Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-11-07
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 07 novembre 1873 07 novembre 1873
Description : 1873/11/07 (A3,N722). 1873/11/07 (A3,N722).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7558080h
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/03/2013
-
- Vendredi *7 Novem b re 1873.
3* Année. - NQ 722 — - Prix Du Numéro : Paris 15 Gbntimbs - Départembuts 20 Centimb# Vendredi'7 JNovembre 4873.
f F YÏY' QïT&Tï F
Xi Ci A1A OlSiulila
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUH
RÉDACTION
Utdroua au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
t. rue Ifrrouot, 8
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Six mois 32
Un an.6t
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On s'abonne à Londres, chez M. A. MAURICE général
advertising, agent, 13, Tavistockrow, Covent Garden.
MESSAGE
DU
PRESIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Messieurs,
Au moment où vous vous sépariez, je
vous disais que vous pouviez vou éloigner
sans inquiétude, et qu'en votre absence
rien ne viendrait troubler le repos publia
Ce que je vous annonçais s'est réalisé. En
vous rôunissaut aujourd'hui, vans retrou-
vez la France en paix.
La libération complète de notre terri-
toire «>t uwÜltetfallt on fait oomstrtdmê.
L'armée étrangère a quitté le sol françaIs,
et nos troupes sont rentrées dans nos dé-
partements évacués au milieu de la joie
patriotique des populations.
Notre délivrance s'est opérée sans causer
de troubles au dedan's, sans éveiiler de
méfiances au dehors. L'Europe, assurée de
notre .ferme résolution de maintenir la
paix, nous voit haua crainte reprendre pot
session de nous mêmes. je dôis d toii-
teti les puissances le témoignage de IttU
désir de vivre avec nous daus d^ rela-
tions d'amiiê.
A l'intérieur, l'ordre public si été ferme-
ment maintenu ; une administration vigi-
lante, confiée à des fonctionnaires d'origine
politique différente, mais tous dévoués à la
eause de l'ordre, a fait stri'cteatfeut appli-
quer les lois existantes ; éllô'èVst inspirée*
surtout de cet esprit conservateur dont; la
grande majorité de cette Assemblée s'est
montrée toujours animée, et dont, en ce
qui me concerne, tant qua vous me cou-
lierez le pouvoir, je ne me départirai pas.
A la vérité, la tranquillité matérielle n a
pas empêché 1 agitation des esprits, et, à
approche de votre réunion, la lutte enga-
gee entré les partit a redoublé dè vivacité.
Il fallait s'y attendre.
Au nombre des objets que vous avie%' inot
di'qôés vous-mêmes comme devant vous
occuper dès la teprhe de vos travaux, fi-
gurait l'examen des lois constitutionnelles
présentées par mon prédécesseur. Cette
attente ramenait nécessairement la ques-
tion, jusqu'ici toujours réservée, de la for-
me définitive du gouvernement.
IL n'est donc pas étonnant que ce-grave
problème ait été soulevé d'avance par les
divers partis, et traité par chacun d'eux
avec ardeur dans le sens conforme à ses
vœux. Je n'avais point qualité pour inter-
venie dans leurs débats ni pour devaaœr
l'arrêt de votre autorité souveraine; 1 ac-
tion cie mon gouvernement a dû se borner
à soutenir la discussion dans les limites
lègaAes et à assurer, en toute hypothèse,
le r espect absolu de vos décisions m
Votre pouvoir est done entier, et rien
JiIJ'Q peut enti-aver l'exercice. *
peut-être pourtant penserez-vpus que
l'émotion causée par ces discussions si vi-
ves est une preuve que, dans l'état présent
4es faits et des esprits, l'établissement
d'une forme de gouvernement , quelle
qu'elle suit, y ai engage indéfiniment l'ave-
jur, présente de graves, difficultés. :
Peut être trouverez vous plus prudent
de conserver à vos institutions le caractère
qui leur permet de rallier, comme aujour-
d'hui, autour du pouvoir tous les amis de
l'ordre, sans distinction de parti.
Si vous en j 41gez .unai, perou: ttez à ce-
lui que vous avez élu, sans qu'il ait cJleJ.'-
thé cet honneur, tit? voua uire avec fran-
chise son sentiment.
-.. Pour donner au repos public une garan-
tie Hll'Ai il manque au régime acu-el deux
conditions'essentielles dont vous ne pou-
vez sans danger b- priver plus longtemps :
il n'a ni la stabilité ni l'autorité suffi-
santes. .:
Quel ijue so.t le dignitaire du pouvoir,
il ne peut faire uu bidl durable si son
droit de gouverner est chaque jour remia
en question, et s'il «.n'a devant lui la ga-
rantie d'une existence assez longua pour
éviter au pays la perspective d'agitations
tans Cesse renouvelées. Avec un pouvoir
qui peut chauger à tout moment, on peut
assurer la paix du jouj-, mais non la sécu..
ii é du lendemain. Toute grande entre-
prise est, par là même, rendue impossi-
ble, le travail languit; la France, qui ne
demande qu'à renaître, est arrêtée dans
son développement.
Dans les relations avte les puissances
étrangères, la politique ne peut acquérir
l'esprit de suite et de persévérance qui
à la longue inspire la confiance et main-
tient ou rétablit la grandeur d'une na-
tion..
Si la stabilité manque au pouvoir ac-
tuel, l'autorité aussi lui fait souvent dé-
faut. Il n'est pas suffisamment armé par
lès lois pdur décourager les factions et
inême pour se faire obéir de ses piopres
agents. La presse se livre avec impunité à
des écarts et des violenc s qui finiraient
par corrompre l'esprit des populations ; les
municipalités élues oublient quelles sont
lés orgue de la loi et laissent l'autorité
CCutraie sans représentant ur bien des
par.ies du territoire.
Vous rongerez à ces périls et vous ferez
aou à la sociéié duu pouvoir exécutif
durable tt fort qui prenne souci de ton
avenir et puisse la défendre énergique-
ment.
Maréchal DE MAC-MAHON,
duc de Magenta.
5 novembre 1873.
Immédiatement après la lecture du Mes-
sage par M. le duc. de Broglie, M. le pré-
sideat-de l'Assemblée donne connaissance
àe la proposition, suivante qui, on le verra,"
en est W. CorollaIre •:
u Le pouv .ir exécutif est confié pour
dix ans au maréchal de Mac Mahon,
duc de Magenta, à partir de la promul-
galjoQ de la présente loi. A
» Ce pouvoir continuera à être exercé
cUips ios conditions actuelles, jusqu'aux
mexllfi':Jtions qui pourraient y être ap-
portées par les lois constitutionnelles.
» Une commission de trente membres
sera nommée sans délai, en séance pu-
blique et au scrutin de liste, pour l'exi\
nafen deslois constitutionnelles.
» Siyné : général, Changarnier, de
, ChampvaHier, d'Audiffret-Pasquier,
Gasionde, Anisson-Duperron, Baca-
gnon, etc., etc. » ;
Nous ne voudrions pas faire à M. le
maréchal de Mae-Mahon le chagrin de lé
comparer à un simple bourgeois comme
M.' Thiers ; et pourtant, comment ne
point se rappeler les acclamations .que
point s.e rà r s ions ,que
soulevaient dTun bout de la France à
l'autre les messages de M. Thiers,.quand
on songe à l'accueil qui attend le gies-i
sage de M. le maréchal ? Déjà dans deux
ou trois circonstances, M. le président de
la République 's'était montré sévère jus-
qu'à la cruauté envers son pays cfui
lui, au contraire, on nous permettra de
la dire, n'a jamais cessé de témoigner
au vaincu de Reichshoffen et. dfSedaû
autant u indulgence que de respect.
Cette fois, M. le mâréehal ne s'est
pomt contenté d'être sévère ; il est in-
juste, et dans notre cher pays de France,
l'ipjustice est ce qu'on subft le plus inal
aisément. Or, elle éclate dès lés pre-
mières lignes de ce Message.
Quoi ! M. le maréchal parle-t-il sér
rieusement quand il dit que rien n'est
venu troubler le repos public pendant
tes vacances parlismentair®^ ? Est-il donc
si mal renseigné par. son entourage qu'il
ignore le désordre ftioral où, pendant
trois mois, la nation s'est trouvée pleii-
gée par le fait des intrigues, des machi-
nations et des trames d'un parti ? Noft
M. le maréchal le cpnstate lui-même
par la suite, ies-esprits ont été agités, la,
lutte entre les partis a redoublé - de 'Vi-
vacité pendant les vacances parlementai-
res ; et la seule préoccupation du gou-
vernement a été de prendre toutes ses
mesures pour que, ns le cas où MM.
les membres de la majorité eussent
réussi, « le respect absolu de leurs dé-
cisions » flkt assuré.
