Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-10-30
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 30 octobre 1873 30 octobre 1873
Description : 1873/10/30 (A3,N714). 1873/10/30 (A3,N714).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7558072z
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/03/2013
3e Année, — N° 744
PRIX DU NUMÉRO : PIRIS 45 CENTIMES mi.- DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Jeudi 30 Octobre 4873.
,. ^lj|
1
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
-adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
le rue Drouot, 9
Les tmanuscrits non - fw seront pas
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mola. 13 Ir..
Six mois.h. 85
Un an 50
DÉPARTEMENT
Trois mois. nî ffy
Six mois 3?^
Un 8117.,\,., 62
Annonces, ehez MY. LAGRANGE, CERF et G*
6, place fie la Bonne, 6
On s'àbonne à Londres, ehez M. A. MAUBICE général
advertisiûg, agent, 13, Tavistoekrow, Goueot ©arden.
ADMINISTRATION
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur *
- t« m Dronot» I
lu lettres non affranchies seront refusées
r -
* ABONNEMENTS
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Trois mois. 13 fr.
Six mois. 25
Un an » 50
DÉPARTEMSOTI
Trois mois., 16 fr.
Six mois.h.U 32
Un an .,.° 61 .,
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et 04
6, place de la Bonrwe, 0
On s'abonne à Londres, chez M. A. MAURICE général
advertising, agent, 13; Tavistockrow, CoventGarden.
MM. les Souscripteurs dont l'a-
bonnement expire le 31 octobre
sont priés de le renouveler immé-
diatement, s'ils ne veulent éprouver
de retard dans la réception du
journaL,
*
3t. ,
t Minuit et demi.
-.
A l'heure où nous mettoaa sotis presse,
un incendie , éclate à l'Opéra, dans le
foyer de la danse. On fait des efforts éner-
giques pour sauver les décors et les maga-
sins de costumes. Une fumée suffoquante
remplit les rues Drouot, Rossini et Lepel-
tier. Les pompiers accourent de tous les
postes de Paris, i :' 'w '1 fj
.,.. • 1 heure du matin.
La toiture de la scène est envahie ; im-
possible de maîtriser le. feu. Quand vous
lirez ces lignes, que nous jetons en hâte
sur le papier, au milieu d'une émotion
indicible, l'Opéra n'existera plus. v. !If
t', "J'" , .f
■ —— ♦ - —
"JOURNÉE POLITIQUE
, .,
Paris, 29 octobre 1875.
Nous lisons dans les dépêches de Cons-
tantinople que le sultan a conféré à M. le
duc Albert de Broglie le grand-cordon de
l'ordre de l'Oamanié - Il devrait bien con-
férer au moins le petit-cordon à M. le mi-
nistre de l'intérieur, qui continue de trai..
ter la presse - à la turque. Dans le Cher,
en vertu de l'état de siège, le journal
VUnion républicaine est supprimé. Il exci-
tait, dit-on, au mépris du gouvernement ;
pourquoi donc ne pas le traduira en cour
d'assises ? Dans la Seine-Inférieure, où,
par extraordinaire, ce bienheureux état de
siège n'existe pas, le préfet s'arma de la
loi sur le colportage, pour interdire la
vente sur la voie publique de la Tribune
de Rouen, qui n'eu était qu'à son troisième
numéro. Pourquoi? C'est parce que, dit
l'arrêté, « le rédacteur s'est'livré à des at-
taques diffamatoires contre une partie da
l'Assemblée nationale. »
La droite, apparemment, est la partie de
l'Assemblée que le rédacteur de la Tribune
diffamait; mais nous serions curieux de
savoir ce que l'on va faire aux journaux
royalistes qui diffament la gauche avec
infiniment plus d'ardeur ? Bst-ce à dire
qu'il y ait des parties de l'Assemblée que
le gouvernement juge moins respectables
que les autres et qu'il ne veut point pro-
téger contre les attaques de la presse ? Ou
- la gauche ne compte-t-elle point comme
partie de l'Assemblée, au môme titre que
la droite? Toujours est-il que la gauche
a pour ordinaire destin d'être * diffamée »
et que le gouvernement ne s'en émeut
pas. ,"
Ce phénomène, anormal aux yeux du
vulgaire, n'est peut-être, après tout, que
« logique, » comme disait hier le Salut
public de Lyon ; et peut-être aussi le Gabi-
net ne cherche-t-il, à Rouen comme
ailleurs, qu'à Il mettre tous les atouts dans
son jeu, » suivant une autre expression du
même Salut public, qui ne paraîtra pas
moins heureuse. Il convient de noter, en
effet, qu'on est à la veille d'une élection
de député dans la Seine-Inférieure. La
:Tribune,. nous écrit-on, kien qu'elle ne
parât que depuis trois jours, avait déjà
èoiiquis à Rouen une juste influence. s
deux premiers numéros, que nous avons
lus se recommandaient,.du .moins à notre
jugement, par beaucoup de sobriété, de me-
sure dans la polémique, bien que l'on sentit,,
sous cette forme modérée, des convictions
vigoureuses. En nous en rapportant à nos
faibles lumières, nous m'eussions jamais
cru que M. le préfet Lizot y trouvât matiè-
re à son arrêté. La voilà frappée cependant,
comme l'a été de même, il y a peu de
jours, un autre journal républicain du dé-
partement, YEeho du Havre, où la publie
trouvait précisément de pareilles qualités.
Il est vraiment fâcheux qua! ces vexa-
tions et ces intimidations tombent ainsi en
pleine période électorale. L'agence Havas
a publié, hier, une note officieuse qui ten-
, dait à justifier le ministère des dernières
mesures prises contre plusieurs journaux,
«t eu particulier contre le Petit Provençal
et VAvenir de M. Portails. c L'approbation
ou la désapprobation des doctrines politi-
ques qui peuvent diviser l'opinion en Fran-
ce est donc étrangère, y lisons nous, aux
mesures que vient de prendre le gouver-
itement. Il s'agit seulement du maintien
des droits de l'Assemblée, de l'ordre social
et de la décence publique. » L'i ffet sera
manqué. Sans doute cela est bien dit, et le
cabinet, veageur delà décence publique ou-
tfagèiî- jolîe un très-beau rôle. Mais il pa-
raîtra Waigré tout, que la politique est bien
un peu mêlée à l'arrêté dà M. Lizot contre la
Tribune. Si la décelle publique est offensée
pr J' IIve"!ir criant : a A 1 bas Ctlmtord r.,
nous èt'tlftons qu'elle n'a jamais souffert,
non plus quà l'ordre social, des attaques de
la Tribune contre f uile. partie de l'As-
semblée. » Il se pourrait bÍèl2, llU contraire,
qu'elle souffrit passablement.des hommes
grossières que tant d'autres journaux ré-
pandent sur les députés républicains.
- Eue. LiÉBBftf.
- LA TÊTE DE E COMBIER j
- *
Vous ne connaissez pas M. Combier ?
Non ! Cherchez bien. Rappelez-vous
certaine lettre adressée à un révérend
Père jésuite ! Y êtes-vous ? Un morceau
très-curieux, où l'on indiquait le moyen,
l'infaillible moyen d'asseoir M. le comte
de Chambord sur le trône de France.
Prenez tous les dévots du pays et les dé-
votes aussi ; divisez-les en escouades,
faites en sorte que les uns passent la
journée en oraison et que les autres pas-
sent la nuit en prières ; surtout pas une
minute d'interruption ! L'affaire serait
manquée. C'est en ces termes, ou peu
s'en faut, que l'honorable M. Combler,
député de l'Ardèche, résolvait le problème
assez ardu de la restauration. Il passe
néanmoins pour un homme sérieux dans
son parti ; les meneurs ne l'ont pas fait
enfermer, au contraire ; ils l'envoyaient
naguère à Frohsdorf, avec la fleur de
leurs pois* la dessus du fameux panier !
Peut-être croyez-vous qu'après la pu-
blieation d'une lettre qui n'était pas seu-
lement ridicule, mais encore compro-
mettante, sos amis lui ont dit : Dieu vous
garde d'éerire !
