Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-11-10
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 10 novembre 1873 10 novembre 1873
Description : 1873/11/10 (A3,N725). 1873/11/10 (A3,N725).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/03/2013
a'-.Année.. — N0 725
Paix Do Numéro ; Pabis 15 Centimes — Départements 20 Cbshmbi.
Lundi 10 Novembre 4873.
LE XIX' SIÈCLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
«adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
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Les oia wscriis non inséras ne seront pas rendus.
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Un an.<.<..<, 61
."DORee., chez MM. LAGRANGE, CERF et Gw
6. r..Ire do la q
9n s'aboupe à Londres, chez M. A. Maubicê général
advertising, agent, 13, Tavistockrow, CoventGarden.
JOURNÉE POLITIQUE
'- Paris, 9 novembre 1873,
-. Lé premier, le deuxième et le quatrième
bureau ont, hier, choisi pour commissaires
M. de Rémusat, M. Léon Say et M. La-
haulaye. Ainsi se trouve complétée la com-
mission de prorogation, qui comptera huit
membres élus par la gauche et le centre
gauche, et seulement sept représentants de
la droite. Encore faut-il constater qu'au-
cun des commissaires qui ont été nommés
comme favorables au gouvernement n'a
os6 prendre ouvertement parti pour le ré-
gime dictatorial que le message parais-
sait réclamer ; tous, au contraire, ont
déclaré avec un remarquable ensemble
qu'ils ne songeaient à fonder aucune
dictature, qu'il n'était question de rien
changer aux conditions actuelles du pou-
voir, etc. Mais alors on demande pourquoi
le projet Changarnier et ce que signifiait
la fin du message î Comme le Times
avait raison de railler hier ces grands politi-
ques qui, prétendant maîtriser le pays,
» préparaient pour l'enchaîner des liens de
paille! Liens de paille, en effet, rompus au
premier instant et à la première tentative.
Le ministère ne recevra point, même des
mains de la droite, les pouvoirs absolus
dont il pensait s'armer. Que reste-t-il donc
de la proposition Changarmier? Dix ans de
statu que, dix ans de provisoire, de quoi
sourire ou s'indigner, selon les humeurs.
Du reste, cette prétention même s'évanouit;
on pense à transiger déjà, et l'agsneô Ha-
vas nous annonce que le gouvernement
se montre disposé à ne plus demander
la prorogation que pour cinq ans. Il
apprend à plier, et avec quel espoir ?
Nous trouvons encore dans les dépêches
de la même agence - officieuse un pas-
sage qui nous fait voir que le cabinet cou-
serve assez peu d'illusions sur son avenir :
« Rien n'est changé pour Je moment dans
les précédentes résolutions du ministère.
Il donnera sa démission, comme il l'a an-
noqcô, après le vote sur la proposition de
prorogation. Jusque là il croit que son de-
voir est de rester à "son poste et de répondre
-aux interpellations qui lui ont été adres-
sées.» Qu'il y réponde donc, s'il estime que
son honneur y est intéressé; mais nous
doutons qu'il puisse même atteindre le
dernier délai qu'il se donne. Le pays ne
sera satisfait et ne redeviendra calme qu'a-
près qu'il aura vu entrer dans la retraite
les hommes dont le passage aux affai-
res l'a si profondément troublé. Tant
qu'ils conserveront leurs portefeuilles,
il craindra toujours des agitations dont
il est las. C'est le sentiment unanime.
Hier, dans la journée, il n'était bruit
que de la démission du ministère; et le
public éprouvait déjà un vif soulage-
ment de ce qui n'était qu'une rumeur. Le
jour où seront appelés au ministère les
conservateurs républicains du centre gau-
che, ldissipées, la paix renaîtra dans les âmes
et la France enfin connaîtra le véritable
ordre moral.
Il ne nous a pas été possible hier, faute
d'espace, de donner, comme tous les jours,
le compte rendu du procès Bazaine. Nous
publions donc aujourd hui deux séances.
, La déposition de M. Hulrne, dans la séan-
ce du vendredi 7, a une telle importance
que nous avons cru devoir la reproduire
d'après la sténographie presque officielle du
Droit. M. Hulme affirme avoir remis, le
29 août, au maréchal de Mae-Mahon une
dépêche du maréchal Bazaine, et son té-
moignage, corroboré par ceux de plusieurs
autres témoins, se trouve cependant en
contradiction formelle avec les souvenirs
que le maréchal de Mac Mahon a consi
gnés daus sa déposition écrite. Où et t la
vérité? C'est ce qu'il importe de décou-
vrir.
, Eue. Libbert.
P. S. — Nous recevons eu dernier mo-
ment, sur la crise ministérielle, des ren-
seignements que nous avons lieu de croire
très-exacts. ;
— :
Le ministère a du plomb dans l'aile;
il le sent, et s'accroche désespérément à
ses portefeuilles. Certaine démarche de
M. le vice-président du conseil auprès
d'un des principaux signataires de l'in-
terpellation fixée à jeudi en dit plus à
cet égard que tous les commentaires.
M. le duc de Broglie en est à regretter
d'avoir si vito accepté l'interpellation ;
il avait compté sans l'échec moral que
vient de subir 16 cabinet dans les bu-
reaux de l'Assemblée; il s'était flatté
d'enlever tambour battant le vote de la
prorogation des pouvoirs; et cela fait,
l'interpellation venait trop tard ; la mi-
norité battue la Teille n'était plus en
état de soutenir la lutte.
Le cabinet demande donc aux mem-
bres du centre gauche d'ajourner leur
interpellation, et si l'on veut se rendre
un compte exact du mobile qui le
pousse à cette démarche humiliante, il
suffit de lire la note évidemment offi-
cieuse que publie le Français :
Aucune manœuvre n'est plus perfide et plus
dangereuse en ce moment que celle qui consiste
à faire perdra de vue'la question 4-e gouverne-
ment eu y mêlant la question minhtérielle.
pule ou le calcul de convoitises sans vergogne.
Nous regrettons de voir quelques journaux
conservateure, tomber dans ce piège de la gau-
che ou se mettre au service de ces ambitions.
La question du ministère viendra plus tard :
pour juger le passé, lors des interpellations ;
pour régler l'avenir, lors de la reconstitution
annoncée du cabinet.
Qu'on en soit assuré, les ministres actuels
n'ont aucun désir de rester au pouvoir : d'ail-
leurs, ils l'ont dit hautement, ils remettront
tous leur démission entre les mains du maré -
chai le lendemain de la prorogation..
Aujourd'hui ne nous faisons pas d'Illusion.
Ce qui est en jeu, ce n'est pas lô ministère,
c'est le maréchal de Mac-Mahon.
Ou plutôt ç'et la France elle-même.
Quoi qu'en dise le Français, sur l'or-
dre de ses maîtres). nous persistons à
croire que les ministres tiennent au moins
autant à leurs portefeuilles que le Fran-
çais lui-même tient à ce que ses protec-
teurs demeurent en place. MM. Ernoul
et de la Bouillerie sont tout prêts, nous
le croyons, à revenir siéger au milieu
de leurs amis de la droite ; Mais M. le
duc de Broglie, mais M. Beulé et les au-
tres estiment, non sans quelque , raiSODj
que ce qui fut bon à prendre est excel-
lent à èonserver; ils ont besoin, plus que
jamais, d'être à portée du maréchal, qu ils
veulent bien laisser régner, mais à la
condition qu'ils gouvernent. L'explica-
tion de leur conduite, depuis la rentrée
du parlement, n'est pas plus compliqué
que cela. Ils veulent garder le pouvoir,
et sachant bien que si, même parmi
leurs anciens amis, même parmi les
membres de la droite, on hésite à tirer
sur eux, c'est qu'on craint de faire d'une
pierre deux coups et d'atteindre invo-
lontairement le chef du pouvoir; ces mes-
sieurs s'abritent derrière le maréchal.
Il est faux, absolument faux de dire
que ce qui est en jeu — ce n'est point
le ministère, mais le maréchal de Mac-
Mahon.
Il est faux, absolument faux d'attri-
buer à l'opposition une manœuvre qui
est le fait du cabinet, et en particulier
de M. le duc de Brog!ie, qui ne craint
pas, pour sauvegarder sa situation, de
compromettre le maréchal, et qui, en
tout état de cause, préfère, s'il doit tom-
ber, ne point tomber tout seul.
Nous supplions rios amis de ne point
se laisser prendre à cette manœuvre,
renouvelée de l'autruche. Le cabinet a
beau se dissimuler derrière M. de Mac-
Mahon, il n'échappera pas à la justice
de l'Assemblée. C'est trop d'une fois.
