Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-11-23
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 23 novembre 1873 23 novembre 1873
Description : 1873/11/23 (A3,N738). 1873/11/23 (A3,N738).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/03/2013
3e Année; — N° 738 ! Paix BH NOMÉBO : Pian 15 CENTIMES — DéPÀRTEMBim 20 CoTIIfII.
Dimanche 23 Novembre 1873J
.! < , - -
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
- RÉDACTION — - -- - - *-
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
2, rue Drouot. 3
les manuscrits non insérés ne seront pairendw.
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Un an 'u'o 63 -
1- -:, -fI--, i
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6, place de. la Heurte, 8
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On s'abonne à Londres, chez M. A. Maubicâ général
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JOURNÉE POLITIQUE
Paris, 22 novembre 4873,
On n'a pas oublié, car on l'a dû lire et
relire, ce beau passage du dit cours de
M. Grévy : « Si vous disiez à ce pays-ci :
« Tu veux la République, tu l'exprimes par
» toutes tes manifestations; la République
2 est le gouvernement qui t'a relevé, c'est
» le gouvernement auquel tu t'es attaché
» par l'instinct de la conservation, c'est le
» gouvernement de ton temps. » Toute
la droite, à ses mots, réclame, et un in-
terrupteur, assurément mal avisé, s'écrie :
« Demandez donc au pays ca qu'il veut 1
Interrogez-le! » — « Je ne demande pas
mieux, réplique simplement M. Grévy.
J'ai la conviction profonde que le pays
veut la République. S'il ne la voulait pas,
il y a longtemps que nous serions retour-
nés devant htH »
Nous ignorons ce que l'interrupteur aura
pensé de la riposte. Quant à la droite, elle
s'est tue pour un peu de temps. Est-ceque l'o-
rateur n'avait pas accablé. ses contradicteurs
par l'évidence? Oui, le pays est avec. nous,
- et c'est pourquoi nous ne désespérons de
rien. Dans trois semaines , le 14 dé-
cembre, il l'attestera de nouveau par la
manifestation la plus calme, la plus légale
et la plus forte. Comme là Saine-Inférieure
et l'Aube dans le scrutin du 12 octobre,
les départements du Finistère, de l'Aude
et de Seine-et-Oise savent que, dans le
scrutin du 14 décembre, ils parleront pour le
pays. La France a fait depuis deux ou trois
ans un rude apprentissage de sagesse, et
l'Europe a constaté dans ses desseins, dans
sa conduite, autant d'esprit de suite et de
raison qu'elle à pu voir ailleurs d'aveugle-
ment et de témérité. On a parlé bien
hardiment « d'assurer le pas » aux con -
servateurs (et qui doue sont-ils?) sur
les révolutionnaires, c est-à-dire sur les
électeurs qui font des choix libéraux et ré-
publicains ; on a parlé a de rendre l'in-
lluence politique à ceux auxquels elle doit
appartenir, » c'est-à-dire sans doute aux
amis de M. de Broglie. Libre à eux de
la reconquérir par la persuasion ; c'est le
droit de tous. Quant aux lois de folle réac-
tion dont on neus menace, elles ne sont
pas faites encore et elles ne se feront
- pas, parce que, si elles devaient être ce que
certains « conservateurs » les rêvent, elles
ne seraient pas supportées.
La droite aura beau le nier et s'emporter
en protestations puériles, l'opinion publique
• pèseeneore,et d'un poids heureusement assez
lourd, sur les décisions du gouvernement et
de l'Assemblée. On ne peut pas seranfurmer
si hermétiquement à Versailles qu'on n'y
entende quelque chose des bruits du
dehors, quelque chose qui rappelle à nos
mandataires de 1871 que leurs huit ou dix
millions de mandants n'ont pas tout-à-fait
cessé d'exister. La volonté de la France
prévaudra toujours ; ce qui importe, c'est
qu'elle ne tarde pas trop à. prévaloir et qu'en
attendant notre attitude empêche l'accom-
plissement de projets funestes, comme elle
a déjà fait évanouir la Restauration, j
A cet égard rien de plus important que
les élections de Seine-et-Oise, du Finistère
et le double scrutin de l'Aude. Les jour-
naux ministériels et monarchistes en sont
tellement convaincus que plusieurs se de-
mandent s'il ne serait pas temps encore,
malgré la loi, de revenir sur le décret déjà
publié et de suspendre tout de suite les
opérations électorales. D'autres s'interro-
gent avec inquiétude sur ce que sont, ce
que peuvent être les candidats républicains;
ils recueillent des bruits et s'attaquent à
des hypothèses, car, jusqu'à ce jour, les
comités républicains des trois départe-
ments dont il s'agit n'ont procédé au
choix d'aucun candidat. Plus que ja-
mais en effet, il est nécessaire que ces
choix soient faits avec prudence, avec ma-
turité, qu'on les puisse donner, en un mot,
comme irréprochables. Les «omîtes répu-
blicains de l'Aude, de Seine-et-Oise et
du Finistère savent assez quelle attente
et quelles espérances le vote de leurs
départements doit exciter; et ce n'est pas
nous qui nous plaindrions s'ils avaient
besoin de consacrer quelques jours encore
à la discussion et à l'examen des candi-
âatures.
Nous signalions avant-hier l'an été de
M. Pascal interdisant la vente sur la voie
publlqt:¡e au journal la Gironde pour deux
articles dont l'un n'avait pas moins de
quarante-huit jours de date. C'est dans
des conditions à peu près pareilles que la
République, de Besancon, est aussi frappée
par arrêté de M. de Sandrans. L'arrêté
vise d'abord ces deux phrases d'un article
fJur les libertés communales, qui a paru le 18
novembre : « Nous nous bornerons à dire
que les excès commis en 1793 et en 1871
1 ne prouvent rien contre lanécesâité des li-
bertés communales, pour lesquelles nous
luttons encore à l'heure qu'il est. Ces qx-
cèa, au reste, et M. Bailleul le sait bien,
1 n'ont pas été amenés par l'abus de la li-
berté, comme il le dit. Ils ont été provo-
qués par l'obstination égoïste des classes
-privilégiées à ne rien céder de leurs pri-
vilèges dans l'intéiêt commun. De nos
jours, comme au moyen âge, la colère du
aeuple a toujours été le résultat de l'exac-
tion des puissants. » Nous ignorons qui
est M. Bailleul, mais il ne fait pas bon le
contredire dans le Doubs. Quoi qu'il en
soit ce passage est évidemment consi-
déré'comme le plus coupable puisque M.
la préfet du Doubs s'en vise aucun au-
tre. Or, sait-on bien ce que M. de San-
drans y voit? C'est, il le dit en toutes
lettres dans, les considérants de son arrêté,
« une apologie de la Commune de Paris ! »
Si M. de Sandrans est si peu au cou-
rant de notre langue qu'il ait cru trouver
dans ces dix lignes une apologie de la Com-
mune, que ne prend-il un truchement
pour se les faire interpréter ?
Mais ce n'est pas tout, et l'article de la
République du 18 lui remet en mémoire un
autre article du 3 ; il avait sans doute em-
ployé la quinzaine à la méditer : « Con-
sidérant, poursuit-il donc, que, déjà dans
son numéro da 3 de ce mois, le même
journal, dans un article intitulé: laMonar.
chie, avait dénaturé, de parti pris, les faits
historiques, et : déversé l'outrage sur les
personnages les plus importants de l'his-
toire de France, au profit des passions an-
tireligieuses, dont la rédaction de ce jour-
nal est noteirement animée, etc. » Et voilà
un journal tancé, morigéné et, qui pis
est, exclus du droit commun par un préfet
de l'arbitraire, pour avoir irrespectueuse-
ment émis des doutes sur les vertus de
Louis XV ou le bon sens de Charles VI !
En quel temps vivons-nous ? Ce qu'il y a
de plaisant, si l'on pouvait trouver en tout
ceci sujet de rire, c'est que l'article incri-
miné a été simplement transcrit d'un
ouvrage de M. Pelletan, publié en 1860 :
CI M; le préfet, dit la République, aurait pu
facilement s'apercevoir que cet article fai-
sait partie d'une série publiée par nous
sous le titre Variétés, et tirée textuelle-
ment d'un livre de M. Eugène Pelletan,
paru en 1860 : la Décadence de la Monar-
chie. Ce livre, qui a été édité en plein em-
pire, n'a soulevé à cette époque ni depuis au-
cune récrimination. » N'importe, dira M.
de Sandrans, si le livre, en ce temps-là, n'é-
tait pas coupable, il'l'est devenu. A com-
bien d'ouvrages, hélas! arriverait même
aventure, sans qu'on s'en fût douté avant
l'établissement de 'l'ordre moral ! Qua la
République publie, pour voir, en «Variétés »
ou autrement, de certaines Vues sur le gou-
vernement de la France d'un certain duc de
Broglie, qui n'était point d'ailleurs le vice-
président actuel du conseil.Ou plutôtqu'elie
ue publie rien ; car, si l'état de siégé existe
dans le Doubs, comme on le présume, elle
se ferait peut-être supprimer. N'importe-
t-il pas de museler le loup révolutionnaire?
