Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-09-21
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 21 septembre 1873 21 septembre 1873
Description : 1873/09/21 (A3,N675). 1873/09/21 (A3,N675).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7558033v
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/03/2013
3e Ãrine. - N" 6 7 5.
PRIX DU NUMÉRO : PARIS 15 CENTIMES — DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Dimanche 21 Septembre 4873.
LE E SIÎCLS
RÉDACTION
et,dresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit -.
2 9, rue Drouot. M
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
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PARIS
Trois mois. 13 fr
Six mois 25
Un an. 50
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Trois mois. 16 fr,
Six mois. 32
Un an 62
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8. rue Drouo1. 8
r
r les lettres non affranchies seront refusé*
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DÉPARTBMSOTS
Trois mois. 16 fr.
Six mois 32
Un an.hU..h 69 «
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
f
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et C.
0, place de la Bourse, 0
On s'abonne à Londres, chez M. A. MAURIGE général
ad vertising, agent, 13, Tavistockrow, Covent Garden.
Annoncee, chez MM. LAGRANGE, CERF et ce
6, place de la BOBÎSC, 9
On s'abonne à Londres, chez M. A. MAGKIGK général
advertiaing, agent, 13, Tavistockrow, Covent Gfirdon.
JOURNÉE POLITIQUE
Paris, eO septembre 187S-
Nous trouvons dans les dépêches de l'a-
gence Havas quelques renseignements,
d'ailleurs d'assez peu d'intérêt, sur la
première journée du roi Victor-Emmanuel
à Vienne : visite aux archiducs, prome-
nade à l'exposition, dîner à Schoenbruiin,
etc. Dans la matinée, le roi avait eu une
courte conférence avec ses miDistreF, MM.
Mmghetii et Visconti-Venosta.
Quant aux informations politiques plus
ou moins vraisemblables et discutables
que répandent déjà divers journaux, comme
ceux qui les donnent ne nous paraissent
- pas dans le secret des cour$, nous y atta-
chons très-peu d'xmpoi tance. Les ministres
italiens, dit une agence de nouvelles pa-
tronnée naguère par M. de Broglie, qui l'a
désavouée depuis, les ministres italiens
o compteraient surtout s'occuper à Vienne
de la question du futur conclave. Il s'agi-
rait d'obbger le conclave, par l'interven-
tion de l'Allemagne, de l'Autriche et de
l'Italie, à ne se réunir qu'à Rome, et de
s'opposer à l'élection d'un pape en tout
autre lieu et spécialement sur le territoire
francais. Nous donnons le renseignement
pour ce qu'il vaut; c'est un échantillon des
nouvelles que Ion fait courir.
Ce qui paraît probable, c'est que, si la
question religieuse doit être agitée, ce sera
plutôt à Berlin qu'à Vienne. On ne peut
comprendre en effet quel intérêt aurait
l'Autriche à se mêler ainsi des affaires
PQntificales; son gouvernement n'en re-
cueillerait d'autre fruit que de s'attirer
l'ardente opposition du parti catholique,
qui est, comme on sait, en Autriche, puis-
sant par le nombre et par l'influence. Or,
le ministère Andrassy n'a vraiment nul
besoin de se susciter à lui-même des dif-
ficultés et des embarras ; sa tâehç n'est
point si commode.
Déjà les journaux ultramontains lui
crient anathème. On citait beaucoup, hier
soir, cette phrase du Vaterland, feuille ba-
varoise qui reçoit, à Munich, les commu-
nications de la nonciature : « La visite de
Victor-Emmanuel prouve que l'arrêtcontre
François-Joseph et l'Autriche est prononcé et
qu'il ne s'agit plus que de choisir l'époque
de l'exécution. » En arrivant à Vienne, ce
numéro du Vaterland, qui avait paru en-
cadré de noir, a été saisi immédiatement
par la police. Il n'en est pas moins vrai
que, si le gouvernement autrichien se met-
tait à dos l'ultramontanisme, ce serait pour
sa tranquillité intérieure une mauvaise af-
faire, et qu'il le sait bien.
De ce côté le parti catholique apporte de
très-grands obstacles moraux à l'accom-
plissement d'une alliance austro-italienne,
si véritablement il en est question entre les
deux cabinets de Rome et de Vienne. Il n'y
a pas, du reste, entre l'Autrich.., et l'Italie,
de ces intérêts communs qui rendent les
alliances durables ou seulement possibles.
On a mille bonnes raisons de se concerter
et de s'unir à. Berlia .et à Rome ; on n'en
a pas une seule à Rome et à Vienne. La
presse autrichienne libérale peut s'efforcer
de prouver le contraire , et cette argumen-
tation rentre, en effet, assez bien dans soû
rôle ; mais elle n'empêchera point que tout
pacte conclu, daus l'état 4e choses actuel,
entre l'Autrichè et l'Italie, ne soit éphé-
mère et suftouf^âdiéSlemënt opposé MS
- intérêts nationaux de l'Autriche. Si la cour
de Vienne entrait dans le concert de l'Ita-
lie et 46 la Prusse, ce ne pourrait être que
jpar peur ; et la peur est pour les Etats une
funeste conseillère.. t> ,
Il nous vient de l'étranger peu d'autres
nouvelles. Il n'y a décidément plus de
rise ministérielle en Hollande, et comme
on n'a pu réussir à former un cabinet
nouveau, le roi a demandé à l'ancien ca-
binet, de rester, au pouvoir. Le ministre
de la jus ice en a donné hier la nouvelle
h la première ChaInre. A Rome, le pape
a rççu une députation d'affidés de la cop-
:gr-égaûon du Sacré --Cœur qui lui apportait
,"i-album - contenant 20,000 signatures.
Cela do£t faire un bien joli présent. Pie
IX a répondu pàr uaf discours, mais de-
main seulement nous en aurons le texte.
1 ; Eus. LIÉBÉRT.
.< J
■ V , ■ ■
, LES FAUX PLÉBISCITAIRES
t.t',:; ,..-.' -
* Les avis sont partagés, même dans le
camp monarchique, au sujet des élec-
tions trop partielles décrétées par le
gouvernement pour le 12 octobre pro-
chain. Les uns approuvent bruyamment;
les autres blâment, avec discrétion sans
doute, mais ils blâment. Seul, VUnivers
abonde dans le sens des républicains,
en ce qu'il avoue que si le gouverne-
ment n'a point fait tout d'un coup les
quatorze élections, c'est qu'il a eu.peur.
Il Assurément, dit-il, le gouvernement a
le droit de craindre le résultat d'élections
partielles, ayant trouvé la France dans
l'état où l'ont laissée le régime du 4 sep-
tembre et le gouvernement de M. Thiers,
républicanisée du haut en bas par les
fonctionnaires et par la presse radicale,
à laquelle toute licence était donnée. »
Le gouvernement a peur, c'est tout
ce que nous avons dit. et tout ce qu'il
importait de constater. Quant aux raisons
que donne l'Univers, il en doit bien rire
en son particulier. Mieux que person-.
ne il sait si, depuis le 24 mai, la France
est monarchi ée de haut en bas par les
fonctionnaires de 1 oHta Jmirvfal - et par
la presse royaliste et cléricale, à laquelle
toute licence est donnée. Ce que M.
Thiers avait fait, pourquoi M. de Broglie
ne le pourrait-il faire ? Et puis, si le
gouvernement a raison de redouter des
élections républicaines, comment vou-
lez-vous nous faire croire à ce grand cou-
rant d'opinion qui porte la France vers la
monarchie, du moins les journaux nous
l'affirment ?
Mais l'Univers n'a d'autre prétention
que d'amuser la galerie ; il ne faut donc
pas s'arrêter trop longtemps devant ses
tréteaux. Le Constitutionnel, au contraire,
est un journal de poids, où pas une ligne
n'est écrito à la légère; aussi est-ce sé-
rieusement, il faut le croire, qu'on y fé-
licite le pouvoir exécutif « d'avoir, en
échelonnant les élections par groupes
correspondant aux échéances extrêmes
des délais de vacance, évité cette agita-
tion stérile, et surtout évité l'abus d'une
interprétation plébiscitaire que, de part et
d'autre, on était disposé à donner à ces
élections au cas où elles se fussent ef-
fectuées en masse. »
De la part d'un journal légitimiste,
nous n'eussions point songé à relever
cette étrange appréciation. Mais le
Constitutionnel est bonapartiste, bien
qu'il ne l'avoue qu'à voix basse, afin de
se réserver l'avenir. Or, les bonapartistes
ne cessent de réclamer l'appel au peuple.
Seuls contre les monarchistes de droite,
les monarchistes de gauche et les répu-
blicains, ils luttent avec un courage
digne d'un meilleur sort pour pertuider
le gouvernement, et en particulier le
maréchal Mac-Mahon, qu'il n'est de so-
lution possible que dans un plébiscite.