Nullemen Il écrit encore, et le voilà
qui livre à ITEcho de son département la
plus étrange des confidences : « Les me-
naces, dit-il, ne sauraient pas plus nous
intimider que les calomnies nous émou-
voir. Que peuvent craindre encore ceux
qui dans la partie engagée ont mis leur
tête pour enjeu ? »
C'est donc une partie que vous jouez,
homme de bien ? ffabemus confitentem
sanctum. Et contre qui jouez-vous? Oh!
mon Dieu ! contre la France, tout sim-
plement. Une partie 1 Savez-vous que le
mot n'est pas heureux ? Vous ne l'avez
pas trouvé, j'en réponds, dans le voca-
ulaire des martyra. Parmi les mille et
mille hommes de cœur, de conscience et
dé, devoir qui depuis les premiers jours
de l'histoire se sont fait bravement tuer
pour les justes causes, on n'en eite pas
un, pas un seul qui ait envisagé son sa-
crifice tous cet aspect badin. Vous par-
lez, ô saint homme 1 le langage des am-
bitieux, des hommes d'aventure, da ces
fous dangereux qui sautent le Rubicon
pour jouer à pile ou face le pouvoir ou
la mort. i
Je joue ma léte est un vieux mot, aussi
vieux que le Jeu, presque aussi vieux
que le monde, mais terriblement déplacé
dans la bouche d'un sage. Le bon pas-
teur donne sa vie pour ses brebis, il ne
la joue pas contre les loups. Socrate a
bien prévu qu'en prêchant la sagesse à
des fous, il s'exposait à boire la ciguë ; il
n'a jamais dit à Platon, ni à Xénophon,
ni aux autres : J'engage une petite par-
tie de spiritualisme où je perdrai la vie
si le guignon s'en mêle. Qu'Alcibiade ait
tenu un tel propos chez Aspasie, on le
comprend à la rigueur. Monsieur Com-
bier I seriez-vous un petit-neveu, je veux
dire un grand-oncle d'Alcibiade ?
N'ayez pas peur; nous ne vous pren-
drons point au mot, niàplus forte raison
aux cheveux. Votre tête n'est pas un
enjeu qui nous tente. S'il faut absolu-
ment qu'un homme en ait la charge,
nous aimons mieux que ce soit vous.
Que ferlons-nous, Vliniieur, du. nez d'un mar-
.:'" , 1 guillier 1)
Vous avez un crâne, il est vrai, et l'on
sait que les Thiers, les Rémusat, les
Grrévy et les autres caciques de la tribu
républicaine aiment à boire un vin gé-
néreux dans le crâne de leurs ennemis.
Mais ils ne boivent que dans des vases
de choix et ils les aiment mieux sans fê-
lure.
Non, vous ne jouez pas votre tête,
homme trop courageux, ou, si vous la
jouez, ce n'est pas contre nous. La Ré-
publique vous gardera de tout fâcheux
accident, si elle dure. Mais, par exemple,
si vous fondez la monarchie, c'est diffé-
rent ; je ne réponds ni de votre tôte, ni
de la mienne : ear ma vie, et la vôtre, et
-
celle de votre roi lui-même ne seront
plus que les jouets du hasard.
ABOUT.
i ,. r"" -
L
Les monarchistes n'ont plus qu'une
crainte, c'est que certains membres de la
droite ne se trouvent point satisfaits de
l'esprit véritablement libérel et presque
révolutionnaire qui perce à chaque ligne
du projet de restauration élaboré dans
les conciliabules royalistes. Le Fran-
çais, par exemple, prend son air le
plus candide pour nous dire que M. dû
Temple ne votera qu'avec un chagrin
profond la a monarchie moderne et
constitutionnelle » sur laquelle les dépu-
tés seront appelés à se prononcer. M.
d-u Temple eùt été d'avis de no point
donner à la France d'autre constitution
que lq Syllabus, où sont ioscrites toutes
les garanties que peut et doit désirer un
cœur vraiment chrétien. Toutefois il vo-
lera, p-ir pur dévouement à son pays, et
pour montrer à ses collègues que si la
tolérance état exilée de ce monde, elle
trouverait un refuge dans l'âme des lé-
gitimistes, *•
Entendez-vous, messieurs du centré
gauche, qui avez le mauvais goût dé
prétendre que la monarchie de 1873 se-
rait la revanche de 1789!
ç c'est. au centre gauche, on l'a
déjà compris, que s'adresse cette ai-
mable plaisanterie dont ce pauvre M, du
Temple fait tous les frais. La consigne
est de répéter sur tous les tons et à sa-
tiété ce que le Journal de Paris déclarait
si formellement hier, à savoir que l'As-
semblée ne peut et ne veut faire qu'une
monarchie entourée de garanties consti-
tutionnelles, une monarchie libérale,
une monarchie « moderne, c et, pour tout
.dire enfin, un beau petit de 1830.
Attendons-nous à voir ces mots-là re-
venir souvent sous la plume des écri-
vains fusionnistes de gauche, orléanistes
de la veille.qui redeviendront les orléa-
nistes du lendemain. Leur tactique
crèva les yeux. Ils se soucient bien de
savoir si oui ou non MM. Chesmelong
et Lucien Brun ont été autorisés à pren-
dre des engagements pour M. de Cham-
bord. Ils s'embarrassent bien d'exami-
ner si vraiment le programme monarchi-
que a été rapporte de Salzbourg, ou s'il
est dû à l'esprit inventif, à la plume
souple et savante à la fois de tel ou tel
honorable reporter! L'important, c'est
de persuader au comte ae Chambord
que l'on prend au sérieux tout ce qui
s'est dit, tout ce qui s'est publié en son
nom; l'essentiel, c'est de placer le comte
de Chambord dans cette alternative, ou
d'accepter le programme en question, tt
l'on espère bien qu'il n'y consentira ja-
mais, ou de le repousser, et dans ce cas,
e'est lui qui l'aura voulu, lui seul qui se
sera rendu impossible. Les orléauistes
pourront dire qu'ils ont tout fait pour
lui rendre un trône; ils ont permis à
leur prince, le comte de Paris, d'aller
s'humilier devant son cousin et abdi-
quer ses prétentions; quand l'unité dans
la maison royale a été rétablie, les or-
léanistes n'ont rien négligé pour ame-
ner l'unité dans les groupes royalistes ;
tout ce qu'on leur a proposé, ils l'ont
accepté ; est-ce leur faute à eux si tous
leurs efforts sont venus se briser contre
un non possumus du comte de Cham-
bord?
Que eiy par impossible, M. le comte
de Chambord ratifie le programme
que M. Chesnelong a rédigé à son in-
tention, eh bien ! les orléanistes joue-
raient le jeu jusqu'au bout. Ils seraient
les premiers à célébrer le libéralisme du
prince; ils prouveraient par des arguments
sans réplique qu'Henri V est un fils lé-
gitima de la Révolution ; ils iraient
peut-être jusqu'à le comparer à Louis-
Philippe, saufà ce que compliments et
comparaisons ne fussent pas du goût de
tout le monde. Le jour de la bataille, ils
se jetteraient dans la mêlée avec un en-
train, une vigueur admirables ! Mais que
voulez-vous? On n'est jamais sûr de
vaincre, et ils se consoleraient d'autant
plus aisément de la défaite qu'ils la
souhaitent plus ardemment au fond du
cœur. Ils veulent en finir avec cet
obstacle vivant, ils veulent ôter une
bonne fois au comte de Chambord le
droit de dire : la monarchie, c'est moi !
Après, l'on verra. Faute d'un moine
l'abbaye ne chôme pas, et si les républi-
cains étaient assez sots peur se conten-
ter d'une victoire platonique, il pourrait
leur en cuire.
E. SCHNERB.
- .'-
On sait que cent trente manufacturiers
de Paris, à qui sont venus s'adjoindre plus
de quatorze cents commerçants, ont adres-
sé une lettre à M. Feray, manufacturie.,
député de Seine-et-Oise pour le féliciter
de son adhésioa à la République.
L'Univers écrit à ce propos les quatre
lignes suivantes, qui, à elles seules, valent
un long poème : -
Un de nos amis, qui connaît « le haut com-
merce parisien, » nous écrit à l'instant que sur
cette liste de 130 manufacturiers, il relève à
première vue 45 noms juifs.
Nous serions très-reconnaissants à l'Uni-
vers de se montrer un peu plus explicite.
S'étonne-t-il de voir de simples « juifs »
faire partie du haut commerce parisien?
Ou trouve-t-il seulement bien naturel que
des « juifs » ne se soucient point d'être ra-
menés à la monarchie « traditionnelle »
dont, mieux que personne, ils ont gardé le
souvenir? Que l'Univers s'explique enfin,
mais sans perdre de vue que le sujet est
EcabreuX,VIil qu'il existe plusieurs e juifs » du
nom de Rothschild qui s'intéressent fort à
la Restauration et ont le droit d'exiger des
monarchistes qu'ils ne lui marchandent
pas plus leur respect qu'ils ne leur mar-
chandent les écus.
E. S.
D'ailleurs, s'il est vrai que les juifs
soient les plus obstinés ennemis de la
restauration légitimiste, nous regrettons
sincèrement que le hasard de la nais-
sance no nous ait pas faits juifs.
