faiblesse au service
des rancunes politiques de ses amis de la
droite! Et c'est pour arriver à ce ié$ultat
forcé que le Cabinepolitique n'a pas craint
de tendre sa joue à la main financière et
paternelle de M. Magne! -
La chose s'est passée sans bruit, en cati-
mini pour ainsi dire; mais le péché n'est
pas asez caché pour que le Cabinet ait
droit au moindre pardon.
PAUL LAFARGUE.
.-.- -.-_u .'--' u.-
M. François-Victor Hugo est mort hier
vendredi, à midi.
L'enterrement aura lieu demain diman-
che 28, à midi très-précis. Oa se réunira
à la maison mortuaire, rue Drouot, 20.
Aucuno lettre d'invitation n'a été en-
voyée. Ses amis sont priés de considérer
le présent avis comme en tenant lieu.
"- —♦ -
L'INFAILLIBILITÉ ÉPISCOPALE
Il vient de se juger au tribunal cor-
rectionnel de la Seine, sous la prési-
dence de M. Gérin, une affaire qui ne
serait pas plus curieuse que tant d'au-
tres si elle "ne mettait quelques évêques
en scène, si elle ne montrait combien ces
messieurs ont tort de ne pas se consa-
crer tout entier aux intérêts spirituels
qui leur sont confiés, avec quelle légè-
reté, ils prêtent l'autorité de leur nom et
le prestige de leur sacerdoce à des œu-
vres soi-disant religieuses, sous le cou-
vert desquelles se tripotent des affaires
véreuses et des spéculations éhontées.
Il s'agit d'un bon apôtre, qui, se don-
nant pour mission ostensible de propa-
ger les idées catholiques, avait fondé dk
vers journaux, la France nouvelle, qu'il
avait d'abord appelée : le Petit Univers,
feuille à cinq centimes, puis, comme an-
nexe, la. Semaine illustrée, et qui s'était
avisé plus tard de joindre à ces deux en-
treprises - une imprimerie, qu'il avait
nommée : Imprimerie catholique. Elle était,
disait le prospectus, destinée à popula-
riser les bons livres, par l'abaissement
des prix et à faciliter aux écrivains reli-
gieux la publication de leurs ouvrages.
L'industriel qui avait lancé toutes ses
affaires était Lyonnais d'origine, très-ré-
puté dans le parti catholique pour la
ferveur de ses opinions et pour le zèle
qu'il déployait en faveur de la bonne
cause. Il portait le nom céleste d'Azur et
personne n'était ni mieux vu que lui ni
plus appuyé de toute la sainte congréga-
tion.
Ses prospectus n'auraient pourtant
pas , séduit le public s'ils n'avaient été
revêtus d'approbations épiscopales. Mais
comment voulez-vous qu'un vrai dévo4
conserve de la méfiance quand it lit sur
le programme qui lui est envoyé : que
l'œuvre n'est pas seulement une action
des plus méritoires au point de vue de
la religion, mais qu'elle est aussi pour le
souscripteur un placement avantageux ;
et quand il voit au bas de ces promesses
la signature vénérée de plusieurs évê.
ques ?
Parmi ces évêques, quelques-uns même
n'avaient pas craint de s'avancer avec
une hardiesse dont ils doivent se re-
pentir aujourd'hui. L'évêque de Nancy
avait dit en propres termes : .« La grande
Imprimerie catholique de France est
tout à la fois une bonne œuvre et une
excellente affaire. » Vous imaginez aisé-
ment l'effet de ces paroles imprudentes
sur les âmes naïves.
Le capital social de la France nouvelle
était divisé en deux mille parts de cent
francs chacune. L'empressement fut tel
que le public en souscrivit deux mille
quarante, c'est-à-dire plus qu'il n'y en
avait. Il faut dire au reste que ce détail
n'embarrassa aucunement Azur, quiaurait
sans doute délivré dix mille récépissés,
s'il s'était trouvé dix mille badauds pour
lui apporter leur argent.
L'Imprimerie catholique, elle, la grande
Imprimerie catholique était constituée au
capital de deux millions, divisé en qua-
tre mille actions de 500 francs chacune.
Seize cents furent souscrites, et sur ces
seize cents, onze cents furent complète-
ment libérées ; les cinq cents autres ne
furent libérées que de deux cents francs.
Ce n'en fut pas moins une belle et bonne
somme de 650 mille francs, qui tomba
dans la caisse du bel Azur. Joignez-y
les 204 mille francs dé la France nou-
velle ; vous approchez du million.
Attendez, il va se parfaire.
La Semaine illustrée ou Y Illustration
catholique était constituée au capital de
200 mille francs. 787 parts seulement
furent souscrites ; il paraît que le public
se lassait. Mais enfin c'était encore une
cinquantaine de mille francs. *
De ce * million savez-vous ce qui
reste ?
Pas un sou.
Tout a été mangé, dévoré, et s'il vous
plaît de savoir comment, vous n'avez
qu'à lire la Gazette des Tribunaux.
Elle ne vous apprendra, d'ailleurs, rien
que vous ne sachiez. Les faiseurs sont
touj ours les mêmes. Ce qui distingue
ceux-là, c'est qu'ils étaient prônés, pro-
tégés, poussés par tout le clergé de
France ; c'est qu'ils ouvraient des sous-
criptions pour le pape, qui n'en touchera
jamais rien ; c'est qu'ils tonnaient sans
cesse contre l'irréligion du siècle et
nous prenaient à partie, nous autres, ia-
dévots, sur njs mauvaises mœurs ; c'est
enfin, c'est surtout qu'ils étaient chau-
dement recommandes par des évêques,
qui ne craignaient pas de compromettre
leur nom dans des prospectus indus-
triels.
