Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-10-31
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 31 octobre 1873 31 octobre 1873
Description : 1873/10/31 (A3,N715). 1873/10/31 (A3,N715).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7558073c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/03/2013
3. Année.c. N° 715
PRIX DU NUMÉRO: PARIS 15 CBHTIMBS — DÉPARTEMENTS 20 CsNmmI.
Vendredi 81 Octobre 4873.
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JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
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MM. les Souscripteurs .ont l'a-
bonnement expire le 31 octobre
sont, priés de le renouveler immé-
diatement, s ils ne veulent éprouver
de retard dans la réception du
journal
Voir, à la quatrième page, l'annonce
des primes.
La session de l'Assemblée nationale
doit s'ouvrir mercredi prochain, 5 no-
vembre. Nous publierons le compte-
rendu analytique officiel des séances.
Comme par le passé, M. Paul Lafar-
gue rédigera le Courrier parlementaire,
cette expression vraie et vivante des
séances, qui n'a pas été noire moindre
élément de succès.
JOURNÉE, POLITIQUE
Paris> 30 octobre 4875.
Aura-t-on, n'aura-t-on point avant le
retour de l'Assemblée un manifeste de M.
le comte de Chambord ? Les journaux du
centre droit donnent à penser que le pré-
tendant parlera ; les journaux de la droite
le nient et soutiennent que le roi n'a rien
de plus à dire. Il sera toujours pour lui
moins embarrassant de se taire que de
parler ; c'est pourquoi nous persistons à
':ItToire qu'il ne faut rien attendre de Frohs-
4brf jusqu'au vote de l'Assemblée. Le
prie ee, évidemment à tout avantage à per-
, pétuer l'équivoque.—Il ne cède rien, il de-
meure neutre, diront les vieux légitimistes.
C'est en notre camp qu'il vient de pas-
ser ; il a fait toutes les concessions que
nous demandions, et plus que nous n'en
demandions, répéteront, de leur - côté, les
orléanistes. -
11" le comte de Chambord, cependant,
< "rait approuver les deux interprétations,
dont il protite Ou voit donc bien que le
silence est plus avantageux et plus com-
mode. Aussi, dans les dépêches qui
nous viennent aujourd'hui d'Autriche, il
n'est plus question de programme ni de
déclaration politiques, mais seulement
des préparatifs que fait le prétendant pour
son entrée en France. Tandis qu'on pré-
, pare ici les carrosses, la gare de Frohs-
dorf expédie les chevaux. Les conseillers
du prétendant règlent avec lui les détails
de la grande cérémonie. Aurons nous le
cœur de leur reprocher ces amusements ?
Laissons-les rêver à loisir. Cela du moins
ne trouble peU la France.
Avant-hier ont eu lieu dans toute la
Prusse les élections primaires pour le re-
nouvellement du Reichsrath. C'est sur la
question religieuse qu'elles se font partout
à peu près exclusivement ; l'élection des
députés est fixée au 4 novembre. De ces
élections primaires nous ne connaissons
pas encore le résultat complet. La majo-
rité, toutefois, ainsi qu'il fallait s'y atten-
dre, paraît acquise dans des proportions très-
„ considérables aux libéraux, ou, pour mieux
dire aux ennemis de Rome et de l'ultra-
montanisme. Berlin a élu des progressistes.
fie parti libérall-a emporté d'und manière
décisive à Magdebourg,Wiesbaden,Kœnigs
-, fcerg, Erfurt, Cassel, Kiel, Elberfeld, Stettin.
Le& cléricaux ont eu la majorité à Muns-
;P-ter. Cologne a élu deux tiers de libéraux.
Posen a élu 142 Allemands et 50 Polonais.
Fulda a élu 23 libéraux et 15 cléricaux. A
Hanovre, à Gœttiugue, à Dortmnnd et à
Schleswig, les électeurs ont nommé des
candidats libéraux. A Breslau, sur 720 élec-
teurs du premier degré, on ne eompte que
24 cléricaux. A Osnabriick, on compte 81
libéraux et_c. ultramontain, A Dantzig,
*298 libéraux et 18 ultramontains, Dans les
villes de la Silésie, la plupart des candi-
dats élus sont des libéraux. A Crefeld, on
compte 104 libéraux et 100 cléricaux. A
Trêves, 56 libéraux et 24 cléricaux, etc.
Le Journal officiel de Berlin dit que l'em-
pereur Guillaume, pendant son séjour a
Badd e à SchænhruuD, a leçu d'Allema-
gne de nombreure* adressa d'adhésion à
la fPpOnlo'e qu'il a fiile naguère à la lettre
du pape. Nous avons reproduit récemment
cette curieuse correspondance du Saii t
Père et de l'empereur. Dana le même or-
dre d'idées, signalons, aD8 en tirer d'ail-
leurs pour le présent aucune induction,
irne dépêche de Vienne annonçant que M.
de Keudell, ministre d'Allemagne à Rome,
vient de partir pour Rome après avoir eu
,Avec le comte Andrassy une longue con-
férence
Parmi les autres dépêches étrangères,nous
trou vous un télégramme reçu par le Times
de t;t-Pét/?'csbouJ'g, qUI annonce qu'après le
départ des troup es russes de Khiva, les Yo-
moundes se sont fonltvôs : « Us ont pillé
et détruit, la villa 'd'IJsbfrks (?), tué 1,600
eEclave" persans ému.ci; é, rr fusé de payer
la contribution qui leur a été imposée et
pris le-* armes contre le khfln. Celui-ci a
demandé du secolirg -iii général Kaufmann;
mais le rhef de l'expédition russe avait
déjà évacué la viUe, et sa décision n'était
pa connue. Il est probable qu'une expédi-
tion dovra être envoyée de Kranowtîdbli à
Teke pour punir les rebelles. » Il y a tiois
jours, nous donnions, d'après la Gazette de
Moscou, le texte du traité eonclu avec le
khan ; il était fort avantageux pour la Rus-
sie. On voit que la pacification n'est pas
terminée, et peut-être qu'à Siint-Péters-
bourg on ne s'en plaint pas. 1
EUG. LIKBKBT.
.-,.
On lit dans l'Union :
Plusieurs journaux, entre autres Paris-
Journal et le Figaro, parlent, depuis quel-
ques jours, d'une lettre adressée à M. le
marquis de La Rochethulon, député, par
M. Je marquis de Dreux-Bjtëzâ, au nom de
U. le comte Chambord, et renfermant
une approbation du lalilgage tenu par M.
Chesnelong.
Ce n'est pas, comme il nous arrive trop
souvent, une inexactitude d'appréciation
que nous avons ici à relever, mais c'est
bien une erreur de fait.
La lettre à laquelle on fait allusion a
été écrite de Paris, où M. le marquis de
Dreux-Brézé réside depuis le 4 septembre;
elle est antérieure à toutes les réunions
parlementaires où l'honorable M. Chesne-
long a parlé, et ne peut point, en consé-
quence, avoir trait à des paroles qui n'é-
taient pas encore prononcées.
——— .-W' ——— 4 —
Bien vite* une grosse nouvelle : M.
rêVéque d'Orléans, Mgr Dupanloup en
personne, n'est pas encore bien persuadé
qu'il votera en faveur de la monarchie 1
Un mot d'explication ;
M. Pressenso, un ft frère séparé H, sui-
vant l'ingéaieuse expression de M. le
comte de Chambord, avait adressé une
lettre à son collègue de l'Assemblée,
l'illustre prélat que l'on sait, pour iwi rer
procher ses tendances fâcheuses à tou
jours mélanger la religion à la politique:
Mgr Dupanloup, qui a la plume facile,
vient de répondre par une épttre, lon-
gue d'ici à Salzbourg, aux douces remon-
trances du pasteur protestant. îl se dé-
fend, comme on pense, et prouve pé-
remptoirement que c'est M. de Pressené
qui a tort.
Mais nous n'intéresserions personne à
un débat de cette nature ; tandis que
chacun, nous en sommes convaincus,
prendra un plaisir extrême à lire l'étran-
ge profession de foi par laquelle M. l'é-
vêque d'Orléans termine sa plaidoirie 1
« Je désire do la monarchie, dit il,
» et cependant, monsieur, je n'engage
» pas ici absolument mon vote, et je ne
» comprends pas, du reste, qu'avant
» une discussion définitive, un homme
» sérieux engage définitivement le sien.