Déjà, le 5 novembre, si M. le duc de
Broglie n'avait pas transformé, au mo-
ment du vote sur la proposition Dufaure,
une simple question de cabinet en ques-
tion de gouvernement, il n'est douteux
pour personne que le résultat eùt été
tout autre. Souffrirons-nous que les rô-
les soient sans cesse intervertis ?
Il est aujourd'hui de notoriété publi-
que que le ministère était venu mercre-
di à l'Assemblée dans l'intention formelle
d'en finir dans une seule séance, et de re-
prendre ainsi d'assaut une situation
qu'il sentait lui échapper. Le coup a
manqué. Finissons-en, à notre tour ; le
plus tôt sera le mieux. Et nous ne crai-
gnons point d'affirmer qu'une fois cette
besogne faite, il deviendra facile de s'en-
tendre sur la question de prorogation
des pouvoirs du maréchal.
E.SCHNERB.
— — p ——
LA CRISE MINISTÉRIELLE
Le conseil des ministres s'est léuni
hier mâtin à Versailles, sous la présidence
de M. le maréchal de Mac-Mahun. La no-
mination des commissaires, ainsi qu'il
était facile de le prévoir, a ému vivement
le président de la République, qui a dé-
siré connaître l'opinion de ses ministres.
M. le duc de Brogle a expliçpié d'abord
qu'il était facile de sauver ja situation. Il
s'agit simplement de consentir, à une trans-
action qui serait acceptée par le groupe
de l'appel au peuple et par une fraction
importante du centre gauche. « Le gou-
vernement, aurait dit M. le viee-président
du conseil, n'a posé la question de cabi-
net que sur l'urgence, mais non sur la
proposition elle-même. Il est donc facile
de rononcer aux dix ans, pourvu que la
prorogation soit votée avant les lois cons-
titutionnelles.
M. de Broglie n'avait pas tenu le même
langage aux membres des droites qui
étaient venus lui demander à quelles con-
ditions M. de Mac-Mahon voudrait conser-
ver le pouvoir. Le maréchal, selon lui,
devait se retirer si on ne lui accordait pas
la prorogation de dix ans.
Après avoir exprimé son opinion et
après quelques observations des autres
ministres, M. de Broglie a. déclaré que
dans tous les cas le ministère devait se
retirer immédiatement et qu'en consé-
quence les ministres donnaient tous leur
démission.
M. le président de la République a prié
les ministres de conserver leurs portefeuil-
les jusqu'à ce qu'une majorité soit formée
et qu'il sache où prendre un nouveau ca-
binet.
Les ministres actuels ont annoncé leur
résolution à plusieurs membres de l'As-
semblée. On nous affirme que M. de Bro-
glie est persuadé qu'il sera appelé à former
le nouveau ministère.
On lit ds YUnivers :
Tout se brouille, se défaufile et s'en va
l'on ne pait où.,,,La fameuse prorogation,
qui l'autre jour semblait assurée, devient
douteuse. On propose un rabais. Il n'est
plus question de dix ans, mais de cinq.
L'aura t. on même à ce prix ? Dix. ans
semblait fou, mais cinq ans, c'est une
autre affaire. Cela devient sérieux et paraît
bien pire. Un mot profond échappe au
Figaro, l'un des meneurs de cette politique
affolée. il se rattache aux cinq ans : « Qui
» sait, dit-il, si ces dictatures temporaires
» et tempérées ne sont pas ce qui convient
» le mieux à la France ? » Qui sait 1 Les
voilà à rêver le définitif formel et officiel
du provisoire, après trois ans d'un essai
qui les a mis dans le plus inexorable bour-
bier.
On lit dans l'Union ;
Dans le compte-rendu de la discussion
du troisième bureau relative à la Déposi-
tion Changarnier, un député, M. Delorme,
ayant demandé si, sous le régime prorogé
il serait permis de recommencer les ten-
tatives dë ces derniers mois, M. de Gou-
lard a répondu : « Toute tentative de
» -changement devrait être défendue. »
Cette parole est en contradiction formelle
avec l'endroit du message où M. le maré-
chal de Mac-Mahon déclare ne pas vouloir
engager « indéfiniment l'avenir ». Pas un
député royaliste ne pourrait voter un ordre
de choses qui fermerait la porte à la mo-
narchie.
.--. ——————
LES ESPÉRANCES LÉGITIMES
Les grands roués de la politique ont
leurs moments de naYveté. Pourquoi?
Musset nous l'a dit en beaux vers que
ma mémoire écorc h era peut-ê tre :
C'est qu'on se croit parjure
Quand on est abusé j c'est que notre nature
A de bien et de mal pétri sa créature.
M. de Broglie a donc du bon, quoj
qu'on die, et ce bon rachète parfois cer-
taines infirmités morales qui ont déjà
coûté cher à la France.
Ce n'est pas sûrement par malice pure
et perversité sans mélange que le vice-
président du conseil des ministres a dit
avant-hier dans le huitième bureau :
« Nous biffons sur les actes officiels le
nom de la République parce qu'il ne
nous plaît pas de donner au gouverne-
ment une forme qui ferme la porte aux
espérances légitimes. » Lorsqu'il parlait
ainsi, M. le due de Broglie était, à notre
avis, plus naïf que méchant, car il prê-
tait le flanc à de justes critiques.
,11 nous offrait l'occasion de lui deman-
der ce qu'il entend par des espérances
légitimes.
Les espérances légitimes sont-elles les
espérances légitimistes ? Non certes, car
s'il y avait naguère une porte ouverte à
ces espérances, M. le comte de Cham-
bord a pris soin de la fermer lui-même
à triples verrous. Nous avons craint, du-
rant cinq ou six jours, que le petit-fils
de Charles X n'abandonnât son drapeau,
ses préjugés et les principes. d'avant 89
pour se, transformer en monarque cons-
titutionnel : la lettre de Salzbour g nous
a pleinement rassurés, Dieu merci, et les
espérances légitimes ou légitimistes de
M. Chesnelong s'en sont allées à vau-
l'eau.
Les fidèles de l'Union et les fanatiques
de YUnivers ont pu rêver un instant que
la nation la plus libérale et la moins dé-
vote du monde immolerait ses habitudes,
ses croyances et ses libertés au vain plai-
sir de payer une note de carrosserie hé-
raldique chez Binder : le cri unanime
des villes et des campagnes a fermé laN
porte à cette espérance sincère, mais ri-
dicule.
Il n'est donc plus question des espé-
rances légitimistes. D'ailleurs M. le duc
de Broglie, qui est académicien par droit
de naissance, connaît la valeur exacte
des adjectifs ; ce n'est pas lui qui peut
confondre légitime et légitimiste. Un aca-
démicien politique ne sait pas toujours
ee qu'il fait, mais il sait au moins ce
qu'il dit.
q Les espérances légitimes dont l'hono-
rable due se fait le concierge apéritif et
hospitalier ne peuvent être que les ambi-
tions de M. le comte de Paris.
Ce jeune homme aux étreintes loyales,
qui a fait le voyage de Frohsdorf en pre-
mière classe pour déchirer le testament
de son père, la Charte de son aïeul et
la déclaration des droits de l'homme,
nourrit un terne d'espérances dont nous
ne contestons pas la légitimité.
Il espère que Dieu voudra bien rap-
peler à lui l'âme incontestablement
grande et belle de M. le comte de Cham-
bord.
Si ce vœu n'était pas exaucé en temps
utile, il espère qu'Henri V, las de confé*
rer à huis-clos avec les ambassadeurs de
Versailles, se jettera dans un couvent
comme le premier Mérovingien venu.
Enfin, au pis-aller, il espère que la
nation française, désabusée de l'ancien
régime, mais avide de monarchie, lui for-
cera la main un beau jour et lui signi-
fiera par ministère d'huissier qu'il ait
à régner sur 36 millions d'hommes, no-
nobstant toute opposition.
Voilà des espérances que M. le due
de Broglie a le droit de déclarer légiti-
mes, et qu'il aurait grand tort de lais-
ser coucher à la porte, car elles n'em-
ménageront jamais sans lui donner le
denier à Dieu.