Il résulte donc bien clairement du
langage de M. le. président de la Répu-
blique deux affirmations distinctes et
contradictoires : JO Le repos public n'a
point été troublé ; 20 les esprits ont été
agités ; autrement dit : Les esprits ont
été agités dans le bon sens, et non dans
le mauvais, puisque ce, sont les monar-
chistes qui ont fomenté ce trouble, tan-
dis que les républicains sont partout de-
meurés calmes et silencieux.
A yrai dire, il n'y a rien là qui nous
étonne ; et m^me nous avouerons n'être
pas autrement fâchés de voir , que les
chefs du pouvoir se suivent et par cer-
tains côtés se ressemblent. Combien de
fois M. Thiers n'a-t-ii pas déclaré que le
devoir d'un gouvernement était d'avoir
une ligne de conduite bien tracée, de
savoir où îi, allait, et, pour tout dire
enfin, d'avoir son parti pris dans certai-
nes questions capitales! Celle de la forme
du gouvernement est de ce nombre. M.
Thiers avait pris son parti; il allait à là
République; M. de Mac-Mahon avait
aussi pris le sien dès le 5 août; il allait
à la monarchie. -
Et pourquoi ? Il nous l'explique, ou du
moins le laisse entendre clairement;
c'est que le grave problème de l'établis-
sement d'un régime définitif rélamtdt
une solution; l'Assemblée était tout en-
tière d'accord sur ce point, puisque, la
veille même de sa prorogation, elle avait
décidé la mise à l'étude des projets de
loi constitutionnels présentés par M. Du-
faure. Le pays aussi, le pays surtout,
demandait avec instance la fin d'un pro-
visoire usé jusqu'à la corde, et cela ex-
plique de reste l'émotion qui s'tppara
de tous les esprits à la nouvelle qu'une
porlioa de l'Assemblée se préparait, dès
son retour, à mettre fin aux institutions
existantes par l'intronisation d'un mo-
narque.
M. le maréchal, il faut le croire, avait
mal interprété cette émotion; il l'avait
attribuée à la joie causée dans le pays
par le prochain retour à la royauté. Il
l'interprète plus mal encore aujourd'hui
quand il l'attribue à la satisfaction, qu'é-
prouve la France de savoir que la décon-
venue de ce paUvré M. Chesnelong stop-
pose à l'établissement d'un régime
définitif quel qu'il soit.
« Peut-être penserez-vous, dit le mes-
sage, que l'émotion causée par ces dis-
cussions si vives e'st une preuve que
dans l'état présent des faits qt des es-
prits, l'établissement d'une forme de
gouvernement, quelle qu'elle soit, qui
engage indéfiniment l'avenir, présente
de graves difficultés. »
Tout à l'heure les esprits étaient tran-
quilles; plus tard on nous les montre
agités à l'approche d'une solution, et
pourtant on nous dit : Malgré cette agi-
tation, tout était prêt pour. que vos dé-
cisions ne rencontrassent point q'ob-
stacles. Enfin, les projets monarchiques
étant à l'eau, on déclare que l'émotion
publique est trop vive pour qu'il soit
possible de songer à remplacer le pro-
visoire par du définitif.
Franchement, qui raille-t-on ici?
M. le maréchal de Mac-Mahon eût vo-
lontiers laissé faire la monarchie ; mais
la monarchie étant impossible, il ne dd
mande pas mieux que de s'opposer à la
consolidation de la République. Senti-
nelle vigilante et dévouée, il s'offre à
contenir l'impatience publique tout le
temps qu'il faudra pour laisser mûrir une
nouvelle combinaison monarchique.
Mais ne croyez point que M. le maré-
chal de Mac-Mahon, qui suivait assidû-
fiteriîf®' ^îffies de FÂWmblée pendant
îk présid'ewiw1 dë-'M:1 'Thiers, n'ait point
profité des leçons d'un tel maître.M.Thiers
se plaignait sans cesse dene pouvoir gou
verner, vu l'état précaire de son pouvoir
et le manque d'autorité morale qui ré-
sultait pour lui d'un provisoire exposé
sans défense à toutes les railleries, à
toutes les attaques des partis.
« Qnel que soit le dépositaire du pou-
voir, dit aujourd'hui M. de Mac-Mahon,
il ne peut faire un bien durable si son
droit de gouverner est chaque jour ré..
mis en question, et s'il n'a devant lui la
garantie d'une existencè assez longâQ
pour éviter au pays la perspective d'agit
tations sans cesse renouvelées. »
Ne croirait-on pas entendre un éettâ
du Message 1 du 13 novembre et du èft8
¿ours que prononça M. Thiers le metin
du 24 Í" ai? Pourquoi. donc la même de-
mande, formulée en termes identiques
par M. Thiers et par le maréchal Mac-
Mahon, a-t-elle entraîné la chute du ~ï~-'
mier, et menaoe-t-elle de consolider le
pouvoir pour dix ans Stux mains dû se-'
édüd ? C'esit qu'avec M. Thiers le défhii-
tif se serait appelé la République, et
qu'avec M. le maréchal de Mac-Mahon il
n'aura point de nom; il sera la dicta-
tures • -
CI,' M. Thiers l'avait prévu ; et M. le ma-
réchal, qui devait lui succéder, était pré-
seht»dans l'Assemblée, et n'a pu oublier
êertain passage de son discoiirs' où il
était parlé des fruits que perte la dicta-
ture des grands et celle des petits. Au
maréchal de choisir lui-même la ca-
tégorie-où il* sê juge 1dne d'entrer.
Quant à nous, nous devons nous bor-
ner à relever un dernier paragraphe du
message présidentiel où éclatent plus pas-
sionnés que partout ailleurs, les senti.
ments injustes de M. de Mac-Mahon à
l'égard du Days..
M. le maréchal parle de fêtions: 'Où
donc sont-elles, enfin, ces factions? Qui
donc sont-ils ces factieux anonymes
qu'on fait intervenir sans cesse dans les
discussions politiques comoi'è Cr(j(¡ti$mi.:.
taine dans les querelles d'enfants? De-
puis deux ans, sur quel point du terri-
toire l'ordre a-t-il été troublé1? Quand
un cri séditieux a-t-il été poussée Qu*on
nous le dise, car nous l'ignorons ; ou
du moins ce que M. le maréchal Mac-
Mahon n'ignore pas plus que nous, c'est
que sous un gouvernement que la loi a
baptisé du nom do République, unepo-
gnée de fous conduits par quelques intri-
gants se permettent chaque jour de crier :
Vive le Roi ! et d'insulter ceux qui refu-
sent de s'associer à ces cris, les seuls
cris factieux qu'ait entendus la France
depuis deux années.
Mais M. le maréchal sait tout cela ; il
constate lui-même Il que la presse se
livre avec impunité à des écarts et des
violences qui finiraient par corrompre
l'esprit des populations. » D'aucuns
ont paru croire que par ces paroles M. le
président entendait désigner la presse
républicaine. Ils se trompent. Et nous
comprenons fort bien l'indignation qui a
dû' s'emparer du chef de PELat quand il'
a lu, par exemple, dans un des organes
les plus dévoués à la monarchie, l'igno-
minieûse apostrophe que voici : « Ah! la
France n'a pas voulu des libertés que
lui offrait la monarchie légitime ! Eh
bien, peuple rebelle, nous préparons
pour te châtier des lois décolère et da
vengeance 1 »
Tels sont les écarts, telles sont les vio-
lences que Fauteur du message veut
frapper, tels sont, .sans nul douta, les
factieux qu'il entend mettre à la raison.
Mais qu'il nous permette de le lui dire:
il n'a beSOIn, pour cela, 'ni d'une dicta-
ture de dix ans, ni d'armes nouvelles.
Qu'il ne fasse point obstacle à la fonda-
tion du seul gouvernement possible on
France, qu'il ne serve point les dépits et
les haines des ennemis de la République:
et tous les factieux, s'il en est, seront
bientôt rentrés sous terre.
E. SSUNERB.
■ # —
LES RÉUNIONS D'HIER
Presque tous les l'eprésentanb républi-
cains ont pris le train de onze heures
ving'-ch q. Les projets de la droite étaient
connus et la gauche républicaine avait ré-
soIn qu'elle tiendrait une réunion avant
la séance.
Cette réunion a eu lieiià l'hôtel de France,
à midi.
Apièo une conversation '-\,<>blZ lougue à
laq elle ont pris pîut un grand nombre de
représentants, la gauche républicaine adé-
cide qu'il lui fallait avant tout avoir dd la
discipline et qu'il serait nécessaire de
prendre des résolutions au cours de la dis
cussion, qu'il était impossible de prendre
une décision formelle avant la bataille.
Elle a donc désigné trois délégués qui
seraient chargés de leur indiquer la voie
qu'elle devait suivre. Ces trois délégués
étaient MM. Jules Simon, Jules Grévy et
Leroyer.
L'Union républicaine a pris une décision
analuglv, Ses trois délégués étaient MM.
