Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1876-02-08
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 08 février 1876 08 février 1876
Description : 1876/02/08 (A6,N1523). 1876/02/08 (A6,N1523).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/03/2013
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Sixième Année - N- 1533 : - Prix du Numéro à Paris : 15 aentlines - Départements : 20 Centimes
Mardi 8 Février 1STO -,
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JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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., "t '.-J"
Imp. A. CHAIX EX, O, rue Bergère, VI 4 Parit *
BULLETIN
Paris, 7 février 1876.
L'Union conservatrice aura dans l'his-
toire cette ressemblance avec l'empire
d'Alexandre qu'elle n'a duré que quelques
années et qu'elle s'est très-vite divisée
en fractions multiples hostiles les unes
aux autres. Après le Comité central con-
servateur, qu'il ne faut pas confondre
et qui n'aime pas à être confondu avec le
Comité national conservateur, nous at-
tendions le Comité catholique. Il est arrivé,
et son manifeste avec lui.
Il a pris le nom d'Union électorale ca.
tholique. Le manifeste qu'il a publié ne
vise qu'indirectement les questions poli-
queg. Il insiste surtout sur cette grande
question de l'enseignement supérieur que
le parti clérical considère depuis plus de
trente ans comme l'affaire où doit porter
tout son effort. « Maintenir et développer
les conquêtes de la chambre, » voilà pour
le Comité catholique l'objectif principal,
sinon unique, où doivent tendre les élec-
teurs à qui il s'adresse.
Ajoutons-y celui-ci : « Assurer à VEglise
l'indépendance que la Révolution lui con.
testé. » Cette formule, encore que vague,
ne laisgerait pas d'être inquiétante si le
Comité catholique était l'état-major de
gros batailloas. On sait en effet ce que le
parti clérical entend par l'indépendance de
l'Eglise. D'abord, il se garde bien de dire
les Eglises, ou, ce qui serait plus rationnel,
l'indépendance des doctrines et leur libre
manifestation. Ensuite, on sait que par
indépendance de l'Eglise catholique, le
parti dont Y Univers se charge tous les
jours de nous traduire la pensée intime
n'entend nullement la séparation de l'E-
glise et de l'Etat, mais une situation toute
particulière où l'Eglise, tout en continuant
à être rémunérée par l'Etat, ne serait point
tenue d'observer les lois de l'Etat.
Le public a cru lire la note Andrassy.
Si nous en croyons là Gazette de Vienne,
il n'en est rien. Ce jourmal nous prévient
que le texte donné par la Gazette de Co-
logne n'est pas exact, que l'Autriche vou-
lait tenir. secret le texte authentique
jusqu'à la réponse du gouvernement turc,
enfla que, en présence de la publication
faite par la Gazette de Cologne, le gou-
vernement autrichien va se décider à ré-
véler à l'Europe la note célèbre dans sa
teneur officielle. Nous saurons donc bien-
tôt au juste ce que se sont proposé les
puissances, et les commentaires recom-
menceront à nouveau.
La lutte en Espagne semble très-près
de prendre fin, et les bruits de convenio,
qui sont l'indice ordinaire du décourage-
ment des carlistes, ont recommencé à cou-
rir avec une certaine insistance.
■
Le comité national conservateur a
ses raisons pour craindre et détester
M. le préfet de police. Aussi ne som-
mes-nous pas surpris du grand émoi
où le jette la candidature de l'honora-
ble M. Léon Renault dans l'arrondisse-
ment de Corbeil.
Voici ce qui se passe :
Les bonapartistes ont pour candidat
dans ce même arrondissement M. le
prince Alexandre dex Wagram, qui ne
se recommande que par sa parfaite obs-
curité. D'autre part, se posaient les
candidatures de M. Edmond Valentin,
député sortant, dont on connaît les
opinions républicaines, et du préfet de
police, M. Léon Renault.
Or, M. Valentin, nommé sénateur
dans le Rhône, vient d'annoncer aux
électeurs de Corbeil qu'il se désiste en
faveur de M. Léon Renault. M. Léon
Renault est devenu le seul candidat ré-
publicain de la circonscription, et c'est
sur son nom que se doivent réunir les
suffrages, non-seulement des électeurs
républicains de M. Valentin, mais de
tous les conservateurs patriotes par qui
le candidat bonapartiste sera rejeté.
