38 Année; - N° 739
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PaIX DrI NUÚBO : PARIS l5 GSHTIMBI — DSPMtTBMBlttI 20. WTIIOII.
[Lundi 24 Novembre 4873.'
liE XIT ¡ SIECLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures a minuit
2, rue Drouot, S
L" monoserits non insérés At seront pas rendus,
vABONNEMENTS
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JOURNÉE POLITIQUE
Paris, 25 novembre 4875.
Quelle que ftlt l'issue des débats sur la
prorogation des pouvoirs, il était convenu
que le ministère remettrait sa démission
; au président de la République après le vote.
Plusieurs délibérations ont eu lieu déjà sur
* te sujet, depuis le 20, dans le conseil des
ministres. Voici ce qui serait décidé, d'a-
près les dernières nouvelles ! Le cabinet
se présenterait, tel qu'il est, demain lundi,
pour répondre devant l'Assemblée à l'in-
terpellation du centre gauche sur l'ajour-
nement des élections partielles, et tout de
suite après il serait reconstitué.
j Les journaux officieux s'empressent
!:' beaucoup trop, nous semble-t-il, d'annon-
cer que M. de Broglie demeurera vice-
président du conseil. Cela dépend de l'As-
semblée, et nous serions bien trompés s'il
s'y trouvai demain une majorité qui
ÎA approuvât : là, politique d'agitation caute-
> leuse que tout lé monde a condamnée aux
mois d'aeùt de septembre et d'octobre.
Plusieurs membres du centre gauche, qui
ont voté, bien à tort selon nous, la proro-
gation du maréchal dans les termes où
eUe était demandée, ne s'y sont résolus
sans doute qu'à la condition que le prési-
dent de la République changerait de mi-
nistres, et il ne leur est jamais venu dans
l'esprit d'accorder un bill d'indemnité à
M. de Broglie en donnant à M. le maré-
chal de Mac-Mahon un vote de confiance
xtrme.' Autre chose est la prorogation
du président, autre chose la prorogation
du ministère.
Au demeurant, nous verrons bien lundi
fô®mment la question sera jugée. Remar-
quons, en passant, que l'interpellation
Léon Say est le seul objet important de
l'ordre du jour. On sait qu'une commis-
sion de trente membres doit être nommée
en séance publique au scrutin de liste dans
les trois jours qui suivront la promulga-
tion de la loi nouvelle. Or, jusqu'ici le mi-
nistre a retardé la promulgation de la loi;
c'est pour donner le temps sans doute aux
membres du centre droit et de la partie de
la droite que le centre droit a ralliée de
préparer ftur lista avec plus de loisir. Il est
certain qu'on veut avoir, pour l'examen des
? lois organiques républicaines, une com-
mission monarchique, et il est probable
qu'on l'aura. Ce détail nous laisse insen-
sibles. Si les fusionnistes d'hier veulent
constituer demain, qu'ils constituent! Sans
aucun doute, le pays prendra plaisir à les
regarder.
On ignore qui remplacera M. Fournier,
le ministre de France en Italie, dont la
disgrâce paraît définitive. Nous voulons
espérer, du moins, que la gouvernement
aura la. sagesse de ne pas désigner pour
ce poste important quelque, organisateur
de pèlerinages, ni quelque chantre de
cantiques au pape-roi. Nous en d'trons
i autant pour Berne ; M. Lanfrey, après
avoir voté contre la prorogation des pou-
8 voirs, a offert sa démission, que le gouver-
nement a acceptée. De ce côté, tout est
, dans. l'ordre.. Mais M. LanErey sera re-
gretté par le gouvernement de Berne,
qui a marqué plus d~une fois, et notam-
ment au lendemain du 24 mai, le vif désir
de voir maintenir dans son poste ce répu-
blicain libéral, si bien fait pour accroître
et pour fortifier la mutuelle estime et les
f sympathies des deux nations.
EUG. LIÉBERT.
ri .l..f" ;
.a..c
[ Silence aux Électeurs
,
..¡:. -
Les journaux de l'ordre moral ne se
e contentent pas d'affirmer, sans preuve
aucune, le retrait de l'interpellation Léon
3 Say; ils en triomphent par avance et
empochent déjà le butin de cette victoire
facile. « Puisque M. Léon Say, renonce à
interpeller le cabinet sur l'ajournement
- des élections partielles, le cabinet a eu
raison d'épuiser le délai de six mois et
ï d'aller jusqu'au bout de Ja légAlité, Tout
ce qui n'est pas défendu est permis. Di-
1 sons mieux, tout ce qu'on peut faire im-
punément est honnête. Ajourner les
élections partielles est fort bon, les sup-
primer serait meilleur encore. Pourquoi
donc le gouvernement ne remplacerait-
il pas l'interpellation du centre gauche
1 par le dépôt d'un projét de loi renvoyant
toutes les élections aux calendes grec-
ques, c'est-à-dire au lendemain des lois
constitutionnelles? On épargnerait ainsi
aux ministres l'ennui de voir leur politi-
que contrecarrée périodiquement par le
suffrage universel. »
Nous avons vu tant de choses depuis
six mois que rien ne nous semble plus
impossible. Toutefois nous gardons assez
d'estime à la majorité de nos représen-
tants pour croire qu'elle écoutera ce
triste conseil et qu'elle se laissera en-
trainer à voter une loi de circonstance.
J'avoue qu'un mandataire public doit
trouver désagréable, presque imperti-
nent, le désaveu infligé à sa politique
tantôt par un département, tantôt par un
autre, et surtout par les populations les
plus sages et les plus conservatrices. Le
déplaisir qui résultetle ces avertissements
est d'autant plus vif qu'ils tombent sur
des hommes bien résolus à n'en tirer
aucun profit. Dans le train ordinaire du
gouvernement représentatif, les manifes-
tations légales de l'opinion sont utiles au
gouvernement alors même qu'elles ne
lui sont pas agréables : un. ministre, un
député s'éclaire au grand jour des élec-
tions; l'échec du candidat qui représen-
tait ses idées lui montre qu'il fait fausse
route et l'engage à redresser sa ligne de
conduite. Les hommes de parti pris qui
se croient plus sages et se sentent plus
forts que leurs mandants, ceux qui ont
pris pour devisé le Sic volo, sic jubeo du
poète, ne peuvent que s'irriter au choc de
la contradiction et passer outre, à leurs
risques et périls.
Mais de là à supprimer la contradic-
tion elle-même, il y a loin; surtout
qnand le contradicteur s'appelle tout le
monde et quand il a le droit de dire son
mot à jour fixe. '-
La nation française obéit à l'Assemblée
do Versailles, tout en se permettant de
la contredire parfois. Nous sommes un
peuple soumis, docile et respectueux,
parce que nous avons le respect des lois
et le culte du gouvernement représen-
tatif. Que l'Assemblée nous représente
plus ou moins exactement, c'est un point
à débattre; mais enfin le pays sait qu'il
est représenté. Il compte sur l'effet du
temps et sur la protection des lois pour
modifier peu à peu l'esprit de ses man-
dataires ; il enregistre avec un contente-
ment visible le gain modique, mais as-
suré, que lui apporte chaque élection.
Les affaires iraient tout autrement si
une majorité mal conseillée ôtait cette
espérance et cette consolation au suf-
frage universel. Dans l'intérêt de l'ordre
et de la paix publique, nous adj urons les
soi-disant conservateurs de l'Assemblée
de ne rien pousser à l'extrême. Ils ont
déjà jeté dans le radicalisme un cer-
tain nombre de républicains modérés.
Tel qui se contenterait de tancer à demi-
mot un adversaire qui se trompe, mais
qu'il tient pour bon entendeur, élèvera
la voix dès qu'il croit parler à un sourd.
Que sera-ce si l'on prétend fermer la
bouche à un peuple déjà mécontent et
quelque peu surexcité?
Mais non! Si l'Assemblée a commis
bien des fautes, elle n'e pas perdu toute
sagesse. Elle méprisera les vociférations
des claqueurs frénétiques qui lui crient
de gouverner sans le peuple et contre le
peuple. ABOUT.
ABOUT.
