Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-11-19
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 19 novembre 1873 19 novembre 1873
Description : 1873/11/19 (A3,N734). 1873/11/19 (A3,N734).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7558092q
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/03/2013
3# Année. — N° 734
Pla ©A N UMBRO : PARIS 15 CmmMBI" - DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Mercredi 49 Novembre 4873.
:Z-' E ;
JOURNAL REPUBLICAIN CONSERVATEUR
d. RÉDACTION
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ELECTIONS DU 16 NOVEMBRE
Seine-Inférieure.
Résultat définitif :
Letellier-Valazé. 83.099 élu.
Desgénétais 48.296
Aube.
Résultat complet, moins deux petites
oommunes :
Saussier 42.027
Argence 17.803
AUBE
Inscrits. 77,521
V6tants. 61,453
Voix perdues. 2,343
Résultats par cantons et par arrondissements
SAUSSIER ARGENCE
Troyes (ville). 5.233 1.606
- 1er canton. 597 209
- 2e canton. 844 437
- 3e canton. 582 309
Pirsey « 983 570
Lusigny. U 1.. 085 501
Bouilly. 1-290 896
Estissac 1.212 &93
Ervy. 1.855 741
Aix-en-Othe. 1.995 477
--- ---
Total de l'arrondissement. 15.676 6.339
IVogent-sur-îSeliie. 1.823 470
Mareilly-sur-Hayes. 1.177 746
Vlllenauxe. 837 280
Romilly. 1.716 771
--- ---
Total de l'arrondissement. 5.553 2.267
Arcis-sur-Aube. 1.197 1.275
Mérv 2.006 728
Ramerupt 1-509 542
Chavanges. 978 363
Total de l'arrondissement. 5.690 2.908
: Bar-sur-Aube. 2.739 937
Brienne. 2.071 653
Soulaines. 657 134
VandœllVr9. 1. 396 541
Total de l'arrondissement.. 6.863 2..331
Bar-sur-seine. 2.163 887
Chaource 1 • 9 8 1.042
Rieeys. 1.150 285
Esoyes 1.807 881
Mus$Y. 1.034 436
Total de l'arrondissement.. 7.952 3.531
TOTAL GÉNÉRAL. 41.734 17.376
Manquent deux petites communes : Planty
et Fontaine-les-Grès.
En 1869, dans la seule circonscription
de Troyes, qui comprend environ la moitié
du département, M. Argence avait eu
20,000 voix sur 39,000 votants.
SEINE-INFERIEURE
Cantons VALAZÉ DESGENÉTAIS
Rouen.. 10.642 3.800
• Le Ha™ 9 311 2. 508
Yerville 906 1.044
Gournay 1 • 548 302
Doude ville 934 1.279
Valmont. 935 1.778
Pavilly 1.. 827 891
Leurdinières 825 732
j3uchy 1.081 418
Criquetot 866 1.370
Argueil. j-101 245
Montivilliers 1.336 1.050
Roos ï » 1.690 978
Elbeu 6.646 1.427
Dieppe 2.187 909
Tôtes. 1-393 1.012
Bellencombre 721 696
"riati7V * * É * « « • « » - 1 « boy 973
Bacqueville. 1.204 1.857
Saint-Sens 889 787
Neufchâtel. 1.494 798
Saint-Romain 878 1 • 150
Fauville 564 1.849
Offranville • • • • 1 ■ 001 954
Caudebec 1 -209 772
Fécamp. 1.990 1.155
S&mt-VaIery. 1.182.. 1.277
Fontaine-le-Don. 692 1. 223
Clèrei. 1.559 965
Duclair. 1.566 668
C,rand-Couronne 4.167 746
Yvetot. L 341 L 290
Bolbec i. 923 1.816
Aumale. 795 585
LiUebonne. 1.163 4.037
Forges 1.590 441
821 703
Eu.? 1.393 ,1.282
Oarvilie • ][60 J'am
-Ellvermeu H. 1. 601 1. 051
JOURNÉE POLITIQUE
Deux fois en moins de quinze jours M.
le président de la République a trouvé
moyen de stupéfier le pays. Le Message
que M. le duc de Broglie est venu lire
hier à la tribune est. bien l'expression de
la pensée personnelle de M. le maréchal
de Mac-Mahon, il n'y a plus moyen d'y
contredire, et malheureusement il dé-
passe tout ce que pouvaient imaginer les
plus chauds partisans ou les. plus défiants
adversaires de M. le président de la Ré-
publique. C'est sans conditions ni réserves
qu'une dictature de sept ans y est récla-
mée- M. de Mac-Mahon parle plus roya-
lement que Henri V. Quant aux conve-
nances parlementaires, quant à ce respect
de sse montre 21 feUwise, qu'en pourrions-mous
~T-i t r, autorisaient M. le
dire? et quels précdàS'» autorisent M. le
président de la République a f 9 jeter ainsi
à la traverse des débats réguliers qui au&ieiîv
s'ouvrir? Quoi ! c'est au moment même où
lad élibéi a Lion commence qu'il condamne im-
périeusement dans un message les opinions,
les conclusions, le rapport de la tmmissiGn
chargée par la Chambre d'examiner s'il
faut ou non proroger ses pouvoirs ! Le ma-
réchal de Mac-Mahon s'est trompé de rô-
le ; et l'attitude qu'il a prise ne peut con-
venir à l'Assemblée, dont il devait attendre
les décisions avec plus de patience et de
respect.
Ce qui aggravera singulièrement aux yeux
dn pays l'acte du maréchal et de son mi-
nistère, c'est qu'il se produit au lendemain
et comme sous l'impression de deux élec-
tions partielles où les candidats républi-
cains, hommes d'opinions modérées, hom-
mes irréprochables, viennent .d'être nom-
més à des majorités énormes. Dans l'Aube
le général Saussier est élu par 42,000 voix
contre 17,000; dans la Seine-Inférieure, le
général Letellier-Velazé par 83,000 voix
contre 48,000. A la même heure, M. An-
dré Rousselle était élu conseiller général
dans un des cantons de Beauvais par 1,100
voix contre 600 données à un candidat
orléaniste de l'ordre moral. On peut le
dire en toute vérité, il n'est plus de scru-
tin où la France ne erie : République ! fin
du provisoire ! Jamais, depuis 89, le pays
ne s'est prononcé avec plus d'unanimité, plus
de passion, plus d'énergie; jamais ses vœux
n'ont éclaté avec plus deforce et d'évidence,
— et on lui répond : dictature, prorogation
sans garanties du régima contre lequel
il se débat depuis six mois ! La réponse
tombe mal. Peut-être l'on se méprendra
sur les intentions qui l'ont dictée, mais il
est vraiment difficile de ne pas la prendre
pour un défi. Joignez-y les réflexions plus
qu'étranges des journaux inspirés par le
ministère, du Français, par exemple, qui
déclare « qu'il faut aborder sans retard la
réforme électorale, au moins en ce qui
touche les élections partielles, » et vous
comprendrez Ge que deviendraient les
droits du pays si, par aventure, la politi-
que du Message d'hier triomphait. lout
était préparé, dit-on, non-seulement pour
enlever un vote de la Chambre dans la soi-
rée même, mais pour le sanctionner aussi-
tôt efficacement On a reculé. C'est au len-
demain, -que la délibération a été remise.
Nous voulons, nous devons encore avoir
confiance dans son issue ; il nous semble
impossible qu'après réflexions et de sang-
froid une Assemblée veuille non-seule-
ment abdiquer tous ses droits, mais assu-
mer une responsabilité assez redoutable
pour faire reculer les plus sceptiques et
les plus hardis. Bien manifestement la
France est d'un côté et son gouvernement
de l'autre ; c'est entre les deux que les
repiésentants légaux de la France doivent
décider.
On verra plus loin, au résumé des nou-
velles d'Espagne, que l'affaire de Cuba
s'aggrave, et que non-seulement l'Amé-
rique, mais l'Angleterre même, se dispose-
raient à intervenir. Il se trouvait seize An-
glais, parait-il, parmi les matelots fusil-
lés du Vîrginius. Les journaux anglais sont
donc remplis de menaces contre 1 Espagne.
A les entendre, les Etats-Unis et l'An-
gleterre ne songeraient qu'à venger à
Cuba la civilisation et l'humanité. Noble
entreprise 1 On regrette seulement que les
Etats-Unis et l'Angleterre ne se soient pas
avisés de venger ailleurs la civilisation
outragée. Ce ne sont pas les occasions qui
ont manqué. Dans la circonstance, cette
exécution de corsaires ne nous émeut que
médiocrement; nous nous demandons
même si le gouvernement espagnol a tel-
lement excédé ses droits? Mais l'Espagne
est faible, elle est malheureuse; et ce sont
deux raisons suffisantes pour que tous les
puissants du monde crient haro sur elles.
