3.4naéej N° 736 a PaIX Du NaMàRu pirns 15 ,f4Í1fAIBI — 1}&>ARTKMKST» 20 (NrIBa.
Vendredi 21 Novembre 4873.
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JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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«Oxireu« au Secrétaire de la Rédaction
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,. V-
--';':Y-'"-' ? Par is, U 20 novembre 1875.
4 heures du mklin.
C'est chose faite. Trois cent soixante-
dix représentants du peuple, e sont ran-
ges h l'avis '.le M. de Mac-Maholl qui
é ,- -, , 1
déclarait d sus son message du 5 t.o-
vembre que l'heure n'étant pas venue
eoeore^da doneer à la France un gou-
vernement définitif, le plus f-rtge etaÍl du
conférer au président de la République,
sans réserves ni conditions, un pouvoir
i de seul ans.
Le'débat engagé lundi vient de ^e
terminer après douze heures de séance,
et nous ne pouvons nous défendre, à ce
propos, d'une réflexion : il est une cias»cv
de conservateurs qui semblent avoir la
spécialité des opérations nocturnes.
C'est dans la nuit du 1er au 2 décem-
bre 1851 que les « hommes d'ordre »
procédèrent au salut de la France; c'est
entr onze heures et minuit, le 24 mai
1873, que les honnêtes gens arrachèrent
le pouvoir des mains du sinistre vieillard
qui le détenait; cette fois encore, c'est
n\re minuit et une heure du matin que
378 bons - citoyens ont sauvé la société,
menacée par 310 de leurs collègues.
Car enfin, il n'y a pas à en douter,
puisque M. le duc de/Brdgîiè est vénù
l'affirmer à la tribune, la société française
allait périr, si, par une inspiration divine,
le général Changarnier ne s'était avisé du
moyen de salut et ne l'avait proposé à
la Chambre sous forme du projet de loi
de prorogation. Et comme il s'est trouvé
justement que M. le maréchal de Mac-
Mahon avait eu la même idée que le gé-
néral Changarnier, ce qui est constaté
par son message, on conçoit combien
l'accord a dû être facile !
Tout cela serait très-bien, et nous ne
songerions pas à troubler en rien le
bonheur du maréchal et la satisfaction
d'une partie de l'Assemblée, si l'on
ne s'était point mis l'esprit à la tor-
ture, depuis uue quinzaine jours,pour
démontrer deux choses ; la première,
c'est que le pays avait besoin d'être
sauvé, la seconde, c'est que la loi de
prorogation serait, en effet, une loi de
salut public.
Le seul mal dont souffre le pays, est
précisément celui que ses sauveurs d'hier
n'ont jamais voulu reconnaître, celui
qu'ils ont toujours nié, au contraire,
avec le plus d'énergie ; ce mal, c'est le
provisoire.
Comment se fait-il que, le 5 novem-
bre, en revenant de vacances, la majo-
rité ait vu tout à coup les écailles tom-
ber de ses yeux? Comment se fait-il
qu'elle ait montré un si grand etnpres-
sement à remédier au mal, après avoir
mis tant d'obstination à le nier?
La réponse est bien simple. Depuis
trois mois la majorité proclamait chaque
matin qu'elle allait enfin satisfaire au
vœu de la nation et lui donner un gou-
vernement définitif; mais, le moment
venu, il s'est trouvé qu'on n'avait plus
sous la main es définitif si laborieuse-
ment préparé; il fallait donc à tout prix
trouver quelque autre chose à mettre
sous la dent du pays. La loi de proroga-
tion fut imaginée. - <
Et maintenant, ô peuple, sois heu-
reux ! Les affaires vont reprendre, les
ateliers, les usines vont se rouvrir, tu
as devant toi un provisoire de sept ans ;
c'est presque du définitif !
Par malheur, la discussion est venue
tout gâter ; on a sondé les intentions,
on a pesé les résultats, et désormais la
démonstration est faite : non-seulement
ce n'est point du définitif que ce pouvoir
septennal a accordé à un homme, mais
c'est une aggravation du provisoire,
puisque, au moins dans l'intention de
ceux qui l'on votée, la loi de prorogation
renvoie à sept ans la création d'un gou-
vernement quelconque.
Et ce n'est pas tout encore; la discus-
sion a révélé que le provisoire même,
en dépit de la durée qu'on lui assigne,
n'aboutirait qu'à créer de nouvelles faci-
lités aux manœuvres et intrigues des
partis qui l'ont édifié. Ils avaient besoin
de temps, éclopés qu'ils sont depuis
leurs dernières mésaventures, ils vont
pouvoir à l'abri tutélaire du maréchal
de Mac-Mahon, panser leurs blessures,
attendre la convalescence, et la guérison
venue, reprendre la campagne.
Un autre avantage que trouvent ces
ces partis dans la loi de prorogation,
c'est de consolider, — ils le croient du
moins, — le pouvoir aux mains d'un
homme trop devoué aux idées conserva-
trices pour nuire en aucune façon aux
projets des conservateurs.
Au contraire il les aidera, dans la me-
sure de ses forces, en n'oubliant pas
que dans la nuit du 18 novembre 1873,
le parti républicain tout entier a refusé
de lui signer les pouvoirs qu'il deman-
dait.
Quant au bénéfice qui en pourra ré-
sulter pour la France, il est indiqué dans
les paroles qui terminent l'honnête et
beau discours de M. Jules Grévy : «'Pour
ma part, a-t-il dit, je proteste contre
une usurpation grosse de périls et de
calamités. »
Si pourtant on nous demandait de ré-
résumer notre impression sur le ré-
sultat final de cette triste journée, voici
ce que nous répondrions : La moitié de
la représentation nationale vient d'émet-
tre un vote de confiance et un vote .de
méfiance; la confiance est pour le maré-
chal de Mac-Mahon, la méfiance est pour
le pays.
Voih 'co qui fait que nous ;(Hnme')
encore moins affligés du -présent qu'in-
quiets de i'avenir.
E. SCIINEBB.
COURRIER PARLEHE'STilBE
Versailles, 49 novembre 4873.
Cette fois, o* tent que tout sera terminé
ce foir, c'est è^-dire demain matin. Il en
temps du reste ; de plus en plus les carac-
tères s'aigrissent et les colères vont grau
dissant Et puis les belles parlementaires
attendent : comme l'Anglais qui suivait,
tous les soin, les évolutions de Carter
avec ses lions, dans l'espérance de voir en-
fin dévorer le dompteur, ces dames sai-
vent assidûment les évolutions de l'As
semblée ; il faut qu'elles voient un parti
dévorer l'autre. Le festin est pour ce toy*.
Reste$savoir s'il sa fera longtemp s at-
tendre : il pe manque pas d'amendements
à se mettre sous la dent; mais la droite
essaiera sacs doute de gaver rapidement
tout le monde avec un morceau de réiiJ-
tance, la proposition Changarnier-Depeyre.
Attendons.
M. Geblet (de la gauche) a piésenté un
amendement qui retarde le vote jusqu'au
moment ou seront faites les dix élections
complémentaires. Après le discours i re
marquable de M. J. Simon, la lumière est
complète sur ce point, et M. Goblet renonce
à son amendement. — Il n'en reste plus
que dix neuf!
M. Rouher. M. Rouher lui même. Il
paraît que M. Prax-Paris n'était qu'une
avantrgarde; le gros de l'appel au peuple
donne aujoard hui. Le terrain a été re-
connu hier, il n'est pss mauvais, M.
Rouher peut s'y aventurer.
Sauf les applaudissements de la majo-
rité compacte de 1870, M. Rouher a pu se
croira encore prophétisant à la tribune du
Corps législatif ; on l'a écoute sans mal-
veillance, attentivement, parfois avec des
rumeurs approbatives ou désapprobatives
rapidement réprimées. Mais en somme
c était la vie, la salle rendait, comme on
dit vulgairement. Ce n'était plus le silence
étudié qui a paralysé BOM premier discours;
ce n'était plus le haro qui à étouffé sa se-
conde allocution.
Prenant les précautions oratoires les
plus minutieuses vis-à-vis des personnali-
tés présidentielle et miaistérielle?, il dé-
veloppe cette idée : La prorogation des pou-
voirs du maréchal n'est pas un remède
efficace à la situation du pays; il n'y a
qu'un remède, c'est le définitif demande
par le pays et à obtenir par l'appel au
peuple.
Mais, malgré tous ses efforts, il se heur-
te, à chaque mouvement un peu vif, con
tre des angles, de vieux angles.
«. La splendeur des Assemblées 1 »
dit-il.
— Au 2 décembre, qu'en avez-vous fait?
lance le légitimiste M. Dahirel, qui a été
alors incarcéré comme le dernier des ré-
publicains.
Et l'orateur, sans avoir l'air d'entendre,
se déclare prêt à voter un provisoire bien
provisoire ; mais non un provisoire qui a en
soi même un petit air définitif, un pro-
visoire restreint, limité à ce que l'Assem-
biée peut donner. Il montre trop la bout
de l'oreille; le rire est général. Mais M.
Rouher en a vu de plus rudes que cette
brise légère, il ae se démonte pas. Et il
va, marehandant les durées : Allons, un
an, voulez-vous ? Deux, voyons! Bah! met-
tons trois l
— Dix-huit et trois font viagt et un [
laisse échapper M. Depeyre au banc de la
commission.
Un rire décent, mais général, souligne
l'exclamation.
Quant à l'orateur, avec son vieil aplomb
d'autrefois, il assure que toute autre préoc-
cupation que le bonheur du pays est loin de
son esprit. M. Rouher nous semble un pen
gâter son affaire à force d'aplomb
L'hilarité de ses collègues est polie, mais
persistante.