» J'ai assez de respect pour ceux dont
» j'ai l'honneur d'être le collègue à
» l'Assemblée pour croire, quelle que
» soit leur opinion actuelle, qu'ils ne
» sont pas de ceux qui disent comme
Il Shéridan à Fox : Vous avez souvent
» changé ma conviction, mais mon vote
.» jamais. »
M. Dupanloup indécis sur la question
de savoir s'il votera pour ou contre la
monarchie 1 Voilà une nouvelle bien faite
pour surprendre les plus fins connais-
seurs ! Et pourtant, il suffit de réfléchir
un peu pour n'y plus voir que le résul-
tat logique d'un ordré d'idées que nous
avons indiqué ici-même dans nos précé-
dents articles.
Assurément il serait fou de prendre
les choses au pied de la lettre et de
croire que M. l'évêque d'Orléans hésite
encore entre la République et la monar-
chie. On risquerait même de se faire mo-
quer de soi si l'on s'appuyait sur la dé-
claration qu'on vient do lire, si explicite
qu'elle soit d'ailleurs, pour exprimer l'es-
poir que Mgr Dupanloup ne votera point
avec les monarchistes. Quoi qu'en dise
M. l'évèque, il sait fort bien qu'à l'heure
actuelle, il n'est pas un homme sérieux,
nous entendons un nomme sérieusement
adonné à la politique, qui n'ait pris son
parti et ne soit fixé sur la forme de
gouvernement qu'il souhaite .donner à
son pays. La discussion, sur ceux-là,
fera tout juste l'effet de l'eau de Lourdes
sur les rhumatismes de Mgr Dupanloup ;
elle éclairera peut-être, et nous l'espé-
rons bien, quelques-uns de nos honora-
bles députés pour qui la politique est
une occupation toute nouvelle, et qui
comptent, pour se déterminer dans un
sens ou dans l'autre, beaucoup plus sur
une inspiration de leur patriotisme que
sur les arguments de tel ou tel orateur.
M. l'évêque d'Orléans n'est point de
ceux-là. Entre la République et la monar-
chie son cœur ne balance plus depuis
longtemps; et s'il témoigne, néanmoins,
d'une certaine hésitation, c'est qu'il fait
partie du groupe de royalistes pour qui
il y a monarchie et monarchie comme
fagots et fagots. Il votera quand même,
c'est sûr; de même que le prince
do Joinville, le duc d'Aumale, le duc
d'Audiffret et tant d'autres; mais s'il est
battu, il n'en sera pas plus triste pour
cela; au contraire.
L'on n'a pas oublié, sans doute, .que
c'est à M. l'évêque d'Orléans que nous
sommes redevables des plus flè'es dé-
clarations du comte de Chambord au
sujet du drapeau. C'est lui qui avait
éerit au prince en février 1873 qu'au
premier rang des sacrifices indispen-
sables au rétablissement de la monar-
chie légitime, était j6 sacrifice du dra-
peau ; et M. le comte de Chambord lui
avait répoudu : a
« C'est là un prétexte inventé par
ceux q.Lii, tout ea reconnaissant la néces-
sité du ietour à la monarchie traditioD,",\:
1 *
nelle, veulent au moins conserver le
symbole de la Révolution. »
» Croyez-le bien, malgré ses défaillan-
ces, la France n'a pas à ce point perdu
le sentiment de l'honneur ; elle ne com-
prend pas plus le chef de la maison de
Bourbon reniant l'étendard d'Alger qu'elle
n'eût compris l'évêque d'Orléans se rési-
gnant à siéger à l'Académie française en
compagnie de sceptiques et d'athées. »
On doit comprendre maintenant pour-
quoi M. l'évêque n'engage pas irrévoca-
blement son vote. M. l'évêque est un
royaliste de gauche ; tout comme le
Journal de Paris, il ne veut qu'une mo-
narchie libérale, constitutionnelle; il
demande des garanties ; il exige le dra-
peau tricolore ; Mgr Dupanloup est un
orléaniste ; il veut être battte.
E. SMNERB.
î-r —♦ —
A propos de l'Incendie
On ignore assez généralement dan^
quelles cirèonstances fut construit FO"
péra qui vient de brûler.
Elles sont bien curieuses.
La salle date de l'au 1821. En 1820,
l'Opéra occupait Remplacement où se
trouve aujourd'hui la fontaine Louvois*
Un soir, comme le duc de Berry en sor-
tait, il fut, comme on sait, assassiné
d'un eoup de poignard par Louvel.
On courut chefcher l'archevêque pour
administrer les derniers sacrements à
l'illustre blessé. Le saint homme, appre-
nant que le prince avait été transporte
dans Un bâtiment qui était une dépen-
dance de l'Opéra (je crois que c'était le
logis du concierge), déclara qu'il ne com-
promeltrait point les mystères sacrés
de la religion catholique dans un en-
droit si parfaitement profanç. On insista;
il persista ; il ftnit paf se rendre, mais à
cette condition qu'un lieu consacré pâti
sa présence ne servirait plus désormais
aux ébats chorégraphiques ni aux jôU^
du théâtre. ,"'
C'était la condamnation de l'Opéra.
Il n'avait guère que vingt-cinq ans
d'âge. Et puisque je suis sur ee sujet,
peut-être sera-t-on bien aisij rappren-
dre comment il avait été placé là.
Le théâtre Louvois avait été construit
en 93 par la Montansier (telle-là même
qui a donné son nom au théâtre du Pa-
lais-Royal).
Elle n'avait point du tout sopgé à en
faire un théâtre de chant ; l'Opéra. se
trouvait alors à la porte Saint-Martin.
Mais sa salle était si belle, si commode,
qu'elle fit envie, et qu'on songea à y
transporter l'Académie nationale de mu-
sique.
A cette époque-là on ne s'embarrassait
pas beaucoup de la légalité. On accusa
la citoyenne Montansier d'avoir eu» en
bâtissant son théâtre, la coupable inten-
tion de mettre le feu à la Bibliothèque et
d'incendier ainsi le riche dépôt des con-
naissances humaines. Sur ce beau prétex-
te, on la mit à la porte de son immeuble,
et après qu'elle en eut été expulsée,, on
y transporta simplement Opéra, au ris-
que d'incendier le riche dépôt des con-
naissances humainesb
Vous pensez si la citoyenne Montan-
sier réclama : on finit, après l'avoir,
traînée de promesses en promesses, par
lui donner cinq cent mille francs en as*
signats ; cent écus en or lui auraient
sans doute fait plus de plaisir.
Depuis lors l'Opéra était resté place
Louvois ; mais après l'algarade de l'ar-
chevêque, force fut bien de le démo-
lir, puisqu'on devait, sur son emplace-
ment, élever un monument expiatoire,
mendt, 'ailleurs ne fut jamais bâti, la ré-
qui
volution de 1830 y ayant mis bon
ordre.
Il fallait trouver un autre endroit pour
y installer une nouvelle salle. On pos-
sédait du côté de la rue Le Peletier des
terrains immenses qui avaient appartenu
à la famille Choiseul, et qui avaient été
confisqués lors de la grande Révolution.
L'hôtel Choiseul avait été, sous l'Em-
pire, occupé par le ministère de la guerre
et l'état-major de la garde nationale. A
côté de cet hôtel s'étendait un vaste jar-
din ; c'est là qu'on résolut de construire
la nouvelle salle, et l'on alfecta l'hôtel,
lui-même à loger l'administration et le
service du théâtre.
La nouvelle salle fut très-rapidement
bâtie, puisque l'assassinat du duc de
Berry est de 1820 et qu'elle fut inaugu-
rée en 1821. On se servit pour la cons-
truire de la charpente de l'ancien théâ-
tre que l'on démolissait. C'était une éco-
nomie. Mais elle revint fort, cher, et
l'architecte Débret y dépensa quatre fois
plus d'argent qu'il n'avait annoncé. En
ce temps-là, les Chambres n'étaient pas
d'humeur bien commode sur l'article, et
l'on tracassa tant ce malheureux De-
bret, à propos de ses devis dépassés, qu'il
faillit en mourir de chagrin.
Tout le monde sait combien cette salle
était belle, et comme l'acoustique en
était bonD. Mais le peu de temps qu'y
avait pu donner l'architecte l'avait em-
pêché de soigner nombre de détails. Il
croyait d'ailleurs que son œuvre était
provisoire, il n'avait pas arrangé son théâ-
tre en vue d'un incendie possible.
Les dégagements étaient peu nom-
breux, étroits, enchevêtrés les uns dans
les autres. J'ai bien souvent entendu
dire à Garnier : « Si jamais Je feu se dé-
clarait sérieusement à l'Opéra, il serait
impossible de l'éteindre. Mais, ajoutait-
il, les précautions sont prises avec tant
de soin que jamais il n'y aura d'incen-
die ; il ne peut pas y en avoir. »
L'événement a donné tort à cette con-
fiance. Le quartier ne la partageait pas.