Et si un pauvre diable écrivait un jour
à l'évêque de Nancy :
« Monseigneur,
» Je me suis engagé, sur votre parole,
dans l'affaire de l'Imprimerie catholi-
que; me voilà ruiné aujourd'hui. Les
coquins, qui se sont présentés de votre
part m'ont mis sur la paille. Rendez-
moi ce qu'ils m'ont pris ! »
Que répondrait monseigneur à cette
réclamation, qui ne laisse pas d'avoir
quelque apparence d'équité ?
FRANCISQUE SARCEY.
Nous avons dit que M. Swiney s'est fait in-
scrire à la gauche républicaine. Voici l'excel-
lente lettre qu'il adresse à ses électeurs :
Mes chers concitoyens,
Lorsque j'ai été présenté à vos suffra-
ges, je me suis fait un devoir de vous dire
localement quelle serait ma conduite à
l'Assemblée nationale.
Vous avez eu foi dans mes déclarations,
que garantissaient les convictions de toute
ma vie, et c'est en vain qu'on a tenté près
de vous de dénaturer le caractère de ma
candidature. Aujourd'hui, vous savez ce
que je ferai, et je ais, moi aussi, ce que
vous voulez faire. Vous voulez fonder la
République, vous la voulez libérale, vous
la voulez modérée, vous attendez d'elle
l'ordre et la paix. Ces vœux sont les
miens; ils sont ceux de vcs élus du 2 juil-
let 1871, pour qui les suffrages que vous
m'avez donnés sont une nouvelle consé-
cration
je ne me présente point a i Assemblée
en ennemi du gouvernement de M. de
Mac-Mahon, président de la République.
Un député soucieux de son indépendance
ne doit avoir, selon moi, ni pour l'appro-
batioa, ni pour le blâme, de parti-pris.
Je serai heureux de soutenir de mon
vote sa politique, si elle tend à établir sin-
cèrement la République et à satisfaire la
France, qui vient, une fois encore, de .se
prononcer avec éclat.
Mais s'il me demande de voter des lois
qui, comme celles dont on annonce la
d'scussion prochaine, enlèveront aux com-
munes le droit essentiel de choisir leuri
maires, et réduiront à une forme illusoire
l'exercice du suffrage universel, je repous.
serai énergiquement de telles mesures,
comme un outrage au séntiment public et
un expédient imaginé par les partis qu'a
condamnés la nation, pour imposer leur
volonté à la sienne.
Vous m'avez donné vis-à-vis du gou-
vernement un devoir de contrôle; je m'ef-
forcerai de le remplir sans faiblesse et
sans partialité. L'exemple de l'Empire est
là pour nous faire souvenir combien de
malheurs un pouvoir sans contrôle attire
sur lui et sur la patrie. C'est dans un con-
trôle ferme et juste que sera la meilleure
force d'un gouvernement républicain.
J'ose espérer, mes chers concitoyens,
que cette façon d'entendre ses devoirs n'é-
loignera jamais de vous votre dévoué re-
présentant.
G. Swiney.
Ce 19 décembre 1873.
COMMISSION DES TRENTE
Séance du 26 décembre.
M. le président Batbie ouvre !a séance â
midi et demi.
M. Talion, secrétaire, lit le procès-verbaldela
séance du 24. Le procès-verbal est adopté.
M. Grivart - La question dominante est
celle-ci : Convient-il de conserver ou de res-
treindre le suffrage universel? Je n'ai à l'égard
du suffrage universel ni respect superstitieux,
ni préjugé. Ce n'est pas un droit primordial et
naturel. C'est un droit concédé. Le droit pri-
mordial de tous les citoyens, c'est d'être bka
gouvernés, voiià le droit essentiel. J'admets
donc que vis-à-vis le suffrage universel, nous
avons tous les droits ; mais avons vous la puis-
sance? J'en doute. Une atteinte profonde por-
tée au suffrage universel ne trouverait pas la
majorité dans l'Assemblée. C'est un malheur
pour la France d'avoir été brusquement dotéo
du suffrage universel, mais l'institution existe,
elle s'est enracinée depuis 25 ans. Un grand
nombre de citoyens y sont intéressés et n'ad-
mettront pas facilement qu'on les en prive. La
suffrage universel s'est souvent compromis, mais
dans son ensemble, il a été conservateur et par-
fois ultra conservateur.
Le nombre a corrigé les erreurs du nombre.
L autorité morale du suffrage universel n'est
Paix u NUMÉRO : PARIS 15 CENTIMES — DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Dimanche 28 Décembre d873.
j/1
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
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advertising, agent, 13, Tavistockrow, CoventGarden.
JOURNÉE POLITIQUE
Paris. 27 décembre 4875.
La Chambre a repris et terminé hier la
discussion générale du budget. Sur la pro-
position.sie M. le minisire des finances,
elle a resolu d'examiner le projet de nou-
veaux impôts tout de suite après le budget,
c'est-à-dire avant la loi des maires. Dans
cstte même eéance, M. Giraud a déposé
sur la proposition Courcelles, relative à l'a-
journement des élections partielles, un rap-
port qui, naturellement, est favorable ;
nous verrons plus tard ce que l'Assemblée
en pensera. Le gouvernement devait dé-
poser aussi son projet de loi sur la presse;
mais il paraît que le conseil des ministres,
au dernier moment, a trouvé l'œuvre de
MM. de Broglie et Baragnon trop réac-
tionnaire. C'est le Soir qui le dit ; nous le
croyons. Mais quel joli projet cela doit
être, pour que la majorité même da mi-
nistère en ait été scandalisée !