En somme, ce discours d'une heure et
demie, prononcé par pure obéissance aux
principes et en vue de la propagande im-
périaliste, ce discours n'est guère capable de
faire grand effet dans le pays, mais il en a
produit un immédiat dans l'Assemblée. L'al-
locution est terminée sans trop d'encombre
grâce aux concessions politiques que la si-
tuation impose aux partis, la gauche ne
voulant pas blesser des alliés qui semblent
venir à elle, la droite craigaaat d'effarou -
cher Uij. appoint de combattants dont elle
a besoin pour le gain de la bataille.
Quant au résultat même produit dans
l'Assemblée, il est réel, quoique pouvant
s'évanouir pendant l'heure qui va suivre.
Une partie de l'appel au peuple refuse de
voter la durée de sept ans. Aussi la séanoe
se trouve-t elle suspendue — rien que pax
le fait des conciliabules particuliers —
pondant vingt minutes. L'émotion se coin
prend fncilemcat. Le parti républicain
luttait tout en se croyaitt perdu ; une
chance de victoire vient de chatoyer à ses
yeux. Elle est minime à notre avis, et no-
tre sentiment intime trouve malheureuse
ment une consécration dans la tranquillité
do la droite. De ce côté, on sait se comp-
ter d'avance — et se compter exaetf-ment.
Donc, pour nous, le résultatiinal vaciilo
entre 10 et 30 voix de majorité en faveur
dl) la proposition Changarnior-Dapayre.
En présence de l'amour effréné de pro-
visoire qui se développe dans la majoriiê
parlementaire et du besoin absolu de dé
finitif qui ne fait que croître dans la ma-
jorité du pays, quelques députés républi-
cains, voyant qu'il n'est pas possible
d'obtenir la dissolution, ont soo,<é à 3q
rallier au système de l'appel au peup'e, —
non par amou»-, par raison. -
M. Naquet Itdu nombre dé ces déju-
tés républicains, et c'est en sou IJUm pr-
sOfJud, sans engager aucun de ses collè-
gues de la gauche, qu'il vient sout; nir ton
la théorie, ruais la si'.ution de l'appel au
peuple.
C'est M. Laboalaye, le rapporteur, qui
¡"PO' d aux deux pr^eélents orateur:-. L,
pW'b.icataire Lab-juiaye pariant couvre Lai"
pel au Oî Vplf, voiià qui p*ut ê'.re
on devine cette pensée dans l'aUiludy at-
tentive do cbacuu.
Mais M. Laboulayvî, t'spdi. fil H subtil,
envisa g e d hm coup l è j uaiion, et d'au m
phrasu bien touri.éy il fait coup doubla :
a Jo" m'exposerais encore une foi", dit
)1, à Ci que notre aimable côHègue, M.
Ruagnofl, ma jetât encore h la tête mon
pricrisr. » Tous les rieur!; sont pour M. le
ru p pGi U;!:i\
Lys rieurs, c'est peu de chus?. Eu tau.
réponse claird, nette, simple, M. Laboulayv
met aussi de sou côté les esprits 8jré :
« Je recoure l'appei an peuple, dit-il, par-
ce que l'appel au peuple est forcé-
ment suivi d'élections générales ; mais les
élections générales, n'est-ce pas la dissolu-'
tiou ? »
« Donc, l'appel au peuple u'est qu'une dis-
solution avec un double vote. Autant n'im
poser au pays qu'un vote simple, c'est-à-
dire mieux vaut la dissolution. » La droite
avait été enchantée du commencement du
raisonnement; mais la côté gauche a ap-
plaudi ferme la flu.
La séance est d'ailleurs f »rt tranquille ;
on discute sans disputer
— Clôture! clôtura! crie ia droite.
- Pariez ! partez! riposts la gauche.
Et davinez quel est le dépnté qui suscite
ces cris? M. Raoul Du val!. M. Raoul
Duval renvoyé par la droite et demandé
par la gauche, Raoul Duvâl, Tex-piiifr
dts institutions conservatrices !
C'est que sa présence à la tribune est
uae sorte d'événement; M. Raoul Duval,
qui s'était cloîtré dans le silence, va sortir
de son mystérieux cocon. Ah! M. Raoul
Duval peut comprendre enfin ce que sont
ses amis politiques quand. on les a pour
adveriaircs ! Il est étourdi de clamaurs.
- Je constate, s'écrie- t-il vivement, qu'il
est impossible de venir discuter librement
dans cette Assemblée.
Et il descend de la tribune, escorté des
applaudisaemants de la gauche. Le début
est bon; il promet La suite n'a pas ab-
solument tenu — car M. Raoul DUVJI a
parlé, la droite ayant senti enfin qu'elle
ne pouvait pas frapper d'ostracisme un ami
avant de connaître son crime.
Le plus grand crime de M. Raoul Duval,
selon nous, est de n'avoir pas été lui-
même. S* posant, dès le début, MU* le
piédestal de ses antiques vertus conserva-
trices, l'orateur se rallie au système de
l'appel au peuple, parca que l'expédient
des sept ans, laissant tout en suspens, ne
donna pas la stabilité demandée, parce que
le pays demande le définitif, parce qu'en-
fin la majorité actuelle est trop minime
pour pouvoir fonder quoi que c.! r-oit de
stable.
Peut-on dire que M. Raoul Duval ait
pris PO¡,;jtivll? Non. Il &'est fait interrom-
pre par le cô é droit et applaudir quelque-
fois par le côté gauche ; tel est le résultat
certain qu'on a pu constater. Mais il ne
s'est pas absolument nuancé.
Comme les gens qui ont passé un habit
neuf, et qui ne se sentent pas encere dedans,
M. Raoul Duval n'osait encore se remuer
dans sa nouvelle manière, gêné, embar-
rassé, et retrouvant même, sans le vou-
loir, de vieilles locutions dont il n'a pas
eu encore le temps de se défaire.
Exemple ; « Qu'en soit, messieurs, républv
eain ou conservateur. » Cette antithèse
appartient évidemment à la première ma-
nière de M. Raoul Duval.
La clôtura delà discussion sur cetamen-
demet est votée : au scrutin,*88 voix sou-
tiennent l'appel au peuple et 499 le re-
poussent. - B. de deux Il n'en reste
plus que dix-huit !
Une fournée d'amendement sont reti-
rés. Nous avançons, nous avançons.
Nous voilà en pleiue bataille. M. Depeyre
est à la tribune.
M. Dspayre, c'est le projet Dtpoyre, et
aussi le projet Changarnier, et encore le
projet gouvernemental ; M. Depeyre, c'est
le coq de combat de la droite; M. Depeyre,
c'est le héraut d'armes du maréchal ; M.
Depeyre, c'ast le représentant de la mi-
norité de la commission; M. Depeyre,
c'est tout - et plus encore.
M. Depeyre — que ses amis l'avouent
— nous a fait un discours mortellement
ennuyeux. Il a du talent, M. Depeyre,
beaucoup de talent mêt-se; mais si habile
que soit le cuisinier à faire un civet, en-
core ne faut-il pas qu'il n'ait qu'un lapia
à mettre dans la casserole. Or, M. De-
peyre n'a qu'un lapin, - un crâne lapin,
si l'on veut, — mais enfin il s'agit de
confectionner un Civêt, c'est clair.
Et M. Depeyre, placé dans une situation
difficile, pris entre les légitimistes et les
orléanistes, ne fait pas preuve de son ta-
lent ordinaire. Ses raisonnements sont
précieux, enchevêtré-, obscurs; qnand il a
besoin d'allonger la riposte, comme il fit
sent pas le terrain solide fous ses pas,
il hésite et ne trouve qu-j des parades trop
larges, des mouliuats qui ne soulèvent
que le rira et quelquefois le'l justes sus-
ceptibilités d'une partie de l'Assemblée.
Ainsi il dit : a La commission est allée
solliciter le maréchal dans son palais de la
présidence. »
Solliciter ! Pour des gêna qai faisaient
fi fière mine devant M. Thiers, voilà bien
de l'humilité.
Et encore : « Un revers qui pour tous
ceux qui en ont entendu le récit vaut
mieux pour la France que les plus écla-
tantes victoires. » Un hurrah immense de
la gauche souligne ces maladroites paro-
les ; la droite n'me y répondre.
On dit le maréchal modeste à l'excès ;
comme il' doit souffrir !
Néanmoins ces paroles ont produit Ullf;
grande émotion ; M. Vanoy, député 4e
Meurthe et-Moselle, proteste véhémente-
ment contre eUeq; les Lorrains le pous-
Fent à la tribuDP, mais M. Bsaffet la lui
interdit pour le moment.
Terminons avec M. Depeyre : il a at-
taqué M. Jules Grévy, il a atttaqué
surtout M. Juleg Simon, dont le dis-
cours i- a pas encore été réfuté — et pour
cause — mais il n'a rien prouve. que
son envie bien naturelle de voir clore la
discussion.
Il est tard, il fait chaud, - nou, boail-
lant ; voilà cinq heures qu'on ti«i/t -éance,
}' Il
: ; JL'iri iiaNhi -î ,> -i.i ail - v n e.»
;a meilleure preuve. A qaelly heure tout
cela finira-t-ii?
M. Varroy proteste, au nom de la Lor
rauie, contre les pajoies de M. D^peyr» ;
mais on n'entend rien, giâ ;eaux cris d
'a droite.
E: M. Liiboulaye donne. It relève je l r
rcurscommises par M 'Depeyre et fait ras-
sorfir par ton admiiable clarté l'obscurit. J
de son contradicteur. Lui, il ue procèh
que par djlemmp, et chacun de ces di-
lemmes est un jet de itiqlière.
--- Eh ! messieurs faites do:,c austi une
nation provisoire!
La noatale est couverte ; ar ies applau
dissemerils de tout le côté gauche.
M. Erneul a refusé d'appeler le gouver-
nement uouveau « République française. 11
Les uns ont propesé Prircipat, les * autre-
Protectorat. Et M. Laboulayo cherche.
Nous, nous avons trouvé : cVst un PROBO
GEORAT. »
M. de Broglie se lève. La droite ne veut
pas qu'il parle. — Nous comprenons c^
sentiment. — M. de Broglie marche à la
tribune. Est-ce le chant du cygne, le der'.
nier couplet du portefeuille?. M. le duc
demande une séance de Imit.