Voilà deux ans qu'ils font entendre leur
turlntutu sans éveiller le moindre écho,
ni dans le gouvernement, ni dans l'As-
semblée, ni dans le pays; et le jour où
l'occasion se présente tout naturelle-
ment pour eux d'obtenir un commence-
ment do satisfaction, ils la repoussent
avec horreur, ils n'en veulent à aucun
prix !
Un peu de logique, messieurs les plé-
biscitaires. Quand on n'a point ce que
l'on aime, il fdut au moins accepter ce
que l'on a, sous peine de prêter à de
méchantes interprétations. Vous aviez
quatorze départements à interroger sur
86. C'est peu, mais c'est bien quelque
chose, et, dans tous les cas, cela vaut
mieux que rien. La France compte neuf
millions d'électeurs; c'est, en chiffres
ronds, cent mille électeurs par départe-
ment, soit un million et demi pour qua-
torze départements. Savez-vous bien que
cela constitue déjà un noyau respectable
et que vous ne devriez point dédaigner?
Et notez que chaque département n avait
qu'un député à élire, ce qui donnait à
l'élection un caractère vraiment plébis-
citaire, puisqu'il fallait à toute force
que les voix se portassent sur un légiti-
miste, un orléaniste, un bonapartiste
ou un républicain. Ce n'est point comme
dans des élections générales, où se font
certains mariages de raison, où l'un
arrive portant l'autre, sans être obligé
de .donner son signalement bien précis.
Dans ce cas, il est permis de ne point
accepter les yeux fermés, comme argent
comptant, les résultats du scrutin. On
s'aperçoit toujours, en faisant le total,
au'U. ^'e^ gUssé quelques nou-valews.
dans les urnes. Ici, au contraire, rien
de semblable à craindre. Vous aviez
quatorze cent mille électeurs à qui vous
veniez dire : L'heure est venue d'en finir
avec les atermoiements, avec le provi-
soire, source d'intrigues perpétuelles, de
compétitions acharnées dont la France
paie les frais, car il ne lui en revient
qu'incertitude, ce qui l'empêche de tra-
vailler et de produire. Prononcez-vous
donc : - ",
- Approtfvez-vouqles projets de-ceux
qui veulent rétablir un regime cinq fois
renversé par vous depuis quatre-vingts
ans? Voulez-vous renoncer à être vos
maîtres pour devenir les sujets du pape,
et d'un prince, dont vous avez chasse le
grand-père à coups de fusil et de pavés,
il y a quarante-trois ans? Voulez-vous
la guerre au dehors, la guerre au dedans ?
Nommez un monarchiste. ,.
— Avez-vous oublié le t décembre?
Avez-voûs oublié le Mexique èt la Chine?
Avez-vous oublié Sedan? Oubliez-vous
l'Alsace et la Lorraine? Vous convient-
il de voir une quatrième invasion ? V otet
pour un bonapartiste.
— Mais si vous voulez en finir une
fois pour toutes avec les exploitBurs,
être des citoyens et non des sujets,
choisissez un républicain.
Le Constitutionnel,. cela va de soi, eût
tenu un autre langage au suffrage uni-1
versel, et les légitimlste, de leur côté,
eussent plaidé pour leur saint ; mais
n'est-il pas vrai que des élections par
tielles dans de pareilles conditions eus-
sent fourni un aperçu sérieux de la vo-
lonté nationale ? Aussi comprenons-nous
à merveille que les monarchistes frisson-
nent rien qu'à la pensée de cette manière
de plébiscite, le vrai, le seul accepta-
ble. Il leur suffit de déclarer que la France
est monarchiste, qu'elle aspire au bon-
heur de revoir le comte de Chambord,
ou plutôt de le voir, car il n'est pour
nous tous qu'un illustre inconnu. C'est
une façon de comprendre les choses qui
ne relève point dev la discussion. Nous
l'avons déjà dit, le droit divin entendu
de la sorte n'est rien que le droit de la
force. Mais les bonapartistes ? Comment
ne se joignent-ils pas à nous pour de-
mander qu'à défaut d'un plébiscite véri-
table, comme ils sont seuls à le récla-
mer, le gouvernement ne recule point
devant quatorze élections dont l'ensem-
ble des résultats pourrait donner lieu,
ils sont les premiers à le reconnaître,
« à une interprétation plébiscitaire ? »
L'Ordre lui-même, l'Ordre, qui che-
vauche le dada plébiscitaire avec une
obstination si touchante, l'Ordre s'in-
digne à l'idée que dans les élections
partielles, les électeurs pourraient adres-
ser des questions indiscrètes aux can-
didats. Surtout, s'écrie-t-il, ne leur de-
mandez pas ce qu'ils pensent de la mo-
narchie, de l'empire ou de la République.
« En vérité (ici nous citons textuelle-
mena ce sont là, devant un scrutin élec-
toral sérieux, à l'heure actuelle, des
préoccupations très secondaires. »,
Quoi ! à l'heure actuelle, c'est-à-dire
au moment même où la majorité parle-
mentaire s'apprête à voter sur la forme
de gouvernement à donner au pays,
c'est une préoccupation secondaire que
demander à un candidat s'il votera pour
la monarchie, pour l'empire ou pour la
République 1 Et de quoi, diable I voulez-
vous - qu'on - se préoccupe, mes bons
messieurs, si ce n'est d envoyer à Ver-
sailles des citoyens résolus à barrer le
passage aux zouaves pontificaux que vous
connaissez ? Mais je vous entends ; si le
choix de députés républicains ne devait
avoir pour conséquence que d'empêcher
les pèlerins de Froshdorff de nous im-
poser un roi à la majorité des voix plus
une, vous seriez gens à voter des deux
mains pour eux ; malheureusement leur
mission ne s'arrêterait point là, et c'est
ce qui vous donne à réfléchir; c'est ce
qui vous fait, oubliant vos propres prin-
cipes, féliciter le gouvernement d'avoir
mis toute fierté de côté plutôt que de
permettre à quatorze cent mille Français
de dire tout haut ce qu'ils pensent et ce
qu'ils veulent.
E. SCTLNERB,
—
On sait, ou plutôt on ne sait pas tout
ce que les rêveurs voient dans un nuage :
l'un y voit le diable avec ses cornes,
l'autre un évêque avec sa crosse et sa
mitre, et le troisième un dromadaire;
celui-ci la mêlée terrible de deux armées,
et celui-là un paysage complet avec fleu-
ves, vallées et montagnes ; certains même
poussent l'imagination jusqu'à y voir une
accumulation de vapeurs destinées, un
jour ou l'autre, à fournir de la pluie.
Il n'y a pas que le nuage, paraît-il,
qui, la folle du logis aidant, prête à pa-
reille fantasmagorie; un cri, un simple
cri peut être sujet aux mêmes phéno-
mènes. Si l'on en doute, qu'on lise ce
brillant tableau des élections de fé-
vrier 1871 :
La France ne détermina pas le mandat
qu'elle confia à ses députés. Elle ne leur
dit pas : « Constituez, légiférez, traitez. »
Elle s'écria :
SAUVEZ-MOI !
La mission de l'Assemblée n'est pas ac-
complie. Eu effet, que voulait la Fraace en
1871 ? Q'l'est ce qu'elle, eutendait par ces
mots ; SAUVEZ-MOI! qui n'étaient écrits
nulle part, mai i que chacun voyait, enten-
dait, sentait ? Que voulait-elle dire par ce
cri de désespoir qui fut plus fort que celui
- irions, inomdiaires^qui dominai
à la fois le canon des Prussiens et les hur-
lements de la démagogie, victorieuse pjar
nos défaites ? ..,
Elle voulait dire : < Venez en toute hâte,
accourez, pour effacer de ma politique, dè
mes lois, de mes constitutions, tout ce qui,
depuis près d'un siècle, a été pour moi une
source de malheurs et de calamités.
» Je suis monarchique, rendez moi la
monarchie, la vraie, celle qui a. décougé
mes frontières, celle qui a survécu à Leip-
zig et à WaterJôo, tânt son nom était
grand et son prestige salutaire !
a Toute mutilée que je suis, je resté en-
core, par mes richesses, par mon rang
d,ans les arts, dans les lettres, dans l'in-
dustrie, la grande nation. Délivrei-moi,
de cette tourbe anti-sociale qui détruit
mon crédit, ébranle la confiance publique
et éloigne de moi les capitaux. Redressez
des lois videuses, immorales, écrites pour
le césarisme et pour la démagogie ; faites-
moi une bonne loi dleâtorale. , ,1
Ça y est, et en toutes lettres ! « s AU- I
VEZ-MOI ! » voulait dire î « Faites-moi
une bonne loi électorale, » Ce SAUVEZ-
MOI ! râlé par la Jtràac", cette rétinion
devançais, à une poignée de Français,
voulait dire : Nous vous avons nommé
à l'aide d'une loi électorale ; donc, cette
loi est mauvaise, changez-la, afin qu'un j
pareil fait ne se reproduise plus.