EUG. LIÉBERT.
«
MESSAGE t
DU
PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Versailles, le 17 novembre 1873.
Messieurs,
Au moment où va s'ouvrir la discussion
sur la prorogation de mes pouvoirs, je crois
qu'il est de mon devoir d'indiquer les ga-
ranties sans lesquelles il serait imprudent,
selon moi, d'accepter la tâche redoutable
de gouverner un grand pays. Les minis-
tres, conformément aux usages du régime
parlemeataire, expliqueront les actes du
gouvernement devant l'Assemblée, qui est
leur juge souverain.
Mais lorsque mon autorité est mise en
discussion et que ma responsabilité est
engagée, personne ne sera surpris que je
fasse moi-même connaître ma pensée.
La France, dont les vœux demandent
pour le gouvernement de la stabilité et
de la force, ne comprendrait pas une réso-
lution qui assignerait au président de la
République un pouvoir dont la durée et le
caractère seraient soumis dès son début à
des réserves et à des conditions suspen-
sives.
Renvoyer aux lois constitutionnelles,
soit le point de départ de la prorogation,
soit les effets définitifs du vote de l'Assem-
blée, ce serait dire à l'avance que dans
quelques jours on remettra en question ce
qui sera décidé aujourd'hui.
Je dois désirer, plus que tout autre, que
les lois constitutionnelles, nécessaires pour
déterminer les conditions d'exercice des
pouvoirs publics, soient discutées prochai-
nement, et l'Assemblée voudra certaine-
ment exécuter sans retard la résolution
qu'elle a déjà prise sur ce point; mais su-
bordonner la proposition qui est en dis-
cussion au vote des lois constitutionnelles,
ne serait-ce pas rendre incertain le pou-
voir que vous voulez créer et diminuer
son autorité?
Si je n'avais consulté que mes goûts, je
gérais pas parlé de la durée de mes pou-r
voirs. Toutefois, je cède aux désirs qu'un
grand nombre de membres de l'Assemblée
ont manifesté de connaître mon opinion
à ce sujet. Je comprends la pensée de ceux
qui, pour favoriser l'essor des grandes af-
faires, ont proposé de fixer la prorogation
à dix ans; mais, après avoir bien réflé-
chi, j'ai cru que le délai de sept ans répon-
drait suffisamment aux exigences de l'inté-
rêt général et serait plus en rapport avec
les forces que je puis encore consacrer
au pays.
Si l'Assemblée pense que dans la posi-
tion où elle m'a placé, je suis en mesure
de rendre encore quelques services, je dé-
Glare hautement que j'userai des pouvoirs
qui me seront confiés pour la défense des
idées conservatrices, car je suis convaincu
que la majorité de la France est attachée
à ces principes aussi fermement que la
majorité de la représentation nationale.
*Le président de la République.,
Maréchal de MAC-MAHON, Duc DE MAGENTA.
—————————
LA QUESTION DE DICTATURE
Si la France était en danger de mort,
soit par le fait d'une invasion étrangère,
soit par le soulèvement d'une partie de
la population ; si elle n'avait pas à choi-
sir entre dix ou vingt hommes dignes de
la conduire et capables de la sauver ; si
si M. le-maréchal de Mac-Mahon, seul
entre tous, réunissait dans sa. personne
les conditions qui désignent et imposent
un chef d'Etat à ses concitoyens ; s'il était
un génie militaire; s'il était un grand po-
litique ; s'il incarnait en lui les sentiments
et les idées de la majorité du pays, nous
dirions aux représentants de la France :
Dans l'extrémité formidable où vous êtes
et quelle que soit l'urgence du salut na-
tional, vous nous devez, messieurs,
vous vous devez à vous-mêmes de ga-
rantir les libertés publiques contre
les entraînements, les faiblesses, les
ambitions de cet indispensable sauveur.
N'eussiez-vous qu'un jour, n'eussiez-
vous qu'une heure, n'eussiez-vous que
cinq minutes de répit avant l'acte qui
doit livrer la patrie aux mains d'un
homme, votre devoir sacré est d'em-
ployer cette journée; cette heura, ces
minutes à prendre les sûretés de la
France par un contrat en bonne forme.
Mais le pays ne court aucun danger ;
le territoire n'est pas envahi; l'ordre rè-
gne dans les villes, et dans les campa-
gnes, le seul complot qui ait ému la
population depuis deux ans a pitoya-
blement avorte le 30 octobre. Les hom-
mes de gouvernement, les gens de cons-
cience, d honneur et de talent ne man-
quent ni dans votre Assemblée ni hors
de l'Assemblée.
M. de Mac-Mahon est un de ceux-là,
je l'accorde, mais il n'est pas le seul, il
n'est pas même le premier. C'est un
brave officier ce n'est pas un soldat de
génie. Il est nouveau dans la politique,
et il n'y a pas révélé des aptitudes hors
ligne dans une expérience de six mois.
Non-seulement il s'est tenu ou laissé
mettre en dehors des courants de l'o-
pinion publique, mais tous les actes
de son gouvernement, depuis le 24
mai jusqu'au message du 17 novembre,
ont été en contradiction formelle avec
les sentiments de la majorité des Fran-
çais ; au lendemain d'une élection où le
pays revendique énergiquement son
indépendance, il parle en homme qui
ne craindrait pas de gouverner sans la
masse des électeurs, et au besoin contre
elle.
Et nos législateurs ne prendraient
pas le temps de rédiger un pacte de ga-
rantie en faveur des libertés publiques
avant d'abandonner la France aux mains
de M. le maréchal de Mac-Mahon!
Et ces mêmes représentants du peuple
qui n'ont point osé restaurer la monar-
chie traditionnelle au profit de M. le
comte de Chambord, parce que l'honnête
bourgeois de Frohsdor ne faisait pas assez
bonne mesure aux vœux de la nation,
souscriraient aveuglément dès demain
la plus inconditionnelle des dictatures ?
Voilà ce que nous ne croirons jamais
sans l'avoir vu.
ABOUT.
# « -M ■■ ■ ■■
Nous hésitions à le croire, mais il
faut enfin se rendre à l'évidence ; les
lauriers de Louis XIV empêchent de
dormir le vainqueur. de Magenta. Le
grand roi était entré tout botté au parle-
ment, M. le maréchal de Mac-Mahon
vient d'apparaître sabre en main à l'As-
semblée nationale. Il n'y est point venu
en personne, il est vrai ; il a préféré s'y
faire représenter par un Message dont
M. le duc de Broglie a donné lecture.
La France lira cet ukase, et sans doute
elle se demandera ce qu'elle a fait pour
mériter si peu d'indulgence de la part
d'un homme dont elle honorait l'infor-
tune autant qu'elle avait admiré sa gloire.
On chercherait vainement dans notre
histoire parlementaire un fait analogue à
celui qui vient de se produire. Un projet
avait été présenté, le gouvernement s'y
était rallié, et une commission, après
l'avoir examiné, venait de déposer son
rapport. Le débat allait s'ouvrir, et voilà
que tout à coup le principal intéressé
prend la parole et signifie un ultimatum
$ses juges ! M. le maréchal entend qu'on
se rende à merci, sans réserves ni con-
ditions ! C'est ainsi qu'on parle à l'enne-
pi-quand on l'a battu; est-ce ainsi qu'on
devrait parler aux représentants de son
pays!
Dans quel temps vivons-nous donc ?
Nous avons vu tant de miracles depuis
six mois qu'il se pouvait bien faire que
les cœurs eussent émigré à droite et que
la terre eût cessé de tourner sans que
l'on s'en aperçût ; à coup sûr, ce n'est
que dans un monde renversé qu'il est
possible de voir intervertir les rôles à
ce point qu'aujourd'hui ce ne sont plus
les mandants, mais les mandataires, qui
exigent des garanties. « Je crois, dit M.
le maréchal, - qu'il est de mon devoir
d'indiquer les garanties sans lesquelles il
serait imprudent, selon moi, d'accepter
la tâche redoutable de gouverner un
grand pays. »
Bonaparte avait gagné vingt batailles,
Mondovi, Montenotte, Arcole, Rivoli, les
Pyramides, Aboukir, quand il revint
-d'Egypte à Paris pour jeter le Directoire
par les fenêtres et se faire nommer con-
sul pour dix ans, M. le maréchal de Mac-
Mahon revient de moins loin; il est vrai
qu'il se contente de sept ans de pouvoir;
mais ne lui parlez point de réserves, de
conditions suspensives ; M. le maréchal
n'a point le temps d'attendre; M. le ma-
réchal est pressé,
Jamais M. le comte de Chambord lui-
même, qui pourtant se croit le seul dé-
positaire du droit et de l'auterité légiti-
mes, n'a tenu un langage aussi impé-
rieux.