:——♦ —————————————
LA SOCIÉTÉ' FRANKLIN;
"Jo{
Je m"étonnaiesl'autre jour de l'imper-
tinence d'un inspecteur d'Académie, qui
avait refusé pour la bibliothèque scolaire,
d'une commune de l'Yonne des ouvra-
ges portant l'estampille de la Société
Franklin, déclarant ne les avoir pas lus,
mais les rej eter sur le seul vu des titres
et des auteurs. Or, parmi ces livres se
trouvaient l'Alsace, debout, et les Idées
de Jean-François, par Jean Macé.
Je m'étais donc récrié là-dessus. Que
le nom d'About inspirât quelque défian-
ce, passe encore, puisqu'il est à la tête
d'un journal républicain, et cependant
l'œuvre dont il s'agit n'est point une
œuvre de parti. Il n'y en a point qui soit
animée d'un souffle plus patriotique.
Mais Jean Macé ! le promoteur de la ligue
de l'enseignement ! l'homme qui a le
plus fait, en France, pour la propagande
de l'instruction primaire 1 l'auteur d'une
Bouchée de pain, un livre qui a été tra-
duit dans toutes les langues, et mis en-
tre les mains de tous les enfans ! J'avoue
que mettre ce nom-là à la porte d'une
bibliothèque scolaire, le procédé m'avait
paru plus qu'étrange. J'étais révolté, et
j'avais cru à une sottise tout individuelle
d'un fonctionnaire ignare.
Eh bien! pas du tout. Ce fonction-
naire était un malin, qui savait parfaite-
ment ce qu'il faisait, et qui aura de
l'avancement.
La Société Franklin, les livres qui en
sortent, les écrivains qui travaillent pour
elle, tous ceux qui font de la propagande
en sa faveur sont depuis longtemps,
sans que nous en sussions rien, mis à
l'index dans le parti catholique; tous
sont en horreur aux âmes bien pen-
santes.
On vient de m'envoyer un rapport de
M. le marquis de Fournès, sur la propa-
gande des bons livres, lequel rapport
est extrait du compte-rendu de l'Assem-
blée générale des comités catholiques
(1873). Je l'ai lu avec stupeur. C'est une
diatribe qui va jusqu'à l'injure contre la
Soeiété Franklin.
La Société Franklin, si l'on en croit le
fougueux rapporteur, ne se compose
que de demi-honnêtes gens : sa prospé-
rité croissante doit effrayer ceux qui,
comme nous (c'est toujours M. le marquis
de, Fournès qui parle), sont persuadés
qu'en dehors de l'influence religieuse et
des préceptes de l'Eglise, il n'y a point
de miracle véritable et point non plus de
possibilité de salut social. -
,« Seule, ajoute M. le rapporteur, la doc-
trine catholique offre le critérium solide
qui permet de distinguer le bien du mal,
et qui défend de concilier, sur un même
catalogue, la religion de Bossuet avec
celle de M. Jules Simon, la science his-
torique de M. Montalembert avec celle
de M. Henri Martin, les pieux récits de
Mme Craven avec les déclamations hai-
neuses de MM, Erkmann etChatrian, et la
Vie de la sœur Rosalie avec LES LIBELLES
IMPIES DE M. JEAN MACE. »
Libelles impies, ça y est. Impies, d'où
vient? J'ai lu quelques-uns de ces li-
belles ; il est très-vîai qu'ils ne disent
rien du catholicisme ; ils n'en parlent
ni en bien, ni en mal, mais ils sont im-
prégnés de morale, mais ils respirent un
goût de vertu saino et fortifiante ; mais
ils sont remplis de maximes de bien
penser et de bien vivre. Comme ces
petits livres, dans la pensée de leur àu-
teur, s'adressent à toutes les personnes
de bonne foi, à quelque communion
particulière qu'elles appartiennent, ils évi-
tent les discours stériles et ne donnent, en
fait d'enseignement religieux, que celui
qui convient également à tous les hon-
nêtes gens dans toutes les civilisations.
Les principes qui ont inspiré les livres
de M. Macé sont précisément ceux qu'a
toujours proclamés la Société Franklin,
qui, avant tout, fait profession d'impar-
tialité et de tolérance.
Elle le déclare elle-même : elle n'a jamais
voulu être l'instrument d'aucune propa-
gande particulière; jamais elle n'a con-
senti à arborer un drapeau religieux, et
s'est même gardée de céder, sur ee point,
à des préférences inavouées. Elle est née et
veut rester essentiellement laïque, déga-
gée de toute influence ecclésiastique ou
cléricale.
Son catalogue général est dû à M.
Marguerin, administrateur supérieur des
écoles de Paris, et il n'est personne qui
ne sache quel bon sens, quelle largeur
d'esprit, quel dévouement passionné M.
Marguerin apporte en ces questions de
haute pédagogie.
M. le marquis de Fournès a prétendu,
dans le même rapport, que la Société
Franklin avait escamoté à quelques pré-
lats des approbations qui lui auraient
été retirées plus tard. M. le marquis de
Fournès se trompe. Est-ce une simple
erreur? Est-ce un pieux mensonge? Je
n'en sais rien ; mais le fait est faux, ab-
solument faux. La Société Franklin n'a
jamais sollicité le visa d'un évêque..
Elle prétend ne porter les couleurs d'au-
cun parti:
Et c'est précisément pour cela qu'elfe
est poursuivie d'une si ardente haine
par les dévots et par les fonctionnaires
qui veulent faire leur cour aux distri-
buteurs de places.
Et c'est précisément pour cela que les
livres offerts l'autre jour à la bibliothè-
que de Perreux par M. le comte d'Etam-
pes ont été refusés avec une désinvolture
si hautaine par un méchant petit ins-
pecteur qui a bravé le ridicule pour se
faire bien venir du maître.
- FRANCISQUE SARCEY.
—————————————— ——————————.——
Depuis trois jours l'agence Havas a
pour occupation principale d'adresser
aux journaux de petites notes dont le
but est de mettre le public dans la con-
fidence des sacrifices pénibles que s'im-
pose le cabinet du 24 mai en ne rendant
point ses portefeuilles. On délibère cha-
que matin à ce sujet en conseil des mi-
nistres, et finalement il a'été décidé que
le cabinet tout entier se représenterait
devant l'Assemblée pour répondre à l'in-
terpellation du centre gauche.
Nous n'attendions pas moins du cou-
rage et du désintéressement bien con-
nus de M. de Broglie et de quelques-
uns de ses collègues. Le fameux : « j'y
suis, j'y reste ! » est devenu la règle de
conduite des parlementaires d'antan;
déjà dans le débat relatif à la proroga-
tion dès pouvoirs, ces messieurs ont
naïvement avoué qu'ils mettaient leur
honneur à combattre derrière le maré
chai, et il n'est pas étonnant de les voir
aujourd'hui décider après mûre réflexion
qu'ils sont résolus à se parer des nou-
veaux lauriers que vient de cueillir M.
le maréchal de Mac-Mahon. -
En bonne règle, le cabinet avait pour
devoir strict de remettre sa démission au
président de la République le soir même
du vote de la prorogation;-ileût ainsi évité
à M. Léon Say, porte-paroles du centre
gauche, l'obligation d'imposer à une
majorité toute en joie le développement
de l'interpellation portée fi l'ordre du
jour de lundi prochain. Mais le succès
donne goût au combat, et MM. les mi-
nistres n'ont pas été sans se dire qu'un
bonheur ne vient jamais seul, et qu'ils
bénéficieraient sans doute de la bonne
humeur de la majorité. Allez donc de-
mander d'être sévère à des gens qui,,
depuis le 19 novembre, s'épanouissent
dans leur triomphe et voient l'horizon
tout en rose ! -La joie rend indulgent, et
si quelques nuages flottaient, au retour
des vacances, entre le cabinet et la ma-
jorité, la nuit du 19 a dû les dissiper.
Ainsi pensent évidemment nos minis-
tres, et voilà le secret de l'obstination
qu'ils montrent à vouloir affronter l'in-
terpellation de lundi.
Qu'adviendra-t-il de cette interpella-
tion? Nous l'ignorons, tout comme M.
le duc de Broglie lui-même, quoi qu'il
en ait. Peut-être se trompe-t-il du tout
au tout quand il s'imagine que le témoi-
gnage de confiance sans bornes donné au
maréchal se changera lundi en bill d'in-
demnité pour le cabinet. Nous en savons
qui, pour rien au monde, n'eussent con-
senti à déposer dans l'urne un bulletin
d'où pouvait dépendre le renversement
du chef de l'Etat. Maintenir toujours et
quand même quiconque est en posses-
sion du pouvoir suprême est pour beau-
coup de gens le commencement et la fin
de la sagesse conservatrice. Ceux-là,
dont le nombre est plus considérable
qu'on ne pense, ont voté pour le maré-
chaI de Mac-Mahon. Voteront-ils pour M.
de Broglie ?
