Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-12-26
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 26 décembre 1873 26 décembre 1873
Description : 1873/12/26 (A3,N771). 1873/12/26 (A3,N771).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/03/2013
3. Année. :. N° 771.
PRIX DU NUMÉRO : PARIS 15 CENTIMES — DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Vendredi 26 Décembre 1873.
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
Wadresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
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On s'abonne à Londres, chez M. A. M A.URIOÊ général
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JOURNÉE POLITIQUE.
pqris) 25 décembre 1873
La discussion générale du budget a oc-
cupé la séance d hier. Après un grand
discours de M. Léon Say, un grand dis-
cours de M. Magne. On trouvera le résumé
de Ja séance à la place ordinaire. Nous
avons dit déjà ce qu'il fallait penser du
nouveau procédé parlementaire qui con-
siste à placer la discussion générale du
budget après la discussion et le vote des
-- dépenses. O n'est pas qu'il n'y ait des
choses très-intéressantes dans les discours
d. M. Léon Say et de M. Magne; mais
une discussion générale, dans ces bizarres
condltiQGs, ne peut guère avoir que la
valeur d'un épilogue. Nous y reviendrons
au surplus. La séance s'et terminée par
un débat asez tumultueux sur la fixation
de la mise à l'ordre du jour de l'interpella-
tion Fourcand.On l'a renvoyée à un mois;
mais le ministère a donné l'assurance qu'il
ne se dessaisirait point des collections ré-
clamées par l'impératrice sans que l'As-
semblée l'y autorisât. C'est toujours cela
de gagné.
Depuis cinq ou six jours on attendait
le Livre jaune. Hier seulement ce recueil
a été distribué. Il ne comprend que 200
pages, et ceux qui comptaient y chercher
des indicalions précises sur notre politi-
que extérieure seroiat bien déçus. A part
quatre pièces qui figurent en tête du vo-
lume sous la rubrique Correspondance géné
raie, on n'y trouve rien de ce qu'on s'at-
tendait à y trouver. La plupart des docu-
ments publiés, si l'on ne courait aux si-
gnatures, sembleraient bien plutôt éma.
ner des consulats que des ambassades.
Vous y lirez des dépêches, qui ont certai-
nement leur importance, sur la question
de la dette tunisienne, sur la propriété des
marques de fabrique, sur l'application de
la nouvelle loi militaire aux Français nés
ou établis à l'étranger, sur les affaires de
Chine, sur l'incident des tapisseries de
Bethléem, qui occupe à lui seul près d'un
quart du volume, sur les mesures qui été
ont prises pour protéger nos nationaux pen-
dant les derniers événements - d'Epagne,
etc.; mais rien de plus. Le volume a été
expurgé avec soin des matières politiques
et, à proprement parler, diplomatiques.
Est-il vrai que nous ayons eu des diffi-
cultés avec l'Italie? et les a-t-on pu apla-
air? Le Livre jaune n'en dit mot; on peut
oublier qu'il existe une Italie en le lisant.
Ainsi du reste. Nous sommes donc forcés
de nous rejeter sur les quatre circulaires
de la « Correspondance générale. »
La première a été envoyée à nos agents
diplomatiques le 28 mai par M. de Bro-
glie. Elle était connue. C'est l'explication
et la justification du changement de gou-
vernement du 24 mai. On y -voit que les
hommes du gouvernement nouveau n'é-
taient en désaccord avec M. Thiers sur
aucun point de politique extérieure. C'est
sur la politique intérieure seulement qu'un
grave différend avait existé. Si la majorité
a substitué le maréchal de Mac-Mahon à
M. Thiers, c'était pour faire prévaloir (le
mot fameux y est) la « politique résolu
ment conservatrice, » car le dernier cabi-
net formé par l'ancien président n'était
point assez « essentiellement conserva-
teur. » Ne perdons pas de vue qu'il s'agit
de MM. Casimir Périer, Dufaure, Wad-
dington, Bérenger, de Fourtou (1), etc.
M. de Broglie ajoute : « Aucune réac-
tion n'est inéditée ni ne sera tentée contre
les institutions existantes.» Tel était bien
le programme, en effet, de M. le maré-
chal de Mac-Mahon. Mais qu'a-t-on dû
penser à l'étranger un peu plus tard quand
on a vu croître, sous les yeux complaisants
du ministère, l'entreprise fusionniste pen-
dant les mois d'août, de septembre et d'oc-
tobre? Laissons cela. La circulaire se termi-
ne par une sorte d'invitation aux puissan-
ces, que M. de Broglie convie à faire aussi
chez elles leur petit 24 mai : « Ce n'est pas
en France seulement que l'esprit révolu-
tionnaire conspire, etc., etc. » Enfin le 24
mai a sauvé l'Europe de la démagogie :
« La situation de la France et l'action
qu'elle exerce sur l'Europe et sur le monde
rendraient le triomphe du parti révolu-
tionnaire dans notre patrie plus grave
que partout ailleurs, et la cause de la so-
ciété française est celle de la civilisation
tout entière. » Pauvre patrie ! voilà donc le
portrait que font de toi tes « sauveurs »
et qu'ils exposent à l'Europe !
L'évacuation du territoire, le 5 septem-
bre, a inspiré un peu moins malheureu-
sement M. le duc de Broglie. Cette cir-
culaire du 5 septembre est très-courte.
« C'est à maintenir et à consolider la paix,
y lisons nous, que nous devrons consacrer
la liberté d'action que nous allons recou-
vrer. à Quelques lignes plus bas, nous
trouvons un hommage aux cinq longs
mois de résistance de la province et de
Paris, un hommage encore « à l'éten-
due des ressources de notpe patrie. »
« Il faut seulement, poursuit le ministre,
qu'elle ait la sagesse de se consacrer tout
entière à réparer ses forces, à assurer l'or-
dre intérieur par des institutions soli-
des, etc. » La fusion florissait alors. Du
reste, pas un mot du gouvernement; pas
un mot, non plus, de M. Thiers. Sur ce
sujat trop délicat, M. de Broglie a voulu
glisser ; ne l'en blâmons point.
(1) Le même M. de Fourtou qui est aujourd'hui
ministre de l'instruction publique. Il s'est déradi-
ealisé.
Nous arrivons au 25 novembre. A cette
date, M. le duc de Broglie expédie la troi-
sième circulaire, pour expliquer le vote de
la prorogation. La prorogation a été votée
« pour que la France se livre aux travaux
de l'agriculture, de l'industrie et du com-
merce, à l'abri d'un pouvoir durable et
fort, » Ici les mêmes mots reviennent sou-
vent FOUS la plume du vice-président du
conseil; c'est le « besoin de stabilité, » ou
encore « la satisfaction impérieusement
réclamée par tous les intérêts. » La dé-
pêche continue par un éloge du maréchal,
dont elle atteste le déêir de vivre en
toane harmonie avec l'Europe. Les puis-
sances verront enfin avec satisfaction « la
France, après tant de secousses révolu-
tionnaires, commencer à donner à. jes
institutions cette stabilité qui n'est pas
moins nécessaire aux relations d'un grand
Etat avec l'étranger qu'à sa sécurité inté-
rieure. » La stabilité ! Quel dommage
qu'elle n'existe que dans les mots !
Le 7 décembre, M. le duc Decazes, suc-
cédant à M. de Broglie au ministère des
affaires étrangères, écrit une autre dépêche,
la dernière de la Correspondance générale,
qui n'est presque que la répétition de celle-
ci. Nous la reproduisons, parce que c'est
la plus récente. Même vague, d'ailleurs, et
même redondance que dans les trois au
très documents : « Sans s'isoler des gra-
ves questions qui s'agitent autour d'elle,
la France se recueille et elle attend, avec
la conscience de sa force et de sa gran-
deur, que l'ordre et le travail lui aient
permis de pauser ses plaies et que le temps
ait effacé les amertumes de ces jours funes-
tes qui ont si profondément troublé le
monde. » Voilà bien la phrase typique.
Les jours funestes, ce sont, après la
guerre, ceux qui ont précédé le 24 mai, et
les jours heureux, appaiemment, ceux que
nous avons connus depuis !
Nous ne ferons pas aujourd'hui de lon-
gues réflexion. Ce qui nous passe, c'est
la sérénité parfaite qui règne dans les
documents où les représentants de la poli-
tique ministérielle parlent d'eux mêmes,
da pays, de la société, de la démagogie,
des institutions, de la stabilité. On se de-
mande avec quels yeux ils voient la
France ? Il y a des grâces d'état. Mais quel
accueil réserve l'étranger à ces pompeuses
assertions, à ces inexactes peintures ?
Nous n'y pensons pas sans chagrin. Heu-
reusement, les autres peuples doivent se
souvenir qu'en France la nation a pres-
que toujours mieux valu que ses gouverne-
ments.