Si nous Avons cribquà lu. oibme aJ&m»
du Livre jaune sur les rapports de la Fran-
ce avec l'Italie, les ultramontains, de leur
cété, adressent au gouvernement le même
reproche, à un point de vue d'ailleurs tout
différent. « Nous ne savons pas plus, écrit
l'Univers, ce qu'a fait à Rome notre ambas-
sadeur auprès du pape que ce qu'y doit
faire nolre ministre près de Victor Em-
manuel. Cependant et s attentats, contre
lesquels proteste la catholicité tout entiè-
re, méritaient à coup sllr d'attirer l'atten-
tion du gouvernement français. Contre eux,
nous avons besoin de savoir s'il a été pris
des mesures ou fait des réserves, car l'an-
goisse des catholiques est à son comble,
et quand on lit les journaux italiens, l'on
voit que tout à l'heure ce n'est plus seule-
ment la liberté du pape, c'est sa vie mê-
me qui serait en cause. Pour répondre à
l'attente des catholiques, qu'a fait dans le
passé notre gouvernement ? que pense-1 il
faire dans l'avenir ? Voilà ce que ne dit
pas le Livre jaune et ce que les députés
catholiques ont le devoir de nous appren-
dre. »
La vie du pape en danger quand lo pape
fulmine tranquillement ses anathèmes
contre la plupart des gouvernements d'Ea-
rope, contre celui de son propre pays,
voilà qui passe un p-,u la-mestire ordinai-
re. Cela ne choquera point d'ailleurs le
public spécial pour lequel l'Univers écrit;
quant à Pie IX, il n'en fera que rire.
Mais ce passage de l'Univers dopne un
diapason assez exact des fureurs ulttamon-
taines. Quelle serait, dans la pratique, la
politique de l'Univers et de M. dU Tem-
ple, si elle devait prévaloir? Probablement
la guerre avec l'Italie et l'Allemagne;
expédition de Rome à l'intérieur et au
dehors. Ces déclamations ne pourraient
pas aboutir autrement. Ce n'est pas que
nous redoutions actuellement un tel résul-
tat; mais il en est un autre qu'on peut
considérer comme acquis maintenant,
et qui, s'il n'est point funeste à la France,
est au moins fâcheux pour les intérêts gé-
néraux de la liberté.
Aux provocations et aux menaces ultra-
montaines, nous avons vu déjà plusieurs
gouvernements répondre par des lois d'abso-
lutisme et de violence. M. de Bismarck,
en Allemagne, a été tout heureux de saisir
une occasion qui servait si. bien ses projets
de politique unitaire et autoritaire. A notre
grand regret, nous avons vu la Suisse
sans les mêmes raisoas d'Etat, s'en.'
gager dans la même voie. Que ne s'est-elle
contentée de faire obéir les lois par quel-
ques membres turbulents du clergé,
comme M. l'abbé Mermilloà; par exemple?
Cela n'eût point atteint la liberté des cultes.
Mais ce sont de véritables religions d'Etat
que l'on organise, et quiconque ne veut
être, en Allemagne ou en Suisse, ni vieux-
catholique, ni protestant, quiconque y
veut rester fidèle au catholicisme romain
est persécuté.
Nous constatons avec chagrin que des
tendances analogues reparaissent en An-
gleterre. Les publications insensées de M.
Manning, l'archevêque catholique deWest-
minter, y donnent au vieil esprit de secte
protestant les plus beaux prétextes d'in-
tolérance. Le Times se déclare indigné des
hardiesses dogmatiques de M. Manning. Il
nous paraît qu il prend ombrage d'assez
peu de chose. Que dirait-il d jnc s il lisait,
en France, 'les mandements de nos pré-
lats ? Malheureusement, des hommes d'E-
tat anglais, et des plus illustres, se lais-
sent entraîner par le même courant do-
pinion. Ce fut lord Russell, en personne,
qui présida, le mois dernier, le meetiug
ou les bourgeois de Londres exprimèrent
leur assentiment aux actes du gouverne-
ment de Berlin contre le clergé cîtholiq e.
Un membre de la Chambre des communes,
sic G. Bowyer, a fait là-dessus de justes
observations que le Times a publiées avec
la réponse du comte Russell : « Permettez
moi de vous dire de la manière la plus
respeotueuse, lui a-t-il écrit, qu'un mou-
vement combiné entre l'Angleterre et l'Al-
lemagne contre la religion romaine serait
une grande injustice contre les sujets
catholiques de Sa Majesté et porterait un
coup dangereux à la paix et à la prospérité
de l'Angleterre. » Dans la réponse de lord
Russell la passion a plus de part que les
sages arguments. On la lira plus loin. Lord
Russell y a prononcé bien imprudemment
le nom de l'Irlande ? Sir Robert Peel, dont
il invoque la mémoire, et qui ne rêvait
pour l'Irlande que la pacification des es-
prits, aurait été plus circonspect. Quant à
l'Angleterre opprimée par la domination
du catholicisme ronnin, c'est une plaisan-
terie qui, dans son genre, vaut celles de
M. Veuillot sur le cachot du pape.
Bataille de religions, intolérance pro-
testante contre intolérance catholique, tel
est le spectacle qui nous est offert.On nous
permettra de ne pas le trouver encoura-
geant pour l'avenir de la civilisation et de
la saiae philosophie. Nous n'avons pas
plus de goût pour le protestantisme suisse,
allemand ou anglais, que pour le catho-
licisme romain ; ce que BOUS constatons,
c'est que, presque partout, un cnlte veut
exterminer l'autre, et tend à devenir re-
ligion d'Etat. Renvoyez-nous alors au
moyen-âge ! On aimerait pou tant à con-
cevoir un autre idéal ; on voudrait croire
que le temps est venu de séparer l'Etat
d'avec l'Eglise. Mais nous vivons dans un
siècle bizarce, où les peuples n'ont guère
plus de foi, et où pourtant ce sont tou-
jours les passions religieuses qui finissent
par les gouverner. -
EUG. LIÉÈIMT.