Ce que c'est pourtant que de cher-
cher dans les nuages des Vallées, des
montagnes, une source de calamités,
une monarchie, unetourb-3 anti-sociale
ou un dromadaire, au lieu de voir tout
simplement dans de nuage une accu-
mulation de vapeurs et, dans le fameux
SAUVEZ-Mot! ce cri tout naturel: «l'ennemi
a le pied sur ma gorge, faites la paix. »
Hélas! avec ces natures pleines d'ima-
gination, il est inutile de s'obstiner ;
elles ont tant de penchant pour les phé-
nomènes miraculeux , qu'elles ne dai-
gnent pas abaisser leur regard sur la
pauvre réalité : ainsi, on ne leur fera
jamais comprendre qu'il n'est besoin ni
de longues tirades, ni de phrases à
grand orchestre pour faire parler la
France ; mais qu'il n'est besoin que de
lui donner la parole. Oui, mais ce n'est
point là matière à brochures.
Et, puisqu'il faut le dire, les lignes
qui précèdent sont une pure réclame en
faveur d'une brochure légitimiste, due à
la plumedu prince Henry deValori, bro-
chure dont quelques-uns de nos con-
frères monarchistes semblent faire le
plus grand cas. D'après le court échan-
tillon qui nous en a été fourni jusqu'ici,
nous sommes de l'avis de nos confrères ;
on ne saurait trop vanter cette plaidoirie
princière en faveur de la royauté : si ça.
ne fait pas de mal, ça ne peut sûrement
pas faire de bien. -
PAUL LAFARGUE.
————————————— ——————————————
LA DÉLIVRANCE
C'est trop fort à la fin ! Comment ! on
ne peut plus ouvrir un journal bien pen-
sant, un journal défendant les bons prin-
cipes et l'ordre moral, sans y trouver
quelque raillerie plus ou moins piquante
sur 4es derniers vers de Victor Hugo !
Je sais bien, mon Dieu ! qu'en France
on se moque de tout ! il ne faut pas at-
tacher à cette menue monnaie de 1 esprit
de blague familier aux Parisiens plus de
valeur qu'elle n'en a dans la réalité.
Mais, vraiment! il y a quelque chose
d'agaçant à voir ce, parti pris, fait moi-
tié d'aveuglement, moitié de passion
haineuse !
Ainsi nous avons ce bonheur, nous,
Français, nous avons ce bonheur de
trouver, dans une des plus solennelles
circonstances de notre vie nationale, de
trouver un grand poète qui célèbre cet
événement et traduise en vers admira-
bles les sentiments dont nous sommes
animés; et nous, au lieu de le remer-
cier, au lieu d'en être fiers et de jeter
sur nos cicatrices la superbe pourpre de
cette poésie, nous voilà, parce que cet
homme a nom Victor Hugo, épluchant les
rimes, relevant avec une joie maligne
quelques inexactitudes de détail, déni-
grant de notre mieux cette magnifique
explosion de patriotisme, chicanant notre
admiration, faisant pis encore, la rem-
plaçant par le rire du mépris.
Vous riez!. oui, cela est fort risible,
en effet. Le poète s'écrie, au moment où
le dernier Prussien vient de repasser la
frontière : Je ne me trouve pas délivré!
Qu'y a-t-il là de si plaisant ? est-ce que
ce n'est pas le premier cri de tout cœur
français ? Vous vous sentez donc pleine-
ment délivré, vous, monsieur, qui rica-
nez à ce mot? Vous n'avez plus rien à
souhaiter, et vous ne formiez pas d'au-
tre espoir que de voir les Allemands s'en
aller de chez nous les poches pleines ?
Tous vos désirs sont satisfaits ?
Voilà qui est bien ! mais accordez au
moins qu'il peut y avoir des âmes plus
hautes et plus délicates, en qui saigne
encore toute vive la blessure de l'Alsace
et de la Lorraine arrachées. Elles souf-
frent celles-là, et gardent à travers la
joie de la libération un souvenir de deuil
et de haine. C'est pour elles que le poète,
au début de cette ode, a jeté ce cri su-
perbe : j
Jo ne me trouva pas délivré!.
C'est pour eux qu'il a dit :
J'aperçois là-bas Metz, là-bas Strasbourg; là-bas,
heinaeuc, et l'appreehe obMttfe des *•» bats,
Et les beaux enfants bloI\lip, bercés dans les ehi.
, 1 mèt63,
Souriants, et je songe à vous, ô pauvres mères!
Ils sont de toute beauté, ces vers ! et
je plaindrais l'homme qui n'a pas tres-
sailli en les lisant! Comme cee deux
mots : notre honneur, se dressent triste-
ment au rejet et se prolongent avec un
son douloureux sur cet hémistiche' su-
fa li nie i et l'approche obscure des combats !
Que de sensations terribles et vagues
éveillées par ces simples mots, et comme
elles se fondent, en un je ne sais..quoi
de plus tendre ensemble et de plus dou
loureux par cette évocation dçs blondes
têtes d'enfants, qui sourient, bercés dans
leurs chimères, et qui seront un jour
emportés par' la revanche loin des mères
en deuil! C'est, hélas !
¡ ,
Qu'ayant peu l'archer noir embouchera le cor 1
Quel vers! comme il jaillit tout d'une
venue 1 Comme la sonorité en est puis-
sante ! Et ces vers-là, ils éclatent à cha-
que instant dans la poésie de Victor
Hugo.
Ces deux noms de Strasbourg et de
Metz reviennent sans cesse, comme un
funèbre refrain, et font l'unité du mor-
ceau. Quand je pense que, ce matin, je
lisais dans un journal, qui tournait ce
poème en ridicule, une citation où le
critique s'égayait bêtement sur ces deux
vers :
Non, remparts, non, clochers superbes, non, jamais
Je n'oublierai Strasbourg et je n'oublierai Metz !
Ah ! s'écriait cet imbécile avec un air
de triomphe, il fait rimer jamais avec
Metz ! 1
Eh bien ! après? Idiot ! tu ne sais donc
pas que c'est une des traditions de la
poésie d'être très-largo sur les rimes de
noms propres, et que parmi les vers les
plus délicieux de Racine, on en ciie deux
dont la rime est encore moins riche :
Avant que sur ses bords Minos eût envoyé
I.a fille de Minos et de Pasiphaé!
Mais ce que tu ne remarques pas, ô
r plaisantin ignare, c'est l'allure superbe
et farouche de ce vers : 4t
Non, remparts, non, clochers superbes, non,
1 jamais.
Essaie de le réciter tout haut, et, pour
peu que tu aies d'oreille, tu sentiras les
beautés de ces trois coupes arrêtées par
ce non retentissant ; tu sentiras la grâce
et la force du mot superbe, relevant
1 hémistiche et la voix. Ça n'est pas
grand chose, n'est-ce pas, mon ami ?
qu'un vers comme celui-là ; il n'a l'air
de rien et ne paie pas de mine. Eh
bien ! toi et moi, nous pouvons en pren-
dre notre parti ; ce n'est jamais en notre
main que tombera un de ces fruits
d'or. L'arbre enchanté qui les porte croît
dans un jardin dont nous n'avons pas
la clé.
Jamais ni toi, ni moi, ne dirons:
Jusqu'à cet instant-là, gardons superbement.
0 peuple! la fureur de notre abaissement !
ni encore, pour exprimer la même pen-
sée :
Le devoir aujourd'hui, c'est de se laisser croître
Sans bruit, et d'enfermer, comme une vierge au
1 cloître,
Sa haine, et de nourrir les noirs ressentiments.
A qui bon étaler déjà nos .égiments?
A quoi bon galoper devant l'Europe hostile 1
Galoper devant l'Europe hostile est une
trouvaille de génie !
Allons notre petit train de prose, mon
ami; mais, pour Dieu ! sachons au moins
admirer ceux qui ont reçu ce merveil-
leux don de revêtir une idée commune
d'images éclatantes, de donner par l'ex-
pression à un sentiment ordinaire une
prodigieuse intensité d'énergie. Quand
Victor Hugo dit :
Je sens, comme Isaïe, insurgé pour Sion,
Gronder le vers profond de l'indignation ;
Et la colère en moi n'est pas plus épuisable
Que le flot dans la mer immense, et que le sable
Dans l'orageux désert remué par les vents,
il a raison, et, ce qui vaut mieux encore,
il a poétiquement raison.