Mais la France républicaine entretient,
elle aussi, un espoir que le vice-prési-
dent du conseil ne saurait ignorer sans
faire tort à ses connaissances. Elle espère
qu'un jour, et plus tôt que plus tard, il
lui sera permis de rentrer en possession
d'elle-même ; qu'elle ne dépendra ni du
caprice d'un roi, ni des commodités
d'une famille, ni des appétits d'une
cour ; qu'elle pourrra choisir ses allian-
ces en toute liberté, réorganiser son ar-
mée, ses finances, ses institutions en
toute sécurité; répartir éq'ultablement
les charges publiques, depuis l'impôt
foncier jusqu'au service militaire; ré-
pandre à profusion les lumières de l'ins-
truction publique, distribuer les em-
plois aux plus dignes et se gouverner
en un mot à l'exemple des Suisses, des
Américains, des peuples les plus civi-
lisés. - -
Cette e&pérance exclusive de toutes les
prétentions monarohiques-est aussi légiti-
me qu'aucune autre, et nous invitons sé-
rieusement M. le duc de Broglie à ne
point lui fermer la porte : il risquerait
de se pincer les doigts. ; ;,
, About.
! ; i.
COMMISSION DE - PROROGATION
La commission chargée d'examiner le
projet de loi Changarnier s'est réunie hier
pour la première fois, à quatre heures. La"
questftïe^toujd&rs chargée de la pre-
mière convocation, avait envoyé des let-
tres avant de connaître la décision des bu-
reaux qui avaient remis leurs votes au len-
demain. Cette précipitation n'a rien de
surprenant puisque tous les questeurs ap-
partiennent à la droite.
La réunien a eu lieu dans le premier
bureau de l'Assemblée. On a procédé im -
médiatement à l'élection du président et
du secrétaire; M. de Rémusat et M. Beth-
mont ont été élus par huit voix contre sept
données à MM. Wolowski et Savary.
Il est bon de remarquer que M. Wo-
lowski n'avait pas posé sa candidature.
Les monarchistes, au nombre de sept, pen-
saient que M. Wolow-4d, séduit par la
perspective d'une présidence si honorable
se déciderait à voter pour lui-même. La
manœuvre de nos adversaires a été rendue
inutile par la probité politique bien connue
de M. Wolowaki, qui a déposé un bulletin
portant le nom de M. de Réinutat.
Après la constitution du bureau, la com-
mission décide qu'elle ne tiendra pas se-
crètes ses délibérations.
Chaque membre exprime ensuite l'opi-
nion qu'il a reçu mission de défendre au
sein de la commission. -
La séance est levée à 7 heures.
Une seconde réunion aura lieu lundi
prochain à deux heures.
'—'——————"— « —' :—— '-
ONZE DÉPUTÉS FRANÇAIS
Il était question, depuis deux ou trois
jours, dans les groupes républicains, d'une
démarche qu'on voulait faire, et dont
il nous avait paru inutile d'entretenir le
publie avant l'heure. Quelques journaux,
dans des intentions diverses, n'ayant pas
observé le même ailence, nous dirons, à
notre tour, ce que nous savotis.
On n'a pu oublier que le jour où
l'Assemblée de Bordeaux vota l'acceptation
du traité de paix qui enlevait deux pro-
vinces à la France, les vingt-huit députés
d'Alsace adressèrent à l'Asemblée une
lettre poignante où Nous relevons ce pas-
sage :
c Au moment de quitter cette enceinte
où notre dignité ne nous permet plus de
siéger, et malgré l'amertume de notre dou-
leur, la pensée suprême que nous trouvous
au fond de nos cœurs est UNe pensée de
reconnaissance pour ceux qui, pendant six
mois n'ont pas cessé de nous défendre, et
d'inaltérable attachement à la patrie, dont
nous sommes violemment arrachés. »
Ces paroles semblaient équivaloir à une
démission ; et l'honorable M. de Tréveneuc,
voyant en effet ses collègues d'un jour quitter
l'Assemblée française, nejrnt sVmpêcher
de s'écrier : « Pourquoi les représentants
de l'Alsace ne resteraient-ils pas parmi
nous? »
M. de Tréveneue avait raison. Aussi,
dans la séance suivante, le 3 mars 1871,
M. Henri Martin revint il sur la letlre des
députés alsaciens, et nous copions tex-
tuellèment dans le Journal offieielles élo-
quentes paroles qu'il prononça dans cette
occasion: ,
« Les députés d'Alsace, en annonçant
qu'ils ne siégeraient plus dans cette As-
semblée, n'ont pas résigné le mandat
qu'ils ont reçu de citoyens français, que
la force aujourd'hui sépare de nous.
» Je vous demande de constater qu'ils
sont toujours les députés, lion pas seu-
lement de ces citoyens, mais de la
France entière, attendu que les repré-
sentants élus par telle ou telle partie de
la France ne représentent pas seulement
le groupe de citoyens français qui les a
choisis, mais représentent, dans sa tota-
lité, la nation française. ,
t> » C'est là une vérité qu'il importe de
eonstater aujourd'hui surtout, et je vous
conjure de la constater avec moi. » :
Le Journal çffïàUl mentionne à la suite
de ces paroles deux : très-bien ! très-bien !
Ce fut tout. Mais c'en est assez pour que
nos députés d'Alsace aient le droit absolu
de revenir prendre possession des siéges
qui leur appartiennent.
Malheureusement on se trompe quand on
dit, 'tantôt -qu'ils sont vingt-huit, tantôt
qu'ils sont dix-neuf ayant conservé leurs
droits de représentants. Ils ne sont en réa-
lité que onze; MM. Keller, SchaureMCestner,
Bamberger, Gambetta s'étaatfait réélire dans
d'autres départements; d'autres, comme M.
Tachard, s'étant vus dans l'impossibilité
d'opter pour la nationalité française. Si ces
onze citoyens français estiment que leur pré-
sence à l'Assemblée pourrait être de quel-
que utilité à leur pays, ils n'hésiteront pas;
ils viendront défendre ce qui est menacé,
au risque d'encourir le blâme d'un jour-
nal qui, s'inspirant bien mal du beau titre
qu'il porte, écrivait hier soir :
Quelques journaux annoncent ce matin que
les^lO deii,ltes de l'Alsace et de la Lorraine doi-
vent se présenter à Versailles et ré clamer
leur sièges àJ' Assembleè. -,
Nous ignorons qui a pu îEiagïw61, ce coup de
théâtre et à qui il pourrait servir. On se retuse
à croire que les anciens députés de nos provin-
ces oonquises consentent a se prête? à cette
scène étrange et veuillent donner.à la France
la douleur de les voir ajouter de nouveaux élé-
ments à nos complications. Il est impossible
aussi qu'on ne remarque pas la question inter-
nationale très-délicate que cette démarche pour:
rait soulever.
Nos braves compatriotes d'Alsace dédai-
gneront les sages conseils de la Patrie et
n'écouteront que leur conscience. Ils vien-
dront Versailles, et nous-verrons bien
s'il est un eœur français qui n'aille pas à
leur rencontre.
-. ;., E. SCHNERB.
,., —
COURRIER PARLEMENTAIRE
---.:--"- :' Versailles, 8 novembre 1873.
Pour réussir, il n'est rien de tel que le
succès, dirait le légendaire Calino. Et Ca-
lino, prenant pour exemple la journée qui
vient de s'écouler, démontrerait peut-être
qu'il y a dans son assertion plus de phi-
losophie que de naïveté. -
En effet, an. a nommé aujourd'hui les
trois commissaires qu'on gardait hier pour
la bonne bouche : ce sont MM. Charles
de Rémusat, Léon Say et Laboulaye; c'é-
tait écrit, comme si cela eût été dans le
Coran. Mais ce qui n'était pas écrit, c'est
le phénomène qui s'est produit dans les
trois bureaux à la gestàtion retardée : le
mouvement de vendredi s'est accentué, les
représentants du parti républicain ont ob-
tenu plus de voix qu'on ne pouvait l'espé-
rer. ,'.
Hier, deux, peut-être trois légitimistes
purs, reculant devant l'énormité de la chose
demandée, qui était une négation décen-
nale de leur principe, avaient bien voté
blase ou bien s'étaient aMteaus de voter ;
mais, aujourd'hui, il est pàtent que plu-
sieurs membres de la droite ont soutenu
de leurs votes les adversaires du cabinet,
et notamment M. Laboulaye, puisque ce
dernier a obtenu, dans son bureau, treate.
quatre suffrages contre une voix d'opposi-
tl0
Ce n'esL pas à dire que des membres de
la droite viennent IW oarti républicain, -
ce qui serait pousser trôp 10IU la logique
de Calino — mais cela fait voir au maréchal
de Mac-Mahon que des membres de la
droite ne se sentent pas le courage de le
suivre sur le terrain où l'a entrainé M. le
duc de Broglie. Nous prenons le fait pour
ce qu'il vaut, - et à nos yenx, il vaut beau-
coup,
De séance, point; un simulacre de séan-
ce, et c'est tout. Ea dix minutes, l'ordre
du jour, composé de prises en considéra-
tion émollientes, est épuisé.