A lieUr heures! —On se dévorera par-
lementairement.
SÉANCE DE MIT
.i\.neuf heures cinq, aimable, pimpant,
souriant, rutilaNt, M. le duc de Broglie
est à la tribune, attendant que la rentrée
un peu bruyaate de SS collègues soit ef-
fectuée. Nem d'urne rorogatlon r tout le
monde est animé ; cest à qui ne se tni
ra pas. Ahl ces séances de nuit, quelle
triste chose!
QtiaBt-à ce qui ut de notre besogne,
nous prévenons le lecteur bieiiveiiia ut
nous l'espérons tel du moins, — que nous
ne notons que les cris saisis au vol.
Neuf heures vingt. — M. je ciuG e jen
mence. Il dédaigne les attaques qui lui
sont personnelles, — Malin, va!— et be
s'occupe que du bonheur de ia Fraixe. Ja-
mais M. de Broglie n'a paru s-i content de
lui même; ou voit qu'il Fait admirablement
son discours. Nous saississons mal la po-
tée des phrases savamment (':embinée;¡ dâ
M. le duc ; mais nous remarquons dis
tinctement que .M. Target s'est institue
chef de claque.
Du reste, M. de Broglie esquiva tcules
les difficultés de la discussion en uilant
tout droit à ce qu'on appelle en style par-
lementaire, « la question de confiance ou
de défiance. »
C'est pour arriver à l'article 3 qu'il re-
présente comme un témoignage de mé-
fiance. M. de Broglie marche en avam,
abrité par la personne du maréchal, tou-
jours, toujours. Les exclamations partout
à gauche, entre autres celle ci : « C'est le
langage d'un courtisan ! »
Nous voih en pleine séance de nuit,
avec les furies, les échauffements, les co-
lères. M. Buffet, dès le dé but, n'est plus
gaère maître de la situation. Heureusement
c'est fini sans qu'on s'en doute.
Cela tourne tellement on queue de pois-
son que la gauche applaudit au moins
aussi fert que la droite.
Mais enfin qui répondra réellement aux
arguments du parti républicain ?
M. Grévy! Nous demandions une ré-
ponse, nous avons une nouvelle attaque,
nous devons dire qu'ou fait silence.
C'est la riposte à M. Depeyre qui l'a pris à
partie. Nous entrons enfin dans la discus
sion large et élevée : l'orateur examine la
souveraineté de l'Assemblée. La phrase
est toujours belle, grande, mais la thèse
est un peu subtile - pour une Assemblée
oui digéré.
A Où il est vraiment clair, c'est lorsqu'il
démontre à la droite que, quoi quelle
dise, elle a Tarrière-pepsée de ne pa')
pousser jusqu'au bout les lois constitution-
nelles..
— Vous êtes arrivés au bout de votre
droit. Vous pouvez bien vous arroger en-
core ce droit, mais on ne vous le reGonnat.
tra pas.
Ça chauffe; la droite hurle, la gauche
applaudit avec frénésie. Toutefois M. Gré-
vy s'élève à de telles hauteurs, embrasse
des points de vue politique si larges, que
la c'roite, refusant dç comprendre, ne
trouva que des rumeurs pour réponse?.
Et, au milieu de ces grandes visées, des
boutades terribles : a Vous ne tenez donc
aucun compte de la légalité ? »
Quand M. Grévy rentre dans la disells-
sion terre-à-terre sur l'état et les vœux de
la Frasce, il est magnifique de bon sens
et de vérité, — et aussi de la finesse na
turelle, pleine de bonhomie, du Jurassien.
La droite est manifestement agacée :
« Vous avez essayé de faire la monar-
chie, vous avez échoué ; faites place à
d'autres. Vous ne pouvez rester ici indé-
finiment pour attendre les - occasions! »
Dans ses theones admirables, M. (irévy
n'avance pas sans froisser csux-ci ou
ceux-là. a Je demande la parole « crie-
t-on ici. « Je demandé la parole-, » (rie-
t-on-là. Il est dix heures et demie passée.
Nous sommes là pour jusqu'à la Trinité.
c Quant à moi, je proteste par mon
vota et par ma parole contre : une institu-
tion qui est une usurpation grosse de dan-
gers et de calamités. »
Ovation 4 M. Grévy da côté gauche.
— Clôture ! clôture ! crie la droite. Il
est de fait que la discussion n'est pas fa
même ¡!.ur elle; pas uu de si-s orateurs
n'a montré le quart du talent des orateurs
du parti républicain. C eat qu; le talent
est presque facile quand on a la vérité
-pot r soi !
C'est une procession de ia gaucha- vers
le hanc de M. Grévy. Diboui, la droits
regarde. A la tribune, M. P/ax Pari s ré-
clame ton tour de laro:e auprès du pi éai-
,dent et M. de t, 1 j-our obte-
nir uu tour de faveur. C t: t vivant, mo i
vemei-tô, plein de fièvie, mais de
délire; jn&iju'ici b ^auce. a nsituï marché
que nous ne l'espérions; il est \rai qu'H
n'et pas encore onze heures.
M. Prax Paris, qui a vu son apptl au
peuply hou cuîo par M. Gr-vy. veut parler.
i.m;;.o?siblrais, un soir de grande chaUm-, La clôt'l¡re-
de la discussion sur Dîpeyre
et votée.
Le parti républicain est battu, c'est cer-
tain; mais, défaite pour défaite, mieux vaut
tourner bravement sans avoir fait de con-
cessions sur lf s principe.
Après les discours de MM. Simon ft
Grévy, le vaincu nf peut cr.iûidre le vain-
queur; comme Autée touchant le H:', il
retrouvera des forces nouvelles au c niact.
du pays. M. de Broglie n'est, pas de taii'û
à le soulever et à l'étouffer à bout de bras.
Il est onze heure? uu quart, les Hcrétat-
res sont en train de dépouiller le scrutin.
Presque tous les députés ont évacué la
salle; le président lui-mêmR a quitté son
fauteuil ; ou a beoiu de respirer.
Scrutin
Pour 383
Contre 317
! Soixante-six voix de majorité.
Mais l'article 1er n'est pas le plus dur à
enlever ; c'ert celui qui accorde les sept
ans au maréchal, et plusieurs membre? du
centre gauche ont'dû le voter pour bien
prouver qu'ils n'étaient pas hostiîes au
maréchal.
C'est ce que M. Waddiogton est chargé
de déelarer à l'Assemblée. Il est un de
c*s votants dont noua venons d3 parler. Il
offre 500 à 600 voix à l'Assemblée si elle
veut accepter l'article 3 d-e la
c'est-à dire l'adjonction des lois constitu-
tionnelles ; sinon, certains voteront cer-
tainement contre l'ensemble de la loi.
Scrutin sur l'article additionnel.
Les membres du centre gauche vout te
retourner; mais les bonapartistes, qui ont
tout à l'heure voté peut-être avec la gau-
che, vont maintenant, à coup Hlr, voter
avec Ic. droite, contre la perspective des
projets constitutionnels. Encore un dépla-
cement de voix ; ce n'est pas hrtlërnior.
Minait un quart. — On dépouille tou-
jours. Tous lcs sptetateuré ont ttrnu bon;
co n'est plus une Assemblée, c'est un éta-
blissement de bains russes.
Scrutin :
Pour 321
Contre 38G
Soixante cinq voix de majorité, mais
sept votant. de plus, c'est-à-dire sept ab-
stentions de moins. L'opposition n'a
gagné que quatre voix ; Dois avouons ne
plus comprendre la po. tée de la déclara-
tion Waddbton.
Article 2. - M. Depeyre veut la nomi-
nation de Ja commission au scrutin de
liste, pour que la droite soit compléte-
ment maîtic?se du terrain.
Le débat recommence. Il est une heure.
Nous avons Lât le tour da cadran !. Les
scrutins menacent toujours.
Pour 370
Contre 330
La majorité est retombée à 40 voix.
Scrutin sur 1 ensemble. Enfin ! Une
heure un quart ; nous arrivons à un état
voisin de l'ai rutissement.
Pour 378.
Contre 310.
Soixante huit voix de majorité et dix-
neuf abstentions.
La France est sauvée — malgré elle.
PAUL LAFARGUE.
En présence de l'importance du fait., le
lecteur nous pardonnera la pauvreté de ces
notes qui, faites à la minute, permettent
au moins d'entrevoir les péripéties par
lesquelles nous sommes passés.
P. L.
.--.-- ♦ ———
Assemblée Nationale
Séance dû merqjredi 49 novembre 4875.
PRÉSIDENTS DE M. BUFFET
Le procès-verbal de la dernière séance est hi
par M. Desjardins, l'un des secrétaires.
ru. de Loraeril. — M. Jules Simon, ré-
pondant à unQ interpellation de ma part, a dit
hier qu'il dédaignait les insultes et les insul-
teurs.
Il n'y avait dans mes paroles aucune insulte.
Ma conduite et mes antécédents me mettent au-
dessus du dédain de M. Jules Simon et de quel-
que membre d., l'Internationale que ce soit.
(Très-bien ! très-bien ! à droite. — Bruit à gau-
che.)
Le proeès-vêfbal est adopté
MM. les miisreB des finances et de l'inté-
rieur déposent un projet de loi portant ouver-
ture de crédits supplémentaires.
Prorogation des pouvoirs.
Hi. le président. — L'Assemblée a pro-
noncé hier la elôture do la discussion générale;
je dois la consulter maintenait pour savoir si
¡.ode entend passer à la discussion des articles du
projet.
L'Assemblée décide qu'elle passe à la discus-
tion des articles.
H. Cioblet. — L'A-^einbléa est impatiente
de mener à fin cptte délibération. Nous savons
aujourd'hui, par les élections de dimanche, ce
que pense l'opinion publique de la proposition
en discussion. Il
La lumière est complète; chacun connaît sa
responsabilité; je renonce à mon amendement
qui demandait l'ajournement jusqu'à ce qu'il eût
été procédé aux élections dans les départements
où il y a des sièges vacants.