P. S. — Nous recevons le corapte-renlu
de la séance du conseil municipal d'hier.
EUejtété intéressante. On verra que les
dernières taxes d'octroi qui restaient à vo-
ter (fromages, fruits lecs, zinc et plomb,etc.)
ont pu être abandonnées. La discussion a
commencé sur les nouvelles taxes de voi-
rie.
- — 1 ■■ —
L'entrée en France vient d'être interdite
à la Patrie de Genève. Cette mesure nous
paraît d'autant plus regrettable que la
Patrie genevoise, l'un des plus importants
organes de la Suisse romande, était sym-
pathique à la France. Ses opinions répu-
blicaines étaient assez modérées, car, à
l'époque des dernières élections de Paris,
elle se prononça énergiquement pour h
candidature de *M. de Rémusat, qui était
combattue par tous les autres organes de
la presse radicale suisse. Certains journaux
des cantons allemands ont souvent repro-
ché à la Patrie sei tendances françaises.
Et c'est sur elle que tombe la sévérité du
gouvernement de Versailles! Interdiction
doublement maladroite, car elle indispo-
sera contre nous les populations de la
Suisse française qui sont sympathiques à
notre pays, et elle fournira aux journaux
de la Suisse allemande un sujet de récri-
minations en faveur de la politique pour-
suivie par la Prusse dans la Confédération
helvétique.
Voilà plusieurs jours qu'on s'occupe
a l'Assemblée et dans les journaux de
la convention intervenue entre le minis-
tre des finances, agissant au nom de
l'Etat, et M. Rouher, fondé de pouvoirs
de la veuve de Napoléon III, au sujet de
la liquidation de la liste civile impériale.
M.Fourcand, l'honorable député de la Gi-
ronde, a même déposé une interpellation
dans le but d'obliger le gouvernement à
soumettre aux représentants du pays les
termes du traité, qui, paraît-il, devient
exécutoire à partir du 1er janvier 1874.
C'est, en effet, le droit et le devoir de
l'Assemblée d'examiner une transaction
d'autant plus importante qu'elle consti-
tue l'Etat débiteur d'une somme de près
de trois millions envers les héritiers de
Napoléon. Mais, s'il faut l'avouer, nous
ne comprendrions pas que la politique
eût la plus petite part dans un débat de
cette nature. Quand il s'est agi de resti-
tuer à la famille d'Orléans les minions
que l'Empire lui avait confisqués, on ne
s'est point demandé si le bénéficiaire
principal ferait usage de cet argent dans
l'intérêt de sa cause; on devait, on a
payé. De même il ne nous est point per-
mis de nous dire que peut-être le parti
bonapartiste ne se servira des trois mil-
lions réclamés à la France que pour sti-
muler la campagne de propagande qu'il
poursuit depuis plusieurs mois dans les
départements. Si nous devons, payons.
M. Rouher a bien voulu, paraît-il, ac-
corder du temps au Trésor pour acquit-
ter la facture impériale. Tant pis; tout
autre ministre des finances que M. Magne
n'eût sans doute pas manqué de penser
comme nous qu'il valait mieux en finir
d'un coup avec une dette de cette na-
ture, sauf à trouver un impôt spécial à
répartir sur tous les contribuables, dû-
ment avertis qu'après avoir donné leurs
économies aux Prussiens, il leur fallait
encore apporter leur obole à la veuve et
à l'orphelin. Mais puisque, sans doute en
considération du mauvais état de nos
finances en dépit des fameux dix-huit ans
de prospérité impériale, notre créancière
consent à n'être payée que par annuités,
montrons-nous dignes de cette marque
de confiance, et ne marchandons pas.
La collection d'armes du château de
Pierrefonds appartenait en propre à
l'empereur ; c'est sur sa cassette parti-
culière, comme on dit en style monar-
chique, qu'il l'avait payée, et elle lui re-
venait à près de 400,000 francs. C'est,
dit-on, une affaire avantageuse qu'avait
conclue l'empereur, car, aujourd'hui,
on assure que cette collection a acquis
une plus-value d'un million. S'il est vrai
que les armes dont elle se compose
donneraient à notre musée d'artillerie
une richesse incomparable et en feraient
le premier musée du monde, il n'y a
pas à hésiter. Offrons à l'héritière de
Napoléon le bénéfice auquel elle a le droit
de prétendre. Sans doute elle donnera la
préférence à son pays d'adoption, et
nous prouverons ainsi que, même en
République, la France sait à l'occasion se
payer des fantaisies royales.
Nous ne parlons pas, bien entendu,
d'un certain nombre de tableaux récla-
més par les ayant-droit comme tableaux
de famille. Eussent-ils été payés sur le
budget des baaux-arts, s'ils représen-
tent, en effet, des sujets intimes, nous ne
voyons pas quel intérêt nous aurions à
en revendiquer la possession.
Quant à ce qui concerne le musée
chinois, nous déclarons ne nous associer
dans aucune mesure aux nombreuses
controverses dont il est l'objet dans la
plupart des journaux, sans acception de
nuances. Presque tout le monde s'ac-
corde - à dire que ce musée ne peut être
considéré comme une propriété particu-
lière, pour deux raisons : la première,
c'est qu'il est un trophée de l'armée
française ; la seconde, c'est que le don
en a été fait, non pas à Napoléon, mais à
la nation elle-même, dans la personne
du chef de l'Etat.