Au demeurant, la chose nous importe
peu ; mais ce que nous savons bien, c'est
qu'il faut que l'interpellation ait lieu. Ce
qui a été vaincu le 19 novembre, ce n'est
point tant le parti républicain que le bon
sens; il est bien de faire voir que le parti
républicain n'est point entamé, il est
indispensable de montrer au pays de
quelle façon sera jugée dans une Assem-
blée française une simple question d'hon-
neur et de iustice.
Est-il vrai, oui ou non, que le cabinet
formé le 24 mai avait une tout autre
mission que de travailler au renverse-
ment des institutions existantes ?
Est-il vrai, oui ou non, que tout ou
partie du cabinet a manqué à cette
mission ?
Voilà le terrain véritable de l'inter-
pellation de lundi, et c'est vainement
que M. le duc de Broglie, dans son dis-
cours du 29 novembre, a essayé une ré-
ponse anticipée en disant que le cabinet,
bien que composé d'éléments hétérogè-
nes, avait traversé la crise fusionniste
en conservant entre ses membres l'esti-
me, et, l'union complètes. Querles minis-
tres s'accordent ou se gourment entre
eux, te sont affaires de famille où nous
n'avons rien à voir ; qu'ils s'estiment
réciproquement, - c'est affaire de goût ;
mais ce qu'il conviendra d'établir autre- -
ment que par des affirmations, c'est que
le cabinet, suivant les expressions mêmes
de M. le vice-président du conseil, « a
concilié la neutralité convenue de son
mandat public avec la liberté réservée
des opinions individuelles de chacun de
ses membres. »
La théorie qui ressort de ces paroles,
bien qu'elle ait attiré à son auteur les
applaudissements de la droite, nous pa-
raît un peu plus que légère. Suivant M.
le duc de Broglie, le ministre et l'homme
privé seraient deux êtres distincts, n'ayant
à se soucier en aucune façon de mettre
en harmonie leurs paroles ou leurs actes.
Nous convenons volontiers que cette du-
plicité -' le mot répond bien à la chose
- n'est pas un péché que l'Eglise dé-
fende ; au contraire ; mais on nous per-
mettra de nous en fier, sur ce point, aux
simples données du sens moral. Or, il
enseigne que l'honnête homme n'a
qu'une conscience et que, s'il la prend
pour guide en toute occasion, il ne sau-
rait être, dans le même tçmps, l'homme
d'un parti et le ministre de la trêve des
nartis.
1 Pour ne parler que de M. le duc de
Broglie, il n'aura certes pas trop de toute
son habileté à se dérober, par quelques
phrases déclamatoires, aux questions les
plus précises, quand on lui demandera
de s'expliquer notamment sur le discours
qu'il prononçait en septembre, au con-
seil général de l'Eure. Ce n'était pas
comme ministre, ce n'était pas non plus
comme homme privé, c'était comme con-
seiller général que M. le duc défendait
alors la monarchie traditionnelle et légi-
time contre les attaques, suivant lui bien
injustes, dont elle était poursuivie. Sans
doute M. le duc se tirera d affaire en éta-
blissant une différence entre l'homme
privé, le ministre, et le conseiller géné-
ral; il pourra même, pour peu qu'il
soit en veine de fantaisie, prétendre
qu'il a le droit tour à tour de parler
comme académicien comme publiciste,
comme chrétien, comme conservateur,
ou même comme simple ambitieux; peut-
être enfin ne daignera-t-il point répon-
dre.
Quoi qu'il en soit, et sans nous préoc-
cuper de ce qui adviendra, nous estimons
que le centre gauche fait bien de ne point
déserter la lutte. Il a, d'ailleurs, une re-
vanche à prendre, ou du moins une ré-
ponse à faire à ceux qui, dans un but
facile à comprendre, s'en vont déjà
criant par-dessus les toits que le centre
gauche n'existe plus, qu'il s'est débandé
dans la nuit du 19 novembre, et que la
confusion est désormais dans ses rangs.
Le centre gauche existe et le fera bien
voir ; il a pu, dans une question com-
plexe et obscurcie à dessein, manquer de
la cohésion nécessaire ; mais sur le ter-
rain des principes, nous le retrouverons
au poste d'honneur que lui ont valu dans
le parti républicain sa vigilance et sa fer-
meté au-dessus de tout éloge pendant
la crise monarchique.
E, SCHNERB.
81
L'AUDIENCE
Les journées se suivent et ne se ressem-
blntpas, Tut l'intérêt s'est concentré
aujourd'hui sur 1
UNE TRIPLE CONFRONTATION.
On a passé en revue une seconde leur-
née d'émissaires envoyés, soit des villes
voisines de Metz au maréchal Bazaine, soit
du gouvernement de Tours, soit enfin de
Metz parle maréchal, à Tours ou à Thion-
ville.
Parmi eux, il y a des gens de toutes
classes, différents d'allures et de langage,
mais ayant ua point de ressemblance in-
discutable : leur dévouement et leur intré-
pidité à remplir leur mission, sachant
bien qu'une dépêche, qu'une communica-
tion arrivée à temps pouvait changer la face
des choses et sauver la France ; des offi-
ciers, des bourgeois, des marins déposent
successivement.
L'un d'eux, Donzella, a fait preuve d'une
rare énergie ; il partit de Tours le 13 sep-
ftembre avec une dépêche des plus impor-
tantes que lui remit M. de Kératry, alors
préfet de police, pour le maréchal Bazaine.
Cette dépêche portait sur quatre points :
on y annonçait au mârëéhal la proclama-
tion de la République, le séjour à Tours
de la maréchale ; on l'informait qu'un
convoi, considérable de vivres était aux
environs de Thionville et qu'il eût à le
protéger ; enfin, on y demandait des nou-
velles du fils du général Le Flô. Après bien
des détours, le marin Donzella arrive à
Thionville et demande au colonel Turnier
un guide pour se jeter dans la Moselle et
aller jusqu'à Metz ; il est excellent nageur,
il répond de faire six ou sept kilomètres
sans repos, il passera quand même à tra-
vers les lignes prussiennes. Au lieu de l'en-
courager, le colonel le dissuade d'une en-
treprise si périlleuse : « C'est impossible,
vous vous ferez tuer 1
- Donnez moi un guide !
- Cherchez-en un.
— C'est à vous de me donner des rensei-
gnements, ajoutait le marin dans son lan-
gage pittoresque et avec sa verve de Corse.
Une fois que je suis dans la Moselle, c'est
à moi le reste! »
Tout fut inutile. Le brave Donzella ne
connaissait pas le pays, et dut renoncer à
son entreprise. Le colonel Turnier trouva
une diversion : un ballon était arrivé de
Metz depuis huit jours avec un nombre
considérable de lettres ; le commandant de
Thionville lui en remit une et lui dit de
la porter à Paris, au gouvernement de la
Défense nationale. Donzella part, trouve
Paris investi et remet le précieux message
à l'amiral Fourichon à Tours.
Etait-ce le salut? Bazaine avait-il parlé?
Pourrait-on enfin aller lui donner la main,
ou lui, tenterait-il un effort pour s'empa-
rer du convoi inespéré, de vivres qui arri-
vait à Thionville?
L'intendant Richard nous raconte que
de ruses, que d'énergie, que d'expédients
de toutes sortes il a dû employer pour faire
entrer un convoi de 140 wagons à Thion-
ville.
C'était la famine conjurée, c'était la
planche de salut ! Il y avait là un million
cinq cent mille rations de 500 grammes
pour Thionville et huit cent mille rations
pour Longwy. Cet intrépide intendant
éveille toutes les sympathies.
Le colonel Massaroli a reçu sa part
pour Longwy ; il vient nous le dire ; le
colonel Turnier aussi, grâce à une colonne
protectrice, a fait entrer le convoi dans
Thionville. IL a donc prévenu immédiate-
ment le maréchal Bazaine ? C'était du
moins son devoir. -
Un jeune homme, Risse, a reçu de lui
une dépêche dans ce sens ; le 26 septem-
bre il a eu le bonheur de pénétrer dans
Me:z. de remettre la dépêche au maréchal
Bazaine lui-même.. Tout est pour le
mieux.