19. le président — La i.arcle est à M.
Rouher sur l'amendement de M. Eschaséeriaux,
qui demande l'appel au peuple.
M. Bouber.- Voua avez hi désir d'accé-
lérer et lté discussion et je crois obéir à votre
volonté eu entrant immédiatement dans le dé-
bat. Deux questions sont posées devant vous :
l'une pur le projet do la commission et par la
proposition du général Changarnier : c'est la
prorogation; l'autre qui consiste à savoir si vous
lec^urrez à la volonté nationale avant de prn-
tire un parti sur le Gouvernement définitif de
ce pays.
Pour discuter l'amen leui&nt j'ai besoin d'exa-
miner ce qu'e"t la prorogation. E-Velie un re-
mède efficace? Je suis en proie à des doutes,
à des flerplexité. Je ne suis l'ennemi ni du ma-
réchal, ni du cabinet, ni de la majorité; mais ja
dois exatii'her l'efficacité de la p: opoition.
Le m iré ;bal, je le connais dtlpui VjDt ars,tt
n'ai pour lui que de la sympathie et de la vé-
nération. Le cabinet, je compatis à la lourdeur
de sa tâohe, Quant i la majorité, des préoccu-
pations communes nous agitent. Si nous n'avons
pas les mêmes affections, nous avons presque
toujours les mêmes principes.
Nous sommes les satellites dévoués de l'or-
dre ; oui, de l'ordre ; car dans ce pays, la liberté
88 défend toute seule ; tandis qu'au milieu de
nos c ises révolutionnaires, c'est le grand prin-
cipe d'autorité qui est l'éternelle victime. C'est
dono à lui qu'il faut rendre foree et prestige.
(Très-bien!)
Quant à moi, je croirai toujours défendre la
liberté en défendant l'ordre.
Eh bien, on vous propose la prorogation sep-
tennale. Ma première inspiration est celle-ci :
Vous avez réservé votre pouvoir constituant en
faisant la eonstitution Rivet ; vous l'avez réservé
en faisant la loi des Trente.
8fua-t il épuisé ou réservé de nouveau par
la prorogation ? Il sera épuisé? Ah ! ne mb le
dites pas. Hier, un cri du cœur et de lourds
murmures nous ont avertis du contraire. Non,
vous ne renoncerez pas à votre pouvoir consti-
tuant !
Je ne vous en blâme pas. Les affections que
vous éprouvez, je les comprends, je les épronve
pour une autre dynastie, pour d'autres princi-
pes, pour d'autres douleurs. -.
Mais alors que devient le pouvoir septennal?
que devient son irrévocabilité ? que deviennent
toutes ces considérations de calme retrouvé et
de sécurité reconqnise?
Ou vous cessez d'être constituants, ou le pro-
jet n'a aucune portée. (Mouvement.) Si vous ne
renoncez pas à votre pouvoir coiqrtituant, -'%
pouvoir septennal n'est qu'un mot ! Et alors, ne
voyez-vous pas le danger de présenter à ce pays
un mirage, de lui conter une illusion ?
Et si vous réservez ce pouvoir, ne créez-vous
pas par cela même un nouvel élément d'agita-
lion ? Plus vous conservez d'espérances, plus le
pouvoir sep U mal ne sera qu'une halte, et l'in-
quiétude se prolongera dans le pays, dominant
les intérêts, les affaires et les esprits.
Allons plus loin, vous avez la prétention de
constituer, d'épuiser votre droit constituant l
Mais le message lui-même ne nous parle que
d'un provisoire plus ou moins prolongé avec
certaines garanties. I
Un provisoire, que devient alors l'irrévocabi-
lité, la permanence, la sécurité ?
Ce provisoire durera juste le temps nécessaire
pour faire disparaître les obstacles qui s'oppo-
sent à l'établissement d'un gouvernement défi-
nitif.
Quand le définitif sera prêt, on dira au provi-
soire : Tu n'es qu'un modus vivtndi, un expé-
dient, c'est nous qui sommes le vrai pouvoir
définitif.
On se heurte donc à la nature, à l'essence
des choses. Le jour où le gouvernement définitif
sçra préparé, le pouvoir septennal disparaîtra
eomme une ombre.
Au point de vue du droit public, d'ailleurs,
peut-on 80uteinr cette thèse que l'on fait un ar-
ticle constitutionnel? Nen. Oa fait un acte qui
confère un pouvoir de sejJt ans à une haute in-
dividualité. On fait un acte législatif, je l'admets
à cette condition.
Je ne redoute pas une dictature. Le maréchal
reste sous votre autorité, sous votre contrôle ;
vous pouvez diriger ses actes par vetre influence
sur le cabinet. Je ne crains pas que le maréchal
gouverne trop ; ce que je crains, c'est qu'il ne
geuverne pas assez.
Donc point de dictature. Mais je désire un
pouvoir fort et durablè: Et à ces mots de singu-
liers souvenirs assiègent mon esprit. Dan ce
pays de démocratie puissante, quand le pouvoir
est fort, de tous côtés on l'attaque, on lecombat,
on le renverse. Et quand le désastre est fait,
quand la nation s'agite sans boussole au milieu
des ruines, on dit alors qu'il faudrait un gou-
vernement fort et durable. (Bruits divers).
L'obtiendrez-vous par le pouvoir septennal ?
C'est un acte et non une institution politique
qui sortira de votre vote. Cet acte ne suffit pas
pour fonder le pouvoir fort et durable que nous
voulens instituer: <
Dira-t-on que la proposition est l'article lw
d'une constitution à naître? Sans doute, en s'est
engagé à faire des lois constitutionnelles, et vous
allez nommer une commission qui les prépare-
ra. Je crois que vous les discuterez; mais au
moment du vote, la majorité reculera, car ce
qu'elle fonderait alors, ce serait la République,
la République constituée et organisée.
Est-ce là l'intention de la majorité? (Mouve-
ment.) Oui, en faisant un peavoir exécutif à
courte durée, c'est la République que vous fe-
rez ; ce sont les monarchistes qui auront fondé
la République. (Mouvements divers.)
Je ne cherche point les origines de cette pro-
position. Bst-elle une revanche ou une consola-
tion?
Je ne me demande point fci le pouvoir qu'elle
institue a été offert sous d'autres noms à d'autres
personnes. (Bruit.) Je demande seulement
qu'on m'assure un provisoire sans ombrage, sans
contestation, sans arrière-pensée. i
Dans ce cas, je l'accepte. Mais si le provisoire
doit me mener graduellement à * la République
ou à l'équivoque, je m'y refuse; je ne crois pas
bon do dire au pays qu'on lui donne sept ans
de sécurité en l'expbeant à se réveiller un jour
au milieu des agitations.
Dans nos conversations particulières, quand
je disais : « Comment voulez-vous faire un pro-
visoire de sept ans? » on m'a répondu : « Vous
y croyez donc ? (On rit.) Cela durera ce que ça
pourra ! » Eh bien ! c'est une responsabilité
dangereuse à prendre devant le pays que de lui
promettre la stabilité, ne pouvant lui donngf qgg'
le provisoire et l'agitation.
Nous ne pouvons assurer au maréchal que n
temps de notre durée à nous-mêmes; les mon
ne font pas la loi aux vivants. Ce pouvoir dispa-
raitra devant une autre Acsemb fée. (Mouvement')
Ainsi vous vous placez entre l'impuissance
d'un côté, la République de l'autre.
Croyez-volts que je repousse en principe la
prorogation? Non, et si vous ne voulez qu'une
prorogation restreinte, limitée par notre durée
(Bruit), si vous voulez employer un an, deux
ans à restaurer l'autorité dans ce pays, nous
sommes avec vous. (Bruit.) Pourquoi? Pour
arriver à consulter le-pays par des élections gé-
nérales ou par l'appel au peuple.
Oui, si, pour sauver la France des entraîne-
ments, vous voulez faire, pour deux ou trois
ans, non pas un gouvernement de combat, mais
un gouvernement résdtu. (Rires à droite.)
11. Depeyre.—Dix huit et trois font vingt-
et-un ! (Rires à droite.)
Si E&ouJhîen'. — Si j'apportais ici d'autres
pansée? quel celle d'un dévouement absolu au
pays, si j'avais une arrière pensée de dyaastie
ei d'espérances lointaines, je descendrais de
cette tribune. (Bruit rrolongé.)
Je le répète : s'il est vrai que vos proposi-
tions aboutissent à l'impuissance et à l'insta-
bilité, il faut 58 demander quel est le désir du
pays. Ce que veut le pays, c'est le définitif;
c'est la cessation des agitations, le calme, la
sécurité, l'avenir. (Trè3-blen! très-bien ! à gau-
che ) Pouvez-vous les lui donner? (Très-bien!
trè?-bien ! à gauche.)
Voix à droite. — Et vous ? (Bruit.)
M. Reahcr. — Pouvez-vous, pouvons-nous
les lui donner? Oui. Et par quel moyen? Par
l'appel au peuple. Là est le droit, là est la vé- N
ritp, là est l'ordre. M. le ministre de la justice a
dit que c'était un instrument dt; (décadence. Il
oubliait qu'il avait auprès de lui un plébiscitaire
qui n'est pas, certes, le membre le moins émi-
nent du caoinct. (Très-bien! très-bien !)
Oui, l'appel au peuple, c'est le droit. Ce n'est
Vendredi 21 Novembre 4873.
-
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JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
: ION
«Oxireu« au Secrétaire de la Rédaction
4ë.< 2! heures à aurait
1. rele Drouot, 2
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; , seront Pm rend".
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A*fc*NEMENTS
r PARIS - 1.
Trois - '* 13 fr.
Six mois .25
Un ÈW..c i.' 50
BÈPARTKMENT81
Trois mois i iî.