Leoôre, Edmond Adam et .Gobtet.
Ou sait qwe le centre gauche était re-
présenté car les trois membr es de son bu-
reau, MM. Léon Say, Schérer et tabou-
làye. -
Lu réunion Pradié a teiiu séance à une
heure dans le 11e bureau. ! rs membres de
ce groupe avaient convoqué les-représen-
tants de l'appel au peuple pour s'entendre
-avec eux. Oa voulait offrir aux bonapartis-
tes des garanties qu'ih Oiit refusées.
Le centre gauche s'est léuoi hier soir, à
neuf heures, sous la présidence de M.
Léon Say. - -
Aucun procès-verbirn a été rédigé.
Les membres présents, au nombre de
soixante environ, ont examiné la nouvelle
situation faite au parti républicain.
Il a été décidé qu'une interpellation se-
rait déposée, probablement aujourd'hui,
pour demander au gouvernement la con-
vocation immédiate des collégês èlecloraux
tour remplir les sièges vacants.
¡ 1
PAYS CONQUIS
.,
Il n'y a pas encore huit jours que les
légitimistes, nobles et fiers, marchaient
sous le drapeau blanc à la conquête de
la France. La France voulait rester libre,
et elle ne s'en cachait pas; mais le parti
d'Henri V avait su entraîner à sa suite
.les princes d'Orléans et leurs amis, il s'é-
tait fait une quasi-majorité dans l'Assem-
blée de Versailles, et cette Assemblée
étant souveraine, peu Bien est fallu que
M. de Chambord ne devînt légalement
notre roi malgré nous.
La lettre de Frohsdorf a ruiné ce
grand projet. Aussitôt les orléanistes
l'ont repris à leur CQplpte, avec ou sans
l'assentiment de leurs princes. Ce sont
eux qui conduisant mpe nouvelle cam-
pagne contre te vœu manifeste du pays.
Et, par une contradiction dont la morale
peut s'étonner autant que la logique, ils
mènent les légitimistes derrière eux.
Soit par dépit, soit en haine d'une nation
rebeiÁe, les; champions d'Henri V, à la
Chambre, sont enrégimentés pêle-mêle
avec les hommes du centre droit.
Orléanistes et légitimistes semblent
être d'accord, non pour nous imposer le
comte de Chambord, qui s'est rendu
lui-même impossible, ou le comte de
Paris, qui ne l'est pas moins, mais pour
empêcher que le pays ne rentre en pos-
session de lui-même. Ils ne permettent
pas que nous fondions la République,
ils dnt juré d'éterniser le provisoire, et
le plus intolérable des provisoires. Leur
idéal en ce moment est. une autocratie
militaire, un régime du sabre qui nous
oblige à regretter la monarchie tempérée
par les demi-concessions d'Henri V à
M. Chesnelong.
Qu'ils réunissent dans la Chambre
une majorité telle quelle, et ils nous in-
nigeront, pour nos péchés, un gouver-
nement plus entier que la dictature de
1852.
Le maître qu'ils nous destinent est un
vieux soldat plus ferré sur la discipline
que sur la politique, et peu fait, à ce qu'il
semble, pour manier habilement les
hommes. Il a été, dit-on, un colonel
admirable. Reste à savoir si la France
de 1873 peut être gouvernée comme un
régiment. Nous serions bien trompés si
M. le maréchal de Mac-Mahon était un
esprit large et libéral, et ce n'est certes
point sous cet aspect qu'il s'est montré
lui-même aujourd'hui dans son mes-
sage.
Ambitieux, il ne l'est point; je dirais
presque qu'il ne l'est pas assez, car il dé-
daigne non-seulement le pouvoir, mais
la popuiariié larpius iégitime. Après avoir
laissé un libre cours aux efforts des
royalistes, il semble résigné à couvrir de
sa personne tous les travaux d'approche
que la coalition monarchique n'a nulle-
ment abandonnés.
Rien ne l'oblige à être l'homme d'un
parti, ni surtout l'homme de ce parti. Il
pouvait jouer un grand rôle et devenir en
vingt-quatre heures le chef légal, légi-
time et sympathique de la nation. Que
lui demandait-on pour cela ? peu de
chose. Il n'avait qu'à constater l'échec
des fusionnistes, à proposer au vote de
nos représentants la proclamation de la
République et à organiser sous ce titre
un gouvernement régulier dont il était
le chef accepté d'avance.
La nation n'est pas blasée sur les li-
bertés nécessaires ; elle a subi sans ré-
sistance un régime sévère depuis le 24
mai ; elle saurait encore se contenter de
peu et faire tous les sacrifices que com-
porte une réorganisation nécessaire. Elle
a donné la mesure de sa sagesse en con-
fiant la direction de sa politique aux ho-
norables et paisibles citoyens du cen-
tre gauche. Ce n'est pas rendre jus-
tice à ses bonnes intentions que de la
traiter en malade indisciplinée et de lui
montrer la camisole de force.
Nous méritons, soit dit sans gloriole,
qu'on nous laisse les institutions éprou-
vées chez nous et chez nos voisins de
l'Europe, la liberté de la presse tempé-
rée par la crainte du jury, l'autonomie
municipale et départementale, le droit
d'élire nos représentants à l'Assemblée
et de combler les vides que la mort y
fait çà et là.
Quoi qu'on en ait pu dire à M. le ma-
réchal de Mac-Mahon, nous serions fort
capables de nous prononcer sans désor-
dre et même sans passion sur le gou-
vernement définitif qui nous convient le
mieux.
L'Assemblée actuelle, malgré les dis-
sentiments qui ont pu s'elever entre
elle et l'opinion publique, n'est pas trop
éloignée de croire à notre bon sens poli-
tique, car aujourd'hui, dans une pre-
mière escarmouche, la majorité favorable
au provisoire autoritaire n'a été que de
r 14 voix, dont il faudrait décompter, si-
non les 8 ministrès du 24 mai qui ju-
geaient dans leur propre cause, au moins
les 13 députés républicains que le pays
dans sa candeur et dans son estime obs-
tinée pour M. de Mac-Mahon s'étonne de
n'avoir encore pu nommer.
La monarchie traditionnelle et défini-
tive n'aurait pas eu l'espoir d'une longue
durée si elle n'avait été fondée qu'à la
Majorité de 14 voix par une Assemblée
déjà vieille et médiocrement populaire.
Que serait-ce d'un gouvernement sans
racine et sans prestige, comme la dicta-
ture inutile dont nous sommes menacés ?
Il n'est pas impossible, j'en conviens,
de réunir 362 voix à Versailles en faveur
d'un régime antipathique à la masse du
peuple français ; mais il serait bien mal-
aisé de gouverner longtemps trente-six
millions d'hommes autrement qu'ils ne
veulent être gouvernés. On peut vaincre
une nation comme la nôtre, cela s'est
vu; on peut même la conquérir; mais
on ne lui ôtera pas les moyens de re-
vendiquer légalement son droit, et
ni la volonté ni le génie des plus grands
hommes d'Etat ne sauraient l'assujettir
longtemps contre son gré.
ABOUT.
r * :
On lit dans l'Union:
Le gouvernement du maréchal de Mac-
Mahon sera impuissant, s'il n'est pas une
dictatuxe. Or, pour faire un dictateur, il
faui plus de force et d'énergie que pour
reconnaître un roi. L'Assemblée prétend
qu'elle ne peut ramener le roi; com-
ment donc pourrait-elle organiser la dic-
tature?
Nous attendi ons, si Dieu nous y con-
damne, la fin de cette nouvelle expérience,
qui ne sera pas longue.
——————— » •
COURRIER PARLEMENTAIRE
1
Versailles, 5 novembre 1873.
C'est l'inconnu; jamais il ne fut plus
grand. Chacun sent qu'il va avoir à soute-
nir ua grand choc ; mais personne — dans
le parti républicain, du moins — ne sait
exactement sous quelle forine précise va
se présenter le danger. Aussi aucun plan
n'est-il définitivement arrêté dans le camp
de la République : la dêfen&e dépendra de
l'attaque.
Ce qu'on sait dès à présent, c'est qu'il y
aura message, et message tendant à la
conthllaatioll du pi ovisoire avec moyens de
s'en servir.
Ce qui semble probable, c'est que quel-
que membre de la droite, le message lu,
déposera une proposition de prorogation
des pouvoirs du maréchal pour dix ans,
ainsi qu'un ensemble de lois coërcitives, et
demandera l'urgence.
Vers deux heures, nous apprenons que
M. Dufaure montera à la tribune pour se
rallier à l'urgence, à condition, toutefois,
que le vote de la proposition même sera
renvoyé à un autre jour. Avec ces mes-
sieurs de la droite, on sait qu'il est bon de
se garer contre les surprises — qui vien-
nent très-rarement du cceur.