Ah ! mais non ; nous n'avions pas
songé à la dénégation de l'accusé, qui de-
mande :
— « Quelle tenue est-ce que je portais ? »
Risse répond :
— «,Le maréchal était en petite tenue,
sans épaulettes; je le reconnais bien; c'était
un petit, un gros, il avait des moustaches
noires, et il m'a donné dix francs. »
L'accusé a trouvé un démenti vain-
queur :
— « Je ne portais jamais qu'un spencer,
et je n'avais jamais d'argent sur moi. »
Il n'y a rien à répondre évidemment;
mais Risse, lui, affirme de plus belle. Le
cas est grave, comme on voit.
Le colonel Turnier est à son tour con-
fronté avec Risse; il ne le reconnaît pas
non plus; jamais il ne lui a remis de dé-
pêche; du moins, il ne s'en souvient pas.
Et de deux!
Par-bonheur, l'arrivée de Risse, à Metz,
se trouve établie par son acte d'engage-
ment recu à la mairie de Metz, le 8 octo-
bre, pour le 448 de ligne. Elle est confir-
mée par les dépositions des témoins Mar-
chai et Flahaut. Donc, à la date du 26
septembre, Bazaine savait que des appro-
visionnements considérables, venaient
d'arriver à Thionville : c'est irréfutable.
Le colonel Turnier, de plus en plus flot-
tant, est enfin confronté avec Donzella et
nie formellement lui avoir remis une dé-
pêche venant du ballon tombé à Thion-
ville; il n'y avait, prétend-il, dans ces cor-
respondances que des lettres d'officiers à
leurs familles; Donzella affirme mordicus
que la dépêche venait du ballon et qu'elle
contenait des nouvelles de Bazaine. Et de
trois !
Plus nous avançons, plus les points
d'interrogation se dressent de toutes
parts, menaç* ants et inattaquables, en face
de l'accusé.
PAUL DEMENY.
— ——————-——
INFORMATIONS
Le Journal de Genève publie le texte de la
note en date du 5 novembre, remisa par
M. Kern au duc de Broglie..Cette note de-
mande que les Etats liés par la convention
monétaire de 1865 (France, Suisse, Italie,
Belgique) soient saisis d'un étalon unique
en or. La note est favorable à l'adoption
de cet étalon.
Le conseil des ministres avait décidé
que la constitution du cabmetserait arrêtée
puis publiée aujourd'hni au Journal officiel;
mais le conseil est revenu hier sur sa pre-
mière décision.
Le ministère se présentera tel qu'il est
actuellement constitué devant l'Assemblée
pour la discussion de l'interpellation Léon
Say.
Le nouveau cabinet, qui actuellement
n'est pas encore arrêté, paraîtra après le
résultat de l'interpellation.
Voici les bruits d'aujourd'hui sur la
constitution du nouveau ministère.
MM. do Broglie, Batbie, Magne et De-
seilligny conserveraient leurs portefeuilles';
M. de Goulard serait nommé ministre de
l'intérieur; M. Mathieu-Bodtt, ministre de
l'agriculture et du commerce ; et M. De-
peyre, ministre de la justice ; pour le mi-
f nistère de la guerre, on hésiterait entre le
général Desvaux ot le général Douay. Pour
la marine, rien ne serait encore arrêté.
Il est question de M. Johnston pour la
sous-secrétairerie d'Etat du ministère du
commerce; de MM. Vente ou Voisin pour
celle de la justice. .c
M. Lanfrey, ministre plénipotentiaire à
Berne, a donné hier sa démission, quia été
acceptée. - ,
On assure que M. Fournier, représentant
de la France en Italie, serait sur le point
d'en faire autant. - r
M. Chigi, le nonce apostolique, a reou
d'assez mauvaises nouvelles de la santé du
pape hier matin.
Il est'bruit dans les cercles politiques
d'une proclamation du maréchal Mac-Ma-
hon au peuple français. Un organe offi-
cieux mentionne ce bruit avec toutes sortes
de précautions et de réserves.
Voiei l'âge qu'auront atteint, dans sept
ans, les principaux personnages sur les-
quels l'opinion publique a les yeux en ce
moment :
Le comte de Chambord. 60 ans.
Le prince impérial. 25
Le comte de Paris. 42
Le duc de Chartres. 40
Le duc de Nemours. , , 66
Le prince de Joinville. 62'
Le due d'Aumale. 58
Le prince Napoléon-Jérôme. 58
- Le maréchaljde Mac-Mahon. 72
M. Thiers 83
M. Gambetta.,.. 42
La commission du budget a entendu la
lecture du rapport de M. Chesnelong sur
le ministère des finances. Elle a examiné
les comptes-courants des trésoriers géné-
raux. Elle doit se réunir de nouveau au-
jourd'hui pour entendre la suite du rapport
de M. Chesnelong.
Dans les premiers jours de la semaine
prochaine, le rapport de la commission
d'enquête sur larmes de Bretagne sera dé-
posé sur le bureau de l'Assemblée natio-
nale.
M. Pierre Guizot, âgé de quatre-vingt-
quatre ans et cousin de l'ancien ministre,
vient de mourir à Nîmes.
Le nouveau sultan du Maroc a licencié
le harem de son père. Ce harem était com-
posé, dit-on, de près de mille femmes,
dont plus de la moitié appartenaient à la
race nègre. Il aurait déclaré qu'il ne gar-
derait auprès de lui qu'une seule femme,
la fille de Muley-Abbas.
On annonce que M. Masseras vient de
quitter la rédaetion en chef de la France,
La résolution prise par notre confrère a
son origine dans un dissentiment politique
survenu entre M. Masseras et la propriété
du journal au point de vue politique. -
La République, de Besançon, publie sous
toutes réserves la nouvelle* suivante :
M. le général duc d'Aumale a accepté,
pour le 18 décembre, l'invitation qui lui a
été faite par la Société d'émulation du
Doubs d'assister à son banquet annuel.
D'après nos renseignements, le procès
Bazaine serait terminé vers le 8 décembre.
M. d'Aumale serait donc libre à partir
de cette époque.
- ..,. ""-
Le ministre de la marine vient de déci-
der la suppression des fonctions de com-
mandant particulier à l'île de Saint-Mar-
tin, une des Antilles françaises.
Le service administratif de cette colonie
sera placé directement sous l'autorité du
gouverneur de la Guadeloupe.
Cette mesure produira une réduction an-
nuelle de 30,000 fr. sur le budget de la
marine.
Il y a en France quatre femmes déco-
rées de l'ordre de la Légion d'honneur.
Ce sont : Mmes Rosa Bonheur, peintre;
Dubar, supérieure des sœurs de l'Espé-
rance, à Nancy ; Mlle Barthe Rocher, du
Havre, fondatrice d'hôpitaux ; et lady Pi-
golt, qui s'est dévouée au service des bles-
sés pendant la guerre.
On lit dans la Liberté :
La Société de secours aux blessés s'est
réunie hier pour procéder à la nomination
du président, en remplacement de M. le
comte de Flavignv, décédé.
M. le général de Chabaud-Latour ayant
proposé M. le duc de Nemours, diverses
objections furent soulevées contre..ce choix,
quelque honorable qu'il fût.
M. le marquis de Béthisy, entre autres,
s'étant écrié qu'un pareil choix ne se dis-
cutait pas, mais s'imposait, le débat de-
vint si vif que l'on dut s'ajourner à lundi
prochain. En apprenant.cet incident, M. la
duc de Nemours, dont la candidature avait
été posée à son insu,'s'est empressé de re-
commander à ses amis de ne pas insister
autrement.
La session du synode général de l'Eglise
réformée de France s'est ouverte jeudi
dans le temple du Saint-Esprit, rue Ro-
quôpine.
Au début de la séance, M. le pasteur
Bastie, qui remplissait les fonctions de
Modérateur, a fait connaître à l'Assemblée
qu'un avis du conseil d'Etat, en date des
13 et 15 de ce mois, et dont il n'a pas été
donné lecture, déclare que le synode gé-
néral actuel n'est pas seulement une as-
f emblée consultative, mais qu'il réunit
tous les pouvoirs légaux reconnus par les
«r -
PaIX DrI NUÚBO : PARIS l5 GSHTIMBI — DSPMtTBMBlttI 20. WTIIOII.