L'autre jour, l'aimable et savant archi-
viste de l'Opéra me montrait un dos-
sier énorme : « Tenez I me dit-il, c'est
le dossier des réclamations qui tous les
ans tombent au ministère sur les dan-
gers que fait courir l'Opéra aux maisons
voisines. » Et le fait est que le quartier a
échappé à un péril sérieux. Par bonheur
les murs de la salle ont plus résisté que
l'on ne pensait et ils sont tombés sur le
foyer de l'incendie au lieu de s'écrouler
en dehors. Sans cette heureuse circons-
tance, il est probable que ce qui reste
de l'Opéra eût été réduit en cendres.
Parmi les pertes les plus regrettables,
il faut compter eelle des bustes qui or-
naient le foyer. Il y avait là un portrait
de Gluck par. Houden et un buste de
Lulli datant du dix-septième sièele, qui
étaient des merveilles.
Les archives sont sauvées. Une bonne
moitié avait .été déjà transportée depuis
un mois, au deux au nouvel Opéra, mais
c'était la moitié la moins intéressante.
Nuitter avait gardé toutes les raretés à
l'arkaien Opéra, où tout était sous elé.
Au nouvel Opéra, la bibliothèque ne fer-
mait pas encore, et il eût été imprudent
de laisser des pièces curieuses et rares
exposées aux convoitises d'une foule de
visiteurs.
A une heure du matin, on vint aver-
tir Nuitter de ce qui se passait. Il trem-
bla pour ses chères collections. Il cou-
rut à ses archives. Le capitaine des pom-
piers lui dit de se dépêcher, qu'avant
peu le feu aurait pénétré dans ce côtej
du bâtiment.
« Je compris alors, me dit Nuitter, là
force de cette expression : Faire la pari
du feu ! Comment choisir entro toutes
ces richesses également prédeu^os ! »>
Il ne perdit point la tête et so mit a
la besogne. Des aides dévoués et intelli-
gents accoururent se mettre à sa dispo-
sition et le fils de M. Perrin, Emile
Perrin, et DealC!'™6"9. l'administrateur
du Théâtre-Français, un ;= plus pas-
sionnés amateurs d'autographes, et :
Comte, sous-chef de bureau au ministère
des beaux-arts; et M. Cœdès, le souffleur
de musique de l'Opéra, et d'autres en-
eore. *
Ils entassèrent partitions, livres, gra-
vures dans des paniers que l'on passait
par les fenêtres et que l'on descendait
dans des voitures, sur lesquelles veil-
laient des gardiens de la paix. Rien n'a
été perdu heureusement, et à l'heure
même où j'écris, toutes les archives au
grand complet sont réintégrées dans leur
local, qui n'a pas été touché par le feu.
Les décors ont eu moins de bonheur.
Il ne reste qu'une partie des décors de
Robert-le-Diable et de Guillaume Tell.
Les ciels et les rideaux de fond que l'on
roule et que l'on garde dans les cintres
ont été brûlés. Les chassis ont été sau-
vés, puisqu'ils étaient aux magasins. Mais
ils ne peuvent pas servir à grand chose.
Le dernier décor de la Jeanne d'Arc,
de Mermet, qui allait passer, a péri dans
l'incendie. Pauvre Mermet 1 Avoir nourri
dix ansà!'espoir de faire représenter à
l'Opéra une œuvre aussi considérable
qu'est un opéra en cinq actes, toucher
au but et voir toutes ses espérances de
gloire anéanties par un accident aussi
imprévu ! Nous 1 avons rencontré hier,
pur le boulevard, tandis que sa Jeanne
d'Arc s'en allait en fumée. Son èhagrin
faisait pitié. On a sauvé sa partition.
Un dernier trait, dont j'ai été témoin,
et qui m'a paru curieux :
Bourdon, qui loge dans les bâtiments
de l'Opéra, était en train de déménager
par les fenêtres; on vient lui dire : Quel-
qu'un veut absolument vous parler. C'est
très-important; venez vite. _A
Il y court. Il se trouve en face d un
paysan tirant une voiture à bras. Ce pay-
san lui apportait un sac de pommes de
terre, et avec la ténacité de sa race, il
avait forcé toutes les consignes, pénétré
jusqu'au lieu de l'incendie pour faire là
livraison de ses pommes de terre, à cinq
heures du matin.
FRANCISQUE SARCEY.
» _„
M. Duvergier de Hauranne, député du Cher,
nous communique la lettre suivante, qu'il vient
d'adresser au ministre de l'intérieur.
A monsieur le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre,
J'apprends par un arrêté de M. le géné-
ral Ducrot, pris sur l'avis de M. le préfet
du Cher, que le département du Cher est
epeore en état de siège.
Cet arrêté vise un décret du 22 août
1870, rendu par l'impératrice-régente, au
moment do l'invasion étrangère, dans un
but de défense nationale.
Depuis la guerre, ce décret semblait
tombé en désuétude, au moins en ce qui
concerne le département que je représente.
L'autorité militaire n'avait pas essayé une
seule fois de s'en prévaloir, même en ma-
tière de presse, et la justice ordinaire avait
eu son cour., pans que personne songE àr à
h dessaisir. Nos honnêtes et paisibles po-
pulations du Cher pansaient, avec raison,
que le régime da l'état de siège avait dû
cesser avec les circonstances extraordi-
naires qui avaient obligé le gouvernement
d'y recourir.
Aujourd'hui, au bout de deux ans et
demi, après que l'occupation étrangère a
pris fin, après que tous les prétextes qu'on
pouvait mvoquer en faveur de l'état de
siège ont heureusement disparu, vous ju-
gez opportun d'exhumer le décret du 22
août ; vous remettez en usage, dans un in.
térêt politique, une arme uniquement des-
tinée à faire face aux dangers de la guerre.
C'est là, monsieur le ministre, un abus
criant, sur la légalité duquel l'Assemblée
aura bientôt à se prononcer, lorsque vous
daignerez accepter l'interpellation qui vous
a été faite sur le maintien de l'état de
siège dans les départements. Je ne veux,
pour le moment, que vous soumettre une
réflexion bien simple :
Cette mesure rappelle, à s'y méprendre,
celles qui ont précédé et préparé le coup
d'Etat du 2 décembre 1851. Au moment où
un parti que vous connaissez bien prépaie
ouvertement une révolution monarchique
et se vante de l'accomplir avec le concours
du gouvernement de la République, l'opi -
nion aura peine à,ne pas voir, dans cette
résurrection inutile et inattendue de l'état
de siège, le prélude des libertés constitu-
tionnelles que la monarchie nous réserve,
si nous avons le malheur de nous fier à
ses promesses.
Recevez, monsieur le ministre, l'assu-
rance de ma haute considération.
Ernest DUVERGIER DE IlAuRANNX,
! Député du Cher.
Paris, le 28 octobre i873.
-- *
L'AUDIENCE
Décidément, le brillant corps de l'état-
major exerce sur les foules un grand at-
trait ! On compte pour aujourd'hui sur les
dépositions des colonels Magnan, Vosseur,
Lewal, d'Andlau, etc. On se bat littéra-
lement aux portes ; les femmes jeunes et
élégantes dominent, et ce ne sont pas elles
qui allongent les moindres coups de coude
pour pénétrer dans a ce temple de la jus-
tice » qui ressemble fort à une a petite
maison. »
Le fond même du chapitre à l'étude est
ceci: Le maréchal Bazaine a-t-il reçu et pu
faire passer des communications ?
Le point particulièrement intéressant
dans les débats du jour est de savoir quels
sont les obstacles qui se sont opposés à la
rentrée sous Metz du commandant Magnan,
parti le 18 du camp dé Châlons.
Déjà l'on sait, par des dépositions précé-
dentes, que, jusqu'au 22, des émissaires ont
fran ""i les lignes, enuemies.
- - ~l'entrer dans l'exposition de
Mais avant centrer dans l'exposition de
ces faits attendue la IU;:,?ne nous réservait
UN INCIDENT
Un témoin civil, homme encore jeune,
faisait, sur le meilleur ton, une déposi-
tion à laquelle nous ne prenions, nous
l'avouons, qu'un intérêt modéré. Nous
trouvions bien un peu extraordinaire que
le témoin, procureur impérial à Réthel,
eût reçu le 19, par la poste, une lettre
d'un collègue de Metz, lorsque les voies
de communication étaient soi-disant cou-
pées ; mais on voit tant de choses extraor-
dinaires dans ce procès !. Lorsque tout à
coup le témoin, M. Serot, entame le récit
des aventures d'un M. Nogues, se prome-
nant autour de Metz du 22 au 25 août.
