Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-11-28
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 28 novembre 1873 28 novembre 1873
Description : 1873/11/28 (A3,N743). 1873/11/28 (A3,N743).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/03/2013
30 Années — N° 743
Pm Du NUMÊBO : PÀBII 15 CETÏTIMBS — DÉPÀRTBMS^ÏS 20 CxxTint.
Vendredi 28 Novembre 1873.
-
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION -
Wadresier au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
2» rue Drouot, 9
les manuscrits non insérés ne seront pat rendus.
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ADMINISTRATION
Adresser lettres et àiandats à radmitbtratour
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Un an "','uU. 61 '"j
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MM. les Souscripteurs dont l'a-
bonnement expire le 30 novembre
sont priés de le renouveler immé-
diatement, s'ils ne veulent éprouver
de retard dans la réception du
journal.
Les abonnements pour i'AMACE
LOBRAINE sont acoeptés au prix de
Franee.
on peut ioacerlre ehe. toum- les, n.
br.tr.-
JOURNÉE POLITIQUE
Paris, 27 novembre 4875.
Rien au Journal officiel. On assure
que le nouveau cabinet était fait avant-
hier soir à onze heures, mais qu'il
s'est défait à minuit, pour se refaire et
se défaire encore hier. Le due Pasquier,
évincé, mécontent, aurait fait échec au duo
de Broglie. On attend le dénouement, les
paris s'engagent ; on présume toute-
fois que le duc de Broglie l'emportera.
Ensuite, il n'y aura plus que l'affaire des
sous-secrétaireries à régler; mais, pour
nommer tant de sous-secrétaires, que
de mal! Le simple public demandera
peut-être à quoi servent des changements
ministériels quand la politique ne change
pas, quand à peine changent les personnes?
Eh! bonnes gens, vous vous méprenez;
vous croyez assister à une crise ministé-
rielle, et ce n'est qu'une distribution de
prix.
L'important n'est pas de savoir si M. de
Broglie, en M.Batbie, ou M. Ernoul seront
demain ministres de ceci quand ils étaient
hier ministres de cela. Simples déména-
gements d'un hôtel à l'autre. Mais ee qui
est la grave question, la question essen-
tielle, la question d'Etat, c'est le partage
des sous-secrétaireries, la distribution des
prix, en un mot, -.,.. des prix du scrutin.
Il en faut pour la droite, il en faut pour
le centre, droit, et quelques-uns même en
voudraient un peu pour le groupe innom-
mé du centre gauche-droit. Joignez-y que
pas un des anciens ministres ne consent
à sacrifier le portefeuille. Ils ont tous pour
le portefeuille cette tendresse passionnée
qu'ils attribuaient si spirituellement na-
guère à l'honorable M. Jules Simon. Com-
ment faire? On ne peut pourtant se dis-
penser d'encourager le zèle, de récompen-
- ser la vertu. Plus de majorité si l'on ne
contente tout le monde; et pourtant s'il est
impossible que tout le monde soit con-
tenté?
Bon appétit, messieurs! comme dit
Ruy-Blas. Et de- fait, à droite autant
qu'au centre droit,-ils sont bien une cin-
quantaine à qui ce bon appétit ne manque
point. Les sous-secrétaireries d'Etat doublent
les ministères. Ce n'est pas assez ; si on les
triplait? Bien mieux que cela, dit le
Français; si on les quintuplait? Nous
pourrions introduire dans le cabinet tren-
te-neuf personnes. Non pas trente-six, on
aurait l'air de se moquer, car on dit tren-
te-six vertus, trente-six chandelles, et ce
chiffre de trente-six n'est pas sérieux; mais
trente-neuf, comme en Angleterre. Irai-
ctons l'Angleterre! « L'exemple de l'An-
gleterre est péremptoire, assure le Fran-
çais ; le ministère est, chez nos voisins,
formé par l'assobiation de trente-neuf
hommes politiques appartenant à la Cham-
bre des communes ou à la Chambre des
lords, et dont la position politique dépend
de leur conformité de vues avec l'opinion
de la majorité parlementaire. »
Avouez que les positions politiques qui
dépendent des conformités de vues ont
quelque chose de bien séduisant. Nous
réclamons, dira-t-on désormais au gou-
vernement, des positions politiques puis-
que nous sommes en conformité de
vues ; donnant, donnant ; positions politi-
ques pgur conformité ! Mais qu'est-ce
donc enfin que ces trente-neuf membres
du cabinet britanique ? Hélas ! il en est
quelques-uns, — le Français s'en attristera,
— dont les fonctions, excellentes pour leur
pays, ne sauraient convenir au nôtre :
nous n'aurons jamais de secrétaire de
l'Inde, ni de lord-lieutenant [de l'Irlande,
ni de contrôleur de la maison royale, ni
de chancelier du duc de Lancastre, ni
même de lord-chambellan, de maître des
; «hevaux ou de grand-veneur. Quant au
procureur général, au maître général des
postés, au président du conseil du com-
merce, etc., etc., ce sont des fonctions qui
n'ont pas besoin d'être créées chez nous
puisqu'elles existent et qu'elles sont rem-
plies ; toute la différence, c'est que ceux
qui en sont revêtus en Angleterre ont
rang de membres du cabinet.
Décidément, l'expédient ne vaut rien,
s'il est examiné d'un peu trop près ; il en
faut un autre, ou nous serons réduits aux
seuls ministres et aux sous-secrétaires, ce
qui n'est pas de quoi contenter vingt per-
sonnes. On avisera. Pour nous, nous pro-
poserions volontiers, n'était la question de
budget, que tous les membres de la droite
et du centre droit fussent nommés mi-
nistres. Quelle compacte majorité pour le
cabinet! Et quelle conformité de vues
découlerait de cette conformité de posi-
tions ! Mais on nous accuserait de plaisan-
ter et de traiter légèrement un sujet grave.
Aussi ne songeons-nous pas à insister.
L'Assemblée a nommé hier les trente
membres de la commission constitution-
nelle ; mais nous ignorons les résultats de
ses votes au moment où nous écrivons.
Tout ce que nous pouvons constater, c'est
qu'on- n'a jamais vu si bel imbroglio. Ren-
voyons le lecteur au Courrier parlementaire
et au compte-rendu de la séance.
On croit maintenant pouvoir espérer un
dénouement pacifique de l'affaire du
Virginius. Les derniers télégrammes de
Washington disent que M. Fish et l'am-
bassadeur espagnol ont reçu de Madrid des
dépêches conciliantes.
EUG. LIÉBERT.
♦ :
LA CRISE MINISTÉRIELLE
Le ministère constitué dans la soirée du
24 novembre a vécu. On a constaté l'heure
du décès, il était 1 heure 35 minutes du
matin. Ne croyez pas que je plaisante.
Ainsi que nous l'avons aanoncé hier,
après bien des pourparlers, il avait été dé-
cidé à onze heures du soir que le Journal
officiel publierait les nominations que nous
avons données. Tout était bien convenu.
M. le duc Decazes avait donné son assen-
timent et les ministres qui conservaient
leurs portefeuilles ne soufflaient mot ;
mais on avait compté sans M. Beulé et
sans le. centre droit.
M. Beulé se trouvait dans une situation
très-délkate. Il avait été informé que pour
permettre à M. Decazes d'entrer dans la
combinaison ministérielle, il était néces-
saire de le sacrifier, lui. ou M. Batbie.
M. Beulé, fort du succès qu'il avait remporté
à la Chambre, ne douta pas un instant
qu'on ne sacrifiât M. Batbie. Il resta muet
toute la journée; mais M. Batbie, qui ne
désirait pas céder la place, vint voir le
maréchal et M. de Broglie, et grand fut
l'étonnement du ministre de l'intérieur
-quand il apprit dans la soirée qu'il devait
se retirer.
Il ne perdit pas une minute il alla
voir le vice-président du conseil, il alla
voir M. le duc Decazes, il alla voir le ma-
réchal, et ses amis du centrejdroit déclarè-
rent qu'ils ne comprenaient rien à cette
disgrâce.
M. Decazes, qui tient beaucoup à conser-
ver son ambassade à Londres et qui n'ac-
ceptait un portefeuille qu'à contre-coenr,
annonça qu'il ne pouvait, dans de pareil-
les conditions, entrer au ministère.
— Changez complétement le cabinet,
aurait-il dit, ou conservez-le tel qu'il est.
Vous n'avez aucun motif de renvoyer un
ministre qui, selon moi, n'a pas démérité.