[Lundi 24 Novembre 4873.'
liE XIT ¡ SIECLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures a minuit
2, rue Drouot, S
L" monoserits non insérés At seront pas rendus,
vABONNEMENTS
PARIS
Trois mois 13 fr.
Six mois. 25
Un Rn..,. 50 -
DÉPARTEMENTS f -
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Six mois. 32. -
Un an 62 V
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Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et C*
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âdvertising, agent, 13, Tavistockrow, Covent Gardon.
JOURNÉE POLITIQUE
Paris, 25 novembre 4875.
Quelle que ftlt l'issue des débats sur la
prorogation des pouvoirs, il était convenu
que le ministère remettrait sa démission
; au président de la République après le vote.
Plusieurs délibérations ont eu lieu déjà sur
* te sujet, depuis le 20, dans le conseil des
ministres. Voici ce qui serait décidé, d'a-
près les dernières nouvelles ! Le cabinet
se présenterait, tel qu'il est, demain lundi,
pour répondre devant l'Assemblée à l'in-
terpellation du centre gauche sur l'ajour-
nement des élections partielles, et tout de
suite après il serait reconstitué.
j Les journaux officieux s'empressent
!:' beaucoup trop, nous semble-t-il, d'annon-
cer que M. de Broglie demeurera vice-
président du conseil. Cela dépend de l'As-
semblée, et nous serions bien trompés s'il
s'y trouvai demain une majorité qui
ÎA approuvât : là, politique d'agitation caute-
> leuse que tout lé monde a condamnée aux
mois d'aeùt de septembre et d'octobre.
Plusieurs membres du centre gauche, qui
ont voté, bien à tort selon nous, la proro-
gation du maréchal dans les termes où
eUe était demandée, ne s'y sont résolus
sans doute qu'à la condition que le prési-
dent de la République changerait de mi-
nistres, et il ne leur est jamais venu dans
l'esprit d'accorder un bill d'indemnité à
M. de Broglie en donnant à M. le maré-
chal de Mac-Mahon un vote de confiance
xtrme.' Autre chose est la prorogation
du président, autre chose la prorogation
du ministère.
Au demeurant, nous verrons bien lundi
fô®mment la question sera jugée. Remar-
quons, en passant, que l'interpellation
Léon Say est le seul objet important de
l'ordre du jour. On sait qu'une commis-
sion de trente membres doit être nommée
en séance publique au scrutin de liste dans
les trois jours qui suivront la promulga-
tion de la loi nouvelle. Or, jusqu'ici le mi-
nistre a retardé la promulgation de la loi;
c'est pour donner le temps sans doute aux
membres du centre droit et de la partie de
la droite que le centre droit a ralliée de
préparer ftur lista avec plus de loisir. Il est
certain qu'on veut avoir, pour l'examen des
? lois organiques républicaines, une com-
mission monarchique, et il est probable
qu'on l'aura. Ce détail nous laisse insen-
sibles. Si les fusionnistes d'hier veulent
constituer demain, qu'ils constituent! Sans
aucun doute, le pays prendra plaisir à les
regarder.
On ignore qui remplacera M. Fournier,
le ministre de France en Italie, dont la
disgrâce paraît définitive. Nous voulons
espérer, du moins, que la gouvernement
aura la. sagesse de ne pas désigner pour
ce poste important quelque, organisateur
de pèlerinages, ni quelque chantre de
cantiques au pape-roi. Nous en d'trons
i autant pour Berne ; M. Lanfrey, après
avoir voté contre la prorogation des pou-
8 voirs, a offert sa démission, que le gouver-
nement a acceptée. De ce côté, tout est
, dans. l'ordre.. Mais M. LanErey sera re-
gretté par le gouvernement de Berne,
qui a marqué plus d~une fois, et notam-
ment au lendemain du 24 mai, le vif désir
de voir maintenir dans son poste ce répu-
blicain libéral, si bien fait pour accroître
et pour fortifier la mutuelle estime et les
f sympathies des deux nations.
EUG. LIÉBERT.
ri .l..f" ;
.a..c
[ Silence aux Électeurs
,
..¡:. -
Les journaux de l'ordre moral ne se
e contentent pas d'affirmer, sans preuve
aucune, le retrait de l'interpellation Léon
3 Say; ils en triomphent par avance et
empochent déjà le butin de cette victoire
facile. « Puisque M. Léon Say, renonce à
interpeller le cabinet sur l'ajournement
- des élections partielles, le cabinet a eu
raison d'épuiser le délai de six mois et
ï d'aller jusqu'au bout de Ja légAlité, Tout
ce qui n'est pas défendu est permis. Di-
1 sons mieux, tout ce qu'on peut faire im-
punément est honnête. Ajourner les
élections partielles est fort bon, les sup-
primer serait meilleur encore. Pourquoi
donc le gouvernement ne remplacerait-
il pas l'interpellation du centre gauche
1 par le dépôt d'un projét de loi renvoyant
toutes les élections aux calendes grec-
ques, c'est-à-dire au lendemain des lois
constitutionnelles? On épargnerait ainsi
aux ministres l'ennui de voir leur politi-
que contrecarrée périodiquement par le
suffrage universel. »
Nous avons vu tant de choses depuis
six mois que rien ne nous semble plus
impossible. Toutefois nous gardons assez
d'estime à la majorité de nos représen-
tants pour croire qu'elle écoutera ce
triste conseil et qu'elle se laissera en-
trainer à voter une loi de circonstance.
J'avoue qu'un mandataire public doit
trouver désagréable, presque imperti-
nent, le désaveu infligé à sa politique
tantôt par un département, tantôt par un
autre, et surtout par les populations les
plus sages et les plus conservatrices. Le
déplaisir qui résultetle ces avertissements
est d'autant plus vif qu'ils tombent sur
des hommes bien résolus à n'en tirer
aucun profit. Dans le train ordinaire du
gouvernement représentatif, les manifes-
tations légales de l'opinion sont utiles au
gouvernement alors même qu'elles ne
lui sont pas agréables : un. ministre, un
député s'éclaire au grand jour des élec-
tions; l'échec du candidat qui représen-
tait ses idées lui montre qu'il fait fausse
route et l'engage à redresser sa ligne de
conduite. Les hommes de parti pris qui
se croient plus sages et se sentent plus
forts que leurs mandants, ceux qui ont
pris pour devisé le Sic volo, sic jubeo du
poète, ne peuvent que s'irriter au choc de
la contradiction et passer outre, à leurs
risques et périls.
Mais de là à supprimer la contradic-
tion elle-même, il y a loin; surtout
qnand le contradicteur s'appelle tout le
monde et quand il a le droit de dire son
mot à jour fixe. '-
La nation française obéit à l'Assemblée
do Versailles, tout en se permettant de
la contredire parfois. Nous sommes un
peuple soumis, docile et respectueux,
parce que nous avons le respect des lois
et le culte du gouvernement représen-
tatif. Que l'Assemblée nous représente
plus ou moins exactement, c'est un point
à débattre; mais enfin le pays sait qu'il
est représenté. Il compte sur l'effet du
temps et sur la protection des lois pour
modifier peu à peu l'esprit de ses man-
dataires ; il enregistre avec un contente-
ment visible le gain modique, mais as-
suré, que lui apporte chaque élection.
Les affaires iraient tout autrement si
une majorité mal conseillée ôtait cette
espérance et cette consolation au suf-
frage universel. Dans l'intérêt de l'ordre
et de la paix publique, nous adj urons les
soi-disant conservateurs de l'Assemblée
de ne rien pousser à l'extrême. Ils ont
déjà jeté dans le radicalisme un cer-
tain nombre de républicains modérés.
Tel qui se contenterait de tancer à demi-
mot un adversaire qui se trompe, mais
qu'il tient pour bon entendeur, élèvera
la voix dès qu'il croit parler à un sourd.
Que sera-ce si l'on prétend fermer la
bouche à un peuple déjà mécontent et
quelque peu surexcité?
Mais non! Si l'Assemblée a commis
bien des fautes, elle n'e pas perdu toute
sagesse. Elle méprisera les vociférations
des claqueurs frénétiques qui lui crient
de gouverner sans le peuple et contre le
peuple. ABOUT.
ABOUT.