M. Nogues, jeune officier de marine,
s'est présenté le 22 août à M. Serot, por-
teur de deux laissez-passer émanant, l'un
de l'impératrice, l'autre du ministre de la
guerre, et lui a demandé des moyens de par-
venir dans Metz. — M. Serot, enfant du
pays, lui donne diverses lettres de recom-
mandations, puis, pris de scrupule, télé-
graphie au ministre de la guerre, oui ré-
pond ne pas reconnaître l'émissaire et
donne ordre de l'arrêter.
Le 25, M. Nogued passe de nouveau par
Réthel, est arrêté par M. Serot, et cette
fois, est trouvé porteur d'un troisième
laissez-passer, signé Stoffel.
Il est relâché par ordre ; mais le procu-
reur impérial, qui l'a fouillé, a trouvé sur
lui un mot de l'impératrice pour le géné-
ral Bourbaki ou pour sa femme.
En outre, M. Serot a appris que M.
Nogues, tentant le passage, a rencontré à
Carignan le commandant Magnan qui lui a
conseillé de ne pas continuer des efforts
inutiles et lui a donné une lettre pour le
colonel Stoffel.
Tel est le récit très-clair et très-net que
fait le témoin Serot.
M. Nogues est introduit à son tour. C'est
un lieutenant de vaisseau de trente-quatre
ans, sur la physionomie duquel on lit mal
les qualités de fermeté et d'intelligence
qui l'ont désigné pour une mission si ex-
traordinaire.
Un ami, le lieutenant COllneàu, l'a indi-
qué à l'impératrice, qui voulait communi-
quer directement avec le maréchal Bazai-
ne.- Car le témoin déclare qu'il avait un
mot d'introduction pour le maréchal Ba-
aine.
Et le procureur impérial a saisi sur M.
Nogues un mot d'introduction pour le gé-
néral Bourbaki!
M. Nogues, d'ailleurs, a une manière
de répondre qui ne lui attire guère les
sympathies; il se fait extirper les répon-
ses; ce n'est que contraint et forcé, acculé
pour ainsi dire, qu'il renouvelle les dépo-
sitions qu'il a faites devant M. le rappor-
teur. Et cependant ses répon:&e ont une
valeur : c'est ainsi qu'on apprend que M.
Nogues avait un chiffre particulier pour
correspondre avec l'impératrice.
M. Serot est appelé do nouveau. Les
deux témoins sont côte à côte; c'est dans
la physionomie et dans la parole du pro-
cureur impérial qua l'on rencontre l'éner-
gie militaire.
M. Serot affirme que ce qu'il a saisi
était un mot adressé au général Bourbaki
on à sa femme. M. Nogues avoue qu'en
effet il avait un mot pour Bourbaki. Il
n'en a pas parlé!
Me Lachaud intervient. Pourquoi? nous
ne if aurions le dire exactement, quoique
nous le devinions un peu. Et il cherche à
établir qu'il n'y avait qu'une seule lettre.
Or, M. Nogues lui-même vient de déclarer
qu'il en yavaij; deux. Il suffit à M. le pré-
sident de résumer les dépositions pour
montrer à Mc Lachaud qu'il a tort de
vouloir conduire les débats.
Quant à l'ex-procureur impérial, il est ad-
mirablement ferme, autant dans ses affir-
mations que dans ses démentis. M. No-
gues, à chaque minute nouvelle, parvient
à se rappeler un fait nouveau.
— Vos souvenirs vous reviennent suc-
cessivement, prononce lentement le duc
d'Aumale. Il y a là quelques variations ;
et, si vous les expliquez, j'en serai en-
chanté.
Il s'explique. Et l'ex-procureur impérial
réplique, écrasant.
Cette scène de confrontation est, selon
nous, une sorte de hors-d'œuvre dans le
procès du maréchal Bazaine, mais elle
mérite d'occuper un rang important dans
le procès. M. Nogues, tout en faisant
de son mieux pour esquiver l'interro-
gatoire et répondre le moins clairement
possible aux questions qui lui étaient
adressées, nous a cependant amplement
laissé deviner qu'il était porteur de com-
munications verbales de l'impératrice pour
le maréchal Bazaine et permis de voir clai-
rement que la régente avait la prétention
d'entretenir avec le général en chef des re-
lations en dehors de l'empereur, en de-
hors du ministre de la guerre, en dehors
du maréchal de Mac-Mahon.
C'est peut-être en cela que l'incident
Nogues a pu désagréablement émouvoir le
défenseur, pour qui l'innocencede l'accusé
est question incidente et l'apothéose de
l'impératrice question principale.
BRAIDY, SCALABRINO, TISSABRÉ.
La reprise de l'audience est marquée
par un incident des plus émouvants. Le
lecteur se rappelle peut-être qu'hier nous
avons désigné sous le titre de « Héros
sans le savoir » la catégorie des témoins,
gardes forestiers, qui, ayant traversé les
lignes ennemies pour porter des dépêches
au maréchal Bazaine, ont raconté leur
odyssée simplement, naïvement, en gens
pour qui l'héroïsme n'est qu'un devoir.
Ces modestes et admirables patriotes
ont reçu leur récompense aujourd'hui.
Tous les trois, Braidy, Scalabrino; Tissa-
bré, ont été appelés en même temps à la
barre.
« Avant que vous quittiez cette salle
d'audience, je suis chargé par les officiers
généraux iei présents de vous offrir les fé-
licitations du conseil. »
Et M. le président décerne aux trois gar-
des forestiers leurs parchemins de gloire
en dix lignes simples, grandes, ne disant
ni trop ni trop peu, impressionnant vive-
ment la salle et bouleversant de joie ces
honnêtes natares à qui elles rendent jus-
tice. L'auditoire entier épreuve comme un
frémissement d'enthousiasme et réprime à
arand'peine les applaudissements et les
vivats. Yàt les gardes forestiers, émus jus-
qu'aux larmes, se retirent comme tout
honteux de ressentir tant de fierté.
Nous ne parlerons guère de la déposi-
tion du lieutenant-colonel d'état-majeur
Vasseur. Elle est sans grande importance,
grâce à l'effacement qu'a semblé vouloir lui
imprimer le témoin. Et nous nous arrête-
rons à la déposition du u,
COLONEL MAGNAN
Chargé par le maréchal Bazaine, le 17
août, de porter des communications à l'em-
pereur, le commandant MagnaD, reparti le
18, n'a pu rentrer dans Metz. Le Rapport
le malmène quelque peu pour ce fait.
Apporter des explications, remporter la
confirmation des projets déjà arrêtés, em-
mener des approvisionnements, c'est ainsi
que M. Magnan, spécifie sa mission.
M. Magnan, fils du défunt. maréchal,
est va joli offièier qui a fait maintes
fois preuve de bravoure ; c'est un homme
du monde qui a également donné maintes
preuves de Fon savoir-faire. Aussi le clan'
Bazaine compte-t-il sur M. Magnan, qui
était aide de camp du maréchal, pour dé-
molir de la belle façon le Rapport.
Servi par une excèllente tenue, par une
élocution facile, par un aplomb impertur-
bable et aussi par un heureux choix d'ex-
pressions, M. Magnan fait montre d'une
intelligence assez remarquable dans sa
façon de déposer. Il est interdit à nn té-
moin d'attaquer le Rapport : M. Magnan
manœuvre assez adroitement pour ne point
avoir l'air — si ce n'est à la péroraison,
— de prendre à partie le rapporteur, et ce-
pendant pour répondre à toutes les incri-
minations.
Ce long récit, débité d'une voix claire,
bien timbrée, s'enchaÎBant avec habileté,
fait tout à fait bon effet à première audition ;
mais, lorsque M. le président et le géné-
ral Pourcet obligent le témoin à répondre
directement à des questions précises, l'en-
theusiasme de la première heure imite
assez bien la marene d'une soupe au lait
sur le retour.
Pour savoir exactement jusqu'à quel
point nous devrons nous enlever, nous at-
tendrons le résultat d'autres dépositions
qui se rattachent à la mission du colonel
Magnan.
PAUL LAFARGUK.
♦ ———————
LES DÉLÉGUÉS DE Li DORDOGRE
A PARIS
Quatre conseillers municipaux do Péri-
gueux avaient été délégués pour aller af-
firmer au président de la République, à M.
Thiers et aux divers groupes de députés
qui défendant les institutions existantes,
les convictions républicaines des popula-
Lions de la Dordogne. Le Républicain, de
Périgueux, publie le rapport adressé à leurs
commettants par ces délégués, qui sont
MM. Louis Mie, conseiller général; Bara-
beau fils, négociant ; Fournier-Laurière,
propriétaire et ancien maire, et le docteur
Gadaud. 1
Le 24 octobre, les déléguas ayant deman-
dé audience au président de la République,
ont été reçus par son chef de cabinet, M.
le colonel d'HarGOurt :
Après avoir, en quelques mots, fait connaître
le désir que nous avions de parler à M. le pré-
PRIX DU NUMÉRO: PARIS 15 CBHTIMBS — DÉPARTEMENTS 20 CsNmmI.