Ne parlez plus de lois constitution-
nelles ; cela était bon alors qu'il s'agis-
sait de faire prononcer l'urgence du
projet de loi ; mais aujourd'hui ?
M. le maréchal de Mac-Mahon n'a-t-il
donc pas assez vieilli dans la politique,
n'a-t-il point assez donné de gages de
son expérience dans la direction des af-
faires publiques, pour qu'on juge néces-
saire de lui demander des garanties ? Il
promet de ne se servir du pouvoir que
pour la défense des idées conservatrices;
c'est assez, et ceux-là sont de mauvais
citoyens qui tardent une minute à lui
confier les destinées de leur pays !
Voilà pourtant où nous en sommes
après les dures leçons que nous venons
de recevoir 1 Un homme a possédé la
France en toute propriété; il nous l'a
rendue comme l'on sait; un homme nous
la demande à son tour, et il se trouve-
rait dans la Chambre une majorité pour
la lui livrer ! Non, cela est impossible ;
cela ne sera pas ; au nom de notre di-
gnité, au nom de notre bonheur, au nom
de l'ordre et de la liberté, il ne faut pas
que cela soit. -
E. SCHNERB.
———————————— ————————————
COURRIER PARLEMENTAIRE
Versailles, il novembre 4813.
Où l'on va? personne ne pourrait le dire.
On sait que l'on va à Versailles, batailler, et
voilà tout. Batailler, et sur quoi? Personne
ne le sait exactement. Est-ce sur tel projet
ou sur tel autre? Les amendements se-
ront-ils développés ou retirés ? Aura-t-on
seulement une discussion ? — uns discus-
sion sérieuse, s'entend. Quelques grauds
chefs ont peut-être des plans arrêtés d'a-
vance ; mais les soldats vont au feu parle-
mentaire sans connaître la tactique qui
sera développée, comme y vont d'ordinaire
tous les soldats, ceux qui décident du sort
des batailles.
D'ailleurs à quoi bon, dans le parti ré-
publicain, des plans arrêtés d'avance?
Nous subissons le combat, et notre rôle
est la défensive : le mode de défense dé-
pend du mode d'attaque.
Et, en colonne serrée, on s'achemine
vers la cour du Maroc. Ac moment où M.
Thiers arrive à pied, escorté de quelques
amis, près de la grande porte d'entrée, tous
les curieux qui stationnent là, et en assez
geand nombre, se découvrent. Le fait est
minime, mais a bien son importance : nous
regrettons sincèrement que M. de BrQglie
et ses amis n'entendent pas les réflexions
qui s'échangent à voix basse au milieu de
cette foule admirablement respectueuse
dans son calme.
Dans l'Assemblée, toutes les tribunes
sont déjà garnies ; la loge diplomatique
regorge de représentants des puissances
étrangères ; la salle est noire de monde.
Allons, c'est encore une bataille, et une
vraie bataille! Les spectateurs sont tou-
jours des curieux ; mais que les acteurs
doivent être las de ces mêlées d'où il ne
sort jamais que la confusion !
C'est M. de Broglie qui entame l'astion.
A deux heures trois quarts, M. Buffet ou-
vra la séance en donnant la parole au
président du conseil. Premier étonnement.
M. le duc de Broglie apparaît, un papier
à la main. Illit, il lit un nouveau message.
L'étounement se change en stupéfaction.
Comme nous sentions bien que tout calcul
était -chimérique, puisqu'il ne fallait tabler
que sur l'incennu !
Pour tirer le premier coup de feu, le ca-
binet fait avancer la réserve, — et quelle
réserve ! A l'entrée en matière, au milieu
d'un grand silence, éclate cette phrase : « La
France ne comprendrait pas une résolu-
tion qui assignerait au président de la Répu-
blique un pouvoir dont la durée et le carac-
tère seraient, dès son début, soumis à des ré-
serves et à des conditions. » Et M. de
Broglie, tout glorieux de pouvoir mettre
sur le compte du maréchal de pareilles pa-
roles, les lance avec un gonflement super-
be. Un immense hurrah du côté gauche
répond à cette déclaration. Il est certain
qu'Henri V lui-même n'en a jamais plus
et même autant demandé.
Cette phrase, c'est l'étincelle électrique:
des traînées de rumeurs cqurent par la
salle ; à droite on applaudit, mais faible-
ment, et plusieurs gardent Je sjlejiçe j h
gauche, les plus calmes s épuisent en vain
à contenir les plus nerveux.
En somme, le Message est fait pour dé-
masquer la batterie de la dernière heure :
M. le maréchal demande sept ans de pou-
voir au lieu de dix.
Sept ans. Pourquoi sept ans? Au bout
de sept ans, les enfants ont, dit-on, l'âge
de raison ; considérerait-on la France
comme en edfauce? - Non; les sept ans
ont un but moins philosophique et plus
politique. A la suite d'une démarche de
M. Rouher auprès du maréchal, il aura
été décidé que, le parti de l'appel au
peuple repoussant le laps de dix ans, on
tenterait d'acquérir les voix bonapartistes
au prix d'une réduction.
Mais alors, le projet de la commission,
le projet Changarnier et tant d'autres, que
deviennent-ils? »
« En présence d'une communication
aussi importante qui vient nous surpren-
dre, je crois qu'il est convenable et néces-
saire que la commission ait le temps d'exa-
miner le Message. » C'est M. le rapporteur
qui parle ainsi; mais la droite n'entend
pas de cette oreille. Evidemment tout est
combiné d'avance dans le camp monar-
chiste; et, pendant que M. Buffet et M.
Beulé se concertent avec M. Vallette pour
rendre les dieux, c'est-à-dire le règlement
favorable, voilà M. Baragnon qui court
au bane des ministres pour prendre les
ordres.
C'est la mêlée complète, avec désarroi
général et tapage unanime. Nous finis-
sons par comprendre que M. Laboulaye
demande le renvoi à demain, et par e i-
tendre M. Baragaon imposer une simple
suspension d'audience. Messieurs de la
droite ont arfêté que tout se terminerait
ce soir.
Et les chinoiseries de la commission des
trente viennent compliquer lé débat. Il
paraît qu'on ne vient pas d'entendre la pa-
role du président de la République, parce
que cette parole est écrite ; du moins la
droite l'affirme, et elle est la majorité.
— Pouvez-vous fixer à une commission
le temps strict d'examiner un projet ? ha-
sarde encore M. le rapporteur.
- Oui 1 oui ! répond la droite.
Ea présence d'un tel parti pris et d'or-
dres aussi péremptoires, il nous semble
que la majorité de la commission (les huit)
ne manquerait nullement à sa dignité en
donnant sa démission.
— Une heure de suspension ! propose
M. Baraernon.
— Cinq minutes ! crie-t-on à gauche.
L'ironie fait réfléchir à droite, et
l'heure de suspension de M. Baragnon
paraît raide aux droitiers les moins
conciliants d'ordinaire. Il en est qui son-
gent encore que c'est rabaisser l'Assemblée
que de mettre si bas une commission, l'éma-
nation de tous. Et vivement l'on propose la
reprise de la séance à cinq heures, c'est à dire
une heure trois quarts de suspension. Il
paraît que c'est voté sans conteste, M. Buf-
fet l'affirme. Pour nous qui dominons bien
la salle, il est clair que toutes les gau-
ches réunies viennent de voter, comme
un seul homme, contre la droite, de la-
quelle s'est détaché le parti bonapartiste qui
s'est abstenu, en grande partie. d. Raoul
Duval a également voté contre ses anciens
amis. Notre vue n'est pas mauvaise, mais
elle est moins bonne paraît-il, que celle
de M. Buffet, puisque nous n'avons pas
encore embrassé tout ce qu'il a saisi d'un
si rapide coup d'œil.
l
SUSPENSION.
