3* Année. — N° 727
PRIX DE NUMÉRO : Purs 15 CENTIMES — DÉPARTEMENTS 20 CImmDI.
Mercredi 12 Novembre 4873.
LE E SIÈCLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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ELECTIONS DU 16 NOVEMBRE
CANDIDATS. DES COMITÉS RÉPUBLICAINS
Aube.
M. le général Saussier.
§etne-lnférlenre.
M. le général Leteilier-Valazé.
? f r • r ! I|l L |" TjT
JOURNÉE POLITIQUE
Paris, 11 novembre 4873.
L'interpellation de jeudi n'a pas été re-
tirée par ses auteurs, et l'agence Havas
publiait hh r. une nouvelle tout à fait con-
tro-ivèe-en parlant d'un accord intervenu
entre M. Léon Say et le duc de Broglie.
Oa L'a peut-être pas assez remarqué à
quel point, BOUS le ministère actuel, les
correspondances officieuses s'écartent sou-
Vent da la vérité. Un seul fait est exact;
c'est que M. le duc de B -oglie a conjuré
M. Léon Say de renoncer bénévoIemeBt à
son interpellation. La réponse de M. Say a
été fort simple : « Nous retirerons volontiers
l'interpellation, a-t il dit, si le ministère
donne d'aboi d sa démission. » Sur ce terrain
M. de Broglie g,, refusé de s'entendre avec
l'honorable président du entre gauche. Il
a peut être eu tort. On nous assure main-
tenant que, rebuté par M. Léon Say,
M. du Broglis va tenter d'attendrir la
Chambre et d'en obtenir l'ajournéraent du
débat qu'il redoute. Comment expliquera
t-ii les incoiivéhiciitset les dangers d'une
discussion qu'il avait acceptée si gaillar-
de'ment il y a quelques jours à peine? Le
public attend sou discours avec des senti-
ments, nous ne dirons pas de sympathie,
mais de rive curiosité.
Où trouvera plus loin nos informations
sur la seconde séance qu'a .tenue la com-
mission de prorogation. Plusieurs lil11b4h
demtnts ou cou ire-projets lui ont été déjà
soumis. Le plus important est un Goatre-
(.-a tj ois ai lic es, précédé de consi-
dérants brefs, mais fortement motivéit, qui
émace de la g-uche républicaine. La gau-
che demande à rAssembice de décréter :
que la France est constituée en Hépabli-
que; qî-ie les attributions des deux pou-
voirs, législatif et exécutif, seront réglées
en même temps par la, loi coastitmion-
zielle ; et qu'en atf-ndant les pouvoirs du
président de la République demeureront
C" que les lois existantes U-3 ont faits.
Les journaux ministèrids continuent à.
attaquer la, commission avec la dernière
violences ; ib ont d'ailleurs levé le ie
de M. Wplowtki et ne sont que ptus fu-
rieux d'un insuccès qu'ils auraient dû
prévoir. Les journaux da l'extrême droite
persévèrent, cependant, dans leur cam-
pagne contre ia prorogation. a Du moins
n'aurons-uous pas à JOUS reprocher, dit
l'Union, d'avoir un instant voilé nos con-
victions et prêté d'avance la wai« à une
combinaison contraire aux intérêts de la
France, par cela seu l quelle n'est pas le
rétablissomenî du Droit-. » Beaucoup. de
feuilles légitimistes da province aont daoe
les mêmes sentiments. La prorogation, se-
lon le PMUMASW tJ., ¥E>méém, '1,.e munit1
« qu'un expédient gros d'inconnu. » Ainsi
parlent le Drapeau français, la Gazette de
filmes, etc. La Vraie Francs annonce en
ces termes l'envoi d'une protestation aux
députés royalistes du Nord : « Nous avons
été informés qu'une réunion de nos amis,
tenue ce matin, ia décidé de faire parvenir
à nos représentants à l'Assemblée ses sup-
plications de ne pas abandonner, pour
quelque motif que ee soit, la cause du
droit, qu'ils se sont engagés à défendre;
de ne pas, suivant une expression énergi-
que qui a été employée, contribuer de leurs
propres mains à enterrer la monarchie. Nous
so-nmes chargés 4e leur transmettre ces
instances. »
EuG. LlËRfîïPfr.
P. S.— Nous venons d'avoir communi-
cation de la lettre écrite par M. Léon
Say à M. Bardoux ; nous en recomman-
dons la lecture. Nous publions aussi le
compte rendu de l'importante réunion te-
nue, dans l'après midi d'hier, par le cen-
tre gauche.
------.--'--,-.----.------ —
On lit dans le Bien public :
On parle d'une démarche faite par le
ministère en vue d'obtènir l'ajournement
des interpellations fixées à jeudi.
Nous ignorons quel eu sera le résultat.
Nous avons pleine confiance dans les grou-
pés auxquels appartiennent les signataires
de l'interpellation, et nous sommes assu-
rés d'avance qa'elle sera ou maintenue, ou
différée à de,\ conditions dont, les amis de
la Réoublique, du droit national et de la
liberté n'auront qu'à se réjouir.
Mai^ Lons voulons faire observer com-
bien la seul fait de la démarche du minis-
tère vi. ut à l'appui de ce que nous avons
dit de la demande de prorogation des pou-
voir 5 présidentiels.
C'est à :t moteurs, Une tentative d^ revanche, inspi-
ree par un mauvais sentiment de dépit, de
l'avoi tement de l'intrigue fusionniste ; —
de la part du ministère, une diversion de
cabinet àuxiibois.
Il n'a voulu qu'une choss : éviter de
rendre ses comptes. Pour lui, tout l'intérêt
de la question est là. Il a accepté, avec
une bonne gl'â:e parfaite, les interpola
tjoüs pour jeudi. C'est qu'il comptait, à c-
moment, sur une commission favorable ,uo
rapport imp;ôvisê d'avance, Un 't'ofe enlevé
le poir môme.
Quel intérêt auraient les interpellations
amè - qn'nn coup de majorité sur y.ne
question de gouvernement aurait, par ri-
cochet, profité au cbinet, quitte de tout
en jetant à la œe" un ou deux de ses
ml rnbres ?
y. ai "VoiJà le coup paré, la surprime par
lementaire en un examen sé-
rieux dont la conclusion, quelque hâte,
qu'on y mette, ne peut intervenir avant
quelques jours. Par suite, l'interpellation
va trouver les choses entières et ie cabi» et.
obiigé d'y répondre, sans être couvert- d'a-
v-ince pa- là discussion d'une question où
il a engagé et compromis M. 10 président
de la République.
Nous comprenons son trouble et son
anxiété. Il faut qu'ils soient grands pour
qu'il se soit résigné à la démarche dont
on parle. EUe donne la mesure de ce qu'il
redoute et met en pleine lumière Içs vrais
motifs qui l'ont poussé à ouvrir la session
par un coup de théâtre de nature à tout
absorber et à faire disparaître, dans une
question de gouvernement, la question de
Mbiaet.
LETTRE DE M. LÉON SAY
Veici le tpxte de la lettre adressée par M. Léon
Say à M. Bardoux et lue à la réunion de la gau-
ehe républicaine :
Mon cher collègue,
Sur la demande de MM. de Broglie et
Dçfiéilligfty, j'ai pris conseil de mes co-si-
gtÚHàirset j ai été autorisé à conférer avec
M. de. Pro
M. de Broglie., „
Je lui ai dit ce matin q'ùe j'étais disposé
à accepter l'njournemeHt s'il était vrai,
comme on le disait, que nous n'ayons plus
de ministère devant nous. -
M. de Brog-lie m'a répondu qu'il n'y
avait aucune crise ministérielle et que la
seule chose vraie était que le ministère, si
le gouvernement était reconstitué sur de
nouvelles bases, remettrait, selon l'usage,
sa démission au président.
Dans ces conditions j'ai dû répondre qne
je ne voyais pas de nécessité à l'ajourne
ment, mais que jé réservàu ma résolution
et celle de mes arnis jusqu'au moment où
le mimstra saisirait l'Assemblée d'ulle de-
mande d'ajournement.
M. de Broglie m'a répondu qu'il saisirait
l'Asemblée avant jeudi.
LÉON SAY.
-o — —
La commission de prorogation a tenu
hie'r'de-uxséances. Nous ri'e:n rendons
qu'un compte très-succinct, bar aucune dé
cision importante n'a été prise.
De midi et demi à trois heures, ou a
discuté la prorogation des pouvoirs du pré-
sident au delà de l'existence ete l'Assem-r
blée. Cette hypothèse a été admise à la
majorité de 13 voix contre 2, et les cotn.
missaires ont prouvé ainsi qu'ils n'épient
animés d'aucuu sentiment d'nostilitè con-
'tre la personne du maréchal de Mac-Ma-
hon.