De là l'indignation, voire la fureur
du comité national conservateur et de
ses journaux, qui crient, du plus haut
de leur tête, à l'énormité. Cet appui
donné par M. Edmond Valentin à M.
le préfet de police mettrait le comble,
d'après eux, à l'immoralité républi-
caine.
Le parti de l'appel au peuple a tou-
jours, comme on voit, le mot pour rire.
Nous ne saurions trop louer, quant à
nous, M. Valentin, d'avoir recommandé
aux électeurs républicains M. Léon Re-
nault : 1° parcé que l'honorable préfet
de police est un des adversaires les
plus redoutés de la faction bonapar-
tiste, et l'homme de France qui connaît
le mieux le secret de ses conspirations;
20 parce que M. Léon Renault, dès -le
premier jour où il a posé sa candida-
ture, a pris publiquement des engage-
ments aussi nets que le parti républi-
cain les pouvait souhaiter. Il les a con-
firmés depuis dans des écrits et des dis-
cours dont la fermeté ne s'est nulle
part démentie. - -
- C'est cette attitude qui a autorisé
M. Edmond Valentin à écrire aux élec-
teurs de l'arrondissement de Corbeil :
< Vous pouvez, j'en ai la conviction,
accepter avec une entière sécurité les
déclarations si fermas et si nettes de
l'honorable M. Léon Renault et les
engagements irrévocables (sa parole
d'honnête homme en est un sûr garant)
qu'il contracte envers tous les républi-
cains dont le vote m'eût été acquis. »
Ces déclarations, les voici ; nous les
empruntons à la profession de foi que
M. Renault vient de faire afficher :
Etranger à l'esprit de parti, soucieux au
môme degré des intérêts de l'ordre et de la
liberté, que je n'ai jamais séparés, regardant
la dictature comme également haïssable, sous
quelque nom qu'elle se déguise, qu'elle s'ap-
pelle césarienne ou révolutionnaire, passion-
né seulement pour le bien et l'honneur de
notre patrie, j'ai accepté et je soutiendrais
sans arrière-pensée les institutions républi-
caines que l'Assemblée nationale a fondées, et
dont elle a fait le régime légal du pays,
La France vent l'ordre, la liberté et la paix.
La constitution du 25 février est éminem-
ment propre à lui garantir ces biens pré-
cieux, qui sont indispensables à sa prospé-
rité, à sa dignité, à son existence même.
La clause de révision est, à mes yeux, un
moyen d'améliorer et non de détruire le gou-
vernement de la République. L'interpréter
autrement, c'est se mettre en contradiction
avec l'esprit même de la constitution ; c'est
oublier qu'elle a eu pour but de mettre fin
aux divisions et aux agitations stériles que
l'incertitude sur le principe et la nature du
gouvernement entretenait dans le pays; c'est
affaiblir la France dans le monde, car rien
n'isole davantage un nation que le défaut de
stabilité dans ses institutions polttiquep.
Si vos suffrages me portaient à la Cham-
bre des députés, je travaillerais de toutes
mes forces à établir, sur le terrain de la Ré-
publique, l'alliance étroite de tous ceux qni
veuleai sincèrement restituer à la patrie sa
grandeur et sa force par la pratique de la
discipline dans la liberté.
L'auteur de ces déclarations est
donc devenu nôtre, et nous voyons en
lui un candidat que tout le parti répu-
blicain peut revendiquer. Ce ne sont
pas les voix da nos amis qui lui man-
queront. M. Renault étant soutenu par
les journaux du centre droit, nous sup
posons aussi que les voix dites « con-
servatrices » ne menacent pas de l'a-
bandonner.
Nous supposons. Car, sans remon-
ter jusqu'à l'histoire de ces conserva-
teurs des Hautes-Pyrénées qui préférè-
rent M. Cazeaux à M. Alicot, nous
nous rappelons où les affinités « con-
servatrices » ont entraîné dans les ré-
centes élections sénatoriales le parti
à qui le Soleil et le Journal de Paris
servent d'organes. 1
Dans tous les cas, nous, les républi-
cains, les révolutionnaires, les radi-
caux, comme les publioistes du défunt
centre droit nous appellent, nous au-
rons fait notre devoir, en prouvant une
fois de plus que nos suffrages sont ac-
quis et nos rangs ouverts à tout homme,
fût-il notre adversaire d'hier, qui, en se
ralliant sans ambiguïtés à la Républi-
que, aura fait preuve de bonne vo-
lonté et de bonne foi.