Le cabinet n'est pas à son* banc; toute-
fois M. de Broglie fait une apparitioa,
serrant amoureusement sous fon bras son
vaste portefeuille; ce n'est jamais le mi-
nistre qui lâche le portefeuille, c'est la
portefeuille qui lâche le ministre.
M. Beulé montre à la tribune son front
chargé de soucis. « Chut! chutl » font
les quelques rares assistants qui espèrent
une importante déclaration. M. le mi-
nistre de l'intérieur dépose un projet d'em-
prunt pour la ville de Nîmes.
Quoi faire? On ne peut pourtant pas
centre dévorer pour passer le temps. On
mâchonne quelques pétitions. Séance de
pétitions ! La Providence, cette drama-
turge distinguée, veut donc qu'il y ait
toujours la pointe comique introduite dans
les situations Irs plus tragiques ?
Personne n'écoute, mais personne ne
veut s'en aller, car chacun se dit : le ha
sard pourrait bien profiter de mon absence
pour tenter quelqu'un de ses coups. Douce
wiifiance 1
Cependant, nul ne se présentant pour
aborder la tribune, il est convenu que tout
le monde &'en ira en même temps. Et
la séance est levée à trois heures et de-
mie. ,.
Que si, maintenant, l'on nous demande
le secret des dieux, nous répondions que
nous ne sommes-point Asmodée, et qu'As-
modée lui-même risquerait fort, en c'è mo-
ment, de mal renseigner le bachelier de
Salamanque.
Des bruits courent, de ces bruits fous
qui naissent sur l'heure du trouble des
esprits. Nous pourrions les recueillir, et
même en inventer ; notre magasin de con-
fection vaudrait bien celui du coin.
Mais la vérité vraie, la. voici : nos ad-
versaires n'ont pas encore eu l'idée de
nous choisir pour confident ; et si, par ha-
sard, nos amis nous faisaient des confi.
dences, ce ne serait point pour aller les
divulguer à nos adversaires.
PAUL Lafargcjb.
1 +
ta. commission de prorogation a com-
plété hier la liste de ses commissaires.
Voici le compte-rendu des discussions
dans les 1er, 2e et 4e bureaux:
PREMIER BUREAU.
M. Scliérer a demandé la parole hier,
ndn pour traîner les choses en lon-
gueur, mais pour que toutes les pensées
du bureau soient bien traduites. Nous
avons entendu, dit-il, avec plaisir M.
Daru déclarer qu'il ne s'agissait pas de
dictature. Mais, selon moi, la proposition
a cette portée ou n'en a pas. Ou le maré-
chal aura des pouvoirs supérieurs à ceux
de l'Assemblée ou il n'aura pas ces pou-
voirs. Dans un cas, il pourra dissoudre ;
dans l'autre, il sera exposé à se retirer.
La phrase, capitale du message est celle
qui repousse l'idée de faire du définif.
En sorte que le pays, qui aspire à se donner
dès institutions, serait condamné à rester
dans ce provisoire, ce qui est exorbitant et
même monstrueux. M. le vice-président du
conseil dans un autre bureau a paru
espérer que la porte resterait ouverte aux
aspirations monarchiques.
Cela est regrettable.
Il y avait deux voies ouvertes.
, L'une de tendre la main aux hommes
moulés ; il était facile de s'entendre.
L'autrb voie, c'est le gouvernement de
combat. C'est pelle-là qui a été choisie par
le ministère.
J'espère que la majorité cherchera le
terrain de la conciliation.
M. Denormandie. — Il faut faire la
République conservatrice. Voilà ma con-
viction personnelle.
Après le 24 mai, je pensais qu'on devait
examiner les lois constitutionnelles.
J'ai pensé que la proposition Changar-
nier donnerait un commencement de satis-
faction, j'y voyais un acheminement
aux lois constitutionnelles, et je ne sépare
pas les deux choses. n -
Si j'ai voté l'urgence, c'est que j'ai
pensé que les lois constitutionnelles se-
raient longues à examiner.
Ce n'est qu'un premier pas dans la voie
d'un système général.
Reste la question de la durée. Autant
dix ans me paraissent longs si la proro-
gation est une chose isolée, autant dix
ans me semblent naturels s'il s'agit d'un
bien général.
Cependant si dix ans sont trop longs, on
peut transiger sur la durée.
En résumé, je désire qu'on examine les
lois constitutionnelles 'immédiatement, et
je suis prêt à une transaction quant à la
prorogation.
M. Itepère. — Je m'applaudis de la
remise, puisque cela a permis à M. Denor-
mandie de nous montrer que sa lettre n'é-
tait pas aussi absolue que cela nous avait
paru. Mais d'où vient le projet ? De ceux qui
ont agité le pays par leurs propositions mo-
narchiques avortées. En outre, il semble
que le message exprime la même pensée ;
c'est là ce qu'il importe de savoir.
M. Dalairel. — Je ne comprends pas
les questions qui nous sont posées. Je don-
nerai ma voix à M. Denormandie parce
qu'il se rapproche plus de moi que M. Le-
père.
M. Denormandie. — Dans le monde
des affaires on veut de la stabilité. On ne
fait rien et on* veut travailler. Voilà l'ex-
plication de ma politique.
M. Mantille. - J'appnouve le langage
de M. Denormandie et je voterai pour lui.
M. Schœlcher. — M. Denormandie
veut fonder la République et M. Hamille
et M. Dahirel votent pour lui ; je le cons-
tate.
On passe au vote.
Nombre de votants, 48
M< de Rémusat, 28 voix.
M. Denormandie, .19 —
M. Lepère, * 1 —
DEUXIÈME BUREAU
H. Pras.-I-arls s'élève contre les tan.
tatives d'établissement de la République
définitive faites il y a quelques mois. Il
les a combattues en s'associant au vote du.
24 mai Ml combat également les tentatives
de restauration monarchique faites par les -
partisans de la fusion. Ces tentatives ont
avorté ; mais on demande une prolonga-
tion de la durée des pouvoirs présidentiels
pour dix ans. C'est un prétexte pour les
renouveler.
L'orateur ne pense pas qu'on puisse en-
gager pour si longtemps les destinées du
pays sans le consulter. Il développe la
doctrine de l'appel au peuple. Il acceptera
une prolongation des pouvoirs de l'illus-
tre maréchal pour un temps déterminé, si
c'est nécessaire; mais il persiste à croire
que rien de définitif ne peut se faire sans
l'assentiment de la nation.
M. Léon Say démontre, dans un dis-
cours, concis, que la prolongation pour dix
ans ne serait qu'une illusion que l'on fe-
rait miroiter aux yeux du pays, qui serait
bientôt désabusé.
Voici le résultat du vote :
Votants 46 -
MM. Léon Say.28 voix.
De Ventavon 17 —
De Fortou.. : 1 —
't QUATRIÈME BUREAU
ltI. Tolain constate que les adversai-
res de la République abandonnent le dé-
bat. Il sera donc bref. Le maréchal n'a pas
déclaré ses opinions politiques. De quel
droit et à quel propos lui confier de tels
pouvoirs ? C'est que les membres de la
droite veulent faire triompher de nouveaux
projets monarchiques.
M. Gatien Ariaould fait remarquer
que la proposition de prorogation manque
de logique. Il y a une équivoque dont il
faut sortir. L'exposé des motifs est en
contradiction avec la proposition elle-même.
Rien ne se tient dans le projet. C'est in-
sulter le bon sens public que de lui faire de
semblables propositions.
M. DRrut. - Notre commissaire devra
demander que les anciens projets consti-
tutionnels soient d'abord examinés dans
les bureaux. Il serait utile ensuite que le
président de la République vînt donner
les explications que son ministre nous a
refusées.
ni. Cilrerd. — Ne peut-on modifier la
proposition de la manière suivante :
« Les pouvoirs du maréchal seront pro-
rogés; leur durée sera de six mois après
la fin de la législation actuelle. »
Le deuxième paragraphe peut être ac-
cepté après la modification précédente.
Le troisième peut être accepté, mais la
commission doit être nommée dans les
bureaux..
A l'appui des modifications demandées,
l'orateur rappelle le discours prononcé par
M. Èrnoul au sein de la commission des
Trente. Il en cite notamment ce passage :
« Je pense qu'il ne faut pas vous laisser
» entraîner à l'idée d'un pouvoir exécutif
» survivant à l'Assemblée. Cela se voit
» dans les gouvernements définitivement
Paix Do Numéro ; Pabis 15 Centimes — Départements 20 Cbshmbi.
Lundi 10 Novembre 4873.
LE XIX' SIÈCLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
«adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
£ • rue Drovot, s
Les oia wscriis non inséras ne seront pas rendus.