Daiis une seconde réunion, qui a été
terme à quatre heures, on à fait la part
dfcfc libertés publiques ét, des grands inté-
rêts nationfeux en décidant qùe le fait de
la pt'Oi'ogaHon iie pourrait devenir irrévo-
cable q'u'apîô» le vote des lois coostitu-
tionnelles établissant un- gouvernement'
défini.
— n i ■■■ I ,"
M. le viee-président du conseil, nqu
ptifun sentiment de patriotisme qû'è tout
IQ mondé a déjà compris, demandait à
M. Léon Say d'ajourner son interpella-
tion. M. le vice-président du conseil est
plein "de sollicitude pour l'intérêt publie;
il voit venir l'hiver, et son eœuf saigne
à la pensée que si les affaires ne vofct
pas, si les ateliers chôment, le pauvre
peuple pâtira. Il faut donc éviter à tout
prix, dans ce moment, des discussions
parlémentaires qui seraient de nature 4
faire naître une crise ministérielle,, à
ébranler le cabinet du 24 mai, qui jouit,
chacun le sait, de la confiance univer-
Mlle.
Telles soat les raisons que M. le due
de Broglie a fait valoir à M. Léon Sày ;
mais l'honorable président du cenfrè
gauche lys a trouvées iDsufflsantes. Lui en
dOEnera-t on d'autres ? Dans tous les cas,
la crise qu'on parle d'éviter existe depuis le
5 novembre, nous devrions dire depuis
le à août. Et qui dono l'a provoquée ?
StMttt-eô les républicains ? Pendant trois
mois de vacances, le cabinet et la majo-
rité, l'un encourageant l'autre, ont créé
dans le pays l'agitation la plus dange-
reuse ; toutefois le câlme le plus parfait
n'a cessé de régner dans toute la France.
Puis un jour est venu où de toutes les
poitrines est sorti un immense soupir de
soulagement ; le comte de Ghambord
venait d'écrire sa lettre ; il mettait à
néaat tous les projets, toutes les mena-
ees monarchiques ; chacun respira ; l'on
se crut délivré.
Mais voilà que cinq jours après, le
chef de l'Etat fait lire à la tribune le
message que l'on connaît. M. le maréchal
de Mae-Mahon, en termes voilés, mais
néanmoins très-compréhensibles, déclare
que la monarchie ne pouvant se faire ac-
tuellement, il est indispensable d'assu-
reT au provisoire une existence d'assez
longue durée pour permettre aux com-
binaisons fusionnistes de se chercher un
nouveau terrain de manœuvre. Puis,
comme conséquence du message, un dé-
Euté. dépose ua© proposition de loi attri-
uant, pour dix années consécutives, le
pouvoir exécutif à M. le maréchal Mac-
Mahon; et le ministère déclare, sans
perdre une minute, que le salut public
dépend du vote qadmettra rAssembléo
sur la proposition susdîtê l ,
Il y a évidemment, dans touf ôeOx, de
quoi coDfomdre les esprits les mieux
trempés! Yous imaginez-vous un paisi-
ble bourgeois des départements obligé
de fournir des explications à sa famille
sur « la crise » du moment? Le 30 octo-
bre il est rentré chez lui, le sourire aux
lèvres, annonçant aux siens que tout
était pour le mieux, que M. le comte de
Chambord renonçait à semer dans son
pays de nouvelles semences de révolution,
et qu'enfin le retour de l'Assemblée ne
serait point le signal des grandes luttes
qu on annonçait depuis trois mois. Cinq
jours se passent ; l'Assemblée revient à
Versailles, et le soir même, le télégraphe
annonce partout que nous sommes en
pleine crise. On voit d'ici l'ahurissement
de notre homme. Sûrement, se dit-il, ce
sont les républicains qui, voulant pro-
fiter du désarroi des monarchistes, au-
ront brusqué les choses. Comme s'ils
ignoraient que tout vient à point à qui
sait attendre 1 Enfin! Il est dit que BOUS
n'en sortirons jamais 1
Le lendemain les journaux constatent
que la crise, puisque crise il y a, vient
de l'empressement du ministère à pren-
dre l'offensive, sans doute dans la crainte
qu il avait d'avoir bientôt à se défendre.
Et malgré les efforts des officieux de la
presse pour tromper l'opinion publique,
maigre les mensonges à tant la ligne do-
cilement expédiés dans toutes les direc-
tions par l'agence Iiavas, la lumière en-
fin se fait dans les esprits, et l'on finit
par saisir la raisoa des tendresses subites
da M. le duc de Broglie pour son pays,
et de son désir de calmer au plus vite
l'inquiétude qu'il a créée.
« La France ne peut attendre, » a dit
l'autre jour M. le vice-président du
conseil. Attendre quoi ? Il a oublié de le
dire ; nous nous permettrons de réparer
une aussi regrettable omission. La
France ne peut attendre dix ans le gou-
vernement définitif qu'elle réclame; et
surtout la France ne peut permettre que,
sous apparence de lui donner satisfac-
tion, on ne fasse en réalité que la con-
damner pour dix ans à se laisser ballot-
ter à tous les vents, qu'ils soufflent de
Frohsdorf, de Chantilly ou d'ailleurs.
La France veut vivre, la France veut
pouvoir se présenter tête haute à l'Eu-
rope, et pour cela, il lui faut un gouver-
nement qui ait un nom. Comment s'ap-
pellera celui qu'on prétend lui donner
aujourd'hui ?
Avant le 5 novembre, il s appelait la
République ; par pure tolérance, il est
vrai, mais enfin, c'était un nom ; demain,
si l'on en croyait M. le duo de Broglie
et les auteurs de la proposition, le gou-
vernement de France ne serait plus
qu'une société anonyme, à responsabilité
très-limifée. Voilà ce qu'on ose offrir au
pays, sous prétexte de lui donner le
repos, la sécurité, la confiance en l'ave-
nir, indispensable au travail, à la pro-
duction, à l'épalrgûe ! M. Veuillot dé-
mandait hier si cela était s érieux ? Non,
e'est odieux, et la France peut attendre,
quoi qu'en pense M. le vice-président
du conseil ; elle n'a nulle hâte de se
voir livrée pieds et poings liés aux par-
tis qui ne craignent pas de reconnaître
tMX: «ftt-il -leor faudra dix &M
pour en avoir raison.
Ce supplice de l'écartèlement lui est
connu ; voilà plus de deux ans qu'il du-
re ; c'est assez, et nous avons la plus
ferme confiance dans la sagesse qui pré-
sidera aux délibérations des Quinze. La
question qu'ils ont à étudier est la plus
grave qui se soit encore offerte aux mé-
ditations de cette Assemblée. Ils ne se
laisseront donc détourner de leur devoir,
ni par les objurgations des officieux, ni
par les menaces qu'on n'a pas craint de
leur adresser, hier, du haut de la tribune.
Ils travaillent pour la France, et la France
leur accordera le temps indispensable
aux délibérations sérieuses, dussent-ils,
d'ailleurs, au grand regret de M. le duc
de Broglie, n'avoir point accompli leur
besogne assez tôt pour en soumettre les
résultats à l'Assemblée avant l'interpel-
lation de jeudi.
E. SCHNERB.
♦
LES RÉUNIONS D'HIER
La gauche républicaine s'est réunie hier à
une heure à l'hôtel de France.
Elle a entendu la lecture du rapport de la
commission des cinq et adopté à l'unanimité le
contre projet suivant :
L'Assemblée nationale,
Considérant que la forme du gouverne
ment de la France ne peut pas être indé-
finiment livrée aux mpétitions, et que la
prolongation de l'état provisoire mettrait
en péril les plus grands intérêts du pays ;
Considérant que la stabilité d'un gou-
vernememt ne peut être assurée que par
l'organisation des pouvoirs qui le compo-
sent.
Décrète :
Art. 1er. — La France est constituée en
République.
Art. 2. — La composition, le3 attribu
tions et la durée du pouvoir législatif, le
mode d'. Jectioas, les attributions et la du-
rée du pouvoir exécutif seront détermiués
par la loi constitutionnelle.
Art. 3. — -.Jusqu'à la promulgation de
cett loi, les pouvoirs du président de la
République resteront réglés par les lois
des 31 août 1871 et 13 mars 1873.
Ont sigaé : Jules Simon, Albert Grévy, Jales
Ferry, Leroyer et Jozon.
M. Jules Simon donne ensuite communicaT
tion de la lettre adressée par M. Léon Say à
M. Bardoux, et que nous reproduisons ailleurs.
La séance est levée à deux heures.
Le centre gauche s'est réuni hier à trois
heures, sous la présidence de M. Léon
Say.
M. Léon Say a rendu compte de son
entrevue avec M. le duc de Broglie. Le
centre gauche a approuvé l'attitude prise
par son président et a décidé qu'il n'y
avait aucun motif d'ajourner les interpel-
lations. Il a résolu cependant, dans le cas
où M. de Broglie demanderait une remise,
de ne pas s'y opposer, pourvu qu'il soit
bien constaté que le ministère s'engage
à donner satisfaction aux auteurs de l'in-
terpellation.