ABOUT.
r :
L'Union s'insurge contre ce qu'elle
appelle la prétention des républicains de
voir un symptôme de l'opinion publique
dans les différentes élections partielles
qui ont lieu. A son avi?, cela ne
prouve rien, absolument rien, si ce
n'est pourtant que la France ne'sait pas
ce qu'elle veut. Puis, quelques lignes
plus bas, dans le même article, VUnion
déjà nommée constate que l'opinion com-
mence à tourner, que le pays revient à
des sentiments monarchiques, et elle en
donne plusieurs preuves. v
Nous ne voulons point nous arrêter
aux contradictions de la feuille légitimiste
pour lui prouver même quelle impor-
tance nous attachons à son jugement,
nous admettrons sans discussion que la
France est lasse de la République, et
qu'elle a pour Henri V les yeux de Chi-
mène pour Rodrigue. En retour, il faut
espérer que l'Union va se joindre au
XIX. Siècle et à tous les journaux répu:
blicains pour demander au gouverne-
ment de convoquer sans délai les treize
départements qui ont un député à élire.
Il est clair que, de notre part, c'est
pur dévotiment" noble abnégation, puis-
que nous reconnaissons que le pays n'est
plus républicain. Il enverra très-cer-
tainement treize monarchistes à l'As-
semblée, et' ce chiffre n'est point à dé-
daigner quand on pense que Martin,
faute, d'un point, perdit son âne.
Mais nous voulons la justice avant
tout ; et si, par aventure, la restauration
monarchique échouait faute d'un demi-
quarteron de voix, ce serait fini du repos
de nos consciences. Faisons donc tous
chorus pour demander :
1. Que la représentation des treize dé-
partements en question soit complétée
dans le plus bref délai ;
20 Qu'aucune proposition constitu-
tionnelle ne puisse être présentée à
l'Assemblée avant l'admission des treize
nouveaux élus.
Et ce sera justice.
E. S.
: + ;
L'ÉLECTEUR ET L'ÉLU
Je reçois la lettre suivante :
Monsieur,
Vous nous contiez gaiement, il y a
deux jours, les formules de mépris-dont
le Code de la civilité puérile et honnête
forçait les gentilshommes, les Sotten-
ville, à se servir quand ils daignaient
adresser la parole à ces sortes de méca-
niques que l'on appelait des paysans.
Eh bien ! mais, ces traditions ne sont
pas tout à fait perdues.
Vous avez lu sans doute l'étonnante
lettre que M. Aubry (des Vosges) vient
d'adresser à. ses électeurs. Est-ce que
vous ne trouvez pas que cette lettre nous
reporte au grand siècle? Elle sent à plein
nez son bon vieux temps, ce temps béni
où i manants n'étaient bons qu'à varier
lesràÊmusements d'un don Juan ou à por-
ter les lettrés de Clitandre à Angélique.
Je-ne connais pas M. Aubry (des Vos-
ges), mais je parierais qu'il a du- sang
noble dans les veines.
Il n'y a qu'un gentilhomme pour écrire
cette phrase, où la race éclate : LA DIS-
TANCE QUI SÉPARE L'ÉLU DE L'ÉLECTEUR.
Quelle dignité! quelle grandeur!' quel
mépris pour ces mécaniques à voter!.
Et ne croyez pas que M. Aubry (des
Vosges) s'en tienne aux mots; les actes
sont à la hauteur des paroles.
C'était il y a six mois ; la fusion com-
mençait à montrer le bout de l'oreille,
et M. Aubry (des Vosges) était venu dans
sa bonne ville de Mirecourt, pour don-
ner à ses électeurs le spectacle d'un
homme aussi important qu'il pensait
être.
A peine les mécaniques à voter eùrent-
elles appris que le gentilhomme Aubry
(des Vosges) leur faisait l'honneur de des-
cendre à' Mirecourt qu'elles lui prépa-
rèrent une série d'ovationsrespectueuses,
dont la première devait être un charivari
monstre.
L$ maire de Mirecourt, qui était un
ami particulier du gentilhomme M. Aubry
(desVosgei), l'en prévint amicalement, et
le lendemain matin, la distance qui sé-
pare l'élu de Sélecteur avait considéra-
blement augmenté, si bien augmenté
qu'oncgues ne revit on M. Aubry (des
Vosges) à Mirecourt.
Je suis heureux, monsieur, en ce
temps où les hommes tout d'une pièce
sont si rares, où les grands caractères
se perdent, de vous montrer un des
soutiens de l'ordre moral conformant sa
conduite à ses paroles et ne craignant
pas de blesser ses électeurs, parce qu'il
est certain de ne pas être réélu par eux.
Je vous prie d'agréer, monsieur, etc.
Pour copie conforme :
,- FRANCISQUE SARCEY.
Mon vieux camarade Edmond Ville-
tard, qui a fait un bien grand voyage
depuis notre dernière rencontre, s'étonne
que l'honorable M. Barni, notre ancien
professeur, après avoir enlevé les suffra-
ges du département de la Somme et
conquis haut la main un siège à PAssem-
blée, ait échoué dans sa candidature au
conseil général. Pour un rien, le colla-
borateur et l'ami que je regrette amère-
ment dirait aux abonnés du Sotr, s'il en
reste, que l'opinion républicaine a lâché
pied en Picardie. Peut-il donc ignorer
que les prépondérances locales ont plus
de poids que les sentiments politiques
dans la balance des conseils généraux ?
Malgré la salutaire action du Code civil
et le morcellement progressif de la pro-
priété en France, nous connaissons en-
core plus d'un canton qui est la domaine
d'un homme ou d'une famill. Tel grand
propriétaire, tel manufacturier richis-
sime sera longtemps inexpugnable dans
son canton, comme le hobereau du
moyen âge dans sa petite forteresse. Le
même individu n'est rien dans le dépar-
tement, moins que rien ; il se noie dans
le grand courant du suffrage universel,
comme le gagnant des régates de la mare
d'Auteuil ferait naufrage dans l'Atlanti-
que avec sa fière périssoire.
L'agence Havas, infaillible comme le
pape, nous annonçait hier la victoire
de M. Paton de Pavenay, conservateur,
sur le républicain Barni. Tous les jour-
naux, saufleX/X* Siècle, ont publié le
nom du vainqueur tel qu'ils l'avaient
reçu, et comme Paton de Pavenay était
un nom parfaitement inconnu, personne
n'a douté qu'il ne fût une des gloires du
parti monarchique. Si les scribes de l'a-
gence Havas avaient eu la main. moins
légère, et s'ils avaient écrit correcte-
ment le nom de l'élu, le publie aurait
reconnu dans M. Faton de Favernay un
ansien administrateur de l'empire, c'est-
à-dire un adversaire au moins probable
de la restauration. Les bonapartistes,
qui proclament les principes de 89 et qui
s'attachent au drapeau tricolore, né
comptent pas, pour lo moment, dans
l'effectif du parti eonservateur.
ABoUT.
+ :
Nous avons reproduit, d'après la Liberté,
une lettre de M. A cloque, où ce député
déclarait qu'il fallait le compter' parmi les
adversaires de la monarchie. Cette lettre
est aujourd'hui déclarée apocryphe, et la
bonne foi de la Liberté a été surprise par
un faussaire.
Voici, d'autre part, ce qu'on lit aujour-
d'hui dans l'Aube:
Nous recevons de Paris une lettre signée Pa-
rigot, député de l'Aube, laquelle lettre contient
un engagement de voter pour la République.
Cette lettre n'est point de l'écriture de M.
Parigot. La signature n'est pas conforme à celle
de 1 honorable député. Nous considérons, en
conséquence, cette lettre comme Une aimable
plaisanterie et nous la tenons à la disposition
de M. Parigot.
S'agit-il de mauvais plaisants ou de
gens hostiles, peu délicats sur le choix des
moyens ? Le Français demande une en-
quête sur ce qu'jl appelle une « officine
de faussaires. » Pour le coap," nous som-
mes avec lui et nous eepérons bien que la
vérité se découvrira. Is fecit cui prodest,
dit le vieil aiiôme ; or, ce ne sont évi-
demment pas les républicains qui peuvent
profiter de ces honteuses manœuvres.
Les républicains ne sont pas assez bêtes
pour fabriquer des documents qui seraient
démentis dans les vingt-quatre heures. Et
les monaichistes sont assez spirituels
pour tendre des piéges aux républicains,
fallût-il commettre un petit faux sans
conséquences judiciaires.
*
;
L'AUDIENCE
Le témoin Régnier passe de plus en
plus à l'état de personnage mystérieux ;
on ne sait rien d'exact sur ses nouvelles
aventures. Est-il arrêté ? Bst-il seulement
en fuite ? Les opinions sont si variées
qu'elles s'enlèvent mutuellement toute va-
leur. D'aucuns même prétendent que M.'
Régnier n'est qu'un Barnum de première
catégorie, capable de se faire arrêter, voire
fusiller,rienque pour sefairede la réclame
à lui-même. Cette opinion est peut-être
excessive.