Eus. LIÉBERT.
—————————— ♦
LE LIVRE JAUNE
Le Livre jaune a été distribué hier aux
membres de l'Assemblée nationale.
Il est ainsi divisé :
Correspondange générale;
Affaires d'Espagne;
- Incident de Bethléem;
Don fait par le sultan à l'église d'Abougosch;
Affaires de Chine;
Situation des fils français naturalisés suisses,
au point de vue du service militaire;
- Application de la nouvelle loi militaire aux
Français nés ou établis en pays étrangers;
Question de la dette tunisienne;
Commission franco - allemande de liquida-
tion;
Commission spéciale pour les canaux du
Rhône et de la Marne au Rhin;
Projet d'arrangement relatif aux collisions en
mer;
Dénonciation du traité de commerce entre la
France et la Russie;
Suppression des surtaxes de pavillon aux
Etats-Unis ;
Réunion d'une conférence monétaire;
Le projet de conférence internationale pour
la révision du régime des quarantaines;
Commission internationale du mètre; garan-
tie de la propriété des marques de fabrique.
Nous en extrayons la circulaire suivante
du ministre des affaires étrangères.
Versailles, le 7 décembre.
Monsieur,
Lorsque par sa dépêche du 25 novembre der-
nier mon prédécesseur vous annonçait la pro-
rogation des pouvoirs de M. le maréchal de
Mac-Mahon, il vous prévenait que rien ne ee-
rait changé à la ligne de conduite adoptée par
le président de la République dans ses relations
avec les puissances étrangères, et, quelques
jours après, au moment ou je prenais possession
du département des affaires étrangères, je vous
en donnais la nouvelle assurance, en vous
priant de la transmettre au gouvernement au-
près duquel vous êtes accrédité.
J'ai pu, depuis lors, recevoir de toutes parts
les témoignages de la satisfaction et de la con-
fiance avec lesquelles le vote de l'Assemblée a
été accueilli par les gouvernements étrangers,
et enregistrer las félicitations dont M. le ma-
réchal de Mac-Mahon a reçu l'expression, et
j'ai dû en conclure que les sentiments dont
vous aviez été l'organe avaient été compris. Il
ne pouvait en être autrement : les cabinets ne
devaient pas rester indifférents à ce grand acte
qui donnait à notre gouvernement une stabi-
lité non moins nécessaire à nos relations exté.
rieures qu'à notre sécurité intérieure.
Nos intentions ne pouvaient, d'ailleurs, être
méconnues ; et ces témoigaages de sympathie
étaient bien dus à la sagesse et à la modération
dont l'Assemblée nationale a donné tant de
preuves, comme aussi à l'ardeur au travail et à
la mâle résignation du pays tout entier.
En nous voyant consacrer à nouveau un pou-
voir dont elles avaient déjà pu apprécier les dis
positions, les puissances étrangères savaient, en
effet, que le gouvernement de M. le maréchal
de Mac-Mahon continuerait à affirmer son désir
de vivre en bonne harmonie avec elle aussi bien
que son respect scrupuleux des trailés.
Elles étaient assurées que, tout entiers à no-
tre œuvre de réorganisation et de développe-
ment paeifiqnes; nous ne poursuivrions contre
elles aucun dessein qui pût mettre en péril cet
apaisement des esprits et des intérêts que nous
avons la ferme volonté d'apurer.
Sans s'isoler des graves questions qui s'agi-
tent autour d'elle, la France se recueille et elle
attend avec la conscience de sa force et de sa
grandeur que l'ordre et le travail lui aient per-
mis de panser ses plaies, et que le temps, qui,
seul, peut permettre aux grands événements de
l'histoire de porter leurs fruits, ait effacé les
amertumes de ces jours funestes qui ont si pro-
fondément troublé le monde. Vous voudrez
bien, monsieur, en donner en toute occasion
l'assurance.
Vous trouverez dans les actes de l'Assemblée
nationale et dans les instructions qui vous se-
ront adressées les moyens d'affirmer que cette
politique, qui est celle du gouvernement actuel'
comme elle était aussi celle du gouvernement
qui nous a précédés, s'impose ici à toutes les
consciences comme à toutes les volontés,qu'elle
est bien celle de la France entière, et en faisant
pénétrer partout cette conviction et cette con-
fiance, vous serez assuré de rester le fidèle
interprète de nos intentions.
Agréez, etc.
Signé : Decazes.
'-'---'-------'
Des nouvelles que nous recevons d'Aix,
mais que nous n'avons pu encore contrô-
ler, nous apprennent que la caur, saisie de
la question de l'état de siège dans le dé-
partement des Bouches-du-Rhône, s'est
déclarée compétente, et, après en avoir
délibéré, a prononcé l'illégalité de l'état de
siège dans ce département.
— — «. ——————————
Je demande la parole pour un fait per-
sonnel.
Les amis connus ou inconnus qui
me font l'honneur, depuis deux ans,
de suivre mes travaux quotidiens dans
ce journal, peuvent me rendre ce
témoignage que je n'y ai point abusé
du moi. J'estime, en principe, qu'un
journal doit être une œuvre imper-
sonnelle ; il y gagne en autorité et
on dignité. Aussi, ai-je longtemps
combattu la fameuse loi Tinguy, im-
posant l'obligation d'une signature au
bas de chaque article; Si, dans la prati-
que, @ j'ai changé d'opinion , c'est que
l'expérience m'a fait reconnaître les
dangers de l'anonymat. Tous les col-
laborateurs d'un journal ont beau être
d'accord sur. les questions principa-
les , il est bien impossible qu'ils ne
soient point séparés par des nuances ou
qu'ils s'entendent toujours sur les voiès
et moyens à employer pour atteindre le
but. Quand chacun signe ce qu'il écrit,
la chose ne tire point à conséquence ;
mais, dans le cas contraire, la respon-
sabilité devient collective, et parfois
gênante pour quelques-uns.
Je l'ai éprouvé au Paris-Journal, dont
je fus le secrétaire de rédaction pen-
dant deux ans, et le collaborateur assidu
durant la troisième année, depuis le 4
septembre 1870 jusqu'au 31 août 1871.
Le rédacteur en chef du Paris-Journal
m'en fait souvenir aujourd'hui avec une
bienveillance où perce une légère pointe
de perfidie. Je le lui pardonne volon-
tieps, bien qu'en toutes choses, — il le
sait mieux que personne — je préfère le
franc-parler et les coups droits aux insi-
nuations et aux feintes. Autrefois, en
plaisantant, il aimait à m'appeler recti-
ligne. Je l'étais, en effet, et je le suis
encore.
Je n'avais point nommé, par un scru-
pule que chacun appréciera, le journal
qui, le premier, lança dans la circula-
tion l'idée de mettre en jugement les
hommes de septembre. M. de Pêne, ne
voulant point qu'on en ignore, revendi-
que l'honneur de cette mirifique trou-
vaille, dans un article à moi adressé, et
où, durant près de trois colonnes, il se
donne la joie facile de m'opposer à moi-
même, de comparer l'ancien rédacteur du
Paris-Journal au rédacteur actuel du XIX-
Siècle. Il cite toute une série d'articles
tirés du Paris-Journal, où les hommes du
4 septembre sont malmenés, où même
on demande leur mise en accusation, et
il conclut : C'est vous ou moi, vous et
moi qui avons écrit ces lignes, ou bien
c'est par vos ordres qu'elles ont été pu-
bliées, car vous m'avez remplacé comme
rédacteur en chef pendant trois ou qua-
tre mois.
Voilà ce que c'est que de ne point si-
gner ses articles; on endosse ceux du
voisin ! Ce n'est pas, entendons-le bien,
que je repousse en bloc toutes les cita-
tions faites par M. de Pêne ; je m'expli-
querai dans un instant à ce sujet ; mais,
en vérité, je trouve qu'il triomphe trop
vite. En effet, j'ai quitté volontairement
le Paris-Journal à la fin d'août 1871.
Pourquoi? Si je n'avais point cessé, à
oette époque, d'être d'accord avec M. de
Pêne, si nos deux âmes, selon L'expres-
sion de Montaigne, « charriaient uni-
ment » comme par le passé, pourquoi
ai - je quitté son journal ? C'est ce
qu'il m'importe de dire, et ce qu'a
le droit de savoir le parti auquel je
m'honore d'appartenir et d'avoir tou-
jours appartenu.
Malheureusement il me faut remonter
au déluge; mais je m'engage à ne point
m'amuser en chemin. Du 14 décembre
1868, jour delà création du Paris-Journal,
au 4 septembre 1870, je n'ai point écrit
une ligne sur les hommes ou les choses
de la politique. Ma besogne était pure-
ment matérielle; je la voulais telle et
n'en eusse point accepté d'autre dans
un organe qui, pour indépendant qu'il
fût, ne souhaitait pourtant pas, comme je
le souhaitais de tout mon cœur, la fin
du régime impérial.