Vendredi 81 Octobre 4873.
E
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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MM. les Souscripteurs .ont l'a-
bonnement expire le 31 octobre
sont, priés de le renouveler immé-
diatement, s ils ne veulent éprouver
de retard dans la réception du
journal
Voir, à la quatrième page, l'annonce
des primes.
La session de l'Assemblée nationale
doit s'ouvrir mercredi prochain, 5 no-
vembre. Nous publierons le compte-
rendu analytique officiel des séances.
Comme par le passé, M. Paul Lafar-
gue rédigera le Courrier parlementaire,
cette expression vraie et vivante des
séances, qui n'a pas été noire moindre
élément de succès.
JOURNÉE, POLITIQUE
Paris> 30 octobre 4875.
Aura-t-on, n'aura-t-on point avant le
retour de l'Assemblée un manifeste de M.
le comte de Chambord ? Les journaux du
centre droit donnent à penser que le pré-
tendant parlera ; les journaux de la droite
le nient et soutiennent que le roi n'a rien
de plus à dire. Il sera toujours pour lui
moins embarrassant de se taire que de
parler ; c'est pourquoi nous persistons à
':ItToire qu'il ne faut rien attendre de Frohs-
4brf jusqu'au vote de l'Assemblée. Le
prie ee, évidemment à tout avantage à per-
, pétuer l'équivoque.—Il ne cède rien, il de-
meure neutre, diront les vieux légitimistes.
C'est en notre camp qu'il vient de pas-
ser ; il a fait toutes les concessions que
nous demandions, et plus que nous n'en
demandions, répéteront, de leur - côté, les
orléanistes. -
11" le comte de Chambord, cependant,
< "rait approuver les deux interprétations,
dont il protite Ou voit donc bien que le
silence est plus avantageux et plus com-
mode. Aussi, dans les dépêches qui
nous viennent aujourd'hui d'Autriche, il
n'est plus question de programme ni de
déclaration politiques, mais seulement
des préparatifs que fait le prétendant pour
son entrée en France. Tandis qu'on pré-
, pare ici les carrosses, la gare de Frohs-
dorf expédie les chevaux. Les conseillers
du prétendant règlent avec lui les détails
de la grande cérémonie. Aurons nous le
cœur de leur reprocher ces amusements ?
Laissons-les rêver à loisir. Cela du moins
ne trouble peU la France.
Avant-hier ont eu lieu dans toute la
Prusse les élections primaires pour le re-
nouvellement du Reichsrath. C'est sur la
question religieuse qu'elles se font partout
à peu près exclusivement ; l'élection des
députés est fixée au 4 novembre. De ces
élections primaires nous ne connaissons
pas encore le résultat complet. La majo-
rité, toutefois, ainsi qu'il fallait s'y atten-
dre, paraît acquise dans des proportions très-
„ considérables aux libéraux, ou, pour mieux
dire aux ennemis de Rome et de l'ultra-
montanisme. Berlin a élu des progressistes.
fie parti libérall-a emporté d'und manière
décisive à Magdebourg,Wiesbaden,Kœnigs
-, fcerg, Erfurt, Cassel, Kiel, Elberfeld, Stettin.
Le& cléricaux ont eu la majorité à Muns-
;P-ter. Cologne a élu deux tiers de libéraux.
Posen a élu 142 Allemands et 50 Polonais.
Fulda a élu 23 libéraux et 15 cléricaux. A
Hanovre, à Gœttiugue, à Dortmnnd et à
Schleswig, les électeurs ont nommé des
candidats libéraux. A Breslau, sur 720 élec-
teurs du premier degré, on ne eompte que
24 cléricaux. A Osnabriick, on compte 81
libéraux et_c. ultramontain, A Dantzig,
*298 libéraux et 18 ultramontains, Dans les
villes de la Silésie, la plupart des candi-
dats élus sont des libéraux. A Crefeld, on
compte 104 libéraux et 100 cléricaux. A
Trêves, 56 libéraux et 24 cléricaux, etc.
Le Journal officiel de Berlin dit que l'em-
pereur Guillaume, pendant son séjour a
Badd e à SchænhruuD, a leçu d'Allema-
gne de nombreure* adressa d'adhésion à
la fPpOnlo'e qu'il a fiile naguère à la lettre
du pape. Nous avons reproduit récemment
cette curieuse correspondance du Saii t
Père et de l'empereur. Dana le même or-
dre d'idées, signalons, aD8 en tirer d'ail-
leurs pour le présent aucune induction,
irne dépêche de Vienne annonçant que M.
de Keudell, ministre d'Allemagne à Rome,
vient de partir pour Rome après avoir eu
,Avec le comte Andrassy une longue con-
férence
Parmi les autres dépêches étrangères,nous
trou vous un télégramme reçu par le Times
de t;t-Pét/?'csbouJ'g, qUI annonce qu'après le
départ des troup es russes de Khiva, les Yo-
moundes se sont fonltvôs : « Us ont pillé
et détruit, la villa 'd'IJsbfrks (?), tué 1,600
eEclave" persans ému.ci; é, rr fusé de payer
la contribution qui leur a été imposée et
pris le-* armes contre le khfln. Celui-ci a
demandé du secolirg -iii général Kaufmann;
mais le rhef de l'expédition russe avait
déjà évacué la viUe, et sa décision n'était
pa connue. Il est probable qu'une expédi-
tion dovra être envoyée de Kranowtîdbli à
Teke pour punir les rebelles. » Il y a tiois
jours, nous donnions, d'après la Gazette de
Moscou, le texte du traité eonclu avec le
khan ; il était fort avantageux pour la Rus-
sie. On voit que la pacification n'est pas
terminée, et peut-être qu'à Siint-Péters-
bourg on ne s'en plaint pas. 1
EUG. LIKBKBT.
.-,.
On lit dans l'Union :
Plusieurs journaux, entre autres Paris-
Journal et le Figaro, parlent, depuis quel-
ques jours, d'une lettre adressée à M. le
marquis de La Rochethulon, député, par
M. Je marquis de Dreux-Bjtëzâ, au nom de
U. le comte Chambord, et renfermant
une approbation du lalilgage tenu par M.
Chesnelong.
Ce n'est pas, comme il nous arrive trop
souvent, une inexactitude d'appréciation
que nous avons ici à relever, mais c'est
bien une erreur de fait.
La lettre à laquelle on fait allusion a
été écrite de Paris, où M. le marquis de
Dreux-Brézé réside depuis le 4 septembre;
elle est antérieure à toutes les réunions
parlementaires où l'honorable M. Chesne-
long a parlé, et ne peut point, en consé-
quence, avoir trait à des paroles qui n'é-
taient pas encore prononcées.
——— .-W' ——— 4 —
Bien vite* une grosse nouvelle : M.
rêVéque d'Orléans, Mgr Dupanloup en
personne, n'est pas encore bien persuadé
qu'il votera en faveur de la monarchie 1
Un mot d'explication ;
M. Pressenso, un ft frère séparé H, sui-
vant l'ingéaieuse expression de M. le
comte de Chambord, avait adressé une
lettre à son collègue de l'Assemblée,
l'illustre prélat que l'on sait, pour iwi rer
procher ses tendances fâcheuses à tou
jours mélanger la religion à la politique:
Mgr Dupanloup, qui a la plume facile,
vient de répondre par une épttre, lon-
gue d'ici à Salzbourg, aux douces remon-
trances du pasteur protestant. îl se dé-
fend, comme on pense, et prouve pé-
remptoirement que c'est M. de Pressené
qui a tort.
Mais nous n'intéresserions personne à
un débat de cette nature ; tandis que
chacun, nous en sommes convaincus,
prendra un plaisir extrême à lire l'étran-
ge profession de foi par laquelle M. l'é-
vêque d'Orléans termine sa plaidoirie 1
« Je désire do la monarchie, dit il,
» et cependant, monsieur, je n'engage
» pas ici absolument mon vote, et je ne
» comprends pas, du reste, qu'avant
» une discussion définitive, un homme
» sérieux engage définitivement le sien.
» J'ai assez de respect pour ceux dont
» j'ai l'honneur d'être le collègue à
» l'Assemblée pour croire, quelle que
» soit leur opinion actuelle, qu'ils ne
» sont pas de ceux qui disent comme
Il Shéridan à Fox : Vous avez souvent
» changé ma conviction, mais mon vote
.» jamais. »
M. Dupanloup indécis sur la question
de savoir s'il votera pour ou contre la
monarchie 1 Voilà une nouvelle bien faite
pour surprendre les plus fins connais-
seurs ! Et pourtant, il suffit de réfléchir
un peu pour n'y plus voir que le résul-
tat logique d'un ordré d'idées que nous
avons indiqué ici-même dans nos précé-
dents articles.