La situation commence à se débrouiller;
il est temps. Petit à petit la salle s'emplit :
l'évêque d'Orléans est là, ne se ressentant
pas de la leçon que lui a infligée l'écolier
de Frotudorî" ; M. Target a quitté la plan-
tureuse Hollande, aussi prêt que par le
passé à fonder une République ; M. de
Chesnelong, comme disaient déjà les jour-
naux monarcnistes, se faufile à sa place,
Chesnelong comme devant.
Au banc des ministres, M. Beulé fait
l'aimable et M. de Broglie l'homme sou-
riant.
Chargé de voluminieux dossiers, arrive
M. Dufaure, ne précédant que de quelques
minutes M. Thiers, qui gagne sa place et
se fait tout petit.
Il est deux heures et demie : M. Buffet
cherche à ouvrir la séance; mais toutes
ces imaginations en travail débordent en
bourdonnements. La nouvelle s'affirme
que la réunion de l'appel 'au peuple re-
pousse définitivement les dix ans de pro -
rogation demandés pour le maréchal de
Mac-Mahon. Les chances s'égalisent.
Trois heure s cinq : le tirage au sort des
bureaux est terminé. Au moment où le
dernier nom sort de la bouche de l'huis-
sier, M. de Broglie sautille à la tribune, le
message en main.
Dès la "première phrase, mais à cette
première phrase seulement, un rire homé-
rique éclate du côté gauche. C'est qu'on
reconnaît si bien dans cette entrée en ma-
tière la faconde ordinaire de M. de Bro-
glie, qui croit avoir sauvé la France en
l'absence de l'Assemblée, que tous les ré-
publicains, qui rendent justice au calme
déployé par la nation, ne peuvent tenir
leur sérieux.
Cette première expansion donnée à l'iro-
nie, les gauches écoutent en silence jus-
qu'au bout la lecture du Rapport; la droite
cherche à enlever une pstite ovation, mais
le centre droit se montre rebelle au mou-
vement. Il est vrai que pour des gens qui
font profession de mépriser la dictature,
la combinaison proposée est dure à sou-
tenir.
Enfin, la partie est engagée, il faut con-
tinuer à jouer. Et, sans laisser à l'audi-
toire le temps de souffler, M. Buflet lit
la proposition (signée par un grand nom-
bre de membres de la droite) de la proro-
gation de dix ans. Pour cette proposition
qui ouvre uu aimable aperçu sur nos li-
bertés futures, ou demande la nomination
immédiate d'une commission élue en séance
publique et au scrutin de liste, l'examen
pour ainsi dire télégraphique et le vote
instantané. Sarpejeul oa voit que le 24
mai a mis MM. les gentilshommes en ap-
pétit !
L'attaque est vive, rapide," poussée à
fond; la riposte arrive du tact au tact.
M. Eschasiériaux. f; -voix de la réu-
nion bonapartiste, provoque du haut de
la tribune, pour le 4 janvier 1874, l'appel
au peuple qu'on consultera sous la forme:
Royauté, République, Empire. La propo-
sition est revêtue de vingt et une si-
gnatures.
- Chaque corps d'armée opère à son tour
dans son sens, mais l'un prêtant parfois
main forte, rien que par sa présence, à
l'autre. Les adversaires sourient, rient,
mais écoutent.
Autour de M. Dufaure. Non, M. .- de
Goulard passe avant lui.
Que vient faire là M. de Goulard ? Il
vient demander l'urgence pour la première
proposition, et il base son argumentation
sur le besoin d'apaisement, de calme, de
stabilité, — ce qui excite fort l'hilarité du
côté gauche.
M. de Goulard déclare qu'il a accepté
loyalement la discussion des projets cons-
titutionnels. Evidemment il cherche ainsi
à parer l'attaque du corps d'armée Dufaure;
mais par quels piètres moyens ! Ce sont
ceux-là mêmes qui viennent de faire cra-
quer sous eux une monarchie à force de
vouloir la gonfler, qui ont l'aplomb de
tenir un pareil langage. Quelle tâche *
assumée M. de Goulard 1 Elle est au-des-
sus de ses forces.
M. de Broglie le sent et vient à laras-
cousse, appuyant au nom du gouverne-
ment la demande d'urgence. Au milieu
des rires ironiques de la gauche, il arrive
ou plutôt il culbute jusqu'au fond de son
allocution.
Enfin, M. Dufaure peut parler : « Ce
n'est pas la première fois qu'on demande
Eour le pouvoir des lois fortes; nous les
avons déjà demandées, M. de Goulard et
moi, nous avons coopéré à ces lois, M. le
duc de Broglie en était 1er -rapporteur. Ce
n'est donc pas moi qui m'opposerai à l'ur-
gence ; mais je demanderai à l'Assemblée
de renvoyer à l'étude de la même commis-
sion les trois propositions (lois constitu-
tionnelles, proposition de Goulard, propo-
sition E schas sériaux. )
Le vieil athlète parlementaire ne déploie
encore que sa logique et ne cherche pas
trop à mordre. L'heure n'est pas encore
venue. Mais, cependant, l'attaque est rude,
et M. Baragnon, va prendre les ordres de
M. de Broglie.
M. Dufaure s'est échauffé : il prend à
partie le Message, le mettant en contradic-
tion avec lui-même, puisque ce Message
relève les inconvénients du provisoire et
cependant demande l'institution du pro-
visoire. Puis, M. Dufaure jette un rapide
coup d'œil sur l'état de France : « Pour-
quoi cette précipitation ? A cause de l'agi-
tion qui règne en France, dites-vous. Mais
y avait-il, quand nous avons été dans nos
conseils généraux, un pays plus calme,
plus tranquille que la France ? »
Les applaudissements partent frénéti-
ques du côté gauche ; la droite sent que
ça brûll.
« Je ne crains pas de le dire, si le pays
est agité, continue l'orateur, il n'y a pas
eu d'autres causes d'agitation que les vi-
sites à Frohsdorf. Et, du haut de cette tri-
bune, je remercie M. le comte de Cham-
bord d'avoir déjà donné, par sa lettre,, un
moiif d'apaisement. »
Ce sont des salves répétées qui accueil-
lent la descente de l'orateur, du côté gau-
che, tandis que, du côté droit, les cris :
« aux voix! aux voix! » se font entendre.
Les monarchistes veulent étouffer la dis-
cussion, sûrs qu'ils sont d avoir pour eux
le nombre à défaut de la raison.
Cependant M. Baragnon, qui a reçu ses
instructions, s'élance. Lui, il ne répond à
personne, il plaint simplement ceux qui
ne pensent pas comme lui. — Ceux qui
seraient forcés de penser toujours comme
lui seraient bien à plaindre, à causé de la
gymnastique intellectuelle qu'ils seraient
obligés de faire.— Toutefois, M. Baragnon
finit par dire quelque chose : il demande
le renvoi à demain dans les bureaux de la
proposition et un rapport spécial immé-
diat. C'est déjà une reculade de vingt-
quatre heures ; puisque ces messieurs es-
péraient tout d'abord enlever la chose, au-
jourd'hui, à la nuit tombante.
Il s'agit maintenant de passer au vote et
de bien établir la position des questions.
C'est toujours en pareil moment que s'é-
tale l'avocasserie parlementaire, que se
portent les coups de Jarnac.
M. Buffet est d'avis de faire voter d'a-
bord sur l'urgence de la proposition de
Goulard, ensuite sur le renvoi des trois
propositions à la même commission.
Il est clair que la droite tient à voter
avant tout l'urgence de sa propre proposi-
tion, afin de pouvoir ensuite la séparer
carrément des deux autres , qu'elle enter-
rera. C'estce que, le premier, M. Rouherlui
fait entendre en s'écriant : « Je sais bien
que vous ne le voulez pas, mais j'ai mes
raisons pour le vouloir. »
A partir de ce moment jusqu'à la fin de
la séance, on n'a l'air que de discuter
le règlement, et sous cette' discussion de
règlement se cache la plus importante des
questions politiques : dictature militaire
qui ne dissimule pas ses rigueurs, Répu-
blique proclamée et instituée, ou dissolu-
tion.
Ce n'est plus qu'un chassé-croisé à la
tribune. M. Depeyre, l'avocat légitimiste,
s'élance et s'efforce de pallier un ecamotage
politique par des sentences philosophiques.
Les rires l'accueillent. Jamais, d'ailleurs
M. Depeyre, qui a du talent" n'a été aussi
mal inspiré qu'aujourd'hui. C'est que la
situation ne prete pas aux effets oratoires
et à l'argumentation sérieuse : serrée en-
tre cette volonté bien arrêtée de ne pas
s'occuper d'institutions qui définissent la
forme du gouvernement et cette nécessité
de cacher de pareilles pensées au pays, la
droite se heurte, à chaque minute, à des
obstacles et n'aspire qu'après le silence.
t pour l'obtenir, elle erie, elle sVn
donne. Un bonapartiste, M. Prax-Pan,
peut à peine parler; un centre gauche des
plus tranquilles ne peut se faire entendre;
M. Germain, un centre gauche bien
connu pour la logiqué de son raisoBne-
- Vendredi *7 Novem b re 1873.