Le 4 septembre 1870, je me trouvais
sur la place de la Concorde avec M. de
Pène au moment où la République sortit
du Corps législatif. J'applaudis alors à
la Révolution comme j'y applaudis au-
jourd'hui, et le soir même j'offrais ma
démission à mon rédacteur- en chef. La
presse se retrouvait libre ; dès l'instant
qu'il devenait possible à tout le monde
de fonder un journal et d'y imprimer li-
brement sa pensée, je croyais de mon
devoir de ne point demeurer davantage
dans un journal où l'on allait défendre
l'empire; du moins, je le pensais.
Mais je m'étais trompé; le Paris-Jour-
nal acceptait le fait accompli et se dé-
clarait prêt à soutenir le nouvel ordre de
choses. Un article signé de Pêne, et paru
le 5 au matin, en fait foi. Alors, mais
alors seulement, je devins un collabora-
teur actif. Je n'ai point à renier une seule
ligne sortie de ma plume pendant le siège
de Paris. La politique, d'ailleurs, était re-
léguée au second plan; hormis les Flou-
rens, les Delescluze, les Blanqui et les Félix
Pyat, qui obligèrent deux ou trois fois la
presse à s'occuper d'eux pour flétrir leur
indigne condui4e, personne ne songeait
qu'aux Prussiens.
Vint la Commune. Je crus qu'elle al-
lait tuer la République ; je la combattis à
outrance. Nous ne reverrons plus ces
tristes jours; mais s'ils devaient nous
être ramenés par ceux-là mêmes qui
tout hamt ne feignent tant-de la craindre
que parce qu'ils regrettent de n'en avoir
pas profité, je compte retrouver en moi,
pour la combattre encore, l'ardeur pas-
sionnée que je m'honore d'avoir mise
en 1871 au service de l'ordre et de la
liberté, je veux dire au service de la Ré-
publique.
Dès les premiers jours de l'insurrec-
tion, lors de la manifestation de la place
Vendôme, M. de Pène tomba, frappé
d'une balle. Il voulut bien me confier,
à moi, dont il connaissait d'ancienne
date les opinions lépublicaines, la di-
rection de son journal, d'abord à Paris,
puis à Saint-Germain, où nous fûmes
obligés, comme la plupart de nos con-
frères, de chercher un asile contre les
violences du fameux Comité central.
C'est de cette époque surtout que da-
tent les articles si complaisamment lan-
cés dans mes jambes par M. de Pêne.
Ces articles ont une origine qu'il connaît
trop intimement pour m'en vouloir de
ne pas la révéler d'une façon plus claire.
Je ne me reconnais d'ailleurs point le
droit, même pour les besoins d'une polé-
mique, de faire usage de confidences
que je tiens uniquement de ma situation
au journal. M. de Pêne, j'en suis per-
suadé, ne voudra pas voir une insinua-
tion malveillante dans une réserve dont
il peut seul apprécier les véritables
motifs. -
Il fallait insérer ces articles, ou m'en
aller. Peut-être eût-il mieux valu, pour
moi, je m'en aperçois maintenant, pren-
dre tout de suite ce dernier parti. Mais,
en somme, j'ai toujours fait bon marché
des hommes, et comme les principes
étaient saufs, comme je demeurais libre
de défendre la République et de soutenir
le chef de l'Etat quand il déclarait, du
haut de la tribune, aux applaudissements
de toute l'Assemblée, que la République
n'était mise en péril que par les insur-
gés de Paris, je pris patience et demeu-
rai à mon poste jusqu'à la rentrée des
troupes dans la capitale.
Quelques jours après, M. de Pène re-
prenait la direction de son journal; et
presque aussitôt d'importantes modifica-
tions furent apportées à la politique dé-
fendue par moi depuis le 18 mars. Je
crus voir, et je vis en effet, que si l'on
attaquait les hommes du 4 septembre, ce
n'était que pour arriver insensiblement
à attaquer le 4 septembre lui-même.
Cette fois, je donnai ma démission. Mais
on ne voulut point m'entendre: Je me
trompais, j'étais un ombrageux; on ne
pensait point du tout à combattre ce que
je voulais défendre; que sais-je enfin?
J'attendis. Mais le mouvement tournant
s'accentuait chaque jour; à la fin, n'y
pouvant plus tenir, je pris congé défi-
nitivement.
Pourquoi M. de Pène refusa-t-il alors
ce que j'avais le droit d'exiger de lui, ne
fût-ce qu'au nom de notre amitié? Pour-
quoi ne voulut-il point insérer la lettre
où je motivais ma démission? La mau-
vaise querelle qu'il me cherche aujour-
d'hui fût devenue impossible, car dans
cette lettre, que j'ai dû reproduire de,
guerre lasse, dans le XIXe Siècle, il y a
environ dix-huit mois, j'expliquais très-
nettement ma situation vis-à-vis du Pa-
ris-Journal. Je le fais aujourd'hui pour
la dernière fois, heureux d'en trouver
l'occasion, mais bien déterminé à n'y
plus revenir. C'est dans ce but que je
m'étends un peu plus, sans doute, qu'il
ne conviendrait, pour ne point abuser de
la bienveillance de mes lecteurs. Ils me
pardonneront, j'espère, en faveur de la
promesse que je leur fais.
Je n'ai plus, du reste, que quelques
mots à ajouter.
J'ai dit plus haut que je ne reniais pas
tout ce que le Paris-Journal avait publié,
à l'époque de ma collaboration, sur les
hommes du 4 septembre. C'est vrai'; j'ai
attaqué, et si je le croyais utile, j'atta-
querais encore plus d'un membre du
gouvernement de la Défense nationale.
Ici même, j'ai parlé du général Trochu,
de M. Gambetta, de Jules Favre en des
termes qui, pour n'être point outra-
geants comme ceux dont se sert la presse
à laquelle s'est rallié le Paris-Journal,
n'en sont peut-être que plus sévères, et
plus justes, dans tous les cas. Qu'est-ce
que cela prouve ?
Je le répète, peu m'importent les
hommes ; or, je proteste de toute mon
énergie contre la confusion que M. de
Pène tend à me faire établir entre les
hommes et les principes. Je n'ai ni atta-
qué ni défendu les membres du gouver-
nement de la Défense nationale dans
l'article auquel répond M. de Pêne. J'ai
dit et je maintiens que les hommes du 4
septembre ont bien agi en ramassant le
pouvoir impérial gisant à terre ; j'ai dit
et je maintiens que l'Assemblée natio-
nale a jugé le 4 septembre dans sa séance
du 1er mars 1871 et que son verdict s'im-
pose au respect de tous ; j'ai dit et je
maintiens que demander le procès des
hommes de septembre pour se dédom-
mager de la condamnation de l'homme
de Metz est une idée baroque et qui ne
fait point honneur à ceux qui l'ont con-
çue.
J'ai fiai. Dieu me garde, moi aussi,
d'avoir rien dit qui puisse chagriner un
homme qui fut longtemps mon ami! Je
l'ai combattu sur le terrain politique ; il
m'a riposté sur le terrain personnel, et je
l'y ai suivi quoi qu'il m'en coûtât. Main-
tenant est venue l'heure où « chacun de
son côté s'en va. »
E. SCHNERB.
»—™— -
LES NOUVEAUX IMPOTS
DE LA VILLE DE PARIS
Dans sa séance d'hier, le conseil muni-
cipal a continué la discussion générale
sur les nouvelles taxes d'octroi.
Après un éloquent discours de M. Flo-
quet, qui a protesté contre toute suréléva-
tion du tarif d'octroi, estimant que, pour
combler le déficit, il fallait de préférence
s'adresser à la contribution foncière, après
une réfutation très-ingénieuse de M. Al-
bert Dehaynin, rapporteur de la commis-
sion des finances, le conseil a voté, à une
majorité de 6 voix, le principe de surélé-
vation des taxes d'octroi.
Voici le résumé de cette délibération
qui intéresse si vivement la'population
parisienne :
1° Etablissement d'un second décime sur
les vins en cercles et les cidres et poires.
Ce second décime serait pour les vins
de 1 fr. par hectolitre, soit 2 fr. 25 sur une
pièce de 225 litres, et par litre de 0 01 c. ;
2° Révision et surélévation des taxes
principales sur les objets suivants :
Vins en bouteilles. — 0 25 c. par litre,
au lieu de 0 17 c. ;
Vinaigre. — 0 15 c. au lieu de 0 10 c.