Aucune décision formelle n'a été prise;
on s'en rapportera au comité directeur,
composé de MM. Léon Say, Scherer,La-
boulaye, Lacaze, Rieard, Chnstophle, comte
Rampoa, Bertauld, Robert de Massy,
Gaultier de Rumilly.
M. Léon Say a ensuite expliqué l'atti-
tude qu'il prenait au seia de la commis-
sion des Quinze. Sa conduite a reçu une
approbation générale.
Le centré droit s'est, réuni hier à Ver-
sailles sous la présidence d^ M. d'Auiif-
fret-Pasquier.
Voici le procès-verbal officiel de cette
séance :
Après une conversation à laquelle prèn-
nent part un grand nombre de membres,
le centre droit a déclaré qu'il maintièndra
le texte de la proposition Changafriier,
sauf l'introduction du titre dé président de
là République, implicitement contenu dans
le tèxtë précédent.
La rénnion a exprimé le vœu que la
commission des Quinze dépose son rapport
dans le plus bref délai possible.
Le séance a été levée à deux heures
vingt minutes.
—— ♦ -----
COURRIER PARLEMENTAIRE
Versailles, 10 novembre 4873.
- « L'ordre du jour appelle la discussion
sur la première délibération du projet de loi
relatif à la surveillance de la haute poliee,
dit M. Buffet. Quelqu'un dennnde-t-jl là
parole? »
Personne ne bouge; M. le président se
replonge dans son fauteuil et laisse ses
collègues se livrer àux douceurs des épan-
chements intimes. Au bout de dix minu-
tes, M. Buffet se dresse de nouveau, tout
au devoir et au feuilleton : « L'ordre du
jour appelle la discussion sur, etc. Quel-
qu'un demande-t- il la parole ? »
Personne ne bouge. C'est à qui ne se
risquera pas dans cette indifférence. Vo-
tons alors ! Et l'on vote la première déli-
bération du projet. L'exemple est donné,
la débandade commence : le second projet
est retiré, le troisième ajourné pour man-
que de renaeignementt, le quatrième
pour maladie de l'auteur, et le cinquième
pour àbsence momentanée du rappôrteur:
A chaque éclipse nouvelle, mi nouveau
rire gagne l'auditoire.
Il n'est pas deux heures trois quarts, et
il ne reste plus rien à l'ordre du jour.
Brwi ptass 1 M déetere f!f! ';1 ne nit
pas quoi mettre à l'ordre du jour de de-
main. Il est cependant bon nombre de
lois en retard.
M. de Tillancourt propose qu'on fasse
demain une séance de pétitions. L'Assem-
blée donnant une journée hors tour aux
pétitions, et en un pareil moment 1 Cela
ne rappelle-t-il pas les gens qui meurent
de soif (ici de la soif de légiférer) et qui
sucent des feuilles pour tromper leurs ar-
deurs ? En général, le procédé fait peu
illusion.
Quoique tout soit terminé, le vieux
comte Jaubert monte encore à la tribune.
Le comte Jaubert est de l'école de Mme
Scarron, qui remplaçait un plat par
une historiette. Le vieux député de la
droite pousse même jusqu'aux dernières
limites la théorie peu substantielle de cette
fameuse nourriture; les historiettes qu'il
sert sont en général réchauffées. ¿
Sa proposition relative à la liberté de
rerifcfcignèment supérieur ne venant pas
en discussion, il prend pour texte l'absen-
ce momentanée du rapporteur, M. L.
boulaye,. qui siege, a ia commission ae
prorogation, et il s'écrie : « M. le rappor-
teur est retenu ailleurs ; il n'y sera pas re-
tenu longtemps, je l'espère. » Après quoi,
il pastiche, pour le compte de la France, le
fameux : « J'ai failli attendre ! » de Louis
XIV.
Littéraire, mais peu juste de la part de
gens qui font attendre six mois aux élec-
teurs l'exercice du droit le plus élémen-
taire en matière de parlementarisme.
A la façon joyeuse dont la droite s'est
jetée sur le hors-d'œuvre littéraire de M.
le comte Jaubert, il est facile de deviner
que tous les efforts de MM. les ex monar-
chistes vont tendre à forcer la main à la
commission de prorogation pour obtenir un
dépôt rapide du rapport.
Quand il y a des projets à l'ordre du jour,
on ne les discute pas; M. Buffet lui-même,
malgré ses connaissances présidentielles
si étendues, ne trouve plus à composer
l'ordre du jour du lendemain. Les grèves
ne sont pas iuterdites, mais, en général,
elles réussissent peu à ceux qui les fout.
Le pays ne pourrait-il pas trouver, par
exemple, que ceux-là qui ne savent à quoi
s'occuper sont mal venus d'exiger une pro
longation de bail pour leurs travaux ?
Donc, demain, toute la journée, il est
convenu qu'on repoussera des pétitions.Si
peu récréatif que soit ce passe-temps, nous
Ne saurions trop engager nos amis politi-
ques à ne pas manquer d'y venir prendre
leur part : il n'pH rien de tel que les sen-
tinelles qui veillent, même sans danger
apparent, pour empêcher les coups de
main de se prodnire.
PAUI LAFARtHJB.
-, .--'-----
X. GUIZOT SERA-T-IL PAPE?
Oui, M. Guizot sera-t-il pape du protes-
tantisme ? C'est la question que bon nom-
bre de protestants se posent très-sérieuse-
ment à l'heure où nous écrivons ces lignes.
Personne n'ignore que l'année dernière,
la parti orthodoxe de l'Eglise réformée de
France s'est diverti à jouer au concile ca-
tholirlue j une majorité de 14 voix, très-
discutable et fort discutée, comme beau-
coup d'autres majorités, a promulgué une
déclaration de foi qu'elle s'est efforcée de-
puis de rendre obligatoire à tous les pro-
testants ; ces quatorze papes (c'est deux de
plus que la douzaine) ont décidé que leur
foi, qui est celle deM. Guizot, deviendrait
la foi de tous leurs coreligionnaires, et
qu'un huguenot qui n'aime point M. Gui-
zot est un vilain, un mécréant, un chien
d'hérétique, n'ayant, selon- Guizot, ni Dieu,
ni foi, ni loi. C'est à peu près de la même
façon que, il y a "quelques jours à peine,
M. GKuzot, la vieille nymphe Egérie de la
fusion, lâchait à imposer Henri V à la
France.
Mais quand les majorités ont décrété
une loi, cette loi n'est rien si elle n'est
appuyée par les gendarmes. Les orthodoxes
du synode n'avaient pas de gendarmes à
leur service contre les scélérats de l'opposi-
tion. lis en ont cherché auprès du gouverne-
ment; ils lui ont demandé de ratifier les
mesures prises par le synode et de mettre
hors la loi les protestants qui ne s'y sou-
mettraient. pas.
M. Thiers, qui régnait alors, au grand
détriment des bonnes mœurs et des intri-
gants royalistes, connaît assez d'histoire
pour savoir que les synodes et les conciles
n'ont jamais fait que du mat; aussi lais-
sait-il soigneusement dormir dans ses
cartons la déclaration de foi synodale quand
la Providence permit à M. Guizot de le
renverser et de venger aini de vieux griefs
et l'ordre moral outragé.
M. Thiers mis à bas, M. Guizot, sous la
proteetion d'une épée loyale, travailla avec
dévotion à la vjgne du Seigneur. je veux
dire au rétablissement d'Henri V, espérant
bien qu'en retour l'enfant du miracle ferait
quelque chose pour les protestants parti-
sans du surnaturel : comment, en effet,, le
fils aîné de l'Eglise n'aurait-il pas contre-
signé un Syllabus huguenot qui vise le
symbole des apôtres et déclare par là que
pour être boa protestant, il faut croire à
la sainte Eglise catholique ?
Mais 1*8 ! malgré la bo/me volonté du
républicain Target, Henri V ne sera pas
rétabli, la giâce de Dieu ayant fait défaut
autant que la volonté nationale. M. Guizot,
qu'on ne prend jamais sans vert, s'est
adressé à d autres saints, lisez aux gens
de bien du ministère. Il leur a demandé
de promulguer de leur autorité privée la
confession de foi du synode. Le conseil des
ministres n'avait aucun droit à faire une
pareille chose; il s'est rappelé à pois t qu'il
avait juré d'aller jusqu'à l'extiême limite
de la légalité, mais sans l'outrepasser, et
il a saisi le conseil d'Etat de la proposi-
tion.