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 13 fr.
Six mois. 25
Un an 50
Trois mois nfr.fr.
DÉPARTEMENTS
Six mois. t:
Un an ":f'
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et tA,
6, place de la Bonne, 6
On s'abonne à Londres, chez M. A. MAURICE général
advertising, agent, 13, Tavistockrow, CouentGardeU;
ADMINISTRATION
AdfMSM lettres et mandats à l'Administrateur
8, rue Drouot. 8
949 ielires non affranchies seront refw*
ABONNEMENTS
1
1
PARIS
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Six mois. 25
Un an. 50
DÉPARTEMSOT*
Trois mois. 16 fr.
Six mois 12
Un an.<.<..<, 61
."DORee., chez MM. LAGRANGE, CERF et Gw
6. r..Ire do la q
9n s'aboupe à Londres, chez M. A. Maubicê général
advertising, agent, 13, Tavistockrow, CoventGarden.
JOURNÉE POLITIQUE
'- Paris, 9 novembre 1873,
-. Lé premier, le deuxième et le quatrième
bureau ont, hier, choisi pour commissaires
M. de Rémusat, M. Léon Say et M. La-
haulaye. Ainsi se trouve complétée la com-
mission de prorogation, qui comptera huit
membres élus par la gauche et le centre
gauche, et seulement sept représentants de
la droite. Encore faut-il constater qu'au-
cun des commissaires qui ont été nommés
comme favorables au gouvernement n'a
os6 prendre ouvertement parti pour le ré-
gime dictatorial que le message parais-
sait réclamer ; tous, au contraire, ont
déclaré avec un remarquable ensemble
qu'ils ne songeaient à fonder aucune
dictature, qu'il n'était question de rien
changer aux conditions actuelles du pou-
voir, etc. Mais alors on demande pourquoi
le projet Changarnier et ce que signifiait
la fin du message î Comme le Times
avait raison de railler hier ces grands politi-
ques qui, prétendant maîtriser le pays,
» préparaient pour l'enchaîner des liens de
paille! Liens de paille, en effet, rompus au
premier instant et à la première tentative.
Le ministère ne recevra point, même des
mains de la droite, les pouvoirs absolus
dont il pensait s'armer. Que reste-t-il donc
de la proposition Changarmier? Dix ans de
statu que, dix ans de provisoire, de quoi
sourire ou s'indigner, selon les humeurs.
Du reste, cette prétention même s'évanouit;
on pense à transiger déjà, et l'agsneô Ha-
vas nous annonce que le gouvernement
se montre disposé à ne plus demander
la prorogation que pour cinq ans. Il
apprend à plier, et avec quel espoir ?
Nous trouvons encore dans les dépêches
de la même agence - officieuse un pas-
sage qui nous fait voir que le cabinet cou-
serve assez peu d'illusions sur son avenir :
« Rien n'est changé pour Je moment dans
les précédentes résolutions du ministère.
Il donnera sa démission, comme il l'a an-
noqcô, après le vote sur la proposition de
prorogation. Jusque là il croit que son de-
voir est de rester à "son poste et de répondre
-aux interpellations qui lui ont été adres-
sées.» Qu'il y réponde donc, s'il estime que
son honneur y est intéressé; mais nous
doutons qu'il puisse même atteindre le
dernier délai qu'il se donne. Le pays ne
sera satisfait et ne redeviendra calme qu'a-
près qu'il aura vu entrer dans la retraite
les hommes dont le passage aux affai-
res l'a si profondément troublé. Tant
qu'ils conserveront leurs portefeuilles,
il craindra toujours des agitations dont
il est las. C'est le sentiment unanime.
Hier, dans la journée, il n'était bruit
que de la démission du ministère; et le
public éprouvait déjà un vif soulage-
ment de ce qui n'était qu'une rumeur. Le
jour où seront appelés au ministère les
conservateurs républicains du centre gau-
che, ldissipées, la paix renaîtra dans les âmes
et la France enfin connaîtra le véritable
ordre moral.
Il ne nous a pas été possible hier, faute
d'espace, de donner, comme tous les jours,
le compte rendu du procès Bazaine. Nous
publions donc aujourd hui deux séances.
, La déposition de M. Hulrne, dans la séan-
ce du vendredi 7, a une telle importance
que nous avons cru devoir la reproduire
d'après la sténographie presque officielle du
Droit. M. Hulme affirme avoir remis, le
29 août, au maréchal de Mae-Mahon une
dépêche du maréchal Bazaine, et son té-
moignage, corroboré par ceux de plusieurs
autres témoins, se trouve cependant en
contradiction formelle avec les souvenirs
que le maréchal de Mac Mahon a consi
gnés daus sa déposition écrite. Où et t la
vérité? C'est ce qu'il importe de décou-
vrir.
, Eue. Libbert.
P. S. — Nous recevons eu dernier mo-
ment, sur la crise ministérielle, des ren-
seignements que nous avons lieu de croire
très-exacts. ;
— :
Le ministère a du plomb dans l'aile;
il le sent, et s'accroche désespérément à
ses portefeuilles. Certaine démarche de
M. le vice-président du conseil auprès
d'un des principaux signataires de l'in-
terpellation fixée à jeudi en dit plus à
cet égard que tous les commentaires.
M. le duc de Broglie en est à regretter
d'avoir si vito accepté l'interpellation ;
il avait compté sans l'échec moral que
vient de subir 16 cabinet dans les bu-
reaux de l'Assemblée; il s'était flatté
d'enlever tambour battant le vote de la
prorogation des pouvoirs; et cela fait,
l'interpellation venait trop tard ; la mi-
norité battue la Teille n'était plus en
état de soutenir la lutte.
Le cabinet demande donc aux mem-
bres du centre gauche d'ajourner leur
interpellation, et si l'on veut se rendre
un compte exact du mobile qui le
pousse à cette démarche humiliante, il
suffit de lire la note évidemment offi-
cieuse que publie le Français :
Aucune manœuvre n'est plus perfide et plus
dangereuse en ce moment que celle qui consiste
à faire perdra de vue'la question 4-e gouverne-
ment eu y mêlant la question minhtérielle.
pule ou le calcul de convoitises sans vergogne.
Nous regrettons de voir quelques journaux
conservateure, tomber dans ce piège de la gau-
che ou se mettre au service de ces ambitions.
La question du ministère viendra plus tard :
pour juger le passé, lors des interpellations ;
pour régler l'avenir, lors de la reconstitution
annoncée du cabinet.
Qu'on en soit assuré, les ministres actuels
n'ont aucun désir de rester au pouvoir : d'ail-
leurs, ils l'ont dit hautement, ils remettront
tous leur démission entre les mains du maré -
chai le lendemain de la prorogation..
Aujourd'hui ne nous faisons pas d'Illusion.
Ce qui est en jeu, ce n'est pas lô ministère,
c'est le maréchal de Mac-Mahon.
Ou plutôt ç'et la France elle-même.
Quoi qu'en dise le Français, sur l'or-
dre de ses maîtres). nous persistons à
croire que les ministres tiennent au moins
autant à leurs portefeuilles que le Fran-
çais lui-même tient à ce que ses protec-
teurs demeurent en place. MM. Ernoul
et de la Bouillerie sont tout prêts, nous
le croyons, à revenir siéger au milieu
de leurs amis de la droite ; Mais M. le
duc de Broglie, mais M. Beulé et les au-
tres estiment, non sans quelque , raiSODj
que ce qui fut bon à prendre est excel-
lent à èonserver; ils ont besoin, plus que
jamais, d'être à portée du maréchal, qu ils
veulent bien laisser régner, mais à la
condition qu'ils gouvernent. L'explica-
tion de leur conduite, depuis la rentrée
du parlement, n'est pas plus compliqué
que cela. Ils veulent garder le pouvoir,
et sachant bien que si, même parmi
leurs anciens amis, même parmi les
membres de la droite, on hésite à tirer
sur eux, c'est qu'on craint de faire d'une
pierre deux coups et d'atteindre invo-
lontairement le chef du pouvoir; ces mes-
sieurs s'abritent derrière le maréchal.
Il est faux, absolument faux de dire
que ce qui est en jeu — ce n'est point
le ministère, mais le maréchal de Mac-
Mahon.
Il est faux, absolument faux d'attri-
buer à l'opposition une manœuvre qui
est le fait du cabinet, et en particulier
de M. le duc de Brog!ie, qui ne craint
pas, pour sauvegarder sa situation, de
compromettre le maréchal, et qui, en
tout état de cause, préfère, s'il doit tom-
ber, ne point tomber tout seul.