Aujourd'hui, nous entamons le chapi-
tre III de l'interrogatoire : « Communica-
tions échangées emre le maréchal Bazaine,
l'empereur, le maréchal Mac-Mahon et
divers. » *
La première déposition, celle de M.
Petitpas de Vasselon, inspecteur du service
télégraphique à Metz, est pour ainsi dire
la carte des correspondances télégraphi-
ques, permettant de suivre plus facilement
les dépositions qui vont venir. Franche-
ment elle était nécessaire, si nécessaire
qu'elle n'est même pas suffisante. c
Les autres témoins entendus peuvent se
diviser en trois catégories, dont la première
mériterait d'avoir pour étiquette
LES HÉROS SANS LE SAVOIR
Cette catégorie se compose des gardes-
forestiers qui, porteurs de dépêches du ma-
réchal de M,ac-Mahon,- ont pénétré dans
Metz avant la période du complet inves-
tissement. Ils sont quatre qui comparais-
sent avec leur tunique de drap vert, déco-
rés de la Légion d'honneur ou de la mé-
daille militaire, quelquefois même cumu-
lant. — De ces. cumulards -là personne ne
E o Jgera Jamais à médire. -
Hommes énergiques, ne connaissant
que le devoir, on leur a dit : « Allez por-
ter cette dépêche au maréchal Bazaine! »
et tranquillement ils sont partis, de leur
pied léger, pour traverser les lignes plus-
siennes, — la déaêche, leur sentence de
mort, — dissimulée dans le cuir d'un
soulier ou dans toute autre mince cachette.
Ils ont traversé des forêts, ils sont tombés
de patrouille bavaroise en patrouille prus-
sienne, ils sont arrivés, ont fait « leur
commisiion » et sont repartis pour retom-
ber de patrouille prussienne en patrouille
bavaroise.
Hommes timides, c'est à peine si VOÎI
peut saisir des bribes de leur réc, qu'ils
font simplement, militairement,ne rela-
tant les périls courts qu'incidemment,
pour excuser le retard subi.
Et lorsqu'ils arrivent, on les fait atten-
dre ; et lorsqu'ils veulent repartir, il faut
que ces splondides esclaves du devoir for-
cent la consigne pour obtenir le périlleux
honneur d'emporter une réponse.
L'uu d'eux, entre autres, Scalabrino, a
laicsô échapper dans son récit, naïvement,
saos y attacher d'importance, une phrase
qui nous a fait frémir. Il arrive, le soir,
exténué, au Ban.Saint-Martin et s'adresse
à un officier de l'état-major pour passer la
nuit : « Je le priai de me laisser coucher
dans l'écurie. Il me dit qu'il n'y avait pas
de place. » Il paraît cependant qu'à la
fin, un cheval a bien voulu partager sa
paille avec Scalabrina..
Le maréchal Baaaine n'a rié voir en
cette affaire i mais, dans ce gffid proès
,- -..
que la France a entamé, il ne faut pas
laisser passer inaperçu ce qu'il a nécessité
de dévouement dans les rangs les plus
humbles.
N'oublions pas de dire que ces diffé-
rents émissaires ne voyagent guère que
jusqu'au 22 août.
LES INTENDANTS
forment la seconde catégorie de témoins.
MM. Préval, Wolff, Uhrieh, narrent les
mesures qu'ils ont prises relativement aux
vivres et aux réapprovisionnements de
l'armée du Rhin. C'est long et peu inté-
ressant. La seule déposition touchant di-
rectement le fait du procès est celle de M,
Préval : le 17 au soir, au moment de son
départ, le maréchal Bazaine lui avait indi-
qué son intention de pointer par les
places du Nord, par Longuyon entre au-
tres. M. l'intendant croit avoir fait con-
naître cette intention au ministre de la
guerre ; il ne l'affirmerait pas - cependant,
car il se reposait sur le commandant Ma"
gnan, qui, parti avec lui, devait avoir des
ordres spéciaux.
La troisième catégorie se compose d'offi.
ciers d'état-major de l'armée de Mac-Ma-
hon qui ont coopéré à l'envoi des dépê-
ches, d'un sous-préfet qui a fourni des
émissaires et affirme que deux sont reve-
nus, enfin de plusieurs émissaires mêmes
qui n'ont pu parvenir à traverser les lignes
ennemies. Ces derniers témoignages se-
ront évidemment exploités par la défense
pour prouver qu'à partir du moment où
le commandant Magnan n'a pu rentrer à
Metz, les communications étaient impossi-
bles entre le maréchal et l'extérieur.
Nous détacherons de ce dernier groupe
une silhouette qui s'est dessinée d'une fa-
çon toute particulière aujourd'hui.
LE TÉMOIN THOMAS
Etait chef de gare à Montmédy et a été
chargé de faire passer des dépêches au
maréchal Bazaine. 4'
Figure décidée, air jeune et ne portant
pas les quarante années qu'il avoue,
le témoin, qui est décoré de la médaille
militaire, s'exprime avec facilité et sans
nulle timidité. Ce qu'il raconte nous sem-
ble assez clair, lorsque nous voyons tout
à coup M. le général Pourcet l'arrêter et
faire, à propos de la transmission des dé-
pêches, une distinction que M. Thomas n'a
nullement l'air d'établir. -.
Le cas est grave, nous nous en aperce-
vons vite : la déposition faite par le té-
moin devant le Conseil ne concorde pas
avec celle qu'il a faite devant M. le rap-
porteur. En présence du second, il a dé-
claré qu'il avait transmis au maréchal
.deux dépêches ; il a dit lés avoir transmi-
ses à des dates différentes ; il a dit que
l'une était chiffrée et l'autre non chiffrée ;
il a indiqué les provenances différentes de
l'une et de l'autre. Et le voilà qui, main-
tenant, ne trouve plus dans ses souvenirs
qu'une seule dépêche !
Qu'on l'interroge, qu'on lui mette sa -
déposition première sous les yeux, il ne
trouve qu'une réponse à faire :
— C'est une erreur, une erreur que j'ai
fâite, répète-t-il.
— Une erreur! riposte M. le président.
Mais spécifiée de la sorte, une erreur
prend le nom d'invention !
— Cela est inexplicable, murmure M. le
commissaire.
Et le témoin est renvoyé. Mais il sera
certainement rappelé !
Les tenants du maréchal semblaient
éprouver une grande joie de cet incident.
Nous savions déjà que la défense comp-
tait infirmer la déposition si importante
du colonel Lewal (dépêches recues par le
maréchal le 23 au lieu du 30). Nous croyons
deviner qu'elle se servira pour l'infirmaiion
du revirement qui s'est opéré si à point
dans l'esprit du trop léger chef de gare.
Eh bien ! franchement, nous préférerions
voir l'innocence, du maréchal Bazaine prou-
vée de toute autre façon.
PAUL WFARIJUB.
♦
ÉLECTIONS DÉPARTEMENTALES
Nous avons aujourd'hui des renseigne-
ments plus complets sur les élections qui
ont eu lieu dimanche.
Dans la Somme, sur les deux scrutins
qui ont eu lieu, un seul a donné des résul-
tats :
M. Faton de Favernay a été élu, dans le
canton d'Acheux, par 1,966 voix contre
1,256 données à M. Barni; mais M. Faton
de Favernay n'est pas royaliste.
Quant au canton d'Hornoy, où le FraM-
çais attribuait la majorité au candidat mo-
narchiste, il y aura dimanche un second
tour, et voici exactement ce qui s'est passé,
d'après le Journal d'Amiens, notre excel-
lent confrère-:
, M. Danzel, qui n'a pas fait de profession de
foi politique, mais auquel on attribue des pré-
férences monarchiques, a. obtenu 939 suffrages
contre 1,610, qui se sont répartis entre les deux
autres candidats, MM. Peltot et Digeon, parti-
sans de la République.
■ De Ja décision à intervenir entre ces deux
candidats, dépèn i le succès définitif : ils ont
ensemble 671 voix de majorité; en restant divi-
sés, il s'exposent à la défaite; unis, ils sont as-
surés de la victoire.
Deux autres élections ont eu lieu le mê-
me jour.
Dans le canton du Lion-d'Angers (Mai-
ne-et-Loire), M. de Tives, seul candidat,
a été nommé. Nous le croyons réaction- *
naire.
Dans le canton de Montguyon (Charen-
te-Inferieure), M. Tuiuaud. qui est conser-
vateur, mais non pas royaliste, a été élm
par 1,256 voix, sur 2,405 votants.
Ses concurrents, MM. Bertet et Maleure
ont obtenu : le premier, 669 suffrages, et
le second 473.