La section des cultes a été chargée
d'examiner l'affaire ; elle entendra pro-
chainement, demain peut-être, le rappor-
teur choisi par elle, M. Andral, et le
conseil d'Eiat réuni quelques jours après
en assemblée générale prononcera un
jugement définitif. On voit que les
meneurs de l'orthodoxie, MM. Guizot et
Mettetal, s'ils Eavent le prix des Target,
connaissent aussi le prix du temps, et
qu'ils mènent rondement les affaires du
bon Dieu.
Il faut bien que le conseil d'Etat le
sache : la décision qu'on lui demande de
prendre est grave, très-grave pour lui-
même et sa jurisprudence, grave pour le
protestantisme français.
Elle est grava pour la jurisprudence du
conseil d'Etat. Un simple mot le fera com-
prendre. Ea différentes occasions, le con-
seil d'Etat a été saisi de bulles catholi-
ques que les prêtres avaient lues en chaire
sans son autorisation ; il a toujours refusé
de les promulguer, n'admettant point qu'on
essayât ainsi de lui forcer la main. La
pièce dogmatique qu'on lui a soumise est
absolument dans ce cas. Sans attendre mê-
me qu'il fût informé de l'existence de ce
document, les chefs du parti orthodoxe,
lui faisant l'injure de le croire à leur dé-
votion, ont fait lire aux fidèles de diffé-
rentes églises protestantes, celles de Mar-
seille et de la Tremblade entre autres, la
déclaration de foi synodale, Si le conseil
d'Etat se rappelle ses propres décisions, il
refusera d'homologuer la pièce qu'on lui
soumet. Si, par impossible, il pouvait les
oublier, il ne faut pas être grand prophète
pour lui prédire que le clergé catholique,
fort d'un pareil précédent, lui ferait bien-
tôt regretter ce manque de mémoire :
l'année se passerait alors pour lui en que-
relles envenimées avec les prêtres fran-
çais.
G La décision qu'il pourra prendre est
grave aussi pour le protestantisme. Aux
termes de la loi de germinal an II, la
seule qui règle les rapports du protestan-
tisme avec l'E'at, l'EgliEl réformée de
France est une Eglise de libre t xamen. Il
s'agit aujourd'hui de savoir si elle demeu-
rera ce qu'elle a toujours été ou si elle sera
vîCtime d'une révolution par en haut, c'est-
à-dire d'un coup d'Etat. Il s'agit de savoir
si on imposera à la grande moitié du pro-
testantisme un joug dogmatique qui lui
répugne et auquel elle ne se plierait pas.
Les protestants ont prouvé en. mainte cir
constance qu'ils savent résister; ils résis-
teront encore, si on les y pousse.
Mais ils espèrent qu'on ne les forcera
pas, au nom de la loi, à croire à la mul-
tiplication des pains, à la baleine de Jonas
et. autres miracles de la même farine; ils
aiment à pemer que le conseil d'Etat, en
l'impartialité duquel ilson-t foi, ne voudra
pas introduire contre leur gré le principe
catholique d'autorité dans une Eglise de ii-
berLô ; ils veulent encore estimer que M.
Guizot en aera pour ses intrigues et que
quatre ou cinq protestants légitimistes,
revenus bredouilles de Frohsdorf, ne pour-
ront pas établir l'ordre moral et papal au
sein du protestantisme.
EUGÈNE DUBIEF. c,.
le —
Confier le soin de ses destinées à un
homme, au lieu de chercher le salut dans
des institutions solides, est une épreuve
qui jusqu'à présent n'a guère réussi à la
France. Ceux qui ont pu croire qu'en se
groupant autour d'un grand nom, entouré
d'un prestige incontestable, on pouvait
conjurer tous les périls, ceux qui s'imagi-
nent encore aujourd'hui, qu'il suffit de je-
ter le pays, pieds et poings liés, dans les
bras d'un sauveur pour calmer toutes les
inquiétudes et pour assurer un avenir de
paix et de prospérité, ne veulent évidem-
ment pas ouvrir les yeux aux leçons de
l'expérience. La France a appris plusieurs
fois, à l'école du malheur, que ce n'estpoi.
dans l'abdication volontaire ou forcée de
tous ses droits aux mains d'un seul qu'elle
peut trouver le salut, et c'est parce qu'elle
a soif d'ordre et de sécurité que, tout en
demandant la fin -d'un provisoire @ qui la
ruine, elle ne veut plus engager l'avenir
sans de sérieuses garanties.
Je sais bien qu'on a dit, avec quelque
raison. Qu'il est DANS 1P. t.pmnA.mAnfl
français d'être prompt à s'engouer pour un
homme; mais il faut ajouter, comme cor-
rectif, que nous brisons facilement nos
idoles, et, sans remonter bien loin le cours
de notre histoire, demandez-le au général
Trochu et à tant d'autres, dont les noms
sont dans toutes les bouches !
1 Nous pensons done que rien de stable
ne saurait être fondé de la sorte.
Certes, nous n'ignorons pas que, n'ayant
pu restaurer la monarchie, messieurs de
la droite veulent écarter, pour le plus
longtemps possible, tout établissement
d'un gouvernement défimtif, afin de lais-
ser la porte ouverte à leurs espérances : là
dictature pour dix années qu'ils veulent
imposer au pays n'a pas d autre but.
Si leur objectif était uniquement de for-
tifier les pouvoirs de M. le maréchal de
Mac-Mahon, nous n'avons pas la préten-
tion de leur apprendre que le seul moyen
de fortifier ce pouvoir, c'est de l'appuyer
sur des lois constitutionnelles et de fonder
un gouvernement définitif.
- Comment I au sortir des horreurs dé la
Commune, et alors que notre malheureux
pays était en ruines, aussi bien morale-
ment que matériellement, M. Thiers, qui
tenait de l'Assemblée les mêmes pouvoirs
que possède aujourd'hui M. le maréchal-
président de la République, M. Thiers. a
pu faire face à une situation sans précé-
dent*, et mener à bonne fin l'œuvre de no-
tre libération et de la réorganisation de
nos forces vives, et à l'heure actuelle,
maintenant que la France relevée donne
au monde un grand exemple de calme et
de dignité, on vient nous dire que les pou-
voirs de M. le maréchal de Mac-Mahon ont
besoin d'être fortifiés pour dix ans !
Hors de là point de salut! nous crie-
t on. Qui espère-t-on donc convaincre ?
Notre éducation politique, faite à nos dé-
pens, est assez avancée pour nous dé-
montrer que ce n'est pas un homme seul
(fût-H homme de génie 1) qui peut nous
sauver, mais que ce sont seulement des
institutions libérales solidement établies.
Qu'on nous donne d'abord des institu-
tions définitives, les hommes ne nous man-
queront pas.
EDOUARD CROUSSE.
————— » —————
CONSERVONS ! CONSERVONS
Conservateur, mon ami, je te com-
prends.
Tu viens d'assister au plus rude assaut
parlementaire qui fût jamais, assaut d'un
nouveau genre, qui a eu pour champ de
bataille, au lieu de la tribune, la poste aux
lettres.
Tu as vu les champions se mesurer non
à coups de bulletins, mais à coups de cor-
respondances, et le scrutin rendre son
arrêt contre la monarchie, non sur des
votes, mais sur des intentions de vote.
Quant à la lettre « de la fin », à l'obus
épistolaire lancé par la batterie de Frobs-
dorf pour faaver l'honneur du drapeau, tu
as lu cette épître entre les lignes, comme
il convenait à un bon fils de Molière, de
Lafontaine et de Voltaire ; tu l'as applau-
die en te disant : « Cela est mieux ainsi ;
» s'il y a des vainqueurs et des vaincus, il
» n'y a du moins personne de mort ; les
» fidèles sont avertis que l'honneur con-
» siste désormais à ne pas violenter leur
» pays. »
Cela est d'un bon naturel.
Mais tu as, avec un goût prononcé pour
les solutions pacifiques, un vif amour de
tes intérêts,et tu t'es dit encore autre chose.
Tu t'es demandé si des royalistes, plus
restaurateurs à tout prix que leur Roy,
pouvaient se dire les soutiens de « l'ordre
moral » après avoir donné à l'Europe le
Epectacle peu moral de pourparlers que
la nation et la prince ont également dé-
savoués.
Tu t'es demande si après avoir, pendant
plus de trois mois, troublé le pays, para-
lysé l'industrie, ralenti le travail, inquiété
le monde du commerce et des affaires en
vue d'une combinaison chimérique, il se-
rait permis de répondre à ceux qui de-
manderaient où est le coupable : « C'est
« Personne. »
Et alors.,, tu as eu peur.
Tu t'es étonné de ne pas apercevoir tëo
sauveurs du côté où tu les vois d'ordi-
naire.
Tu t'es dit qu'en bonne justice une
telle entreprise avait betoin d'être blâmée
par le châtiment de ses auteurs, afin de
leur ôter l'envie de recommencer. châ-
timent doux, bien entendu, tel que la Ré-
publique sans épithète, c'est-à-dire la Ré- f
PRIX DE NUMÉRO : Purs 15 CENTIMES — DÉPARTEMENTS 20 CImmDI.