M. le duc Decazes pensait, en outre,
qu'il fallait introduire dans le cabinet l'é-
lément centre gauche, représenté de préfé-
rence par M. Mathieu-Bodet.
On en était là hier matin. M. de Broglie,
cependant, persévérant dans ses projets ae
la veille, fit télégraphier par l'agence Havas
que le ministère était nommé, mais que
le Journal officiel était demeuré muet,
parce que l'on n'avait pas pu se mettre
d'accord sur les sous-secrétaires d'Etat.
De nouvelles tentatives eurent lieu au-
près de M. le duc Decazes. Elles restèrent
infructueuses.
Le gouvernement se trouvait en présence
d'une situation très-difficile. Les légiti-
mistes-exigeaient lé maintien de MM. Er-
noul et de la Bouillerie. Le cabinet n'ayant
essuyé aucun échec devant l'Assemblée,
la retraite des$eux ministres paraîtrait
un désaveu de leur conduite dans les
menées fusionnistes, et la droite ne pou-
vait admettre un seul instant cette hypo-
thèse.
Les bonapartistes, d'autre part, tenaient?
bon pour le maintien de MM. Magne et
Deseilligny. -
Comment faire ? ,
Le gouvernement était dans une vérita -
ble impasse. ;'
On négocia à nouveau, on essaya toutes
les combinaisons, sans contenter per-
sonne. M. de Broglie jesta enfermé de
longues heures avec le président de la Ré-
publique; on fit venir à la présidence
plusieurs candidats ; tous les essais ne
prouvaient qu'une chose c'est que le
désaccord entre la droite et le centre droit
allait croissant.
M. Ernoul était à l'Assemblée pendant
que M. de Broglie conférait avec le ma-
réchal. Interrogé par plusieurs députés sur
sa position future, il répondit :
- Je ne sais rien, mais je crois que je
ne suis plus ministre.
La phrasé fat dite avec une certaine
amertume. M. Ernoul était dans les cou-
loirs, très-entouré par les légitimistes..
On était dans cette situation à six heu-
res du soir. :
Le maréchal Mac-Mahon sentit enfin la
nécessité d'en finir et annonça à M. de
Broglie sa volonté de réunir le conseil des
ministres à htiit heures du soir.
Les ministres démissionnaires se ren-
dirent à la présidence, et à partir de huit
Heures du soir, ce, fut un va-et-vient géné-
ral. La discussion a été très-animée, pa-
raiJl; à onze heures du soir, le cabinet
n'était pas constitué.
Ce que nous pouvons affirmer, c'est qu'à
ce moment M. le duc Decazes et M. le
duc d'Audiffret-Éasquier étaient définitive-
ment écartés.
LA COMIIISSION DES TRENTE
Voici les noms des 13 députés qui
ont obtenu la majorité absolue dans le
scrutin pour la nomination des commis-
saires chargés de préparer les lois cons-
titutionnelles :
Votants. 619
Majorité absolue.. 310
Ont obtenu :
MM. Dufa uree 427
Laboulaye 411
Waddington. 383
De Talhouët. 360
De Kerdrel. 342
Da Lacombe. 338
Lambert de S te-Croix. 330
Pradié 330
De Larcy « 328
De Meaux.. 325
Grivart. 314
De Gumont. 311
Tailhand. 311
Venaient ensuite. MM. :
Daru »,. 306
D'Haussonville 301
De Sugny. 298
Viagtain 298
Chesnelong 297
J. Grévy 295
A. Lef.-Pontalis. 294
D'Andelarre v 293
Paris (P.-d.-C.). 290
Schérer. 288
Larochefouc. - Bisaccia. 287
Tatton. 285
Tarteron 282
Keller. 278
Lucien Brun. 275
Ch. de Rémusat. 260
Combier 259
Casimir Perler 259
Bethmont. 258
Laurier. f , 255
Bertauld. k 255
J. Simon 253
Leroyer 248
Arago T 244
A; Grévy 240
Labassetière ., 240
Ricard. 238
Larochette. 238
Marc-Dufraisse. 203
Vacherot. 160
Bérenger. 144
Dslsol. 125
Cézanne. 117
Voisin. 101
-
COURRIER PARLEMENTAIRE
- -
Versailles, 26 novembre 1873.
Dépêchez-vous; messieurs, dépêchez-vous;
prenez vos billets, on délivre encore des
places au bureau!. ,
Et la grande comédie parlementaire va
toujours, se continuant comique, n'arri-
vant jamais au dénouement sérieux. Sim-
ple spectateur, le parti républicain ne
songe nullement à se'plaindre des lon-
gueurs de la pièce, les intrigues étant as-
sez multipliées et "assez vives pour main-
tenir constamment le rire sur les lèvres.
Aujourd'hui, l'on se rendait à Versail-
les pour nommer, au scrutin de liste, une
commission : de trente membres chargée
d'examiner les lois constitutionnelles. -
D'aucuns disent: de ne pas examiner les lois
constitutionnelles. - On y venait aussi
avec l'espoir non dissimulé de connaître
enfin le Cabinet-prodige, qui n'attend, pour
rétablir l'accord en France, que le moment
où il pourra se mettre lui-même d'accord.
Dans une Assemblée numériquement
cataloguée à un demi-Target prè3, le scru-
tin de liste est un admirable système qui
permet de supprimer la minorité. Il per-
met de n'appeler dans le sein de la com-
mission que les législaiéurs les plus capa-
bles. de se conformer à l'esprit .de parti.
Seulement la réaction a poussé le sys-
tème à l'excès. Il ne faut jamais surmener
les choses et les gens. La liste arrêtée par
MM. les monarchistes, mettant de côté la
gauche, faisant une part dérisoire au cen-
tre gauche et octroyant à la droite pure la
part du lion, doit nécessairement laisser
toute liberté à la gauche et mécontenter
des membres du centre droit. Aussi ne
nous étonnons-nous pas de voir circuler, au
moment où le scrutin va s'ouvrir, une liste
imprimée, baptisée du beau titre de « liste
de conciliation, » et qui, portant en tête le
nom de M. le duc d'Audiffret-Pasquier,
contient quelques noms de la gauche et
beaucoup de noms du centre droit.
D'autre part, nous savons que la gauche
a arrêté, la veille, une liste de quinze
noms (des siens) auxquels chaque votant
pourra adjoindre quinze autres noms, ceux
qui lui agréeront le plus. Il est clair que,
la discipline ne menant pas tout ce monde
à la baguette, il est probable que, les ini-
mitiés personnelles, ces oiseaux de nuit du
scrutin secret, pouvant prendre leur essor,
le vote final peut occasionner des étonne-
ments..
La séance débute par une rectification
au procès-verbal faite par M. G. Perrin.
Au moment où il descendait hier de la
tribune, un membre de la droite s'est
écrié : « C'est ce que vous dites qui est
inconvenant! » Ni M. Perrin, ni ses amis
n'ont,entendu l'exclamation malsonnante ;
mais la rédaction du Journal officiequi
a l'oreille fùpte, l'a sténographiée.
En termes des plus convenables, mais
en même temps fermes et nets, M. G.
Perrin relève l'inj ure — que M le prési-
dent n'a évidemment pas entendue — et
demande à l'interrupteur de vouloir bien
lever le voile de l'anonymat.
M. Perrin a fini. Bien planté à la tri-
bune, il attend. C'est le bénin M. Be-
noist-d'Azy qui préside aujourd'hui ; il lie
passerait volontiers de cet intermède qui
n'est pas dans le programme. M. Perrin
attend toujours; ce que voyant, M. le vice-
président finit par dire que le collègue
interrupteur n'est pas dans la salle ou ne
veut pas répondre.
1 M. Perrin voulait une constatation offi-
cielle, elle est faite; il descend.
Et le scrutin à la tribune commence.
Les bruits ministériels courent par les
couloirs et s'engouffrent jusqu'à nous. Il
paraît qu'il se produit des sautes de cabinet
comme il y a des sautes de vent. A une
heure, la brise Pasquier pliait devant le
souffle persistant Magne ; à deux heures,
le souffle Magne était violemment chassé
par un retour Pasquier à l'état d'oura-
gan.
Le banc ministériel est vide, complète-
ment vide : chaque titulaire est en cam-
pagne, défendant de son mieux son porte-
feuille. De simples députés de la droite
viennent s'y asseoir, * s'y prélasser, s'oc-
troyant cette douce satisfaction de l'occu-
per pendant une demi-heure, là settle, sans
doute, de toute leur vie.