Acide acétique. — 50 centimes au lie.
de 10 centimes;
Huile d'olive, fruits et conserves à
l'huile. — 40 centimes au liem de 38 cen-
times;
Huile provenant de substances animales
ou végétales.— 25 centimes au lieu de 21
centimes;
Essences minérales. — 18 centimes au
lieu de 15 centimes.
Vernis.- 18 centimes au lieu de 9 c. 50;
Marbres et granits. — 25 centimes au
lieu de 15 centimes, le mètre cube; f.'
Ardoises.- 5 francs au lieu de 4 francs
le mille.
Briques. — 6 francs au lieu de 5 fr.
75 c.;
Carreaux de pays et de faïences ;
Pots creux, mitrons. — 50 centimes au
lieu de 25 centimes ;
Argile, terre glaise, sable gras ;
Cire ;
Suifs bruts ou fondus;
Bougie, acide stéarique et margarique.
20 francs au lieu de 16 francs ;
Glace à rafraîchir. — 5 francs au lieu
de 2 fr. 50 c.;
Cette nomenclature n'est pas complète ;
car de nouveaux impôts d'octroi nous sont
réservés pour la séance de vendredi.
Il s'agit de toute une catégorie de den-
rées exempte jusqu'à ce jour — oranges,
citrons, fruits secs, etc. — qui intéresse
plus particulièrement l'épicerie.
Dans cette séance de vendredi, seront
également discutées les taxes de voirie -
entretien du pavage et frais d'éclairage.
Il est .à remarquer que la gauche du
eonseil xaunicipal a refusé de voter l'aug-
mentation du tarif d'octroi sur les objets
de consommation populaire.
Les propositions de l'administration ont
été soutenues et votées par la droite de
l'assemblée municipale.
» ;
TOUJOURS GOMffiE AUTREFOIS
Vous souvient-il des anathèmes lancés
autrefois contre le roman -feui*lle ton?
C'était lui, disaient les gens vertueux d'a-
lors, qui dépravaitles mœurs, qui fomen-
tait les révolutions. On eut en ce temps-
là l'idée ingénieuse de l'imposer. Tout
journal, qui prétendait donner cette lit-
térature malsaine à ses abonnés payait
un centime de timbre en sus de la taxe
ordinaire. Voyez-vous l'administration
permettant à un épicier de vendre un
poison authentique, à condition de payer
double patente !
L'impôt, bien entendu, ne rendit rien
au fisc. On y échappa aisément. Les jour-
naux n'inserèrent plus que des nouvel-
les ; ou bien ils donnèrent à des récits
romanesques la forme de voyages. Les
romans devinrent des études, et le diable
n'y perdit rien ; si tant est que le diable
eût quelque part à cette littérature.
Je crois même que c'est à cette épo-
que que l'on s'avisa de découper dans la
Gazette des Tribunaux du temps jadis
les procès célèbres des illustres coquins
qui avaient passé en cours d'assises.
C'était de l'histoire ; on esquivait ainsi
le fameux centime. Mais gagnait-on
grand chose à substituer Lacenaire à
Rocambole ? Au moins Rocambole amu-
sait-il l'imagination, en transportant le
lecteur dans les régions de la fantaisie.
Les crimes de Lacenaire avaient un je ne
sais quoi de réel qui invitait bien plutôt
à l'imitation.
La loi fut rapportée.
Voilà qu'aujourd'hui le gouvernement
de l'ordre moral parle de la faire renaî-
tre ; il songe tout au moins à mettre une
digue à ce débordement de mauvaise
littérature qui inonde les journaux à un
sou.
Nous le prévenons que toutes les me-
sures qu'il prendra seront aussi vaines
que celles qui ont été imaginées par ses
prédécesseurs.
ioutee qu un gouvernement peut faire
en ce genre, c'est d'arrêter les publica-
tions qui blessent la décence. La police
a le droit de mettre au violon une hom-
me qui outrage la pudeur publia
que; de même, l'autorité peut traduire
en justice un écrivain qui de propos dé-
libéré salit l'imagination de ses lecteurs.
Il y a des lois qui punissent ces sortes
de délits. Si rigoureusement qu'elles
soient exécutées, personne ne se plain-
dra. La littérature pornographique ne
mérite assurément aucune sympathie.
On se heurte à des difficultés insup-
portables quand on veut pousser plu
loin dans cette voie. Les romans dont
le peuple se nourrit ne sont pas très-
bons, j'en conviens. Le seul moyen de
l'en détacher n'est point de les proscrire ;
c'est de lui en donner de meilleurs, qui
soient faits également pour lui plaire.
Nous pensons que les projets qu'on
prête au gouvernement n'oot encore rien
d'arrêté ni de définitif : ce ne sont que
des conversations, des propos en l'air.
S'ils prenaient de la consistance, si les
hommes qui vont nous donner une loi
sur la presse songeaient sérieusement à
prescrire le roman-feuilleton, nous re-
viendrions nous-mème sur le sujet avec
plus de détails.
FRANCISQUE SARCEY.
—— + •
COURRIER PARLEMENTAIRE
Versailles, 21 décembre 1875.
Suite de la discussion générale du bud-
get des finances.
Avouons-le : la discussion générale, si
intéressante qu'elle soit, a peu d'attraits
pour nous, elle embrasse trop de points à
la fois. On ne peut pas demander à une
épreuve photographique de donner l'idée
complète d'un pays, de la Hollande ou de
la Suisse par exemple, elle ne représen-
tera jamais qu'un site. Notre Courrier est
dans ce malheureux cas : capable de faire
ressortir de son mieux un incident, il ne
peut reproduire un aussi vaste ensemble
que celui que présente la discussion géné-
rale de divers systèmes financiers.
M. Léon Say, qui n'a pas parlé moins
d'une heure et demie, nous a paru faire
un excellent discours. Il est certain que
M. Magne n'est pas de notre avis, puis-
qu'il a attaqué, avec une aigreur non dis-
simulée, le système budgétaire proposé
par M. Léon Say. Grosso modo, ce système
coasiste en ceci : décharger le pays d'une
partie des impôis nouveaux, à l'aide de la
création de bons spéciaux'de liquidation
ayant leur échéance en 1879 et s'élevant à
la somme de cinquante millions de francs
qui, en l'an 1874, entreront pour un quart
dans le payement des deux cents millions
à faire à la Banque de France.
Chacun a ses jours, M. Magne n'était
pas dans un de ses bons jours. Et cepen-
dant nul, dans la salle, ne témoigne d'hos-
tilité à M. Magne : la gauche écoute le
vieux financier dans le plus respectueux
des silences, et la droite ressent un tel be-
soin d'exprimer sa confiance au ministre
qu'elle crie c très-bien » à tout propos,
même lorsque M. Magne Afclare qu'il y a
145 millions de déficit au 4IDtdget.
Nous ne nous élevons nullement contre
le système budgétaire de M. Magne, mais
nous jugeons mauvaise la façon dont il a
été présenté ; M. Magne a été, aujour-
d'hui, au-dessous de lui-même, nous le
répétons. Est-ce vieillesse ? Mais il ne
supporte plus la contradiction. Est ce état
maladif ? Mais il fait montre d'une aL-
greur et d'un esprit pessimiste que nous
n'avons jamais connus en lui.
Médecin Tant Pis, il noircit à plaisir la
situation financière de la France; ministre
grincheux, il écrase du poids de sa colère
le commerce et l'industrie oui ne veulent
jamais payer leur contingent dans les
charges publiques; membre du cabinet
actuel, il a l'incessante préoccupation de
'défendre les errements de l'empire, qui
ne sont nullement en cause ; orateur plus
habile que franc, il s'escrime contre des
systèmes financiers fantastiques que per-
sonne n'a songé à présenter et rompt la
lance de don Quichotte contre des moulins
à vent qui n'existent même pas.,. Son
plus grand argument est le verre grossis-
sant : l'action de solder l'annuité due à la
Banque par 150 millions en espèces et 50
millions en bons du Trésor au lieu de la
payer par 200 millions en espèces est qua-
lifiée par M. le ministre de sacrilége l —
Où, diable ! le cléricalisme de la droite va-
t il se nicher?
Ennn M. Magne, qui se met maintes
fois sous l'égide de M. Thiers, essaie
d'emprunter au grand historien son
système bien connu de diversions anecdo-
tiques. Seulement M. Magne n'est pas
un historien.
Et il nous raconte que Law, repoussé
par uu sage prince de la maison de Sa-
voie, trouva bon accueil auprès de Louis
XV, un prince qui aimait les aventures.
— Pauvre petit ! Il avait six ans alors, il
devait aimer les aventures du Petit-Pou-
cet; ce ne fut que bien plus tard qu'il
aima les aventures du Parc-aux-Cerfs.