Pour en finir avec cette revue des der-
niers scrutins départementaux ou munici-
paux, nous empruntons à la République
française la dépêche suivante, en date de
Bayonne, le 27 octobre : -,
PRIX DU NUMÉRO : PIRIS 45 CENTIMES mi.- DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Jeudi 30 Octobre 4873.
,. ^lj|
1
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
-adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
le rue Drouot, 9
Les tmanuscrits non - fw seront pas
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mola. 13 Ir..
Six mois.h. 85
Un an 50
DÉPARTEMENT
Trois mois. nî ffy
Six mois 3?^
Un 8117.,\,., 62
Annonces, ehez MY. LAGRANGE, CERF et G*
6, place fie la Bonne, 6
On s'àbonne à Londres, ehez M. A. MAUBICE général
advertisiûg, agent, 13, Tavistoekrow, Goueot ©arden.
ADMINISTRATION
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur *
- t« m Dronot» I
lu lettres non affranchies seront refusées
r -
* ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 13 fr.
Six mois. 25
Un an » 50
DÉPARTEMSOTI
Trois mois., 16 fr.
Six mois.h.U 32
Un an .,.° 61 .,
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et 04
6, place de la Bonrwe, 0
On s'abonne à Londres, chez M. A. MAURICE général
advertising, agent, 13; Tavistockrow, CoventGarden.
MM. les Souscripteurs dont l'a-
bonnement expire le 31 octobre
sont priés de le renouveler immé-
diatement, s'ils ne veulent éprouver
de retard dans la réception du
journaL,
*
3t. ,
t Minuit et demi.
-.
A l'heure où nous mettoaa sotis presse,
un incendie , éclate à l'Opéra, dans le
foyer de la danse. On fait des efforts éner-
giques pour sauver les décors et les maga-
sins de costumes. Une fumée suffoquante
remplit les rues Drouot, Rossini et Lepel-
tier. Les pompiers accourent de tous les
postes de Paris, i :' 'w '1 fj
.,.. • 1 heure du matin.
La toiture de la scène est envahie ; im-
possible de maîtriser le. feu. Quand vous
lirez ces lignes, que nous jetons en hâte
sur le papier, au milieu d'une émotion
indicible, l'Opéra n'existera plus. v. !If
t', "J'" , .f
■ —— ♦ - —
"JOURNÉE POLITIQUE
, .,
Paris, 29 octobre 1875.
Nous lisons dans les dépêches de Cons-
tantinople que le sultan a conféré à M. le
duc Albert de Broglie le grand-cordon de
l'ordre de l'Oamanié - Il devrait bien con-
férer au moins le petit-cordon à M. le mi-
nistre de l'intérieur, qui continue de trai..
ter la presse - à la turque. Dans le Cher,
en vertu de l'état de siège, le journal
VUnion républicaine est supprimé. Il exci-
tait, dit-on, au mépris du gouvernement ;
pourquoi donc ne pas le traduira en cour
d'assises ? Dans la Seine-Inférieure, où,
par extraordinaire, ce bienheureux état de
siège n'existe pas, le préfet s'arma de la
loi sur le colportage, pour interdire la
vente sur la voie publique de la Tribune
de Rouen, qui n'eu était qu'à son troisième
numéro. Pourquoi? C'est parce que, dit
l'arrêté, « le rédacteur s'est'livré à des at-
taques diffamatoires contre une partie da
l'Assemblée nationale. »
La droite, apparemment, est la partie de
l'Assemblée que le rédacteur de la Tribune
diffamait; mais nous serions curieux de
savoir ce que l'on va faire aux journaux
royalistes qui diffament la gauche avec
infiniment plus d'ardeur ? Bst-ce à dire
qu'il y ait des parties de l'Assemblée que
le gouvernement juge moins respectables
que les autres et qu'il ne veut point pro-
téger contre les attaques de la presse ? Ou
- la gauche ne compte-t-elle point comme
partie de l'Assemblée, au môme titre que
la droite? Toujours est-il que la gauche
a pour ordinaire destin d'être * diffamée »
et que le gouvernement ne s'en émeut
pas. ,"
Ce phénomène, anormal aux yeux du
vulgaire, n'est peut-être, après tout, que
« logique, » comme disait hier le Salut
public de Lyon ; et peut-être aussi le Gabi-
net ne cherche-t-il, à Rouen comme
ailleurs, qu'à Il mettre tous les atouts dans
son jeu, » suivant une autre expression du
même Salut public, qui ne paraîtra pas
moins heureuse. Il convient de noter, en
effet, qu'on est à la veille d'une élection
de député dans la Seine-Inférieure. La
:Tribune,. nous écrit-on, kien qu'elle ne
parât que depuis trois jours, avait déjà
èoiiquis à Rouen une juste influence. s
deux premiers numéros, que nous avons
lus se recommandaient,.du .moins à notre
jugement, par beaucoup de sobriété, de me-
sure dans la polémique, bien que l'on sentit,,
sous cette forme modérée, des convictions
vigoureuses. En nous en rapportant à nos
faibles lumières, nous m'eussions jamais
cru que M. le préfet Lizot y trouvât matiè-
re à son arrêté. La voilà frappée cependant,
comme l'a été de même, il y a peu de
jours, un autre journal républicain du dé-
partement, YEeho du Havre, où la publie
trouvait précisément de pareilles qualités.
Il est vraiment fâcheux qua! ces vexa-
tions et ces intimidations tombent ainsi en
pleine période électorale. L'agence Havas
a publié, hier, une note officieuse qui ten-
, dait à justifier le ministère des dernières
mesures prises contre plusieurs journaux,
«t eu particulier contre le Petit Provençal
et VAvenir de M. Portails. c L'approbation
ou la désapprobation des doctrines politi-
ques qui peuvent diviser l'opinion en Fran-
ce est donc étrangère, y lisons nous, aux
mesures que vient de prendre le gouver-
itement. Il s'agit seulement du maintien
des droits de l'Assemblée, de l'ordre social
et de la décence publique. » L'i ffet sera
manqué. Sans doute cela est bien dit, et le
cabinet, veageur delà décence publique ou-
tfagèiî- jolîe un très-beau rôle. Mais il pa-
raîtra Waigré tout, que la politique est bien
un peu mêlée à l'arrêté dà M. Lizot contre la
Tribune. Si la décelle publique est offensée
pr J' IIve"!ir criant : a A 1 bas Ctlmtord r.,
nous èt'tlftons qu'elle n'a jamais souffert,
non plus quà l'ordre social, des attaques de
la Tribune contre f uile. partie de l'As-
semblée. » Il se pourrait bÍèl2, llU contraire,
qu'elle souffrit passablement.des hommes
grossières que tant d'autres journaux ré-
pandent sur les députés républicains.
- Eue. LiÉBBftf.
- LA TÊTE DE E COMBIER j
- *
Vous ne connaissez pas M. Combier ?
Non ! Cherchez bien. Rappelez-vous
certaine lettre adressée à un révérend
Père jésuite ! Y êtes-vous ? Un morceau
très-curieux, où l'on indiquait le moyen,
l'infaillible moyen d'asseoir M. le comte
de Chambord sur le trône de France.
Prenez tous les dévots du pays et les dé-
votes aussi ; divisez-les en escouades,
faites en sorte que les uns passent la
journée en oraison et que les autres pas-
sent la nuit en prières ; surtout pas une
minute d'interruption ! L'affaire serait
manquée. C'est en ces termes, ou peu
s'en faut, que l'honorable M. Combler,
député de l'Ardèche, résolvait le problème
assez ardu de la restauration. Il passe
néanmoins pour un homme sérieux dans
son parti ; les meneurs ne l'ont pas fait
enfermer, au contraire ; ils l'envoyaient
naguère à Frohsdorf, avec la fleur de
leurs pois* la dessus du fameux panier !
Peut-être croyez-vous qu'après la pu-
blieation d'une lettre qui n'était pas seu-
lement ridicule, mais encore compro-
mettante, sos amis lui ont dit : Dieu vous
garde d'éerire !