EUQ, LIÉBBRT.
, - •
Il a paru dans les journaux cléricaux et
royalistes un manifeste d'une Union élec-
torale catholique, présidée par un certain
baron de l'Ellpée. Ce masjifefcte n'est que
le développement d'un programme que
M. Louis Veuiliot a souvent formulé. Mail
le piquant de l'affaire, c'est que l'Union
électorale catholique, après cette belle
déclaration de paincipes, s'empresse d'an-
noncer qu'elle ne dressera point de liste de
candidats. Ce qui se comprend de reste ;
les candidats qu'un tel comité pourrait
agréer sont des oiseaux rares, qui se doi-
vent pas foisonner. Seulement, on voudrait
savoir à quoi servira ledit comité ? Sans
candidats ! Voilà la besogne électorale
bien simplifiée.
————————-
Un des Quinze
Hier dimanche, à 2 heures, une réunion
privée à eu lieu chaussée de la Muette,
n° 8, à Passy, 16e arrondhsement.
Les promoteurs principaux de cette réu-
nion étaient MM. Alphand, ingénieur en
chef, directeur des travaux de Paris, ayant
pour coadjuteur M. Bûcheron, dit Saint-
Genest, rédacteur du Figaro.
Après un débat auquel ont pris part
plusieurs notabilités du parti bonapartiste,
la réunion a résolu, à l'unanimité, d'offrir
la candidature à M. Buffet, vice-président
du conseil, ministre de l'intérieur.
M. Buffet acceptera-t ii ? C'est son de-
voir. Ce serait mal à lui de résister aux
instances de M. de Saint-Qenest, qui a
rendu et peut rendre encore tant de servi-
ces au parti « conservateur ». En outre,
M. Buffet comprendra certainement qu'il
ferait une grave injure aux bonapartistes
en n'acceptant point les offres si honora-
bles de M. Alphand, un des organisateurs
du comité plébiscitaire de 1870.
C'est aujourd'hui, croyons-neui, qu'une
démarche doit être faite auprès de M. le
vice-président du conseil pour lui prope-
ser la candidature dans le 16" arrondisse-
ment. Nous espérons avoir dès demain le
plaisir d'annoncer aux républicains la
bonne nouvelle de l'acceptation de M. Buf-
fet. Avoir à combattre du même coup les
bonapartistes, leur protecteur et leur pro-
tégé, quelle aubaine!
:—- + —————————
C'est assez malencontreusement que le
gouvernement a soulevé la question des
fausses nouvelles, et il y a un proverbe
sur les cordes et les pendus dont il eût été
à propos qu'il se souvînt en, cette occur-
rence. Voici, en effet, une nouvelle offi
cielle qui ne date que de quelques jours et
que l'on saura grand gré au Siècle d'aveir
déterrée. Le lundi matin 31 janvier, les
bureaux du ministère de l'intérieur com-
muniquaient aux journaux étrangers les
renseignements suivants : .,
* * Paris, lundi matin.
Le résultat de l'élection d'hier est mainte-
nant à peu près connu. Sur 219 .élus, il se
trouvé 130 candidats fiont le gouvernement a
déclare accepter la candidature, 8 bonapar-
tistes à la candidature, desquel8 le gouverne-
ment ne s'est point intéressé, 63 radicaux ou
républicains, et 15 membres qui doivent être
classés dans le centre gauche.
Il faut avouer que si leM journaux étran-
gers n'ont pas eu d'autre source d'infor-
mation que celle-là, ils ont dû donner à
leurs lecteurs une idée quelque peu fantas-
tique de la composition du Sénat français.