Mercredi 12 Novembre 4873.
LE E SIÈCLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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ELECTIONS DU 16 NOVEMBRE
CANDIDATS. DES COMITÉS RÉPUBLICAINS
Aube.
M. le général Saussier.
§etne-lnférlenre.
M. le général Leteilier-Valazé.
? f r • r ! I|l L |" TjT
JOURNÉE POLITIQUE
Paris, 11 novembre 4873.
L'interpellation de jeudi n'a pas été re-
tirée par ses auteurs, et l'agence Havas
publiait hh r. une nouvelle tout à fait con-
tro-ivèe-en parlant d'un accord intervenu
entre M. Léon Say et le duc de Broglie.
Oa L'a peut-être pas assez remarqué à
quel point, BOUS le ministère actuel, les
correspondances officieuses s'écartent sou-
Vent da la vérité. Un seul fait est exact;
c'est que M. le duc de B -oglie a conjuré
M. Léon Say de renoncer bénévoIemeBt à
son interpellation. La réponse de M. Say a
été fort simple : « Nous retirerons volontiers
l'interpellation, a-t il dit, si le ministère
donne d'aboi d sa démission. » Sur ce terrain
M. de Broglie g,, refusé de s'entendre avec
l'honorable président du entre gauche. Il
a peut être eu tort. On nous assure main-
tenant que, rebuté par M. Léon Say,
M. du Broglis va tenter d'attendrir la
Chambre et d'en obtenir l'ajournéraent du
débat qu'il redoute. Comment expliquera
t-ii les incoiivéhiciitset les dangers d'une
discussion qu'il avait acceptée si gaillar-
de'ment il y a quelques jours à peine? Le
public attend sou discours avec des senti-
ments, nous ne dirons pas de sympathie,
mais de rive curiosité.
Où trouvera plus loin nos informations
sur la seconde séance qu'a .tenue la com-
mission de prorogation. Plusieurs lil11b4h
demtnts ou cou ire-projets lui ont été déjà
soumis. Le plus important est un Goatre-
(.-a tj ois ai lic es, précédé de consi-
dérants brefs, mais fortement motivéit, qui
émace de la g-uche républicaine. La gau-
che demande à rAssembice de décréter :
que la France est constituée en Hépabli-
que; qî-ie les attributions des deux pou-
voirs, législatif et exécutif, seront réglées
en même temps par la, loi coastitmion-
zielle ; et qu'en atf-ndant les pouvoirs du
président de la République demeureront
C" que les lois existantes U-3 ont faits.
Les journaux ministèrids continuent à.
attaquer la, commission avec la dernière
violences ; ib ont d'ailleurs levé le ie
de M. Wplowtki et ne sont que ptus fu-
rieux d'un insuccès qu'ils auraient dû
prévoir. Les journaux da l'extrême droite
persévèrent, cependant, dans leur cam-
pagne contre ia prorogation. a Du moins
n'aurons-uous pas à JOUS reprocher, dit
l'Union, d'avoir un instant voilé nos con-
victions et prêté d'avance la wai« à une
combinaison contraire aux intérêts de la
France, par cela seu l quelle n'est pas le
rétablissomenî du Droit-. » Beaucoup. de
feuilles légitimistes da province aont daoe
les mêmes sentiments. La prorogation, se-
lon le PMUMASW tJ., ¥E>méém, '1,.e munit1
« qu'un expédient gros d'inconnu. » Ainsi
parlent le Drapeau français, la Gazette de
filmes, etc. La Vraie Francs annonce en
ces termes l'envoi d'une protestation aux
députés royalistes du Nord : « Nous avons
été informés qu'une réunion de nos amis,
tenue ce matin, ia décidé de faire parvenir
à nos représentants à l'Assemblée ses sup-
plications de ne pas abandonner, pour
quelque motif que ee soit, la cause du
droit, qu'ils se sont engagés à défendre;
de ne pas, suivant une expression énergi-
que qui a été employée, contribuer de leurs
propres mains à enterrer la monarchie. Nous
so-nmes chargés 4e leur transmettre ces
instances. »
EuG. LlËRfîïPfr.
P. S.— Nous venons d'avoir communi-
cation de la lettre écrite par M. Léon
Say à M. Bardoux ; nous en recomman-
dons la lecture. Nous publions aussi le
compte rendu de l'importante réunion te-
nue, dans l'après midi d'hier, par le cen-
tre gauche.
------.--'--,-.----.------ —
On lit dans le Bien public :
On parle d'une démarche faite par le
ministère en vue d'obtènir l'ajournement
des interpellations fixées à jeudi.
Nous ignorons quel eu sera le résultat.
Nous avons pleine confiance dans les grou-
pés auxquels appartiennent les signataires
de l'interpellation, et nous sommes assu-
rés d'avance qa'elle sera ou maintenue, ou
différée à de,\ conditions dont, les amis de
la Réoublique, du droit national et de la
liberté n'auront qu'à se réjouir.
Mai^ Lons voulons faire observer com-
bien la seul fait de la démarche du minis-
tère vi. ut à l'appui de ce que nous avons
dit de la demande de prorogation des pou-
voir 5 présidentiels.
C'est à :t
ree par un mauvais sentiment de dépit, de
l'avoi tement de l'intrigue fusionniste ; —
de la part du ministère, une diversion de
cabinet àuxiibois.
Il n'a voulu qu'une choss : éviter de
rendre ses comptes. Pour lui, tout l'intérêt
de la question est là. Il a accepté, avec
une bonne gl'â:e parfaite, les interpola
tjoüs pour jeudi. C'est qu'il comptait, à c-
moment, sur une commission favorable ,uo
rapport imp;ôvisê d'avance, Un 't'ofe enlevé
le poir môme.
Quel intérêt auraient les interpellations
amè - qn'nn coup de majorité sur y.ne
question de gouvernement aurait, par ri-
cochet, profité au cbinet, quitte de tout
en jetant à la œe" un ou deux de ses
ml rnbres ?
y. ai "VoiJà le coup paré, la surprime par
lementaire en un examen sé-
rieux dont la conclusion, quelque hâte,
qu'on y mette, ne peut intervenir avant
quelques jours. Par suite, l'interpellation
va trouver les choses entières et ie cabi» et.
obiigé d'y répondre, sans être couvert- d'a-
v-ince pa- là discussion d'une question où
il a engagé et compromis M. 10 président
de la République.
Nous comprenons son trouble et son
anxiété. Il faut qu'ils soient grands pour
qu'il se soit résigné à la démarche dont
on parle. EUe donne la mesure de ce qu'il
redoute et met en pleine lumière Içs vrais
motifs qui l'ont poussé à ouvrir la session
par un coup de théâtre de nature à tout
absorber et à faire disparaître, dans une
question de gouvernement, la question de
Mbiaet.
LETTRE DE M. LÉON SAY
Veici le tpxte de la lettre adressée par M. Léon
Say à M. Bardoux et lue à la réunion de la gau-
ehe républicaine :
Mon cher collègue,
Sur la demande de MM. de Broglie et
Dçfiéilligfty, j'ai pris conseil de mes co-si-
gtÚHàirset j ai été autorisé à conférer avec
M. de. Pro
M. de Broglie., „
Je lui ai dit ce matin q'ùe j'étais disposé
à accepter l'njournemeHt s'il était vrai,
comme on le disait, que nous n'ayons plus
de ministère devant nous. -
M. de Brog-lie m'a répondu qu'il n'y
avait aucune crise ministérielle et que la
seule chose vraie était que le ministère, si
le gouvernement était reconstitué sur de
nouvelles bases, remettrait, selon l'usage,
sa démission au président.
Dans ces conditions j'ai dû répondre qne
je ne voyais pas de nécessité à l'ajourne
ment, mais que jé réservàu ma résolution
et celle de mes arnis jusqu'au moment où
le mimstra saisirait l'Assemblée d'ulle de-
mande d'ajournement.
M. de Broglie m'a répondu qu'il saisirait
l'Asemblée avant jeudi.
LÉON SAY.
-o — —
La commission de prorogation a tenu
hie'r'de-uxséances. Nous ri'e:n rendons
qu'un compte très-succinct, bar aucune dé
cision importante n'a été prise.
De midi et demi à trois heures, ou a
discuté la prorogation des pouvoirs du pré-
sident au delà de l'existence ete l'Assem-r
blée. Cette hypothèse a été admise à la
majorité de 13 voix contre 2, et les cotn.
missaires ont prouvé ainsi qu'ils n'épient
animés d'aucuu sentiment d'nostilitè con-
'tre la personne du maréchal de Mac-Ma-
hon.