Cependant bien des membres de la
droite ont vivement félicité M. Magne, —
sans doute d'avoir pu parler ti longtemps.
PRIX DU NUMÉRO : PARIS 15 CENTIMES — DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Vendredi 26 Décembre 1873.
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
Wadresser au Secrétaire de la Rédaction
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JOURNÉE POLITIQUE.
pqris) 25 décembre 1873
La discussion générale du budget a oc-
cupé la séance d hier. Après un grand
discours de M. Léon Say, un grand dis-
cours de M. Magne. On trouvera le résumé
de Ja séance à la place ordinaire. Nous
avons dit déjà ce qu'il fallait penser du
nouveau procédé parlementaire qui con-
siste à placer la discussion générale du
budget après la discussion et le vote des
-- dépenses. O n'est pas qu'il n'y ait des
choses très-intéressantes dans les discours
d. M. Léon Say et de M. Magne; mais
une discussion générale, dans ces bizarres
condltiQGs, ne peut guère avoir que la
valeur d'un épilogue. Nous y reviendrons
au surplus. La séance s'et terminée par
un débat asez tumultueux sur la fixation
de la mise à l'ordre du jour de l'interpella-
tion Fourcand.On l'a renvoyée à un mois;
mais le ministère a donné l'assurance qu'il
ne se dessaisirait point des collections ré-
clamées par l'impératrice sans que l'As-
semblée l'y autorisât. C'est toujours cela
de gagné.
Depuis cinq ou six jours on attendait
le Livre jaune. Hier seulement ce recueil
a été distribué. Il ne comprend que 200
pages, et ceux qui comptaient y chercher
des indicalions précises sur notre politi-
que extérieure seroiat bien déçus. A part
quatre pièces qui figurent en tête du vo-
lume sous la rubrique Correspondance géné
raie, on n'y trouve rien de ce qu'on s'at-
tendait à y trouver. La plupart des docu-
ments publiés, si l'on ne courait aux si-
gnatures, sembleraient bien plutôt éma.
ner des consulats que des ambassades.
Vous y lirez des dépêches, qui ont certai-
nement leur importance, sur la question
de la dette tunisienne, sur la propriété des
marques de fabrique, sur l'application de
la nouvelle loi militaire aux Français nés
ou établis à l'étranger, sur les affaires de
Chine, sur l'incident des tapisseries de
Bethléem, qui occupe à lui seul près d'un
quart du volume, sur les mesures qui été
ont prises pour protéger nos nationaux pen-
dant les derniers événements - d'Epagne,
etc.; mais rien de plus. Le volume a été
expurgé avec soin des matières politiques
et, à proprement parler, diplomatiques.
Est-il vrai que nous ayons eu des diffi-
cultés avec l'Italie? et les a-t-on pu apla-
air? Le Livre jaune n'en dit mot; on peut
oublier qu'il existe une Italie en le lisant.
Ainsi du reste. Nous sommes donc forcés
de nous rejeter sur les quatre circulaires
de la « Correspondance générale. »
La première a été envoyée à nos agents
diplomatiques le 28 mai par M. de Bro-
glie. Elle était connue. C'est l'explication
et la justification du changement de gou-
vernement du 24 mai. On y -voit que les
hommes du gouvernement nouveau n'é-
taient en désaccord avec M. Thiers sur
aucun point de politique extérieure. C'est
sur la politique intérieure seulement qu'un
grave différend avait existé. Si la majorité
a substitué le maréchal de Mac-Mahon à
M. Thiers, c'était pour faire prévaloir (le
mot fameux y est) la « politique résolu
ment conservatrice, » car le dernier cabi-
net formé par l'ancien président n'était
point assez « essentiellement conserva-
teur. » Ne perdons pas de vue qu'il s'agit
de MM. Casimir Périer, Dufaure, Wad-
dington, Bérenger, de Fourtou (1), etc.
M. de Broglie ajoute : « Aucune réac-
tion n'est inéditée ni ne sera tentée contre
les institutions existantes.» Tel était bien
le programme, en effet, de M. le maré-
chal de Mac-Mahon. Mais qu'a-t-on dû
penser à l'étranger un peu plus tard quand
on a vu croître, sous les yeux complaisants
du ministère, l'entreprise fusionniste pen-
dant les mois d'août, de septembre et d'oc-
tobre? Laissons cela. La circulaire se termi-
ne par une sorte d'invitation aux puissan-
ces, que M. de Broglie convie à faire aussi
chez elles leur petit 24 mai : « Ce n'est pas
en France seulement que l'esprit révolu-
tionnaire conspire, etc., etc. » Enfin le 24
mai a sauvé l'Europe de la démagogie :
« La situation de la France et l'action
qu'elle exerce sur l'Europe et sur le monde
rendraient le triomphe du parti révolu-
tionnaire dans notre patrie plus grave
que partout ailleurs, et la cause de la so-
ciété française est celle de la civilisation
tout entière. » Pauvre patrie ! voilà donc le
portrait que font de toi tes « sauveurs »
et qu'ils exposent à l'Europe !
L'évacuation du territoire, le 5 septem-
bre, a inspiré un peu moins malheureu-
sement M. le duc de Broglie. Cette cir-
culaire du 5 septembre est très-courte.
« C'est à maintenir et à consolider la paix,
y lisons nous, que nous devrons consacrer
la liberté d'action que nous allons recou-
vrer. à Quelques lignes plus bas, nous
trouvons un hommage aux cinq longs
mois de résistance de la province et de
Paris, un hommage encore « à l'éten-
due des ressources de notpe patrie. »
« Il faut seulement, poursuit le ministre,
qu'elle ait la sagesse de se consacrer tout
entière à réparer ses forces, à assurer l'or-
dre intérieur par des institutions soli-
des, etc. » La fusion florissait alors. Du
reste, pas un mot du gouvernement; pas
un mot, non plus, de M. Thiers. Sur ce
sujat trop délicat, M. de Broglie a voulu
glisser ; ne l'en blâmons point.
(1) Le même M. de Fourtou qui est aujourd'hui
ministre de l'instruction publique. Il s'est déradi-
ealisé.
Nous arrivons au 25 novembre. A cette
date, M. le duc de Broglie expédie la troi-
sième circulaire, pour expliquer le vote de
la prorogation. La prorogation a été votée
« pour que la France se livre aux travaux
de l'agriculture, de l'industrie et du com-
merce, à l'abri d'un pouvoir durable et
fort, » Ici les mêmes mots reviennent sou-
vent FOUS la plume du vice-président du
conseil; c'est le « besoin de stabilité, » ou
encore « la satisfaction impérieusement
réclamée par tous les intérêts. » La dé-
pêche continue par un éloge du maréchal,
dont elle atteste le déêir de vivre en
toane harmonie avec l'Europe. Les puis-
sances verront enfin avec satisfaction « la
France, après tant de secousses révolu-
tionnaires, commencer à donner à. jes
institutions cette stabilité qui n'est pas
moins nécessaire aux relations d'un grand
Etat avec l'étranger qu'à sa sécurité inté-
rieure. » La stabilité ! Quel dommage
qu'elle n'existe que dans les mots !
Le 7 décembre, M. le duc Decazes, suc-
cédant à M. de Broglie au ministère des
affaires étrangères, écrit une autre dépêche,
la dernière de la Correspondance générale,
qui n'est presque que la répétition de celle-
ci. Nous la reproduisons, parce que c'est
la plus récente. Même vague, d'ailleurs, et
même redondance que dans les trois au
très documents : « Sans s'isoler des gra-
ves questions qui s'agitent autour d'elle,
la France se recueille et elle attend, avec
la conscience de sa force et de sa gran-
deur, que l'ordre et le travail lui aient
permis de pauser ses plaies et que le temps
ait effacé les amertumes de ces jours funes-
tes qui ont si profondément troublé le
monde. » Voilà bien la phrase typique.
Les jours funestes, ce sont, après la
guerre, ceux qui ont précédé le 24 mai, et
les jours heureux, appaiemment, ceux que
nous avons connus depuis !
Nous ne ferons pas aujourd'hui de lon-
gues réflexion. Ce qui nous passe, c'est
la sérénité parfaite qui règne dans les
documents où les représentants de la poli-
tique ministérielle parlent d'eux mêmes,
da pays, de la société, de la démagogie,
des institutions, de la stabilité. On se de-
mande avec quels yeux ils voient la
France ? Il y a des grâces d'état. Mais quel
accueil réserve l'étranger à ces pompeuses
assertions, à ces inexactes peintures ?
Nous n'y pensons pas sans chagrin. Heu-
reusement, les autres peuples doivent se
souvenir qu'en France la nation a pres-
que toujours mieux valu que ses gouverne-
ments.
Eus. LIÉBERT.