EUG. LIÉBERT.
L'Union répond en ces termes au Journal de
Paris :
Qu'est-ce qu'une majorité conservatrice
qui n'est ni légitimiste, ni orléaniste, ni
bonapartiste," ni républicaine, et qui ren-
ferme dans son sein des légitimistes, des
orléanistes, des bonapartistes et des répu-
blicains ?
Majorité conservatrice ! Le beau mot que
voilà ! Majorité d'équivoques et de sous-
entendus, faite par la peur, et qui laisse
place à toutes les piperies, à toutes les in-
trigues, à toutes les défections ! Voilà la
vérité.
Les consciences sont tranquilles, parce
que dans quelques semaines chacun pré-
tend, à l'occasion des lois constitution-
nelles, tout remettre en question.
Beaucoup ont voté sept ans pour vivre
sept semaines. Ce n'est ni franc, ni glo-
rieux, et ce n'estpas notre œuvre; mais du
moins nous travaillerons à en tirer pro-
fit.
■ ■ ■ ■ 1 1 ——■i i i
Il faut avouer que la situation faite à
M. le maréchal de Mac-Mahon ne laisse
pas d'être fort embarrassante. Le 24 mai,
il a bien pu dire que rien n'était changé
aux institutions existantes ; il ne faisait
en quelque sorte que prendre la succes-
sion de M. Thiers, à cela près toutefois
qu'il devait considérer comme nul et non
avenu le fameux message du 13 novem-
bre'1872. M. le maréchal de Mac-Mahon
devenait, en -réalité, ce que M. Thiers
avait cessé d'être, le président de la trêve
des partis, le président du pacte de Bor-
deaux. <
C'était une fiction, soit, mais une fic-
tion soutenable, car chacun comprenait
aisément qu'elle ne pourrait se prolonger
beaucoup, et, de fait, chacun travaillait de
son mieux à précipiter le dénoûment.
La trêve avait été rompue, en réalité, dès
le 13 novembre, et si dès ce moment la
majorité parlementaire s'était promis de
renverser M. Thiers, c'est qu'elle n'avait
point de solution prête, tandis que M.
Thiers en avait une.
Mais les 378 qui ont voté l'autre nuit
la prorogation des pouvoirs du maré-
chat n'ont point la prétention, j'ima-
gine, d'avoir proroge pour sept ans le
pacte de Bordeaux. N'ont-ils point dé-
claré eux-mêmes que leur loi avait pour
objet de donner un commencement de
satisfaction au désir de définitif formulé
par le pays en toutes cifconstances?
N'ont-ils pas invoqué la nécessité de
donner au gouvernement plus de force
et de stabilité, dans le but de rassurer
les intérêts alarmés par un provisoire
interminable ?
Il est vrai que les 378 députés en
question, sur qui s'appuie le gouverne-
ment septennal, manquent, au suprême
degré, * de ce qui constitue la véritable
force, nous voulons dire l'homogénéité.
Ce sont des légitimistes, des orléanistes,
des bonapartistes, voire des républicains,
à, close infinitésimale; tous conservateurs.
Orsi POQ. sopqe avec un peu de soin les in-
tentions de chacun des groupes dont la
réunion forme l'assiette du pouvoir, à
quel résultat arrive-t-on?
Personne assurément ne soutiendra
que les royalistes comme MM. de Larcy,
Depeyre, Carayon-Latour, La Rochefou-
cauld-Bisaceia, Chesnelong, Ernoul, en
votant sept- ans de pouvoir à M. le ma-
réchal de Mae-Mahon, ont bel et bien, en
leur âme et conscience, entendu voter
sept ans de République. Les Bocher, les
d'Audiffret-Pasquier, les Decazes, les
de Broglie, n'ont pas davantage l'in-
tention de faire un congé complet sous
le drapeau républicain. Quant aux bona-
partistes, nous ne les calomnions certes
pas en disant que même ceux qui ne se
sont point abstenus regretteraient fort leur
vote si on leur annonçait que M. le ma-
réchal fera, bon gré, mal gré, son temps
de service.
Seuls, les honnêtes et candides mem-
bres du centre gauche qui se sont em-
barqués dans cette galère peuvent avoir
la naïveté de croire que leurs compa-
gnons de passage sont décidés, comme
eux, à accomplir jusqu'au bout la tra-
versée sans faire escale, un jour ou l'au-
tre, dans quelque havre de grâce.
Mais les autres? Ils vont sans retard,
comme ils nous l'ont annoncé franche-
ment ou donné à entendre, renouer les
négociations interrompues le 30 octobre.
Déjà les royalistes, avec une loyauté qui
les honore, déclarent qu'ils ne cesseront
de faire leur devoir, qui est de travailler
au rétablissement de la monarchie légi-
time. Ils se flattent encore de l'espoir
d'être secondés dans leurs efforts par les
orléanistes, et l'on ne fera jamais croire
à personne qu'ils se mettraient aussi vite
à la besogne s'ils Savaient pas la con-
fiance, fondée ou non, que le jour où ils
seront prêts, M. le maréchal de Mac-
Mahon, tout prorogé qu'il est, ne fera,
point obslaçle à la réalisation de leurs
projets.
Les orléanistes sont, pour l'instant,
tout entiers à leur joie, et cela se conçoit
aisément. En moins d'un mois ils ont
remporté deux grandes victoires ; la pre-
mière, 10 30 octobre, sur le comte de
Chambord; la seconde, le 19 novembre,
sur les républicains. Ils n'avaient jamais
voulu la fusion, la fusion a échoué. Mais
ils devaient craindre que cet échec tour-
nât à l'avantage des républicains ; et ils
ont battu les républicains. Il leur fallait
du temps, ils l'ont. Vienne l'examen des
lois constitutionnelles, et l'on verra s'ils
opèrent, qu'on nous 'permette le mot
emprunté au prince de Joinville, dans le
sens mac-mahonien. C'est donc qu'ils
comptent ou croient pouvoir compter
sur l'obligeance et le désintéressement
du maréchal.
Les bonapartistes, eux aussi, dans un
autre but que les orléanistes, et dans
un intérêt facile à comprendre, voulaient
gagnèr du temps. Toutefois on a vu qu'ils
hésitaient; le groupe s'est même divisé
en cette circonstance, et cela prouve que
les bonapartistes, à tort ou à raison, ne
se jugent pas en situation de faire aussi
bon marché que les légitimistes et les
orléanistes de la durée de sept ans
fixée aux pouvoirs présidentiels.
Telle est donc la situation : En fait et
en droit, les pouvoirs de M. le maréchal
de Mac-Mahon sont prorogés pour sept
ans ; mais les auteurs de cette proroga-
tion sont un composé d'éléments hété-
rogènes qui, par leur passé, et aussi par
leurs espérances d'avenir, protestent
contre l'idée d'avoir pu imposer à leurs
projets une si longue attente. Tous
comptent sur le maréchal de Mac-Mahon;
tel groupe, en votant les sept ans, était
profondement convaincu de voter pour
Henri V, tel autre pour Louis-Philippe II,
tel autre pour Napoléon IV. Or, c'est j
ce qui nous faisait dire, au début de cet
article, que la situation nouvelle de M.
le maréchal allait être hérissée de diffi-
cultés. - -
Car, enfin, iln'y a pas à dire, M. le ma-
réchal de Mac-Mahon, de par la loi, est
nommé président de la République
française pour une période de sept ans,
et il nous semble bien difficile qu'avant
trois mois il n'ait point mécontenté les
uns ou les autres. Nous n'invoquons
que pour mémoire la question de
loyauté, qui semble imposer à un prési-
dent de République de ne céder la place
ni à un lieutenant-général du royaume,
ni à tel autre que ce soit; nous n'insistons
pas sur le point que le premier devoir
d'unprésidêntde République devrait être,
sauf erreur de notre part, de protéger
et de défendre au besoin la Répu-
blique. Il nous suffira 'de rappe-
ler qu'on ne peut contenter tout le
monde et son père. Or, nous voulons
admettre que M. le maréchal de Mac-Ma-
hon, se faisant une autre idée que nous
des hantes fonctions dontil a été investi
et de l'usage qu'il en doit faire, ne re-
fuse point sa bienveillance à tel ou tel
partj. Le voilà dans la situation si bien
définie un jour à la tribune par son pré-
décesseur : , « Je ne pourrais servir un
parti, disait-il, sans en trahir deux.»