Mais je suis bien bon de me répandre
ainsi en exclamations passionnées ! Ces
messieurs, qui rient de tout, vont rire de
ma naïveté ! Au fond, ils' sont de mon
avis ; ils savent bien qu'à part quelques
scories, ce poème est magnifique, et l'un
des plus beaux qui soient sortis de la
plume du maître. Mais c'est une ques-
tion de parti ! Victor Hugo a passé dans
l'autre camp; il ne doit plus écrire que
des sottises et des énormités !
Et c'est précisément cette façon de voir
les choses qui m'enrage ! Est-ce que la
poésie ne devrait pas planer au-dessus
des misères de nos petites querelles 1.
Est-ce que de beaux vers ne devraient
pas toujours être admirés? 0 politique!
vilaine politique! rentre donc dans ton
trou noir et confus ! et ne crie point
après le coup d'aile du poète.
Il les a cette fois donnés pour une œu-
vre de charité. Car ils se vendent au
profit des Alsaciens et des Lorrains. Il ;
semble que la destination de l'ouvrage
aurait dû, à défaut d'admiration sincère,
le protéger contre les fureurs des partis.
Mais les partis n'ont jamais de pudeur ,f
et ils manquent parfois d'esprit..
FRANCISQUE SARGEY.
—r — t ; : —
NOUVELLES DU MAROC
On lit dans le Moniteur de VAlgérie :
Nous avons mentionné dans nos précé-
dents numéros les difficultés qui s'étaient
élevées entre les tribus marocaines des
Sedjaa et des Béni bou-Zeggou.
Ces derniers sont soutenus par El Hadj
Mohamed ould el Bachir, cheikh des Be-
ni Snasseu, et la majeure partie des frac-
tions qui eonstituent cette puissante agglo-
mération indigène ; quelques -unes d entre
elles seulement, et notamment celle dei
Benv Khaleb, par suite de dissentiments
avec El Hadj Mohamed, ont embrassé le
parti des Sedjaa.
Depuis l'engagement du mois de juillet,
dans lequel les Sedjaa et leurs alliés ont
eu le dessous, les partis opposés sont tou-
jours restés en état d'hostilité, chacun
d'eux cherchant à recruter le plus grand
nombre possible d adhérents pour une lutte
qui devenait de jour en jour plus immi-
nente.
Le 3 septembre, les Beni-Khaled étaient
campés près de Sidi-Ayed, lieu voisin de
la frontière, et les contingents d'El Hadj
Mohamed, composés d'environ 4,000 hom-
mes, la plupart fantassins, paraissaient
devoir bientôt marcher eontre eux. Il de-
venait urgent, en cas d'une collision ar-
mée, de prendre les précautions néces-
saires pour faire respecter notre territoire
par les vainqueurs, tout en permettant aux
vaincus d'y chercher un refuge, dans les
conditions usitées en pareil cis, c'est-à-
dire le désarmement et l'internement sur
un point de l'intérieur, de façon à éviter
tout conflit ultérieur, et par suite toute
difficulté internationale.
M. le commandant de la subdivision de
Tlemcen reçut en conséquence l'ordre
d'envoyer sur la limite des deux pays, à
Sidi-Mohamed el-Ouasin, un goum de
400 chevaux, commandé par M. le chef
du bureau arabe de Lalla-Maghnia, pour
ob server les mouvements des deux partis
et arrêter, le cas échéant, toute tentative
de poursuite sur nos possessions.
Ea même temps, deux escadrons de
spahis, deux escadrons de chasseurs
d'Afrique, quatre compagnies d'infanterie
et une section d'artillere étaient concen-
1 trées à Lalla-Maghnia pour parer aux
éventualités. ,
Celles-ci ne devaient pas tarder à se pro-
duire.
Eu effet, la lutte s'était engagée, et,
pour se soustraire aux incidents d'un com-
bat qui leur était défavorable, quatre
douars des Mézaouir et un des Beni-Kha-
led se réfugiaient chez nous et arrivaient
chez les M'sirda du cercle de Nemours.
, Le 4 septembre, un nouveau douar des
Arara des Beni-Khaled se présentait à
Sidi-bou Djenan.
M. la général comipandant la division
avait prescrit de les interner dans la vallée
de la Tafna pour les éloigner de la fron-
tière ; mais le douar des Arara et un des
quatre douars des Mzaouir préférèrent
rentrer au Maroc plutôt que de se laisser
désarmer et assigner unè résidence ; le
mouvement s'exécute pour les àutres.
Aux dernières nouvelles, on annonçait
qu'El Hadj Zaïmi, cheikh des Beni-Kha-
led, venait d'avoir recours à l'intepventiou
de certains marabouts pour gagner du
temps et permettre aux Sedjaa de venir à
son secours; ceux-ci seraient même déjà
tombés sur les Benibou Zeggou, leur au-
raient eulevé 1,000 moutons et s'avance-
raient contre les Beni-Snassen,
Il est donc possible que les derniers
événements n'aient été que le prélude des
conflits qui vont s'engager dans la région
marocaine limitrophe de notre colonie.
Quoi qu'il arrive, toutes les dispositions
sont prises pour assurer l'intégrité du ter-
ritoire-algérien et la concilier avec les me-
sures d'humanité et d'hospitalité que peut
nous imposer la suite de cet incident.
———————————.
INFORMATIONS
Le Soir publie les nouvelles suivantes :
Nous pouvons annoncer comme certaine
et prochaine la Domination du général de
division duc d'Aumale à un très-grand
commandement militaire.
Le duc d'Aumale, malgré cela, conser-
verait la présidence du conseil de guerre
qui s'occupera du procès du maréchal
Bazaine.
Le maréchal de Mac-Mahon, qui est de
nouveau installé à Versailles, présidera,
demain à dix heures, le conseil des mi-
nistres.
La duchesse de Magenta quittera la Fo-
rêt demain ou lundi pour l'hôtel de la
présidence.
Le travail pour le mouvement préfecto-
ral est terminé et paraîtra très-prochaine-
ment au Journal officiel.
Une dépêche arrivée aujourd'hui à Ver-
sailles annonce que les députés de la droite
qui s'étaient rendus à Frohsdorff ont été
reçus par le comte de Chambord.
L'agence Havas assure que dans les cer-
cles légitimistes on dément la nouvelle
donnée hier que le comte de Chambord
aurait adressé des félicitations à l'arche-
vêque de Paris au sujet de son récent
mandement.
Dans les derniers temps de son minis-
tère, M. Jules Simon avait formé le pro-
jet d'organiser un musée scolaire où de-
vaient être rassemblés tous les rensejgne-
ments qu'il serait possible de recueillir sur
l'histoire de l'enseignement primaire ea
France.
M. Batbie vient de se décider à réaliser-
la pensée de son prédécesseur.
Les recteurs d'Académie ont été invités
à faire parvenir au ministère de l'instruc-
tion publique tous les documents bibliogra-
phiques ou manuscrits concernant la ma-
tière, qui se trouvent déposés dans les
bibliothèques ou archives de leur ressort..
D'un autre côté, les inspecteurs primai-
res ont reçu la mission de rechercher pen-
dant leurtournée d'inspection prochaine
certains documents qui n'existent guère
que dans les archives des communes : ce
sont ceux qui concernent les établissements
scolaires établis dans les campagnes au
siècte dernier, et qu'on désignait sous le
nenp. de petites écoles, écoles de charitê) écoles
dominicales.
Ils devront en même - temps fouiller les
archives des hospices et des bureaux de
bienfaisance pour y recueillir tout ce qui
est relatif aux fondations en faveur de
l'instruction populaire.
Nous trouvons dans le Journal de Lyon les
détails suivants sur M. Lièvre :
M. Lièvre, dont on parle beaucoup de-
puis quelques jours, avait bien été, com-
me on l'a dit, procureur impérial. Sa ré-
vocation date du 4 septembre.
Il fut replacé à Saint-Etienne lorsque
M. Abrial fut envoyé à Nice,. c'est-à-dire
en 1871, après les événements déplorables
dont Saint-Etienne fut le théâtre et que
personne n'a oubliés.
Il y déploya, dit-on, une énergie et un
talent qui le firent bien accueillir et furent
très-utiles à M. Ducros.
Nous ne croyons pas trop nous avancer
en disant que ce dernier n'a pas été étran-
ger au projet de sa nomination en rempla-
cement de M. Diffre. x
On s'étonnait du retard apporté à ce
remplacement, plusieurs noms avaient été
mis en avant, et personne ne s'expliquait
pourquoi notre parquet restait sans chef. Le
Journal officiel allait enfin parler,lorsqu'on
apprit la situation fâcheuse de M. Lièvre.
Nous savons tous les égards que l'on
doit à un prévenu ; aussi n'entrerions-nous
pas dans le détail des charges qui pèsent
sur M. Lièvre, si nous n'avions été de-
vancés dans cette voie par plusieurs de
nos confrères.
Encore ne le ferons nous que sous toutes
réserves, pour ne point aggraver la situa-
tion du prévenu.