—————————— ♦
LE LIVRE JAUNE
Le Livre jaune a été distribué hier aux
membres de l'Assemblée nationale.
Il est ainsi divisé :
Correspondange générale;
Affaires d'Espagne;
- Incident de Bethléem;
Don fait par le sultan à l'église d'Abougosch;
Affaires de Chine;
Situation des fils français naturalisés suisses,
au point de vue du service militaire;
- Application de la nouvelle loi militaire aux
Français nés ou établis en pays étrangers;
Question de la dette tunisienne;
Commission franco - allemande de liquida-
tion;
Commission spéciale pour les canaux du
Rhône et de la Marne au Rhin;
Projet d'arrangement relatif aux collisions en
mer;
Dénonciation du traité de commerce entre la
France et la Russie;
Suppression des surtaxes de pavillon aux
Etats-Unis ;
Réunion d'une conférence monétaire;
Le projet de conférence internationale pour
la révision du régime des quarantaines;
Commission internationale du mètre; garan-
tie de la propriété des marques de fabrique.
Nous en extrayons la circulaire suivante
du ministre des affaires étrangères.
Versailles, le 7 décembre.
Monsieur,
Lorsque par sa dépêche du 25 novembre der-
nier mon prédécesseur vous annonçait la pro-
rogation des pouvoirs de M. le maréchal de
Mac-Mahon, il vous prévenait que rien ne ee-
rait changé à la ligne de conduite adoptée par
le président de la République dans ses relations
avec les puissances étrangères, et, quelques
jours après, au moment ou je prenais possession
du département des affaires étrangères, je vous
en donnais la nouvelle assurance, en vous
priant de la transmettre au gouvernement au-
près duquel vous êtes accrédité.
J'ai pu, depuis lors, recevoir de toutes parts
les témoignages de la satisfaction et de la con-
fiance avec lesquelles le vote de l'Assemblée a
été accueilli par les gouvernements étrangers,
et enregistrer las félicitations dont M. le ma-
réchal de Mac-Mahon a reçu l'expression, et
j'ai dû en conclure que les sentiments dont
vous aviez été l'organe avaient été compris. Il
ne pouvait en être autrement : les cabinets ne
devaient pas rester indifférents à ce grand acte
qui donnait à notre gouvernement une stabi-
lité non moins nécessaire à nos relations exté.
rieures qu'à notre sécurité intérieure.
Nos intentions ne pouvaient, d'ailleurs, être
méconnues ; et ces témoigaages de sympathie
étaient bien dus à la sagesse et à la modération
dont l'Assemblée nationale a donné tant de
preuves, comme aussi à l'ardeur au travail et à
la mâle résignation du pays tout entier.
En nous voyant consacrer à nouveau un pou-
voir dont elles avaient déjà pu apprécier les dis
positions, les puissances étrangères savaient, en
effet, que le gouvernement de M. le maréchal
de Mac-Mahon continuerait à affirmer son désir
de vivre en bonne harmonie avec elle aussi bien
que son respect scrupuleux des trailés.
Elles étaient assurées que, tout entiers à no-
tre œuvre de réorganisation et de développe-
ment paeifiqnes; nous ne poursuivrions contre
elles aucun dessein qui pût mettre en péril cet
apaisement des esprits et des intérêts que nous
avons la ferme volonté d'apurer.
Sans s'isoler des graves questions qui s'agi-
tent autour d'elle, la France se recueille et elle
attend avec la conscience de sa force et de sa
grandeur que l'ordre et le travail lui aient per-
mis de panser ses plaies, et que le temps, qui,
seul, peut permettre aux grands événements de
l'histoire de porter leurs fruits, ait effacé les
amertumes de ces jours funestes qui ont si pro-
fondément troublé le monde. Vous voudrez
bien, monsieur, en donner en toute occasion
l'assurance.
Vous trouverez dans les actes de l'Assemblée
nationale et dans les instructions qui vous se-
ront adressées les moyens d'affirmer que cette
politique, qui est celle du gouvernement actuel'
comme elle était aussi celle du gouvernement
qui nous a précédés, s'impose ici à toutes les
consciences comme à toutes les volontés,qu'elle
est bien celle de la France entière, et en faisant
pénétrer partout cette conviction et cette con-
fiance, vous serez assuré de rester le fidèle
interprète de nos intentions.
Agréez, etc.
Signé : Decazes.
'-'---'-------'
Des nouvelles que nous recevons d'Aix,
mais que nous n'avons pu encore contrô-
ler, nous apprennent que la caur, saisie de
la question de l'état de siège dans le dé-
partement des Bouches-du-Rhône, s'est
déclarée compétente, et, après en avoir
délibéré, a prononcé l'illégalité de l'état de
siège dans ce département.
— — «. ——————————
Je demande la parole pour un fait per-
sonnel.
Les amis connus ou inconnus qui
me font l'honneur, depuis deux ans,
de suivre mes travaux quotidiens dans
ce journal, peuvent me rendre ce
témoignage que je n'y ai point abusé
du moi. J'estime, en principe, qu'un
journal doit être une œuvre imper-
sonnelle ; il y gagne en autorité et
on dignité. Aussi, ai-je longtemps
combattu la fameuse loi Tinguy, im-
posant l'obligation d'une signature au
bas de chaque article; Si, dans la prati-
que, @ j'ai changé d'opinion , c'est que
l'expérience m'a fait reconnaître les
dangers de l'anonymat. Tous les col-
laborateurs d'un journal ont beau être
d'accord sur. les questions principa-
les , il est bien impossible qu'ils ne
soient point séparés par des nuances ou
qu'ils s'entendent toujours sur les voiès
et moyens à employer pour atteindre le
but. Quand chacun signe ce qu'il écrit,
la chose ne tire point à conséquence ;
mais, dans le cas contraire, la respon-
sabilité devient collective, et parfois
gênante pour quelques-uns.
Je l'ai éprouvé au Paris-Journal, dont
je fus le secrétaire de rédaction pen-
dant deux ans, et le collaborateur assidu
durant la troisième année, depuis le 4
septembre 1870 jusqu'au 31 août 1871.
Le rédacteur en chef du Paris-Journal
m'en fait souvenir aujourd'hui avec une
bienveillance où perce une légère pointe
de perfidie. Je le lui pardonne volon-
tieps, bien qu'en toutes choses, — il le
sait mieux que personne — je préfère le
franc-parler et les coups droits aux insi-
nuations et aux feintes. Autrefois, en
plaisantant, il aimait à m'appeler recti-
ligne. Je l'étais, en effet, et je le suis
encore.
Je n'avais point nommé, par un scru-
pule que chacun appréciera, le journal
qui, le premier, lança dans la circula-
tion l'idée de mettre en jugement les
hommes de septembre. M. de Pêne, ne
voulant point qu'on en ignore, revendi-
que l'honneur de cette mirifique trou-
vaille, dans un article à moi adressé, et
où, durant près de trois colonnes, il se
donne la joie facile de m'opposer à moi-
même, de comparer l'ancien rédacteur du
Paris-Journal au rédacteur actuel du XIX-
Siècle. Il cite toute une série d'articles
tirés du Paris-Journal, où les hommes du
4 septembre sont malmenés, où même
on demande leur mise en accusation, et
il conclut : C'est vous ou moi, vous et
moi qui avons écrit ces lignes, ou bien
c'est par vos ordres qu'elles ont été pu-
bliées, car vous m'avez remplacé comme
rédacteur en chef pendant trois ou qua-
tre mois.
Voilà ce que c'est que de ne point si-
gner ses articles; on endosse ceux du
voisin ! Ce n'est pas, entendons-le bien,
que je repousse en bloc toutes les cita-
tions faites par M. de Pêne ; je m'expli-
querai dans un instant à ce sujet ; mais,
en vérité, je trouve qu'il triomphe trop
vite. En effet, j'ai quitté volontairement
le Paris-Journal à la fin d'août 1871.
Pourquoi? Si je n'avais point cessé, à
oette époque, d'être d'accord avec M. de
Pêne, si nos deux âmes, selon L'expres-
sion de Montaigne, « charriaient uni-
ment » comme par le passé, pourquoi
ai - je quitté son journal ? C'est ce
qu'il m'importe de dire, et ce qu'a
le droit de savoir le parti auquel je
m'honore d'appartenir et d'avoir tou-
jours appartenu.
Malheureusement il me faut remonter
au déluge; mais je m'engage à ne point
m'amuser en chemin. Du 14 décembre
1868, jour delà création du Paris-Journal,
au 4 septembre 1870, je n'ai point écrit
une ligne sur les hommes ou les choses
de la politique. Ma besogne était pure-
ment matérielle; je la voulais telle et
n'en eusse point accepté d'autre dans
un organe qui, pour indépendant qu'il
fût, ne souhaitait pourtant pas, comme je
le souhaitais de tout mon cœur, la fin
du régime impérial.