- M. le maréchal de Mac-Mahon s'aper-
cevra bien vite de cette fausse situa-
tion où le met le vote panaché du 19
novembre ; mais nous ne désespérons
point de l'en voir sortir par la grande
porte. Si nous étions assez hardis pour
comparer un si grand capitaine à, un si
petit bourgeois, nous rappellerions que
M. Thiers,-ne voulant trahir personne,
mais ayant une ample provision de pa-
itriotisme et de dévouement à employer,
s'était résolu à laisser les partis se dé-
brouiller entre eux, et avait mis sim-
plement au service de son pays tout ce
qui lui restait de force et tout ce qu'il
avait de génie. Voilà le secret df la
grande trahison de M. Thiers, comme
disent MM. les conservateurs, en parlant
de sa conversion aux idées républicai-
nes. Et cette réflexion que nous avions
déjà faite nous est revenue en mémoire,
en pensant aux embarras qu'allait éprou-
ver à son tour M. le maréchal de Mac-
Mahon.
Qui sait? Nous disions tout à l'heure
que, parmi les votants du 19 novembre,
les uns avaient cru voter pour Henri V,
les autres pour le comte de Paris, d'au-
tres enfin pour Napoléon IV. S'il se trou-
vait que tous, sans exception, ont voté
pour la République?
E. SCïINERB.
i ——
—————— ———————
Nous lisons dans l'Assemblée nationale :
Hier soir, il y a eu réception chez M. Buffet.
Les salons étaient pleins ; on y remarquait,
outre un grand nombre de députés, plusieurs
ministres, des ofuciers généraux, des magistrats.
La réunion a été cordiale et animée. M. Buffet a
été vivement félicité. r
Et de quoi ?
L'Assemblée nationale ne pouvait pas
adresser de plus vilain compliment au
pr l'impartialité vraie.
—————————-..
LARGESSE! LARGESSE!.
M. le ministre de l'instructioa publi-
que vient d'accorder à toutes les facultés,
à tous les lycées, à toutes les écoles pri-
maires un jour de congé, comme don de
joyeux avènement.
C'est un aimable retour aux usages
monarchiques, en attendant que la mo-
narchie elle-même soit restaurée tout
entière.
C'est ainsi qu'au temps de l'errpire,
tous les écoliers de France étaient invités
à se réjouir le jour où la dynastie s'en-
richissait d'un petit héritier, ou même
encore le jour où il naissait à la vie spi-
rituelle en recevant le baptême.
C'est ainsi que nous autres, qui som-
mes déjà vieux, on nous lâchait sur le
pavé de Paris toutes les fois que la fa-
mille royale avait à célébrer quelque
événement joyeux ou quelque date
agréable.
Ce sont là, jeux de prince.
Il est tout naturel que le gouverne-
ment du maréchal Mac-Mahon n'en veuille
pas laisser perdre la tradition.
Je ne crois pas d'ailleurs que les en-
fants réclament : de quelque part et
pour quelque cause que vienne le congé,
c'est un congé, et il est le bienvenu.
Vous rappelez-vous, mes amis, de quel
cœur. nous faisions sonner notre index
sur le médium accolé au pouce, quand
le professeur nous lisait en classe la cir-
culaire officielle qui annonçait le congé ?
Mais les jeunes gens sont de moins
bonne composition. 1
Une ambassade nous est arrivée des
étudiants de l'Ecole de droit, qui venait
protester dans nos bureaux contre le
congé qui leur est infligé malgré eux.
Et un lundi, encore ! nous disaient-
ils.
C'est jour de Code civil; et jamais nos
professeurs n'ont le temps d'achever
leur cours. Est-il si nécessaire de nous
retirer une de leurs leçons ?
M. Batbie, au lieu de donner ainsi des
congés aux professeurs, devrait bien se
souvenir qu'il l'est, et faire, son cours
lui-même, au lieu d'interrompre eelui
de l'honorable bouche-trou qui le rem-
place.
Ils étaient fort montés, ces jeunes
gens ! 1
En voilà qui probablement ne trouvent
dans l'avènement du prorogeat qu'une
occasion médiocre de se réjouir et de
festiner. ■ ,
Qu'ils en prennent leur parti. Après
tout il ne prendront de plaisir que ce
qu'ils voudront bien. -
Il y a encore une nuance entre M.
Batbie et l'illustre Shahabaham, qui di-
sait d'un ton si péremptoire :
— Le premier qui ne s'amusera pas
sera empalé !
FRANCISQUE SARCEY.
LE SCRUTIN DU 19 NOVEMBRE
Nous avons quelques rectifications à
faire au travail que nous avons publié
hier sur le scrutin du 19 novembre.
M. Michal-Ladichère, député de l'Isère,
qui est porté par le Journal officiel comme
s'étant abstenu dana le vote sur l'art 1er
du projet 'de prorogation, nous prie d'an-
noncer qu'il a voté contre.
Il résulte, en outre, de rectifications pu-
bliées par le Journal officiel que MM Bé-
renger, Martell (Charente et l'abbé Jaf-
fré, portés comme s'étant abstenus dans
le scrutin sur l'article 1er, ont voté pour.
MM. Gailly et Brice (flle-at-Vilaine), éga-
lement portés comme s'étant abstenus sur
le même article, ont voté contre.
Dans le scrutin sur l'ensemble du pro-
jet de prorogation, c'est par suite d'une
erreur typographique epae le nom de M.
Bethmoat a été omis. M. Bethmoata voté
contre. Il en est de même de MM. Àmat
et Charles Bernard, portés comme s'étant
abstenus:
En revanche, MM. Flaud et Gouin, clas-
sés par le Journal officiel dans la même
catégorie des abstentions, déclarent avoir
voté pour l'ensemble du projet.
M. de-Ghampvallier, porté comme s'é-
tant abstenu dans le scrutin concernant
l'appel au peuple, déclare avoir voté
contre. , j
- ,-:;
- M. Bérenger, dans une lettre adressée
au Figaro, explique ainsi ses différents
votes : ,
Il est inexact que je me sois abstenu sur le
vote de l'article 1er du contre-projet. J'ai, au su
et au vu d'un grand nombre de mes collègues,
voté pour la prorogation des pouvoirs de l'illus-
tre maréchal, à la loyauté duquel il n'est entré
dans la pensée de personne de refuser sa con-
fiaflce.
Après le rejet de l'amendement Waddington,
j'ai voté contre l'ensemble de la loi, qui ne
m'offrait pas la garantie suffisante du vote de
lois constitutionnelles nettement républicai-
neZ.
Veuillez agréer, monsieur, l'expression de ma
considération très-distinguée.
H. Bérenger,
- Député.
AUX PAUVRES LA BESACE
Il y a un biea joli mot dans la Ga.
zette des Tribunaux de ce matin.
C'est une réponse de M. Lefebvre-Du-
ruflé, un des sept , prévenus, dans l'af-
faire de la Société industrielle, qui se
juge en ce moment devant la cour.
M. Lefebvre-Duruflé-venait d'expliquer
au président comment et pourquoi il
avait eu.-confiance en Bureau, et le pré-
sident venait de lui remettre sous les
yeux un assez grand nombre de cir-
constances qui auraient dû éveiller ses
soupçons ; etil ajoutait :
— Vous avez même reçu des avertis-
sements de la part d'un employé de la
comptabilité, qui vous révélait les faits
les plus graves. Au lieu d'agir, de pres-
crire des vérifications, vous avez congé-
dié cet employé. Pourquoi?
Savez-vous ce que répond M. Lefebvre-
Duruflé à cette question ?
— C'était un employé subalterne, mon-
sieur le président.
Ce brave Sosie n'avait-il pas raison de
dire autrefois : -
• Tous les discours sont des sottises,
Partant d'un homme sans éclat ;
Ce seraient paroles exquises
Si c'était un grand qui parlât.
Ainsi parce que cet honnête homme
n'était qu'un pauvre diable d'employé à
douze cents francs, il fallait ne tenir au-
cun compte des faits qu'il apportait.
Un homme qui n'émarge pas de gros
appointements, qui n'est rien, à qui l'on
rend à peine son salut, en aurait donc
su plus long, il aurait vu plus clair qu'un
administrateur en chef! C'eût été le ren-
versement de toute hiérarchie.
Et J'on mit à la porte l'employé su-
balterne qui avait assez peu le respect
de ses chefs pour s'ingérer d'être plus
qu'eux au courant de la chose.
Et dire que c'est partout de même !
Le proverbe est bien vrai : Aux pau-'
vres la besace !
FRANCISQUE SARCEY.