M. Lièvre avait à faire face à des dettes
pressantes, et ceux à qui il demandait à
emprunter exigeaient que Mme Lièvre fît
la cession d'une partie de ses reprises do-
tales.
Son mari aurait fait faire cette cession
PRIX DU NUMÉRO : PARIS 15 CENTIMES — DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Dimanche 21 Septembre 4873.
LE E SIÎCLS
RÉDACTION
et,dresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit -.
2 9, rue Drouot. M
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
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Trois mois. 13 fr
Six mois 25
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r les lettres non affranchies seront refusé*
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JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et C.
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On s'abonne à Londres, chez M. A. MAURIGE général
ad vertising, agent, 13, Tavistockrow, Covent Garden.
Annoncee, chez MM. LAGRANGE, CERF et ce
6, place de la BOBÎSC, 9
On s'abonne à Londres, chez M. A. MAGKIGK général
advertiaing, agent, 13, Tavistockrow, Covent Gfirdon.
JOURNÉE POLITIQUE
Paris, eO septembre 187S-
Nous trouvons dans les dépêches de l'a-
gence Havas quelques renseignements,
d'ailleurs d'assez peu d'intérêt, sur la
première journée du roi Victor-Emmanuel
à Vienne : visite aux archiducs, prome-
nade à l'exposition, dîner à Schoenbruiin,
etc. Dans la matinée, le roi avait eu une
courte conférence avec ses miDistreF, MM.
Mmghetii et Visconti-Venosta.
Quant aux informations politiques plus
ou moins vraisemblables et discutables
que répandent déjà divers journaux, comme
ceux qui les donnent ne nous paraissent
- pas dans le secret des cour$, nous y atta-
chons très-peu d'xmpoi tance. Les ministres
italiens, dit une agence de nouvelles pa-
tronnée naguère par M. de Broglie, qui l'a
désavouée depuis, les ministres italiens
o compteraient surtout s'occuper à Vienne
de la question du futur conclave. Il s'agi-
rait d'obbger le conclave, par l'interven-
tion de l'Allemagne, de l'Autriche et de
l'Italie, à ne se réunir qu'à Rome, et de
s'opposer à l'élection d'un pape en tout
autre lieu et spécialement sur le territoire
francais. Nous donnons le renseignement
pour ce qu'il vaut; c'est un échantillon des
nouvelles que Ion fait courir.
Ce qui paraît probable, c'est que, si la
question religieuse doit être agitée, ce sera
plutôt à Berlin qu'à Vienne. On ne peut
comprendre en effet quel intérêt aurait
l'Autriche à se mêler ainsi des affaires
PQntificales; son gouvernement n'en re-
cueillerait d'autre fruit que de s'attirer
l'ardente opposition du parti catholique,
qui est, comme on sait, en Autriche, puis-
sant par le nombre et par l'influence. Or,
le ministère Andrassy n'a vraiment nul
besoin de se susciter à lui-même des dif-
ficultés et des embarras ; sa tâehç n'est
point si commode.
Déjà les journaux ultramontains lui
crient anathème. On citait beaucoup, hier
soir, cette phrase du Vaterland, feuille ba-
varoise qui reçoit, à Munich, les commu-
nications de la nonciature : « La visite de
Victor-Emmanuel prouve que l'arrêtcontre
François-Joseph et l'Autriche est prononcé et
qu'il ne s'agit plus que de choisir l'époque
de l'exécution. » En arrivant à Vienne, ce
numéro du Vaterland, qui avait paru en-
cadré de noir, a été saisi immédiatement
par la police. Il n'en est pas moins vrai
que, si le gouvernement autrichien se met-
tait à dos l'ultramontanisme, ce serait pour
sa tranquillité intérieure une mauvaise af-
faire, et qu'il le sait bien.
De ce côté le parti catholique apporte de
très-grands obstacles moraux à l'accom-
plissement d'une alliance austro-italienne,
si véritablement il en est question entre les
deux cabinets de Rome et de Vienne. Il n'y
a pas, du reste, entre l'Autrich.., et l'Italie,
de ces intérêts communs qui rendent les
alliances durables ou seulement possibles.
On a mille bonnes raisons de se concerter
et de s'unir à. Berlia .et à Rome ; on n'en
a pas une seule à Rome et à Vienne. La
presse autrichienne libérale peut s'efforcer
de prouver le contraire , et cette argumen-
tation rentre, en effet, assez bien dans soû
rôle ; mais elle n'empêchera point que tout
pacte conclu, daus l'état 4e choses actuel,
entre l'Autrichè et l'Italie, ne soit éphé-
mère et suftouf^âdiéSlemënt opposé MS
- intérêts nationaux de l'Autriche. Si la cour
de Vienne entrait dans le concert de l'Ita-
lie et 46 la Prusse, ce ne pourrait être que
jpar peur ; et la peur est pour les Etats une
funeste conseillère.. t> ,
Il nous vient de l'étranger peu d'autres
nouvelles. Il n'y a décidément plus de
rise ministérielle en Hollande, et comme
on n'a pu réussir à former un cabinet
nouveau, le roi a demandé à l'ancien ca-
binet, de rester, au pouvoir. Le ministre
de la jus ice en a donné hier la nouvelle
h la première ChaInre. A Rome, le pape
a rççu une députation d'affidés de la cop-
:gr-égaûon du Sacré --Cœur qui lui apportait
,"i-album - contenant 20,000 signatures.
Cela do£t faire un bien joli présent. Pie
IX a répondu pàr uaf discours, mais de-
main seulement nous en aurons le texte.
1 ; Eus. LIÉBÉRT.
.< J
■ V , ■ ■
, LES FAUX PLÉBISCITAIRES
t.t',:; ,..-.' -
* Les avis sont partagés, même dans le
camp monarchique, au sujet des élec-
tions trop partielles décrétées par le
gouvernement pour le 12 octobre pro-
chain. Les uns approuvent bruyamment;
les autres blâment, avec discrétion sans
doute, mais ils blâment. Seul, VUnivers
abonde dans le sens des républicains,
en ce qu'il avoue que si le gouverne-
ment n'a point fait tout d'un coup les
quatorze élections, c'est qu'il a eu.peur.
Il Assurément, dit-il, le gouvernement a
le droit de craindre le résultat d'élections
partielles, ayant trouvé la France dans
l'état où l'ont laissée le régime du 4 sep-
tembre et le gouvernement de M. Thiers,
républicanisée du haut en bas par les
fonctionnaires et par la presse radicale,
à laquelle toute licence était donnée. »
Le gouvernement a peur, c'est tout
ce que nous avons dit. et tout ce qu'il
importait de constater. Quant aux raisons
que donne l'Univers, il en doit bien rire
en son particulier. Mieux que person-.
ne il sait si, depuis le 24 mai, la France
est monarchi ée de haut en bas par les
fonctionnaires de 1 oHta Jmirvfal - et par
la presse royaliste et cléricale, à laquelle
toute licence est donnée. Ce que M.
Thiers avait fait, pourquoi M. de Broglie
ne le pourrait-il faire ? Et puis, si le
gouvernement a raison de redouter des
élections républicaines, comment vou-
lez-vous nous faire croire à ce grand cou-
rant d'opinion qui porte la France vers la
monarchie, du moins les journaux nous
l'affirment ?
Mais l'Univers n'a d'autre prétention
que d'amuser la galerie ; il ne faut donc
pas s'arrêter trop longtemps devant ses
tréteaux. Le Constitutionnel, au contraire,
est un journal de poids, où pas une ligne
n'est écrito à la légère; aussi est-ce sé-
rieusement, il faut le croire, qu'on y fé-
licite le pouvoir exécutif « d'avoir, en
échelonnant les élections par groupes
correspondant aux échéances extrêmes
des délais de vacance, évité cette agita-
tion stérile, et surtout évité l'abus d'une
interprétation plébiscitaire que, de part et
d'autre, on était disposé à donner à ces
élections au cas où elles se fussent ef-
fectuées en masse. »
De la part d'un journal légitimiste,
nous n'eussions point songé à relever
cette étrange appréciation. Mais le
Constitutionnel est bonapartiste, bien
qu'il ne l'avoue qu'à voix basse, afin de
se réserver l'avenir. Or, les bonapartistes
ne cessent de réclamer l'appel au peuple.
Seuls contre les monarchistes de droite,
les monarchistes de gauche et les répu-
blicains, ils luttent avec un courage
digne d'un meilleur sort pour pertuider
le gouvernement, et en particulier le
maréchal Mac-Mahon, qu'il n'est de so-
lution possible que dans un plébiscite.
Voilà deux ans qu'ils font entendre leur
turlntutu sans éveiller le moindre écho,
ni dans le gouvernement, ni dans l'As-
semblée, ni dans le pays; et le jour où
l'occasion se présente tout naturelle-
ment pour eux d'obtenir un commence-
ment do satisfaction, ils la repoussent
avec horreur, ils n'en veulent à aucun
prix !