La France rappelle, à ce propos, qu'à
la mort du maréchal Vaillant, l'Etat fit
réclamer les clefs de Rome, souvenir de
l'expédition française, et que ces clefs,
faisant partie de la succession du maré-
chal, furent pourtant restituées à l'Etat.
Le principe est irréprochable. Il ne peut
venir à l'idée de flWWJflhe qu'dh fepeau
enlevé à l'ennemi parun soldatappartienne
à ce soldat; mais il faut prendre garde
qu'on arriverait à d'étranges conclusions
si, dans la pratique, il était admis que
ce principe général ne souffre point
d'exceptions.
Quand il s'agit d'objets ayant une va-
leur purement historique, comme les
clefs de Rome ou bien un étendard, il
va de soi qu'ils deviennent une propriété
nationale ; mais on ne saurait assimiler
à ce glorieux butin celui de la rapine et
du pillage. Or, la collection du musée
chinois est dans ce dernier cas.
Le général Cousin Montauban, comte
de Palikao, a pris Pékin; il est entré
dans le palais d'Eté, d'où il a enlevé les
objets les plus précieux, laissant le reste
à la discrétion de ses troupes ; et voilà
le trophée dont il a fait présent à l'em-
pereur! N'en soyons pas jaloux. L'em-
pereur Guillaume ne s'imaginera jamais
de réclamer à ses lieutenants les pendu-
les, les bronzes et autres souvenirs qu'ils
ont emportés de France. Ils leur appar-
tiennent comme appartient le musée
chinois aux héritiers de l'empereur.
Qu'ils le prennent.
Et finissons-en vite avec un marchan-
dage où nos finances n'ont guère à ga-
gner, où notre dignité pourrait perdre
beaucoup. Quand le vin est tiré, il faut le
boire; la France a fait l'Empire, elle l'a
supporté pendant dix-huit ans, et il lui
coûte, en fin de compte, dix milliards
et deux provinces. Qu'est-ce que trois
millions de plus ou de moins, surtout
quand on songe que c'est la dernière
quittance à payer que nous présente la
liste civile impériale ?
E. SCHNERB.
----.----------+--- .-------.--.
Voici la lettre de lord Russell, dont il
est parlé dans la Journée politique :
Cher sir Georges Bowyer,
Je suis fâché de différer d'opinion avec
vous sur la démarche que j'ai faite en acceptant
la présidence d'un meeting dont le but est d'ex-
primer la sympathie du public anglais aux dé-
clarations faites par l'empereur d'Allemagne
dans sa lettre au pape.
Suivant moi, nous sommes arrivés à cette
époque prévue par sir Robert Peel, où l'Eglise
catholique romaine ne se contente plus d être
sur le pied d'égalité avec les autres religions et
où rien ne pourra la satisfaire, si ce n'est la
domination.
A cette domination, qui ose s'affirmer sur
toutes les personnes ayant reçu le baptême et
qui a la prétention d'inclure et la reine, et le
prince de Ciliés, et nos évêques, et notre clergé,
je refuse de me soumettre.
A Rome, on affirme l'autonomie de l'Ir-
lande. Je repousse la suprématie temporelle du
pape sur cette partie de l'empire britannique.
Signé : RUSSELL.
—
COURRIER PARLEMENTAIRE
Versailles, 26 décembre 4873.
Suite et fin de la discussion générale du
budget. On connaît notre théorie en pa-
reille matière ; nous- n'avons plus qu'à la
mettre en pratique, c'est-à-dire à ne pas
entrer dans la discussion de la discussiou
générale.
MM. Chesnelong, Magne, Léon Say,
Alfred André et Germain se sont tour à
tour fait entendre et écouter; après quoi,
la clôture de la discussion générale ayant
été votée d'un accord presque unanime,
M. Keller est revenu, à propos d'un cha-
pitre particulier, sur tout ce qui faisait le
fond de la discussion générale. La dame
des pensées pour laquelle tous ces finan-
ciers rompent des lances est la Banque
de France, uae grosse jeune première,
rebondie, qui ne manque pas de char
mes.
M. Chesnelong, rapporteur du budget des
finances, gagne à être entendu dans tout
autre genre que le genre prophétique.
Comme son talent consiste à savoir entou-
rer une dose hoinœopathique de réalités
d'une immensité de phrases, afin de pré-
senter à rœil et à l'ouïe un ensemble res-
pectable, il est réellement fort lorsqu'il a
ua peu de fond à mettre au service de tout
ce qu'il a de forme. Sa fameuse déclara-
tion, relative à l'entrevue de Frohsdorf, ne
contenait absolument rien ; débitée d'une
voix sonore et sur le mode prophétique,
elle a été accueillie avec estims par la
droite; son discours d'aujourd'hui, qui
contient les idées, et les idées bien expri-
mées de M. Magne, ne peut être un mau-
vais discours.
Quelle que soit, d'ailleurs, la branche
oratoire qu'exploite M. Chesnelong, le pro-
cédé qu'il emploie est toujours le même :
sa principale force consiste daps la
rapidité de son d-'ïbit ; M. Chesnelong
est certainement l'orateur de la Cham-
bre dont le courant se cube pat- le
plus gros chiffre. Député des Basses-Py-
rénées, cet honorable nous fait l'tftet
d'uu contrebandier de la parole, faisant
passer en fraude une foule de choses,
grâce à la rapidité de la marche et à la pres-
tesse des mouvements ; reste le bruit.
mais l'on sait que ce qui est défavorable
au contrebandier ne nuit nullement au dé-
puté. Faut il croire à cette rumeur qui
assure que, si M. Magne jetait son
portefeuille aux orties, M. Chesnelong ne
craindrait pas de se piquer les doigts eii le
ramassant?