Et la séance va cahin-caha, - sous les yeux
vigilants de cent cinquante honorables, en-
viron. Le projet de loi relatif à la surveil-
lance de la haute police est voté ; est voté
aussi le timbre à apposer sur les marques
de fabrique.
Ea bag, M^. le duc d'Audiffret-Pasquier
se plaint avec une amertume qui manque
de naturel de la façsn dont son nom sert
d'en- tête (par osdre "alphabétique) à la nou-
velle liste qui vient de surgir. M. le duc
Pasquier exhale son courroux bien haut
devant la tribu des journalistes pour que
la chose soit répétée. Nous la répéteRs:
Ce devoir accompli, M. le duc nous per-
mettra-t-il d'ajouter un petit fait qui n'est
pas venu à la connaissance de tous nos
confrère3 ? Il paraît que M. d'Audiffret-
Pasquier faisait également retentir la ba-
vette de ses plaintes et, allant de l'un à
l'autre, s'écriait : a Messieurs, mon nom
a été mis à mon insu sur cette liste, ne
votez pas pour moi, » — « Soyez tran-
quille, monsieur le. duc, lui a répondu
gracieusement un membre de la gauche
républicaine; voilà notre liste; et vous n'ê-
tes nullement dessus. »
Toujours st-il que la fameuse liste de
conciliation n'est bonne elle-même qu'à
allumer le feu. La séance est terminée,
mais elle n'est pas levée. On n'a plus
rien à faire, mais on ne connaît pas le ré-
sultat du scrutin, dont le dépouillement
est pénible, paraît-il. Pas de liste. Pas de
Cabinet..C'est un gouvernement qui est en
train de se meubler ; il manque de tout.
Pour charmer les loisirs de l'assistance,
M. le comte Jaubert invente .un bon tour.
Vous savez la proposition Philippoteaux,
que la droite a accueillie avec un si bel
enthousiasme la veille de l'élection des
généraux Saussier et Letellier-Valazé, la
fameuse proposition Philippoteaux, dont M.
le comte Jaubsrt a si bien démontré l'ur-
gence immédiate, instantanée. Eh bien,
le même comte Jaubert vient demander le
renvoi de cette proposition à la commission
de l'armée. Et c'est voté. Un enterrement
de première classe !
C'est fini, bien fini dans cette. Assem-
blée : on fait des lois pour ou contre un
homme. Quand donc en fera-t on pour la
France?
Il est près de six heures : le dépouille-
ment n'est pas terminé, mais le bruit cir-
cule dans les couloirs que les seuls noms
qui réunissent jusqu'ici ia majorité requise
sont ceux de MM. Dafaure, Laboulaye,
Waddington. Trois membres du centre
gauche! Nous ne trouverons jamais rieu
de plus drôle pour terminer; sur ce, nous
nous sauvons.
PAUL LAFARGUE.
—————————————— « ——————————————
L'intérêt de la journée d'hier, en dehors
de la constitution du ministère, était tout
entier dans le choix des commissaires ap-
pelés à examiner les lois constitution-.
nelles. Les partis s'étaient préparés à la
lutte. La-droite surtout attachait une
grande importance au vote. Plusieurs réu-
nions avaient eu lieu. Après bien des ti-
raillements, les légitimistes et les orléa-
nistes avaient pu s'entendre, et laxiste
suivante avait été préparée :
Les candidats étaient MM. d'Andelarre,
Audren de Kerdrel, Brun (Lucien),.Ches-
nelong, Combier, Qumont (de), Daru,
Dufaure; Grivart, Haussonville (d'), Kel-
ler, Labassetière (de), Laboulaye, Lacombe
(de), Lambert Sainte-Croix, Larcy (de),
;Larochefoucauld-Bisaccia (de), Larochette
(de), Laurier, Lefèvre-Pontalis (Antonin),
Meaux (de), Paris (Pa?--de Calais),^Pradié,
Sugny (de), Tailhand, Talhouët (de), Tal-
ion, Tarteron (de), Vingtain, Waddington.
La gauche républicaine, d'autre part,
d'accord avec le centre gauche, avait pré-
paré une liste sur laquelle ne figuraient
que quinze candidats. Indignée des procé-
dés de la droite, qui n'admettait que trois
membres du. centre gauche, elle se refu-
sait à porter des membres de la droite.
Cette liste comprenait :
MM. Arago, Barthe, Bertauld, Bethmont,
Casimir Périer, Dufaure (Jules), Grévy
(Albert), Grévy (Jules), Laboulaye, Le
Royer, Rémusat (Charles de), Ricard,
Schérer, Simon (Jules), Waddington.
En arrivant à la séance on se croyait
donc en présence de deux listes seule-
ment;,mais à la buvette, les représentants
trouvèrent sur les tables où sont posés
d'ordinaire les imprimés un troisième pro-
jet comprenant
MM. d'Audiffret-Pasquier, Bérenger, Cé-
zanne, de Cumont, Delsol, Delacour, Du-
faure, de Fourtou, de Goularà, Grévy
(Jules), Grivart.d'Haussonville, de Kerdrel,
Laboulaye, de Lacombe, Lambert dè
Sainte Croix, de Larcy, de Larochefou-
cauld-Bisaecia, Lefèvre-Pontalis (Antonin)
Marc-Dufraisse, Mathieu-Bodet, de Meaux,
Pradié, Schérer, de Talhouët, Talion, Va-
cherot, Vingtain, Voisin, Waddington.
On attribua d'abord cette liste au centre
gauche; mais on sut bien vite qu'il n y était
pour rien. Quelques légitimistes pensèrent
que le centre droit leur avait joué un tour
et que c'était de lui qu'elle émanait. Un
certain bruit se fit à ce propos dans les
couloirs, et des altercations assez vives eu-
rent lieu entre des membres de la droite et
du centre droit. M. d'Audiffret-Pasquier,
dont le nom figurait en tête de la liste, fut
interpellé et se défendit de toute partici-
pation à cette manœuvre, qu'il considérait
comme « désastreuse. »
Il vint même, pour rassurer les suscep-
tibles, dans la salle des journalistes, et
prononça à haute voix ces paroles mémo-
rables :
— Je vous prie, messieurs, de dire que
je ne suis pour rien dans ce complot. On
a abusé de mon nom. J'ai déclaré dans
toutes les réunions que je ne voulais pas
faire partie de la commission constitu-
tionnelle et ma décision est formelle. Cette
liste est donc une manœuvre contre la-
quelle je ne saurais trop protester.
M. le duc Pasquier sortit sur ces paroles ;
mais le mystère n'était pas éclairci.
Pendant près de deux heures, on se
livra à toutes les conjectures. On alla
jusqu'à prétendre que les inventeurs de ce
complot, puisque complot il y a, avaient
enlevé les listes, de la droite des tables où
elles étaient déposées et les avaient rem-
placées par cette odieuse liste ! On parlait
même d un incident qui serait soulevé à
la tribune.
Ce qui gênait particulièrement la droite,
c'est qu'en apparence, ce projet était un
projet de conciliation, et ce'qui rinquîê-
tait surtout, c'était l'idée que le centre droit
pouvait en être l'auteur. J
- - Cela sent mauvais, disait un brave
légitimiste, nos amis nous trahissent !
Nous ne savons pas encore, à l'heure
qu'il est, le nom du coupable, et personne
ne le sait ; mais c'est évidemment à cette
diversion qu'il faut attribuer le résultat
du - scrutin, qui n'a donné que 13 commis-
saires. La droite a religieusement voté
pour les candidats désignés par les réu-
nions. Mais une partie du centre droit a
donné dans le complot.
Il y aura un second tour aujourd'hui.
Des réunions auront lieu, et l'en adoptera
une nouvelle liste.
—————————— 1 ——————————
DU COURAGE A LA POCHE
Le sujet n'est pas gai ; non,, il n'est
pas gai. Mais quand nous nous lamente-
rons, n'est-ce pas ? il n'en sera ni pis
ni mieux. Il faut en prendre notre parti
et regarder les choses bien en face. Nous
nous trouvons déjà, nous autres, pauvres
Parisiens, accablés de taxes et d'impôts;
il nous semble que nous en avons plus
que notre comptant. Eh bien ! on va en
créer d'autres. Lesquelles ? on n'en sait
rien encore. On hésite sur la sauce à
laquelle on nous doit manger. Mais pour
être mangés, nous le serons. Ah ! il va
en coûter bon pour vivre à Paris, main-
tenant.