Un peu de logique, messieurs les plé-
biscitaires. Quand on n'a point ce que
l'on aime, il fdut au moins accepter ce
que l'on a, sous peine de prêter à de
méchantes interprétations. Vous aviez
quatorze départements à interroger sur
86. C'est peu, mais c'est bien quelque
chose, et, dans tous les cas, cela vaut
mieux que rien. La France compte neuf
millions d'électeurs; c'est, en chiffres
ronds, cent mille électeurs par départe-
ment, soit un million et demi pour qua-
torze départements. Savez-vous bien que
cela constitue déjà un noyau respectable
et que vous ne devriez point dédaigner?
Et notez que chaque département n avait
qu'un député à élire, ce qui donnait à
l'élection un caractère vraiment plébis-
citaire, puisqu'il fallait à toute force
que les voix se portassent sur un légiti-
miste, un orléaniste, un bonapartiste
ou un républicain. Ce n'est point comme
dans des élections générales, où se font
certains mariages de raison, où l'un
arrive portant l'autre, sans être obligé
de .donner son signalement bien précis.
Dans ce cas, il est permis de ne point
accepter les yeux fermés, comme argent
comptant, les résultats du scrutin. On
s'aperçoit toujours, en faisant le total,
au'U. ^'e^ gUssé quelques nou-valews.
dans les urnes. Ici, au contraire, rien
de semblable à craindre. Vous aviez
quatorze cent mille électeurs à qui vous
veniez dire : L'heure est venue d'en finir
avec les atermoiements, avec le provi-
soire, source d'intrigues perpétuelles, de
compétitions acharnées dont la France
paie les frais, car il ne lui en revient
qu'incertitude, ce qui l'empêche de tra-
vailler et de produire. Prononcez-vous
donc : - ",
- Approtfvez-vouqles projets de-ceux
qui veulent rétablir un regime cinq fois
renversé par vous depuis quatre-vingts
ans? Voulez-vous renoncer à être vos
maîtres pour devenir les sujets du pape,
et d'un prince, dont vous avez chasse le
grand-père à coups de fusil et de pavés,
il y a quarante-trois ans? Voulez-vous
la guerre au dehors, la guerre au dedans ?
Nommez un monarchiste. ,.
— Avez-vous oublié le t décembre?
Avez-voûs oublié le Mexique èt la Chine?
Avez-vous oublié Sedan? Oubliez-vous
l'Alsace et la Lorraine? Vous convient-
il de voir une quatrième invasion ? V otet
pour un bonapartiste.
— Mais si vous voulez en finir une
fois pour toutes avec les exploitBurs,
être des citoyens et non des sujets,
choisissez un républicain.
Le Constitutionnel,. cela va de soi, eût
tenu un autre langage au suffrage uni-1
versel, et les légitimlste, de leur côté,
eussent plaidé pour leur saint ; mais
n'est-il pas vrai que des élections par
tielles dans de pareilles conditions eus-
sent fourni un aperçu sérieux de la vo-
lonté nationale ? Aussi comprenons-nous
à merveille que les monarchistes frisson-
nent rien qu'à la pensée de cette manière
de plébiscite, le vrai, le seul accepta-
ble. Il leur suffit de déclarer que la France
est monarchiste, qu'elle aspire au bon-
heur de revoir le comte de Chambord,
ou plutôt de le voir, car il n'est pour
nous tous qu'un illustre inconnu. C'est
une façon de comprendre les choses qui
ne relève point dev la discussion. Nous
l'avons déjà dit, le droit divin entendu
de la sorte n'est rien que le droit de la
force. Mais les bonapartistes ? Comment
ne se joignent-ils pas à nous pour de-
mander qu'à défaut d'un plébiscite véri-
table, comme ils sont seuls à le récla-
mer, le gouvernement ne recule point
devant quatorze élections dont l'ensem-
ble des résultats pourrait donner lieu,
ils sont les premiers à le reconnaître,
« à une interprétation plébiscitaire ? »
L'Ordre lui-même, l'Ordre, qui che-
vauche le dada plébiscitaire avec une
obstination si touchante, l'Ordre s'in-
digne à l'idée que dans les élections
partielles, les électeurs pourraient adres-
ser des questions indiscrètes aux can-
didats. Surtout, s'écrie-t-il, ne leur de-
mandez pas ce qu'ils pensent de la mo-
narchie, de l'empire ou de la République.
« En vérité (ici nous citons textuelle-
mena ce sont là, devant un scrutin élec-
toral sérieux, à l'heure actuelle, des
préoccupations très secondaires. »,
Quoi ! à l'heure actuelle, c'est-à-dire
au moment même où la majorité parle-
mentaire s'apprête à voter sur la forme
de gouvernement à donner au pays,
c'est une préoccupation secondaire que
demander à un candidat s'il votera pour
la monarchie, pour l'empire ou pour la
République 1 Et de quoi, diable I voulez-
vous - qu'on - se préoccupe, mes bons
messieurs, si ce n'est d envoyer à Ver-
sailles des citoyens résolus à barrer le
passage aux zouaves pontificaux que vous
connaissez ? Mais je vous entends ; si le
choix de députés républicains ne devait
avoir pour conséquence que d'empêcher
les pèlerins de Froshdorff de nous im-
poser un roi à la majorité des voix plus
une, vous seriez gens à voter des deux
mains pour eux ; malheureusement leur
mission ne s'arrêterait point là, et c'est
ce qui vous donne à réfléchir; c'est ce
qui vous fait, oubliant vos propres prin-
cipes, féliciter le gouvernement d'avoir
mis toute fierté de côté plutôt que de
permettre à quatorze cent mille Français
de dire tout haut ce qu'ils pensent et ce
qu'ils veulent.
E. SCTLNERB,
—
On sait, ou plutôt on ne sait pas tout
ce que les rêveurs voient dans un nuage :
l'un y voit le diable avec ses cornes,
l'autre un évêque avec sa crosse et sa
mitre, et le troisième un dromadaire;
celui-ci la mêlée terrible de deux armées,
et celui-là un paysage complet avec fleu-
ves, vallées et montagnes ; certains même
poussent l'imagination jusqu'à y voir une
accumulation de vapeurs destinées, un
jour ou l'autre, à fournir de la pluie.
Il n'y a pas que le nuage, paraît-il,
qui, la folle du logis aidant, prête à pa-
reille fantasmagorie; un cri, un simple
cri peut être sujet aux mêmes phéno-
mènes. Si l'on en doute, qu'on lise ce
brillant tableau des élections de fé-
vrier 1871 :
La France ne détermina pas le mandat
qu'elle confia à ses députés. Elle ne leur
dit pas : « Constituez, légiférez, traitez. »
Elle s'écria :
SAUVEZ-MOI !
La mission de l'Assemblée n'est pas ac-
complie. Eu effet, que voulait la Fraace en
1871 ? Q'l'est ce qu'elle, eutendait par ces
mots ; SAUVEZ-MOI! qui n'étaient écrits
nulle part, mai i que chacun voyait, enten-
dait, sentait ? Que voulait-elle dire par ce
cri de désespoir qui fut plus fort que celui
- irions, inomdiaires^qui dominai
à la fois le canon des Prussiens et les hur-
lements de la démagogie, victorieuse pjar
nos défaites ? ..,
Elle voulait dire : < Venez en toute hâte,
accourez, pour effacer de ma politique, dè
mes lois, de mes constitutions, tout ce qui,
depuis près d'un siècle, a été pour moi une
source de malheurs et de calamités.
» Je suis monarchique, rendez moi la
monarchie, la vraie, celle qui a. décougé
mes frontières, celle qui a survécu à Leip-
zig et à WaterJôo, tânt son nom était
grand et son prestige salutaire !
a Toute mutilée que je suis, je resté en-
core, par mes richesses, par mon rang
d,ans les arts, dans les lettres, dans l'in-
dustrie, la grande nation. Délivrei-moi,
de cette tourbe anti-sociale qui détruit
mon crédit, ébranle la confiance publique
et éloigne de moi les capitaux. Redressez
des lois videuses, immorales, écrites pour
le césarisme et pour la démagogie ; faites-
moi une bonne loi dleâtorale. , ,1
Ça y est, et en toutes lettres ! « s AU- I
VEZ-MOI ! » voulait dire î « Faites-moi
une bonne loi électorale, » Ce SAUVEZ-
MOI ! râlé par la Jtràac", cette rétinion
devançais, à une poignée de Français,
voulait dire : Nous vous avons nommé
à l'aide d'une loi électorale ; donc, cette
loi est mauvaise, changez-la, afin qu'un j
pareil fait ne se reproduise plus.