Nous supplions rios amis de ne point
se laisser prendre à cette manœuvre,
renouvelée de l'autruche. Le cabinet a
beau se dissimuler derrière M. de Mac-
Mahon, il n'échappera pas à la justice
de l'Assemblée. C'est trop d'une fois.
Déjà, le 5 novembre, si M. le duc de
Broglie n'avait pas transformé, au mo-
ment du vote sur la proposition Dufaure,
une simple question de cabinet en ques-
tion de gouvernement, il n'est douteux
pour personne que le résultat eùt été
tout autre. Souffrirons-nous que les rô-
les soient sans cesse intervertis ?
Il est aujourd'hui de notoriété publi-
que que le ministère était venu mercre-
di à l'Assemblée dans l'intention formelle
d'en finir dans une seule séance, et de re-
prendre ainsi d'assaut une situation
qu'il sentait lui échapper. Le coup a
manqué. Finissons-en, à notre tour ; le
plus tôt sera le mieux. Et nous ne crai-
gnons point d'affirmer qu'une fois cette
besogne faite, il deviendra facile de s'en-
tendre sur la question de prorogation
des pouvoirs du maréchal.
E.SCHNERB.
— — p ——
LA CRISE MINISTÉRIELLE
Le conseil des ministres s'est léuni
hier mâtin à Versailles, sous la présidence
de M. le maréchal de Mac-Mahun. La no-
mination des commissaires, ainsi qu'il
était facile de le prévoir, a ému vivement
le président de la République, qui a dé-
siré connaître l'opinion de ses ministres.
M. le duc de Brogle a expliçpié d'abord
qu'il était facile de sauver ja situation. Il
s'agit simplement de consentir, à une trans-
action qui serait acceptée par le groupe
de l'appel au peuple et par une fraction
importante du centre gauche. « Le gou-
vernement, aurait dit M. le viee-président
du conseil, n'a posé la question de cabi-
net que sur l'urgence, mais non sur la
proposition elle-même. Il est donc facile
de rononcer aux dix ans, pourvu que la
prorogation soit votée avant les lois cons-
titutionnelles.
M. de Broglie n'avait pas tenu le même
langage aux membres des droites qui
étaient venus lui demander à quelles con-
ditions M. de Mac-Mahon voudrait conser-
ver le pouvoir. Le maréchal, selon lui,
devait se retirer si on ne lui accordait pas
la prorogation de dix ans.
Après avoir exprimé son opinion et
après quelques observations des autres
ministres, M. de Broglie a. déclaré que
dans tous les cas le ministère devait se
retirer immédiatement et qu'en consé-
quence les ministres donnaient tous leur
démission.
M. le président de la République a prié
les ministres de conserver leurs portefeuil-
les jusqu'à ce qu'une majorité soit formée
et qu'il sache où prendre un nouveau ca-
binet.
Les ministres actuels ont annoncé leur
résolution à plusieurs membres de l'As-
semblée. On nous affirme que M. de Bro-
glie est persuadé qu'il sera appelé à former
le nouveau ministère.
On lit ds YUnivers :
Tout se brouille, se défaufile et s'en va
l'on ne pait où.,,,La fameuse prorogation,
qui l'autre jour semblait assurée, devient
douteuse. On propose un rabais. Il n'est
plus question de dix ans, mais de cinq.
L'aura t. on même à ce prix ? Dix. ans
semblait fou, mais cinq ans, c'est une
autre affaire. Cela devient sérieux et paraît
bien pire. Un mot profond échappe au
Figaro, l'un des meneurs de cette politique
affolée. il se rattache aux cinq ans : « Qui
» sait, dit-il, si ces dictatures temporaires
» et tempérées ne sont pas ce qui convient
» le mieux à la France ? » Qui sait 1 Les
voilà à rêver le définitif formel et officiel
du provisoire, après trois ans d'un essai
qui les a mis dans le plus inexorable bour-
bier.
On lit dans l'Union ;
Dans le compte-rendu de la discussion
du troisième bureau relative à la Déposi-
tion Changarnier, un député, M. Delorme,
ayant demandé si, sous le régime prorogé
il serait permis de recommencer les ten-
tatives dë ces derniers mois, M. de Gou-
lard a répondu : « Toute tentative de
» -changement devrait être défendue. »
Cette parole est en contradiction formelle
avec l'endroit du message où M. le maré-
chal de Mac-Mahon déclare ne pas vouloir
engager « indéfiniment l'avenir ». Pas un
député royaliste ne pourrait voter un ordre
de choses qui fermerait la porte à la mo-
narchie.
.--. ——————
LES ESPÉRANCES LÉGITIMES
Les grands roués de la politique ont
leurs moments de naYveté. Pourquoi?
Musset nous l'a dit en beaux vers que
ma mémoire écorc h era peut-ê tre :
C'est qu'on se croit parjure
Quand on est abusé j c'est que notre nature
A de bien et de mal pétri sa créature.
M. de Broglie a donc du bon, quoj
qu'on die, et ce bon rachète parfois cer-
taines infirmités morales qui ont déjà
coûté cher à la France.
Ce n'est pas sûrement par malice pure
et perversité sans mélange que le vice-
président du conseil des ministres a dit
avant-hier dans le huitième bureau :
« Nous biffons sur les actes officiels le
nom de la République parce qu'il ne
nous plaît pas de donner au gouverne-
ment une forme qui ferme la porte aux
espérances légitimes. » Lorsqu'il parlait
ainsi, M. le due de Broglie était, à notre
avis, plus naïf que méchant, car il prê-
tait le flanc à de justes critiques.
,11 nous offrait l'occasion de lui deman-
der ce qu'il entend par des espérances
légitimes.
Les espérances légitimes sont-elles les
espérances légitimistes ? Non certes, car
s'il y avait naguère une porte ouverte à
ces espérances, M. le comte de Cham-
bord a pris soin de la fermer lui-même
à triples verrous. Nous avons craint, du-
rant cinq ou six jours, que le petit-fils
de Charles X n'abandonnât son drapeau,
ses préjugés et les principes. d'avant 89
pour se, transformer en monarque cons-
titutionnel : la lettre de Salzbour g nous
a pleinement rassurés, Dieu merci, et les
espérances légitimes ou légitimistes de
M. Chesnelong s'en sont allées à vau-
l'eau.
Les fidèles de l'Union et les fanatiques
de YUnivers ont pu rêver un instant que
la nation la plus libérale et la moins dé-
vote du monde immolerait ses habitudes,
ses croyances et ses libertés au vain plai-
sir de payer une note de carrosserie hé-
raldique chez Binder : le cri unanime
des villes et des campagnes a fermé laN
porte à cette espérance sincère, mais ri-
dicule.
Il n'est donc plus question des espé-
rances légitimistes. D'ailleurs M. le duc
de Broglie, qui est académicien par droit
de naissance, connaît la valeur exacte
des adjectifs ; ce n'est pas lui qui peut
confondre légitime et légitimiste. Un aca-
démicien politique ne sait pas toujours
ee qu'il fait, mais il sait au moins ce
qu'il dit.
q Les espérances légitimes dont l'hono-
rable due se fait le concierge apéritif et
hospitalier ne peuvent être que les ambi-
tions de M. le comte de Paris.
Ce jeune homme aux étreintes loyales,
qui a fait le voyage de Frohsdorf en pre-
mière classe pour déchirer le testament
de son père, la Charte de son aïeul et
la déclaration des droits de l'homme,
nourrit un terne d'espérances dont nous
ne contestons pas la légitimité.
Il espère que Dieu voudra bien rap-
peler à lui l'âme incontestablement
grande et belle de M. le comte de Cham-
bord.
Si ce vœu n'était pas exaucé en temps
utile, il espère qu'Henri V, las de confé*
rer à huis-clos avec les ambassadeurs de
Versailles, se jettera dans un couvent
comme le premier Mérovingien venu.
Enfin, au pis-aller, il espère que la
nation française, désabusée de l'ancien
régime, mais avide de monarchie, lui for-
cera la main un beau jour et lui signi-
fiera par ministère d'huissier qu'il ait
à régner sur 36 millions d'hommes, no-
nobstant toute opposition.
Voilà des espérances que M. le due
de Broglie a le droit de déclarer légiti-
mes, et qu'il aurait grand tort de lais-
ser coucher à la porte, car elles n'em-
ménageront jamais sans lui donner le
denier à Dieu.