Savez-vous bien que ce pauvre Paris
a quatre-vingt-douze millions à tirer par
an de nos poches, rien que pour payer
l'intérêt de sa dette, avant d'avoir soldé
aucun travail, payé aucun service ! Qua-
tre-vingt-douze millions ! C'est la faute
de M. Haussmann, diront les uns ; c'est
la faute de la Commune, diront les au-
tres. Hé ! mon Dieu, c'est la faute de
qui vous voudrez 1 Qu'importe, hélas 1
de qui ce soit la faute? La vérité est qu'il
y a, en dehors des exigences d'un bud-
get énorme, quatre-vingt-douze millions
à trouver, sous peine de faillite, et la
ville ne les a pas. Elle n'en a tout au
moins qu'une partie.
La. chose en est venue au point qu'u-
ne personne qui est forcée d'être, par
sa position officielle, fort au courant des
finances municipales, me disait :
— Si l'on ne trouve pas d'ici au mois
de janvier des moyens nouveaux de faire
de l'argent, on en sera réduit à suspen-
dre les paiements et à fermer les caisses.
Suspendre les paiements 1 Personne
n'y songe. Il faut donc faire, flèche de
tout bois, et nos conseillers municipaux
se mettent la cervelle à l'envers. Mais on
a déjà déployé une ingéniosité si inven-
tive en ce genre, le nombre des objets
atteints par la taxe est si considérable
que l'on est un peu embarrasse d'en
trouver de nouveaux.
Quelques-uns ont parlé de rétablir une
taxe sur la farine, qui était de un centi-
me par kilo. Cette, taxe existe en effet
dans un certain nombre de villes, et elle
y est à peine sensible. Elle a été long-
temps payée par les Parisiens, sans
qu'ils s'en aperçussent. C'est Ferry qui,
d'un tràit de plume, l'a rayée du livre
de l'octroi, la veille même du jour où la
capitale, séparée du reste du monde par
la blocus, ne sentait plus aucun soula-
gement à en être déchargée.
Revenir sur cette décision, juste à cette
heure où le pain est déjà si cher. on a
reçulé devant cette rigueur. On s'est dit
qu'il y avait là une ressource extrême,
qu'il fallait ménager ; qu'il vaudrait
mieux attendre, pour rétablir cette taxe,
une année d'abondance, et l'excuser aux
yeux de la population par l'annonce de
grands travaux entrepris.
Nous la paierons donc, mais plus tard.
On a rejeté de même l'idée de toute
augmentation de taxe sur la viande. On a
eu moins de scrupules pour le vin. L'im-
pôt était, pourtant déjà énorme, et pour
comble de malheur l'année a été mau-
vaise. N'importe ! on va frapper le vin
d'un surcroît de taxe. La chose est réso-
lue en principe. Comment feront les pau-
vres gens ? Je recule d'horreur à la peu-
sée des affreuses mixtures qu'on leur
vendra désormais sous le nom de vin.
Enfin, puisqu'il le faut I. mais cela est
due, -très-dur.!
L'octroi va subir bien, d'autres rema-
r niéments, et vous pensez bien qu'aucun
ne se traduira en dégrèvement quel-
conque. La vie, qui est si chère, va
devenir presque impossible aux pe-
tits employés, aux modestes fonction-
naires. Passons.
Jusqu'à ce jour, c'était la ville qui était
chargee d'éclairer nos rues et d'en en"
tretenir le pavé à ses frais. Une taxe
spéciale va bientôt frapper les proprié-
taires, qui devront ainsi chacun, suivant
l'importance de son immeuble, contri-
buer à cette dépense. Je sais bien qua
ce sont des propriétaires, et que ces bi-
pèdes semblent toujours bons à tondre.
Mais ils sont déjà tondus de bien près,
et puis ce sont toujours, en fin de
compte, les locataires qui paient.
Et tout cela ne suffit pas, et l'on cher-
che encore, et l'on cherche toujours.
Un conseiller municipal, M. Rondelet,
le grand marchand de chasubles et d'or-
nements d'église, vient de faire à son
tour une proposition assez originale, et
qui a grande chance d'être adoptée.
M. Rondelet part de cette observation
qu'il y a Paris une population flottante
de cent cinquante mille Dersonnes aui
- - -. -
vivent dans les hôtels ou habitent en
garni. M. Haaesmann les eût traités de
nomades. Le mot nous répugne. Il faut
pourtant bien avouer que ce ne sont pas,
en général, de vrais Parisiens de Paris ;
ils jouissent de tous les avantages et de
tous les plaisirs que leur offre le séjour
de la capitale, ils fréquentent nos théâ-
tres, ils visitent nos mùsées, consultent
nos bibliothèques et nos collections ar-
tistiques ; tous nos monuments leur
sont ouverts; ils ont, en un mot, la
vie de Paris, sans porter aucune des char-
ges qui pèsent sur le Parisien. Ils échap-
pent à tout impôt.
Cela est-il juste ?
M. Rondelet ne le pense pas, et il pro-
pose de prélever sur-tous ces faux Pari-
siens une taxe de séjour, ou, si vous ai-
mez mieux, un droit de présence, qui
serait naturellement proportionnel à
l'importance de l'hôtel ou du garni ha-
bité par eux.
Il calcule qu'à demander, l'un dans
l'autre, vingt centimes par jour seule-
ment à chacun d'eux, ce serait une af-
faire de neuf ou dix millions. Vous voyez
qu'elle en vaut la peine.
Bien des objections se présentent.
Que de gens logent en garni, et dont la
vie est déjà fort triste! Je ne parle pas
seulement des pauvres diables qui cou-
chent à la corde ; mais les étudiants,
mais les officiers, et sans doute aussi
nombre de petits employés, qui n'ont ja-
mais eu 16 imoyen de s'acheter un mo-
bilier, si pauvre qu'il fût !
L'auteur du projet répond-à cela que
l'on déchargera tout loyer de ce genre
qui ne dépassera pas une certaine somme.
Ainsi une chambre de trente francs par
mois ne soumettrait pas à la taxe celui
qui l'habite.
Son idée, au fond, est d'atteindre, sous
une forme plus ou moins déguisée, l'é-
tranger qui vient chez nous dépenser son
argent.
Mais c'est précisément peut-être par-
ce qu'il nous l'apporte qu'il vaudrait
mieux ne pas l'éloigner, en le frappant
d'un impôt particulier, qui ne sera-rien
sans doute pour les locataires des grands
hôtels, mais qui pèsera lourdement sur
les voyageurs forcés de compter avec
leur bourse.
Il semble qu'en admettant le principe
de cette taxe, Paris romprait avec .ses
vieilles traditions d'aimable et généreuse
hospitalité.
On avait, dans le temps, proposé de
mettre en vente, au prix de 10 ou de 20
francs, une espèce de carte de circula-
tion, qui ouvrirait aux étrangers l'entrée
de nos musées, de nos bibliothèques,de
nos monuments, de toutes nos curiosi-
tés, quelles qu'elles rossent. Là- carte
eût été valable pour une année. Jerse
sais ce que l'impôt eût produit. L'admi-
nistration en repousse l'idée, croyant
qu'il serait peu digne d'une ville qui se
disait la capitale du monde de tarifier,
même à prix réduit, le spectacle de ses
merveilles.
Ce sont là des objections sérieuses. La
proposition de M. Rondelet vient d'être
renvoyée à la commission des finances.
Nous verrons bien ce qu'elle décidera.
Je n'ai pas, pour moi, d'avis dans la
question ; et vous ?
FRANCISQUE SARCEY.
— 1
LE COMTE DE CHAMBORD
, A PARIS.
Aux informations d§.VlXfiion que nous avojjs
Aux informations I 0. Il U-p t«on que notis avoiis
reproduites hier, l'Univers ajoute les rectifica-
tions suivantes:
On a dit, à tort, que M. le comte de
Chambord était descendu chez M. le mar-
quis de Dreux-Brézé à Paris ; le rassem-
blement formé mardi dernier sur la place
du Palais-Bourbon, devant l'hôtel de M.
de Dreux-Brézé, n'avait d'autre raison
qu'une rumeur populaire. Il est également
inexact qu'il ait habité au château de
Dampierre, chez Mme la duchesse de Che-
vreuse, comme le bruit en a couru dans
les cercles légitimistes.