Nous serons bref sur cette partie de la
journée, d'autant plus bref que la séance
de nuit est là, menaçante, avec ses lon-
gueurs, ses fièvres, ses fureurs ; nous
sentons qu'il faut nous contenter, de sim-
ples notes. Comme les voyageurs qui ne
savent quelle distance les sépare encore du
terme de leur voyage, nous devenons mé-
nager de notre temps et de nos forces.
Tant mieux si, inopinément, nous débou-
chons en face du but.
Les trois groupes républicains se sont
réunis pendant la suspension ; leurs réso-
lutions sont à peu près identiques. Ils de-
mandent à la majorité de la com-
mission de retirer son projet et par con-
séquent les concessions du rapport, de
revenir sur le terrain des principes et de
laisser à chacun la responsabilité de voter
un gouvernement qui n'est autre chose
qu'une dictature. C'est la seule conduite à
tenir en pareille occurrence ; il faut qu'il
soit bien établi que la force prime le.
reste.
De la commission, on n'a aucune nou-
velle; elle est enfermée et rien ne trans-
pire de ses décisions.
Et les prévisions sur le vote final vont
leur train : quelques rares légitimistes
s'abstiendront et aussi une bonne partie
du groupe de l'appel au peuple, qui n'ad-
met pas plus de trois ans de prorogation.
Telles 'sont les conjectures. Le cabinet l'em-
portera, peut-être ; mais quelle triste vic-
toire ! Ce cabinet s'enterre sous les succès.
On nous affirme que dès demain M. de
Goulard sera chargé de composer un nou-
veau cabinet.
; - REPRISE. -
Cinq heures un quart : rentrée du bu-
raau de l'Assemblée.
Cinq heures et demie : les membres de
la commission commencent à poindre.
Et cependant on ne commence pas. Les
huissiers distribuent un imprimé sur le-
quel tout le monde se précipite. C'est le
Message. Pas un troisième ? Non, le se-
cond. Il est certain qu'une nouvelle lecture
à tête reposée n'est pas superflue ; mieux
vaut encore lire entre les ligues, que de
paraphraser des intonations. Et M. de Bro-
oglie n'est pas ministre à prendre le ton
conciliant !
Cependant M. le rapporteur est à la tri-
bune :
« Une deuxième lecture du Message a
modifié les idées de la commission, d'au-
tant plus qu'une phrase, qui 1 a iU'O{.l_':t
une grande émotion, a été mpi ntendne.
La commission a peu-r-ât qu'il fallait enten-
dre le c llS il ,.1- J qu'il fallait enten-
~des ministres, les ministres
se mettent à la disposition de la commis-
sion ; en conséquence, nous demandons le
renvoi à demain de la discussion. »
Et d'emblée, sans opposition de la droi1
te, le renvoi à demain est voté. Nous
disions bien, dès le début, que toute con-
jecture n'était que chimère.
Qui aurait pu s'attendre à une semblable
fin après un pareil commencement ? Touli
à l'heure, la droite ameutée donnait une
heure à M. le rapporteur$our comparaître
à la barre de l'Assemblée, et maintenant
la voilà qui, sans un murmure, accepte
un retard de vingt-quatre heures 1 En
outre, nous savions pertinemment qua
l'affaire devait être enlevée dans la soirée
même ; le programme était arrêté. Qui a.
pu le faire modifier à ce point ? Le cabi-
net, évidemment, car il est clair que la
droite, agissant avec ensemble, obéit à un
mot d'ordre.
Mais pour quel motif a-t-on modifié le
programme ?. A-t-on craint l'abstention..
des bonapartistes ? A-t-oii reculé devant
la froideur non dissimulée avec laquelle
certains légitimistes ont accueilli ce Mes-
sage à effet ? A-t-on pu se leurrer de l'ac-
quiescement tardif de quelques membres
du centre gauche ? Et. poursuivre, dans
l'un ou l'autre cas, la réalisation du rêve
du maréchal, le groupement d'une majo"
rité décente? ,
Le champ des hypothèses est trop vaste
pour que nous engagions le lecteur à y errer
aveG nous.Nous neconstateronsquelefaitac"
quis: ce qui devait être fait le mercredi 5 no-
vembre est encore à faire le lundi 17.
Et maintenant aa met à'e:xplieat.i-on à
propos des paroles de M. le rapporteur. Une
phrase, qui a produit une grande émotion,
a été mal entendue, a-t-il dit. Cette phrase,
c'est celle que nous avons citée plus hauti
et que nous résumons : « Le pays ne com-
prendrait pas un pouvoir qui serait, dès
son début, soumis à des réserves et à des
conditions. »
Or, pendant la suspension, M. d'Har-
court, secrétaire de la présidence, erraitpar
les couloirs, tenant en main le manuscrit
même du Message, et sur ce manuscrit la
phrase se terminait ainsi : « soumis à
des réserves et à des conditions suspensif
ves. » Seulement, comme il faut dire toute
la vérité, le qualificatif suspensives était
ajouté à la ligne, avec un renvoi.
1 Puisqu'il y est, nous ne doutons pas qu'il
n'y ait été. M. le duc de Broglie a-t-il ou-
blié de le lire ou bien l'a-t-il laissé perdre
dans le tumulte qu'a suscité le commence-
ment ae ia piirase j. Tout ce que nous
pouvons affirmer, c'est que nous et bien
d'autres, qui ne nous considérons pas encore
comme atteints de surdité, nous ne l'avons
pas entendu. Même en mettant les choses
au mieux, il faut avouer que, pour un. aca-
démicien qui doit connaître la valeur des
virgules, M. le duc de Broglie a parfois
une étrange manière de laisser tomber sa
phrase. Serait-ce pour rattraper un porto.
feuille ?
PAUL- LAFARGUE.
-
Pendant la suspension de la séance, les
couloirs de l'Assemblée présentent un as-
pect étonnant. Partout des conciliabules.
On se parle bas. Pendant un moment,
c'est sinistre. La pression exercée sur la
commission effraie ceux-là mêmes qui en
ont été les partisans les plus ardents en
séance publique.
Les représentants de la droite réfféchis-
sest et comprennent qu'on a peut-être vou-
lu les mener trop loin et les faire aller trop
vite en besogne. Les membres du centre
gauche sont très-irrités du message. Ifs
parlent d'insulte faite à l'Assemblée par le
gouvernement ; leur irritation est extrême.
M. de Goulard, dans un groupe, ne peut
s'empêcher de trouver le message insolite
Le mot est authentique.
M. d'Harcourt, qui a passé toute la jour-
née au palais de l'Assemblée, comprend
qu'on est peut-être allé un peu loin et il
essaie d'atténuer l'effet produit par la lec-
ture du Message.
- Lisez entre les lignes, dit à tout le
monde le chef du cabinet de M. de' Mac-
Mac-Mahon; il n'est pas question de dic-
tature, le maréchal est plein de déférence
pour l'Assemblée, il expose simplement
ses idées.
Et il va de groupe en groupe, montrant
le message, dont il a une copie dans sa
poche, le commentant, expliquant sa véri-
table portée, prêt, si on le veut, à faire des
excuses au nom du président de la Répu-
blique.
La commission est réunie pendant ce
temps; nous donnons ailleurs le compte-
rendu de sa séance. Les membres de la
majorité de la commission se sont mon-
trés très-irrités des procédés de la droite,
qui voulait leur imposer un délai pour
l'examen de la nouvelle proposition gou.
vernementale.
On a même fait courir le bruit que ces
honorables représentants auraient donné
leur démission de membres de la commis-
sion, et que les bureaux pourraient êtra
appelés immédiatement à pourvoir à leur
remplacement. Il n'en a rien été.
La gauche républicaine et l'Union répu-
blicaine se sont réunies immédiatement
après la suspension de la séance et ont
décidé à l'unanimité que les membres de
la majorité de la commission seraient in-
vités à rester à leur poste, mais qu'en
présence de l'attitude prise par le gouver-
vernement le terrain de la conciliation
devait être abandonné et qu'il s'agissait à
présent de résister à la dictature.
Le centre gauche s'est réuni également
et a décidé comme la gauche que les com"
missaires ne devaient pas se désister et
qu'il importait de maintenir le projet de
loi Casimir Périer comme protestation
contre le message présidentiel.
Avant la reprise de la séance, on fait
courir toutes sortes de bruits. L'attitude
de M. Raoul Duval, qui toute cette jour-
née a voté avec la gauche, est fort remar-
quée.
Il es$probable qu'une question sera adres-
8au ministère pour lui demander s'il ac-
cepte les termes du message ou si c'est
l'œuvre personnelle au maréchal.