Assurément il serait fou de prendre
les choses au pied de la lettre et de
croire que M. l'évêque d'Orléans hésite
encore entre la République et la monar-
chie. On risquerait même de se faire mo-
quer de soi si l'on s'appuyait sur la dé-
claration qu'on vient do lire, si explicite
qu'elle soit d'ailleurs, pour exprimer l'es-
poir que Mgr Dupanloup ne votera point
avec les monarchistes. Quoi qu'en dise
M. l'évèque, il sait fort bien qu'à l'heure
actuelle, il n'est pas un homme sérieux,
nous entendons un nomme sérieusement
adonné à la politique, qui n'ait pris son
parti et ne soit fixé sur la forme de
gouvernement qu'il souhaite .donner à
son pays. La discussion, sur ceux-là,
fera tout juste l'effet de l'eau de Lourdes
sur les rhumatismes de Mgr Dupanloup ;
elle éclairera peut-être, et nous l'espé-
rons bien, quelques-uns de nos honora-
bles députés pour qui la politique est
une occupation toute nouvelle, et qui
comptent, pour se déterminer dans un
sens ou dans l'autre, beaucoup plus sur
une inspiration de leur patriotisme que
sur les arguments de tel ou tel orateur.
M. l'évêque d'Orléans n'est point de
ceux-là. Entre la République et la monar-
chie son cœur ne balance plus depuis
longtemps; et s'il témoigne, néanmoins,
d'une certaine hésitation, c'est qu'il fait
partie du groupe de royalistes pour qui
il y a monarchie et monarchie comme
fagots et fagots. Il votera quand même,
c'est sûr; de même que le prince
do Joinville, le duc d'Aumale, le duc
d'Audiffret et tant d'autres; mais s'il est
battu, il n'en sera pas plus triste pour
cela; au contraire.
L'on n'a pas oublié, sans doute, .que
c'est à M. l'évêque d'Orléans que nous
sommes redevables des plus flè'es dé-
clarations du comte de Chambord au
sujet du drapeau. C'est lui qui avait
éerit au prince en février 1873 qu'au
premier rang des sacrifices indispen-
sables au rétablissement de la monar-
chie légitime, était j6 sacrifice du dra-
peau ; et M. le comte de Chambord lui
avait répoudu : a
« C'est là un prétexte inventé par
ceux q.Lii, tout ea reconnaissant la néces-
sité du ietour à la monarchie traditioD,",\:
1 *
nelle, veulent au moins conserver le
symbole de la Révolution. »
» Croyez-le bien, malgré ses défaillan-
ces, la France n'a pas à ce point perdu
le sentiment de l'honneur ; elle ne com-
prend pas plus le chef de la maison de
Bourbon reniant l'étendard d'Alger qu'elle
n'eût compris l'évêque d'Orléans se rési-
gnant à siéger à l'Académie française en
compagnie de sceptiques et d'athées. »
On doit comprendre maintenant pour-
quoi M. l'évêque n'engage pas irrévoca-
blement son vote. M. l'évêque est un
royaliste de gauche ; tout comme le
Journal de Paris, il ne veut qu'une mo-
narchie libérale, constitutionnelle; il
demande des garanties ; il exige le dra-
peau tricolore ; Mgr Dupanloup est un
orléaniste ; il veut être battte.
E. SMNERB.
î-r —♦ —
A propos de l'Incendie
On ignore assez généralement dan^
quelles cirèonstances fut construit FO"
péra qui vient de brûler.
Elles sont bien curieuses.
La salle date de l'au 1821. En 1820,
l'Opéra occupait Remplacement où se
trouve aujourd'hui la fontaine Louvois*
Un soir, comme le duc de Berry en sor-
tait, il fut, comme on sait, assassiné
d'un eoup de poignard par Louvel.
On courut chefcher l'archevêque pour
administrer les derniers sacrements à
l'illustre blessé. Le saint homme, appre-
nant que le prince avait été transporte
dans Un bâtiment qui était une dépen-
dance de l'Opéra (je crois que c'était le
logis du concierge), déclara qu'il ne com-
promeltrait point les mystères sacrés
de la religion catholique dans un en-
droit si parfaitement profanç. On insista;
il persista ; il ftnit paf se rendre, mais à
cette condition qu'un lieu consacré pâti
sa présence ne servirait plus désormais
aux ébats chorégraphiques ni aux jôU^
du théâtre. ,"'
C'était la condamnation de l'Opéra.
Il n'avait guère que vingt-cinq ans
d'âge. Et puisque je suis sur ee sujet,
peut-être sera-t-on bien aisij rappren-
dre comment il avait été placé là.
Le théâtre Louvois avait été construit
en 93 par la Montansier (telle-là même
qui a donné son nom au théâtre du Pa-
lais-Royal).
Elle n'avait point du tout sopgé à en
faire un théâtre de chant ; l'Opéra. se
trouvait alors à la porte Saint-Martin.
Mais sa salle était si belle, si commode,
qu'elle fit envie, et qu'on songea à y
transporter l'Académie nationale de mu-
sique.
A cette époque-là on ne s'embarrassait
pas beaucoup de la légalité. On accusa
la citoyenne Montansier d'avoir eu» en
bâtissant son théâtre, la coupable inten-
tion de mettre le feu à la Bibliothèque et
d'incendier ainsi le riche dépôt des con-
naissances humaines. Sur ce beau prétex-
te, on la mit à la porte de son immeuble,
et après qu'elle en eut été expulsée,, on
y transporta simplement Opéra, au ris-
que d'incendier le riche dépôt des con-
naissances humainesb
Vous pensez si la citoyenne Montan-
sier réclama : on finit, après l'avoir,
traînée de promesses en promesses, par
lui donner cinq cent mille francs en as*
signats ; cent écus en or lui auraient
sans doute fait plus de plaisir.
Depuis lors l'Opéra était resté place
Louvois ; mais après l'algarade de l'ar-
chevêque, force fut bien de le démo-
lir, puisqu'on devait, sur son emplace-
ment, élever un monument expiatoire,
mendt, 'ailleurs ne fut jamais bâti, la ré-
qui
volution de 1830 y ayant mis bon
ordre.
Il fallait trouver un autre endroit pour
y installer une nouvelle salle. On pos-
sédait du côté de la rue Le Peletier des
terrains immenses qui avaient appartenu
à la famille Choiseul, et qui avaient été
confisqués lors de la grande Révolution.
L'hôtel Choiseul avait été, sous l'Em-
pire, occupé par le ministère de la guerre
et l'état-major de la garde nationale. A
côté de cet hôtel s'étendait un vaste jar-
din ; c'est là qu'on résolut de construire
la nouvelle salle, et l'on alfecta l'hôtel,
lui-même à loger l'administration et le
service du théâtre.
La nouvelle salle fut très-rapidement
bâtie, puisque l'assassinat du duc de
Berry est de 1820 et qu'elle fut inaugu-
rée en 1821. On se servit pour la cons-
truire de la charpente de l'ancien théâ-
tre que l'on démolissait. C'était une éco-
nomie. Mais elle revint fort, cher, et
l'architecte Débret y dépensa quatre fois
plus d'argent qu'il n'avait annoncé. En
ce temps-là, les Chambres n'étaient pas
d'humeur bien commode sur l'article, et
l'on tracassa tant ce malheureux De-
bret, à propos de ses devis dépassés, qu'il
faillit en mourir de chagrin.
Tout le monde sait combien cette salle
était belle, et comme l'acoustique en
était bonD. Mais le peu de temps qu'y
avait pu donner l'architecte l'avait em-
pêché de soigner nombre de détails. Il
croyait d'ailleurs que son œuvre était
provisoire, il n'avait pas arrangé son théâ-
tre en vue d'un incendie possible.
Les dégagements étaient peu nom-
breux, étroits, enchevêtrés les uns dans
les autres. J'ai bien souvent entendu
dire à Garnier : « Si jamais Je feu se dé-
clarait sérieusement à l'Opéra, il serait
impossible de l'éteindre. Mais, ajoutait-
il, les précautions sont prises avec tant
de soin que jamais il n'y aura d'incen-
die ; il ne peut pas y en avoir. »
L'événement a donné tort à cette con-
fiance. Le quartier ne la partageait pas.