Quelques mots nets, vifs, de M. Léon
Say pour appuyer derechef son système,
qui nous paraît le plus pratique de tous
dans la situation difficile où nous patau-
geons. Et M. Alfred André, banquier, fait
un discours de fond sur la situation géné-
rale financière. Après quoi, M. Germain,
banquier, se lance dans des considérations
én le pa:::é, le présent etTave-
nir de nos finances.
M. Germain, gendre du conservateur
M. Vuitry et conservateur lui-même,
est un révolutionnaire en matière budgé-
taire. Ministre des finances de. l'avenir,
son heure venue, il appliquera sans doute
les théories de ses prédécesseurs; mais,
pour le moment, il tient à montrer qu'il
a des idées à lui, — ou, du moins, des
idées qui n'appartiennent pas à tout le
monde. Aujourd'hui le procéda — artifi-
ciel, comme l'a appelé M. Magae, — que
M. Germain a proposé, ne nous a pas sé
duit. Mais la fin du discours du financier
du centre gauche a produit une grande
impression sur toute la partie républicaine
de-l'Assemblée :
«. Pour rendre au pays lactivité et,
par conséquent, la prospérité, il faut qu'il
y ait, en outre, un gouvernement qui so.t
une réalité vivante, qui soit le chef de c¿s
sept millions de conservateurs demandant
au gouvernement de leur assurer à la fois
l'ordre et les conquêtes de la Républi-
que. » -
Les applaudissements du côté gauche
venaient de prendre fin, lorsque M. Magne
a répondu : « Je suis convaincu qu'avec
de la sagesse, qu'avec un gouvernement
solide et conservateur, comme le deman-
dait l'honorable M. Germaiu. » Et sou-
dain, la salve d'applaudisgemeuts s'est ra
vivée à gauche. La droite, sentânt le coup,
a voulu le parer, en prenant part au mou-
vement; mais , prise à l'improviste et
quelque peu hésitante, sans doute, entre
le gouvernement solide et conservateur de
M. Germain, le gouvernement également
solide et conservateur da. M. Msgne et
la pluralité de ses gouvernement-; non
moins solides et conservateurs, elle n'a
pas mis à son approbation un ensemble
digne de cette admirable majorité indis-
soluble que vous connaissez.
Du discours de M. le ministre des fi.
nances — qui - s'est - montré à la hauteur
de lui-même dans la première partie de
son allocution et à la taille du M. Magne
de samedi dans la seconde partie,—nous ne
parlerions pas, si un passage de ce discours
ne nous avait fait tre saillir. M. le minis-
tre déclare qu'il est pressé par le temps
pour les anciens et les nouveaux impôts,
car, à partir du 1er jauvier, le Trésor per-
dra douze millions par mois de retard, et
il termine par cette phrase : « J'insiste
donc pour que le budget soit voté sans dés-
emparer. »
Là ! qu ont dit ces exécrables orateurs de
la gaucke lorsque les excellentes gens de
la droite ont voulu, à toute force, inter-
caler la loi des maires entre deux actes du
budget ? Qu'a dit, entre autres, ce fou de
M. Langlois s'adrebsant aux sages mo-
narchistes, qui n'ont pas voum l'écoute r ?
Cette insinuation ministérielle est sou-
lignée par un rapide bravo de la gauche
et par un silence embarrassé de la droite.
Evidemment, de ce côté de l'A--semblée,on
espère encore que le ministre des finances
vient seulement de laisser échapper un
désir et n'exprime pas une volonté, qui
est une blessure ouverte au flanc du Cabi-
net politique. Montrer des plaies qui
excitent toute autre chose que la compas-
sion, cela est mauvais ; nous sommes de
cet avis.
Lafln de la journée est pleine de petits
incidents qui jettent le mouvement dans
cette séance si calme.
M. Giraud dépose son rapport sur la
proposition de M. Courcelles, relative à la
suppression des élections partielles. Ce
rapport, qui n'est pas lu, conclut, assure-
t-OB, à la prise en considération de la pro-
position. Il est bien heureux qu'il y ait
dans la droite une quarantaine de bona-
partistes qui échafaudent leur principe sur
les consultations populaires: avec l'ap-
point de ceux-là, la proposition Courcelles
fût été trouvée admirable; leur adhésion
manquant, la proposition restera détes-
table.
Le vote final sur l'amendement Tirard,
dernière épave du budget des dépenses,
amène un assez vif conflit entra MM. Ches-
nelong et Magne d'une part et M. Tirard de
l'autre ; M. Léon Say attrape même, en
cette affaire, un projectile égaré qu'il rap-
porte avec délicatesse dans le jardin de
M. Magne. -.,
(Jet amendement Tirard, si l'on s en
souvient, diminuait d'une somme de 500,C00
francs le chapitre « Matériel, » qni a
subi, cette année, une malheureuse aug-
mentation de 1,800,000 francs, c'est-à dire
qui a, presque doublé. Lorsque M. Ti-
rard fit ex àbruplo sauter cette anomaie
aut yeux de l'Assemblée, M. Lefebure, le
sous-secrétaire d'Etat aux finances, tut
beau avoir recours à toutes les ressouices
de son immense talent, la demande de ré-
duction de 500,000 fr. fut prise en considé-
ration. Et nous disions alors : C'est le pre-
mier mouvement, le bon ; attendons le se-
cond.