; » ————————
*
L'AUDIENCE ;
- -.f
On se Croirait à l'Assemblée, tant il y a
de députés; nos honorables remplissant
tous les fauteuils placés devant la tribune
de la presse et débordent jusque derrière
le conseil, qui est littéralement bloqué à
gauche. Quelques-uns. même veulent em-
piéter sur nos bancs ; plusieurs alterca-
tions s'élèvent, et sans la gendarmerie, qui
met des gants pour négocier avec un de
nos souverains, nous étions dépossédés. La
nuit du 19 novembre a fait des loisirs à
ces messieurs, on le voit bien : Changar-
nier hœc otia feeit.
La journée a été chaude du reste à
Tri an on.
Pour commencer,
TOUJOURS RÉGNIER.
Régnier revient, deux heures, -durant sur
le tapis. Oa cherche par tous les moyens
possibles à savoir .ce qu'il était ; on veut
forcer le secret, impénétrable jusqu'à pré-
sent, qui nous cache le véritable caractère
de ce personnage' mystérieux ; il- y a évi-
demment un coup décisif qui se prépare à
son endroit, nous le sentons dès le aébut.
Qui donc va lever le voile ?
Le général Boyer, dont on connaît la
mission, est fort peu catégorique; c'est à
grand peine qu'on obtient de lui les plus
minces renseignements ; on a à toute mi-
nute desenvies furieuses de le pousser pour
qu'il parle : vains efforts 1 le général fne -se
rappelle riea ou presque rien. Quel dom-
mage que la mémoire soit une faculté irres
ponsable 1 Certes, le témoin a vu Regaier,
lors de son arrivée au quartier-général du
Ban-Saint-Martin; il l'a même entendu,
à son départ, prononcer cette parole signi-
ficative, qui indique bien dans quelle in-
timité il était avec nos vainqueurs :
« J'aime mieux aller manger du bon
bouillon de bœuf chez le prince Frédéric-
Charles que de rester ici! ja
Puis il l'a revu à Londres, à Bruxelles,
continuant toujours ses menées et ses in-
trigues et s'imaginant dans sa grossière et
sotte suffisance que lui, Régnier, tenait
dans sa main les destinées de deux empi-
res : toujours 1& mouche du coche, qu'il
soit question d'une pF atache ou du chal: e
PEtat 1
Mais voici un témoin qui va nous dire
la première impression produite à Has-
tings par l'arrivée de cet intrigant. -
Le commandant Lamfv, officie? d'or-
donnante du çrineo Impérial, était là ; il
l'a Y~ ent: cftez l'impératrice et il assure
que ce n'est qu'à force d'iinportuni'^s que
4
cet inconnu a enfin obtenu de M. Filon,
précepteur du prince, une photographia
d'Hastings avec un mot de sa main.Le té..
moin cherche à dégager autant qu'il peut
l'impératrice de toute responsabilité dans
cette affaire ; elle aurait répondu aux con-
seils indiscrets de Régnier que d'abord.
« elle n'avait aucune confiance en lui,
qu'elle ne le connaissait pas, qu'il ne s'a-
gissait pas pour l'heure de songer aux
questions dynastiques, que ce serait un
crime d'entraver la défense. »
L'étonnementfut bien plus grand ARas..
tings quand Bourbaki y arriva ; personne v
ne l'attendait, bien entendu ; tout était de
l'invention de Régnier, lequel revint plu-
sieurs fois à la charge et tâcha de faire
quand même prévaloir ses avis. Tantôt il
dit:
« Je sais mieux que le maréchal Ba-
zaine ce qui se passe dans Metz ; il peut
tenir jusqu'au 22, et jusqu'au 23 en ne
mangeant pas le dernier jour. »
Tantôt il répète « qu'il faut payer les
pots cassés, que les Prussiens demande-
ront un milliard et une portion du ter.
ritoire, » qu'il indique même sur une
carte. -
Dès lors le soupçon germe de lui-mê-
me dans l'esprit du commandant Lamey.
Régnier, pour lui, est un espion prussien.
Serait-ce enfin le mot de l'énigme Ï At.
tendons.
Un camarade de pension dudit Régnier, x •
M. Soulié; conservateur du Musée de Ver-
sailles, nous raconte plusieurs circonstan-
ces plus qu'étranges dans lesquelles il l'a
revu, entre autres à Versailles, pendant
l'occupation prussienne. M. Souliê nous
dépeint Régnier comme un homme ayant
des idées particulières à lui, b:zarre, com-
me une sorte de fou, jouissant d'une séré-
nité et d'un aplomb tels qu'il accomplit
les démarches les plus extraordinaires sans
avoir même conscience de ce qu'il fait. Il y a
plus, croyons-nous ; mais notons en pas-
sant un mot que Régnier a lancé au té..
moin en s'éloignant : ,
« Je cours à l'hôtel des Réservoirs; car,
d'un moment à l'autre, je puis recevoir da
M. de Bismarck l'ordre de partir. »
Voilà donc bel et bien notre homme au
service du chancelier de l'empire ; mais
attendons encore, la preuve va se faire de
plus en plus. (
On rencontre notre personnage partout.
A Celogne, il e&t vu par M. Pozzo di Bor-
gho, auprès duquel il se vante d'avoir fait
sortir de Metz les généraux Bourbaki et
Boyer. A Cassel, c'est le capitaine Yung
qui l'aperçoit en frac, se rendant àWilhem-
shohe, chez l'empereur captif, porteur
d'un volumineux dossier. Dans tous les
camps à la fois ? Dame ! pour négocier et
pour espionner à l'aise, il le fallait bien".
Une parenthèse s'ouvre ici, pour se fer-
mer bientôt du reste; on entend, quelques
témoins sur les communication qui ont
eu lieu pendant le bioous : un. passeur sur
la Moselle, un voiturier, un rentier qui
fait de M. Arnous-Rivière un portrait peu
flatteur et assure qu'il conférait souvent
avec Régnier, pendant son séjour chezllui;
mais nous ne retiendrons de tous ces me-
nus faits qu'un mot prononcé par un tail-
leur de Metz, M. Modéré, qui fut mandé
pour confectionner des vêtements bour-
geois à Bazaine et au général Boyer à-la. -
date du 26 septembre. Sur une observation
du témoin, le général répondit :
-r- « Si nous devons défiler devant les
Prussiens, je ne veux pas le faire en
tenue. »
- a En sommes-nous-Ià! » ne put s'em-
pêcher de soupirer le tailleur.
Le 26 septembre, vous entendez bien ?
on pense déjà à un défilé devant l'ennemi,
on prend toutes ses mesures- en consé-*
quence ; cette seule date confond l'imagi-
nation. „<
Nous sautons par-dessus les dires d'une
vieille dame et de sa cousine qui, à Stras-
bourg, ont entendu, de la bouche d'un offi-
cier allemand qu'elles logeaient, ce mot :
« Le 18 octobre, nous serons à Paris avec
Bazaine; car Bazaiae est un traîtrel » et
nous arrivons à M. le député BûmpaNt-
maire de Bar-le-Duc. L'honorable témoin
a vu Régnier à son retour de Metz.
Il l'a tout de suite dévisagé, a fait jus-
tice de ses impertinences et de ses airs d'a-
venturier et lui a énergiquement refusé
tout laissez-passer. C'était le 26 septem-
bre. Régnier lui disait : « Je ne suis pas
le premier veau, j'ai un laissez-passer de
M. de Bismarck.» Toujours Bismarck! La
valet parle sans cesse de son maitre, c'est
naturel.
Et quand on lui demande Fêtât de Metz
il répond que la ville « est à bout de res-
sources. »
Quant à Bazaine, savez-vous ce qu'en
disaient au maire de Bar-le-Dac les offi-
ciers prussiens ?
— « Bazaine, triste réputatioa en Fran-
ce ! J) et une autre fois, en réponse aux
dénégations patriotiques du maire : « Ba-
zaine aura des millions 1 »
Ici le maréchal ne peut se taire ; il en-
veloppe le témoin de son regard, allumé -
par la colère, et s'écrie :
- Ce sont là des calomnies r Je m'étonne
que M. le député les répète ici."
- On m'interroge, je réponds, reprend,
fermement le témoin.
M. le président lui-même se met da la
partie : « Personne ici n'a -à-'-a.pprëcier vos
paroles, » dit-il avec une sévérité qui lui -
est peu commune.
On sent que l'audience est grosse d'o-
rages; 1 attention redouble; la salle regorge
de curieux et l'on n'entend pas une mou-
che bruire, quand l'ordre est donné d'ap-
peler
- M. JULES FAVRE.
■*
! Il dépose avec calme et gravité; sa pa-
Voie, comme sa physionmie, a quelque
chose de' profondément triste : il y a dans
cette âme une douleur sans remède et sur
ce front des rides ineffaçables. -
A Ferrières, dans sa conférence avec M.
de Bismarck, M. Jules Favre a entendu
parler incidemment de Régnier et il a vu,
de ses yeux vu, une photographie d'Has-
tings avec quelques mots de l'impératrice;
c'était un passe-port pour l'émissaire.