L'autre jour, l'aimable et savant archi-
viste de l'Opéra me montrait un dos-
sier énorme : « Tenez I me dit-il, c'est
le dossier des réclamations qui tous les
ans tombent au ministère sur les dan-
gers que fait courir l'Opéra aux maisons
voisines. » Et le fait est que le quartier a
échappé à un péril sérieux. Par bonheur
les murs de la salle ont plus résisté que
l'on ne pensait et ils sont tombés sur le
foyer de l'incendie au lieu de s'écrouler
en dehors. Sans cette heureuse circons-
tance, il est probable que ce qui reste
de l'Opéra eût été réduit en cendres.
Parmi les pertes les plus regrettables,
il faut compter eelle des bustes qui or-
naient le foyer. Il y avait là un portrait
de Gluck par. Houden et un buste de
Lulli datant du dix-septième sièele, qui
étaient des merveilles.
Les archives sont sauvées. Une bonne
moitié avait .été déjà transportée depuis
un mois, au deux au nouvel Opéra, mais
c'était la moitié la moins intéressante.
Nuitter avait gardé toutes les raretés à
l'arkaien Opéra, où tout était sous elé.
Au nouvel Opéra, la bibliothèque ne fer-
mait pas encore, et il eût été imprudent
de laisser des pièces curieuses et rares
exposées aux convoitises d'une foule de
visiteurs.
A une heure du matin, on vint aver-
tir Nuitter de ce qui se passait. Il trem-
bla pour ses chères collections. Il cou-
rut à ses archives. Le capitaine des pom-
piers lui dit de se dépêcher, qu'avant
peu le feu aurait pénétré dans ce côtej
du bâtiment.
« Je compris alors, me dit Nuitter, là
force de cette expression : Faire la pari
du feu ! Comment choisir entro toutes
ces richesses également prédeu^os ! »>
Il ne perdit point la tête et so mit a
la besogne. Des aides dévoués et intelli-
gents accoururent se mettre à sa dispo-
sition et le fils de M. Perrin, Emile
Perrin, et DealC!'™6"9. l'administrateur
du Théâtre-Français, un ;= plus pas-
sionnés amateurs d'autographes, et :
Comte, sous-chef de bureau au ministère
des beaux-arts; et M. Cœdès, le souffleur
de musique de l'Opéra, et d'autres en-
eore. *
Ils entassèrent partitions, livres, gra-
vures dans des paniers que l'on passait
par les fenêtres et que l'on descendait
dans des voitures, sur lesquelles veil-
laient des gardiens de la paix. Rien n'a
été perdu heureusement, et à l'heure
même où j'écris, toutes les archives au
grand complet sont réintégrées dans leur
local, qui n'a pas été touché par le feu.
Les décors ont eu moins de bonheur.
Il ne reste qu'une partie des décors de
Robert-le-Diable et de Guillaume Tell.
Les ciels et les rideaux de fond que l'on
roule et que l'on garde dans les cintres
ont été brûlés. Les chassis ont été sau-
vés, puisqu'ils étaient aux magasins. Mais
ils ne peuvent pas servir à grand chose.
Le dernier décor de la Jeanne d'Arc,
de Mermet, qui allait passer, a péri dans
l'incendie. Pauvre Mermet 1 Avoir nourri
dix ansà!'espoir de faire représenter à
l'Opéra une œuvre aussi considérable
qu'est un opéra en cinq actes, toucher
au but et voir toutes ses espérances de
gloire anéanties par un accident aussi
imprévu ! Nous 1 avons rencontré hier,
pur le boulevard, tandis que sa Jeanne
d'Arc s'en allait en fumée. Son èhagrin
faisait pitié. On a sauvé sa partition.
Un dernier trait, dont j'ai été témoin,
et qui m'a paru curieux :
Bourdon, qui loge dans les bâtiments
de l'Opéra, était en train de déménager
par les fenêtres; on vient lui dire : Quel-
qu'un veut absolument vous parler. C'est
très-important; venez vite. _A
Il y court. Il se trouve en face d un
paysan tirant une voiture à bras. Ce pay-
san lui apportait un sac de pommes de
terre, et avec la ténacité de sa race, il
avait forcé toutes les consignes, pénétré
jusqu'au lieu de l'incendie pour faire là
livraison de ses pommes de terre, à cinq
heures du matin.
FRANCISQUE SARCEY.
» _„
M. Duvergier de Hauranne, député du Cher,
nous communique la lettre suivante, qu'il vient
d'adresser au ministre de l'intérieur.
A monsieur le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre,
J'apprends par un arrêté de M. le géné-
ral Ducrot, pris sur l'avis de M. le préfet
du Cher, que le département du Cher est
epeore en état de siège.
Cet arrêté vise un décret du 22 août
1870, rendu par l'impératrice-régente, au
moment do l'invasion étrangère, dans un
but de défense nationale.
Depuis la guerre, ce décret semblait
tombé en désuétude, au moins en ce qui
concerne le département que je représente.
L'autorité militaire n'avait pas essayé une
seule fois de s'en prévaloir, même en ma-
tière de presse, et la justice ordinaire avait
eu son cour., pans que personne songE àr à
h dessaisir. Nos honnêtes et paisibles po-
pulations du Cher pansaient, avec raison,
que le régime da l'état de siège avait dû
cesser avec les circonstances extraordi-
naires qui avaient obligé le gouvernement
d'y recourir.
Aujourd'hui, au bout de deux ans et
demi, après que l'occupation étrangère a
pris fin, après que tous les prétextes qu'on
pouvait mvoquer en faveur de l'état de
siège ont heureusement disparu, vous ju-
gez opportun d'exhumer le décret du 22
août ; vous remettez en usage, dans un in.
térêt politique, une arme uniquement des-
tinée à faire face aux dangers de la guerre.
C'est là, monsieur le ministre, un abus
criant, sur la légalité duquel l'Assemblée
aura bientôt à se prononcer, lorsque vous
daignerez accepter l'interpellation qui vous
a été faite sur le maintien de l'état de
siège dans les départements. Je ne veux,
pour le moment, que vous soumettre une
réflexion bien simple :
Cette mesure rappelle, à s'y méprendre,
celles qui ont précédé et préparé le coup
d'Etat du 2 décembre 1851. Au moment où
un parti que vous connaissez bien prépaie
ouvertement une révolution monarchique
et se vante de l'accomplir avec le concours
du gouvernement de la République, l'opi -
nion aura peine à,ne pas voir, dans cette
résurrection inutile et inattendue de l'état
de siège, le prélude des libertés constitu-
tionnelles que la monarchie nous réserve,
si nous avons le malheur de nous fier à
ses promesses.
Recevez, monsieur le ministre, l'assu-
rance de ma haute considération.
Ernest DUVERGIER DE IlAuRANNX,
! Député du Cher.
Paris, le 28 octobre i873.
-- *
L'AUDIENCE
Décidément, le brillant corps de l'état-
major exerce sur les foules un grand at-
trait ! On compte pour aujourd'hui sur les
dépositions des colonels Magnan, Vosseur,
Lewal, d'Andlau, etc. On se bat littéra-
lement aux portes ; les femmes jeunes et
élégantes dominent, et ce ne sont pas elles
qui allongent les moindres coups de coude
pour pénétrer dans a ce temple de la jus-
tice » qui ressemble fort à une a petite
maison. »
Le fond même du chapitre à l'étude est
ceci: Le maréchal Bazaine a-t-il reçu et pu
faire passer des communications ?
Le point particulièrement intéressant
dans les débats du jour est de savoir quels
sont les obstacles qui se sont opposés à la
rentrée sous Metz du commandant Magnan,
parti le 18 du camp dé Châlons.
Déjà l'on sait, par des dépositions précé-
dentes, que, jusqu'au 22, des émissaires ont
fran ""i les lignes, enuemies.
- - ~l'entrer dans l'exposition de
Mais avant centrer dans l'exposition de
ces faits attendue la IU;:,?ne nous réservait
UN INCIDENT
Un témoin civil, homme encore jeune,
faisait, sur le meilleur ton, une déposi-
tion à laquelle nous ne prenions, nous
l'avouons, qu'un intérêt modéré. Nous
trouvions bien un peu extraordinaire que
le témoin, procureur impérial à Réthel,
eût reçu le 19, par la poste, une lettre
d'un collègue de Metz, lorsque les voies
de communication étaient soi-disant cou-
pées ; mais on voit tant de choses extraor-
dinaires dans ce procès !. Lorsque tout à
coup le témoin, M. Serot, entame le récit
des aventures d'un M. Nogues, se prome-
nant autour de Metz du 22 au 25 août.
M. Nogues, jeune officier de marine,
s'est présenté le 22 août à M. Serot, por-
teur de deux laissez-passer émanant, l'un
de l'impératrice, l'autre du ministre de la
guerre, et lui a demandé des moyens de par-
venir dans Metz. — M. Serot, enfant du
pays, lui donne diverses lettres de recom-
mandations, puis, pris de scrupule, télé-
graphie au ministre de la guerre, oui ré-
pond ne pas reconnaître l'émissaire et
donne ordre de l'arrêter.