L'agitatioa est extrême toute la journée.
Il n'y a aucun échange de paroles entre
les membres de la droite et ceux de la
Pla ©A N UMBRO : PARIS 15 CmmMBI" - DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Mercredi 49 Novembre 4873.
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JOURNAL REPUBLICAIN CONSERVATEUR
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ELECTIONS DU 16 NOVEMBRE
Seine-Inférieure.
Résultat définitif :
Letellier-Valazé. 83.099 élu.
Desgénétais 48.296
Aube.
Résultat complet, moins deux petites
oommunes :
Saussier 42.027
Argence 17.803
AUBE
Inscrits. 77,521
V6tants. 61,453
Voix perdues. 2,343
Résultats par cantons et par arrondissements
SAUSSIER ARGENCE
Troyes (ville). 5.233 1.606
- 1er canton. 597 209
- 2e canton. 844 437
- 3e canton. 582 309
Pirsey « 983 570
Lusigny. U 1.. 085 501
Bouilly. 1-290 896
Estissac 1.212 &93
Ervy. 1.855 741
Aix-en-Othe. 1.995 477
--- ---
Total de l'arrondissement. 15.676 6.339
IVogent-sur-îSeliie. 1.823 470
Mareilly-sur-Hayes. 1.177 746
Vlllenauxe. 837 280
Romilly. 1.716 771
--- ---
Total de l'arrondissement. 5.553 2.267
Arcis-sur-Aube. 1.197 1.275
Mérv 2.006 728
Ramerupt 1-509 542
Chavanges. 978 363
Total de l'arrondissement. 5.690 2.908
: Bar-sur-Aube. 2.739 937
Brienne. 2.071 653
Soulaines. 657 134
VandœllVr9. 1. 396 541
Total de l'arrondissement.. 6.863 2..331
Bar-sur-seine. 2.163 887
Chaource 1 • 9 8 1.042
Rieeys. 1.150 285
Esoyes 1.807 881
Mus$Y. 1.034 436
Total de l'arrondissement.. 7.952 3.531
TOTAL GÉNÉRAL. 41.734 17.376
Manquent deux petites communes : Planty
et Fontaine-les-Grès.
En 1869, dans la seule circonscription
de Troyes, qui comprend environ la moitié
du département, M. Argence avait eu
20,000 voix sur 39,000 votants.
SEINE-INFERIEURE
Cantons VALAZÉ DESGENÉTAIS
Rouen.. 10.642 3.800
• Le Ha™ 9 311 2. 508
Yerville 906 1.044
Gournay 1 • 548 302
Doude ville 934 1.279
Valmont. 935 1.778
Pavilly 1.. 827 891
Leurdinières 825 732
j3uchy 1.081 418
Criquetot 866 1.370
Argueil. j-101 245
Montivilliers 1.336 1.050
Roos ï » 1.690 978
Elbeu 6.646 1.427
Dieppe 2.187 909
Tôtes. 1-393 1.012
Bellencombre 721 696
"riati7V * * É * « « • « » - 1 « boy 973
Bacqueville. 1.204 1.857
Saint-Sens 889 787
Neufchâtel. 1.494 798
Saint-Romain 878 1 • 150
Fauville 564 1.849
Offranville • • • • 1 ■ 001 954
Caudebec 1 -209 772
Fécamp. 1.990 1.155
S&mt-VaIery. 1.182.. 1.277
Fontaine-le-Don. 692 1. 223
Clèrei. 1.559 965
Duclair. 1.566 668
C,rand-Couronne 4.167 746
Yvetot. L 341 L 290
Bolbec i. 923 1.816
Aumale. 795 585
LiUebonne. 1.163 4.037
Forges 1.590 441
821 703
Eu.? 1.393 ,1.282
Oarvilie • ][60 J'am
-Ellvermeu H. 1. 601 1. 051
JOURNÉE POLITIQUE
Deux fois en moins de quinze jours M.
le président de la République a trouvé
moyen de stupéfier le pays. Le Message
que M. le duc de Broglie est venu lire
hier à la tribune est. bien l'expression de
la pensée personnelle de M. le maréchal
de Mac-Mahon, il n'y a plus moyen d'y
contredire, et malheureusement il dé-
passe tout ce que pouvaient imaginer les
plus chauds partisans ou les. plus défiants
adversaires de M. le président de la Ré-
publique. C'est sans conditions ni réserves
qu'une dictature de sept ans y est récla-
mée- M. de Mac-Mahon parle plus roya-
lement que Henri V. Quant aux conve-
nances parlementaires, quant à ce respect
de sse montre 21 feUwise, qu'en pourrions-mous
~T-i t r, autorisaient M. le
dire? et quels précdàS'» autorisent M. le
président de la République a f 9 jeter ainsi
à la traverse des débats réguliers qui au&ieiîv
s'ouvrir? Quoi ! c'est au moment même où
lad élibéi a Lion commence qu'il condamne im-
périeusement dans un message les opinions,
les conclusions, le rapport de la tmmissiGn
chargée par la Chambre d'examiner s'il
faut ou non proroger ses pouvoirs ! Le ma-
réchal de Mac-Mahon s'est trompé de rô-
le ; et l'attitude qu'il a prise ne peut con-
venir à l'Assemblée, dont il devait attendre
les décisions avec plus de patience et de
respect.
Ce qui aggravera singulièrement aux yeux
dn pays l'acte du maréchal et de son mi-
nistère, c'est qu'il se produit au lendemain
et comme sous l'impression de deux élec-
tions partielles où les candidats républi-
cains, hommes d'opinions modérées, hom-
mes irréprochables, viennent .d'être nom-
més à des majorités énormes. Dans l'Aube
le général Saussier est élu par 42,000 voix
contre 17,000; dans la Seine-Inférieure, le
général Letellier-Velazé par 83,000 voix
contre 48,000. A la même heure, M. An-
dré Rousselle était élu conseiller général
dans un des cantons de Beauvais par 1,100
voix contre 600 données à un candidat
orléaniste de l'ordre moral. On peut le
dire en toute vérité, il n'est plus de scru-
tin où la France ne erie : République ! fin
du provisoire ! Jamais, depuis 89, le pays
ne s'est prononcé avec plus d'unanimité, plus
de passion, plus d'énergie; jamais ses vœux
n'ont éclaté avec plus deforce et d'évidence,
— et on lui répond : dictature, prorogation
sans garanties du régima contre lequel
il se débat depuis six mois ! La réponse
tombe mal. Peut-être l'on se méprendra
sur les intentions qui l'ont dictée, mais il
est vraiment difficile de ne pas la prendre
pour un défi. Joignez-y les réflexions plus
qu'étranges des journaux inspirés par le
ministère, du Français, par exemple, qui
déclare « qu'il faut aborder sans retard la
réforme électorale, au moins en ce qui
touche les élections partielles, » et vous
comprendrez Ge que deviendraient les
droits du pays si, par aventure, la politi-
que du Message d'hier triomphait. lout
était préparé, dit-on, non-seulement pour
enlever un vote de la Chambre dans la soi-
rée même, mais pour le sanctionner aussi-
tôt efficacement On a reculé. C'est au len-
demain, -que la délibération a été remise.
Nous voulons, nous devons encore avoir
confiance dans son issue ; il nous semble
impossible qu'après réflexions et de sang-
froid une Assemblée veuille non-seule-
ment abdiquer tous ses droits, mais assu-
mer une responsabilité assez redoutable
pour faire reculer les plus sceptiques et
les plus hardis. Bien manifestement la
France est d'un côté et son gouvernement
de l'autre ; c'est entre les deux que les
repiésentants légaux de la France doivent
décider.
On verra plus loin, au résumé des nou-
velles d'Espagne, que l'affaire de Cuba
s'aggrave, et que non-seulement l'Amé-
rique, mais l'Angleterre même, se dispose-
raient à intervenir. Il se trouvait seize An-
glais, parait-il, parmi les matelots fusil-
lés du Vîrginius. Les journaux anglais sont
donc remplis de menaces contre 1 Espagne.
A les entendre, les Etats-Unis et l'An-
gleterre ne songeraient qu'à venger à
Cuba la civilisation et l'humanité. Noble
entreprise 1 On regrette seulement que les
Etats-Unis et l'Angleterre ne se soient pas
avisés de venger ailleurs la civilisation
outragée. Ce ne sont pas les occasions qui
ont manqué. Dans la circonstance, cette
exécution de corsaires ne nous émeut que
médiocrement; nous nous demandons
même si le gouvernement espagnol a tel-
lement excédé ses droits? Mais l'Espagne
est faible, elle est malheureuse; et ce sont
deux raisons suffisantes pour que tous les
puissants du monde crient haro sur elles.