•— Il Vous voyez bien, lui dit M. Jules
1. -
Dimanche 23 Novembre 1873J
.! < , - -
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
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JOURNÉE POLITIQUE
Paris, 22 novembre 4873,
On n'a pas oublié, car on l'a dû lire et
relire, ce beau passage du dit cours de
M. Grévy : « Si vous disiez à ce pays-ci :
« Tu veux la République, tu l'exprimes par
» toutes tes manifestations; la République
2 est le gouvernement qui t'a relevé, c'est
» le gouvernement auquel tu t'es attaché
» par l'instinct de la conservation, c'est le
» gouvernement de ton temps. » Toute
la droite, à ses mots, réclame, et un in-
terrupteur, assurément mal avisé, s'écrie :
« Demandez donc au pays ca qu'il veut 1
Interrogez-le! » — « Je ne demande pas
mieux, réplique simplement M. Grévy.
J'ai la conviction profonde que le pays
veut la République. S'il ne la voulait pas,
il y a longtemps que nous serions retour-
nés devant htH »
Nous ignorons ce que l'interrupteur aura
pensé de la riposte. Quant à la droite, elle
s'est tue pour un peu de temps. Est-ceque l'o-
rateur n'avait pas accablé. ses contradicteurs
par l'évidence? Oui, le pays est avec. nous,
- et c'est pourquoi nous ne désespérons de
rien. Dans trois semaines , le 14 dé-
cembre, il l'attestera de nouveau par la
manifestation la plus calme, la plus légale
et la plus forte. Comme là Saine-Inférieure
et l'Aube dans le scrutin du 12 octobre,
les départements du Finistère, de l'Aude
et de Seine-et-Oise savent que, dans le
scrutin du 14 décembre, ils parleront pour le
pays. La France a fait depuis deux ou trois
ans un rude apprentissage de sagesse, et
l'Europe a constaté dans ses desseins, dans
sa conduite, autant d'esprit de suite et de
raison qu'elle à pu voir ailleurs d'aveugle-
ment et de témérité. On a parlé bien
hardiment « d'assurer le pas » aux con -
servateurs (et qui doue sont-ils?) sur
les révolutionnaires, c est-à-dire sur les
électeurs qui font des choix libéraux et ré-
publicains ; on a parlé a de rendre l'in-
lluence politique à ceux auxquels elle doit
appartenir, » c'est-à-dire sans doute aux
amis de M. de Broglie. Libre à eux de
la reconquérir par la persuasion ; c'est le
droit de tous. Quant aux lois de folle réac-
tion dont on neus menace, elles ne sont
pas faites encore et elles ne se feront
- pas, parce que, si elles devaient être ce que
certains « conservateurs » les rêvent, elles
ne seraient pas supportées.
La droite aura beau le nier et s'emporter
en protestations puériles, l'opinion publique
• pèseeneore,et d'un poids heureusement assez
lourd, sur les décisions du gouvernement et
de l'Assemblée. On ne peut pas seranfurmer
si hermétiquement à Versailles qu'on n'y
entende quelque chose des bruits du
dehors, quelque chose qui rappelle à nos
mandataires de 1871 que leurs huit ou dix
millions de mandants n'ont pas tout-à-fait
cessé d'exister. La volonté de la France
prévaudra toujours ; ce qui importe, c'est
qu'elle ne tarde pas trop à. prévaloir et qu'en
attendant notre attitude empêche l'accom-
plissement de projets funestes, comme elle
a déjà fait évanouir la Restauration, j
A cet égard rien de plus important que
les élections de Seine-et-Oise, du Finistère
et le double scrutin de l'Aude. Les jour-
naux ministériels et monarchistes en sont
tellement convaincus que plusieurs se de-
mandent s'il ne serait pas temps encore,
malgré la loi, de revenir sur le décret déjà
publié et de suspendre tout de suite les
opérations électorales. D'autres s'interro-
gent avec inquiétude sur ce que sont, ce
que peuvent être les candidats républicains;
ils recueillent des bruits et s'attaquent à
des hypothèses, car, jusqu'à ce jour, les
comités républicains des trois départe-
ments dont il s'agit n'ont procédé au
choix d'aucun candidat. Plus que ja-
mais en effet, il est nécessaire que ces
choix soient faits avec prudence, avec ma-
turité, qu'on les puisse donner, en un mot,
comme irréprochables. Les «omîtes répu-
blicains de l'Aude, de Seine-et-Oise et
du Finistère savent assez quelle attente
et quelles espérances le vote de leurs
départements doit exciter; et ce n'est pas
nous qui nous plaindrions s'ils avaient
besoin de consacrer quelques jours encore
à la discussion et à l'examen des candi-
âatures.
Nous signalions avant-hier l'an été de
M. Pascal interdisant la vente sur la voie
publlqt:¡e au journal la Gironde pour deux
articles dont l'un n'avait pas moins de
quarante-huit jours de date. C'est dans
des conditions à peu près pareilles que la
République, de Besancon, est aussi frappée
par arrêté de M. de Sandrans. L'arrêté
vise d'abord ces deux phrases d'un article
fJur les libertés communales, qui a paru le 18
novembre : « Nous nous bornerons à dire
que les excès commis en 1793 et en 1871
1 ne prouvent rien contre lanécesâité des li-
bertés communales, pour lesquelles nous
luttons encore à l'heure qu'il est. Ces qx-
cèa, au reste, et M. Bailleul le sait bien,
1 n'ont pas été amenés par l'abus de la li-
berté, comme il le dit. Ils ont été provo-
qués par l'obstination égoïste des classes
-privilégiées à ne rien céder de leurs pri-
vilèges dans l'intéiêt commun. De nos
jours, comme au moyen âge, la colère du
aeuple a toujours été le résultat de l'exac-
tion des puissants. » Nous ignorons qui
est M. Bailleul, mais il ne fait pas bon le
contredire dans le Doubs. Quoi qu'il en
soit ce passage est évidemment consi-
déré'comme le plus coupable puisque M.
la préfet du Doubs s'en vise aucun au-
tre. Or, sait-on bien ce que M. de San-
drans y voit? C'est, il le dit en toutes
lettres dans, les considérants de son arrêté,
« une apologie de la Commune de Paris ! »
Si M. de Sandrans est si peu au cou-
rant de notre langue qu'il ait cru trouver
dans ces dix lignes une apologie de la Com-
mune, que ne prend-il un truchement
pour se les faire interpréter ?
Mais ce n'est pas tout, et l'article de la
République du 18 lui remet en mémoire un
autre article du 3 ; il avait sans doute em-
ployé la quinzaine à la méditer : « Con-
sidérant, poursuit-il donc, que, déjà dans
son numéro da 3 de ce mois, le même
journal, dans un article intitulé: laMonar.
chie, avait dénaturé, de parti pris, les faits
historiques, et : déversé l'outrage sur les
personnages les plus importants de l'his-
toire de France, au profit des passions an-
tireligieuses, dont la rédaction de ce jour-
nal est noteirement animée, etc. » Et voilà
un journal tancé, morigéné et, qui pis
est, exclus du droit commun par un préfet
de l'arbitraire, pour avoir irrespectueuse-
ment émis des doutes sur les vertus de
Louis XV ou le bon sens de Charles VI !
En quel temps vivons-nous ? Ce qu'il y a
de plaisant, si l'on pouvait trouver en tout
ceci sujet de rire, c'est que l'article incri-
miné a été simplement transcrit d'un
ouvrage de M. Pelletan, publié en 1860 :
CI M; le préfet, dit la République, aurait pu
facilement s'apercevoir que cet article fai-
sait partie d'une série publiée par nous
sous le titre Variétés, et tirée textuelle-
ment d'un livre de M. Eugène Pelletan,
paru en 1860 : la Décadence de la Monar-
chie. Ce livre, qui a été édité en plein em-
pire, n'a soulevé à cette époque ni depuis au-
cune récrimination. » N'importe, dira M.
de Sandrans, si le livre, en ce temps-là, n'é-
tait pas coupable, il'l'est devenu. A com-
bien d'ouvrages, hélas! arriverait même
aventure, sans qu'on s'en fût douté avant
l'établissement de 'l'ordre moral ! Qua la
République publie, pour voir, en «Variétés »
ou autrement, de certaines Vues sur le gou-
vernement de la France d'un certain duc de
Broglie, qui n'était point d'ailleurs le vice-
président actuel du conseil.Ou plutôtqu'elie
ue publie rien ; car, si l'état de siégé existe
dans le Doubs, comme on le présume, elle
se ferait peut-être supprimer. N'importe-
t-il pas de museler le loup révolutionnaire?