Daiis une seconde réunion, qui a été
terme à quatre heures, on à fait la part
dfcfc libertés publiques ét, des grands inté-
rêts nationfeux en décidant qùe le fait de
la pt'Oi'ogaHon iie pourrait devenir irrévo-
cable q'u'apîô» le vote des lois coostitu-
tionnelles établissant un- gouvernement'
défini.
— n i ■■■ I ,"
M. le viee-président du conseil, nqu
ptifun sentiment de patriotisme qû'è tout
IQ mondé a déjà compris, demandait à
M. Léon Say d'ajourner son interpella-
tion. M. le vice-président du conseil est
plein "de sollicitude pour l'intérêt publie;
il voit venir l'hiver, et son eœuf saigne
à la pensée que si les affaires ne vofct
pas, si les ateliers chôment, le pauvre
peuple pâtira. Il faut donc éviter à tout
prix, dans ce moment, des discussions
parlémentaires qui seraient de nature 4
faire naître une crise ministérielle,, à
ébranler le cabinet du 24 mai, qui jouit,
chacun le sait, de la confiance univer-
Mlle.
Telles soat les raisons que M. le due
de Broglie a fait valoir à M. Léon Sày ;
mais l'honorable président du cenfrè
gauche lys a trouvées iDsufflsantes. Lui en
dOEnera-t on d'autres ? Dans tous les cas,
la crise qu'on parle d'éviter existe depuis le
5 novembre, nous devrions dire depuis
le à août. Et qui dono l'a provoquée ?
StMttt-eô les républicains ? Pendant trois
mois de vacances, le cabinet et la majo-
rité, l'un encourageant l'autre, ont créé
dans le pays l'agitation la plus dange-
reuse ; toutefois le câlme le plus parfait
n'a cessé de régner dans toute la France.
Puis un jour est venu où de toutes les
poitrines est sorti un immense soupir de
soulagement ; le comte de Ghambord
venait d'écrire sa lettre ; il mettait à
néaat tous les projets, toutes les mena-
ees monarchiques ; chacun respira ; l'on
se crut délivré.
Mais voilà que cinq jours après, le
chef de l'Etat fait lire à la tribune le
message que l'on connaît. M. le maréchal
de Mae-Mahon, en termes voilés, mais
néanmoins très-compréhensibles, déclare
que la monarchie ne pouvant se faire ac-
tuellement, il est indispensable d'assu-
reT au provisoire une existence d'assez
longue durée pour permettre aux com-
binaisons fusionnistes de se chercher un
nouveau terrain de manœuvre. Puis,
comme conséquence du message, un dé-
Euté. dépose ua© proposition de loi attri-
uant, pour dix années consécutives, le
pouvoir exécutif à M. le maréchal Mac-
Mahon; et le ministère déclare, sans
perdre une minute, que le salut public
dépend du vote qadmettra rAssembléo
sur la proposition susdîtê l ,
Il y a évidemment, dans touf ôeOx, de
quoi coDfomdre les esprits les mieux
trempés! Yous imaginez-vous un paisi-
ble bourgeois des départements obligé
de fournir des explications à sa famille
sur « la crise » du moment? Le 30 octo-
bre il est rentré chez lui, le sourire aux
lèvres, annonçant aux siens que tout
était pour le mieux, que M. le comte de
Chambord renonçait à semer dans son
pays de nouvelles semences de révolution,
et qu'enfin le retour de l'Assemblée ne
serait point le signal des grandes luttes
qu on annonçait depuis trois mois. Cinq
jours se passent ; l'Assemblée revient à
Versailles, et le soir même, le télégraphe
annonce partout que nous sommes en
pleine crise. On voit d'ici l'ahurissement
de notre homme. Sûrement, se dit-il, ce
sont les républicains qui, voulant pro-
fiter du désarroi des monarchistes, au-
ront brusqué les choses. Comme s'ils
ignoraient que tout vient à point à qui
sait attendre 1 Enfin! Il est dit que BOUS
n'en sortirons jamais 1
Le lendemain les journaux constatent
que la crise, puisque crise il y a, vient
de l'empressement du ministère à pren-
dre l'offensive, sans doute dans la crainte
qu il avait d'avoir bientôt à se défendre.
Et malgré les efforts des officieux de la
presse pour tromper l'opinion publique,
maigre les mensonges à tant la ligne do-
cilement expédiés dans toutes les direc-
tions par l'agence Iiavas, la lumière en-
fin se fait dans les esprits, et l'on finit
par saisir la raisoa des tendresses subites
da M. le duc de Broglie pour son pays,
et de son désir de calmer au plus vite
l'inquiétude qu'il a créée.
« La France ne peut attendre, » a dit
l'autre jour M. le vice-président du
conseil. Attendre quoi ? Il a oublié de le
dire ; nous nous permettrons de réparer
une aussi regrettable omission. La
France ne peut attendre dix ans le gou-
vernement définitif qu'elle réclame; et
surtout la France ne peut permettre que,
sous apparence de lui donner satisfac-
tion, on ne fasse en réalité que la con-
damner pour dix ans à se laisser ballot-
ter à tous les vents, qu'ils soufflent de
Frohsdorf, de Chantilly ou d'ailleurs.
La France veut vivre, la France veut
pouvoir se présenter tête haute à l'Eu-
rope, et pour cela, il lui faut un gouver-
nement qui ait un nom. Comment s'ap-
pellera celui qu'on prétend lui donner
aujourd'hui ?
Avant le 5 novembre, il s appelait la
République ; par pure tolérance, il est
vrai, mais enfin, c'était un nom ; demain,
si l'on en croyait M. le duo de Broglie
et les auteurs de la proposition, le gou-
vernement de France ne serait plus
qu'une société anonyme, à responsabilité
très-limifée. Voilà ce qu'on ose offrir au
pays, sous prétexte de lui donner le
repos, la sécurité, la confiance en l'ave-
nir, indispensable au travail, à la pro-
duction, à l'épalrgûe ! M. Veuillot dé-
mandait hier si cela était s érieux ? Non,
e'est odieux, et la France peut attendre,
quoi qu'en pense M. le vice-président
du conseil ; elle n'a nulle hâte de se
voir livrée pieds et poings liés aux par-
tis qui ne craignent pas de reconnaître
tMX: «ftt-il -leor faudra dix &M
pour en avoir raison.
Ce supplice de l'écartèlement lui est
connu ; voilà plus de deux ans qu'il du-
re ; c'est assez, et nous avons la plus
ferme confiance dans la sagesse qui pré-
sidera aux délibérations des Quinze. La
question qu'ils ont à étudier est la plus
grave qui se soit encore offerte aux mé-
ditations de cette Assemblée. Ils ne se
laisseront donc détourner de leur devoir,
ni par les objurgations des officieux, ni
par les menaces qu'on n'a pas craint de
leur adresser, hier, du haut de la tribune.
Ils travaillent pour la France, et la France
leur accordera le temps indispensable
aux délibérations sérieuses, dussent-ils,
d'ailleurs, au grand regret de M. le duc
de Broglie, n'avoir point accompli leur
besogne assez tôt pour en soumettre les
résultats à l'Assemblée avant l'interpel-
lation de jeudi.
E. SCHNERB.
♦
LES RÉUNIONS D'HIER
La gauche républicaine s'est réunie hier à
une heure à l'hôtel de France.
Elle a entendu la lecture du rapport de la
commission des cinq et adopté à l'unanimité le
contre projet suivant :
L'Assemblée nationale,
Considérant que la forme du gouverne
ment de la France ne peut pas être indé-
finiment livrée aux mpétitions, et que la
prolongation de l'état provisoire mettrait
en péril les plus grands intérêts du pays ;
Considérant que la stabilité d'un gou-
vernememt ne peut être assurée que par
l'organisation des pouvoirs qui le compo-
sent.
Décrète :
Art. 1er. — La France est constituée en
République.
Art. 2. — La composition, le3 attribu
tions et la durée du pouvoir législatif, le
mode d'. Jectioas, les attributions et la du-
rée du pouvoir exécutif seront détermiués
par la loi constitutionnelle.
Art. 3. — -.Jusqu'à la promulgation de
cett loi, les pouvoirs du président de la
République resteront réglés par les lois
des 31 août 1871 et 13 mars 1873.
Ont sigaé : Jules Simon, Albert Grévy, Jales
Ferry, Leroyer et Jozon.
M. Jules Simon donne ensuite communicaT
tion de la lettre adressée par M. Léon Say à
M. Bardoux, et que nous reproduisons ailleurs.
La séance est levée à deux heures.
Le centre gauche s'est réuni hier à trois
heures, sous la présidence de M. Léon
Say.
M. Léon Say a rendu compte de son
entrevue avec M. le duc de Broglie. Le
centre gauche a approuvé l'attitude prise
par son président et a décidé qu'il n'y
avait aucun motif d'ajourner les interpel-
lations. Il a résolu cependant, dans le cas
où M. de Broglie demanderait une remise,
de ne pas s'y opposer, pourvu qu'il soit
bien constaté que le ministère s'engage
à donner satisfaction aux auteurs de l'in-
terpellation.