EUG. LIÉBERT.
«
MESSAGE t
DU
PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Versailles, le 17 novembre 1873.
Messieurs,
Au moment où va s'ouvrir la discussion
sur la prorogation de mes pouvoirs, je crois
qu'il est de mon devoir d'indiquer les ga-
ranties sans lesquelles il serait imprudent,
selon moi, d'accepter la tâche redoutable
de gouverner un grand pays. Les minis-
tres, conformément aux usages du régime
parlemeataire, expliqueront les actes du
gouvernement devant l'Assemblée, qui est
leur juge souverain.
Mais lorsque mon autorité est mise en
discussion et que ma responsabilité est
engagée, personne ne sera surpris que je
fasse moi-même connaître ma pensée.
La France, dont les vœux demandent
pour le gouvernement de la stabilité et
de la force, ne comprendrait pas une réso-
lution qui assignerait au président de la
République un pouvoir dont la durée et le
caractère seraient soumis dès son début à
des réserves et à des conditions suspen-
sives.
Renvoyer aux lois constitutionnelles,
soit le point de départ de la prorogation,
soit les effets définitifs du vote de l'Assem-
blée, ce serait dire à l'avance que dans
quelques jours on remettra en question ce
qui sera décidé aujourd'hui.
Je dois désirer, plus que tout autre, que
les lois constitutionnelles, nécessaires pour
déterminer les conditions d'exercice des
pouvoirs publics, soient discutées prochai-
nement, et l'Assemblée voudra certaine-
ment exécuter sans retard la résolution
qu'elle a déjà prise sur ce point; mais su-
bordonner la proposition qui est en dis-
cussion au vote des lois constitutionnelles,
ne serait-ce pas rendre incertain le pou-
voir que vous voulez créer et diminuer
son autorité?
Si je n'avais consulté que mes goûts, je
gérais pas parlé de la durée de mes pou-r
voirs. Toutefois, je cède aux désirs qu'un
grand nombre de membres de l'Assemblée
ont manifesté de connaître mon opinion
à ce sujet. Je comprends la pensée de ceux
qui, pour favoriser l'essor des grandes af-
faires, ont proposé de fixer la prorogation
à dix ans; mais, après avoir bien réflé-
chi, j'ai cru que le délai de sept ans répon-
drait suffisamment aux exigences de l'inté-
rêt général et serait plus en rapport avec
les forces que je puis encore consacrer
au pays.
Si l'Assemblée pense que dans la posi-
tion où elle m'a placé, je suis en mesure
de rendre encore quelques services, je dé-
Glare hautement que j'userai des pouvoirs
qui me seront confiés pour la défense des
idées conservatrices, car je suis convaincu
que la majorité de la France est attachée
à ces principes aussi fermement que la
majorité de la représentation nationale.
*Le président de la République.,
Maréchal de MAC-MAHON, Duc DE MAGENTA.
—————————
LA QUESTION DE DICTATURE
Si la France était en danger de mort,
soit par le fait d'une invasion étrangère,
soit par le soulèvement d'une partie de
la population ; si elle n'avait pas à choi-
sir entre dix ou vingt hommes dignes de
la conduire et capables de la sauver ; si
si M. le-maréchal de Mac-Mahon, seul
entre tous, réunissait dans sa. personne
les conditions qui désignent et imposent
un chef d'Etat à ses concitoyens ; s'il était
un génie militaire; s'il était un grand po-
litique ; s'il incarnait en lui les sentiments
et les idées de la majorité du pays, nous
dirions aux représentants de la France :
Dans l'extrémité formidable où vous êtes
et quelle que soit l'urgence du salut na-
tional, vous nous devez, messieurs,
vous vous devez à vous-mêmes de ga-
rantir les libertés publiques contre
les entraînements, les faiblesses, les
ambitions de cet indispensable sauveur.
N'eussiez-vous qu'un jour, n'eussiez-
vous qu'une heure, n'eussiez-vous que
cinq minutes de répit avant l'acte qui
doit livrer la patrie aux mains d'un
homme, votre devoir sacré est d'em-
ployer cette journée; cette heura, ces
minutes à prendre les sûretés de la
France par un contrat en bonne forme.
Mais le pays ne court aucun danger ;
le territoire n'est pas envahi; l'ordre rè-
gne dans les villes, et dans les campa-
gnes, le seul complot qui ait ému la
population depuis deux ans a pitoya-
blement avorte le 30 octobre. Les hom-
mes de gouvernement, les gens de cons-
cience, d honneur et de talent ne man-
quent ni dans votre Assemblée ni hors
de l'Assemblée.
M. de Mac-Mahon est un de ceux-là,
je l'accorde, mais il n'est pas le seul, il
n'est pas même le premier. C'est un
brave officier ce n'est pas un soldat de
génie. Il est nouveau dans la politique,
et il n'y a pas révélé des aptitudes hors
ligne dans une expérience de six mois.
Non-seulement il s'est tenu ou laissé
mettre en dehors des courants de l'o-
pinion publique, mais tous les actes
de son gouvernement, depuis le 24
mai jusqu'au message du 17 novembre,
ont été en contradiction formelle avec
les sentiments de la majorité des Fran-
çais ; au lendemain d'une élection où le
pays revendique énergiquement son
indépendance, il parle en homme qui
ne craindrait pas de gouverner sans la
masse des électeurs, et au besoin contre
elle.
Et nos législateurs ne prendraient
pas le temps de rédiger un pacte de ga-
rantie en faveur des libertés publiques
avant d'abandonner la France aux mains
de M. le maréchal de Mac-Mahon!
Et ces mêmes représentants du peuple
qui n'ont point osé restaurer la monar-
chie traditionnelle au profit de M. le
comte de Chambord, parce que l'honnête
bourgeois de Frohsdor ne faisait pas assez
bonne mesure aux vœux de la nation,
souscriraient aveuglément dès demain
la plus inconditionnelle des dictatures ?
Voilà ce que nous ne croirons jamais
sans l'avoir vu.
ABOUT.
# « -M ■■ ■ ■■
Nous hésitions à le croire, mais il
faut enfin se rendre à l'évidence ; les
lauriers de Louis XIV empêchent de
dormir le vainqueur. de Magenta. Le
grand roi était entré tout botté au parle-
ment, M. le maréchal de Mac-Mahon
vient d'apparaître sabre en main à l'As-
semblée nationale. Il n'y est point venu
en personne, il est vrai ; il a préféré s'y
faire représenter par un Message dont
M. le duc de Broglie a donné lecture.
La France lira cet ukase, et sans doute
elle se demandera ce qu'elle a fait pour
mériter si peu d'indulgence de la part
d'un homme dont elle honorait l'infor-
tune autant qu'elle avait admiré sa gloire.
On chercherait vainement dans notre
histoire parlementaire un fait analogue à
celui qui vient de se produire. Un projet
avait été présenté, le gouvernement s'y
était rallié, et une commission, après
l'avoir examiné, venait de déposer son
rapport. Le débat allait s'ouvrir, et voilà
que tout à coup le principal intéressé
prend la parole et signifie un ultimatum
$ses juges ! M. le maréchal entend qu'on
se rende à merci, sans réserves ni con-
ditions ! C'est ainsi qu'on parle à l'enne-
pi-quand on l'a battu; est-ce ainsi qu'on
devrait parler aux représentants de son
pays!
Dans quel temps vivons-nous donc ?
Nous avons vu tant de miracles depuis
six mois qu'il se pouvait bien faire que
les cœurs eussent émigré à droite et que
la terre eût cessé de tourner sans que
l'on s'en aperçût ; à coup sûr, ce n'est
que dans un monde renversé qu'il est
possible de voir intervertir les rôles à
ce point qu'aujourd'hui ce ne sont plus
les mandants, mais les mandataires, qui
exigent des garanties. « Je crois, dit M.
le maréchal, - qu'il est de mon devoir
d'indiquer les garanties sans lesquelles il
serait imprudent, selon moi, d'accepter
la tâche redoutable de gouverner un
grand pays. »
Bonaparte avait gagné vingt batailles,
Mondovi, Montenotte, Arcole, Rivoli, les
Pyramides, Aboukir, quand il revint
-d'Egypte à Paris pour jeter le Directoire
par les fenêtres et se faire nommer con-
sul pour dix ans, M. le maréchal de Mac-
Mahon revient de moins loin; il est vrai
qu'il se contente de sept ans de pouvoir;
mais ne lui parlez point de réserves, de
conditions suspensives ; M. le maréchal
n'a point le temps d'attendre; M. le ma-
réchal est pressé,
Jamais M. le comte de Chambord lui-
même, qui pourtant se croit le seul dé-
positaire du droit et de l'auterité légiti-
mes, n'a tenu un langage aussi impé-
rieux.