âït IfiOiS , S
Un an «.. 82
AMMMMee chez MM. LAGRANGE, (SRI et S"
8, place d* hx BOHW, 8
On s'abonne À I^OU^U TI-SOBUZ M. A. MAUKIUI. FIW.IÉI A:
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PARIS
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Six mois. 25
Un M. 50
fiâPARTXMatfivt
Trois moia. 16 fr.
Six moia.u 12
Un an .». £ i.,4. Il -
ADDODee., chez MM. LAGRANGE, GBRF et CI
6, place de la Borne, 4
Ou s'abonne à Londres, chez M. A. MACRIGS côaéral
advertjsiDg, agent, 13, Tavistockrow, CovintGardlD.
,. V-
--';':Y-'"-' ? Par is, U 20 novembre 1875.
4 heures du mklin.
C'est chose faite. Trois cent soixante-
dix représentants du peuple, e sont ran-
ges h l'avis '.le M. de Mac-Maholl qui
é ,- -, , 1
déclarait d sus son message du 5 t.o-
vembre que l'heure n'étant pas venue
eoeore^da doneer à la France un gou-
vernement définitif, le plus f-rtge etaÍl du
conférer au président de la République,
sans réserves ni conditions, un pouvoir
i de seul ans.
Le'débat engagé lundi vient de ^e
terminer après douze heures de séance,
et nous ne pouvons nous défendre, à ce
propos, d'une réflexion : il est une cias»cv
de conservateurs qui semblent avoir la
spécialité des opérations nocturnes.
C'est dans la nuit du 1er au 2 décem-
bre 1851 que les « hommes d'ordre »
procédèrent au salut de la France; c'est
entr onze heures et minuit, le 24 mai
1873, que les honnêtes gens arrachèrent
le pouvoir des mains du sinistre vieillard
qui le détenait; cette fois encore, c'est
n\re minuit et une heure du matin que
378 bons - citoyens ont sauvé la société,
menacée par 310 de leurs collègues.
Car enfin, il n'y a pas à en douter,
puisque M. le duc de/Brdgîiè est vénù
l'affirmer à la tribune, la société française
allait périr, si, par une inspiration divine,
le général Changarnier ne s'était avisé du
moyen de salut et ne l'avait proposé à
la Chambre sous forme du projet de loi
de prorogation. Et comme il s'est trouvé
justement que M. le maréchal de Mac-
Mahon avait eu la même idée que le gé-
néral Changarnier, ce qui est constaté
par son message, on conçoit combien
l'accord a dû être facile !
Tout cela serait très-bien, et nous ne
songerions pas à troubler en rien le
bonheur du maréchal et la satisfaction
d'une partie de l'Assemblée, si l'on
ne s'était point mis l'esprit à la tor-
ture, depuis uue quinzaine jours,pour
démontrer deux choses ; la première,
c'est que le pays avait besoin d'être
sauvé, la seconde, c'est que la loi de
prorogation serait, en effet, une loi de
salut public.
Le seul mal dont souffre le pays, est
précisément celui que ses sauveurs d'hier
n'ont jamais voulu reconnaître, celui
qu'ils ont toujours nié, au contraire,
avec le plus d'énergie ; ce mal, c'est le
provisoire.
Comment se fait-il que, le 5 novem-
bre, en revenant de vacances, la majo-
rité ait vu tout à coup les écailles tom-
ber de ses yeux? Comment se fait-il
qu'elle ait montré un si grand etnpres-
sement à remédier au mal, après avoir
mis tant d'obstination à le nier?
La réponse est bien simple. Depuis
trois mois la majorité proclamait chaque
matin qu'elle allait enfin satisfaire au
vœu de la nation et lui donner un gou-
vernement définitif; mais, le moment
venu, il s'est trouvé qu'on n'avait plus
sous la main es définitif si laborieuse-
ment préparé; il fallait donc à tout prix
trouver quelque autre chose à mettre
sous la dent du pays. La loi de proroga-
tion fut imaginée. - <
Et maintenant, ô peuple, sois heu-
reux ! Les affaires vont reprendre, les
ateliers, les usines vont se rouvrir, tu
as devant toi un provisoire de sept ans ;
c'est presque du définitif !
Par malheur, la discussion est venue
tout gâter ; on a sondé les intentions,
on a pesé les résultats, et désormais la
démonstration est faite : non-seulement
ce n'est point du définitif que ce pouvoir
septennal a accordé à un homme, mais
c'est une aggravation du provisoire,
puisque, au moins dans l'intention de
ceux qui l'on votée, la loi de prorogation
renvoie à sept ans la création d'un gou-
vernement quelconque.
Et ce n'est pas tout encore; la discus-
sion a révélé que le provisoire même,
en dépit de la durée qu'on lui assigne,
n'aboutirait qu'à créer de nouvelles faci-
lités aux manœuvres et intrigues des
partis qui l'ont édifié. Ils avaient besoin
de temps, éclopés qu'ils sont depuis
leurs dernières mésaventures, ils vont
pouvoir à l'abri tutélaire du maréchal
de Mac-Mahon, panser leurs blessures,
attendre la convalescence, et la guérison
venue, reprendre la campagne.
Un autre avantage que trouvent ces
ces partis dans la loi de prorogation,
c'est de consolider, — ils le croient du
moins, — le pouvoir aux mains d'un
homme trop devoué aux idées conserva-
trices pour nuire en aucune façon aux
projets des conservateurs.
Au contraire il les aidera, dans la me-
sure de ses forces, en n'oubliant pas
que dans la nuit du 18 novembre 1873,
le parti républicain tout entier a refusé
de lui signer les pouvoirs qu'il deman-
dait.
Quant au bénéfice qui en pourra ré-
sulter pour la France, il est indiqué dans
les paroles qui terminent l'honnête et
beau discours de M. Jules Grévy : «'Pour
ma part, a-t-il dit, je proteste contre
une usurpation grosse de périls et de
calamités. »
Si pourtant on nous demandait de ré-
résumer notre impression sur le ré-
sultat final de cette triste journée, voici
ce que nous répondrions : La moitié de
la représentation nationale vient d'émet-
tre un vote de confiance et un vote .de
méfiance; la confiance est pour le maré-
chal de Mac-Mahon, la méfiance est pour
le pays.
Voih 'co qui fait que nous ;(Hnme')
encore moins affligés du -présent qu'in-
quiets de i'avenir.
E. SCIINEBB.
COURRIER PARLEHE'STilBE
Versailles, 49 novembre 4873.
Cette fois, o* tent que tout sera terminé
ce foir, c'est è^-dire demain matin. Il en
temps du reste ; de plus en plus les carac-
tères s'aigrissent et les colères vont grau
dissant Et puis les belles parlementaires
attendent : comme l'Anglais qui suivait,
tous les soin, les évolutions de Carter
avec ses lions, dans l'espérance de voir en-
fin dévorer le dompteur, ces dames sai-
vent assidûment les évolutions de l'As
semblée ; il faut qu'elles voient un parti
dévorer l'autre. Le festin est pour ce toy*.
Reste$savoir s'il sa fera longtemp s at-
tendre : il pe manque pas d'amendements
à se mettre sous la dent; mais la droite
essaiera sacs doute de gaver rapidement
tout le monde avec un morceau de réiiJ-
tance, la proposition Changarnier-Depeyre.
Attendons.
M. Geblet (de la gauche) a piésenté un
amendement qui retarde le vote jusqu'au
moment ou seront faites les dix élections
complémentaires. Après le discours i re
marquable de M. J. Simon, la lumière est
complète sur ce point, et M. Goblet renonce
à son amendement. — Il n'en reste plus
que dix neuf!
M. Rouher. M. Rouher lui même. Il
paraît que M. Prax-Paris n'était qu'une
avantrgarde; le gros de l'appel au peuple
donne aujoard hui. Le terrain a été re-
connu hier, il n'est pss mauvais, M.
Rouher peut s'y aventurer.
Sauf les applaudissements de la majo-
rité compacte de 1870, M. Rouher a pu se
croira encore prophétisant à la tribune du
Corps législatif ; on l'a écoute sans mal-
veillance, attentivement, parfois avec des
rumeurs approbatives ou désapprobatives
rapidement réprimées. Mais en somme
c était la vie, la salle rendait, comme on
dit vulgairement. Ce n'était plus le silence
étudié qui a paralysé BOM premier discours;
ce n'était plus le haro qui à étouffé sa se-
conde allocution.
Prenant les précautions oratoires les
plus minutieuses vis-à-vis des personnali-
tés présidentielle et miaistérielle?, il dé-
veloppe cette idée : La prorogation des pou-
voirs du maréchal n'est pas un remède
efficace à la situation du pays; il n'y a
qu'un remède, c'est le définitif demande
par le pays et à obtenir par l'appel au
peuple.
Mais, malgré tous ses efforts, il se heur-
te, à chaque mouvement un peu vif, con
tre des angles, de vieux angles.
«. La splendeur des Assemblées 1 »
dit-il.
— Au 2 décembre, qu'en avez-vous fait?
lance le légitimiste M. Dahirel, qui a été
alors incarcéré comme le dernier des ré-
publicains.
Et l'orateur, sans avoir l'air d'entendre,
se déclare prêt à voter un provisoire bien
provisoire ; mais non un provisoire qui a en
soi même un petit air définitif, un pro-
visoire restreint, limité à ce que l'Assem-
biée peut donner. Il montre trop la bout
de l'oreille; le rire est général. Mais M.
Rouher en a vu de plus rudes que cette
brise légère, il ae se démonte pas. Et il
va, marehandant les durées : Allons, un
an, voulez-vous ? Deux, voyons! Bah! met-
tons trois l
— Dix-huit et trois font viagt et un [
laisse échapper M. Depeyre au banc de la
commission.
Un rire décent, mais général, souligne
l'exclamation.