:——♦ —————————————
LA SOCIÉTÉ' FRANKLIN;
"Jo{
Je m"étonnaiesl'autre jour de l'imper-
tinence d'un inspecteur d'Académie, qui
avait refusé pour la bibliothèque scolaire,
d'une commune de l'Yonne des ouvra-
ges portant l'estampille de la Société
Franklin, déclarant ne les avoir pas lus,
mais les rej eter sur le seul vu des titres
et des auteurs. Or, parmi ces livres se
trouvaient l'Alsace, debout, et les Idées
de Jean-François, par Jean Macé.
Je m'étais donc récrié là-dessus. Que
le nom d'About inspirât quelque défian-
ce, passe encore, puisqu'il est à la tête
d'un journal républicain, et cependant
l'œuvre dont il s'agit n'est point une
œuvre de parti. Il n'y en a point qui soit
animée d'un souffle plus patriotique.
Mais Jean Macé ! le promoteur de la ligue
de l'enseignement ! l'homme qui a le
plus fait, en France, pour la propagande
de l'instruction primaire 1 l'auteur d'une
Bouchée de pain, un livre qui a été tra-
duit dans toutes les langues, et mis en-
tre les mains de tous les enfans ! J'avoue
que mettre ce nom-là à la porte d'une
bibliothèque scolaire, le procédé m'avait
paru plus qu'étrange. J'étais révolté, et
j'avais cru à une sottise tout individuelle
d'un fonctionnaire ignare.
Eh bien! pas du tout. Ce fonction-
naire était un malin, qui savait parfaite-
ment ce qu'il faisait, et qui aura de
l'avancement.
La Société Franklin, les livres qui en
sortent, les écrivains qui travaillent pour
elle, tous ceux qui font de la propagande
en sa faveur sont depuis longtemps,
sans que nous en sussions rien, mis à
l'index dans le parti catholique; tous
sont en horreur aux âmes bien pen-
santes.
On vient de m'envoyer un rapport de
M. le marquis de Fournès, sur la propa-
gande des bons livres, lequel rapport
est extrait du compte-rendu de l'Assem-
blée générale des comités catholiques
(1873). Je l'ai lu avec stupeur. C'est une
diatribe qui va jusqu'à l'injure contre la
Soeiété Franklin.
La Société Franklin, si l'on en croit le
fougueux rapporteur, ne se compose
que de demi-honnêtes gens : sa prospé-
rité croissante doit effrayer ceux qui,
comme nous (c'est toujours M. le marquis
de, Fournès qui parle), sont persuadés
qu'en dehors de l'influence religieuse et
des préceptes de l'Eglise, il n'y a point
de miracle véritable et point non plus de
possibilité de salut social. -
,« Seule, ajoute M. le rapporteur, la doc-
trine catholique offre le critérium solide
qui permet de distinguer le bien du mal,
et qui défend de concilier, sur un même
catalogue, la religion de Bossuet avec
celle de M. Jules Simon, la science his-
torique de M. Montalembert avec celle
de M. Henri Martin, les pieux récits de
Mme Craven avec les déclamations hai-
neuses de MM, Erkmann etChatrian, et la
Vie de la sœur Rosalie avec LES LIBELLES
IMPIES DE M. JEAN MACE. »
Libelles impies, ça y est. Impies, d'où
vient? J'ai lu quelques-uns de ces li-
belles ; il est très-vîai qu'ils ne disent
rien du catholicisme ; ils n'en parlent
ni en bien, ni en mal, mais ils sont im-
prégnés de morale, mais ils respirent un
goût de vertu saino et fortifiante ; mais
ils sont remplis de maximes de bien
penser et de bien vivre. Comme ces
petits livres, dans la pensée de leur àu-
teur, s'adressent à toutes les personnes
de bonne foi, à quelque communion
particulière qu'elles appartiennent, ils évi-
tent les discours stériles et ne donnent, en
fait d'enseignement religieux, que celui
qui convient également à tous les hon-
nêtes gens dans toutes les civilisations.
Les principes qui ont inspiré les livres
de M. Macé sont précisément ceux qu'a
toujours proclamés la Société Franklin,
qui, avant tout, fait profession d'impar-
tialité et de tolérance.
Elle le déclare elle-même : elle n'a jamais
voulu être l'instrument d'aucune propa-
gande particulière; jamais elle n'a con-
senti à arborer un drapeau religieux, et
s'est même gardée de céder, sur ee point,
à des préférences inavouées. Elle est née et
veut rester essentiellement laïque, déga-
gée de toute influence ecclésiastique ou
cléricale.
Son catalogue général est dû à M.
Marguerin, administrateur supérieur des
écoles de Paris, et il n'est personne qui
ne sache quel bon sens, quelle largeur
d'esprit, quel dévouement passionné M.
Marguerin apporte en ces questions de
haute pédagogie.
M. le marquis de Fournès a prétendu,
dans le même rapport, que la Société
Franklin avait escamoté à quelques pré-
lats des approbations qui lui auraient
été retirées plus tard. M. le marquis de
Fournès se trompe. Est-ce une simple
erreur? Est-ce un pieux mensonge? Je
n'en sais rien ; mais le fait est faux, ab-
solument faux. La Société Franklin n'a
jamais sollicité le visa d'un évêque..
Elle prétend ne porter les couleurs d'au-
cun parti:
Et c'est précisément pour cela qu'elfe
est poursuivie d'une si ardente haine
par les dévots et par les fonctionnaires
qui veulent faire leur cour aux distri-
buteurs de places.
Et c'est précisément pour cela que les
livres offerts l'autre jour à la bibliothè-
que de Perreux par M. le comte d'Etam-
pes ont été refusés avec une désinvolture
si hautaine par un méchant petit ins-
pecteur qui a bravé le ridicule pour se
faire bien venir du maître.
- FRANCISQUE SARCEY.
—————————————— ——————————.——
Depuis trois jours l'agence Havas a
pour occupation principale d'adresser
aux journaux de petites notes dont le
but est de mettre le public dans la con-
fidence des sacrifices pénibles que s'im-
pose le cabinet du 24 mai en ne rendant
point ses portefeuilles. On délibère cha-
que matin à ce sujet en conseil des mi-
nistres, et finalement il a'été décidé que
le cabinet tout entier se représenterait
devant l'Assemblée pour répondre à l'in-
terpellation du centre gauche.
Nous n'attendions pas moins du cou-
rage et du désintéressement bien con-
nus de M. de Broglie et de quelques-
uns de ses collègues. Le fameux : « j'y
suis, j'y reste ! » est devenu la règle de
conduite des parlementaires d'antan;
déjà dans le débat relatif à la proroga-
tion dès pouvoirs, ces messieurs ont
naïvement avoué qu'ils mettaient leur
honneur à combattre derrière le maré
chai, et il n'est pas étonnant de les voir
aujourd'hui décider après mûre réflexion
qu'ils sont résolus à se parer des nou-
veaux lauriers que vient de cueillir M.
le maréchal de Mac-Mahon. -
En bonne règle, le cabinet avait pour
devoir strict de remettre sa démission au
président de la République le soir même
du vote de la prorogation;-ileût ainsi évité
à M. Léon Say, porte-paroles du centre
gauche, l'obligation d'imposer à une
majorité toute en joie le développement
de l'interpellation portée fi l'ordre du
jour de lundi prochain. Mais le succès
donne goût au combat, et MM. les mi-
nistres n'ont pas été sans se dire qu'un
bonheur ne vient jamais seul, et qu'ils
bénéficieraient sans doute de la bonne
humeur de la majorité. Allez donc de-
mander d'être sévère à des gens qui,,
depuis le 19 novembre, s'épanouissent
dans leur triomphe et voient l'horizon
tout en rose ! -La joie rend indulgent, et
si quelques nuages flottaient, au retour
des vacances, entre le cabinet et la ma-
jorité, la nuit du 19 a dû les dissiper.
Ainsi pensent évidemment nos minis-
tres, et voilà le secret de l'obstination
qu'ils montrent à vouloir affronter l'in-
terpellation de lundi.
Qu'adviendra-t-il de cette interpella-
tion? Nous l'ignorons, tout comme M.
le duc de Broglie lui-même, quoi qu'il
en ait. Peut-être se trompe-t-il du tout
au tout quand il s'imagine que le témoi-
gnage de confiance sans bornes donné au
maréchal se changera lundi en bill d'in-
demnité pour le cabinet. Nous en savons
qui, pour rien au monde, n'eussent con-
senti à déposer dans l'urne un bulletin
d'où pouvait dépendre le renversement
du chef de l'Etat. Maintenir toujours et
quand même quiconque est en posses-
sion du pouvoir suprême est pour beau-
coup de gens le commencement et la fin
de la sagesse conservatrice. Ceux-là,
dont le nombre est plus considérable
qu'on ne pense, ont voté pour le maré-
chaI de Mac-Mahon. Voteront-ils pour M.
de Broglie ?