Ne parlez plus de lois constitution-
nelles ; cela était bon alors qu'il s'agis-
sait de faire prononcer l'urgence du
projet de loi ; mais aujourd'hui ?
M. le maréchal de Mac-Mahon n'a-t-il
donc pas assez vieilli dans la politique,
n'a-t-il point assez donné de gages de
son expérience dans la direction des af-
faires publiques, pour qu'on juge néces-
saire de lui demander des garanties ? Il
promet de ne se servir du pouvoir que
pour la défense des idées conservatrices;
c'est assez, et ceux-là sont de mauvais
citoyens qui tardent une minute à lui
confier les destinées de leur pays !
Voilà pourtant où nous en sommes
après les dures leçons que nous venons
de recevoir 1 Un homme a possédé la
France en toute propriété; il nous l'a
rendue comme l'on sait; un homme nous
la demande à son tour, et il se trouve-
rait dans la Chambre une majorité pour
la lui livrer ! Non, cela est impossible ;
cela ne sera pas ; au nom de notre di-
gnité, au nom de notre bonheur, au nom
de l'ordre et de la liberté, il ne faut pas
que cela soit. -
E. SCHNERB.
———————————— ————————————
COURRIER PARLEMENTAIRE
Versailles, il novembre 4813.
Où l'on va? personne ne pourrait le dire.
On sait que l'on va à Versailles, batailler, et
voilà tout. Batailler, et sur quoi? Personne
ne le sait exactement. Est-ce sur tel projet
ou sur tel autre? Les amendements se-
ront-ils développés ou retirés ? Aura-t-on
seulement une discussion ? — uns discus-
sion sérieuse, s'entend. Quelques grauds
chefs ont peut-être des plans arrêtés d'a-
vance ; mais les soldats vont au feu parle-
mentaire sans connaître la tactique qui
sera développée, comme y vont d'ordinaire
tous les soldats, ceux qui décident du sort
des batailles.
D'ailleurs à quoi bon, dans le parti ré-
publicain, des plans arrêtés d'avance?
Nous subissons le combat, et notre rôle
est la défensive : le mode de défense dé-
pend du mode d'attaque.
Et, en colonne serrée, on s'achemine
vers la cour du Maroc. Ac moment où M.
Thiers arrive à pied, escorté de quelques
amis, près de la grande porte d'entrée, tous
les curieux qui stationnent là, et en assez
geand nombre, se découvrent. Le fait est
minime, mais a bien son importance : nous
regrettons sincèrement que M. de BrQglie
et ses amis n'entendent pas les réflexions
qui s'échangent à voix basse au milieu de
cette foule admirablement respectueuse
dans son calme.
Dans l'Assemblée, toutes les tribunes
sont déjà garnies ; la loge diplomatique
regorge de représentants des puissances
étrangères ; la salle est noire de monde.
Allons, c'est encore une bataille, et une
vraie bataille! Les spectateurs sont tou-
jours des curieux ; mais que les acteurs
doivent être las de ces mêlées d'où il ne
sort jamais que la confusion !
C'est M. de Broglie qui entame l'astion.
A deux heures trois quarts, M. Buffet ou-
vra la séance en donnant la parole au
président du conseil. Premier étonnement.
M. le duc de Broglie apparaît, un papier
à la main. Illit, il lit un nouveau message.
L'étounement se change en stupéfaction.
Comme nous sentions bien que tout calcul
était -chimérique, puisqu'il ne fallait tabler
que sur l'incennu !
Pour tirer le premier coup de feu, le ca-
binet fait avancer la réserve, — et quelle
réserve ! A l'entrée en matière, au milieu
d'un grand silence, éclate cette phrase : « La
France ne comprendrait pas une résolu-
tion qui assignerait au président de la Répu-
blique un pouvoir dont la durée et le carac-
tère seraient, dès son début, soumis à des ré-
serves et à des conditions. » Et M. de
Broglie, tout glorieux de pouvoir mettre
sur le compte du maréchal de pareilles pa-
roles, les lance avec un gonflement super-
be. Un immense hurrah du côté gauche
répond à cette déclaration. Il est certain
qu'Henri V lui-même n'en a jamais plus
et même autant demandé.
Cette phrase, c'est l'étincelle électrique:
des traînées de rumeurs cqurent par la
salle ; à droite on applaudit, mais faible-
ment, et plusieurs gardent Je sjlejiçe j h
gauche, les plus calmes s épuisent en vain
à contenir les plus nerveux.
En somme, le Message est fait pour dé-
masquer la batterie de la dernière heure :
M. le maréchal demande sept ans de pou-
voir au lieu de dix.
Sept ans. Pourquoi sept ans? Au bout
de sept ans, les enfants ont, dit-on, l'âge
de raison ; considérerait-on la France
comme en edfauce? - Non; les sept ans
ont un but moins philosophique et plus
politique. A la suite d'une démarche de
M. Rouher auprès du maréchal, il aura
été décidé que, le parti de l'appel au
peuple repoussant le laps de dix ans, on
tenterait d'acquérir les voix bonapartistes
au prix d'une réduction.
Mais alors, le projet de la commission,
le projet Changarnier et tant d'autres, que
deviennent-ils? »
« En présence d'une communication
aussi importante qui vient nous surpren-
dre, je crois qu'il est convenable et néces-
saire que la commission ait le temps d'exa-
miner le Message. » C'est M. le rapporteur
qui parle ainsi; mais la droite n'entend
pas de cette oreille. Evidemment tout est
combiné d'avance dans le camp monar-
chiste; et, pendant que M. Buffet et M.
Beulé se concertent avec M. Vallette pour
rendre les dieux, c'est-à-dire le règlement
favorable, voilà M. Baragnon qui court
au bane des ministres pour prendre les
ordres.
C'est la mêlée complète, avec désarroi
général et tapage unanime. Nous finis-
sons par comprendre que M. Laboulaye
demande le renvoi à demain, et par e i-
tendre M. Baragaon imposer une simple
suspension d'audience. Messieurs de la
droite ont arfêté que tout se terminerait
ce soir.
Et les chinoiseries de la commission des
trente viennent compliquer lé débat. Il
paraît qu'on ne vient pas d'entendre la pa-
role du président de la République, parce
que cette parole est écrite ; du moins la
droite l'affirme, et elle est la majorité.
— Pouvez-vous fixer à une commission
le temps strict d'examiner un projet ? ha-
sarde encore M. le rapporteur.
- Oui 1 oui ! répond la droite.
Ea présence d'un tel parti pris et d'or-
dres aussi péremptoires, il nous semble
que la majorité de la commission (les huit)
ne manquerait nullement à sa dignité en
donnant sa démission.
— Une heure de suspension ! propose
M. Baraernon.
— Cinq minutes ! crie-t-on à gauche.
L'ironie fait réfléchir à droite, et
l'heure de suspension de M. Baragnon
paraît raide aux droitiers les moins
conciliants d'ordinaire. Il en est qui son-
gent encore que c'est rabaisser l'Assemblée
que de mettre si bas une commission, l'éma-
nation de tous. Et vivement l'on propose la
reprise de la séance à cinq heures, c'est à dire
une heure trois quarts de suspension. Il
paraît que c'est voté sans conteste, M. Buf-
fet l'affirme. Pour nous qui dominons bien
la salle, il est clair que toutes les gau-
ches réunies viennent de voter, comme
un seul homme, contre la droite, de la-
quelle s'est détaché le parti bonapartiste qui
s'est abstenu, en grande partie. d. Raoul
Duval a également voté contre ses anciens
amis. Notre vue n'est pas mauvaise, mais
elle est moins bonne paraît-il, que celle
de M. Buffet, puisque nous n'avons pas
encore embrassé tout ce qu'il a saisi d'un
si rapide coup d'œil.
l
SUSPENSION.
Nous serons bref sur cette partie de la
journée, d'autant plus bref que la séance
de nuit est là, menaçante, avec ses lon-
gueurs, ses fièvres, ses fureurs ; nous
sentons qu'il faut nous contenter, de sim-
ples notes. Comme les voyageurs qui ne
savent quelle distance les sépare encore du
terme de leur voyage, nous devenons mé-
nager de notre temps et de nos forces.