Mais la France républicaine entretient,
elle aussi, un espoir que le vice-prési-
dent du conseil ne saurait ignorer sans
faire tort à ses connaissances. Elle espère
qu'un jour, et plus tôt que plus tard, il
lui sera permis de rentrer en possession
d'elle-même ; qu'elle ne dépendra ni du
caprice d'un roi, ni des commodités
d'une famille, ni des appétits d'une
cour ; qu'elle pourrra choisir ses allian-
ces en toute liberté, réorganiser son ar-
mée, ses finances, ses institutions en
toute sécurité; répartir éq'ultablement
les charges publiques, depuis l'impôt
foncier jusqu'au service militaire; ré-
pandre à profusion les lumières de l'ins-
truction publique, distribuer les em-
plois aux plus dignes et se gouverner
en un mot à l'exemple des Suisses, des
Américains, des peuples les plus civi-
lisés. - -
Cette e&pérance exclusive de toutes les
prétentions monarohiques-est aussi légiti-
me qu'aucune autre, et nous invitons sé-
rieusement M. le duc de Broglie à ne
point lui fermer la porte : il risquerait
de se pincer les doigts. ; ;,
, About.
! ; i.
COMMISSION DE - PROROGATION
La commission chargée d'examiner le
projet de loi Changarnier s'est réunie hier
pour la première fois, à quatre heures. La"
questftïe^toujd&rs chargée de la pre-
mière convocation, avait envoyé des let-
tres avant de connaître la décision des bu-
reaux qui avaient remis leurs votes au len-
demain. Cette précipitation n'a rien de
surprenant puisque tous les questeurs ap-
partiennent à la droite.
La réunien a eu lieu dans le premier
bureau de l'Assemblée. On a procédé im -
médiatement à l'élection du président et
du secrétaire; M. de Rémusat et M. Beth-
mont ont été élus par huit voix contre sept
données à MM. Wolowski et Savary.
Il est bon de remarquer que M. Wo-
lowski n'avait pas posé sa candidature.
Les monarchistes, au nombre de sept, pen-
saient que M. Wolow-4d, séduit par la
perspective d'une présidence si honorable
se déciderait à voter pour lui-même. La
manœuvre de nos adversaires a été rendue
inutile par la probité politique bien connue
de M. Wolowaki, qui a déposé un bulletin
portant le nom de M. de Réinutat.
Après la constitution du bureau, la com-
mission décide qu'elle ne tiendra pas se-
crètes ses délibérations.
Chaque membre exprime ensuite l'opi-
nion qu'il a reçu mission de défendre au
sein de la commission. -
La séance est levée à 7 heures.
Une seconde réunion aura lieu lundi
prochain à deux heures.
'—'——————"— « —' :—— '-
ONZE DÉPUTÉS FRANÇAIS
Il était question, depuis deux ou trois
jours, dans les groupes républicains, d'une
démarche qu'on voulait faire, et dont
il nous avait paru inutile d'entretenir le
publie avant l'heure. Quelques journaux,
dans des intentions diverses, n'ayant pas
observé le même ailence, nous dirons, à
notre tour, ce que nous savotis.
On n'a pu oublier que le jour où
l'Assemblée de Bordeaux vota l'acceptation
du traité de paix qui enlevait deux pro-
vinces à la France, les vingt-huit députés
d'Alsace adressèrent à l'Asemblée une
lettre poignante où Nous relevons ce pas-
sage :
c Au moment de quitter cette enceinte
où notre dignité ne nous permet plus de
siéger, et malgré l'amertume de notre dou-
leur, la pensée suprême que nous trouvous
au fond de nos cœurs est UNe pensée de
reconnaissance pour ceux qui, pendant six
mois n'ont pas cessé de nous défendre, et
d'inaltérable attachement à la patrie, dont
nous sommes violemment arrachés. »
Ces paroles semblaient équivaloir à une
démission ; et l'honorable M. de Tréveneuc,
voyant en effet ses collègues d'un jour quitter
l'Assemblée française, nejrnt sVmpêcher
de s'écrier : « Pourquoi les représentants
de l'Alsace ne resteraient-ils pas parmi
nous? »
M. de Tréveneue avait raison. Aussi,
dans la séance suivante, le 3 mars 1871,
M. Henri Martin revint il sur la letlre des
députés alsaciens, et nous copions tex-
tuellèment dans le Journal offieielles élo-
quentes paroles qu'il prononça dans cette
occasion: ,
« Les députés d'Alsace, en annonçant
qu'ils ne siégeraient plus dans cette As-
semblée, n'ont pas résigné le mandat
qu'ils ont reçu de citoyens français, que
la force aujourd'hui sépare de nous.
» Je vous demande de constater qu'ils
sont toujours les députés, lion pas seu-
lement de ces citoyens, mais de la
France entière, attendu que les repré-
sentants élus par telle ou telle partie de
la France ne représentent pas seulement
le groupe de citoyens français qui les a
choisis, mais représentent, dans sa tota-
lité, la nation française. ,
t> » C'est là une vérité qu'il importe de
eonstater aujourd'hui surtout, et je vous
conjure de la constater avec moi. » :
Le Journal çffïàUl mentionne à la suite
de ces paroles deux : très-bien ! très-bien !
Ce fut tout. Mais c'en est assez pour que
nos députés d'Alsace aient le droit absolu
de revenir prendre possession des siéges
qui leur appartiennent.
Malheureusement on se trompe quand on
dit, 'tantôt -qu'ils sont vingt-huit, tantôt
qu'ils sont dix-neuf ayant conservé leurs
droits de représentants. Ils ne sont en réa-
lité que onze; MM. Keller, SchaureMCestner,
Bamberger, Gambetta s'étaatfait réélire dans
d'autres départements; d'autres, comme M.
Tachard, s'étant vus dans l'impossibilité
d'opter pour la nationalité française. Si ces
onze citoyens français estiment que leur pré-
sence à l'Assemblée pourrait être de quel-
que utilité à leur pays, ils n'hésiteront pas;
ils viendront défendre ce qui est menacé,
au risque d'encourir le blâme d'un jour-
nal qui, s'inspirant bien mal du beau titre
qu'il porte, écrivait hier soir :
Quelques journaux annoncent ce matin que
les^lO deii,ltes de l'Alsace et de la Lorraine doi-
vent se présenter à Versailles et ré clamer
leur sièges àJ' Assembleè. -,
Nous ignorons qui a pu îEiagïw61, ce coup de
théâtre et à qui il pourrait servir. On se retuse
à croire que les anciens députés de nos provin-
ces oonquises consentent a se prête? à cette
scène étrange et veuillent donner.à la France
la douleur de les voir ajouter de nouveaux élé-
ments à nos complications. Il est impossible
aussi qu'on ne remarque pas la question inter-
nationale très-délicate que cette démarche pour:
rait soulever.
Nos braves compatriotes d'Alsace dédai-
gneront les sages conseils de la Patrie et
n'écouteront que leur conscience. Ils vien-
dront Versailles, et nous-verrons bien
s'il est un eœur français qui n'aille pas à
leur rencontre.
-. ;., E. SCHNERB.
,., —
COURRIER PARLEMENTAIRE
---.:--"- :' Versailles, 8 novembre 1873.
Pour réussir, il n'est rien de tel que le
succès, dirait le légendaire Calino. Et Ca-
lino, prenant pour exemple la journée qui
vient de s'écouler, démontrerait peut-être
qu'il y a dans son assertion plus de phi-
losophie que de naïveté. -
En effet, an. a nommé aujourd'hui les
trois commissaires qu'on gardait hier pour
la bonne bouche : ce sont MM. Charles
de Rémusat, Léon Say et Laboulaye; c'é-
tait écrit, comme si cela eût été dans le
Coran. Mais ce qui n'était pas écrit, c'est
le phénomène qui s'est produit dans les
trois bureaux à la gestàtion retardée : le
mouvement de vendredi s'est accentué, les
représentants du parti républicain ont ob-
tenu plus de voix qu'on ne pouvait l'espé-
rer. ,'.
Hier, deux, peut-être trois légitimistes
purs, reculant devant l'énormité de la chose
demandée, qui était une négation décen-
nale de leur principe, avaient bien voté
blase ou bien s'étaient aMteaus de voter ;
mais, aujourd'hui, il est pàtent que plu-
sieurs membres de la droite ont soutenu
de leurs votes les adversaires du cabinet,
et notamment M. Laboulaye, puisque ce
dernier a obtenu, dans son bureau, treate.
quatre suffrages contre une voix d'opposi-
tl0
Ce n'esL pas à dire que des membres de
la droite viennent IW oarti républicain, -
ce qui serait pousser trôp 10IU la logique
de Calino — mais cela fait voir au maréchal
de Mac-Mahon que des membres de la
droite ne se sentent pas le courage de le
suivre sur le terrain où l'a entrainé M. le
duc de Broglie. Nous prenons le fait pour
ce qu'il vaut, - et à nos yenx, il vaut beau-
coup,
De séance, point; un simulacre de séan-
ce, et c'est tout. Ea dix minutes, l'ordre
du jour, composé de prises en considéra-
tion émollientes, est épuisé.