Nous croyons pouvoir assurer que M. le
comte de Chambord n'a résidé-ni à Paris
ni au château de Luynes, ni chez M. le
duc de La Rochefoucauld-Bisaccia Le lieu
de sa résidence a été secret, même pour
ses amis. Quelques intimes seulement ont
Pm Du NUMÊBO : PÀBII 15 CETÏTIMBS — DÉPÀRTBMS^ÏS 20 CxxTint.
Vendredi 28 Novembre 1873.
-
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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Wadresier au Secrétaire de la Rédaction
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MM. les Souscripteurs dont l'a-
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diatement, s'ils ne veulent éprouver
de retard dans la réception du
journal.
Les abonnements pour i'AMACE
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on peut ioacerlre ehe. toum- les, n.
br.tr.-
JOURNÉE POLITIQUE
Paris, 27 novembre 4875.
Rien au Journal officiel. On assure
que le nouveau cabinet était fait avant-
hier soir à onze heures, mais qu'il
s'est défait à minuit, pour se refaire et
se défaire encore hier. Le due Pasquier,
évincé, mécontent, aurait fait échec au duo
de Broglie. On attend le dénouement, les
paris s'engagent ; on présume toute-
fois que le duc de Broglie l'emportera.
Ensuite, il n'y aura plus que l'affaire des
sous-secrétaireries à régler; mais, pour
nommer tant de sous-secrétaires, que
de mal! Le simple public demandera
peut-être à quoi servent des changements
ministériels quand la politique ne change
pas, quand à peine changent les personnes?
Eh! bonnes gens, vous vous méprenez;
vous croyez assister à une crise ministé-
rielle, et ce n'est qu'une distribution de
prix.
L'important n'est pas de savoir si M. de
Broglie, en M.Batbie, ou M. Ernoul seront
demain ministres de ceci quand ils étaient
hier ministres de cela. Simples déména-
gements d'un hôtel à l'autre. Mais ee qui
est la grave question, la question essen-
tielle, la question d'Etat, c'est le partage
des sous-secrétaireries, la distribution des
prix, en un mot, -.,.. des prix du scrutin.
Il en faut pour la droite, il en faut pour
le centre, droit, et quelques-uns même en
voudraient un peu pour le groupe innom-
mé du centre gauche-droit. Joignez-y que
pas un des anciens ministres ne consent
à sacrifier le portefeuille. Ils ont tous pour
le portefeuille cette tendresse passionnée
qu'ils attribuaient si spirituellement na-
guère à l'honorable M. Jules Simon. Com-
ment faire? On ne peut pourtant se dis-
penser d'encourager le zèle, de récompen-
- ser la vertu. Plus de majorité si l'on ne
contente tout le monde; et pourtant s'il est
impossible que tout le monde soit con-
tenté?
Bon appétit, messieurs! comme dit
Ruy-Blas. Et de- fait, à droite autant
qu'au centre droit,-ils sont bien une cin-
quantaine à qui ce bon appétit ne manque
point. Les sous-secrétaireries d'Etat doublent
les ministères. Ce n'est pas assez ; si on les
triplait? Bien mieux que cela, dit le
Français; si on les quintuplait? Nous
pourrions introduire dans le cabinet tren-
te-neuf personnes. Non pas trente-six, on
aurait l'air de se moquer, car on dit tren-
te-six vertus, trente-six chandelles, et ce
chiffre de trente-six n'est pas sérieux; mais
trente-neuf, comme en Angleterre. Irai-
ctons l'Angleterre! « L'exemple de l'An-
gleterre est péremptoire, assure le Fran-
çais ; le ministère est, chez nos voisins,
formé par l'assobiation de trente-neuf
hommes politiques appartenant à la Cham-
bre des communes ou à la Chambre des
lords, et dont la position politique dépend
de leur conformité de vues avec l'opinion
de la majorité parlementaire. »
Avouez que les positions politiques qui
dépendent des conformités de vues ont
quelque chose de bien séduisant. Nous
réclamons, dira-t-on désormais au gou-
vernement, des positions politiques puis-
que nous sommes en conformité de
vues ; donnant, donnant ; positions politi-
ques pgur conformité ! Mais qu'est-ce
donc enfin que ces trente-neuf membres
du cabinet britanique ? Hélas ! il en est
quelques-uns, — le Français s'en attristera,
— dont les fonctions, excellentes pour leur
pays, ne sauraient convenir au nôtre :
nous n'aurons jamais de secrétaire de
l'Inde, ni de lord-lieutenant [de l'Irlande,
ni de contrôleur de la maison royale, ni
de chancelier du duc de Lancastre, ni
même de lord-chambellan, de maître des
; «hevaux ou de grand-veneur. Quant au
procureur général, au maître général des
postés, au président du conseil du com-
merce, etc., etc., ce sont des fonctions qui
n'ont pas besoin d'être créées chez nous
puisqu'elles existent et qu'elles sont rem-
plies ; toute la différence, c'est que ceux
qui en sont revêtus en Angleterre ont
rang de membres du cabinet.
Décidément, l'expédient ne vaut rien,
s'il est examiné d'un peu trop près ; il en
faut un autre, ou nous serons réduits aux
seuls ministres et aux sous-secrétaires, ce
qui n'est pas de quoi contenter vingt per-
sonnes. On avisera. Pour nous, nous pro-
poserions volontiers, n'était la question de
budget, que tous les membres de la droite
et du centre droit fussent nommés mi-
nistres. Quelle compacte majorité pour le
cabinet! Et quelle conformité de vues
découlerait de cette conformité de posi-
tions ! Mais on nous accuserait de plaisan-
ter et de traiter légèrement un sujet grave.
Aussi ne songeons-nous pas à insister.
L'Assemblée a nommé hier les trente
membres de la commission constitution-
nelle ; mais nous ignorons les résultats de
ses votes au moment où nous écrivons.
Tout ce que nous pouvons constater, c'est
qu'on- n'a jamais vu si bel imbroglio. Ren-
voyons le lecteur au Courrier parlementaire
et au compte-rendu de la séance.
On croit maintenant pouvoir espérer un
dénouement pacifique de l'affaire du
Virginius. Les derniers télégrammes de
Washington disent que M. Fish et l'am-
bassadeur espagnol ont reçu de Madrid des
dépêches conciliantes.
EUG. LIÉBERT.
♦ :
LA CRISE MINISTÉRIELLE
Le ministère constitué dans la soirée du
24 novembre a vécu. On a constaté l'heure
du décès, il était 1 heure 35 minutes du
matin. Ne croyez pas que je plaisante.
Ainsi que nous l'avons aanoncé hier,
après bien des pourparlers, il avait été dé-
cidé à onze heures du soir que le Journal
officiel publierait les nominations que nous
avons données. Tout était bien convenu.
M. le duc Decazes avait donné son assen-
timent et les ministres qui conservaient
leurs portefeuilles ne soufflaient mot ;
mais on avait compté sans M. Beulé et
sans le. centre droit.
M. Beulé se trouvait dans une situation
très-délkate. Il avait été informé que pour
permettre à M. Decazes d'entrer dans la
combinaison ministérielle, il était néces-
saire de le sacrifier, lui. ou M. Batbie.
M. Beulé, fort du succès qu'il avait remporté
à la Chambre, ne douta pas un instant
qu'on ne sacrifiât M. Batbie. Il resta muet
toute la journée; mais M. Batbie, qui ne
désirait pas céder la place, vint voir le
maréchal et M. de Broglie, et grand fut
l'étonnement du ministre de l'intérieur
-quand il apprit dans la soirée qu'il devait
se retirer.
Il ne perdit pas une minute il alla
voir le vice-président du conseil, il alla
voir M. le duc Decazes, il alla voir le ma-
réchal, et ses amis du centrejdroit déclarè-
rent qu'ils ne comprenaient rien à cette
disgrâce.
M. Decazes, qui tient beaucoup à conser-
ver son ambassade à Londres et qui n'ac-
ceptait un portefeuille qu'à contre-coenr,
annonça qu'il ne pouvait, dans de pareil-
les conditions, entrer au ministère.
— Changez complétement le cabinet,
aurait-il dit, ou conservez-le tel qu'il est.
Vous n'avez aucun motif de renvoyer un
ministre qui, selon moi, n'a pas démérité.
M. le duc Decazes pensait, en outre,
qu'il fallait introduire dans le cabinet l'é-
lément centre gauche, représenté de préfé-
rence par M. Mathieu-Bodet.