3* Année. - NQ 722 — - Prix Du Numéro : Paris 15 Gbntimbs - Départembuts 20 Centimb# Vendredi'7 JNovembre 4873.
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JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUH
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Utdroua au Secrétaire de la Rédaction
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MESSAGE
DU
PRESIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Messieurs,
Au moment où vous vous sépariez, je
vous disais que vous pouviez vou éloigner
sans inquiétude, et qu'en votre absence
rien ne viendrait troubler le repos publia
Ce que je vous annonçais s'est réalisé. En
vous rôunissaut aujourd'hui, vans retrou-
vez la France en paix.
La libération complète de notre terri-
toire «>t uwÜltetfallt on fait oomstrtdmê.
L'armée étrangère a quitté le sol françaIs,
et nos troupes sont rentrées dans nos dé-
partements évacués au milieu de la joie
patriotique des populations.
Notre délivrance s'est opérée sans causer
de troubles au dedan's, sans éveiiler de
méfiances au dehors. L'Europe, assurée de
notre .ferme résolution de maintenir la
paix, nous voit haua crainte reprendre pot
session de nous mêmes. je dôis d toii-
teti les puissances le témoignage de IttU
désir de vivre avec nous daus d^ rela-
tions d'amiiê.
A l'intérieur, l'ordre public si été ferme-
ment maintenu ; une administration vigi-
lante, confiée à des fonctionnaires d'origine
politique différente, mais tous dévoués à la
eause de l'ordre, a fait stri'cteatfeut appli-
quer les lois existantes ; éllô'èVst inspirée*
surtout de cet esprit conservateur dont; la
grande majorité de cette Assemblée s'est
montrée toujours animée, et dont, en ce
qui me concerne, tant qua vous me cou-
lierez le pouvoir, je ne me départirai pas.
A la vérité, la tranquillité matérielle n a
pas empêché 1 agitation des esprits, et, à
approche de votre réunion, la lutte enga-
gee entré les partit a redoublé dè vivacité.
Il fallait s'y attendre.
Au nombre des objets que vous avie%' inot
di'qôés vous-mêmes comme devant vous
occuper dès la teprhe de vos travaux, fi-
gurait l'examen des lois constitutionnelles
présentées par mon prédécesseur. Cette
attente ramenait nécessairement la ques-
tion, jusqu'ici toujours réservée, de la for-
me définitive du gouvernement.
IL n'est donc pas étonnant que ce-grave
problème ait été soulevé d'avance par les
divers partis, et traité par chacun d'eux
avec ardeur dans le sens conforme à ses
vœux. Je n'avais point qualité pour inter-
venie dans leurs débats ni pour devaaœr
l'arrêt de votre autorité souveraine; 1 ac-
tion cie mon gouvernement a dû se borner
à soutenir la discussion dans les limites
lègaAes et à assurer, en toute hypothèse,
le r espect absolu de vos décisions m
Votre pouvoir est done entier, et rien
JiIJ'Q peut enti-aver l'exercice. *
peut-être pourtant penserez-vpus que
l'émotion causée par ces discussions si vi-
ves est une preuve que, dans l'état présent
4es faits et des esprits, l'établissement
d'une forme de gouvernement , quelle
qu'elle suit, y ai engage indéfiniment l'ave-
jur, présente de graves, difficultés. :
Peut être trouverez vous plus prudent
de conserver à vos institutions le caractère
qui leur permet de rallier, comme aujour-
d'hui, autour du pouvoir tous les amis de
l'ordre, sans distinction de parti.
Si vous en j 41gez .unai, perou: ttez à ce-
lui que vous avez élu, sans qu'il ait cJleJ.'-
thé cet honneur, tit? voua uire avec fran-
chise son sentiment.
-.. Pour donner au repos public une garan-
tie Hll'Ai il manque au régime acu-el deux
conditions'essentielles dont vous ne pou-
vez sans danger b- priver plus longtemps :
il n'a ni la stabilité ni l'autorité suffi-
santes. .:
Quel ijue so.t le dignitaire du pouvoir,
il ne peut faire uu bidl durable si son
droit de gouverner est chaque jour remia
en question, et s'il «.n'a devant lui la ga-
rantie d'une existence assez longua pour
éviter au pays la perspective d'agitations
tans Cesse renouvelées. Avec un pouvoir
qui peut chauger à tout moment, on peut
assurer la paix du jouj-, mais non la sécu..
ii é du lendemain. Toute grande entre-
prise est, par là même, rendue impossi-
ble, le travail languit; la France, qui ne
demande qu'à renaître, est arrêtée dans
son développement.
Dans les relations avte les puissances
étrangères, la politique ne peut acquérir
l'esprit de suite et de persévérance qui
à la longue inspire la confiance et main-
tient ou rétablit la grandeur d'une na-
tion..
Si la stabilité manque au pouvoir ac-
tuel, l'autorité aussi lui fait souvent dé-
faut. Il n'est pas suffisamment armé par
lès lois pdur décourager les factions et
inême pour se faire obéir de ses piopres
agents. La presse se livre avec impunité à
des écarts et des violenc s qui finiraient
par corrompre l'esprit des populations ; les
municipalités élues oublient quelles sont
lés orgue de la loi et laissent l'autorité
CCutraie sans représentant ur bien des
par.ies du territoire.
Vous rongerez à ces périls et vous ferez
aou à la sociéié duu pouvoir exécutif
durable tt fort qui prenne souci de ton
avenir et puisse la défendre énergique-
ment.
Maréchal DE MAC-MAHON,
duc de Magenta.
5 novembre 1873.
Immédiatement après la lecture du Mes-
sage par M. le duc. de Broglie, M. le pré-
sideat-de l'Assemblée donne connaissance
àe la proposition, suivante qui, on le verra,"
en est W. CorollaIre •:
u Le pouv .ir exécutif est confié pour
dix ans au maréchal de Mac Mahon,
duc de Magenta, à partir de la promul-
galjoQ de la présente loi. A
» Ce pouvoir continuera à être exercé
cUips ios conditions actuelles, jusqu'aux
mexllfi':Jtions qui pourraient y être ap-
portées par les lois constitutionnelles.
» Une commission de trente membres
sera nommée sans délai, en séance pu-
blique et au scrutin de liste, pour l'exi\
nafen deslois constitutionnelles.
» Siyné : général, Changarnier, de
, ChampvaHier, d'Audiffret-Pasquier,
Gasionde, Anisson-Duperron, Baca-
gnon, etc., etc. » ;
Nous ne voudrions pas faire à M. le
maréchal de Mae-Mahon le chagrin de lé
comparer à un simple bourgeois comme
M.' Thiers ; et pourtant, comment ne
point se rappeler les acclamations .que
point s.e rà r s ions ,que
soulevaient dTun bout de la France à
l'autre les messages de M. Thiers,.quand
on songe à l'accueil qui attend le gies-i
sage de M. le maréchal ? Déjà dans deux
ou trois circonstances, M. le président de
la République 's'était montré sévère jus-
qu'à la cruauté envers son pays cfui
lui, au contraire, on nous permettra de
la dire, n'a jamais cessé de témoigner
au vaincu de Reichshoffen et. dfSedaû
autant u indulgence que de respect.
Cette fois, M. le mâréehal ne s'est
pomt contenté d'être sévère ; il est in-
juste, et dans notre cher pays de France,
l'ipjustice est ce qu'on subft le plus inal
aisément. Or, elle éclate dès lés pre-
mières lignes de ce Message.
Quoi ! M. le maréchal parle-t-il sér
rieusement quand il dit que rien n'est
venu troubler le repos public pendant
tes vacances parlismentair®^ ? Est-il donc
si mal renseigné par. son entourage qu'il
ignore le désordre ftioral où, pendant
trois mois, la nation s'est trouvée pleii-
gée par le fait des intrigues, des machi-
nations et des trames d'un parti ? Noft
M. le maréchal le cpnstate lui-même
par la suite, ies-esprits ont été agités, la,
lutte entre les partis a redoublé - de 'Vi-
vacité pendant les vacances parlementai-
res ; et la seule préoccupation du gou-
vernement a été de prendre toutes ses
mesures pour que, ns le cas où MM.
les membres de la majorité eussent
réussi, « le respect absolu de leurs dé-
cisions » flkt assuré.
Il résulte donc bien clairement du
langage de M. le. président de la Répu-
blique deux affirmations distinctes et
contradictoires : JO Le repos public n'a
point été troublé ; 20 les esprits ont été
agités ; autrement dit : Les esprits ont
été agités dans le bon sens, et non dans
le mauvais, puisque ce, sont les monar-
chistes qui ont fomenté ce trouble, tan-
dis que les républicains sont partout de-
meurés calmes et silencieux.