Au demeurant, la chose nous importe
peu ; mais ce que nous savons bien, c'est
qu'il faut que l'interpellation ait lieu. Ce
qui a été vaincu le 19 novembre, ce n'est
point tant le parti républicain que le bon
sens; il est bien de faire voir que le parti
républicain n'est point entamé, il est
indispensable de montrer au pays de
quelle façon sera jugée dans une Assem-
blée française une simple question d'hon-
neur et de iustice.
Est-il vrai, oui ou non, que le cabinet
formé le 24 mai avait une tout autre
mission que de travailler au renverse-
ment des institutions existantes ?
Est-il vrai, oui ou non, que tout ou
partie du cabinet a manqué à cette
mission ?
Voilà le terrain véritable de l'inter-
pellation de lundi, et c'est vainement
que M. le duc de Broglie, dans son dis-
cours du 29 novembre, a essayé une ré-
ponse anticipée en disant que le cabinet,
bien que composé d'éléments hétérogè-
nes, avait traversé la crise fusionniste
en conservant entre ses membres l'esti-
me, et, l'union complètes. Querles minis-
tres s'accordent ou se gourment entre
eux, te sont affaires de famille où nous
n'avons rien à voir ; qu'ils s'estiment
réciproquement, - c'est affaire de goût ;
mais ce qu'il conviendra d'établir autre- -
ment que par des affirmations, c'est que
le cabinet, suivant les expressions mêmes
de M. le vice-président du conseil, « a
concilié la neutralité convenue de son
mandat public avec la liberté réservée
des opinions individuelles de chacun de
ses membres. »
La théorie qui ressort de ces paroles,
bien qu'elle ait attiré à son auteur les
applaudissements de la droite, nous pa-
raît un peu plus que légère. Suivant M.
le duc de Broglie, le ministre et l'homme
privé seraient deux êtres distincts, n'ayant
à se soucier en aucune façon de mettre
en harmonie leurs paroles ou leurs actes.
Nous convenons volontiers que cette du-
plicité -' le mot répond bien à la chose
- n'est pas un péché que l'Eglise dé-
fende ; au contraire ; mais on nous per-
mettra de nous en fier, sur ce point, aux
simples données du sens moral. Or, il
enseigne que l'honnête homme n'a
qu'une conscience et que, s'il la prend
pour guide en toute occasion, il ne sau-
rait être, dans le même tçmps, l'homme
d'un parti et le ministre de la trêve des
nartis.
1 Pour ne parler que de M. le duc de
Broglie, il n'aura certes pas trop de toute
son habileté à se dérober, par quelques
phrases déclamatoires, aux questions les
plus précises, quand on lui demandera
de s'expliquer notamment sur le discours
qu'il prononçait en septembre, au con-
seil général de l'Eure. Ce n'était pas
comme ministre, ce n'était pas non plus
comme homme privé, c'était comme con-
seiller général que M. le duc défendait
alors la monarchie traditionnelle et légi-
time contre les attaques, suivant lui bien
injustes, dont elle était poursuivie. Sans
doute M. le duc se tirera d affaire en éta-
blissant une différence entre l'homme
privé, le ministre, et le conseiller géné-
ral; il pourra même, pour peu qu'il
soit en veine de fantaisie, prétendre
qu'il a le droit tour à tour de parler
comme académicien comme publiciste,
comme chrétien, comme conservateur,
ou même comme simple ambitieux; peut-
être enfin ne daignera-t-il point répon-
dre.
Quoi qu'il en soit, et sans nous préoc-
cuper de ce qui adviendra, nous estimons
que le centre gauche fait bien de ne point
déserter la lutte. Il a, d'ailleurs, une re-
vanche à prendre, ou du moins une ré-
ponse à faire à ceux qui, dans un but
facile à comprendre, s'en vont déjà
criant par-dessus les toits que le centre
gauche n'existe plus, qu'il s'est débandé
dans la nuit du 19 novembre, et que la
confusion est désormais dans ses rangs.
Le centre gauche existe et le fera bien
voir ; il a pu, dans une question com-
plexe et obscurcie à dessein, manquer de
la cohésion nécessaire ; mais sur le ter-
rain des principes, nous le retrouverons
au poste d'honneur que lui ont valu dans
le parti républicain sa vigilance et sa fer-
meté au-dessus de tout éloge pendant
la crise monarchique.
E, SCHNERB.
81
L'AUDIENCE
Les journées se suivent et ne se ressem-
blntpas, Tut l'intérêt s'est concentré
aujourd'hui sur 1
UNE TRIPLE CONFRONTATION.
On a passé en revue une seconde leur-
née d'émissaires envoyés, soit des villes
voisines de Metz au maréchal Bazaine, soit
du gouvernement de Tours, soit enfin de
Metz parle maréchal, à Tours ou à Thion-
ville.
Parmi eux, il y a des gens de toutes
classes, différents d'allures et de langage,
mais ayant ua point de ressemblance in-
discutable : leur dévouement et leur intré-
pidité à remplir leur mission, sachant
bien qu'une dépêche, qu'une communica-
tion arrivée à temps pouvait changer la face
des choses et sauver la France ; des offi-
ciers, des bourgeois, des marins déposent
successivement.
L'un d'eux, Donzella, a fait preuve d'une
rare énergie ; il partit de Tours le 13 sep-
ftembre avec une dépêche des plus impor-
tantes que lui remit M. de Kératry, alors
préfet de police, pour le maréchal Bazaine.
Cette dépêche portait sur quatre points :
on y annonçait au mârëéhal la proclama-
tion de la République, le séjour à Tours
de la maréchale ; on l'informait qu'un
convoi, considérable de vivres était aux
environs de Thionville et qu'il eût à le
protéger ; enfin, on y demandait des nou-
velles du fils du général Le Flô. Après bien
des détours, le marin Donzella arrive à
Thionville et demande au colonel Turnier
un guide pour se jeter dans la Moselle et
aller jusqu'à Metz ; il est excellent nageur,
il répond de faire six ou sept kilomètres
sans repos, il passera quand même à tra-
vers les lignes prussiennes. Au lieu de l'en-
courager, le colonel le dissuade d'une en-
treprise si périlleuse : « C'est impossible,
vous vous ferez tuer 1
- Donnez moi un guide !
- Cherchez-en un.
— C'est à vous de me donner des rensei-
gnements, ajoutait le marin dans son lan-
gage pittoresque et avec sa verve de Corse.
Une fois que je suis dans la Moselle, c'est
à moi le reste! »
Tout fut inutile. Le brave Donzella ne
connaissait pas le pays, et dut renoncer à
son entreprise. Le colonel Turnier trouva
une diversion : un ballon était arrivé de
Metz depuis huit jours avec un nombre
considérable de lettres ; le commandant de
Thionville lui en remit une et lui dit de
la porter à Paris, au gouvernement de la
Défense nationale. Donzella part, trouve
Paris investi et remet le précieux message
à l'amiral Fourichon à Tours.
Etait-ce le salut? Bazaine avait-il parlé?
Pourrait-on enfin aller lui donner la main,
ou lui, tenterait-il un effort pour s'empa-
rer du convoi inespéré, de vivres qui arri-
vait à Thionville?
L'intendant Richard nous raconte que
de ruses, que d'énergie, que d'expédients
de toutes sortes il a dû employer pour faire
entrer un convoi de 140 wagons à Thion-
ville.
C'était la famine conjurée, c'était la
planche de salut ! Il y avait là un million
cinq cent mille rations de 500 grammes
pour Thionville et huit cent mille rations
pour Longwy. Cet intrépide intendant
éveille toutes les sympathies.
Le colonel Massaroli a reçu sa part
pour Longwy ; il vient nous le dire ; le
colonel Turnier aussi, grâce à une colonne
protectrice, a fait entrer le convoi dans
Thionville. IL a donc prévenu immédiate-
ment le maréchal Bazaine ? C'était du
moins son devoir. -
Un jeune homme, Risse, a reçu de lui
une dépêche dans ce sens ; le 26 septem-
bre il a eu le bonheur de pénétrer dans
Me:z. de remettre la dépêche au maréchal
Bazaine lui-même.. Tout est pour le
mieux.