EUG. LIÉBERT.
L'Union répond en ces termes au Journal de
Paris :
Qu'est-ce qu'une majorité conservatrice
qui n'est ni légitimiste, ni orléaniste, ni
bonapartiste," ni républicaine, et qui ren-
ferme dans son sein des légitimistes, des
orléanistes, des bonapartistes et des répu-
blicains ?
Majorité conservatrice ! Le beau mot que
voilà ! Majorité d'équivoques et de sous-
entendus, faite par la peur, et qui laisse
place à toutes les piperies, à toutes les in-
trigues, à toutes les défections ! Voilà la
vérité.
Les consciences sont tranquilles, parce
que dans quelques semaines chacun pré-
tend, à l'occasion des lois constitution-
nelles, tout remettre en question.
Beaucoup ont voté sept ans pour vivre
sept semaines. Ce n'est ni franc, ni glo-
rieux, et ce n'estpas notre œuvre; mais du
moins nous travaillerons à en tirer pro-
fit.
■ ■ ■ ■ 1 1 ——■i i i
Il faut avouer que la situation faite à
M. le maréchal de Mac-Mahon ne laisse
pas d'être fort embarrassante. Le 24 mai,
il a bien pu dire que rien n'était changé
aux institutions existantes ; il ne faisait
en quelque sorte que prendre la succes-
sion de M. Thiers, à cela près toutefois
qu'il devait considérer comme nul et non
avenu le fameux message du 13 novem-
bre'1872. M. le maréchal de Mac-Mahon
devenait, en -réalité, ce que M. Thiers
avait cessé d'être, le président de la trêve
des partis, le président du pacte de Bor-
deaux. <
C'était une fiction, soit, mais une fic-
tion soutenable, car chacun comprenait
aisément qu'elle ne pourrait se prolonger
beaucoup, et, de fait, chacun travaillait de
son mieux à précipiter le dénoûment.
La trêve avait été rompue, en réalité, dès
le 13 novembre, et si dès ce moment la
majorité parlementaire s'était promis de
renverser M. Thiers, c'est qu'elle n'avait
point de solution prête, tandis que M.
Thiers en avait une.
Mais les 378 qui ont voté l'autre nuit
la prorogation des pouvoirs du maré-
chat n'ont point la prétention, j'ima-
gine, d'avoir proroge pour sept ans le
pacte de Bordeaux. N'ont-ils point dé-
claré eux-mêmes que leur loi avait pour
objet de donner un commencement de
satisfaction au désir de définitif formulé
par le pays en toutes cifconstances?
N'ont-ils pas invoqué la nécessité de
donner au gouvernement plus de force
et de stabilité, dans le but de rassurer
les intérêts alarmés par un provisoire
interminable ?
Il est vrai que les 378 députés en
question, sur qui s'appuie le gouverne-
ment septennal, manquent, au suprême
degré, * de ce qui constitue la véritable
force, nous voulons dire l'homogénéité.
Ce sont des légitimistes, des orléanistes,
des bonapartistes, voire des républicains,
à, close infinitésimale; tous conservateurs.
Orsi POQ. sopqe avec un peu de soin les in-
tentions de chacun des groupes dont la
réunion forme l'assiette du pouvoir, à
quel résultat arrive-t-on?
Personne assurément ne soutiendra
que les royalistes comme MM. de Larcy,
Depeyre, Carayon-Latour, La Rochefou-
cauld-Bisaceia, Chesnelong, Ernoul, en
votant sept- ans de pouvoir à M. le ma-
réchal de Mae-Mahon, ont bel et bien, en
leur âme et conscience, entendu voter
sept ans de République. Les Bocher, les
d'Audiffret-Pasquier, les Decazes, les
de Broglie, n'ont pas davantage l'in-
tention de faire un congé complet sous
le drapeau républicain. Quant aux bona-
partistes, nous ne les calomnions certes
pas en disant que même ceux qui ne se
sont point abstenus regretteraient fort leur
vote si on leur annonçait que M. le ma-
réchal fera, bon gré, mal gré, son temps
de service.
Seuls, les honnêtes et candides mem-
bres du centre gauche qui se sont em-
barqués dans cette galère peuvent avoir
la naïveté de croire que leurs compa-
gnons de passage sont décidés, comme
eux, à accomplir jusqu'au bout la tra-
versée sans faire escale, un jour ou l'au-
tre, dans quelque havre de grâce.
Mais les autres? Ils vont sans retard,
comme ils nous l'ont annoncé franche-
ment ou donné à entendre, renouer les
négociations interrompues le 30 octobre.
Déjà les royalistes, avec une loyauté qui
les honore, déclarent qu'ils ne cesseront
de faire leur devoir, qui est de travailler
au rétablissement de la monarchie légi-
time. Ils se flattent encore de l'espoir
d'être secondés dans leurs efforts par les
orléanistes, et l'on ne fera jamais croire
à personne qu'ils se mettraient aussi vite
à la besogne s'ils Savaient pas la con-
fiance, fondée ou non, que le jour où ils
seront prêts, M. le maréchal de Mac-
Mahon, tout prorogé qu'il est, ne fera,
point obslaçle à la réalisation de leurs
projets.
Les orléanistes sont, pour l'instant,
tout entiers à leur joie, et cela se conçoit
aisément. En moins d'un mois ils ont
remporté deux grandes victoires ; la pre-
mière, 10 30 octobre, sur le comte de
Chambord; la seconde, le 19 novembre,
sur les républicains. Ils n'avaient jamais
voulu la fusion, la fusion a échoué. Mais
ils devaient craindre que cet échec tour-
nât à l'avantage des républicains ; et ils
ont battu les républicains. Il leur fallait
du temps, ils l'ont. Vienne l'examen des
lois constitutionnelles, et l'on verra s'ils
opèrent, qu'on nous 'permette le mot
emprunté au prince de Joinville, dans le
sens mac-mahonien. C'est donc qu'ils
comptent ou croient pouvoir compter
sur l'obligeance et le désintéressement
du maréchal.
Les bonapartistes, eux aussi, dans un
autre but que les orléanistes, et dans
un intérêt facile à comprendre, voulaient
gagnèr du temps. Toutefois on a vu qu'ils
hésitaient; le groupe s'est même divisé
en cette circonstance, et cela prouve que
les bonapartistes, à tort ou à raison, ne
se jugent pas en situation de faire aussi
bon marché que les légitimistes et les
orléanistes de la durée de sept ans
fixée aux pouvoirs présidentiels.
Telle est donc la situation : En fait et
en droit, les pouvoirs de M. le maréchal
de Mac-Mahon sont prorogés pour sept
ans ; mais les auteurs de cette proroga-
tion sont un composé d'éléments hété-
rogènes qui, par leur passé, et aussi par
leurs espérances d'avenir, protestent
contre l'idée d'avoir pu imposer à leurs
projets une si longue attente. Tous
comptent sur le maréchal de Mac-Mahon;
tel groupe, en votant les sept ans, était
profondement convaincu de voter pour
Henri V, tel autre pour Louis-Philippe II,
tel autre pour Napoléon IV. Or, c'est j
ce qui nous faisait dire, au début de cet
article, que la situation nouvelle de M.
le maréchal allait être hérissée de diffi-
cultés. - -
Car, enfin, iln'y a pas à dire, M. le ma-
réchal de Mac-Mahon, de par la loi, est
nommé président de la République
française pour une période de sept ans,
et il nous semble bien difficile qu'avant
trois mois il n'ait point mécontenté les
uns ou les autres. Nous n'invoquons
que pour mémoire la question de
loyauté, qui semble imposer à un prési-
dent de République de ne céder la place
ni à un lieutenant-général du royaume,
ni à tel autre que ce soit; nous n'insistons
pas sur le point que le premier devoir
d'unprésidêntde République devrait être,
sauf erreur de notre part, de protéger
et de défendre au besoin la Répu-
blique. Il nous suffira 'de rappe-
ler qu'on ne peut contenter tout le
monde et son père. Or, nous voulons
admettre que M. le maréchal de Mac-Ma-
hon, se faisant une autre idée que nous
des hantes fonctions dontil a été investi
et de l'usage qu'il en doit faire, ne re-
fuse point sa bienveillance à tel ou tel
partj. Le voilà dans la situation si bien
définie un jour à la tribune par son pré-
décesseur : , « Je ne pourrais servir un
parti, disait-il, sans en trahir deux.»