Nullemen Il écrit encore, et le voilà
qui livre à ITEcho de son département la
plus étrange des confidences : « Les me-
naces, dit-il, ne sauraient pas plus nous
intimider que les calomnies nous émou-
voir. Que peuvent craindre encore ceux
qui dans la partie engagée ont mis leur
tête pour enjeu ? »
C'est donc une partie que vous jouez,
homme de bien ? ffabemus confitentem
sanctum. Et contre qui jouez-vous? Oh!
mon Dieu ! contre la France, tout sim-
plement. Une partie 1 Savez-vous que le
mot n'est pas heureux ? Vous ne l'avez
pas trouvé, j'en réponds, dans le voca-
ulaire des martyra. Parmi les mille et
mille hommes de cœur, de conscience et
dé, devoir qui depuis les premiers jours
de l'histoire se sont fait bravement tuer
pour les justes causes, on n'en eite pas
un, pas un seul qui ait envisagé son sa-
crifice tous cet aspect badin. Vous par-
lez, ô saint homme 1 le langage des am-
bitieux, des hommes d'aventure, da ces
fous dangereux qui sautent le Rubicon
pour jouer à pile ou face le pouvoir ou
la mort. i
Je joue ma léte est un vieux mot, aussi
vieux que le Jeu, presque aussi vieux
que le monde, mais terriblement déplacé
dans la bouche d'un sage. Le bon pas-
teur donne sa vie pour ses brebis, il ne
la joue pas contre les loups. Socrate a
bien prévu qu'en prêchant la sagesse à
des fous, il s'exposait à boire la ciguë ; il
n'a jamais dit à Platon, ni à Xénophon,
ni aux autres : J'engage une petite par-
tie de spiritualisme où je perdrai la vie
si le guignon s'en mêle. Qu'Alcibiade ait
tenu un tel propos chez Aspasie, on le
comprend à la rigueur. Monsieur Com-
bier I seriez-vous un petit-neveu, je veux
dire un grand-oncle d'Alcibiade ?
N'ayez pas peur; nous ne vous pren-
drons point au mot, niàplus forte raison
aux cheveux. Votre tête n'est pas un
enjeu qui nous tente. S'il faut absolu-
ment qu'un homme en ait la charge,
nous aimons mieux que ce soit vous.
Que ferlons-nous, Vliniieur, du. nez d'un mar-
.:'" , 1 guillier 1)
Vous avez un crâne, il est vrai, et l'on
sait que les Thiers, les Rémusat, les
Grrévy et les autres caciques de la tribu
républicaine aiment à boire un vin gé-
néreux dans le crâne de leurs ennemis.
Mais ils ne boivent que dans des vases
de choix et ils les aiment mieux sans fê-
lure.
Non, vous ne jouez pas votre tête,
homme trop courageux, ou, si vous la
jouez, ce n'est pas contre nous. La Ré-
publique vous gardera de tout fâcheux
accident, si elle dure. Mais, par exemple,
si vous fondez la monarchie, c'est diffé-
rent ; je ne réponds ni de votre tôte, ni
de la mienne : ear ma vie, et la vôtre, et
-
celle de votre roi lui-même ne seront
plus que les jouets du hasard.
ABOUT.
i ,. r"" -
L
Les monarchistes n'ont plus qu'une
crainte, c'est que certains membres de la
droite ne se trouvent point satisfaits de
l'esprit véritablement libérel et presque
révolutionnaire qui perce à chaque ligne
du projet de restauration élaboré dans
les conciliabules royalistes. Le Fran-
çais, par exemple, prend son air le
plus candide pour nous dire que M. dû
Temple ne votera qu'avec un chagrin
profond la a monarchie moderne et
constitutionnelle » sur laquelle les dépu-
tés seront appelés à se prononcer. M.
d-u Temple eùt été d'avis de no point
donner à la France d'autre constitution
que lq Syllabus, où sont ioscrites toutes
les garanties que peut et doit désirer un
cœur vraiment chrétien. Toutefois il vo-
lera, p-ir pur dévouement à son pays, et
pour montrer à ses collègues que si la
tolérance état exilée de ce monde, elle
trouverait un refuge dans l'âme des lé-
gitimistes, *•
Entendez-vous, messieurs du centré
gauche, qui avez le mauvais goût dé
prétendre que la monarchie de 1873 se-
rait la revanche de 1789!
ç c'est. au centre gauche, on l'a
déjà compris, que s'adresse cette ai-
mable plaisanterie dont ce pauvre M, du
Temple fait tous les frais. La consigne
est de répéter sur tous les tons et à sa-
tiété ce que le Journal de Paris déclarait
si formellement hier, à savoir que l'As-
semblée ne peut et ne veut faire qu'une
monarchie entourée de garanties consti-
tutionnelles, une monarchie libérale,
une monarchie « moderne, c et, pour tout
.dire enfin, un beau petit de 1830.
Attendons-nous à voir ces mots-là re-
venir souvent sous la plume des écri-
vains fusionnistes de gauche, orléanistes
de la veille.qui redeviendront les orléa-
nistes du lendemain. Leur tactique
crèva les yeux. Ils se soucient bien de
savoir si oui ou non MM. Chesmelong
et Lucien Brun ont été autorisés à pren-
dre des engagements pour M. de Cham-
bord. Ils s'embarrassent bien d'exami-
ner si vraiment le programme monarchi-
que a été rapporte de Salzbourg, ou s'il
est dû à l'esprit inventif, à la plume
souple et savante à la fois de tel ou tel
honorable reporter! L'important, c'est
de persuader au comte ae Chambord
que l'on prend au sérieux tout ce qui
s'est dit, tout ce qui s'est publié en son
nom; l'essentiel, c'est de placer le comte
de Chambord dans cette alternative, ou
d'accepter le programme en question, tt
l'on espère bien qu'il n'y consentira ja-
mais, ou de le repousser, et dans ce cas,
e'est lui qui l'aura voulu, lui seul qui se
sera rendu impossible. Les orléauistes
pourront dire qu'ils ont tout fait pour
lui rendre un trône; ils ont permis à
leur prince, le comte de Paris, d'aller
s'humilier devant son cousin et abdi-
quer ses prétentions; quand l'unité dans
la maison royale a été rétablie, les or-
léanistes n'ont rien négligé pour ame-
ner l'unité dans les groupes royalistes ;
tout ce qu'on leur a proposé, ils l'ont
accepté ; est-ce leur faute à eux si tous
leurs efforts sont venus se briser contre
un non possumus du comte de Cham-
bord?
Que eiy par impossible, M. le comte
de Chambord ratifie le programme
que M. Chesnelong a rédigé à son in-
tention, eh bien ! les orléanistes joue-
raient le jeu jusqu'au bout. Ils seraient
les premiers à célébrer le libéralisme du
prince; ils prouveraient par des arguments
sans réplique qu'Henri V est un fils lé-
gitima de la Révolution ; ils iraient
peut-être jusqu'à le comparer à Louis-
Philippe, saufà ce que compliments et
comparaisons ne fussent pas du goût de
tout le monde. Le jour de la bataille, ils
se jetteraient dans la mêlée avec un en-
train, une vigueur admirables ! Mais que
voulez-vous? On n'est jamais sûr de
vaincre, et ils se consoleraient d'autant
plus aisément de la défaite qu'ils la
souhaitent plus ardemment au fond du
cœur. Ils veulent en finir avec cet
obstacle vivant, ils veulent ôter une
bonne fois au comte de Chambord le
droit de dire : la monarchie, c'est moi !
Après, l'on verra. Faute d'un moine
l'abbaye ne chôme pas, et si les républi-
cains étaient assez sots peur se conten-
ter d'une victoire platonique, il pourrait
leur en cuire.
E. SCHNERB.
- .'-
On sait que cent trente manufacturiers
de Paris, à qui sont venus s'adjoindre plus
de quatorze cents commerçants, ont adres-
sé une lettre à M. Feray, manufacturie.,
député de Seine-et-Oise pour le féliciter
de son adhésioa à la République.
L'Univers écrit à ce propos les quatre
lignes suivantes, qui, à elles seules, valent
un long poème : -
Un de nos amis, qui connaît « le haut com-
merce parisien, » nous écrit à l'instant que sur
cette liste de 130 manufacturiers, il relève à
première vue 45 noms juifs.
Nous serions très-reconnaissants à l'Uni-
vers de se montrer un peu plus explicite.
S'étonne-t-il de voir de simples « juifs »
faire partie du haut commerce parisien?
Ou trouve-t-il seulement bien naturel que
des « juifs » ne se soucient point d'être ra-
menés à la monarchie « traditionnelle »
dont, mieux que personne, ils ont gardé le
souvenir? Que l'Univers s'explique enfin,
mais sans perdre de vue que le sujet est
EcabreuX,VIil qu'il existe plusieurs e juifs » du
nom de Rothschild qui s'intéressent fort à
la Restauration et ont le droit d'exiger des
monarchistes qu'ils ne lui marchandent
pas plus leur respect qu'ils ne leur mar-
chandent les écus.
E. S.
D'ailleurs, s'il est vrai que les juifs
soient les plus obstinés ennemis de la
restauration légitimiste, nous regrettons
sincèrement que le hasard de la nais-
sance no nous ait pas faits juifs.