Mais si le renseignement est contestable,
les appréciations sont dignes du plus vif
intérêt. « Huit bonapartistes à la candida-
ture desquels le gouvernement se s'est
point intéressé. » N'est-ce pas curieux et
propre à inspirer des réflexions intéres-
santes ? Il est constant, en effet, malgré l'é-
chec général des bonapartistes, que le
parti de l'appel au peuple a ramassé quel-
ques. trente-cinq sièges. Mettons trente, si
vous voulez. Or, le gouvernement; déclare
que sur ces trente, il y en avait jusqu'à
huit « au succès desquels il ne s'intéres-
sait pas. » Il est donc acquis à l'histoire
que 22 candidats bonapartistes avaient su
conquérir les bonnes grâces du gouverne-
ment, et que le gouvernement « s'intéres-
sait à leur candidature. »
Et remarquez que le gouvernement ne
fait mention iei que deg candidats bonapar-
tistes qui ont réussi. Si l'on considère l'en-
semble des candidatures bonapartistes, qui
allaient bien à 150, on est autorisé à penser
que la proportion est la même, et que sur
150 par exemple,il n'y en avait guère qu'une
quarantaine de bonapartistes auxquels le
gouvernement ne s'intéresïât point. Ceci
est une notion dont personne ne se dissimu-
lera l'importance. On tI'est demandé bien
des fois dans quelle mesure M. Buffet était
constitutionnel, et jusqu'à quel point il
était bonapartiste. Pour s'éc'airer sur ce
point on a consulté ses discours, qui ont le
tort de n'être pas toujours clairs, et le
Français qui a l'adresse de n'être pas tou-
jours franc.
Désormais nous avons un document d'une
netteté suprême qui permet d'établir avec
une rigueur mathématique de quels élé-
ments se compose M. le vice-président du
conseil et dans quelles proportions cha-
cun de ces éléments contribue à former sa
précieuse personnalité. M. Buffet se com-
pose de trois parties de bonapartisme tt
d'une partie de. Ah ! ceci et plus difficile
à définir. Car je vois, toujours dans la
note en question, que 130' élus sont consi-
dérés comme ministériels et 15 comme
centre gauche. Il appert de ceci que tout
C3 qui est centre gauche est anti ministé-
riel, ainsi que la célèbre réplique de M.
Buffet à M. Christophle l'avait déjà nette-
ment indiqué.
Il devient très-diffiiile de savoir de quel
élément est formé la quatrième partie de
M. Buffet. Jusqu'à plus ample informé,
tout ce qu'on sait de M. Buffet, c'est qu'on
peut le considérer comme un trois-quarts
de bonapartiste. C'est donc avec raison
qu'il s'est insurgé quelquefois contre ceux
qui l'accusaient d'être un bonapartiste
complet. Nous ne manquerons pas désor-
mais d'observer cette nuance, et si l'on af-
fecte devant nous de confondre M. Buffet
avec M. Rouher, nous nous empresserons
de faire remarquer que M. Rouher est
l'unité, mais que M. Buffet n'est tout au
plus que 0,75. À
: FABRICE.
—
Voici le procès-verbal de la réunion publi-
que qui a eu lieu hier à l'Isle-Adam (lre cir-
conscription de l'arrondissement de Pantoise
(Seine-et-Oise), où se présente notre collabo-
rateur M. Schnerb.
Une réunion publique électorale, compo-
sée de quatre à cinq cents personnes, a eu
lieu hier dimanche à l'Isle-Adam. Elle avait
pour but de donner au^: candidats à la dé-
putation dans la pe circonscription électo-
rale de l'arrondissement de Pontoise le
moyen d'exposer leurs idées politiques. —
A cette réunion, avaient été convoqués M.
Delacour, conseiller général du canton de
Mannes, M. S ;hoerb, l'un des rédacteurs
du XIXe Siècle, et M. Eugène Rendu, con-
seiller général du canton 3e Pootoi c, dont
les candidatures avaient été annoncées.
M. Rendu, qui avait promis d'assister à
plusieurs réunions organisées pour aujour-
d'hui même, dans le canton de Marines, a
fait excuser ton absence par une lettre
dont lecture a été donnée à l'assemblée.
M. Delacour a donné connaissance de sa
profession de foi républicaine, dont l'assem-
blée a accueilli les conclusions. Et M.
Schnerb, après avoir fait une franche dé-
claration des principes républicains sur
lesquels il foc de sa candidature, a répondu
avec une netteté que les électeuis présents
ont vivement appréciée aux diverses ques-
tions qui lui ont été posées. Il a rappelé
cette liquidation du deuxième empire, qui
s'est terminée par hi perte de nos mil
liards et de deux de nos provinces. Il
a été surtout viv?n- ant applaudi quand,
faisant allusion, u. ± sombres journées de
décembre 1851, il a rappelé l'origine de
cette période gouvernementale qui n'a
paru se préoccuper que de la prospérité
matérielle du pays, sans songer à l'affaisse-
ment moral qu'elle produisait de jeur en
jour pour aboutir aux désastres de 1870.