- M. le maréchal de Mac-Mahon s'aper-
cevra bien vite de cette fausse situa-
tion où le met le vote panaché du 19
novembre ; mais nous ne désespérons
point de l'en voir sortir par la grande
porte. Si nous étions assez hardis pour
comparer un si grand capitaine à, un si
petit bourgeois, nous rappellerions que
M. Thiers,-ne voulant trahir personne,
mais ayant une ample provision de pa-
itriotisme et de dévouement à employer,
s'était résolu à laisser les partis se dé-
brouiller entre eux, et avait mis sim-
plement au service de son pays tout ce
qui lui restait de force et tout ce qu'il
avait de génie. Voilà le secret df la
grande trahison de M. Thiers, comme
disent MM. les conservateurs, en parlant
de sa conversion aux idées républicai-
nes. Et cette réflexion que nous avions
déjà faite nous est revenue en mémoire,
en pensant aux embarras qu'allait éprou-
ver à son tour M. le maréchal de Mac-
Mahon.
Qui sait? Nous disions tout à l'heure
que, parmi les votants du 19 novembre,
les uns avaient cru voter pour Henri V,
les autres pour le comte de Paris, d'au-
tres enfin pour Napoléon IV. S'il se trou-
vait que tous, sans exception, ont voté
pour la République?
E. SCïINERB.
i ——
—————— ———————
Nous lisons dans l'Assemblée nationale :
Hier soir, il y a eu réception chez M. Buffet.
Les salons étaient pleins ; on y remarquait,
outre un grand nombre de députés, plusieurs
ministres, des ofuciers généraux, des magistrats.
La réunion a été cordiale et animée. M. Buffet a
été vivement félicité. r
Et de quoi ?
L'Assemblée nationale ne pouvait pas
adresser de plus vilain compliment au
pr l'impartialité vraie.
—————————-..
LARGESSE! LARGESSE!.
M. le ministre de l'instructioa publi-
que vient d'accorder à toutes les facultés,
à tous les lycées, à toutes les écoles pri-
maires un jour de congé, comme don de
joyeux avènement.
C'est un aimable retour aux usages
monarchiques, en attendant que la mo-
narchie elle-même soit restaurée tout
entière.
C'est ainsi qu'au temps de l'errpire,
tous les écoliers de France étaient invités
à se réjouir le jour où la dynastie s'en-
richissait d'un petit héritier, ou même
encore le jour où il naissait à la vie spi-
rituelle en recevant le baptême.
C'est ainsi que nous autres, qui som-
mes déjà vieux, on nous lâchait sur le
pavé de Paris toutes les fois que la fa-
mille royale avait à célébrer quelque
événement joyeux ou quelque date
agréable.
Ce sont là, jeux de prince.
Il est tout naturel que le gouverne-
ment du maréchal Mac-Mahon n'en veuille
pas laisser perdre la tradition.
Je ne crois pas d'ailleurs que les en-
fants réclament : de quelque part et
pour quelque cause que vienne le congé,
c'est un congé, et il est le bienvenu.
Vous rappelez-vous, mes amis, de quel
cœur. nous faisions sonner notre index
sur le médium accolé au pouce, quand
le professeur nous lisait en classe la cir-
culaire officielle qui annonçait le congé ?
Mais les jeunes gens sont de moins
bonne composition. 1
Une ambassade nous est arrivée des
étudiants de l'Ecole de droit, qui venait
protester dans nos bureaux contre le
congé qui leur est infligé malgré eux.
Et un lundi, encore ! nous disaient-
ils.
C'est jour de Code civil; et jamais nos
professeurs n'ont le temps d'achever
leur cours. Est-il si nécessaire de nous
retirer une de leurs leçons ?
M. Batbie, au lieu de donner ainsi des
congés aux professeurs, devrait bien se
souvenir qu'il l'est, et faire, son cours
lui-même, au lieu d'interrompre eelui
de l'honorable bouche-trou qui le rem-
place.
Ils étaient fort montés, ces jeunes
gens ! 1
En voilà qui probablement ne trouvent
dans l'avènement du prorogeat qu'une
occasion médiocre de se réjouir et de
festiner. ■ ,
Qu'ils en prennent leur parti. Après
tout il ne prendront de plaisir que ce
qu'ils voudront bien. -
Il y a encore une nuance entre M.
Batbie et l'illustre Shahabaham, qui di-
sait d'un ton si péremptoire :
— Le premier qui ne s'amusera pas
sera empalé !
FRANCISQUE SARCEY.
LE SCRUTIN DU 19 NOVEMBRE
Nous avons quelques rectifications à
faire au travail que nous avons publié
hier sur le scrutin du 19 novembre.
M. Michal-Ladichère, député de l'Isère,
qui est porté par le Journal officiel comme
s'étant abstenu dana le vote sur l'art 1er
du projet 'de prorogation, nous prie d'an-
noncer qu'il a voté contre.
Il résulte, en outre, de rectifications pu-
bliées par le Journal officiel que MM Bé-
renger, Martell (Charente et l'abbé Jaf-
fré, portés comme s'étant abstenus dans
le scrutin sur l'article 1er, ont voté pour.
MM. Gailly et Brice (flle-at-Vilaine), éga-
lement portés comme s'étant abstenus sur
le même article, ont voté contre.
Dans le scrutin sur l'ensemble du pro-
jet de prorogation, c'est par suite d'une
erreur typographique epae le nom de M.
Bethmoat a été omis. M. Bethmoata voté
contre. Il en est de même de MM. Àmat
et Charles Bernard, portés comme s'étant
abstenus:
En revanche, MM. Flaud et Gouin, clas-
sés par le Journal officiel dans la même
catégorie des abstentions, déclarent avoir
voté pour l'ensemble du projet.
M. de-Ghampvallier, porté comme s'é-
tant abstenu dans le scrutin concernant
l'appel au peuple, déclare avoir voté
contre. , j
- ,-:;
- M. Bérenger, dans une lettre adressée
au Figaro, explique ainsi ses différents
votes : ,
Il est inexact que je me sois abstenu sur le
vote de l'article 1er du contre-projet. J'ai, au su
et au vu d'un grand nombre de mes collègues,
voté pour la prorogation des pouvoirs de l'illus-
tre maréchal, à la loyauté duquel il n'est entré
dans la pensée de personne de refuser sa con-
fiaflce.
Après le rejet de l'amendement Waddington,
j'ai voté contre l'ensemble de la loi, qui ne
m'offrait pas la garantie suffisante du vote de
lois constitutionnelles nettement républicai-
neZ.
Veuillez agréer, monsieur, l'expression de ma
considération très-distinguée.
H. Bérenger,
- Député.
AUX PAUVRES LA BESACE
Il y a un biea joli mot dans la Ga.
zette des Tribunaux de ce matin.
C'est une réponse de M. Lefebvre-Du-
ruflé, un des sept , prévenus, dans l'af-
faire de la Société industrielle, qui se
juge en ce moment devant la cour.
M. Lefebvre-Duruflé-venait d'expliquer
au président comment et pourquoi il
avait eu.-confiance en Bureau, et le pré-
sident venait de lui remettre sous les
yeux un assez grand nombre de cir-
constances qui auraient dû éveiller ses
soupçons ; etil ajoutait :
— Vous avez même reçu des avertis-
sements de la part d'un employé de la
comptabilité, qui vous révélait les faits
les plus graves. Au lieu d'agir, de pres-
crire des vérifications, vous avez congé-
dié cet employé. Pourquoi?
Savez-vous ce que répond M. Lefebvre-
Duruflé à cette question ?
— C'était un employé subalterne, mon-
sieur le président.
Ce brave Sosie n'avait-il pas raison de
dire autrefois : -
• Tous les discours sont des sottises,
Partant d'un homme sans éclat ;
Ce seraient paroles exquises
Si c'était un grand qui parlât.
Ainsi parce que cet honnête homme
n'était qu'un pauvre diable d'employé à
douze cents francs, il fallait ne tenir au-
cun compte des faits qu'il apportait.
Un homme qui n'émarge pas de gros
appointements, qui n'est rien, à qui l'on
rend à peine son salut, en aurait donc
su plus long, il aurait vu plus clair qu'un
administrateur en chef! C'eût été le ren-
versement de toute hiérarchie.
Et J'on mit à la porte l'employé su-
balterne qui avait assez peu le respect
de ses chefs pour s'ingérer d'être plus
qu'eux au courant de la chose.
Et dire que c'est partout de même !
Le proverbe est bien vrai : Aux pau-'
vres la besace !
FRANCISQUE SARCEY.
; » ————————
*
L'AUDIENCE ;
- -.f
On se Croirait à l'Assemblée, tant il y a
de députés; nos honorables remplissant
tous les fauteuils placés devant la tribune
de la presse et débordent jusque derrière
le conseil, qui est littéralement bloqué à
gauche. Quelques-uns. même veulent em-
piéter sur nos bancs ; plusieurs alterca-
tions s'élèvent, et sans la gendarmerie, qui
met des gants pour négocier avec un de
nos souverains, nous étions dépossédés. La
nuit du 19 novembre a fait des loisirs à
ces messieurs, on le voit bien : Changar-
nier hœc otia feeit.