On en était là hier matin. M. de Broglie,
cependant, persévérant dans ses projets ae
la veille, fit télégraphier par l'agence Havas
que le ministère était nommé, mais que
le Journal officiel était demeuré muet,
parce que l'on n'avait pas pu se mettre
d'accord sur les sous-secrétaires d'Etat.
De nouvelles tentatives eurent lieu au-
près de M. le duc Decazes. Elles restèrent
infructueuses.
Le gouvernement se trouvait en présence
d'une situation très-difficile. Les légiti-
mistes-exigeaient lé maintien de MM. Er-
noul et de la Bouillerie. Le cabinet n'ayant
essuyé aucun échec devant l'Assemblée,
la retraite des$eux ministres paraîtrait
un désaveu de leur conduite dans les
menées fusionnistes, et la droite ne pou-
vait admettre un seul instant cette hypo-
thèse.
Les bonapartistes, d'autre part, tenaient?
bon pour le maintien de MM. Magne et
Deseilligny. -
Comment faire ? ,
Le gouvernement était dans une vérita -
ble impasse. ;'
On négocia à nouveau, on essaya toutes
les combinaisons, sans contenter per-
sonne. M. de Broglie jesta enfermé de
longues heures avec le président de la Ré-
publique; on fit venir à la présidence
plusieurs candidats ; tous les essais ne
prouvaient qu'une chose c'est que le
désaccord entre la droite et le centre droit
allait croissant.
M. Ernoul était à l'Assemblée pendant
que M. de Broglie conférait avec le ma-
réchal. Interrogé par plusieurs députés sur
sa position future, il répondit :
- Je ne sais rien, mais je crois que je
ne suis plus ministre.
La phrasé fat dite avec une certaine
amertume. M. Ernoul était dans les cou-
loirs, très-entouré par les légitimistes..
On était dans cette situation à six heu-
res du soir. :
Le maréchal Mac-Mahon sentit enfin la
nécessité d'en finir et annonça à M. de
Broglie sa volonté de réunir le conseil des
ministres à htiit heures du soir.
Les ministres démissionnaires se ren-
dirent à la présidence, et à partir de huit
Heures du soir, ce, fut un va-et-vient géné-
ral. La discussion a été très-animée, pa-
raiJl; à onze heures du soir, le cabinet
n'était pas constitué.
Ce que nous pouvons affirmer, c'est qu'à
ce moment M. le duc Decazes et M. le
duc d'Audiffret-Éasquier étaient définitive-
ment écartés.
LA COMIIISSION DES TRENTE
Voici les noms des 13 députés qui
ont obtenu la majorité absolue dans le
scrutin pour la nomination des commis-
saires chargés de préparer les lois cons-
titutionnelles :
Votants. 619
Majorité absolue.. 310
Ont obtenu :
MM. Dufa uree 427
Laboulaye 411
Waddington. 383
De Talhouët. 360
De Kerdrel. 342
Da Lacombe. 338
Lambert de S te-Croix. 330
Pradié 330
De Larcy « 328
De Meaux.. 325
Grivart. 314
De Gumont. 311
Tailhand. 311
Venaient ensuite. MM. :
Daru »,. 306
D'Haussonville 301
De Sugny. 298
Viagtain 298
Chesnelong 297
J. Grévy 295
A. Lef.-Pontalis. 294
D'Andelarre v 293
Paris (P.-d.-C.). 290
Schérer. 288
Larochefouc. - Bisaccia. 287
Tatton. 285
Tarteron 282
Keller. 278
Lucien Brun. 275
Ch. de Rémusat. 260
Combier 259
Casimir Perler 259
Bethmont. 258
Laurier. f , 255
Bertauld. k 255
J. Simon 253
Leroyer 248
Arago T 244
A; Grévy 240
Labassetière ., 240
Ricard. 238
Larochette. 238
Marc-Dufraisse. 203
Vacherot. 160
Bérenger. 144
Dslsol. 125
Cézanne. 117
Voisin. 101
-
COURRIER PARLEMENTAIRE
- -
Versailles, 26 novembre 1873.
Dépêchez-vous; messieurs, dépêchez-vous;
prenez vos billets, on délivre encore des
places au bureau!. ,
Et la grande comédie parlementaire va
toujours, se continuant comique, n'arri-
vant jamais au dénouement sérieux. Sim-
ple spectateur, le parti républicain ne
songe nullement à se'plaindre des lon-
gueurs de la pièce, les intrigues étant as-
sez multipliées et "assez vives pour main-
tenir constamment le rire sur les lèvres.
Aujourd'hui, l'on se rendait à Versail-
les pour nommer, au scrutin de liste, une
commission : de trente membres chargée
d'examiner les lois constitutionnelles. -
D'aucuns disent: de ne pas examiner les lois
constitutionnelles. - On y venait aussi
avec l'espoir non dissimulé de connaître
enfin le Cabinet-prodige, qui n'attend, pour
rétablir l'accord en France, que le moment
où il pourra se mettre lui-même d'accord.
Dans une Assemblée numériquement
cataloguée à un demi-Target prè3, le scru-
tin de liste est un admirable système qui
permet de supprimer la minorité. Il per-
met de n'appeler dans le sein de la com-
mission que les législaiéurs les plus capa-
bles. de se conformer à l'esprit .de parti.
Seulement la réaction a poussé le sys-
tème à l'excès. Il ne faut jamais surmener
les choses et les gens. La liste arrêtée par
MM. les monarchistes, mettant de côté la
gauche, faisant une part dérisoire au cen-
tre gauche et octroyant à la droite pure la
part du lion, doit nécessairement laisser
toute liberté à la gauche et mécontenter
des membres du centre droit. Aussi ne
nous étonnons-nous pas de voir circuler, au
moment où le scrutin va s'ouvrir, une liste
imprimée, baptisée du beau titre de « liste
de conciliation, » et qui, portant en tête le
nom de M. le duc d'Audiffret-Pasquier,
contient quelques noms de la gauche et
beaucoup de noms du centre droit.
D'autre part, nous savons que la gauche
a arrêté, la veille, une liste de quinze
noms (des siens) auxquels chaque votant
pourra adjoindre quinze autres noms, ceux
qui lui agréeront le plus. Il est clair que,
la discipline ne menant pas tout ce monde
à la baguette, il est probable que, les ini-
mitiés personnelles, ces oiseaux de nuit du
scrutin secret, pouvant prendre leur essor,
le vote final peut occasionner des étonne-
ments..
La séance débute par une rectification
au procès-verbal faite par M. G. Perrin.
Au moment où il descendait hier de la
tribune, un membre de la droite s'est
écrié : « C'est ce que vous dites qui est
inconvenant! » Ni M. Perrin, ni ses amis
n'ont,entendu l'exclamation malsonnante ;
mais la rédaction du Journal officiequi
a l'oreille fùpte, l'a sténographiée.
En termes des plus convenables, mais
en même temps fermes et nets, M. G.
Perrin relève l'inj ure — que M le prési-
dent n'a évidemment pas entendue — et
demande à l'interrupteur de vouloir bien
lever le voile de l'anonymat.
M. Perrin a fini. Bien planté à la tri-
bune, il attend. C'est le bénin M. Be-
noist-d'Azy qui préside aujourd'hui ; il lie
passerait volontiers de cet intermède qui
n'est pas dans le programme. M. Perrin
attend toujours; ce que voyant, M. le vice-
président finit par dire que le collègue
interrupteur n'est pas dans la salle ou ne
veut pas répondre.
1 M. Perrin voulait une constatation offi-
cielle, elle est faite; il descend.
Et le scrutin à la tribune commence.
Les bruits ministériels courent par les
couloirs et s'engouffrent jusqu'à nous. Il
paraît qu'il se produit des sautes de cabinet
comme il y a des sautes de vent. A une
heure, la brise Pasquier pliait devant le
souffle persistant Magne ; à deux heures,
le souffle Magne était violemment chassé
par un retour Pasquier à l'état d'oura-
gan.
Le banc ministériel est vide, complète-
ment vide : chaque titulaire est en cam-
pagne, défendant de son mieux son porte-
feuille. De simples députés de la droite
viennent s'y asseoir, * s'y prélasser, s'oc-
troyant cette douce satisfaction de l'occu-
per pendant une demi-heure, là settle, sans
doute, de toute leur vie.
Et la séance va cahin-caha, - sous les yeux
vigilants de cent cinquante honorables, en-
viron. Le projet de loi relatif à la surveil-
lance de la haute police est voté ; est voté
aussi le timbre à apposer sur les marques
de fabrique.