Le cabinet n'est pas à son* banc; toute-
fois M. de Broglie fait une apparitioa,
serrant amoureusement sous fon bras son
vaste portefeuille; ce n'est jamais le mi-
nistre qui lâche le portefeuille, c'est la
portefeuille qui lâche le ministre.
M. Beulé montre à la tribune son front
chargé de soucis. « Chut! chutl » font
les quelques rares assistants qui espèrent
une importante déclaration. M. le mi-
nistre de l'intérieur dépose un projet d'em-
prunt pour la ville de Nîmes.
Quoi faire? On ne peut pourtant pas
centre dévorer pour passer le temps. On
mâchonne quelques pétitions. Séance de
pétitions ! La Providence, cette drama-
turge distinguée, veut donc qu'il y ait
toujours la pointe comique introduite dans
les situations Irs plus tragiques ?
Personne n'écoute, mais personne ne
veut s'en aller, car chacun se dit : le ha
sard pourrait bien profiter de mon absence
pour tenter quelqu'un de ses coups. Douce
wiifiance 1
Cependant, nul ne se présentant pour
aborder la tribune, il est convenu que tout
le monde &'en ira en même temps. Et
la séance est levée à trois heures et de-
mie. ,.
Que si, maintenant, l'on nous demande
le secret des dieux, nous répondions que
nous ne sommes-point Asmodée, et qu'As-
modée lui-même risquerait fort, en c'è mo-
ment, de mal renseigner le bachelier de
Salamanque.
Des bruits courent, de ces bruits fous
qui naissent sur l'heure du trouble des
esprits. Nous pourrions les recueillir, et
même en inventer ; notre magasin de con-
fection vaudrait bien celui du coin.
Mais la vérité vraie, la. voici : nos ad-
versaires n'ont pas encore eu l'idée de
nous choisir pour confident ; et si, par ha-
sard, nos amis nous faisaient des confi.
dences, ce ne serait point pour aller les
divulguer à nos adversaires.
PAUL Lafargcjb.
1 +
ta. commission de prorogation a com-
plété hier la liste de ses commissaires.
Voici le compte-rendu des discussions
dans les 1er, 2e et 4e bureaux:
PREMIER BUREAU.
M. Scliérer a demandé la parole hier,
ndn pour traîner les choses en lon-
gueur, mais pour que toutes les pensées
du bureau soient bien traduites. Nous
avons entendu, dit-il, avec plaisir M.
Daru déclarer qu'il ne s'agissait pas de
dictature. Mais, selon moi, la proposition
a cette portée ou n'en a pas. Ou le maré-
chal aura des pouvoirs supérieurs à ceux
de l'Assemblée ou il n'aura pas ces pou-
voirs. Dans un cas, il pourra dissoudre ;
dans l'autre, il sera exposé à se retirer.
La phrase, capitale du message est celle
qui repousse l'idée de faire du définif.
En sorte que le pays, qui aspire à se donner
dès institutions, serait condamné à rester
dans ce provisoire, ce qui est exorbitant et
même monstrueux. M. le vice-président du
conseil dans un autre bureau a paru
espérer que la porte resterait ouverte aux
aspirations monarchiques.
Cela est regrettable.
Il y avait deux voies ouvertes.
, L'une de tendre la main aux hommes
moulés ; il était facile de s'entendre.
L'autrb voie, c'est le gouvernement de
combat. C'est pelle-là qui a été choisie par
le ministère.
J'espère que la majorité cherchera le
terrain de la conciliation.
M. Denormandie. — Il faut faire la
République conservatrice. Voilà ma con-
viction personnelle.
Après le 24 mai, je pensais qu'on devait
examiner les lois constitutionnelles.
J'ai pensé que la proposition Changar-
nier donnerait un commencement de satis-
faction, j'y voyais un acheminement
aux lois constitutionnelles, et je ne sépare
pas les deux choses. n -
Si j'ai voté l'urgence, c'est que j'ai
pensé que les lois constitutionnelles se-
raient longues à examiner.
Ce n'est qu'un premier pas dans la voie
d'un système général.
Reste la question de la durée. Autant
dix ans me paraissent longs si la proro-
gation est une chose isolée, autant dix
ans me semblent naturels s'il s'agit d'un
bien général.
Cependant si dix ans sont trop longs, on
peut transiger sur la durée.
En résumé, je désire qu'on examine les
lois constitutionnelles 'immédiatement, et
je suis prêt à une transaction quant à la
prorogation.
M. Itepère. — Je m'applaudis de la
remise, puisque cela a permis à M. Denor-
mandie de nous montrer que sa lettre n'é-
tait pas aussi absolue que cela nous avait
paru. Mais d'où vient le projet ? De ceux qui
ont agité le pays par leurs propositions mo-
narchiques avortées. En outre, il semble
que le message exprime la même pensée ;
c'est là ce qu'il importe de savoir.
M. Dalairel. — Je ne comprends pas
les questions qui nous sont posées. Je don-
nerai ma voix à M. Denormandie parce
qu'il se rapproche plus de moi que M. Le-
père.
M. Denormandie. — Dans le monde
des affaires on veut de la stabilité. On ne
fait rien et on* veut travailler. Voilà l'ex-
plication de ma politique.
M. Mantille. - J'appnouve le langage
de M. Denormandie et je voterai pour lui.
M. Schœlcher. — M. Denormandie
veut fonder la République et M. Hamille
et M. Dahirel votent pour lui ; je le cons-
tate.
On passe au vote.
Nombre de votants, 48
M< de Rémusat, 28 voix.
M. Denormandie, .19 —
M. Lepère, * 1 —
DEUXIÈME BUREAU
H. Pras.-I-arls s'élève contre les tan.
tatives d'établissement de la République
définitive faites il y a quelques mois. Il
les a combattues en s'associant au vote du.
24 mai Ml combat également les tentatives
de restauration monarchique faites par les -
partisans de la fusion. Ces tentatives ont
avorté ; mais on demande une prolonga-
tion de la durée des pouvoirs présidentiels
pour dix ans. C'est un prétexte pour les
renouveler.
L'orateur ne pense pas qu'on puisse en-
gager pour si longtemps les destinées du
pays sans le consulter. Il développe la
doctrine de l'appel au peuple. Il acceptera
une prolongation des pouvoirs de l'illus-
tre maréchal pour un temps déterminé, si
c'est nécessaire; mais il persiste à croire
que rien de définitif ne peut se faire sans
l'assentiment de la nation.
M. Léon Say démontre, dans un dis-
cours, concis, que la prolongation pour dix
ans ne serait qu'une illusion que l'on fe-
rait miroiter aux yeux du pays, qui serait
bientôt désabusé.
Voici le résultat du vote :
Votants 46 -
MM. Léon Say.28 voix.
De Ventavon 17 —
De Fortou.. : 1 —
't QUATRIÈME BUREAU
ltI. Tolain constate que les adversai-
res de la République abandonnent le dé-
bat. Il sera donc bref. Le maréchal n'a pas
déclaré ses opinions politiques. De quel
droit et à quel propos lui confier de tels
pouvoirs ? C'est que les membres de la
droite veulent faire triompher de nouveaux
projets monarchiques.
M. Gatien Ariaould fait remarquer
que la proposition de prorogation manque
de logique. Il y a une équivoque dont il
faut sortir. L'exposé des motifs est en
contradiction avec la proposition elle-même.
Rien ne se tient dans le projet. C'est in-
sulter le bon sens public que de lui faire de
semblables propositions.
M. DRrut. - Notre commissaire devra
demander que les anciens projets consti-
tutionnels soient d'abord examinés dans
les bureaux. Il serait utile ensuite que le
président de la République vînt donner
les explications que son ministre nous a
refusées.
ni. Cilrerd. — Ne peut-on modifier la
proposition de la manière suivante :
« Les pouvoirs du maréchal seront pro-
rogés; leur durée sera de six mois après
la fin de la législation actuelle. »
Le deuxième paragraphe peut être ac-
cepté après la modification précédente.
Le troisième peut être accepté, mais la
commission doit être nommée dans les
bureaux..
A l'appui des modifications demandées,
l'orateur rappelle le discours prononcé par
M. Èrnoul au sein de la commission des
Trente. Il en cite notamment ce passage :
« Je pense qu'il ne faut pas vous laisser
» entraîner à l'idée d'un pouvoir exécutif
» survivant à l'Assemblée. Cela se voit
» dans les gouvernements définitivement
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