Ah ! mais non ; nous n'avions pas
songé à la dénégation de l'accusé, qui de-
mande :
— « Quelle tenue est-ce que je portais ? »
Risse répond :
— «,Le maréchal était en petite tenue,
sans épaulettes; je le reconnais bien; c'était
un petit, un gros, il avait des moustaches
noires, et il m'a donné dix francs. »
L'accusé a trouvé un démenti vain-
queur :
— « Je ne portais jamais qu'un spencer,
et je n'avais jamais d'argent sur moi. »
Il n'y a rien à répondre évidemment;
mais Risse, lui, affirme de plus belle. Le
cas est grave, comme on voit.
Le colonel Turnier est à son tour con-
fronté avec Risse; il ne le reconnaît pas
non plus; jamais il ne lui a remis de dé-
pêche; du moins, il ne s'en souvient pas.
Et de deux!
Par-bonheur, l'arrivée de Risse, à Metz,
se trouve établie par son acte d'engage-
ment recu à la mairie de Metz, le 8 octo-
bre, pour le 448 de ligne. Elle est confir-
mée par les dépositions des témoins Mar-
chai et Flahaut. Donc, à la date du 26
septembre, Bazaine savait que des appro-
visionnements considérables, venaient
d'arriver à Thionville : c'est irréfutable.
Le colonel Turnier, de plus en plus flot-
tant, est enfin confronté avec Donzella et
nie formellement lui avoir remis une dé-
pêche venant du ballon tombé à Thion-
ville; il n'y avait, prétend-il, dans ces cor-
respondances que des lettres d'officiers à
leurs familles; Donzella affirme mordicus
que la dépêche venait du ballon et qu'elle
contenait des nouvelles de Bazaine. Et de
trois !
Plus nous avançons, plus les points
d'interrogation se dressent de toutes
parts, menaç* ants et inattaquables, en face
de l'accusé.
PAUL DEMENY.
— ——————-——
INFORMATIONS
Le Journal de Genève publie le texte de la
note en date du 5 novembre, remisa par
M. Kern au duc de Broglie..Cette note de-
mande que les Etats liés par la convention
monétaire de 1865 (France, Suisse, Italie,
Belgique) soient saisis d'un étalon unique
en or. La note est favorable à l'adoption
de cet étalon.
Le conseil des ministres avait décidé
que la constitution du cabmetserait arrêtée
puis publiée aujourd'hni au Journal officiel;
mais le conseil est revenu hier sur sa pre-
mière décision.
Le ministère se présentera tel qu'il est
actuellement constitué devant l'Assemblée
pour la discussion de l'interpellation Léon
Say.
Le nouveau cabinet, qui actuellement
n'est pas encore arrêté, paraîtra après le
résultat de l'interpellation.
Voici les bruits d'aujourd'hui sur la
constitution du nouveau ministère.
MM. do Broglie, Batbie, Magne et De-
seilligny conserveraient leurs portefeuilles';
M. de Goulard serait nommé ministre de
l'intérieur; M. Mathieu-Bodtt, ministre de
l'agriculture et du commerce ; et M. De-
peyre, ministre de la justice ; pour le mi-
f nistère de la guerre, on hésiterait entre le
général Desvaux ot le général Douay. Pour
la marine, rien ne serait encore arrêté.
Il est question de M. Johnston pour la
sous-secrétairerie d'Etat du ministère du
commerce; de MM. Vente ou Voisin pour
celle de la justice. .c
M. Lanfrey, ministre plénipotentiaire à
Berne, a donné hier sa démission, quia été
acceptée. - ,
On assure que M. Fournier, représentant
de la France en Italie, serait sur le point
d'en faire autant. - r
M. Chigi, le nonce apostolique, a reou
d'assez mauvaises nouvelles de la santé du
pape hier matin.
Il est'bruit dans les cercles politiques
d'une proclamation du maréchal Mac-Ma-
hon au peuple français. Un organe offi-
cieux mentionne ce bruit avec toutes sortes
de précautions et de réserves.
Voiei l'âge qu'auront atteint, dans sept
ans, les principaux personnages sur les-
quels l'opinion publique a les yeux en ce
moment :
Le comte de Chambord. 60 ans.
Le prince impérial. 25
Le comte de Paris. 42
Le duc de Chartres. 40
Le duc de Nemours. , , 66
Le prince de Joinville. 62'
Le due d'Aumale. 58
Le prince Napoléon-Jérôme. 58
- Le maréchaljde Mac-Mahon. 72
M. Thiers 83
M. Gambetta.,.. 42
La commission du budget a entendu la
lecture du rapport de M. Chesnelong sur
le ministère des finances. Elle a examiné
les comptes-courants des trésoriers géné-
raux. Elle doit se réunir de nouveau au-
jourd'hui pour entendre la suite du rapport
de M. Chesnelong.
Dans les premiers jours de la semaine
prochaine, le rapport de la commission
d'enquête sur larmes de Bretagne sera dé-
posé sur le bureau de l'Assemblée natio-
nale.
M. Pierre Guizot, âgé de quatre-vingt-
quatre ans et cousin de l'ancien ministre,
vient de mourir à Nîmes.
Le nouveau sultan du Maroc a licencié
le harem de son père. Ce harem était com-
posé, dit-on, de près de mille femmes,
dont plus de la moitié appartenaient à la
race nègre. Il aurait déclaré qu'il ne gar-
derait auprès de lui qu'une seule femme,
la fille de Muley-Abbas.
On annonce que M. Masseras vient de
quitter la rédaetion en chef de la France,
La résolution prise par notre confrère a
son origine dans un dissentiment politique
survenu entre M. Masseras et la propriété
du journal au point de vue politique. -
La République, de Besançon, publie sous
toutes réserves la nouvelle* suivante :
M. le général duc d'Aumale a accepté,
pour le 18 décembre, l'invitation qui lui a
été faite par la Société d'émulation du
Doubs d'assister à son banquet annuel.
D'après nos renseignements, le procès
Bazaine serait terminé vers le 8 décembre.
M. d'Aumale serait donc libre à partir
de cette époque.
- ..,. ""-
Le ministre de la marine vient de déci-
der la suppression des fonctions de com-
mandant particulier à l'île de Saint-Mar-
tin, une des Antilles françaises.
Le service administratif de cette colonie
sera placé directement sous l'autorité du
gouverneur de la Guadeloupe.
Cette mesure produira une réduction an-
nuelle de 30,000 fr. sur le budget de la
marine.
Il y a en France quatre femmes déco-
rées de l'ordre de la Légion d'honneur.
Ce sont : Mmes Rosa Bonheur, peintre;
Dubar, supérieure des sœurs de l'Espé-
rance, à Nancy ; Mlle Barthe Rocher, du
Havre, fondatrice d'hôpitaux ; et lady Pi-
golt, qui s'est dévouée au service des bles-
sés pendant la guerre.
On lit dans la Liberté :
La Société de secours aux blessés s'est
réunie hier pour procéder à la nomination
du président, en remplacement de M. le
comte de Flavignv, décédé.
M. le général de Chabaud-Latour ayant
proposé M. le duc de Nemours, diverses
objections furent soulevées contre..ce choix,
quelque honorable qu'il fût.
M. le marquis de Béthisy, entre autres,
s'étant écrié qu'un pareil choix ne se dis-
cutait pas, mais s'imposait, le débat de-
vint si vif que l'on dut s'ajourner à lundi
prochain. En apprenant.cet incident, M. la
duc de Nemours, dont la candidature avait
été posée à son insu,'s'est empressé de re-
commander à ses amis de ne pas insister
autrement.
La session du synode général de l'Eglise
réformée de France s'est ouverte jeudi
dans le temple du Saint-Esprit, rue Ro-
quôpine.
Au début de la séance, M. le pasteur
Bastie, qui remplissait les fonctions de
Modérateur, a fait connaître à l'Assemblée
qu'un avis du conseil d'Etat, en date des
13 et 15 de ce mois, et dont il n'a pas été
donné lecture, déclare que le synode gé-
néral actuel n'est pas seulement une as-
f emblée consultative, mais qu'il réunit
tous les pouvoirs légaux reconnus par les
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