Ea bag, M^. le duc d'Audiffret-Pasquier
se plaint avec une amertume qui manque
de naturel de la façsn dont son nom sert
d'en- tête (par osdre "alphabétique) à la nou-
velle liste qui vient de surgir. M. le duc
Pasquier exhale son courroux bien haut
devant la tribu des journalistes pour que
la chose soit répétée. Nous la répéteRs:
Ce devoir accompli, M. le duc nous per-
mettra-t-il d'ajouter un petit fait qui n'est
pas venu à la connaissance de tous nos
confrère3 ? Il paraît que M. d'Audiffret-
Pasquier faisait également retentir la ba-
vette de ses plaintes et, allant de l'un à
l'autre, s'écriait : a Messieurs, mon nom
a été mis à mon insu sur cette liste, ne
votez pas pour moi, » — « Soyez tran-
quille, monsieur le. duc, lui a répondu
gracieusement un membre de la gauche
républicaine; voilà notre liste; et vous n'ê-
tes nullement dessus. »
Toujours st-il que la fameuse liste de
conciliation n'est bonne elle-même qu'à
allumer le feu. La séance est terminée,
mais elle n'est pas levée. On n'a plus
rien à faire, mais on ne connaît pas le ré-
sultat du scrutin, dont le dépouillement
est pénible, paraît-il. Pas de liste. Pas de
Cabinet..C'est un gouvernement qui est en
train de se meubler ; il manque de tout.
Pour charmer les loisirs de l'assistance,
M. le comte Jaubert invente .un bon tour.
Vous savez la proposition Philippoteaux,
que la droite a accueillie avec un si bel
enthousiasme la veille de l'élection des
généraux Saussier et Letellier-Valazé, la
fameuse proposition Philippoteaux, dont M.
le comte Jaubsrt a si bien démontré l'ur-
gence immédiate, instantanée. Eh bien,
le même comte Jaubert vient demander le
renvoi de cette proposition à la commission
de l'armée. Et c'est voté. Un enterrement
de première classe !
C'est fini, bien fini dans cette. Assem-
blée : on fait des lois pour ou contre un
homme. Quand donc en fera-t on pour la
France?
Il est près de six heures : le dépouille-
ment n'est pas terminé, mais le bruit cir-
cule dans les couloirs que les seuls noms
qui réunissent jusqu'ici ia majorité requise
sont ceux de MM. Dafaure, Laboulaye,
Waddington. Trois membres du centre
gauche! Nous ne trouverons jamais rieu
de plus drôle pour terminer; sur ce, nous
nous sauvons.
PAUL LAFARGUE.
—————————————— « ——————————————
L'intérêt de la journée d'hier, en dehors
de la constitution du ministère, était tout
entier dans le choix des commissaires ap-
pelés à examiner les lois constitution-.
nelles. Les partis s'étaient préparés à la
lutte. La-droite surtout attachait une
grande importance au vote. Plusieurs réu-
nions avaient eu lieu. Après bien des ti-
raillements, les légitimistes et les orléa-
nistes avaient pu s'entendre, et laxiste
suivante avait été préparée :
Les candidats étaient MM. d'Andelarre,
Audren de Kerdrel, Brun (Lucien),.Ches-
nelong, Combier, Qumont (de), Daru,
Dufaure; Grivart, Haussonville (d'), Kel-
ler, Labassetière (de), Laboulaye, Lacombe
(de), Lambert Sainte-Croix, Larcy (de),
;Larochefoucauld-Bisaccia (de), Larochette
(de), Laurier, Lefèvre-Pontalis (Antonin),
Meaux (de), Paris (Pa?--de Calais),^Pradié,
Sugny (de), Tailhand, Talhouët (de), Tal-
ion, Tarteron (de), Vingtain, Waddington.
La gauche républicaine, d'autre part,
d'accord avec le centre gauche, avait pré-
paré une liste sur laquelle ne figuraient
que quinze candidats. Indignée des procé-
dés de la droite, qui n'admettait que trois
membres du. centre gauche, elle se refu-
sait à porter des membres de la droite.
Cette liste comprenait :
MM. Arago, Barthe, Bertauld, Bethmont,
Casimir Périer, Dufaure (Jules), Grévy
(Albert), Grévy (Jules), Laboulaye, Le
Royer, Rémusat (Charles de), Ricard,
Schérer, Simon (Jules), Waddington.
En arrivant à la séance on se croyait
donc en présence de deux listes seule-
ment;,mais à la buvette, les représentants
trouvèrent sur les tables où sont posés
d'ordinaire les imprimés un troisième pro-
jet comprenant
MM. d'Audiffret-Pasquier, Bérenger, Cé-
zanne, de Cumont, Delsol, Delacour, Du-
faure, de Fourtou, de Goularà, Grévy
(Jules), Grivart.d'Haussonville, de Kerdrel,
Laboulaye, de Lacombe, Lambert dè
Sainte Croix, de Larcy, de Larochefou-
cauld-Bisaecia, Lefèvre-Pontalis (Antonin)
Marc-Dufraisse, Mathieu-Bodet, de Meaux,
Pradié, Schérer, de Talhouët, Talion, Va-
cherot, Vingtain, Voisin, Waddington.
On attribua d'abord cette liste au centre
gauche; mais on sut bien vite qu'il n y était
pour rien. Quelques légitimistes pensèrent
que le centre droit leur avait joué un tour
et que c'était de lui qu'elle émanait. Un
certain bruit se fit à ce propos dans les
couloirs, et des altercations assez vives eu-
rent lieu entre des membres de la droite et
du centre droit. M. d'Audiffret-Pasquier,
dont le nom figurait en tête de la liste, fut
interpellé et se défendit de toute partici-
pation à cette manœuvre, qu'il considérait
comme « désastreuse. »
Il vint même, pour rassurer les suscep-
tibles, dans la salle des journalistes, et
prononça à haute voix ces paroles mémo-
rables :
— Je vous prie, messieurs, de dire que
je ne suis pour rien dans ce complot. On
a abusé de mon nom. J'ai déclaré dans
toutes les réunions que je ne voulais pas
faire partie de la commission constitu-
tionnelle et ma décision est formelle. Cette
liste est donc une manœuvre contre la-
quelle je ne saurais trop protester.
M. le duc Pasquier sortit sur ces paroles ;
mais le mystère n'était pas éclairci.
Pendant près de deux heures, on se
livra à toutes les conjectures. On alla
jusqu'à prétendre que les inventeurs de ce
complot, puisque complot il y a, avaient
enlevé les listes, de la droite des tables où
elles étaient déposées et les avaient rem-
placées par cette odieuse liste ! On parlait
même d un incident qui serait soulevé à
la tribune.
Ce qui gênait particulièrement la droite,
c'est qu'en apparence, ce projet était un
projet de conciliation, et ce'qui rinquîê-
tait surtout, c'était l'idée que le centre droit
pouvait en être l'auteur. J
- - Cela sent mauvais, disait un brave
légitimiste, nos amis nous trahissent !
Nous ne savons pas encore, à l'heure
qu'il est, le nom du coupable, et personne
ne le sait ; mais c'est évidemment à cette
diversion qu'il faut attribuer le résultat
du - scrutin, qui n'a donné que 13 commis-
saires. La droite a religieusement voté
pour les candidats désignés par les réu-
nions. Mais une partie du centre droit a
donné dans le complot.
Il y aura un second tour aujourd'hui.
Des réunions auront lieu, et l'en adoptera
une nouvelle liste.
—————————— 1 ——————————
DU COURAGE A LA POCHE
Le sujet n'est pas gai ; non,, il n'est
pas gai. Mais quand nous nous lamente-
rons, n'est-ce pas ? il n'en sera ni pis
ni mieux. Il faut en prendre notre parti
et regarder les choses bien en face. Nous
nous trouvons déjà, nous autres, pauvres
Parisiens, accablés de taxes et d'impôts;
il nous semble que nous en avons plus
que notre comptant. Eh bien ! on va en
créer d'autres. Lesquelles ? on n'en sait
rien encore. On hésite sur la sauce à
laquelle on nous doit manger. Mais pour
être mangés, nous le serons. Ah ! il va
en coûter bon pour vivre à Paris, main-
tenant.