La journée a été chaude du reste à
Tri an on.
Pour commencer,
TOUJOURS RÉGNIER.
Régnier revient, deux heures, -durant sur
le tapis. Oa cherche par tous les moyens
possibles à savoir .ce qu'il était ; on veut
forcer le secret, impénétrable jusqu'à pré-
sent, qui nous cache le véritable caractère
de ce personnage' mystérieux ; il- y a évi-
demment un coup décisif qui se prépare à
son endroit, nous le sentons dès le aébut.
Qui donc va lever le voile ?
Le général Boyer, dont on connaît la
mission, est fort peu catégorique; c'est à
grand peine qu'on obtient de lui les plus
minces renseignements ; on a à toute mi-
nute desenvies furieuses de le pousser pour
qu'il parle : vains efforts 1 le général fne -se
rappelle riea ou presque rien. Quel dom-
mage que la mémoire soit une faculté irres
ponsable 1 Certes, le témoin a vu Regaier,
lors de son arrivée au quartier-général du
Ban-Saint-Martin; il l'a même entendu,
à son départ, prononcer cette parole signi-
ficative, qui indique bien dans quelle in-
timité il était avec nos vainqueurs :
« J'aime mieux aller manger du bon
bouillon de bœuf chez le prince Frédéric-
Charles que de rester ici! ja
Puis il l'a revu à Londres, à Bruxelles,
continuant toujours ses menées et ses in-
trigues et s'imaginant dans sa grossière et
sotte suffisance que lui, Régnier, tenait
dans sa main les destinées de deux empi-
res : toujours 1& mouche du coche, qu'il
soit question d'une pF atache ou du chal: e
PEtat 1
Mais voici un témoin qui va nous dire
la première impression produite à Has-
tings par l'arrivée de cet intrigant. -
Le commandant Lamfv, officie? d'or-
donnante du çrineo Impérial, était là ; il
l'a Y~ ent: cftez l'impératrice et il assure
que ce n'est qu'à force d'iinportuni'^s que
4
cet inconnu a enfin obtenu de M. Filon,
précepteur du prince, une photographia
d'Hastings avec un mot de sa main.Le té..
moin cherche à dégager autant qu'il peut
l'impératrice de toute responsabilité dans
cette affaire ; elle aurait répondu aux con-
seils indiscrets de Régnier que d'abord.
« elle n'avait aucune confiance en lui,
qu'elle ne le connaissait pas, qu'il ne s'a-
gissait pas pour l'heure de songer aux
questions dynastiques, que ce serait un
crime d'entraver la défense. »
L'étonnementfut bien plus grand ARas..
tings quand Bourbaki y arriva ; personne v
ne l'attendait, bien entendu ; tout était de
l'invention de Régnier, lequel revint plu-
sieurs fois à la charge et tâcha de faire
quand même prévaloir ses avis. Tantôt il
dit:
« Je sais mieux que le maréchal Ba-
zaine ce qui se passe dans Metz ; il peut
tenir jusqu'au 22, et jusqu'au 23 en ne
mangeant pas le dernier jour. »
Tantôt il répète « qu'il faut payer les
pots cassés, que les Prussiens demande-
ront un milliard et une portion du ter.
ritoire, » qu'il indique même sur une
carte. -
Dès lors le soupçon germe de lui-mê-
me dans l'esprit du commandant Lamey.
Régnier, pour lui, est un espion prussien.
Serait-ce enfin le mot de l'énigme Ï At.
tendons.
Un camarade de pension dudit Régnier, x •
M. Soulié; conservateur du Musée de Ver-
sailles, nous raconte plusieurs circonstan-
ces plus qu'étranges dans lesquelles il l'a
revu, entre autres à Versailles, pendant
l'occupation prussienne. M. Souliê nous
dépeint Régnier comme un homme ayant
des idées particulières à lui, b:zarre, com-
me une sorte de fou, jouissant d'une séré-
nité et d'un aplomb tels qu'il accomplit
les démarches les plus extraordinaires sans
avoir même conscience de ce qu'il fait. Il y a
plus, croyons-nous ; mais notons en pas-
sant un mot que Régnier a lancé au té..
moin en s'éloignant : ,
« Je cours à l'hôtel des Réservoirs; car,
d'un moment à l'autre, je puis recevoir da
M. de Bismarck l'ordre de partir. »
Voilà donc bel et bien notre homme au
service du chancelier de l'empire ; mais
attendons encore, la preuve va se faire de
plus en plus. (
On rencontre notre personnage partout.
A Celogne, il e&t vu par M. Pozzo di Bor-
gho, auprès duquel il se vante d'avoir fait
sortir de Metz les généraux Bourbaki et
Boyer. A Cassel, c'est le capitaine Yung
qui l'aperçoit en frac, se rendant àWilhem-
shohe, chez l'empereur captif, porteur
d'un volumineux dossier. Dans tous les
camps à la fois ? Dame ! pour négocier et
pour espionner à l'aise, il le fallait bien".
Une parenthèse s'ouvre ici, pour se fer-
mer bientôt du reste; on entend, quelques
témoins sur les communication qui ont
eu lieu pendant le bioous : un. passeur sur
la Moselle, un voiturier, un rentier qui
fait de M. Arnous-Rivière un portrait peu
flatteur et assure qu'il conférait souvent
avec Régnier, pendant son séjour chezllui;
mais nous ne retiendrons de tous ces me-
nus faits qu'un mot prononcé par un tail-
leur de Metz, M. Modéré, qui fut mandé
pour confectionner des vêtements bour-
geois à Bazaine et au général Boyer à-la. -
date du 26 septembre. Sur une observation
du témoin, le général répondit :
-r- « Si nous devons défiler devant les
Prussiens, je ne veux pas le faire en
tenue. »
- a En sommes-nous-Ià! » ne put s'em-
pêcher de soupirer le tailleur.
Le 26 septembre, vous entendez bien ?
on pense déjà à un défilé devant l'ennemi,
on prend toutes ses mesures- en consé-*
quence ; cette seule date confond l'imagi-
nation. „<
Nous sautons par-dessus les dires d'une
vieille dame et de sa cousine qui, à Stras-
bourg, ont entendu, de la bouche d'un offi-
cier allemand qu'elles logeaient, ce mot :
« Le 18 octobre, nous serons à Paris avec
Bazaine; car Bazaiae est un traîtrel » et
nous arrivons à M. le député BûmpaNt-
maire de Bar-le-Duc. L'honorable témoin
a vu Régnier à son retour de Metz.
Il l'a tout de suite dévisagé, a fait jus-
tice de ses impertinences et de ses airs d'a-
venturier et lui a énergiquement refusé
tout laissez-passer. C'était le 26 septem-
bre. Régnier lui disait : « Je ne suis pas
le premier veau, j'ai un laissez-passer de
M. de Bismarck.» Toujours Bismarck! La
valet parle sans cesse de son maitre, c'est
naturel.
Et quand on lui demande Fêtât de Metz
il répond que la ville « est à bout de res-
sources. »
Quant à Bazaine, savez-vous ce qu'en
disaient au maire de Bar-le-Dac les offi-
ciers prussiens ?
— « Bazaine, triste réputatioa en Fran-
ce ! J) et une autre fois, en réponse aux
dénégations patriotiques du maire : « Ba-
zaine aura des millions 1 »
Ici le maréchal ne peut se taire ; il en-
veloppe le témoin de son regard, allumé -
par la colère, et s'écrie :
- Ce sont là des calomnies r Je m'étonne
que M. le député les répète ici."
- On m'interroge, je réponds, reprend,
fermement le témoin.
M. le président lui-même se met da la
partie : « Personne ici n'a -à-'-a.pprëcier vos
paroles, » dit-il avec une sévérité qui lui -
est peu commune.
On sent que l'audience est grosse d'o-
rages; 1 attention redouble; la salle regorge
de curieux et l'on n'entend pas une mou-
che bruire, quand l'ordre est donné d'ap-
peler
- M. JULES FAVRE.
■*
! Il dépose avec calme et gravité; sa pa-
Voie, comme sa physionmie, a quelque
chose de' profondément triste : il y a dans
cette âme une douleur sans remède et sur
ce front des rides ineffaçables. -
A Ferrières, dans sa conférence avec M.
de Bismarck, M. Jules Favre a entendu
parler incidemment de Régnier et il a vu,
de ses yeux vu, une photographie d'Has-
tings avec quelques mots de l'impératrice;
c'était un passe-port pour l'émissaire.
•— Il Vous voyez bien, lui dit M. Jules
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