A yrai dire, il n'y a rien là qui nous
étonne ; et m^me nous avouerons n'être
pas autrement fâchés de voir , que les
chefs du pouvoir se suivent et par cer-
tains côtés se ressemblent. Combien de
fois M. Thiers n'a-t-ii pas déclaré que le
devoir d'un gouvernement était d'avoir
une ligne de conduite bien tracée, de
savoir où îi, allait, et, pour tout dire
enfin, d'avoir son parti pris dans certai-
nes questions capitales! Celle de la forme
du gouvernement est de ce nombre. M.
Thiers avait pris son parti; il allait à là
République; M. de Mac-Mahon avait
aussi pris le sien dès le 5 août; il allait
à la monarchie. -
Et pourquoi ? Il nous l'explique, ou du
moins le laisse entendre clairement;
c'est que le grave problème de l'établis-
sement d'un régime définitif rélamtdt
une solution; l'Assemblée était tout en-
tière d'accord sur ce point, puisque, la
veille même de sa prorogation, elle avait
décidé la mise à l'étude des projets de
loi constitutionnels présentés par M. Du-
faure. Le pays aussi, le pays surtout,
demandait avec instance la fin d'un pro-
visoire usé jusqu'à la corde, et cela ex-
plique de reste l'émotion qui s'tppara
de tous les esprits à la nouvelle qu'une
porlioa de l'Assemblée se préparait, dès
son retour, à mettre fin aux institutions
existantes par l'intronisation d'un mo-
narque.
M. le maréchal, il faut le croire, avait
mal interprété cette émotion; il l'avait
attribuée à la joie causée dans le pays
par le prochain retour à la royauté. Il
l'interprète plus mal encore aujourd'hui
quand il l'attribue à la satisfaction, qu'é-
prouve la France de savoir que la décon-
venue de ce paUvré M. Chesnelong stop-
pose à l'établissement d'un régime
définitif quel qu'il soit.
« Peut-être penserez-vous, dit le mes-
sage, que l'émotion causée par ces dis-
cussions si vives e'st une preuve que
dans l'état présent des faits qt des es-
prits, l'établissement d'une forme de
gouvernement, quelle qu'elle soit, qui
engage indéfiniment l'avenir, présente
de graves difficultés. »
Tout à l'heure les esprits étaient tran-
quilles; plus tard on nous les montre
agités à l'approche d'une solution, et
pourtant on nous dit : Malgré cette agi-
tation, tout était prêt pour. que vos dé-
cisions ne rencontrassent point q'ob-
stacles. Enfin, les projets monarchiques
étant à l'eau, on déclare que l'émotion
publique est trop vive pour qu'il soit
possible de songer à remplacer le pro-
visoire par du définitif.
Franchement, qui raille-t-on ici?
M. le maréchal de Mac-Mahon eût vo-
lontiers laissé faire la monarchie ; mais
la monarchie étant impossible, il ne dd
mande pas mieux que de s'opposer à la
consolidation de la République. Senti-
nelle vigilante et dévouée, il s'offre à
contenir l'impatience publique tout le
temps qu'il faudra pour laisser mûrir une
nouvelle combinaison monarchique.
Mais ne croyez point que M. le maré-
chal de Mac-Mahon, qui suivait assidû-
fiteriîf®' ^îffies de FÂWmblée pendant
îk présid'ewiw1 dë-'M:1 'Thiers, n'ait point
profité des leçons d'un tel maître.M.Thiers
se plaignait sans cesse dene pouvoir gou
verner, vu l'état précaire de son pouvoir
et le manque d'autorité morale qui ré-
sultait pour lui d'un provisoire exposé
sans défense à toutes les railleries, à
toutes les attaques des partis.
« Qnel que soit le dépositaire du pou-
voir, dit aujourd'hui M. de Mac-Mahon,
il ne peut faire un bien durable si son
droit de gouverner est chaque jour ré..
mis en question, et s'il n'a devant lui la
garantie d'une existencè assez longâQ
pour éviter au pays la perspective d'agit
tations sans cesse renouvelées. »
Ne croirait-on pas entendre un éettâ
du Message 1 du 13 novembre et du èft8
¿ours que prononça M. Thiers le metin
du 24 Í" ai? Pourquoi. donc la même de-
mande, formulée en termes identiques
par M. Thiers et par le maréchal Mac-
Mahon, a-t-elle entraîné la chute du ~ï~-'
mier, et menaoe-t-elle de consolider le
pouvoir pour dix ans Stux mains dû se-'
édüd ? C'esit qu'avec M. Thiers le défhii-
tif se serait appelé la République, et
qu'avec M. le maréchal de Mac-Mahon il
n'aura point de nom; il sera la dicta-
tures • -
CI,' M. Thiers l'avait prévu ; et M. le ma-
réchal, qui devait lui succéder, était pré-
seht»dans l'Assemblée, et n'a pu oublier
êertain passage de son discoiirs' où il
était parlé des fruits que perte la dicta-
ture des grands et celle des petits. Au
maréchal de choisir lui-même la ca-
tégorie-où il* sê juge 1dne d'entrer.
Quant à nous, nous devons nous bor-
ner à relever un dernier paragraphe du
message présidentiel où éclatent plus pas-
sionnés que partout ailleurs, les senti.
ments injustes de M. de Mac-Mahon à
l'égard du Days..
M. le maréchal parle de fêtions: 'Où
donc sont-elles, enfin, ces factions? Qui
donc sont-ils ces factieux anonymes
qu'on fait intervenir sans cesse dans les
discussions politiques comoi'è Cr(j(¡ti$mi.:.
taine dans les querelles d'enfants? De-
puis deux ans, sur quel point du terri-
toire l'ordre a-t-il été troublé1? Quand
un cri séditieux a-t-il été poussée Qu*on
nous le dise, car nous l'ignorons ; ou
du moins ce que M. le maréchal Mac-
Mahon n'ignore pas plus que nous, c'est
que sous un gouvernement que la loi a
baptisé du nom do République, unepo-
gnée de fous conduits par quelques intri-
gants se permettent chaque jour de crier :
Vive le Roi ! et d'insulter ceux qui refu-
sent de s'associer à ces cris, les seuls
cris factieux qu'ait entendus la France
depuis deux années.
Mais M. le maréchal sait tout cela ; il
constate lui-même Il que la presse se
livre avec impunité à des écarts et des
violences qui finiraient par corrompre
l'esprit des populations. » D'aucuns
ont paru croire que par ces paroles M. le
président entendait désigner la presse
républicaine. Ils se trompent. Et nous
comprenons fort bien l'indignation qui a
dû' s'emparer du chef de PELat quand il'
a lu, par exemple, dans un des organes
les plus dévoués à la monarchie, l'igno-
minieûse apostrophe que voici : « Ah! la
France n'a pas voulu des libertés que
lui offrait la monarchie légitime ! Eh
bien, peuple rebelle, nous préparons
pour te châtier des lois décolère et da
vengeance 1 »
Tels sont les écarts, telles sont les vio-
lences que Fauteur du message veut
frapper, tels sont, .sans nul douta, les
factieux qu'il entend mettre à la raison.
Mais qu'il nous permette de le lui dire:
il n'a beSOIn, pour cela, 'ni d'une dicta-
ture de dix ans, ni d'armes nouvelles.
Qu'il ne fasse point obstacle à la fonda-
tion du seul gouvernement possible on
France, qu'il ne serve point les dépits et
les haines des ennemis de la République:
et tous les factieux, s'il en est, seront
bientôt rentrés sous terre.
E. SSUNERB.
■ # —
LES RÉUNIONS D'HIER
Presque tous les l'eprésentanb républi-
cains ont pris le train de onze heures
ving'-ch q. Les projets de la droite étaient
connus et la gauche républicaine avait ré-
soIn qu'elle tiendrait une réunion avant
la séance.
Cette réunion a eu lieiià l'hôtel de France,
à midi.
Apièo une conversation '-\,<>blZ lougue à
laq elle ont pris pîut un grand nombre de
représentants, la gauche républicaine adé-
cide qu'il lui fallait avant tout avoir dd la
discipline et qu'il serait nécessaire de
prendre des résolutions au cours de la dis
cussion, qu'il était impossible de prendre
une décision formelle avant la bataille.
Elle a donc désigné trois délégués qui
seraient chargés de leur indiquer la voie
qu'elle devait suivre. Ces trois délégués
étaient MM. Jules Simon, Jules Grévy et
Leroyer.
L'Union républicaine a pris une décision
analuglv, Ses trois délégués étaient MM.
Leoôre, Edmond Adam et .Gobtet.