ABOUT.
r :
L'Union s'insurge contre ce qu'elle
appelle la prétention des républicains de
voir un symptôme de l'opinion publique
dans les différentes élections partielles
qui ont lieu. A son avi?, cela ne
prouve rien, absolument rien, si ce
n'est pourtant que la France ne'sait pas
ce qu'elle veut. Puis, quelques lignes
plus bas, dans le même article, VUnion
déjà nommée constate que l'opinion com-
mence à tourner, que le pays revient à
des sentiments monarchiques, et elle en
donne plusieurs preuves. v
Nous ne voulons point nous arrêter
aux contradictions de la feuille légitimiste
pour lui prouver même quelle impor-
tance nous attachons à son jugement,
nous admettrons sans discussion que la
France est lasse de la République, et
qu'elle a pour Henri V les yeux de Chi-
mène pour Rodrigue. En retour, il faut
espérer que l'Union va se joindre au
XIX. Siècle et à tous les journaux répu:
blicains pour demander au gouverne-
ment de convoquer sans délai les treize
départements qui ont un député à élire.
Il est clair que, de notre part, c'est
pur dévotiment" noble abnégation, puis-
que nous reconnaissons que le pays n'est
plus républicain. Il enverra très-cer-
tainement treize monarchistes à l'As-
semblée, et' ce chiffre n'est point à dé-
daigner quand on pense que Martin,
faute, d'un point, perdit son âne.
Mais nous voulons la justice avant
tout ; et si, par aventure, la restauration
monarchique échouait faute d'un demi-
quarteron de voix, ce serait fini du repos
de nos consciences. Faisons donc tous
chorus pour demander :
1. Que la représentation des treize dé-
partements en question soit complétée
dans le plus bref délai ;
20 Qu'aucune proposition constitu-
tionnelle ne puisse être présentée à
l'Assemblée avant l'admission des treize
nouveaux élus.
Et ce sera justice.
E. S.
: + ;
L'ÉLECTEUR ET L'ÉLU
Je reçois la lettre suivante :
Monsieur,
Vous nous contiez gaiement, il y a
deux jours, les formules de mépris-dont
le Code de la civilité puérile et honnête
forçait les gentilshommes, les Sotten-
ville, à se servir quand ils daignaient
adresser la parole à ces sortes de méca-
niques que l'on appelait des paysans.
Eh bien ! mais, ces traditions ne sont
pas tout à fait perdues.
Vous avez lu sans doute l'étonnante
lettre que M. Aubry (des Vosges) vient
d'adresser à. ses électeurs. Est-ce que
vous ne trouvez pas que cette lettre nous
reporte au grand siècle? Elle sent à plein
nez son bon vieux temps, ce temps béni
où i manants n'étaient bons qu'à varier
lesràÊmusements d'un don Juan ou à por-
ter les lettrés de Clitandre à Angélique.
Je-ne connais pas M. Aubry (des Vos-
ges), mais je parierais qu'il a du- sang
noble dans les veines.
Il n'y a qu'un gentilhomme pour écrire
cette phrase, où la race éclate : LA DIS-
TANCE QUI SÉPARE L'ÉLU DE L'ÉLECTEUR.
Quelle dignité! quelle grandeur!' quel
mépris pour ces mécaniques à voter!.
Et ne croyez pas que M. Aubry (des
Vosges) s'en tienne aux mots; les actes
sont à la hauteur des paroles.
C'était il y a six mois ; la fusion com-
mençait à montrer le bout de l'oreille,
et M. Aubry (des Vosges) était venu dans
sa bonne ville de Mirecourt, pour don-
ner à ses électeurs le spectacle d'un
homme aussi important qu'il pensait
être.
A peine les mécaniques à voter eùrent-
elles appris que le gentilhomme Aubry
(des Vosges) leur faisait l'honneur de des-
cendre à' Mirecourt qu'elles lui prépa-
rèrent une série d'ovationsrespectueuses,
dont la première devait être un charivari
monstre.
L$ maire de Mirecourt, qui était un
ami particulier du gentilhomme M. Aubry
(desVosgei), l'en prévint amicalement, et
le lendemain matin, la distance qui sé-
pare l'élu de Sélecteur avait considéra-
blement augmenté, si bien augmenté
qu'oncgues ne revit on M. Aubry (des
Vosges) à Mirecourt.
Je suis heureux, monsieur, en ce
temps où les hommes tout d'une pièce
sont si rares, où les grands caractères
se perdent, de vous montrer un des
soutiens de l'ordre moral conformant sa
conduite à ses paroles et ne craignant
pas de blesser ses électeurs, parce qu'il
est certain de ne pas être réélu par eux.
Je vous prie d'agréer, monsieur, etc.
Pour copie conforme :
,- FRANCISQUE SARCEY.
Mon vieux camarade Edmond Ville-
tard, qui a fait un bien grand voyage
depuis notre dernière rencontre, s'étonne
que l'honorable M. Barni, notre ancien
professeur, après avoir enlevé les suffra-
ges du département de la Somme et
conquis haut la main un siège à PAssem-
blée, ait échoué dans sa candidature au
conseil général. Pour un rien, le colla-
borateur et l'ami que je regrette amère-
ment dirait aux abonnés du Sotr, s'il en
reste, que l'opinion républicaine a lâché
pied en Picardie. Peut-il donc ignorer
que les prépondérances locales ont plus
de poids que les sentiments politiques
dans la balance des conseils généraux ?
Malgré la salutaire action du Code civil
et le morcellement progressif de la pro-
priété en France, nous connaissons en-
core plus d'un canton qui est la domaine
d'un homme ou d'une famill. Tel grand
propriétaire, tel manufacturier richis-
sime sera longtemps inexpugnable dans
son canton, comme le hobereau du
moyen âge dans sa petite forteresse. Le
même individu n'est rien dans le dépar-
tement, moins que rien ; il se noie dans
le grand courant du suffrage universel,
comme le gagnant des régates de la mare
d'Auteuil ferait naufrage dans l'Atlanti-
que avec sa fière périssoire.
L'agence Havas, infaillible comme le
pape, nous annonçait hier la victoire
de M. Paton de Pavenay, conservateur,
sur le républicain Barni. Tous les jour-
naux, saufleX/X* Siècle, ont publié le
nom du vainqueur tel qu'ils l'avaient
reçu, et comme Paton de Pavenay était
un nom parfaitement inconnu, personne
n'a douté qu'il ne fût une des gloires du
parti monarchique. Si les scribes de l'a-
gence Havas avaient eu la main. moins
légère, et s'ils avaient écrit correcte-
ment le nom de l'élu, le publie aurait
reconnu dans M. Faton de Favernay un
ansien administrateur de l'empire, c'est-
à-dire un adversaire au moins probable
de la restauration. Les bonapartistes,
qui proclament les principes de 89 et qui
s'attachent au drapeau tricolore, né
comptent pas, pour lo moment, dans
l'effectif du parti eonservateur.
ABoUT.
+ :
Nous avons reproduit, d'après la Liberté,
une lettre de M. A cloque, où ce député
déclarait qu'il fallait le compter' parmi les
adversaires de la monarchie. Cette lettre
est aujourd'hui déclarée apocryphe, et la
bonne foi de la Liberté a été surprise par
un faussaire.
Voici, d'autre part, ce qu'on lit aujour-
d'hui dans l'Aube:
Nous recevons de Paris une lettre signée Pa-
rigot, député de l'Aube, laquelle lettre contient
un engagement de voter pour la République.
Cette lettre n'est point de l'écriture de M.
Parigot. La signature n'est pas conforme à celle
de 1 honorable député. Nous considérons, en
conséquence, cette lettre comme Une aimable
plaisanterie et nous la tenons à la disposition
de M. Parigot.
S'agit-il de mauvais plaisants ou de
gens hostiles, peu délicats sur le choix des
moyens ? Le Français demande une en-
quête sur ce qu'jl appelle une « officine
de faussaires. » Pour le coap," nous som-
mes avec lui et nous eepérons bien que la
vérité se découvrira. Is fecit cui prodest,
dit le vieil aiiôme ; or, ce ne sont évi-
demment pas les républicains qui peuvent
profiter de ces honteuses manœuvres.
Les républicains ne sont pas assez bêtes
pour fabriquer des documents qui seraient
démentis dans les vingt-quatre heures. Et
les monaichistes sont assez spirituels
pour tendre des piéges aux républicains,
fallût-il commettre un petit faux sans
conséquences judiciaires.
*
;
L'AUDIENCE
Le témoin Régnier passe de plus en
plus à l'état de personnage mystérieux ;
on ne sait rien d'exact sur ses nouvelles
aventures. Est-il arrêté ? Bst-il seulement
en fuite ? Les opinions sont si variées
qu'elles s'enlèvent mutuellement toute va-
leur. D'aucuns même prétendent que M.'
Régnier n'est qu'un Barnum de première
catégorie, capable de se faire arrêter, voire
fusiller,rienque pour sefairede la réclame
à lui-même. Cette opinion est peut-être
excessive.