Le second s'est produit aujourd'hui, et,
malgré M. Tirard, qui a fait observer que
le détail apporté à la tribune par M. Ches-
nelong lui était vainement demandé depuis
trois jours, de telle sorte que les chiffres
ne semblent pas être la base de l'augmen-
tation, mais que l'augmentation paraît
avoir servi de base pour établir les chif-
fres, le second mouvement a fait repousser
l'amendement Tirard par 121 voix contre
440.
Cette première altercation avait déjà un
peu échauffé les esprits ; aussi la discus-
sion a-t-elle failli tourner à l'aigre lorsque,
M. de Larcy ayant déposé le projet de loi
sur la convention intervenue entre le gou-
vernement et la liste civile, il a été ques-
tion de la mise à l'ordre du jour de ce
projet dans les bureaux. Tout a bien fini,
— quoique rien ne soit fini.
Mais ce qui a peut-être plus d'impor-
tance que ces chamailleries, c'est la décla-
ration formelle apportée incidemment par
M. le président de la commission du bud-
get et confirmée par M. le ministre des fi-
nances : l'Assemblée s'occupera des nou-
veaux impôts sur lesquels on est d'accord
immédiatement après le vote du budget
général des recettes, — c'est-à-dire avant
de discuter la loi sur les maires !
Et c'est pour arriver à ce résultat inévita-
ble que M. LéoncedeLavergne, le président
de la commission du budget, a mis, il y
a huit jours, tant de faiblesse au service
des rancunes politiques de ses amis de la
droite! Et c'est pour arriver à ce ié$ultat
forcé que le Cabinepolitique n'a pas craint
de tendre sa joue à la main financière et
paternelle de M. Magne! -
La chose s'est passée sans bruit, en cati-
mini pour ainsi dire; mais le péché n'est
pas asez caché pour que le Cabinet ait
droit au moindre pardon.
PAUL LAFARGUE.
.-.- -.-_u .'--' u.-
M. François-Victor Hugo est mort hier
vendredi, à midi.
L'enterrement aura lieu demain diman-
che 28, à midi très-précis. Oa se réunira
à la maison mortuaire, rue Drouot, 20.
Aucuno lettre d'invitation n'a été en-
voyée. Ses amis sont priés de considérer
le présent avis comme en tenant lieu.
"- —♦ -
L'INFAILLIBILITÉ ÉPISCOPALE
Il vient de se juger au tribunal cor-
rectionnel de la Seine, sous la prési-
dence de M. Gérin, une affaire qui ne
serait pas plus curieuse que tant d'au-
tres si elle "ne mettait quelques évêques
en scène, si elle ne montrait combien ces
messieurs ont tort de ne pas se consa-
crer tout entier aux intérêts spirituels
qui leur sont confiés, avec quelle légè-
reté, ils prêtent l'autorité de leur nom et
le prestige de leur sacerdoce à des œu-
vres soi-disant religieuses, sous le cou-
vert desquelles se tripotent des affaires
véreuses et des spéculations éhontées.
Il s'agit d'un bon apôtre, qui, se don-
nant pour mission ostensible de propa-
ger les idées catholiques, avait fondé dk
vers journaux, la France nouvelle, qu'il
avait d'abord appelée : le Petit Univers,
feuille à cinq centimes, puis, comme an-
nexe, la. Semaine illustrée, et qui s'était
avisé plus tard de joindre à ces deux en-
treprises - une imprimerie, qu'il avait
nommée : Imprimerie catholique. Elle était,
disait le prospectus, destinée à popula-
riser les bons livres, par l'abaissement
des prix et à faciliter aux écrivains reli-
gieux la publication de leurs ouvrages.
L'industriel qui avait lancé toutes ses
affaires était Lyonnais d'origine, très-ré-
puté dans le parti catholique pour la
ferveur de ses opinions et pour le zèle
qu'il déployait en faveur de la bonne
cause. Il portait le nom céleste d'Azur et
personne n'était ni mieux vu que lui ni
plus appuyé de toute la sainte congréga-
tion.
Ses prospectus n'auraient pourtant
pas , séduit le public s'ils n'avaient été
revêtus d'approbations épiscopales. Mais
comment voulez-vous qu'un vrai dévo4
conserve de la méfiance quand it lit sur
le programme qui lui est envoyé : que
l'œuvre n'est pas seulement une action
des plus méritoires au point de vue de
la religion, mais qu'elle est aussi pour le
souscripteur un placement avantageux ;
et quand il voit au bas de ces promesses
la signature vénérée de plusieurs évê.
ques ?
Parmi ces évêques, quelques-uns même
n'avaient pas craint de s'avancer avec
une hardiesse dont ils doivent se re-
pentir aujourd'hui. L'évêque de Nancy
avait dit en propres termes : .« La grande
Imprimerie catholique de France est
tout à la fois une bonne œuvre et une
excellente affaire. » Vous imaginez aisé-
ment l'effet de ces paroles imprudentes
sur les âmes naïves.
Le capital social de la France nouvelle
était divisé en deux mille parts de cent
francs chacune. L'empressement fut tel
que le public en souscrivit deux mille
quarante, c'est-à-dire plus qu'il n'y en
avait. Il faut dire au reste que ce détail
n'embarrassa aucunement Azur, quiaurait
sans doute délivré dix mille récépissés,
s'il s'était trouvé dix mille badauds pour
lui apporter leur argent.
L'Imprimerie catholique, elle, la grande
Imprimerie catholique était constituée au
capital de deux millions, divisé en qua-
tre mille actions de 500 francs chacune.
Seize cents furent souscrites, et sur ces
seize cents, onze cents furent complète-
ment libérées ; les cinq cents autres ne
furent libérées que de deux cents francs.