Le 25, M. Nogued passe de nouveau par
Réthel, est arrêté par M. Serot, et cette
fois, est trouvé porteur d'un troisième
laissez-passer, signé Stoffel.
Il est relâché par ordre ; mais le procu-
reur impérial, qui l'a fouillé, a trouvé sur
lui un mot de l'impératrice pour le géné-
ral Bourbaki ou pour sa femme.
En outre, M. Serot a appris que M.
Nogues, tentant le passage, a rencontré à
Carignan le commandant Magnan qui lui a
conseillé de ne pas continuer des efforts
inutiles et lui a donné une lettre pour le
colonel Stoffel.
Tel est le récit très-clair et très-net que
fait le témoin Serot.
M. Nogues est introduit à son tour. C'est
un lieutenant de vaisseau de trente-quatre
ans, sur la physionomie duquel on lit mal
les qualités de fermeté et d'intelligence
qui l'ont désigné pour une mission si ex-
traordinaire.
Un ami, le lieutenant COllneàu, l'a indi-
qué à l'impératrice, qui voulait communi-
quer directement avec le maréchal Bazai-
ne.- Car le témoin déclare qu'il avait un
mot d'introduction pour le maréchal Ba-
aine.
Et le procureur impérial a saisi sur M.
Nogues un mot d'introduction pour le gé-
néral Bourbaki!
M. Nogues, d'ailleurs, a une manière
de répondre qui ne lui attire guère les
sympathies; il se fait extirper les répon-
ses; ce n'est que contraint et forcé, acculé
pour ainsi dire, qu'il renouvelle les dépo-
sitions qu'il a faites devant M. le rappor-
teur. Et cependant ses répon:&e ont une
valeur : c'est ainsi qu'on apprend que M.
Nogues avait un chiffre particulier pour
correspondre avec l'impératrice.
M. Serot est appelé do nouveau. Les
deux témoins sont côte à côte; c'est dans
la physionomie et dans la parole du pro-
cureur impérial qua l'on rencontre l'éner-
gie militaire.
M. Serot affirme que ce qu'il a saisi
était un mot adressé au général Bourbaki
on à sa femme. M. Nogues avoue qu'en
effet il avait un mot pour Bourbaki. Il
n'en a pas parlé!
Me Lachaud intervient. Pourquoi? nous
ne if aurions le dire exactement, quoique
nous le devinions un peu. Et il cherche à
établir qu'il n'y avait qu'une seule lettre.
Or, M. Nogues lui-même vient de déclarer
qu'il en yavaij; deux. Il suffit à M. le pré-
sident de résumer les dépositions pour
montrer à Mc Lachaud qu'il a tort de
vouloir conduire les débats.
Quant à l'ex-procureur impérial, il est ad-
mirablement ferme, autant dans ses affir-
mations que dans ses démentis. M. No-
gues, à chaque minute nouvelle, parvient
à se rappeler un fait nouveau.
— Vos souvenirs vous reviennent suc-
cessivement, prononce lentement le duc
d'Aumale. Il y a là quelques variations ;
et, si vous les expliquez, j'en serai en-
chanté.
Il s'explique. Et l'ex-procureur impérial
réplique, écrasant.
Cette scène de confrontation est, selon
nous, une sorte de hors-d'œuvre dans le
procès du maréchal Bazaine, mais elle
mérite d'occuper un rang important dans
le procès. M. Nogues, tout en faisant
de son mieux pour esquiver l'interro-
gatoire et répondre le moins clairement
possible aux questions qui lui étaient
adressées, nous a cependant amplement
laissé deviner qu'il était porteur de com-
munications verbales de l'impératrice pour
le maréchal Bazaine et permis de voir clai-
rement que la régente avait la prétention
d'entretenir avec le général en chef des re-
lations en dehors de l'empereur, en de-
hors du ministre de la guerre, en dehors
du maréchal de Mac-Mahon.
C'est peut-être en cela que l'incident
Nogues a pu désagréablement émouvoir le
défenseur, pour qui l'innocencede l'accusé
est question incidente et l'apothéose de
l'impératrice question principale.
BRAIDY, SCALABRINO, TISSABRÉ.
La reprise de l'audience est marquée
par un incident des plus émouvants. Le
lecteur se rappelle peut-être qu'hier nous
avons désigné sous le titre de « Héros
sans le savoir » la catégorie des témoins,
gardes forestiers, qui, ayant traversé les
lignes ennemies pour porter des dépêches
au maréchal Bazaine, ont raconté leur
odyssée simplement, naïvement, en gens
pour qui l'héroïsme n'est qu'un devoir.
Ces modestes et admirables patriotes
ont reçu leur récompense aujourd'hui.
Tous les trois, Braidy, Scalabrino; Tissa-
bré, ont été appelés en même temps à la
barre.
« Avant que vous quittiez cette salle
d'audience, je suis chargé par les officiers
généraux iei présents de vous offrir les fé-
licitations du conseil. »
Et M. le président décerne aux trois gar-
des forestiers leurs parchemins de gloire
en dix lignes simples, grandes, ne disant
ni trop ni trop peu, impressionnant vive-
ment la salle et bouleversant de joie ces
honnêtes natares à qui elles rendent jus-
tice. L'auditoire entier épreuve comme un
frémissement d'enthousiasme et réprime à
arand'peine les applaudissements et les
vivats. Yàt les gardes forestiers, émus jus-
qu'aux larmes, se retirent comme tout
honteux de ressentir tant de fierté.
Nous ne parlerons guère de la déposi-
tion du lieutenant-colonel d'état-majeur
Vasseur. Elle est sans grande importance,
grâce à l'effacement qu'a semblé vouloir lui
imprimer le témoin. Et nous nous arrête-
rons à la déposition du u,
COLONEL MAGNAN
Chargé par le maréchal Bazaine, le 17
août, de porter des communications à l'em-
pereur, le commandant MagnaD, reparti le
18, n'a pu rentrer dans Metz. Le Rapport
le malmène quelque peu pour ce fait.
Apporter des explications, remporter la
confirmation des projets déjà arrêtés, em-
mener des approvisionnements, c'est ainsi
que M. Magnan, spécifie sa mission.
M. Magnan, fils du défunt. maréchal,
est va joli offièier qui a fait maintes
fois preuve de bravoure ; c'est un homme
du monde qui a également donné maintes
preuves de Fon savoir-faire. Aussi le clan'
Bazaine compte-t-il sur M. Magnan, qui
était aide de camp du maréchal, pour dé-
molir de la belle façon le Rapport.
Servi par une excèllente tenue, par une
élocution facile, par un aplomb impertur-
bable et aussi par un heureux choix d'ex-
pressions, M. Magnan fait montre d'une
intelligence assez remarquable dans sa
façon de déposer. Il est interdit à nn té-
moin d'attaquer le Rapport : M. Magnan
manœuvre assez adroitement pour ne point
avoir l'air — si ce n'est à la péroraison,
— de prendre à partie le rapporteur, et ce-
pendant pour répondre à toutes les incri-
minations.
Ce long récit, débité d'une voix claire,
bien timbrée, s'enchaÎBant avec habileté,
fait tout à fait bon effet à première audition ;
mais, lorsque M. le président et le géné-
ral Pourcet obligent le témoin à répondre
directement à des questions précises, l'en-
theusiasme de la première heure imite
assez bien la marene d'une soupe au lait
sur le retour.
Pour savoir exactement jusqu'à quel
point nous devrons nous enlever, nous at-
tendrons le résultat d'autres dépositions
qui se rattachent à la mission du colonel
Magnan.
PAUL LAFARGUK.
♦ ———————
LES DÉLÉGUÉS DE Li DORDOGRE
A PARIS
Quatre conseillers municipaux do Péri-
gueux avaient été délégués pour aller af-
firmer au président de la République, à M.
Thiers et aux divers groupes de députés
qui défendant les institutions existantes,
les convictions républicaines des popula-
Lions de la Dordogne. Le Républicain, de
Périgueux, publie le rapport adressé à leurs
commettants par ces délégués, qui sont
MM. Louis Mie, conseiller général; Bara-
beau fils, négociant ; Fournier-Laurière,
propriétaire et ancien maire, et le docteur
Gadaud. 1
Le 24 octobre, les déléguas ayant deman-
dé audience au président de la République,
ont été reçus par son chef de cabinet, M.
le colonel d'HarGOurt :
Après avoir, en quelques mots, fait connaître
le désir que nous avions de parler à M. le pré-
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