Tant mieux si, inopinément, nous débou-
chons en face du but.
Les trois groupes républicains se sont
réunis pendant la suspension ; leurs réso-
lutions sont à peu près identiques. Ils de-
mandent à la majorité de la com-
mission de retirer son projet et par con-
séquent les concessions du rapport, de
revenir sur le terrain des principes et de
laisser à chacun la responsabilité de voter
un gouvernement qui n'est autre chose
qu'une dictature. C'est la seule conduite à
tenir en pareille occurrence ; il faut qu'il
soit bien établi que la force prime le.
reste.
De la commission, on n'a aucune nou-
velle; elle est enfermée et rien ne trans-
pire de ses décisions.
Et les prévisions sur le vote final vont
leur train : quelques rares légitimistes
s'abstiendront et aussi une bonne partie
du groupe de l'appel au peuple, qui n'ad-
met pas plus de trois ans de prorogation.
Telles 'sont les conjectures. Le cabinet l'em-
portera, peut-être ; mais quelle triste vic-
toire ! Ce cabinet s'enterre sous les succès.
On nous affirme que dès demain M. de
Goulard sera chargé de composer un nou-
veau cabinet.
; - REPRISE. -
Cinq heures un quart : rentrée du bu-
raau de l'Assemblée.
Cinq heures et demie : les membres de
la commission commencent à poindre.
Et cependant on ne commence pas. Les
huissiers distribuent un imprimé sur le-
quel tout le monde se précipite. C'est le
Message. Pas un troisième ? Non, le se-
cond. Il est certain qu'une nouvelle lecture
à tête reposée n'est pas superflue ; mieux
vaut encore lire entre les ligues, que de
paraphraser des intonations. Et M. de Bro-
oglie n'est pas ministre à prendre le ton
conciliant !
Cependant M. le rapporteur est à la tri-
bune :
« Une deuxième lecture du Message a
modifié les idées de la commission, d'au-
tant plus qu'une phrase, qui 1 a iU'O{.l_':t
une grande émotion, a été mpi ntendne.
La commission a peu-r-ât qu'il fallait enten-
dre le c llS il ,.1- J qu'il fallait enten-
~des ministres, les ministres
se mettent à la disposition de la commis-
sion ; en conséquence, nous demandons le
renvoi à demain de la discussion. »
Et d'emblée, sans opposition de la droi1
te, le renvoi à demain est voté. Nous
disions bien, dès le début, que toute con-
jecture n'était que chimère.
Qui aurait pu s'attendre à une semblable
fin après un pareil commencement ? Touli
à l'heure, la droite ameutée donnait une
heure à M. le rapporteur$our comparaître
à la barre de l'Assemblée, et maintenant
la voilà qui, sans un murmure, accepte
un retard de vingt-quatre heures 1 En
outre, nous savions pertinemment qua
l'affaire devait être enlevée dans la soirée
même ; le programme était arrêté. Qui a.
pu le faire modifier à ce point ? Le cabi-
net, évidemment, car il est clair que la
droite, agissant avec ensemble, obéit à un
mot d'ordre.
Mais pour quel motif a-t-on modifié le
programme ?. A-t-on craint l'abstention..
des bonapartistes ? A-t-oii reculé devant
la froideur non dissimulée avec laquelle
certains légitimistes ont accueilli ce Mes-
sage à effet ? A-t-on pu se leurrer de l'ac-
quiescement tardif de quelques membres
du centre gauche ? Et. poursuivre, dans
l'un ou l'autre cas, la réalisation du rêve
du maréchal, le groupement d'une majo"
rité décente? ,
Le champ des hypothèses est trop vaste
pour que nous engagions le lecteur à y errer
aveG nous.Nous neconstateronsquelefaitac"
quis: ce qui devait être fait le mercredi 5 no-
vembre est encore à faire le lundi 17.
Et maintenant aa met à'e:xplieat.i-on à
propos des paroles de M. le rapporteur. Une
phrase, qui a produit une grande émotion,
a été mal entendue, a-t-il dit. Cette phrase,
c'est celle que nous avons citée plus hauti
et que nous résumons : « Le pays ne com-
prendrait pas un pouvoir qui serait, dès
son début, soumis à des réserves et à des
conditions. »
Or, pendant la suspension, M. d'Har-
court, secrétaire de la présidence, erraitpar
les couloirs, tenant en main le manuscrit
même du Message, et sur ce manuscrit la
phrase se terminait ainsi : « soumis à
des réserves et à des conditions suspensif
ves. » Seulement, comme il faut dire toute
la vérité, le qualificatif suspensives était
ajouté à la ligne, avec un renvoi.
1 Puisqu'il y est, nous ne doutons pas qu'il
n'y ait été. M. le duc de Broglie a-t-il ou-
blié de le lire ou bien l'a-t-il laissé perdre
dans le tumulte qu'a suscité le commence-
ment ae ia piirase j. Tout ce que nous
pouvons affirmer, c'est que nous et bien
d'autres, qui ne nous considérons pas encore
comme atteints de surdité, nous ne l'avons
pas entendu. Même en mettant les choses
au mieux, il faut avouer que, pour un. aca-
démicien qui doit connaître la valeur des
virgules, M. le duc de Broglie a parfois
une étrange manière de laisser tomber sa
phrase. Serait-ce pour rattraper un porto.
feuille ?
PAUL- LAFARGUE.
-
Pendant la suspension de la séance, les
couloirs de l'Assemblée présentent un as-
pect étonnant. Partout des conciliabules.
On se parle bas. Pendant un moment,
c'est sinistre. La pression exercée sur la
commission effraie ceux-là mêmes qui en
ont été les partisans les plus ardents en
séance publique.
Les représentants de la droite réfféchis-
sest et comprennent qu'on a peut-être vou-
lu les mener trop loin et les faire aller trop
vite en besogne. Les membres du centre
gauche sont très-irrités du message. Ifs
parlent d'insulte faite à l'Assemblée par le
gouvernement ; leur irritation est extrême.
M. de Goulard, dans un groupe, ne peut
s'empêcher de trouver le message insolite
Le mot est authentique.
M. d'Harcourt, qui a passé toute la jour-
née au palais de l'Assemblée, comprend
qu'on est peut-être allé un peu loin et il
essaie d'atténuer l'effet produit par la lec-
ture du Message.
- Lisez entre les lignes, dit à tout le
monde le chef du cabinet de M. de' Mac-
Mac-Mahon; il n'est pas question de dic-
tature, le maréchal est plein de déférence
pour l'Assemblée, il expose simplement
ses idées.
Et il va de groupe en groupe, montrant
le message, dont il a une copie dans sa
poche, le commentant, expliquant sa véri-
table portée, prêt, si on le veut, à faire des
excuses au nom du président de la Répu-
blique.
La commission est réunie pendant ce
temps; nous donnons ailleurs le compte-
rendu de sa séance. Les membres de la
majorité de la commission se sont mon-
trés très-irrités des procédés de la droite,
qui voulait leur imposer un délai pour
l'examen de la nouvelle proposition gou.
vernementale.
On a même fait courir le bruit que ces
honorables représentants auraient donné
leur démission de membres de la commis-
sion, et que les bureaux pourraient êtra
appelés immédiatement à pourvoir à leur
remplacement. Il n'en a rien été.
La gauche républicaine et l'Union répu-
blicaine se sont réunies immédiatement
après la suspension de la séance et ont
décidé à l'unanimité que les membres de
la majorité de la commission seraient in-
vités à rester à leur poste, mais qu'en
présence de l'attitude prise par le gouver-
vernement le terrain de la conciliation
devait être abandonné et qu'il s'agissait à
présent de résister à la dictature.
Le centre gauche s'est réuni également
et a décidé comme la gauche que les com"
missaires ne devaient pas se désister et
qu'il importait de maintenir le projet de
loi Casimir Périer comme protestation
contre le message présidentiel.
Avant la reprise de la séance, on fait
courir toutes sortes de bruits. L'attitude
de M. Raoul Duval, qui toute cette jour-
née a voté avec la gauche, est fort remar-
quée.
Il es$probable qu'une question sera adres-
8au ministère pour lui demander s'il ac-
cepte les termes du message ou si c'est
l'œuvre personnelle au maréchal.
L'agitatioa est extrême toute la journée.
Il n'y a aucun échange de paroles entre
les membres de la droite et ceux de la
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