Le 4 septembre 1870, je me trouvais
sur la place de la Concorde avec M. de
Pène au moment où la République sortit
du Corps législatif. J'applaudis alors à
la Révolution comme j'y applaudis au-
jourd'hui, et le soir même j'offrais ma
démission à mon rédacteur- en chef. La
presse se retrouvait libre ; dès l'instant
qu'il devenait possible à tout le monde
de fonder un journal et d'y imprimer li-
brement sa pensée, je croyais de mon
devoir de ne point demeurer davantage
dans un journal où l'on allait défendre
l'empire; du moins, je le pensais.
Mais je m'étais trompé; le Paris-Jour-
nal acceptait le fait accompli et se dé-
clarait prêt à soutenir le nouvel ordre de
choses. Un article signé de Pêne, et paru
le 5 au matin, en fait foi. Alors, mais
alors seulement, je devins un collabora-
teur actif. Je n'ai point à renier une seule
ligne sortie de ma plume pendant le siège
de Paris. La politique, d'ailleurs, était re-
léguée au second plan; hormis les Flou-
rens, les Delescluze, les Blanqui et les Félix
Pyat, qui obligèrent deux ou trois fois la
presse à s'occuper d'eux pour flétrir leur
indigne condui4e, personne ne songeait
qu'aux Prussiens.
Vint la Commune. Je crus qu'elle al-
lait tuer la République ; je la combattis à
outrance. Nous ne reverrons plus ces
tristes jours; mais s'ils devaient nous
être ramenés par ceux-là mêmes qui
tout hamt ne feignent tant-de la craindre
que parce qu'ils regrettent de n'en avoir
pas profité, je compte retrouver en moi,
pour la combattre encore, l'ardeur pas-
sionnée que je m'honore d'avoir mise
en 1871 au service de l'ordre et de la
liberté, je veux dire au service de la Ré-
publique.
Dès les premiers jours de l'insurrec-
tion, lors de la manifestation de la place
Vendôme, M. de Pène tomba, frappé
d'une balle. Il voulut bien me confier,
à moi, dont il connaissait d'ancienne
date les opinions lépublicaines, la di-
rection de son journal, d'abord à Paris,
puis à Saint-Germain, où nous fûmes
obligés, comme la plupart de nos con-
frères, de chercher un asile contre les
violences du fameux Comité central.
C'est de cette époque surtout que da-
tent les articles si complaisamment lan-
cés dans mes jambes par M. de Pêne.
Ces articles ont une origine qu'il connaît
trop intimement pour m'en vouloir de
ne pas la révéler d'une façon plus claire.
Je ne me reconnais d'ailleurs point le
droit, même pour les besoins d'une polé-
mique, de faire usage de confidences
que je tiens uniquement de ma situation
au journal. M. de Pêne, j'en suis per-
suadé, ne voudra pas voir une insinua-
tion malveillante dans une réserve dont
il peut seul apprécier les véritables
motifs. -
Il fallait insérer ces articles, ou m'en
aller. Peut-être eût-il mieux valu, pour
moi, je m'en aperçois maintenant, pren-
dre tout de suite ce dernier parti. Mais,
en somme, j'ai toujours fait bon marché
des hommes, et comme les principes
étaient saufs, comme je demeurais libre
de défendre la République et de soutenir
le chef de l'Etat quand il déclarait, du
haut de la tribune, aux applaudissements
de toute l'Assemblée, que la République
n'était mise en péril que par les insur-
gés de Paris, je pris patience et demeu-
rai à mon poste jusqu'à la rentrée des
troupes dans la capitale.
Quelques jours après, M. de Pène re-
prenait la direction de son journal; et
presque aussitôt d'importantes modifica-
tions furent apportées à la politique dé-
fendue par moi depuis le 18 mars. Je
crus voir, et je vis en effet, que si l'on
attaquait les hommes du 4 septembre, ce
n'était que pour arriver insensiblement
à attaquer le 4 septembre lui-même.
Cette fois, je donnai ma démission. Mais
on ne voulut point m'entendre: Je me
trompais, j'étais un ombrageux; on ne
pensait point du tout à combattre ce que
je voulais défendre; que sais-je enfin?
J'attendis. Mais le mouvement tournant
s'accentuait chaque jour; à la fin, n'y
pouvant plus tenir, je pris congé défi-
nitivement.
Pourquoi M. de Pène refusa-t-il alors
ce que j'avais le droit d'exiger de lui, ne
fût-ce qu'au nom de notre amitié? Pour-
quoi ne voulut-il point insérer la lettre
où je motivais ma démission? La mau-
vaise querelle qu'il me cherche aujour-
d'hui fût devenue impossible, car dans
cette lettre, que j'ai dû reproduire de,
guerre lasse, dans le XIXe Siècle, il y a
environ dix-huit mois, j'expliquais très-
nettement ma situation vis-à-vis du Pa-
ris-Journal. Je le fais aujourd'hui pour
la dernière fois, heureux d'en trouver
l'occasion, mais bien déterminé à n'y
plus revenir. C'est dans ce but que je
m'étends un peu plus, sans doute, qu'il
ne conviendrait, pour ne point abuser de
la bienveillance de mes lecteurs. Ils me
pardonneront, j'espère, en faveur de la
promesse que je leur fais.
Je n'ai plus, du reste, que quelques
mots à ajouter.
J'ai dit plus haut que je ne reniais pas
tout ce que le Paris-Journal avait publié,
à l'époque de ma collaboration, sur les
hommes du 4 septembre. C'est vrai'; j'ai
attaqué, et si je le croyais utile, j'atta-
querais encore plus d'un membre du
gouvernement de la Défense nationale.
Ici même, j'ai parlé du général Trochu,
de M. Gambetta, de Jules Favre en des
termes qui, pour n'être point outra-
geants comme ceux dont se sert la presse
à laquelle s'est rallié le Paris-Journal,
n'en sont peut-être que plus sévères, et
plus justes, dans tous les cas. Qu'est-ce
que cela prouve ?
Je le répète, peu m'importent les
hommes ; or, je proteste de toute mon
énergie contre la confusion que M. de
Pène tend à me faire établir entre les
hommes et les principes. Je n'ai ni atta-
qué ni défendu les membres du gouver-
nement de la Défense nationale dans
l'article auquel répond M. de Pêne. J'ai
dit et je maintiens que les hommes du 4
septembre ont bien agi en ramassant le
pouvoir impérial gisant à terre ; j'ai dit
et je maintiens que l'Assemblée natio-
nale a jugé le 4 septembre dans sa séance
du 1er mars 1871 et que son verdict s'im-
pose au respect de tous ; j'ai dit et je
maintiens que demander le procès des
hommes de septembre pour se dédom-
mager de la condamnation de l'homme
de Metz est une idée baroque et qui ne
fait point honneur à ceux qui l'ont con-
çue.
J'ai fiai. Dieu me garde, moi aussi,
d'avoir rien dit qui puisse chagriner un
homme qui fut longtemps mon ami! Je
l'ai combattu sur le terrain politique ; il
m'a riposté sur le terrain personnel, et je
l'y ai suivi quoi qu'il m'en coûtât. Main-
tenant est venue l'heure où « chacun de
son côté s'en va. »
E. SCHNERB.
»—™— -
LES NOUVEAUX IMPOTS
DE LA VILLE DE PARIS
Dans sa séance d'hier, le conseil muni-
cipal a continué la discussion générale
sur les nouvelles taxes d'octroi.
Après un éloquent discours de M. Flo-
quet, qui a protesté contre toute suréléva-
tion du tarif d'octroi, estimant que, pour
combler le déficit, il fallait de préférence
s'adresser à la contribution foncière, après
une réfutation très-ingénieuse de M. Al-
bert Dehaynin, rapporteur de la commis-
sion des finances, le conseil a voté, à une
majorité de 6 voix, le principe de surélé-
vation des taxes d'octroi.
Voici le résumé de cette délibération
qui intéresse si vivement la'population
parisienne :
1° Etablissement d'un second décime sur
les vins en cercles et les cidres et poires.
Ce second décime serait pour les vins
de 1 fr. par hectolitre, soit 2 fr. 25 sur une
pièce de 225 litres, et par litre de 0 01 c. ;
2° Révision et surélévation des taxes
principales sur les objets suivants :
Vins en bouteilles. — 0 25 c. par litre,
au lieu de 0 17 c. ;
Vinaigre. — 0 15 c. au lieu de 0 10 c.