Aucune décision formelle n'a été prise;
on s'en rapportera au comité directeur,
composé de MM. Léon Say, Scherer,La-
boulaye, Lacaze, Rieard, Chnstophle, comte
Rampoa, Bertauld, Robert de Massy,
Gaultier de Rumilly.
M. Léon Say a ensuite expliqué l'atti-
tude qu'il prenait au seia de la commis-
sion des Quinze. Sa conduite a reçu une
approbation générale.
Le centré droit s'est, réuni hier à Ver-
sailles sous la présidence d^ M. d'Auiif-
fret-Pasquier.
Voici le procès-verbal officiel de cette
séance :
Après une conversation à laquelle prèn-
nent part un grand nombre de membres,
le centre droit a déclaré qu'il maintièndra
le texte de la proposition Changafriier,
sauf l'introduction du titre dé président de
là République, implicitement contenu dans
le tèxtë précédent.
La rénnion a exprimé le vœu que la
commission des Quinze dépose son rapport
dans le plus bref délai possible.
Le séance a été levée à deux heures
vingt minutes.
—— ♦ -----
COURRIER PARLEMENTAIRE
Versailles, 10 novembre 4873.
- « L'ordre du jour appelle la discussion
sur la première délibération du projet de loi
relatif à la surveillance de la haute poliee,
dit M. Buffet. Quelqu'un dennnde-t-jl là
parole? »
Personne ne bouge; M. le président se
replonge dans son fauteuil et laisse ses
collègues se livrer àux douceurs des épan-
chements intimes. Au bout de dix minu-
tes, M. Buffet se dresse de nouveau, tout
au devoir et au feuilleton : « L'ordre du
jour appelle la discussion sur, etc. Quel-
qu'un demande-t- il la parole ? »
Personne ne bouge. C'est à qui ne se
risquera pas dans cette indifférence. Vo-
tons alors ! Et l'on vote la première déli-
bération du projet. L'exemple est donné,
la débandade commence : le second projet
est retiré, le troisième ajourné pour man-
que de renaeignementt, le quatrième
pour maladie de l'auteur, et le cinquième
pour àbsence momentanée du rappôrteur:
A chaque éclipse nouvelle, mi nouveau
rire gagne l'auditoire.
Il n'est pas deux heures trois quarts, et
il ne reste plus rien à l'ordre du jour.
Brwi ptass 1 M déetere f!f! ';1 ne nit
pas quoi mettre à l'ordre du jour de de-
main. Il est cependant bon nombre de
lois en retard.
M. de Tillancourt propose qu'on fasse
demain une séance de pétitions. L'Assem-
blée donnant une journée hors tour aux
pétitions, et en un pareil moment 1 Cela
ne rappelle-t-il pas les gens qui meurent
de soif (ici de la soif de légiférer) et qui
sucent des feuilles pour tromper leurs ar-
deurs ? En général, le procédé fait peu
illusion.
Quoique tout soit terminé, le vieux
comte Jaubert monte encore à la tribune.
Le comte Jaubert est de l'école de Mme
Scarron, qui remplaçait un plat par
une historiette. Le vieux député de la
droite pousse même jusqu'aux dernières
limites la théorie peu substantielle de cette
fameuse nourriture; les historiettes qu'il
sert sont en général réchauffées. ¿
Sa proposition relative à la liberté de
rerifcfcignèment supérieur ne venant pas
en discussion, il prend pour texte l'absen-
ce momentanée du rapporteur, M. L.
boulaye,. qui siege, a ia commission ae
prorogation, et il s'écrie : « M. le rappor-
teur est retenu ailleurs ; il n'y sera pas re-
tenu longtemps, je l'espère. » Après quoi,
il pastiche, pour le compte de la France, le
fameux : « J'ai failli attendre ! » de Louis
XIV.
Littéraire, mais peu juste de la part de
gens qui font attendre six mois aux élec-
teurs l'exercice du droit le plus élémen-
taire en matière de parlementarisme.
A la façon joyeuse dont la droite s'est
jetée sur le hors-d'œuvre littéraire de M.
le comte Jaubert, il est facile de deviner
que tous les efforts de MM. les ex monar-
chistes vont tendre à forcer la main à la
commission de prorogation pour obtenir un
dépôt rapide du rapport.
Quand il y a des projets à l'ordre du jour,
on ne les discute pas; M. Buffet lui-même,
malgré ses connaissances présidentielles
si étendues, ne trouve plus à composer
l'ordre du jour du lendemain. Les grèves
ne sont pas iuterdites, mais, en général,
elles réussissent peu à ceux qui les fout.
Le pays ne pourrait-il pas trouver, par
exemple, que ceux-là qui ne savent à quoi
s'occuper sont mal venus d'exiger une pro
longation de bail pour leurs travaux ?
Donc, demain, toute la journée, il est
convenu qu'on repoussera des pétitions.Si
peu récréatif que soit ce passe-temps, nous
Ne saurions trop engager nos amis politi-
ques à ne pas manquer d'y venir prendre
leur part : il n'pH rien de tel que les sen-
tinelles qui veillent, même sans danger
apparent, pour empêcher les coups de
main de se prodnire.
PAUI LAFARtHJB.
-, .--'-----
X. GUIZOT SERA-T-IL PAPE?
Oui, M. Guizot sera-t-il pape du protes-
tantisme ? C'est la question que bon nom-
bre de protestants se posent très-sérieuse-
ment à l'heure où nous écrivons ces lignes.
Personne n'ignore que l'année dernière,
la parti orthodoxe de l'Eglise réformée de
France s'est diverti à jouer au concile ca-
tholirlue j une majorité de 14 voix, très-
discutable et fort discutée, comme beau-
coup d'autres majorités, a promulgué une
déclaration de foi qu'elle s'est efforcée de-
puis de rendre obligatoire à tous les pro-
testants ; ces quatorze papes (c'est deux de
plus que la douzaine) ont décidé que leur
foi, qui est celle deM. Guizot, deviendrait
la foi de tous leurs coreligionnaires, et
qu'un huguenot qui n'aime point M. Gui-
zot est un vilain, un mécréant, un chien
d'hérétique, n'ayant, selon- Guizot, ni Dieu,
ni foi, ni loi. C'est à peu près de la même
façon que, il y a "quelques jours à peine,
M. GKuzot, la vieille nymphe Egérie de la
fusion, lâchait à imposer Henri V à la
France.
Mais quand les majorités ont décrété
une loi, cette loi n'est rien si elle n'est
appuyée par les gendarmes. Les orthodoxes
du synode n'avaient pas de gendarmes à
leur service contre les scélérats de l'opposi-
tion. lis en ont cherché auprès du gouverne-
ment; ils lui ont demandé de ratifier les
mesures prises par le synode et de mettre
hors la loi les protestants qui ne s'y sou-
mettraient. pas.
M. Thiers, qui régnait alors, au grand
détriment des bonnes mœurs et des intri-
gants royalistes, connaît assez d'histoire
pour savoir que les synodes et les conciles
n'ont jamais fait que du mat; aussi lais-
sait-il soigneusement dormir dans ses
cartons la déclaration de foi synodale quand
la Providence permit à M. Guizot de le
renverser et de venger aini de vieux griefs
et l'ordre moral outragé.
M. Thiers mis à bas, M. Guizot, sous la
proteetion d'une épée loyale, travailla avec
dévotion à la vjgne du Seigneur. je veux
dire au rétablissement d'Henri V, espérant
bien qu'en retour l'enfant du miracle ferait
quelque chose pour les protestants parti-
sans du surnaturel : comment, en effet,, le
fils aîné de l'Eglise n'aurait-il pas contre-
signé un Syllabus huguenot qui vise le
symbole des apôtres et déclare par là que
pour être boa protestant, il faut croire à
la sainte Eglise catholique ?
Mais 1*8 ! malgré la bo/me volonté du
républicain Target, Henri V ne sera pas
rétabli, la giâce de Dieu ayant fait défaut
autant que la volonté nationale. M. Guizot,
qu'on ne prend jamais sans vert, s'est
adressé à d autres saints, lisez aux gens
de bien du ministère. Il leur a demandé
de promulguer de leur autorité privée la
confession de foi du synode. Le conseil des
ministres n'avait aucun droit à faire une
pareille chose; il s'est rappelé à pois t qu'il
avait juré d'aller jusqu'à l'extiême limite
de la légalité, mais sans l'outrepasser, et
il a saisi le conseil d'Etat de la proposi-
tion.