Ou sait qwe le centre gauche était re-
présenté car les trois membr es de son bu-
reau, MM. Léon Say, Schérer et tabou-
làye. -
Lu réunion Pradié a teiiu séance à une
heure dans le 11e bureau. ! rs membres de
ce groupe avaient convoqué les-représen-
tants de l'appel au peuple pour s'entendre
-avec eux. Oa voulait offrir aux bonapartis-
tes des garanties qu'ih Oiit refusées.
Le centre gauche s'est léuoi hier soir, à
neuf heures, sous la présidence de M.
Léon Say. - -
Aucun procès-verbirn a été rédigé.
Les membres présents, au nombre de
soixante environ, ont examiné la nouvelle
situation faite au parti républicain.
Il a été décidé qu'une interpellation se-
rait déposée, probablement aujourd'hui,
pour demander au gouvernement la con-
vocation immédiate des collégês èlecloraux
tour remplir les sièges vacants.
¡ 1
PAYS CONQUIS
.,
Il n'y a pas encore huit jours que les
légitimistes, nobles et fiers, marchaient
sous le drapeau blanc à la conquête de
la France. La France voulait rester libre,
et elle ne s'en cachait pas; mais le parti
d'Henri V avait su entraîner à sa suite
.les princes d'Orléans et leurs amis, il s'é-
tait fait une quasi-majorité dans l'Assem-
blée de Versailles, et cette Assemblée
étant souveraine, peu Bien est fallu que
M. de Chambord ne devînt légalement
notre roi malgré nous.
La lettre de Frohsdorf a ruiné ce
grand projet. Aussitôt les orléanistes
l'ont repris à leur CQplpte, avec ou sans
l'assentiment de leurs princes. Ce sont
eux qui conduisant mpe nouvelle cam-
pagne contre te vœu manifeste du pays.
Et, par une contradiction dont la morale
peut s'étonner autant que la logique, ils
mènent les légitimistes derrière eux.
Soit par dépit, soit en haine d'une nation
rebeiÁe, les; champions d'Henri V, à la
Chambre, sont enrégimentés pêle-mêle
avec les hommes du centre droit.
Orléanistes et légitimistes semblent
être d'accord, non pour nous imposer le
comte de Chambord, qui s'est rendu
lui-même impossible, ou le comte de
Paris, qui ne l'est pas moins, mais pour
empêcher que le pays ne rentre en pos-
session de lui-même. Ils ne permettent
pas que nous fondions la République,
ils dnt juré d'éterniser le provisoire, et
le plus intolérable des provisoires. Leur
idéal en ce moment est. une autocratie
militaire, un régime du sabre qui nous
oblige à regretter la monarchie tempérée
par les demi-concessions d'Henri V à
M. Chesnelong.
Qu'ils réunissent dans la Chambre
une majorité telle quelle, et ils nous in-
nigeront, pour nos péchés, un gouver-
nement plus entier que la dictature de
1852.
Le maître qu'ils nous destinent est un
vieux soldat plus ferré sur la discipline
que sur la politique, et peu fait, à ce qu'il
semble, pour manier habilement les
hommes. Il a été, dit-on, un colonel
admirable. Reste à savoir si la France
de 1873 peut être gouvernée comme un
régiment. Nous serions bien trompés si
M. le maréchal de Mac-Mahon était un
esprit large et libéral, et ce n'est certes
point sous cet aspect qu'il s'est montré
lui-même aujourd'hui dans son mes-
sage.
Ambitieux, il ne l'est point; je dirais
presque qu'il ne l'est pas assez, car il dé-
daigne non-seulement le pouvoir, mais
la popuiariié larpius iégitime. Après avoir
laissé un libre cours aux efforts des
royalistes, il semble résigné à couvrir de
sa personne tous les travaux d'approche
que la coalition monarchique n'a nulle-
ment abandonnés.
Rien ne l'oblige à être l'homme d'un
parti, ni surtout l'homme de ce parti. Il
pouvait jouer un grand rôle et devenir en
vingt-quatre heures le chef légal, légi-
time et sympathique de la nation. Que
lui demandait-on pour cela ? peu de
chose. Il n'avait qu'à constater l'échec
des fusionnistes, à proposer au vote de
nos représentants la proclamation de la
République et à organiser sous ce titre
un gouvernement régulier dont il était
le chef accepté d'avance.
La nation n'est pas blasée sur les li-
bertés nécessaires ; elle a subi sans ré-
sistance un régime sévère depuis le 24
mai ; elle saurait encore se contenter de
peu et faire tous les sacrifices que com-
porte une réorganisation nécessaire. Elle
a donné la mesure de sa sagesse en con-
fiant la direction de sa politique aux ho-
norables et paisibles citoyens du cen-
tre gauche. Ce n'est pas rendre jus-
tice à ses bonnes intentions que de la
traiter en malade indisciplinée et de lui
montrer la camisole de force.
Nous méritons, soit dit sans gloriole,
qu'on nous laisse les institutions éprou-
vées chez nous et chez nos voisins de
l'Europe, la liberté de la presse tempé-
rée par la crainte du jury, l'autonomie
municipale et départementale, le droit
d'élire nos représentants à l'Assemblée
et de combler les vides que la mort y
fait çà et là.
Quoi qu'on en ait pu dire à M. le ma-
réchal de Mac-Mahon, nous serions fort
capables de nous prononcer sans désor-
dre et même sans passion sur le gou-
vernement définitif qui nous convient le
mieux.
L'Assemblée actuelle, malgré les dis-
sentiments qui ont pu s'elever entre
elle et l'opinion publique, n'est pas trop
éloignée de croire à notre bon sens poli-
tique, car aujourd'hui, dans une pre-
mière escarmouche, la majorité favorable
au provisoire autoritaire n'a été que de
r 14 voix, dont il faudrait décompter, si-
non les 8 ministrès du 24 mai qui ju-
geaient dans leur propre cause, au moins
les 13 députés républicains que le pays
dans sa candeur et dans son estime obs-
tinée pour M. de Mac-Mahon s'étonne de
n'avoir encore pu nommer.
La monarchie traditionnelle et défini-
tive n'aurait pas eu l'espoir d'une longue
durée si elle n'avait été fondée qu'à la
Majorité de 14 voix par une Assemblée
déjà vieille et médiocrement populaire.
Que serait-ce d'un gouvernement sans
racine et sans prestige, comme la dicta-
ture inutile dont nous sommes menacés ?
Il n'est pas impossible, j'en conviens,
de réunir 362 voix à Versailles en faveur
d'un régime antipathique à la masse du
peuple français ; mais il serait bien mal-
aisé de gouverner longtemps trente-six
millions d'hommes autrement qu'ils ne
veulent être gouvernés. On peut vaincre
une nation comme la nôtre, cela s'est
vu; on peut même la conquérir; mais
on ne lui ôtera pas les moyens de re-
vendiquer légalement son droit, et
ni la volonté ni le génie des plus grands
hommes d'Etat ne sauraient l'assujettir
longtemps contre son gré.
ABOUT.
r * :
On lit dans l'Union:
Le gouvernement du maréchal de Mac-
Mahon sera impuissant, s'il n'est pas une
dictatuxe. Or, pour faire un dictateur, il
faui plus de force et d'énergie que pour
reconnaître un roi. L'Assemblée prétend
qu'elle ne peut ramener le roi; com-
ment donc pourrait-elle organiser la dic-
tature?
Nous attendi ons, si Dieu nous y con-
damne, la fin de cette nouvelle expérience,
qui ne sera pas longue.
——————— » •
COURRIER PARLEMENTAIRE
1
Versailles, 5 novembre 1873.
C'est l'inconnu; jamais il ne fut plus
grand. Chacun sent qu'il va avoir à soute-
nir ua grand choc ; mais personne — dans
le parti républicain, du moins — ne sait
exactement sous quelle forine précise va
se présenter le danger. Aussi aucun plan
n'est-il définitivement arrêté dans le camp
de la République : la dêfen&e dépendra de
l'attaque.
Ce qu'on sait dès à présent, c'est qu'il y
aura message, et message tendant à la
conthllaatioll du pi ovisoire avec moyens de
s'en servir.
Ce qui semble probable, c'est que quel-
que membre de la droite, le message lu,
déposera une proposition de prorogation
des pouvoirs du maréchal pour dix ans,
ainsi qu'un ensemble de lois coërcitives, et
demandera l'urgence.
Vers deux heures, nous apprenons que
M. Dufaure montera à la tribune pour se
rallier à l'urgence, à condition, toutefois,
que le vote de la proposition même sera
renvoyé à un autre jour. Avec ces mes-
sieurs de la droite, on sait qu'il est bon de
se garer contre les surprises — qui vien-
nent très-rarement du cceur.
La situation commence à se débrouiller;
il est temps. Petit à petit la salle s'emplit :
l'évêque d'Orléans est là, ne se ressentant
pas de la leçon que lui a infligée l'écolier
de Frotudorî" ; M. Target a quitté la plan-
tureuse Hollande, aussi prêt que par le
passé à fonder une République ; M. de
Chesnelong, comme disaient déjà les jour-
naux monarcnistes, se faufile à sa place,
Chesnelong comme devant.