En somme, la candidature de M. Schnerb
a été favorablement accueillie.
MM. Delacour et Schnerb ont ensuite
pris rengagement mutuel, — en cas de bat-
lottage, — de se désister en laveur de celui
d'entre eux qui aurait le plus grand nom-
bre de voix, pour assurer, abstraction
faite de leurs personnes, le succès de la
candidature républicaine.
Pour le bureau :
Le président,
L. Buy.
Dans la réunion dont ou vient de lire le
compte rendu, M. Schnerb a donné lecture de
la profession de foi qu'il adrdsse aux élec-
teurs. En voici le texte : * Il
Mes chers concitoyens, 1
La France a nommé un Sénat républi-
cain; elle va élire une seconde Chambre
décidée à m&inteair la République issue
de la constitution du 25 février, à l'amé- ,
liorer s'il est possible, à la défendre, s'il en
était besoin. j
Comme publiciste, je sers depuis six ans
la cause républicaine, et je sollicite de vos
suffrages l'honneur de la servir plus acti-
vement encore, comme député, par ma •
parole et par mes votes.
Mon programme n'est point de ceux que
fait surgir la période électorale : improvi-
sés la veille, oubliés le lendemain. Il ré-
sulte de mes écrits de chaque jour et se ré-
sume en quelques mots : ----. j
Ni révolutioBs, ni réaction. » *»r
La paix au dedans, la paix au dehors.
Sur le terrain des principes, une fer-
meté inébranlable; sur le terrain de la
pratique, un esprit de conciliation aussi
largo que possible, pourvu que 4e8 inté-
rêts du pays n'en faMsent point les
frais. r- ■ « r ( - ,¡
-
En financés :. l'économie, par un con-
trôle sévère et incessant; la recherche
d'un système d'impôts qui ne fasse pas pe-
ser les trois quarts des charges publiques
sur la production, la circulation et la con-
sommation. ;n ft'r,
En religion: la tolérance envers chacun, *
la liberté pour tous ; l'Etat protecteur de
toutes les croyances; toutes les Eg liael
subordonnées à l'Etat. -., ,
Faut-il ajouter que je n'ai jamais cessé,
que je ne cesserai jamais de réclamer
l'instruction obligatoire, gratuite et laï-
que ?
Enfin je ne saurais oublier les intérêts
de l'agriculture, qui est la fortune et L'hon-
neur de cet arrondissement. Ils trouveront;"
en moi un défenseur attentif et persévé- *
rant. '-'r'
Voilà mon programme. La RépubliqueT
seule peut le réaliser.
Au surplus, quelle autre forme de gou- J
vernement serait désormais possible en ?
France ?
La monarchie légitime est morte. Sa
résurrection serait ua retour au régrim8-
qui a enfanté les Révolutions de 1789 et
de 1830.
La monarchie constitutionnelle n'a pas
encore tout à fait abdiqué aBoIS foiles espé-
rances. Elle rêve de ressaisir le pouvoir
afin de le partager entre une poignée
d'hommes qui deviendraient en quelque
sorts les fermiers généraux de la France.
Ils seraient les classes dirigeantes ; nous
serions les classes dirigées. Combien de
temps se passerait-il avant de voir éclater
une nouvelle révolution de 1848 ?
L'empire, enfin, se flatte de faire une
fois encore main basse sur la France. n
invoque la prospérité dont eu a joui pen- i
daiit dix-huit ans de son règne. Or, cette
prospérité se traduit par 15 milliards de
dettes, le budget grossi d'un milliard, et la
perte de deux provinces. Je ne parle pas
de la perte de nos libertés.
L'empire, c'est la guerre et l'invasion,
c est la ruine, c'est la honte.
Electeurs,
Voilà 80 ans que vous servez aux expé-
riences d. monarchistes. N'est il pas
temps d'en finir? Voulez-vous courir as-
core à de nouvelles aventures, en vous
prêtant,. comme on vous y invite, à des
essais nouveaux?