La section des cultes a été chargée
d'examiner l'affaire ; elle entendra pro-
chainement, demain peut-être, le rappor-
teur choisi par elle, M. Andral, et le
conseil d'Eiat réuni quelques jours après
en assemblée générale prononcera un
jugement définitif. On voit que les
meneurs de l'orthodoxie, MM. Guizot et
Mettetal, s'ils Eavent le prix des Target,
connaissent aussi le prix du temps, et
qu'ils mènent rondement les affaires du
bon Dieu.
Il faut bien que le conseil d'Etat le
sache : la décision qu'on lui demande de
prendre est grave, très-grave pour lui-
même et sa jurisprudence, grave pour le
protestantisme français.
Elle est grava pour la jurisprudence du
conseil d'Etat. Un simple mot le fera com-
prendre. Ea différentes occasions, le con-
seil d'Etat a été saisi de bulles catholi-
ques que les prêtres avaient lues en chaire
sans son autorisation ; il a toujours refusé
de les promulguer, n'admettant point qu'on
essayât ainsi de lui forcer la main. La
pièce dogmatique qu'on lui a soumise est
absolument dans ce cas. Sans attendre mê-
me qu'il fût informé de l'existence de ce
document, les chefs du parti orthodoxe,
lui faisant l'injure de le croire à leur dé-
votion, ont fait lire aux fidèles de diffé-
rentes églises protestantes, celles de Mar-
seille et de la Tremblade entre autres, la
déclaration de foi synodale, Si le conseil
d'Etat se rappelle ses propres décisions, il
refusera d'homologuer la pièce qu'on lui
soumet. Si, par impossible, il pouvait les
oublier, il ne faut pas être grand prophète
pour lui prédire que le clergé catholique,
fort d'un pareil précédent, lui ferait bien-
tôt regretter ce manque de mémoire :
l'année se passerait alors pour lui en que-
relles envenimées avec les prêtres fran-
çais.
G La décision qu'il pourra prendre est
grave aussi pour le protestantisme. Aux
termes de la loi de germinal an II, la
seule qui règle les rapports du protestan-
tisme avec l'E'at, l'EgliEl réformée de
France est une Eglise de libre t xamen. Il
s'agit aujourd'hui de savoir si elle demeu-
rera ce qu'elle a toujours été ou si elle sera
vîCtime d'une révolution par en haut, c'est-
à-dire d'un coup d'Etat. Il s'agit de savoir
si on imposera à la grande moitié du pro-
testantisme un joug dogmatique qui lui
répugne et auquel elle ne se plierait pas.
Les protestants ont prouvé en. mainte cir
constance qu'ils savent résister; ils résis-
teront encore, si on les y pousse.
Mais ils espèrent qu'on ne les forcera
pas, au nom de la loi, à croire à la mul-
tiplication des pains, à la baleine de Jonas
et. autres miracles de la même farine; ils
aiment à pemer que le conseil d'Etat, en
l'impartialité duquel ilson-t foi, ne voudra
pas introduire contre leur gré le principe
catholique d'autorité dans une Eglise de ii-
berLô ; ils veulent encore estimer que M.
Guizot en aera pour ses intrigues et que
quatre ou cinq protestants légitimistes,
revenus bredouilles de Frohsdorf, ne pour-
ront pas établir l'ordre moral et papal au
sein du protestantisme.
EUGÈNE DUBIEF. c,.
le —
Confier le soin de ses destinées à un
homme, au lieu de chercher le salut dans
des institutions solides, est une épreuve
qui jusqu'à présent n'a guère réussi à la
France. Ceux qui ont pu croire qu'en se
groupant autour d'un grand nom, entouré
d'un prestige incontestable, on pouvait
conjurer tous les périls, ceux qui s'imagi-
nent encore aujourd'hui, qu'il suffit de je-
ter le pays, pieds et poings liés, dans les
bras d'un sauveur pour calmer toutes les
inquiétudes et pour assurer un avenir de
paix et de prospérité, ne veulent évidem-
ment pas ouvrir les yeux aux leçons de
l'expérience. La France a appris plusieurs
fois, à l'école du malheur, que ce n'estpoi.
dans l'abdication volontaire ou forcée de
tous ses droits aux mains d'un seul qu'elle
peut trouver le salut, et c'est parce qu'elle
a soif d'ordre et de sécurité que, tout en
demandant la fin -d'un provisoire @ qui la
ruine, elle ne veut plus engager l'avenir
sans de sérieuses garanties.
Je sais bien qu'on a dit, avec quelque
raison. Qu'il est DANS 1P. t.pmnA.mAnfl
français d'être prompt à s'engouer pour un
homme; mais il faut ajouter, comme cor-
rectif, que nous brisons facilement nos
idoles, et, sans remonter bien loin le cours
de notre histoire, demandez-le au général
Trochu et à tant d'autres, dont les noms
sont dans toutes les bouches !
1 Nous pensons done que rien de stable
ne saurait être fondé de la sorte.
Certes, nous n'ignorons pas que, n'ayant
pu restaurer la monarchie, messieurs de
la droite veulent écarter, pour le plus
longtemps possible, tout établissement
d'un gouvernement défimtif, afin de lais-
ser la porte ouverte à leurs espérances : là
dictature pour dix années qu'ils veulent
imposer au pays n'a pas d autre but.
Si leur objectif était uniquement de for-
tifier les pouvoirs de M. le maréchal de
Mac-Mahon, nous n'avons pas la préten-
tion de leur apprendre que le seul moyen
de fortifier ce pouvoir, c'est de l'appuyer
sur des lois constitutionnelles et de fonder
un gouvernement définitif.
- Comment I au sortir des horreurs dé la
Commune, et alors que notre malheureux
pays était en ruines, aussi bien morale-
ment que matériellement, M. Thiers, qui
tenait de l'Assemblée les mêmes pouvoirs
que possède aujourd'hui M. le maréchal-
président de la République, M. Thiers. a
pu faire face à une situation sans précé-
dent*, et mener à bonne fin l'œuvre de no-
tre libération et de la réorganisation de
nos forces vives, et à l'heure actuelle,
maintenant que la France relevée donne
au monde un grand exemple de calme et
de dignité, on vient nous dire que les pou-
voirs de M. le maréchal de Mac-Mahon ont
besoin d'être fortifiés pour dix ans !
Hors de là point de salut! nous crie-
t on. Qui espère-t-on donc convaincre ?
Notre éducation politique, faite à nos dé-
pens, est assez avancée pour nous dé-
montrer que ce n'est pas un homme seul
(fût-H homme de génie 1) qui peut nous
sauver, mais que ce sont seulement des
institutions libérales solidement établies.
Qu'on nous donne d'abord des institu-
tions définitives, les hommes ne nous man-
queront pas.
EDOUARD CROUSSE.
————— » —————
CONSERVONS ! CONSERVONS
Conservateur, mon ami, je te com-
prends.
Tu viens d'assister au plus rude assaut
parlementaire qui fût jamais, assaut d'un
nouveau genre, qui a eu pour champ de
bataille, au lieu de la tribune, la poste aux
lettres.
Tu as vu les champions se mesurer non
à coups de bulletins, mais à coups de cor-
respondances, et le scrutin rendre son
arrêt contre la monarchie, non sur des
votes, mais sur des intentions de vote.
Quant à la lettre « de la fin », à l'obus
épistolaire lancé par la batterie de Frobs-
dorf pour faaver l'honneur du drapeau, tu
as lu cette épître entre les lignes, comme
il convenait à un bon fils de Molière, de
Lafontaine et de Voltaire ; tu l'as applau-
die en te disant : « Cela est mieux ainsi ;
» s'il y a des vainqueurs et des vaincus, il
» n'y a du moins personne de mort ; les
» fidèles sont avertis que l'honneur con-
» siste désormais à ne pas violenter leur
» pays. »
Cela est d'un bon naturel.
Mais tu as, avec un goût prononcé pour
les solutions pacifiques, un vif amour de
tes intérêts,et tu t'es dit encore autre chose.
Tu t'es demandé si des royalistes, plus
restaurateurs à tout prix que leur Roy,
pouvaient se dire les soutiens de « l'ordre
moral » après avoir donné à l'Europe le
Epectacle peu moral de pourparlers que
la nation et la prince ont également dé-
savoués.
Tu t'es demande si après avoir, pendant
plus de trois mois, troublé le pays, para-
lysé l'industrie, ralenti le travail, inquiété
le monde du commerce et des affaires en
vue d'une combinaison chimérique, il se-
rait permis de répondre à ceux qui de-
manderaient où est le coupable : « C'est
« Personne. »
Et alors.,, tu as eu peur.
Tu t'es étonné de ne pas apercevoir tëo
sauveurs du côté où tu les vois d'ordi-
naire.
Tu t'es dit qu'en bonne justice une
telle entreprise avait betoin d'être blâmée
par le châtiment de ses auteurs, afin de
leur ôter l'envie de recommencer. châ-
timent doux, bien entendu, tel que la Ré-
publique sans épithète, c'est-à-dire la Ré- f
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