Savez-vous bien que ce pauvre Paris
a quatre-vingt-douze millions à tirer par
an de nos poches, rien que pour payer
l'intérêt de sa dette, avant d'avoir soldé
aucun travail, payé aucun service ! Qua-
tre-vingt-douze millions ! C'est la faute
de M. Haussmann, diront les uns ; c'est
la faute de la Commune, diront les au-
tres. Hé ! mon Dieu, c'est la faute de
qui vous voudrez 1 Qu'importe, hélas 1
de qui ce soit la faute? La vérité est qu'il
y a, en dehors des exigences d'un bud-
get énorme, quatre-vingt-douze millions
à trouver, sous peine de faillite, et la
ville ne les a pas. Elle n'en a tout au
moins qu'une partie.
La. chose en est venue au point qu'u-
ne personne qui est forcée d'être, par
sa position officielle, fort au courant des
finances municipales, me disait :
— Si l'on ne trouve pas d'ici au mois
de janvier des moyens nouveaux de faire
de l'argent, on en sera réduit à suspen-
dre les paiements et à fermer les caisses.
Suspendre les paiements 1 Personne
n'y songe. Il faut donc faire, flèche de
tout bois, et nos conseillers municipaux
se mettent la cervelle à l'envers. Mais on
a déjà déployé une ingéniosité si inven-
tive en ce genre, le nombre des objets
atteints par la taxe est si considérable
que l'on est un peu embarrasse d'en
trouver de nouveaux.
Quelques-uns ont parlé de rétablir une
taxe sur la farine, qui était de un centi-
me par kilo. Cette, taxe existe en effet
dans un certain nombre de villes, et elle
y est à peine sensible. Elle a été long-
temps payée par les Parisiens, sans
qu'ils s'en aperçussent. C'est Ferry qui,
d'un tràit de plume, l'a rayée du livre
de l'octroi, la veille même du jour où la
capitale, séparée du reste du monde par
la blocus, ne sentait plus aucun soula-
gement à en être déchargée.
Revenir sur cette décision, juste à cette
heure où le pain est déjà si cher. on a
reçulé devant cette rigueur. On s'est dit
qu'il y avait là une ressource extrême,
qu'il fallait ménager ; qu'il vaudrait
mieux attendre, pour rétablir cette taxe,
une année d'abondance, et l'excuser aux
yeux de la population par l'annonce de
grands travaux entrepris.
Nous la paierons donc, mais plus tard.
On a rejeté de même l'idée de toute
augmentation de taxe sur la viande. On a
eu moins de scrupules pour le vin. L'im-
pôt était, pourtant déjà énorme, et pour
comble de malheur l'année a été mau-
vaise. N'importe ! on va frapper le vin
d'un surcroît de taxe. La chose est réso-
lue en principe. Comment feront les pau-
vres gens ? Je recule d'horreur à la peu-
sée des affreuses mixtures qu'on leur
vendra désormais sous le nom de vin.
Enfin, puisqu'il le faut I. mais cela est
due, -très-dur.!
L'octroi va subir bien, d'autres rema-
r niéments, et vous pensez bien qu'aucun
ne se traduira en dégrèvement quel-
conque. La vie, qui est si chère, va
devenir presque impossible aux pe-
tits employés, aux modestes fonction-
naires. Passons.
Jusqu'à ce jour, c'était la ville qui était
chargee d'éclairer nos rues et d'en en"
tretenir le pavé à ses frais. Une taxe
spéciale va bientôt frapper les proprié-
taires, qui devront ainsi chacun, suivant
l'importance de son immeuble, contri-
buer à cette dépense. Je sais bien qua
ce sont des propriétaires, et que ces bi-
pèdes semblent toujours bons à tondre.
Mais ils sont déjà tondus de bien près,
et puis ce sont toujours, en fin de
compte, les locataires qui paient.
Et tout cela ne suffit pas, et l'on cher-
che encore, et l'on cherche toujours.
Un conseiller municipal, M. Rondelet,
le grand marchand de chasubles et d'or-
nements d'église, vient de faire à son
tour une proposition assez originale, et
qui a grande chance d'être adoptée.
M. Rondelet part de cette observation
qu'il y a Paris une population flottante
de cent cinquante mille Dersonnes aui
- - -. -
vivent dans les hôtels ou habitent en
garni. M. Haaesmann les eût traités de
nomades. Le mot nous répugne. Il faut
pourtant bien avouer que ce ne sont pas,
en général, de vrais Parisiens de Paris ;
ils jouissent de tous les avantages et de
tous les plaisirs que leur offre le séjour
de la capitale, ils fréquentent nos théâ-
tres, ils visitent nos mùsées, consultent
nos bibliothèques et nos collections ar-
tistiques ; tous nos monuments leur
sont ouverts; ils ont, en un mot, la
vie de Paris, sans porter aucune des char-
ges qui pèsent sur le Parisien. Ils échap-
pent à tout impôt.
Cela est-il juste ?
M. Rondelet ne le pense pas, et il pro-
pose de prélever sur-tous ces faux Pari-
siens une taxe de séjour, ou, si vous ai-
mez mieux, un droit de présence, qui
serait naturellement proportionnel à
l'importance de l'hôtel ou du garni ha-
bité par eux.
Il calcule qu'à demander, l'un dans
l'autre, vingt centimes par jour seule-
ment à chacun d'eux, ce serait une af-
faire de neuf ou dix millions. Vous voyez
qu'elle en vaut la peine.
Bien des objections se présentent.
Que de gens logent en garni, et dont la
vie est déjà fort triste! Je ne parle pas
seulement des pauvres diables qui cou-
chent à la corde ; mais les étudiants,
mais les officiers, et sans doute aussi
nombre de petits employés, qui n'ont ja-
mais eu 16 imoyen de s'acheter un mo-
bilier, si pauvre qu'il fût !
L'auteur du projet répond-à cela que
l'on déchargera tout loyer de ce genre
qui ne dépassera pas une certaine somme.
Ainsi une chambre de trente francs par
mois ne soumettrait pas à la taxe celui
qui l'habite.
Son idée, au fond, est d'atteindre, sous
une forme plus ou moins déguisée, l'é-
tranger qui vient chez nous dépenser son
argent.
Mais c'est précisément peut-être par-
ce qu'il nous l'apporte qu'il vaudrait
mieux ne pas l'éloigner, en le frappant
d'un impôt particulier, qui ne sera-rien
sans doute pour les locataires des grands
hôtels, mais qui pèsera lourdement sur
les voyageurs forcés de compter avec
leur bourse.
Il semble qu'en admettant le principe
de cette taxe, Paris romprait avec .ses
vieilles traditions d'aimable et généreuse
hospitalité.
On avait, dans le temps, proposé de
mettre en vente, au prix de 10 ou de 20
francs, une espèce de carte de circula-
tion, qui ouvrirait aux étrangers l'entrée
de nos musées, de nos bibliothèques,de
nos monuments, de toutes nos curiosi-
tés, quelles qu'elles rossent. Là- carte
eût été valable pour une année. Jerse
sais ce que l'impôt eût produit. L'admi-
nistration en repousse l'idée, croyant
qu'il serait peu digne d'une ville qui se
disait la capitale du monde de tarifier,
même à prix réduit, le spectacle de ses
merveilles.
Ce sont là des objections sérieuses. La
proposition de M. Rondelet vient d'être
renvoyée à la commission des finances.
Nous verrons bien ce qu'elle décidera.
Je n'ai pas, pour moi, d'avis dans la
question ; et vous ?
FRANCISQUE SARCEY.
— 1
LE COMTE DE CHAMBORD
, A PARIS.
Aux informations d§.VlXfiion que nous avojjs
Aux informations I 0. Il U-p t«on que notis avoiis
reproduites hier, l'Univers ajoute les rectifica-
tions suivantes:
On a dit, à tort, que M. le comte de
Chambord était descendu chez M. le mar-
quis de Dreux-Brézé à Paris ; le rassem-
blement formé mardi dernier sur la place
du Palais-Bourbon, devant l'hôtel de M.
de Dreux-Brézé, n'avait d'autre raison
qu'une rumeur populaire. Il est également
inexact qu'il ait habité au château de
Dampierre, chez Mme la duchesse de Che-
vreuse, comme le bruit en a couru dans
les cercles légitimistes.
Nous croyons pouvoir assurer que M. le
comte de Chambord n'a résidé-ni à Paris
ni au château de Luynes, ni chez M. le
duc de La Rochefoucauld-Bisaccia Le lieu
de sa résidence a été secret, même pour
ses amis. Quelques intimes seulement ont
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