Quant à l'orateur, avec son vieil aplomb
d'autrefois, il assure que toute autre préoc-
cupation que le bonheur du pays est loin de
son esprit. M. Rouher nous semble un pen
gâter son affaire à force d'aplomb
L'hilarité de ses collègues est polie, mais
persistante.
En somme, ce discours d'une heure et
demie, prononcé par pure obéissance aux
principes et en vue de la propagande im-
périaliste, ce discours n'est guère capable de
faire grand effet dans le pays, mais il en a
produit un immédiat dans l'Assemblée. L'al-
locution est terminée sans trop d'encombre
grâce aux concessions politiques que la si-
tuation impose aux partis, la gauche ne
voulant pas blesser des alliés qui semblent
venir à elle, la droite craigaaat d'effarou -
cher Uij. appoint de combattants dont elle
a besoin pour le gain de la bataille.
Quant au résultat même produit dans
l'Assemblée, il est réel, quoique pouvant
s'évanouir pendant l'heure qui va suivre.
Une partie de l'appel au peuple refuse de
voter la durée de sept ans. Aussi la séanoe
se trouve-t elle suspendue — rien que pax
le fait des conciliabules particuliers —
pondant vingt minutes. L'émotion se coin
prend fncilemcat. Le parti républicain
luttait tout en se croyaitt perdu ; une
chance de victoire vient de chatoyer à ses
yeux. Elle est minime à notre avis, et no-
tre sentiment intime trouve malheureuse
ment une consécration dans la tranquillité
do la droite. De ce côté, on sait se comp-
ter d'avance — et se compter exaetf-ment.
Donc, pour nous, le résultatiinal vaciilo
entre 10 et 30 voix de majorité en faveur
dl) la proposition Changarnior-Dapayre.
En présence de l'amour effréné de pro-
visoire qui se développe dans la majoriiê
parlementaire et du besoin absolu de dé
finitif qui ne fait que croître dans la ma-
jorité du pays, quelques députés républi-
cains, voyant qu'il n'est pas possible
d'obtenir la dissolution, ont soo,<é à 3q
rallier au système de l'appel au peup'e, —
non par amou»-, par raison. -
M. Naquet Itdu nombre dé ces déju-
tés républicains, et c'est en sou IJUm pr-
sOfJud, sans engager aucun de ses collè-
gues de la gauche, qu'il vient sout; nir ton
la théorie, ruais la si'.ution de l'appel au
peuple.
C'est M. Laboalaye, le rapporteur, qui
¡"PO' d aux deux pr^eélents orateur:-. L,
pW'b.icataire Lab-juiaye pariant couvre Lai"
pel au Oî Vplf, voiià qui p*ut ê'.re
on devine cette pensée dans l'aUiludy at-
tentive do cbacuu.
Mais M. Laboulayvî, t'spdi. fil H subtil,
envisa g e d hm coup l è j uaiion, et d'au m
phrasu bien touri.éy il fait coup doubla :
a Jo" m'exposerais encore une foi", dit
)1, à Ci que notre aimable côHègue, M.
Ruagnofl, ma jetât encore h la tête mon
pricrisr. » Tous les rieur!; sont pour M. le
ru p pGi U;!:i\
Lys rieurs, c'est peu de chus?. Eu tau.
réponse claird, nette, simple, M. Laboulayv
met aussi de sou côté les esprits 8jré :
« Je recoure l'appei an peuple, dit-il, par-
ce que l'appel au peuple est forcé-
ment suivi d'élections générales ; mais les
élections générales, n'est-ce pas la dissolu-'
tiou ? »
« Donc, l'appel au peuple u'est qu'une dis-
solution avec un double vote. Autant n'im
poser au pays qu'un vote simple, c'est-à-
dire mieux vaut la dissolution. » La droite
avait été enchantée du commencement du
raisonnement; mais la côté gauche a ap-
plaudi ferme la flu.
La séance est d'ailleurs f »rt tranquille ;
on discute sans disputer
— Clôture! clôtura! crie ia droite.
- Pariez ! partez! riposts la gauche.
Et davinez quel est le dépnté qui suscite
ces cris? M. Raoul Du val!. M. Raoul
Duval renvoyé par la droite et demandé
par la gauche, Raoul Duvâl, Tex-piiifr
dts institutions conservatrices !
C'est que sa présence à la tribune est
uae sorte d'événement; M. Raoul Duval,
qui s'était cloîtré dans le silence, va sortir
de son mystérieux cocon. Ah! M. Raoul
Duval peut comprendre enfin ce que sont
ses amis politiques quand. on les a pour
adveriaircs ! Il est étourdi de clamaurs.
- Je constate, s'écrie- t-il vivement, qu'il
est impossible de venir discuter librement
dans cette Assemblée.
Et il descend de la tribune, escorté des
applaudisaemants de la gauche. Le début
est bon; il promet La suite n'a pas ab-
solument tenu — car M. Raoul DUVJI a
parlé, la droite ayant senti enfin qu'elle
ne pouvait pas frapper d'ostracisme un ami
avant de connaître son crime.
Le plus grand crime de M. Raoul Duval,
selon nous, est de n'avoir pas été lui-
même. S* posant, dès le début, MU* le
piédestal de ses antiques vertus conserva-
trices, l'orateur se rallie au système de
l'appel au peuple, parca que l'expédient
des sept ans, laissant tout en suspens, ne
donna pas la stabilité demandée, parce que
le pays demande le définitif, parce qu'en-
fin la majorité actuelle est trop minime
pour pouvoir fonder quoi que c.! r-oit de
stable.
Peut-on dire que M. Raoul Duval ait
pris PO¡,;jtivll? Non. Il &'est fait interrom-
pre par le cô é droit et applaudir quelque-
fois par le côté gauche ; tel est le résultat
certain qu'on a pu constater. Mais il ne
s'est pas absolument nuancé.
Comme les gens qui ont passé un habit
neuf, et qui ne se sentent pas encere dedans,
M. Raoul Duval n'osait encore se remuer
dans sa nouvelle manière, gêné, embar-
rassé, et retrouvant même, sans le vou-
loir, de vieilles locutions dont il n'a pas
eu encore le temps de se défaire.
Exemple ; « Qu'en soit, messieurs, républv
eain ou conservateur. » Cette antithèse
appartient évidemment à la première ma-
nière de M. Raoul Duval.
La clôtura delà discussion sur cetamen-
demet est votée : au scrutin,*88 voix sou-
tiennent l'appel au peuple et 499 le re-
poussent. - B. de deux Il n'en reste
plus que dix-huit !
Une fournée d'amendement sont reti-
rés. Nous avançons, nous avançons.
Nous voilà en pleiue bataille. M. Depeyre
est à la tribune.
M. Dspayre, c'est le projet Dtpoyre, et
aussi le projet Changarnier, et encore le
projet gouvernemental ; M. Depeyre, c'est
le coq de combat de la droite; M. Depeyre,
c'est le héraut d'armes du maréchal ; M.
Depeyre, c'ast le représentant de la mi-
norité de la commission; M. Depeyre,
c'est tout - et plus encore.
M. Depeyre — que ses amis l'avouent
— nous a fait un discours mortellement
ennuyeux. Il a du talent, M. Depeyre,
beaucoup de talent mêt-se; mais si habile
que soit le cuisinier à faire un civet, en-
core ne faut-il pas qu'il n'ait qu'un lapia
à mettre dans la casserole. Or, M. De-
peyre n'a qu'un lapin, - un crâne lapin,
si l'on veut, — mais enfin il s'agit de
confectionner un Civêt, c'est clair.
Et M. Depeyre, placé dans une situation
difficile, pris entre les légitimistes et les
orléanistes, ne fait pas preuve de son ta-
lent ordinaire. Ses raisonnements sont
précieux, enchevêtré-, obscurs; qnand il a
besoin d'allonger la riposte, comme il fit
sent pas le terrain solide fous ses pas,
il hésite et ne trouve qu-j des parades trop
larges, des mouliuats qui ne soulèvent
que le rira et quelquefois le'l justes sus-
ceptibilités d'une partie de l'Assemblée.
Ainsi il dit : a La commission est allée
solliciter le maréchal dans son palais de la
présidence. »
Solliciter ! Pour des gêna qai faisaient
fi fière mine devant M. Thiers, voilà bien
de l'humilité.
Et encore : « Un revers qui pour tous
ceux qui en ont entendu le récit vaut
mieux pour la France que les plus écla-
tantes victoires. » Un hurrah immense de
la gauche souligne ces maladroites paro-
les ; la droite n'me y répondre.
On dit le maréchal modeste à l'excès ;
comme il' doit souffrir !
Néanmoins ces paroles ont produit Ullf;
grande émotion ; M. Vanoy, député 4e
Meurthe et-Moselle, proteste véhémente-
ment contre eUeq; les Lorrains le pous-
Fent à la tribuDP, mais M. Bsaffet la lui
interdit pour le moment.
Terminons avec M. Depeyre : il a at-
taqué M. Jules Grévy, il a atttaqué
surtout M. Juleg Simon, dont le dis-
cours i- a pas encore été réfuté — et pour
cause — mais il n'a rien prouve. que
son envie bien naturelle de voir clore la
discussion.
Il est tard, il fait chaud, - nou, boail-
lant ; voilà cinq heures qu'on ti«i/t -éance,
}' Il
: ; JL'iri iiaNhi -î ,> -i.i ail - v n e.»
;a meilleure preuve. A qaelly heure tout
cela finira-t-ii?
M. Varroy proteste, au nom de la Lor
rauie, contre les pajoies de M. D^peyr» ;
mais on n'entend rien, giâ ;eaux cris d
'a droite.
E: M. Liiboulaye donne. It relève je l r
rcurscommises par M 'Depeyre et fait ras-
sorfir par ton admiiable clarté l'obscurit. J
de son contradicteur. Lui, il ue procèh
que par djlemmp, et chacun de ces di-
lemmes est un jet de itiqlière.
--- Eh ! messieurs faites do:,c austi une
nation provisoire!
La noatale est couverte ; ar ies applau
dissemerils de tout le côté gauche.