Ce n'en fut pas moins une belle et bonne
somme de 650 mille francs, qui tomba
dans la caisse du bel Azur. Joignez-y
les 204 mille francs dé la France nou-
velle ; vous approchez du million.
Attendez, il va se parfaire.
La Semaine illustrée ou Y Illustration
catholique était constituée au capital de
200 mille francs. 787 parts seulement
furent souscrites ; il paraît que le public
se lassait. Mais enfin c'était encore une
cinquantaine de mille francs. *
De ce * million savez-vous ce qui
reste ?
Pas un sou.
Tout a été mangé, dévoré, et s'il vous
plaît de savoir comment, vous n'avez
qu'à lire la Gazette des Tribunaux.
Elle ne vous apprendra, d'ailleurs, rien
que vous ne sachiez. Les faiseurs sont
touj ours les mêmes. Ce qui distingue
ceux-là, c'est qu'ils étaient prônés, pro-
tégés, poussés par tout le clergé de
France ; c'est qu'ils ouvraient des sous-
criptions pour le pape, qui n'en touchera
jamais rien ; c'est qu'ils tonnaient sans
cesse contre l'irréligion du siècle et
nous prenaient à partie, nous autres, ia-
dévots, sur njs mauvaises mœurs ; c'est
enfin, c'est surtout qu'ils étaient chau-
dement recommandes par des évêques,
qui ne craignaient pas de compromettre
leur nom dans des prospectus indus-
triels.
Et si un pauvre diable écrivait un jour
à l'évêque de Nancy :
« Monseigneur,
» Je me suis engagé, sur votre parole,
dans l'affaire de l'Imprimerie catholi-
que; me voilà ruiné aujourd'hui. Les
coquins, qui se sont présentés de votre
part m'ont mis sur la paille. Rendez-
moi ce qu'ils m'ont pris ! »
Que répondrait monseigneur à cette
réclamation, qui ne laisse pas d'avoir
quelque apparence d'équité ?
FRANCISQUE SARCEY.
Nous avons dit que M. Swiney s'est fait in-
scrire à la gauche républicaine. Voici l'excel-
lente lettre qu'il adresse à ses électeurs :
Mes chers concitoyens,
Lorsque j'ai été présenté à vos suffra-
ges, je me suis fait un devoir de vous dire
localement quelle serait ma conduite à
l'Assemblée nationale.
Vous avez eu foi dans mes déclarations,
que garantissaient les convictions de toute
ma vie, et c'est en vain qu'on a tenté près
de vous de dénaturer le caractère de ma
candidature. Aujourd'hui, vous savez ce
que je ferai, et je ais, moi aussi, ce que
vous voulez faire. Vous voulez fonder la
République, vous la voulez libérale, vous
la voulez modérée, vous attendez d'elle
l'ordre et la paix. Ces vœux sont les
miens; ils sont ceux de vcs élus du 2 juil-
let 1871, pour qui les suffrages que vous
m'avez donnés sont une nouvelle consé-
cration
je ne me présente point a i Assemblée
en ennemi du gouvernement de M. de
Mac-Mahon, président de la République.
Un député soucieux de son indépendance
ne doit avoir, selon moi, ni pour l'appro-
batioa, ni pour le blâme, de parti-pris.
Je serai heureux de soutenir de mon
vote sa politique, si elle tend à établir sin-
cèrement la République et à satisfaire la
France, qui vient, une fois encore, de .se
prononcer avec éclat.
Mais s'il me demande de voter des lois
qui, comme celles dont on annonce la
d'scussion prochaine, enlèveront aux com-
munes le droit essentiel de choisir leuri
maires, et réduiront à une forme illusoire
l'exercice du suffrage universel, je repous.
serai énergiquement de telles mesures,
comme un outrage au séntiment public et
un expédient imaginé par les partis qu'a
condamnés la nation, pour imposer leur
volonté à la sienne.
Vous m'avez donné vis-à-vis du gou-
vernement un devoir de contrôle; je m'ef-
forcerai de le remplir sans faiblesse et
sans partialité. L'exemple de l'Empire est
là pour nous faire souvenir combien de
malheurs un pouvoir sans contrôle attire
sur lui et sur la patrie. C'est dans un con-
trôle ferme et juste que sera la meilleure
force d'un gouvernement républicain.
J'ose espérer, mes chers concitoyens,
que cette façon d'entendre ses devoirs n'é-
loignera jamais de vous votre dévoué re-
présentant.
G. Swiney.
Ce 19 décembre 1873.
COMMISSION DES TRENTE
Séance du 26 décembre.
M. le président Batbie ouvre !a séance â
midi et demi.
M. Talion, secrétaire, lit le procès-verbaldela
séance du 24. Le procès-verbal est adopté.
M. Grivart - La question dominante est
celle-ci : Convient-il de conserver ou de res-
treindre le suffrage universel? Je n'ai à l'égard
du suffrage universel ni respect superstitieux,
ni préjugé. Ce n'est pas un droit primordial et
naturel. C'est un droit concédé. Le droit pri-
mordial de tous les citoyens, c'est d'être bka
gouvernés, voiià le droit essentiel. J'admets
donc que vis-à-vis le suffrage universel, nous
avons tous les droits ; mais avons vous la puis-
sance? J'en doute. Une atteinte profonde por-
tée au suffrage universel ne trouverait pas la
majorité dans l'Assemblée. C'est un malheur
pour la France d'avoir été brusquement dotéo
du suffrage universel, mais l'institution existe,
elle s'est enracinée depuis 25 ans. Un grand
nombre de citoyens y sont intéressés et n'ad-
mettront pas facilement qu'on les en prive. La
suffrage universel s'est souvent compromis, mais
dans son ensemble, il a été conservateur et par-
fois ultra conservateur.
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