Ce que c'est pourtant que de cher-
cher dans les nuages des Vallées, des
montagnes, une source de calamités,
une monarchie, unetourb-3 anti-sociale
ou un dromadaire, au lieu de voir tout
simplement dans de nuage une accu-
mulation de vapeurs et, dans le fameux
SAUVEZ-Mot! ce cri tout naturel: «l'ennemi
a le pied sur ma gorge, faites la paix. »
Hélas! avec ces natures pleines d'ima-
gination, il est inutile de s'obstiner ;
elles ont tant de penchant pour les phé-
nomènes miraculeux , qu'elles ne dai-
gnent pas abaisser leur regard sur la
pauvre réalité : ainsi, on ne leur fera
jamais comprendre qu'il n'est besoin ni
de longues tirades, ni de phrases à
grand orchestre pour faire parler la
France ; mais qu'il n'est besoin que de
lui donner la parole. Oui, mais ce n'est
point là matière à brochures.
Et, puisqu'il faut le dire, les lignes
qui précèdent sont une pure réclame en
faveur d'une brochure légitimiste, due à
la plumedu prince Henry deValori, bro-
chure dont quelques-uns de nos con-
frères monarchistes semblent faire le
plus grand cas. D'après le court échan-
tillon qui nous en a été fourni jusqu'ici,
nous sommes de l'avis de nos confrères ;
on ne saurait trop vanter cette plaidoirie
princière en faveur de la royauté : si ça.
ne fait pas de mal, ça ne peut sûrement
pas faire de bien. -
PAUL LAFARGUE.
————————————— ——————————————
LA DÉLIVRANCE
C'est trop fort à la fin ! Comment ! on
ne peut plus ouvrir un journal bien pen-
sant, un journal défendant les bons prin-
cipes et l'ordre moral, sans y trouver
quelque raillerie plus ou moins piquante
sur 4es derniers vers de Victor Hugo !
Je sais bien, mon Dieu ! qu'en France
on se moque de tout ! il ne faut pas at-
tacher à cette menue monnaie de 1 esprit
de blague familier aux Parisiens plus de
valeur qu'elle n'en a dans la réalité.
Mais, vraiment! il y a quelque chose
d'agaçant à voir ce, parti pris, fait moi-
tié d'aveuglement, moitié de passion
haineuse !
Ainsi nous avons ce bonheur, nous,
Français, nous avons ce bonheur de
trouver, dans une des plus solennelles
circonstances de notre vie nationale, de
trouver un grand poète qui célèbre cet
événement et traduise en vers admira-
bles les sentiments dont nous sommes
animés; et nous, au lieu de le remer-
cier, au lieu d'en être fiers et de jeter
sur nos cicatrices la superbe pourpre de
cette poésie, nous voilà, parce que cet
homme a nom Victor Hugo, épluchant les
rimes, relevant avec une joie maligne
quelques inexactitudes de détail, déni-
grant de notre mieux cette magnifique
explosion de patriotisme, chicanant notre
admiration, faisant pis encore, la rem-
plaçant par le rire du mépris.
Vous riez!. oui, cela est fort risible,
en effet. Le poète s'écrie, au moment où
le dernier Prussien vient de repasser la
frontière : Je ne me trouve pas délivré!
Qu'y a-t-il là de si plaisant ? est-ce que
ce n'est pas le premier cri de tout cœur
français ? Vous vous sentez donc pleine-
ment délivré, vous, monsieur, qui rica-
nez à ce mot? Vous n'avez plus rien à
souhaiter, et vous ne formiez pas d'au-
tre espoir que de voir les Allemands s'en
aller de chez nous les poches pleines ?
Tous vos désirs sont satisfaits ?
Voilà qui est bien ! mais accordez au
moins qu'il peut y avoir des âmes plus
hautes et plus délicates, en qui saigne
encore toute vive la blessure de l'Alsace
et de la Lorraine arrachées. Elles souf-
frent celles-là, et gardent à travers la
joie de la libération un souvenir de deuil
et de haine. C'est pour elles que le poète,
au début de cette ode, a jeté ce cri su-
perbe : j
Jo ne me trouva pas délivré!.
C'est pour eux qu'il a dit :
J'aperçois là-bas Metz, là-bas Strasbourg; là-bas,
heinaeuc, et l'appreehe obMttfe des *•» bats,
Et les beaux enfants bloI\lip, bercés dans les ehi.
, 1 mèt63,
Souriants, et je songe à vous, ô pauvres mères!
Ils sont de toute beauté, ces vers ! et
je plaindrais l'homme qui n'a pas tres-
sailli en les lisant! Comme cee deux
mots : notre honneur, se dressent triste-
ment au rejet et se prolongent avec un
son douloureux sur cet hémistiche' su-
fa li nie i et l'approche obscure des combats !
Que de sensations terribles et vagues
éveillées par ces simples mots, et comme
elles se fondent, en un je ne sais..quoi
de plus tendre ensemble et de plus dou
loureux par cette évocation dçs blondes
têtes d'enfants, qui sourient, bercés dans
leurs chimères, et qui seront un jour
emportés par' la revanche loin des mères
en deuil! C'est, hélas !
¡ ,
Qu'ayant peu l'archer noir embouchera le cor 1
Quel vers! comme il jaillit tout d'une
venue 1 Comme la sonorité en est puis-
sante ! Et ces vers-là, ils éclatent à cha-
que instant dans la poésie de Victor
Hugo.
Ces deux noms de Strasbourg et de
Metz reviennent sans cesse, comme un
funèbre refrain, et font l'unité du mor-
ceau. Quand je pense que, ce matin, je
lisais dans un journal, qui tournait ce
poème en ridicule, une citation où le
critique s'égayait bêtement sur ces deux
vers :
Non, remparts, non, clochers superbes, non, jamais
Je n'oublierai Strasbourg et je n'oublierai Metz !
Ah ! s'écriait cet imbécile avec un air
de triomphe, il fait rimer jamais avec
Metz ! 1
Eh bien ! après? Idiot ! tu ne sais donc
pas que c'est une des traditions de la
poésie d'être très-largo sur les rimes de
noms propres, et que parmi les vers les
plus délicieux de Racine, on en ciie deux
dont la rime est encore moins riche :
Avant que sur ses bords Minos eût envoyé
I.a fille de Minos et de Pasiphaé!
Mais ce que tu ne remarques pas, ô
r plaisantin ignare, c'est l'allure superbe
et farouche de ce vers : 4t
Non, remparts, non, clochers superbes, non,
1 jamais.
Essaie de le réciter tout haut, et, pour
peu que tu aies d'oreille, tu sentiras les
beautés de ces trois coupes arrêtées par
ce non retentissant ; tu sentiras la grâce
et la force du mot superbe, relevant
1 hémistiche et la voix. Ça n'est pas
grand chose, n'est-ce pas, mon ami ?
qu'un vers comme celui-là ; il n'a l'air
de rien et ne paie pas de mine. Eh
bien ! toi et moi, nous pouvons en pren-
dre notre parti ; ce n'est jamais en notre
main que tombera un de ces fruits
d'or. L'arbre enchanté qui les porte croît
dans un jardin dont nous n'avons pas
la clé.
Jamais ni toi, ni moi, ne dirons:
Jusqu'à cet instant-là, gardons superbement.
0 peuple! la fureur de notre abaissement !
ni encore, pour exprimer la même pen-
sée :
Le devoir aujourd'hui, c'est de se laisser croître
Sans bruit, et d'enfermer, comme une vierge au
1 cloître,
Sa haine, et de nourrir les noirs ressentiments.
A qui bon étaler déjà nos .égiments?
A quoi bon galoper devant l'Europe hostile 1
Galoper devant l'Europe hostile est une
trouvaille de génie !
Allons notre petit train de prose, mon
ami; mais, pour Dieu ! sachons au moins
admirer ceux qui ont reçu ce merveil-
leux don de revêtir une idée commune
d'images éclatantes, de donner par l'ex-
pression à un sentiment ordinaire une
prodigieuse intensité d'énergie. Quand
Victor Hugo dit :
Je sens, comme Isaïe, insurgé pour Sion,
Gronder le vers profond de l'indignation ;
Et la colère en moi n'est pas plus épuisable
Que le flot dans la mer immense, et que le sable
Dans l'orageux désert remué par les vents,
il a raison, et, ce qui vaut mieux encore,
il a poétiquement raison.
Mais je suis bien bon de me répandre
ainsi en exclamations passionnées ! Ces
messieurs, qui rient de tout, vont rire de
ma naïveté ! Au fond, ils' sont de mon
avis ; ils savent bien qu'à part quelques
scories, ce poème est magnifique, et l'un
des plus beaux qui soient sortis de la
plume du maître. Mais c'est une ques-
tion de parti ! Victor Hugo a passé dans
l'autre camp; il ne doit plus écrire que
des sottises et des énormités !