La République est fondée ; le pays s'ap-
partient ; yous ne voudrez pas livrer ses .1
N
Feuilleton du XIXe SIECLE du 8 Février 1876
CAUSERIE DRAMATIQUE
Je suis vraiment étonné que, depuis
tantôt cinq ans qu'il a quitté les en-
treprises de spectacles de province et
qu'il vit parmi nous, l'honorable direc-
teur de notre Académie nationale de
musique n'ait pas encore compris que
la question des débuts doit être envi-
sagée tout autrement ici qu'on ne le
fait dans les départements.
Dans une ville de province, si grande,
si importante qu'elle soit, le public,
qui se renouvelle peu, s'intéresse for-
cément aux débuts. Les débuts en effet
viennent seuls jeter un peu de variété
dans des représentations qui ne peu-
vent pas souvent renouveler leur pro-
gramme. En province, ont est habitué
aux exécutions incomplètes : on sait
qu'il n'en peut guère être autrement et
l'on s'en accommode. Mais à Paris,
c'est une autre affairé ; on veut des ar-
tistes tout faits, et l'on préfère la per-
manence d'une troupe supérieure à
toutes ces exhibitions empiriques d'un
intérêt si nul et d'une valeur si incer-
taine.
Il ne faut pas que le directeur de
l'Opéra s'abuse sur la valeur de ce
mot « académie » qui décore le fronton
de ce monument splendide auquel il
doit le plus clair de sa réussite.
Il ne faut pas qu'il croie que cela
puisse signifier un endroit où l'on se
livre à des exercices d'art, où l'on ap-
prend, où l'on s'essaie, en public. Tout
cela doit se faire au dehors, dans les
cours, dans les classes ; mais on ne doit
offrir que des talents éprouvés à des
gens qui ne sauraient se contenter,
pour le prix qu'ils payent, de véritables
exercices de Conservatoire.
C'est pourtant ce qui est arrivé l'au-
tre soir, où l'on nous a produit, dans la
Juive, deux jeunes débutantes : Mlle
Baux n'a jamais mis le pied sur aucun
théâtre et se trouvait pour la première
fois en face du public ; Mlle Vergin sort
de classe.
* Mlle Baux n'est pas sans qualités :
sa voix est agréable, insuffisante dans
les notes élevées, mais sympathique et
fraîche tant qu'elle évite les extrémi-
tés de son registre; Elle a chanté avec
beaucoup de sentiment les couplets in-
tercalés dans le trio qui termine le
deuxième acte :
Pour lui, pour moi, mon père,
J'invoque votre amour.
Mlle Baux est une espérance, je le
veux bien, même je le crois ; mais qu'elle
apprenne d'abord son art en l'exerçant,
en Italie, en province, dans un théâtre
lyrique quelconque, excepté à l'Opéra,
et cela sans préjudice des leçons d'un
professeur choisi et d'un travail person-
nel actif et persévérant, et dans deux
ou trois ans elle nous reviendra en état
d'affronter les grandeurs et les respon-
sabilités redoutables do notre première
scène.
Quant à Mlle Vergin, son début était
absolument inutile à l'Opéra, pour le-
.quel elle n'est point faite : l'exiguïté
de ses moyens devait faire juger tout
de suite que sa place était à l'Opéra-
Comique.
L'opéra de la Juive offre aux yeux
un magnifique spectacle, et l'on ne sau-
rait trop applaudir aux magnificences
de sa mise en scène ; mais, Dieux im-
mortels ! quelle exécution ! La main
sur la conscience, je n'ai jamais rien
entendu de pareil.
J'ai quelques observations microsco-
piques à faire, dont l'objet ne devrait pas
échapper à messieurs les chefs de ser-
vice de l'Opéra, en supposant que celp.
ne soit pas aperçu du directeur, qui, il
est vrai, n'y regarde généralement pas
de très-près. D'abord j'ai été très éton-
né, vu le perfectionnement où l'on est
arrivé pour les choses dé la scène,
d'apercevoir au deuxième acte de la
Juive, à travers le vitrage qui forme
le fond du théâtre, un machiniste souf-
flant dans une pipe à lycopode pour si-
muler des éclairs. On voyait l'homme à
la lueur des innombrables étincelles
qui montaient comme une fumée lumi-
neuse, et ce procédé enfàntin apparais-
sait dans toute sa simplicité. J'ai re-
marqué aussi que les décors ne joi-
gnent pas à leurs angles et que, la
scène étant obscure, les lumières de la
coulisse se voient par les interstices
des châssis.
Et pourquoi la scène est-elle obscùre?