Acide acétique. — 50 centimes au lie.
de 10 centimes;
Huile d'olive, fruits et conserves à
l'huile. — 40 centimes au liem de 38 cen-
times;
Huile provenant de substances animales
ou végétales.— 25 centimes au lieu de 21
centimes;
Essences minérales. — 18 centimes au
lieu de 15 centimes.
Vernis.- 18 centimes au lieu de 9 c. 50;
Marbres et granits. — 25 centimes au
lieu de 15 centimes, le mètre cube; f.'
Ardoises.- 5 francs au lieu de 4 francs
le mille.
Briques. — 6 francs au lieu de 5 fr.
75 c.;
Carreaux de pays et de faïences ;
Pots creux, mitrons. — 50 centimes au
lieu de 25 centimes ;
Argile, terre glaise, sable gras ;
Cire ;
Suifs bruts ou fondus;
Bougie, acide stéarique et margarique.
20 francs au lieu de 16 francs ;
Glace à rafraîchir. — 5 francs au lieu
de 2 fr. 50 c.;
Cette nomenclature n'est pas complète ;
car de nouveaux impôts d'octroi nous sont
réservés pour la séance de vendredi.
Il s'agit de toute une catégorie de den-
rées exempte jusqu'à ce jour — oranges,
citrons, fruits secs, etc. — qui intéresse
plus particulièrement l'épicerie.
Dans cette séance de vendredi, seront
également discutées les taxes de voirie -
entretien du pavage et frais d'éclairage.
Il est .à remarquer que la gauche du
eonseil xaunicipal a refusé de voter l'aug-
mentation du tarif d'octroi sur les objets
de consommation populaire.
Les propositions de l'administration ont
été soutenues et votées par la droite de
l'assemblée municipale.
» ;
TOUJOURS GOMffiE AUTREFOIS
Vous souvient-il des anathèmes lancés
autrefois contre le roman -feui*lle ton?
C'était lui, disaient les gens vertueux d'a-
lors, qui dépravaitles mœurs, qui fomen-
tait les révolutions. On eut en ce temps-
là l'idée ingénieuse de l'imposer. Tout
journal, qui prétendait donner cette lit-
térature malsaine à ses abonnés payait
un centime de timbre en sus de la taxe
ordinaire. Voyez-vous l'administration
permettant à un épicier de vendre un
poison authentique, à condition de payer
double patente !
L'impôt, bien entendu, ne rendit rien
au fisc. On y échappa aisément. Les jour-
naux n'inserèrent plus que des nouvel-
les ; ou bien ils donnèrent à des récits
romanesques la forme de voyages. Les
romans devinrent des études, et le diable
n'y perdit rien ; si tant est que le diable
eût quelque part à cette littérature.
Je crois même que c'est à cette épo-
que que l'on s'avisa de découper dans la
Gazette des Tribunaux du temps jadis
les procès célèbres des illustres coquins
qui avaient passé en cours d'assises.
C'était de l'histoire ; on esquivait ainsi
le fameux centime. Mais gagnait-on
grand chose à substituer Lacenaire à
Rocambole ? Au moins Rocambole amu-
sait-il l'imagination, en transportant le
lecteur dans les régions de la fantaisie.
Les crimes de Lacenaire avaient un je ne
sais quoi de réel qui invitait bien plutôt
à l'imitation.
La loi fut rapportée.
Voilà qu'aujourd'hui le gouvernement
de l'ordre moral parle de la faire renaî-
tre ; il songe tout au moins à mettre une
digue à ce débordement de mauvaise
littérature qui inonde les journaux à un
sou.
Nous le prévenons que toutes les me-
sures qu'il prendra seront aussi vaines
que celles qui ont été imaginées par ses
prédécesseurs.
ioutee qu un gouvernement peut faire
en ce genre, c'est d'arrêter les publica-
tions qui blessent la décence. La police
a le droit de mettre au violon une hom-
me qui outrage la pudeur publia
que; de même, l'autorité peut traduire
en justice un écrivain qui de propos dé-
libéré salit l'imagination de ses lecteurs.
Il y a des lois qui punissent ces sortes
de délits. Si rigoureusement qu'elles
soient exécutées, personne ne se plain-
dra. La littérature pornographique ne
mérite assurément aucune sympathie.
On se heurte à des difficultés insup-
portables quand on veut pousser plu
loin dans cette voie. Les romans dont
le peuple se nourrit ne sont pas très-
bons, j'en conviens. Le seul moyen de
l'en détacher n'est point de les proscrire ;
c'est de lui en donner de meilleurs, qui
soient faits également pour lui plaire.
Nous pensons que les projets qu'on
prête au gouvernement n'oot encore rien
d'arrêté ni de définitif : ce ne sont que
des conversations, des propos en l'air.
S'ils prenaient de la consistance, si les
hommes qui vont nous donner une loi
sur la presse songeaient sérieusement à
prescrire le roman-feuilleton, nous re-
viendrions nous-mème sur le sujet avec
plus de détails.
FRANCISQUE SARCEY.
—— + •
COURRIER PARLEMENTAIRE
Versailles, 21 décembre 1875.
Suite de la discussion générale du bud-
get des finances.
Avouons-le : la discussion générale, si
intéressante qu'elle soit, a peu d'attraits
pour nous, elle embrasse trop de points à
la fois. On ne peut pas demander à une
épreuve photographique de donner l'idée
complète d'un pays, de la Hollande ou de
la Suisse par exemple, elle ne représen-
tera jamais qu'un site. Notre Courrier est
dans ce malheureux cas : capable de faire
ressortir de son mieux un incident, il ne
peut reproduire un aussi vaste ensemble
que celui que présente la discussion géné-
rale de divers systèmes financiers.
M. Léon Say, qui n'a pas parlé moins
d'une heure et demie, nous a paru faire
un excellent discours. Il est certain que
M. Magne n'est pas de notre avis, puis-
qu'il a attaqué, avec une aigreur non dis-
simulée, le système budgétaire proposé
par M. Léon Say. Grosso modo, ce système
coasiste en ceci : décharger le pays d'une
partie des impôis nouveaux, à l'aide de la
création de bons spéciaux'de liquidation
ayant leur échéance en 1879 et s'élevant à
la somme de cinquante millions de francs
qui, en l'an 1874, entreront pour un quart
dans le payement des deux cents millions
à faire à la Banque de France.
Chacun a ses jours, M. Magne n'était
pas dans un de ses bons jours. Et cepen-
dant nul, dans la salle, ne témoigne d'hos-
tilité à M. Magne : la gauche écoute le
vieux financier dans le plus respectueux
des silences, et la droite ressent un tel be-
soin d'exprimer sa confiance au ministre
qu'elle crie c très-bien » à tout propos,
même lorsque M. Magne Afclare qu'il y a
145 millions de déficit au 4IDtdget.
Nous ne nous élevons nullement contre
le système budgétaire de M. Magne, mais
nous jugeons mauvaise la façon dont il a
été présenté ; M. Magne a été, aujour-
d'hui, au-dessous de lui-même, nous le
répétons. Est-ce vieillesse ? Mais il ne
supporte plus la contradiction. Est ce état
maladif ? Mais il fait montre d'une aL-
greur et d'un esprit pessimiste que nous
n'avons jamais connus en lui.
Médecin Tant Pis, il noircit à plaisir la
situation financière de la France; ministre
grincheux, il écrase du poids de sa colère
le commerce et l'industrie oui ne veulent
jamais payer leur contingent dans les
charges publiques; membre du cabinet
actuel, il a l'incessante préoccupation de
'défendre les errements de l'empire, qui
ne sont nullement en cause ; orateur plus
habile que franc, il s'escrime contre des
systèmes financiers fantastiques que per-
sonne n'a songé à présenter et rompt la
lance de don Quichotte contre des moulins
à vent qui n'existent même pas.,. Son
plus grand argument est le verre grossis-
sant : l'action de solder l'annuité due à la
Banque par 150 millions en espèces et 50
millions en bons du Trésor au lieu de la
payer par 200 millions en espèces est qua-
lifiée par M. le ministre de sacrilége l —
Où, diable ! le cléricalisme de la droite va-
t il se nicher?
Ennn M. Magne, qui se met maintes
fois sous l'égide de M. Thiers, essaie
d'emprunter au grand historien son
système bien connu de diversions anecdo-
tiques. Seulement M. Magne n'est pas
un historien.
Et il nous raconte que Law, repoussé
par uu sage prince de la maison de Sa-
voie, trouva bon accueil auprès de Louis
XV, un prince qui aimait les aventures.
— Pauvre petit ! Il avait six ans alors, il
devait aimer les aventures du Petit-Pou-
cet; ce ne fut que bien plus tard qu'il
aima les aventures du Parc-aux-Cerfs.
Cependant bien des membres de la
droite ont vivement félicité M. Magne, —
sans doute d'avoir pu parler ti longtemps.
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