Au banc des ministres, M. Beulé fait
l'aimable et M. de Broglie l'homme sou-
riant.
Chargé de voluminieux dossiers, arrive
M. Dufaure, ne précédant que de quelques
minutes M. Thiers, qui gagne sa place et
se fait tout petit.
Il est deux heures et demie : M. Buffet
cherche à ouvrir la séance; mais toutes
ces imaginations en travail débordent en
bourdonnements. La nouvelle s'affirme
que la réunion de l'appel 'au peuple re-
pousse définitivement les dix ans de pro -
rogation demandés pour le maréchal de
Mac-Mahon. Les chances s'égalisent.
Trois heure s cinq : le tirage au sort des
bureaux est terminé. Au moment où le
dernier nom sort de la bouche de l'huis-
sier, M. de Broglie sautille à la tribune, le
message en main.
Dès la "première phrase, mais à cette
première phrase seulement, un rire homé-
rique éclate du côté gauche. C'est qu'on
reconnaît si bien dans cette entrée en ma-
tière la faconde ordinaire de M. de Bro-
glie, qui croit avoir sauvé la France en
l'absence de l'Assemblée, que tous les ré-
publicains, qui rendent justice au calme
déployé par la nation, ne peuvent tenir
leur sérieux.
Cette première expansion donnée à l'iro-
nie, les gauches écoutent en silence jus-
qu'au bout la lecture du Rapport; la droite
cherche à enlever une pstite ovation, mais
le centre droit se montre rebelle au mou-
vement. Il est vrai que pour des gens qui
font profession de mépriser la dictature,
la combinaison proposée est dure à sou-
tenir.
Enfin, la partie est engagée, il faut con-
tinuer à jouer. Et, sans laisser à l'audi-
toire le temps de souffler, M. Buflet lit
la proposition (signée par un grand nom-
bre de membres de la droite) de la proro-
gation de dix ans. Pour cette proposition
qui ouvre uu aimable aperçu sur nos li-
bertés futures, ou demande la nomination
immédiate d'une commission élue en séance
publique et au scrutin de liste, l'examen
pour ainsi dire télégraphique et le vote
instantané. Sarpejeul oa voit que le 24
mai a mis MM. les gentilshommes en ap-
pétit !
L'attaque est vive, rapide," poussée à
fond; la riposte arrive du tact au tact.
M. Eschasiériaux. f; -voix de la réu-
nion bonapartiste, provoque du haut de
la tribune, pour le 4 janvier 1874, l'appel
au peuple qu'on consultera sous la forme:
Royauté, République, Empire. La propo-
sition est revêtue de vingt et une si-
gnatures.
- Chaque corps d'armée opère à son tour
dans son sens, mais l'un prêtant parfois
main forte, rien que par sa présence, à
l'autre. Les adversaires sourient, rient,
mais écoutent.
Autour de M. Dufaure. Non, M. .- de
Goulard passe avant lui.
Que vient faire là M. de Goulard ? Il
vient demander l'urgence pour la première
proposition, et il base son argumentation
sur le besoin d'apaisement, de calme, de
stabilité, — ce qui excite fort l'hilarité du
côté gauche.
M. de Goulard déclare qu'il a accepté
loyalement la discussion des projets cons-
titutionnels. Evidemment il cherche ainsi
à parer l'attaque du corps d'armée Dufaure;
mais par quels piètres moyens ! Ce sont
ceux-là mêmes qui viennent de faire cra-
quer sous eux une monarchie à force de
vouloir la gonfler, qui ont l'aplomb de
tenir un pareil langage. Quelle tâche *
assumée M. de Goulard 1 Elle est au-des-
sus de ses forces.
M. de Broglie le sent et vient à laras-
cousse, appuyant au nom du gouverne-
ment la demande d'urgence. Au milieu
des rires ironiques de la gauche, il arrive
ou plutôt il culbute jusqu'au fond de son
allocution.
Enfin, M. Dufaure peut parler : « Ce
n'est pas la première fois qu'on demande
Eour le pouvoir des lois fortes; nous les
avons déjà demandées, M. de Goulard et
moi, nous avons coopéré à ces lois, M. le
duc de Broglie en était 1er -rapporteur. Ce
n'est donc pas moi qui m'opposerai à l'ur-
gence ; mais je demanderai à l'Assemblée
de renvoyer à l'étude de la même commis-
sion les trois propositions (lois constitu-
tionnelles, proposition de Goulard, propo-
sition E schas sériaux. )
Le vieil athlète parlementaire ne déploie
encore que sa logique et ne cherche pas
trop à mordre. L'heure n'est pas encore
venue. Mais, cependant, l'attaque est rude,
et M. Baragnon, va prendre les ordres de
M. de Broglie.
M. Dufaure s'est échauffé : il prend à
partie le Message, le mettant en contradic-
tion avec lui-même, puisque ce Message
relève les inconvénients du provisoire et
cependant demande l'institution du pro-
visoire. Puis, M. Dufaure jette un rapide
coup d'œil sur l'état de France : « Pour-
quoi cette précipitation ? A cause de l'agi-
tion qui règne en France, dites-vous. Mais
y avait-il, quand nous avons été dans nos
conseils généraux, un pays plus calme,
plus tranquille que la France ? »
Les applaudissements partent frénéti-
ques du côté gauche ; la droite sent que
ça brûll.
« Je ne crains pas de le dire, si le pays
est agité, continue l'orateur, il n'y a pas
eu d'autres causes d'agitation que les vi-
sites à Frohsdorf. Et, du haut de cette tri-
bune, je remercie M. le comte de Cham-
bord d'avoir déjà donné, par sa lettre,, un
moiif d'apaisement. »
Ce sont des salves répétées qui accueil-
lent la descente de l'orateur, du côté gau-
che, tandis que, du côté droit, les cris :
« aux voix! aux voix! » se font entendre.
Les monarchistes veulent étouffer la dis-
cussion, sûrs qu'ils sont d avoir pour eux
le nombre à défaut de la raison.
Cependant M. Baragnon, qui a reçu ses
instructions, s'élance. Lui, il ne répond à
personne, il plaint simplement ceux qui
ne pensent pas comme lui. — Ceux qui
seraient forcés de penser toujours comme
lui seraient bien à plaindre, à causé de la
gymnastique intellectuelle qu'ils seraient
obligés de faire.— Toutefois, M. Baragnon
finit par dire quelque chose : il demande
le renvoi à demain dans les bureaux de la
proposition et un rapport spécial immé-
diat. C'est déjà une reculade de vingt-
quatre heures ; puisque ces messieurs es-
péraient tout d'abord enlever la chose, au-
jourd'hui, à la nuit tombante.
Il s'agit maintenant de passer au vote et
de bien établir la position des questions.
C'est toujours en pareil moment que s'é-
tale l'avocasserie parlementaire, que se
portent les coups de Jarnac.
M. Buffet est d'avis de faire voter d'a-
bord sur l'urgence de la proposition de
Goulard, ensuite sur le renvoi des trois
propositions à la même commission.
Il est clair que la droite tient à voter
avant tout l'urgence de sa propre proposi-
tion, afin de pouvoir ensuite la séparer
carrément des deux autres , qu'elle enter-
rera. C'estce que, le premier, M. Rouherlui
fait entendre en s'écriant : « Je sais bien
que vous ne le voulez pas, mais j'ai mes
raisons pour le vouloir. »
A partir de ce moment jusqu'à la fin de
la séance, on n'a l'air que de discuter
le règlement, et sous cette' discussion de
règlement se cache la plus importante des
questions politiques : dictature militaire
qui ne dissimule pas ses rigueurs, Répu-
blique proclamée et instituée, ou dissolu-
tion.
Ce n'est plus qu'un chassé-croisé à la
tribune. M. Depeyre, l'avocat légitimiste,
s'élance et s'efforce de pallier un ecamotage
politique par des sentences philosophiques.
Les rires l'accueillent. Jamais, d'ailleurs
M. Depeyre, qui a du talent" n'a été aussi
mal inspiré qu'aujourd'hui. C'est que la
situation ne prete pas aux effets oratoires
et à l'argumentation sérieuse : serrée en-
tre cette volonté bien arrêtée de ne pas
s'occuper d'institutions qui définissent la
forme du gouvernement et cette nécessité
de cacher de pareilles pensées au pays, la
droite se heurte, à chaque minute, à des
obstacles et n'aspire qu'après le silence.
t pour l'obtenir, elle erie, elle sVn
donne. Un bonapartiste, M. Prax-Pan,
peut à peine parler; un centre gauche des
plus tranquilles ne peut se faire entendre;
M. Germain, un centre gauche bien
connu pour la logiqué de son raisoBne-
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