M. Erneul a refusé d'appeler le gouver-
nement uouveau « République française. 11
Les uns ont propesé Prircipat, les * autre-
Protectorat. Et M. Laboulayo cherche.
Nous, nous avons trouvé : cVst un PROBO
GEORAT. »
M. de Broglie se lève. La droite ne veut
pas qu'il parle. — Nous comprenons c^
sentiment. — M. de Broglie marche à la
tribune. Est-ce le chant du cygne, le der'.
nier couplet du portefeuille?. M. le duc
demande une séance de Imit.
A lieUr heures! —On se dévorera par-
lementairement.
SÉANCE DE MIT
.i\.neuf heures cinq, aimable, pimpant,
souriant, rutilaNt, M. le duc de Broglie
est à la tribune, attendant que la rentrée
un peu bruyaate de SS collègues soit ef-
fectuée. Nem d'urne rorogatlon r tout le
monde est animé ; cest à qui ne se tni
ra pas. Ahl ces séances de nuit, quelle
triste chose!
QtiaBt-à ce qui ut de notre besogne,
nous prévenons le lecteur bieiiveiiia ut
nous l'espérons tel du moins, — que nous
ne notons que les cris saisis au vol.
Neuf heures vingt. — M. je ciuG e jen
mence. Il dédaigne les attaques qui lui
sont personnelles, — Malin, va!— et be
s'occupe que du bonheur de ia Fraixe. Ja-
mais M. de Broglie n'a paru s-i content de
lui même; ou voit qu'il Fait admirablement
son discours. Nous saississons mal la po-
tée des phrases savamment (':embinée;¡ dâ
M. le duc ; mais nous remarquons dis
tinctement que .M. Target s'est institue
chef de claque.
Du reste, M. de Broglie esquiva tcules
les difficultés de la discussion en uilant
tout droit à ce qu'on appelle en style par-
lementaire, « la question de confiance ou
de défiance. »
C'est pour arriver à l'article 3 qu'il re-
présente comme un témoignage de mé-
fiance. M. de Broglie marche en avam,
abrité par la personne du maréchal, tou-
jours, toujours. Les exclamations partout
à gauche, entre autres celle ci : « C'est le
langage d'un courtisan ! »
Nous voih en pleine séance de nuit,
avec les furies, les échauffements, les co-
lères. M. Buffet, dès le dé but, n'est plus
gaère maître de la situation. Heureusement
c'est fini sans qu'on s'en doute.
Cela tourne tellement on queue de pois-
son que la gauche applaudit au moins
aussi fert que la droite.
Mais enfin qui répondra réellement aux
arguments du parti républicain ?
M. Grévy! Nous demandions une ré-
ponse, nous avons une nouvelle attaque,
nous devons dire qu'ou fait silence.
C'est la riposte à M. Depeyre qui l'a pris à
partie. Nous entrons enfin dans la discus
sion large et élevée : l'orateur examine la
souveraineté de l'Assemblée. La phrase
est toujours belle, grande, mais la thèse
est un peu subtile - pour une Assemblée
oui digéré.
A Où il est vraiment clair, c'est lorsqu'il
démontre à la droite que, quoi quelle
dise, elle a Tarrière-pepsée de ne pa')
pousser jusqu'au bout les lois constitution-
nelles..
— Vous êtes arrivés au bout de votre
droit. Vous pouvez bien vous arroger en-
core ce droit, mais on ne vous le reGonnat.
tra pas.
Ça chauffe; la droite hurle, la gauche
applaudit avec frénésie. Toutefois M. Gré-
vy s'élève à de telles hauteurs, embrasse
des points de vue politique si larges, que
la c'roite, refusant dç comprendre, ne
trouva que des rumeurs pour réponse?.
Et, au milieu de ces grandes visées, des
boutades terribles : a Vous ne tenez donc
aucun compte de la légalité ? »
Quand M. Grévy rentre dans la disells-
sion terre-à-terre sur l'état et les vœux de
la Frasce, il est magnifique de bon sens
et de vérité, — et aussi de la finesse na
turelle, pleine de bonhomie, du Jurassien.
La droite est manifestement agacée :
« Vous avez essayé de faire la monar-
chie, vous avez échoué ; faites place à
d'autres. Vous ne pouvez rester ici indé-
finiment pour attendre les - occasions! »
Dans ses theones admirables, M. (irévy
n'avance pas sans froisser csux-ci ou
ceux-là. a Je demande la parole « crie-
t-on ici. « Je demandé la parole-, » (rie-
t-on-là. Il est dix heures et demie passée.
Nous sommes là pour jusqu'à la Trinité.
c Quant à moi, je proteste par mon
vota et par ma parole contre : une institu-
tion qui est une usurpation grosse de dan-
gers et de calamités. »
Ovation 4 M. Grévy da côté gauche.
— Clôture ! clôture ! crie la droite. Il
est de fait que la discussion n'est pas fa
même ¡!.ur elle; pas uu de si-s orateurs
n'a montré le quart du talent des orateurs
du parti républicain. C eat qu; le talent
est presque facile quand on a la vérité
-pot r soi !
C'est une procession de ia gaucha- vers
le hanc de M. Grévy. Diboui, la droits
regarde. A la tribune, M. P/ax Pari s ré-
clame ton tour de laro:e auprès du pi éai-
,dent et M. de t, 1 j-our obte-
nir uu tour de faveur. C t: t vivant, mo i
vemei-tô, plein de fièvie, mais de
délire; jn&iju'ici b ^auce. a nsituï marché
que nous ne l'espérions; il est \rai qu'H
n'et pas encore onze heures.
M. Prax Paris, qui a vu son apptl au
peuply hou cuîo par M. Gr-vy. veut parler.
i.m;;.o?siblrais, un soir de grande chaUm-, La clôt'l¡re-
de la discussion sur Dîpeyre
et votée.
Le parti républicain est battu, c'est cer-
tain; mais, défaite pour défaite, mieux vaut
tourner bravement sans avoir fait de con-
cessions sur lf s principe.
Après les discours de MM. Simon ft
Grévy, le vaincu nf peut cr.iûidre le vain-
queur; comme Autée touchant le H:', il
retrouvera des forces nouvelles au c niact.
du pays. M. de Broglie n'est, pas de taii'û
à le soulever et à l'étouffer à bout de bras.
Il est onze heure? uu quart, les Hcrétat-
res sont en train de dépouiller le scrutin.
Presque tous les députés ont évacué la
salle; le président lui-mêmR a quitté son
fauteuil ; ou a beoiu de respirer.
Scrutin
Pour 383
Contre 317
! Soixante-six voix de majorité.
Mais l'article 1er n'est pas le plus dur à
enlever ; c'ert celui qui accorde les sept
ans au maréchal, et plusieurs membre? du
centre gauche ont'dû le voter pour bien
prouver qu'ils n'étaient pas hostiîes au
maréchal.
C'est ce que M. Waddiogton est chargé
de déelarer à l'Assemblée. Il est un de
c*s votants dont noua venons d3 parler. Il
offre 500 à 600 voix à l'Assemblée si elle
veut accepter l'article 3 d-e la
c'est-à dire l'adjonction des lois constitu-
tionnelles ; sinon, certains voteront cer-
tainement contre l'ensemble de la loi.
Scrutin sur l'article additionnel.
Les membres du centre gauche vout te
retourner; mais les bonapartistes, qui ont
tout à l'heure voté peut-être avec la gau-
che, vont maintenant, à coup Hlr, voter
avec Ic. droite, contre la perspective des
projets constitutionnels. Encore un dépla-
cement de voix ; ce n'est pas hrtlërnior.
Minait un quart. — On dépouille tou-
jours. Tous lcs sptetateuré ont ttrnu bon;
co n'est plus une Assemblée, c'est un éta-
blissement de bains russes.
Scrutin :
Pour 321
Contre 38G
Soixante cinq voix de majorité, mais
sept votant. de plus, c'est-à-dire sept ab-
stentions de moins. L'opposition n'a
gagné que quatre voix ; Dois avouons ne
plus comprendre la po. tée de la déclara-
tion Waddbton.
Article 2. - M. Depeyre veut la nomi-
nation de Ja commission au scrutin de
liste, pour que la droite soit compléte-
ment maîtic?se du terrain.
Le débat recommence. Il est une heure.
Nous avons Lât le tour da cadran !. Les
scrutins menacent toujours.
Pour 370
Contre 330
La majorité est retombée à 40 voix.
Scrutin sur 1 ensemble. Enfin ! Une
heure un quart ; nous arrivons à un état
voisin de l'ai rutissement.
Pour 378.
Contre 310.
Soixante huit voix de majorité et dix-
neuf abstentions.
La France est sauvée — malgré elle.
PAUL LAFARGUE.
En présence de l'importance du fait., le
lecteur nous pardonnera la pauvreté de ces
notes qui, faites à la minute, permettent
au moins d'entrevoir les péripéties par
lesquelles nous sommes passés.
P. L.
.--.-- ♦ ———
Assemblée Nationale
Séance dû merqjredi 49 novembre 4875.
PRÉSIDENTS DE M. BUFFET
Le procès-verbal de la dernière séance est hi
par M. Desjardins, l'un des secrétaires.
ru. de Loraeril. — M. Jules Simon, ré-
pondant à unQ interpellation de ma part, a dit
hier qu'il dédaignait les insultes et les insul-
teurs.
Il n'y avait dans mes paroles aucune insulte.
Ma conduite et mes antécédents me mettent au-
dessus du dédain de M. Jules Simon et de quel-
que membre d., l'Internationale que ce soit.
(Très-bien ! très-bien ! à droite. — Bruit à gau-
che.)
Le proeès-vêfbal est adopté
MM. les miisreB des finances et de l'inté-
rieur déposent un projet de loi portant ouver-
ture de crédits supplémentaires.
Prorogation des pouvoirs.