Aujourd'hui, nous entamons le chapi-
tre III de l'interrogatoire : « Communica-
tions échangées emre le maréchal Bazaine,
l'empereur, le maréchal Mac-Mahon et
divers. » *
La première déposition, celle de M.
Petitpas de Vasselon, inspecteur du service
télégraphique à Metz, est pour ainsi dire
la carte des correspondances télégraphi-
ques, permettant de suivre plus facilement
les dépositions qui vont venir. Franche-
ment elle était nécessaire, si nécessaire
qu'elle n'est même pas suffisante. c
Les autres témoins entendus peuvent se
diviser en trois catégories, dont la première
mériterait d'avoir pour étiquette
LES HÉROS SANS LE SAVOIR
Cette catégorie se compose des gardes-
forestiers qui, porteurs de dépêches du ma-
réchal de M,ac-Mahon,- ont pénétré dans
Metz avant la période du complet inves-
tissement. Ils sont quatre qui comparais-
sent avec leur tunique de drap vert, déco-
rés de la Légion d'honneur ou de la mé-
daille militaire, quelquefois même cumu-
lant. — De ces. cumulards -là personne ne
E o Jgera Jamais à médire. -
Hommes énergiques, ne connaissant
que le devoir, on leur a dit : « Allez por-
ter cette dépêche au maréchal Bazaine! »
et tranquillement ils sont partis, de leur
pied léger, pour traverser les lignes plus-
siennes, — la déaêche, leur sentence de
mort, — dissimulée dans le cuir d'un
soulier ou dans toute autre mince cachette.
Ils ont traversé des forêts, ils sont tombés
de patrouille bavaroise en patrouille prus-
sienne, ils sont arrivés, ont fait « leur
commisiion » et sont repartis pour retom-
ber de patrouille prussienne en patrouille
bavaroise.
Hommes timides, c'est à peine si VOÎI
peut saisir des bribes de leur réc, qu'ils
font simplement, militairement,ne rela-
tant les périls courts qu'incidemment,
pour excuser le retard subi.
Et lorsqu'ils arrivent, on les fait atten-
dre ; et lorsqu'ils veulent repartir, il faut
que ces splondides esclaves du devoir for-
cent la consigne pour obtenir le périlleux
honneur d'emporter une réponse.
L'uu d'eux, entre autres, Scalabrino, a
laicsô échapper dans son récit, naïvement,
saos y attacher d'importance, une phrase
qui nous a fait frémir. Il arrive, le soir,
exténué, au Ban.Saint-Martin et s'adresse
à un officier de l'état-major pour passer la
nuit : « Je le priai de me laisser coucher
dans l'écurie. Il me dit qu'il n'y avait pas
de place. » Il paraît cependant qu'à la
fin, un cheval a bien voulu partager sa
paille avec Scalabrina..
Le maréchal Baaaine n'a rié voir en
cette affaire i mais, dans ce gffid proès
,- -..
que la France a entamé, il ne faut pas
laisser passer inaperçu ce qu'il a nécessité
de dévouement dans les rangs les plus
humbles.
N'oublions pas de dire que ces diffé-
rents émissaires ne voyagent guère que
jusqu'au 22 août.
LES INTENDANTS
forment la seconde catégorie de témoins.
MM. Préval, Wolff, Uhrieh, narrent les
mesures qu'ils ont prises relativement aux
vivres et aux réapprovisionnements de
l'armée du Rhin. C'est long et peu inté-
ressant. La seule déposition touchant di-
rectement le fait du procès est celle de M,
Préval : le 17 au soir, au moment de son
départ, le maréchal Bazaine lui avait indi-
qué son intention de pointer par les
places du Nord, par Longuyon entre au-
tres. M. l'intendant croit avoir fait con-
naître cette intention au ministre de la
guerre ; il ne l'affirmerait pas - cependant,
car il se reposait sur le commandant Ma"
gnan, qui, parti avec lui, devait avoir des
ordres spéciaux.
La troisième catégorie se compose d'offi.
ciers d'état-major de l'armée de Mac-Ma-
hon qui ont coopéré à l'envoi des dépê-
ches, d'un sous-préfet qui a fourni des
émissaires et affirme que deux sont reve-
nus, enfin de plusieurs émissaires mêmes
qui n'ont pu parvenir à traverser les lignes
ennemies. Ces derniers témoignages se-
ront évidemment exploités par la défense
pour prouver qu'à partir du moment où
le commandant Magnan n'a pu rentrer à
Metz, les communications étaient impossi-
bles entre le maréchal et l'extérieur.
Nous détacherons de ce dernier groupe
une silhouette qui s'est dessinée d'une fa-
çon toute particulière aujourd'hui.
LE TÉMOIN THOMAS
Etait chef de gare à Montmédy et a été
chargé de faire passer des dépêches au
maréchal Bazaine. 4'
Figure décidée, air jeune et ne portant
pas les quarante années qu'il avoue,
le témoin, qui est décoré de la médaille
militaire, s'exprime avec facilité et sans
nulle timidité. Ce qu'il raconte nous sem-
ble assez clair, lorsque nous voyons tout
à coup M. le général Pourcet l'arrêter et
faire, à propos de la transmission des dé-
pêches, une distinction que M. Thomas n'a
nullement l'air d'établir. -.
Le cas est grave, nous nous en aperce-
vons vite : la déposition faite par le té-
moin devant le Conseil ne concorde pas
avec celle qu'il a faite devant M. le rap-
porteur. En présence du second, il a dé-
claré qu'il avait transmis au maréchal
.deux dépêches ; il a dit lés avoir transmi-
ses à des dates différentes ; il a dit que
l'une était chiffrée et l'autre non chiffrée ;
il a indiqué les provenances différentes de
l'une et de l'autre. Et le voilà qui, main-
tenant, ne trouve plus dans ses souvenirs
qu'une seule dépêche !
Qu'on l'interroge, qu'on lui mette sa -
déposition première sous les yeux, il ne
trouve qu'une réponse à faire :
— C'est une erreur, une erreur que j'ai
fâite, répète-t-il.
— Une erreur! riposte M. le président.
Mais spécifiée de la sorte, une erreur
prend le nom d'invention !
— Cela est inexplicable, murmure M. le
commissaire.
Et le témoin est renvoyé. Mais il sera
certainement rappelé !
Les tenants du maréchal semblaient
éprouver une grande joie de cet incident.
Nous savions déjà que la défense comp-
tait infirmer la déposition si importante
du colonel Lewal (dépêches recues par le
maréchal le 23 au lieu du 30). Nous croyons
deviner qu'elle se servira pour l'infirmaiion
du revirement qui s'est opéré si à point
dans l'esprit du trop léger chef de gare.
Eh bien ! franchement, nous préférerions
voir l'innocence, du maréchal Bazaine prou-
vée de toute autre façon.
PAUL WFARIJUB.
♦
ÉLECTIONS DÉPARTEMENTALES
Nous avons aujourd'hui des renseigne-
ments plus complets sur les élections qui
ont eu lieu dimanche.
Dans la Somme, sur les deux scrutins
qui ont eu lieu, un seul a donné des résul-
tats :
M. Faton de Favernay a été élu, dans le
canton d'Acheux, par 1,966 voix contre
1,256 données à M. Barni; mais M. Faton
de Favernay n'est pas royaliste.
Quant au canton d'Hornoy, où le FraM-
çais attribuait la majorité au candidat mo-
narchiste, il y aura dimanche un second
tour, et voici exactement ce qui s'est passé,
d'après le Journal d'Amiens, notre excel-
lent confrère-:
, M. Danzel, qui n'a pas fait de profession de
foi politique, mais auquel on attribue des pré-
férences monarchiques, a. obtenu 939 suffrages
contre 1,610, qui se sont répartis entre les deux
autres candidats, MM. Peltot et Digeon, parti-
sans de la République.
■ De Ja décision à intervenir entre ces deux
candidats, dépèn i le succès définitif : ils ont
ensemble 671 voix de majorité; en restant divi-
sés, il s'exposent à la défaite; unis, ils sont as-
surés de la victoire.
Deux autres élections ont eu lieu le mê-
me jour.
Dans le canton du Lion-d'Angers (Mai-
ne-et-Loire), M. de Tives, seul candidat,
a été nommé. Nous le croyons réaction- *
naire.
Dans le canton de Montguyon (Charen-
te-Inferieure), M. Tuiuaud. qui est conser-
vateur, mais non pas royaliste, a été élm
par 1,256 voix, sur 2,405 votants.
Ses concurrents, MM. Bertet et Maleure
ont obtenu : le premier, 669 suffrages, et
le second 473.
Pour en finir avec cette revue des der-
niers scrutins départementaux ou munici-
paux, nous empruntons à la République
française la dépêche suivante, en date de
Bayonne, le 27 octobre : -,
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