Et c'est précisément cette façon de voir
les choses qui m'enrage ! Est-ce que la
poésie ne devrait pas planer au-dessus
des misères de nos petites querelles 1.
Est-ce que de beaux vers ne devraient
pas toujours être admirés? 0 politique!
vilaine politique! rentre donc dans ton
trou noir et confus ! et ne crie point
après le coup d'aile du poète.
Il les a cette fois donnés pour une œu-
vre de charité. Car ils se vendent au
profit des Alsaciens et des Lorrains. Il ;
semble que la destination de l'ouvrage
aurait dû, à défaut d'admiration sincère,
le protéger contre les fureurs des partis.
Mais les partis n'ont jamais de pudeur ,f
et ils manquent parfois d'esprit..
FRANCISQUE SARGEY.
—r — t ; : —
NOUVELLES DU MAROC
On lit dans le Moniteur de VAlgérie :
Nous avons mentionné dans nos précé-
dents numéros les difficultés qui s'étaient
élevées entre les tribus marocaines des
Sedjaa et des Béni bou-Zeggou.
Ces derniers sont soutenus par El Hadj
Mohamed ould el Bachir, cheikh des Be-
ni Snasseu, et la majeure partie des frac-
tions qui eonstituent cette puissante agglo-
mération indigène ; quelques -unes d entre
elles seulement, et notamment celle dei
Benv Khaleb, par suite de dissentiments
avec El Hadj Mohamed, ont embrassé le
parti des Sedjaa.
Depuis l'engagement du mois de juillet,
dans lequel les Sedjaa et leurs alliés ont
eu le dessous, les partis opposés sont tou-
jours restés en état d'hostilité, chacun
d'eux cherchant à recruter le plus grand
nombre possible d adhérents pour une lutte
qui devenait de jour en jour plus immi-
nente.
Le 3 septembre, les Beni-Khaled étaient
campés près de Sidi-Ayed, lieu voisin de
la frontière, et les contingents d'El Hadj
Mohamed, composés d'environ 4,000 hom-
mes, la plupart fantassins, paraissaient
devoir bientôt marcher eontre eux. Il de-
venait urgent, en cas d'une collision ar-
mée, de prendre les précautions néces-
saires pour faire respecter notre territoire
par les vainqueurs, tout en permettant aux
vaincus d'y chercher un refuge, dans les
conditions usitées en pareil cis, c'est-à-
dire le désarmement et l'internement sur
un point de l'intérieur, de façon à éviter
tout conflit ultérieur, et par suite toute
difficulté internationale.
M. le commandant de la subdivision de
Tlemcen reçut en conséquence l'ordre
d'envoyer sur la limite des deux pays, à
Sidi-Mohamed el-Ouasin, un goum de
400 chevaux, commandé par M. le chef
du bureau arabe de Lalla-Maghnia, pour
ob server les mouvements des deux partis
et arrêter, le cas échéant, toute tentative
de poursuite sur nos possessions.
Ea même temps, deux escadrons de
spahis, deux escadrons de chasseurs
d'Afrique, quatre compagnies d'infanterie
et une section d'artillere étaient concen-
1 trées à Lalla-Maghnia pour parer aux
éventualités. ,
Celles-ci ne devaient pas tarder à se pro-
duire.
Eu effet, la lutte s'était engagée, et,
pour se soustraire aux incidents d'un com-
bat qui leur était défavorable, quatre
douars des Mézaouir et un des Beni-Kha-
led se réfugiaient chez nous et arrivaient
chez les M'sirda du cercle de Nemours.
, Le 4 septembre, un nouveau douar des
Arara des Beni-Khaled se présentait à
Sidi-bou Djenan.
M. la général comipandant la division
avait prescrit de les interner dans la vallée
de la Tafna pour les éloigner de la fron-
tière ; mais le douar des Arara et un des
quatre douars des Mzaouir préférèrent
rentrer au Maroc plutôt que de se laisser
désarmer et assigner unè résidence ; le
mouvement s'exécute pour les àutres.
Aux dernières nouvelles, on annonçait
qu'El Hadj Zaïmi, cheikh des Beni-Kha-
led, venait d'avoir recours à l'intepventiou
de certains marabouts pour gagner du
temps et permettre aux Sedjaa de venir à
son secours; ceux-ci seraient même déjà
tombés sur les Benibou Zeggou, leur au-
raient eulevé 1,000 moutons et s'avance-
raient contre les Beni-Snassen,
Il est donc possible que les derniers
événements n'aient été que le prélude des
conflits qui vont s'engager dans la région
marocaine limitrophe de notre colonie.
Quoi qu'il arrive, toutes les dispositions
sont prises pour assurer l'intégrité du ter-
ritoire-algérien et la concilier avec les me-
sures d'humanité et d'hospitalité que peut
nous imposer la suite de cet incident.
———————————.
INFORMATIONS
Le Soir publie les nouvelles suivantes :
Nous pouvons annoncer comme certaine
et prochaine la Domination du général de
division duc d'Aumale à un très-grand
commandement militaire.
Le duc d'Aumale, malgré cela, conser-
verait la présidence du conseil de guerre
qui s'occupera du procès du maréchal
Bazaine.
Le maréchal de Mac-Mahon, qui est de
nouveau installé à Versailles, présidera,
demain à dix heures, le conseil des mi-
nistres.
La duchesse de Magenta quittera la Fo-
rêt demain ou lundi pour l'hôtel de la
présidence.
Le travail pour le mouvement préfecto-
ral est terminé et paraîtra très-prochaine-
ment au Journal officiel.
Une dépêche arrivée aujourd'hui à Ver-
sailles annonce que les députés de la droite
qui s'étaient rendus à Frohsdorff ont été
reçus par le comte de Chambord.
L'agence Havas assure que dans les cer-
cles légitimistes on dément la nouvelle
donnée hier que le comte de Chambord
aurait adressé des félicitations à l'arche-
vêque de Paris au sujet de son récent
mandement.
Dans les derniers temps de son minis-
tère, M. Jules Simon avait formé le pro-
jet d'organiser un musée scolaire où de-
vaient être rassemblés tous les rensejgne-
ments qu'il serait possible de recueillir sur
l'histoire de l'enseignement primaire ea
France.
M. Batbie vient de se décider à réaliser-
la pensée de son prédécesseur.
Les recteurs d'Académie ont été invités
à faire parvenir au ministère de l'instruc-
tion publique tous les documents bibliogra-
phiques ou manuscrits concernant la ma-
tière, qui se trouvent déposés dans les
bibliothèques ou archives de leur ressort..
D'un autre côté, les inspecteurs primai-
res ont reçu la mission de rechercher pen-
dant leurtournée d'inspection prochaine
certains documents qui n'existent guère
que dans les archives des communes : ce
sont ceux qui concernent les établissements
scolaires établis dans les campagnes au
siècte dernier, et qu'on désignait sous le
nenp. de petites écoles, écoles de charitê) écoles
dominicales.
Ils devront en même - temps fouiller les
archives des hospices et des bureaux de
bienfaisance pour y recueillir tout ce qui
est relatif aux fondations en faveur de
l'instruction populaire.
Nous trouvons dans le Journal de Lyon les
détails suivants sur M. Lièvre :
M. Lièvre, dont on parle beaucoup de-
puis quelques jours, avait bien été, com-
me on l'a dit, procureur impérial. Sa ré-
vocation date du 4 septembre.
Il fut replacé à Saint-Etienne lorsque
M. Abrial fut envoyé à Nice,. c'est-à-dire
en 1871, après les événements déplorables
dont Saint-Etienne fut le théâtre et que
personne n'a oubliés.
Il y déploya, dit-on, une énergie et un
talent qui le firent bien accueillir et furent
très-utiles à M. Ducros.
Nous ne croyons pas trop nous avancer
en disant que ce dernier n'a pas été étran-
ger au projet de sa nomination en rempla-
cement de M. Diffre. x
On s'étonnait du retard apporté à ce
remplacement, plusieurs noms avaient été
mis en avant, et personne ne s'expliquait
pourquoi notre parquet restait sans chef. Le
Journal officiel allait enfin parler,lorsqu'on
apprit la situation fâcheuse de M. Lièvre.
Nous savons tous les égards que l'on
doit à un prévenu ; aussi n'entrerions-nous
pas dans le détail des charges qui pèsent
sur M. Lièvre, si nous n'avions été de-
vancés dans cette voie par plusieurs de
nos confrères.
Encore ne le ferons nous que sous toutes
réserves, pour ne point aggraver la situa-
tion du prévenu.
M. Lièvre avait à faire face à des dettes
pressantes, et ceux à qui il demandait à
emprunter exigeaient que Mme Lièvre fît
la cession d'une partie de ses reprises do-
tales.
Son mari aurait fait faire cette cession
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