Hi. le président. — L'Assemblée a pro-
noncé hier la elôture do la discussion générale;
je dois la consulter maintenait pour savoir si
¡.ode entend passer à la discussion des articles du
projet.
L'Assemblée décide qu'elle passe à la discus-
tion des articles.
H. Cioblet. — L'A-^einbléa est impatiente
de mener à fin cptte délibération. Nous savons
aujourd'hui, par les élections de dimanche, ce
que pense l'opinion publique de la proposition
en discussion. Il
La lumière est complète; chacun connaît sa
responsabilité; je renonce à mon amendement
qui demandait l'ajournement jusqu'à ce qu'il eût
été procédé aux élections dans les départements
où il y a des sièges vacants.
19. le président — La i.arcle est à M.
Rouher sur l'amendement de M. Eschaséeriaux,
qui demande l'appel au peuple.
M. Bouber.- Voua avez hi désir d'accé-
lérer et lté discussion et je crois obéir à votre
volonté eu entrant immédiatement dans le dé-
bat. Deux questions sont posées devant vous :
l'une pur le projet do la commission et par la
proposition du général Changarnier : c'est la
prorogation; l'autre qui consiste à savoir si vous
lec^urrez à la volonté nationale avant de prn-
tire un parti sur le Gouvernement définitif de
ce pays.
Pour discuter l'amen leui&nt j'ai besoin d'exa-
miner ce qu'e"t la prorogation. E-Velie un re-
mède efficace? Je suis en proie à des doutes,
à des flerplexité. Je ne suis l'ennemi ni du ma-
réchal, ni du cabinet, ni de la majorité; mais ja
dois exatii'her l'efficacité de la p: opoition.
Le m iré ;bal, je le connais dtlpui VjDt ars,tt
n'ai pour lui que de la sympathie et de la vé-
nération. Le cabinet, je compatis à la lourdeur
de sa tâohe, Quant i la majorité, des préoccu-
pations communes nous agitent. Si nous n'avons
pas les mêmes affections, nous avons presque
toujours les mêmes principes.
Nous sommes les satellites dévoués de l'or-
dre ; oui, de l'ordre ; car dans ce pays, la liberté
88 défend toute seule ; tandis qu'au milieu de
nos c ises révolutionnaires, c'est le grand prin-
cipe d'autorité qui est l'éternelle victime. C'est
dono à lui qu'il faut rendre foree et prestige.
(Très-bien!)
Quant à moi, je croirai toujours défendre la
liberté en défendant l'ordre.
Eh bien, on vous propose la prorogation sep-
tennale. Ma première inspiration est celle-ci :
Vous avez réservé votre pouvoir constituant en
faisant la eonstitution Rivet ; vous l'avez réservé
en faisant la loi des Trente.
8fua-t il épuisé ou réservé de nouveau par
la prorogation ? Il sera épuisé? Ah ! ne mb le
dites pas. Hier, un cri du cœur et de lourds
murmures nous ont avertis du contraire. Non,
vous ne renoncerez pas à votre pouvoir consti-
tuant !
Je ne vous en blâme pas. Les affections que
vous éprouvez, je les comprends, je les épronve
pour une autre dynastie, pour d'autres princi-
pes, pour d'autres douleurs. -.
Mais alors que devient le pouvoir septennal?
que devient son irrévocabilité ? que deviennent
toutes ces considérations de calme retrouvé et
de sécurité reconqnise?
Ou vous cessez d'être constituants, ou le pro-
jet n'a aucune portée. (Mouvement.) Si vous ne
renoncez pas à votre pouvoir coiqrtituant, -'%
pouvoir septennal n'est qu'un mot ! Et alors, ne
voyez-vous pas le danger de présenter à ce pays
un mirage, de lui conter une illusion ?
Et si vous réservez ce pouvoir, ne créez-vous
pas par cela même un nouvel élément d'agita-
lion ? Plus vous conservez d'espérances, plus le
pouvoir sep U mal ne sera qu'une halte, et l'in-
quiétude se prolongera dans le pays, dominant
les intérêts, les affaires et les esprits.
Allons plus loin, vous avez la prétention de
constituer, d'épuiser votre droit constituant l
Mais le message lui-même ne nous parle que
d'un provisoire plus ou moins prolongé avec
certaines garanties. I
Un provisoire, que devient alors l'irrévocabi-
lité, la permanence, la sécurité ?
Ce provisoire durera juste le temps nécessaire
pour faire disparaître les obstacles qui s'oppo-
sent à l'établissement d'un gouvernement défi-
nitif.
Quand le définitif sera prêt, on dira au provi-
soire : Tu n'es qu'un modus vivtndi, un expé-
dient, c'est nous qui sommes le vrai pouvoir
définitif.
On se heurte donc à la nature, à l'essence
des choses. Le jour où le gouvernement définitif
sçra préparé, le pouvoir septennal disparaîtra
eomme une ombre.
Au point de vue du droit public, d'ailleurs,
peut-on 80uteinr cette thèse que l'on fait un ar-
ticle constitutionnel? Nen. Oa fait un acte qui
confère un pouvoir de sejJt ans à une haute in-
dividualité. On fait un acte législatif, je l'admets
à cette condition.
Je ne redoute pas une dictature. Le maréchal
reste sous votre autorité, sous votre contrôle ;
vous pouvez diriger ses actes par vetre influence
sur le cabinet. Je ne crains pas que le maréchal
gouverne trop ; ce que je crains, c'est qu'il ne
geuverne pas assez.
Donc point de dictature. Mais je désire un
pouvoir fort et durablè: Et à ces mots de singu-
liers souvenirs assiègent mon esprit. Dan ce
pays de démocratie puissante, quand le pouvoir
est fort, de tous côtés on l'attaque, on lecombat,
on le renverse. Et quand le désastre est fait,
quand la nation s'agite sans boussole au milieu
des ruines, on dit alors qu'il faudrait un gou-
vernement fort et durable. (Bruits divers).
L'obtiendrez-vous par le pouvoir septennal ?
C'est un acte et non une institution politique
qui sortira de votre vote. Cet acte ne suffit pas
pour fonder le pouvoir fort et durable que nous
voulens instituer: <
Dira-t-on que la proposition est l'article lw
d'une constitution à naître? Sans doute, en s'est
engagé à faire des lois constitutionnelles, et vous
allez nommer une commission qui les prépare-
ra. Je crois que vous les discuterez; mais au
moment du vote, la majorité reculera, car ce
qu'elle fonderait alors, ce serait la République,
la République constituée et organisée.
Est-ce là l'intention de la majorité? (Mouve-
ment.) Oui, en faisant un peavoir exécutif à
courte durée, c'est la République que vous fe-
rez ; ce sont les monarchistes qui auront fondé
la République. (Mouvements divers.)
Je ne cherche point les origines de cette pro-
position. Bst-elle une revanche ou une consola-
tion?
Je ne me demande point fci le pouvoir qu'elle
institue a été offert sous d'autres noms à d'autres
personnes. (Bruit.) Je demande seulement
qu'on m'assure un provisoire sans ombrage, sans
contestation, sans arrière-pensée. i
Dans ce cas, je l'accepte. Mais si le provisoire
doit me mener graduellement à * la République
ou à l'équivoque, je m'y refuse; je ne crois pas
bon do dire au pays qu'on lui donne sept ans
de sécurité en l'expbeant à se réveiller un jour
au milieu des agitations.
Dans nos conversations particulières, quand
je disais : « Comment voulez-vous faire un pro-
visoire de sept ans? » on m'a répondu : « Vous
y croyez donc ? (On rit.) Cela durera ce que ça
pourra ! » Eh bien ! c'est une responsabilité
dangereuse à prendre devant le pays que de lui
promettre la stabilité, ne pouvant lui donngf qgg'
le provisoire et l'agitation.
Nous ne pouvons assurer au maréchal que n
temps de notre durée à nous-mêmes; les mon
ne font pas la loi aux vivants. Ce pouvoir dispa-
raitra devant une autre Acsemb fée. (Mouvement')
Ainsi vous vous placez entre l'impuissance
d'un côté, la République de l'autre.
Croyez-volts que je repousse en principe la
prorogation? Non, et si vous ne voulez qu'une
prorogation restreinte, limitée par notre durée
(Bruit), si vous voulez employer un an, deux
ans à restaurer l'autorité dans ce pays, nous
sommes avec vous. (Bruit.) Pourquoi? Pour
arriver à consulter le-pays par des élections gé-
nérales ou par l'appel au peuple.
Oui, si, pour sauver la France des entraîne-
ments, vous voulez faire, pour deux ou trois
ans, non pas un gouvernement de combat, mais
un gouvernement résdtu. (Rires à droite.)
11. Depeyre.—Dix huit et trois font vingt-
et-un ! (Rires à droite.)
Si E&ouJhîen'. — Si j'apportais ici d'autres
pansée? quel celle d'un dévouement absolu au
pays, si j'avais une arrière pensée de dyaastie
ei d'espérances lointaines, je descendrais de
cette tribune. (Bruit rrolongé.)
Je le répète : s'il est vrai que vos proposi-
tions aboutissent à l'impuissance et à l'insta-
bilité, il faut 58 demander quel est le désir du
pays. Ce que veut le pays, c'est le définitif;
c'est la cessation des agitations, le calme, la
sécurité, l'avenir. (Trè3-blen! très-bien ! à gau-
che ) Pouvez-vous les lui donner? (Très-bien!
trè?-bien ! à gauche.)
Voix à droite. — Et vous ? (Bruit.)
M. Reahcr. — Pouvez-vous, pouvons-nous
les lui donner? Oui. Et par quel moyen? Par
l'appel au peuple. Là est le droit, là est la vé- N
ritp, là est l'ordre. M. le ministre de la justice a
dit que c'était un instrument dt; (décadence. Il
oubliait qu'il avait auprès de lui un plébiscitaire
qui n'est pas, certes, le membre le moins émi-
nent du caoinct. (Très-bien! très-bien !)
Oui, l'appel au peuple, c'est le droit. Ce n'est
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