Deux candélabres éclairent la table où
se fait la pâque juive, et il en reste tou-
jours un pendant toute la durée de
l'acte. Pourquoi ne pas profiter de cela
pour monter la rampe, sinon à plein
feu, au moins de façon à éviter au pu-
blic cette impression pénible que cause
toujours la nuit prolongée au théâtre?
Et puis est-il vraisemblable qu'Eiéazar
reçoive la nièce de l'empereur, — qui
circule à ce qu'il paraît la nuit, sans
qu'une seule de ses femmes l'accompa-
gne, — qu'il la reçoive, dis-je dans une
obscurité presque complète, et lui fasse
admirer ses bijoux à l'aveuglette?
Mlle Vergin avait jugé à propos, du
reste, de coiffer cette pauvre princesse
Eudoxie d'une façon que je ne saurais
approuver, et je ne comprends pas que
quelque personne de goût, — il doit y
en avoir à l'Opéra, — ne la lui ait pas
signalée comme défectueuse et inad-
missible.
Mlle Vergin avait eu l'idée de faire
sortir sous son bonnet à la Hennin
une multitude de petites boucles de
cheveux qui foisonnaient sur son front
selon l'usage, peu louable d'ailleurs,
qu'ont adopté les femmes d'aujour-
d'hui.
Les Hennins et les Escoflîons des
quatorzième et quinzième siècles ne
laissaient pas passer la plus petite mè-
che. Les cheveux étaient relevés à la
chinoise sous la coiffure et ne parais-
saient pas plus qu'on ne les voit sous
les cornettes de nos religieuses.
Ne désespérons pas, à la reprise de
Robert-le-Diable, de voir l'abhesse faire
passer sous son bandeau une collection
de frisons désordonnés qui viendront
folâtrer jusque sur ses yeux.
Et puisque nous en sommes aux peti-
tes observations, j'oserai en faire encore
une. Tout le monde a vu avec infiniment
de surprise, pour ne rien dire de plus,
aux obsèques de Frédérick-Lemaître,
le directeur de l'Opéra tenir un des
cordons du poêle et prendre une sorte
de rang officiel dans une cérémonie où
il n'avait que faire, puisque les théâ-
tres lyriques n'y étaient intéressés en
rien. Il en est résulté que ni l'honora-
ble membre de l'Académie-Française,
M. Camilla Doucet, président de la So-
ciété des auteurs dramatiques, ni M.
l'administrateur général de la Comé-
die-Française, fonctionnaire public et
représentant naturel du gouvernement,
n'ont pu, ni dû, réclamer, dans cette cir-
constance, le privilége qui leur appar-
tenait. On a déjà remarqué du reate cet
empressement abusif et peu justifié de
M. le directeur de l'Opéra à se tailler
un rôle dans des solennités publiques
où son titre ne lui attribuerait qu'une
place plus modeste.
Hiérarchiquement, la Comédie-Fran-
çaise prime 1 Opéra, et les présidents
des sociétés artistiques et littéraires
doivent avoir, avant tout, leur place
marquée au premier rang dans les cé-
rémonies qui intéressent l'art et la lit-
térature.
Je n'ai pas l'intention, au sujet de la
pièce d'Emile Augier, que vient de re-
présenter avec tant d'éclat le théâtre
du Vaudeville, de discuter la question
du divorce ; mais aucun critique n'a pu,
en parlant du dernier ouvrage de l'il-
lustre auteur de Gabrielle, se défendre
d'effleurer au moins ce sujet brûlant.
Il n'est même pas, en cette occasion, un
lion catholique qui, à l'encontre de tout
droit et de toute raison, n'ait cru de-
voir mettre en avant le plus mauvais
de tous les arguments qu'on oppose au
rétablissement de l'institution profon-
dément morale et tutélaire du divorce,
je veux parler de l'argument tiré de
la consécration religieuse du mariage
et de l'indissolubilité absolue du lien
imposée par le sacrement.
Il y a là confusion volontaire et ty-
rannique de deux choses parfaitement
distinctes, le temporel et le spirituel,
et c'est une, prétention tout à fait ini-
que que de vouloir opposer une loi re-
ligieuse à un droit purement social.
Le divorce est le corollaire naturel
du mariage civil, comme l'indissolubi-
lité du lien est le corollaire fatal du
mariage religieux, tel qu'il existe au-
jourd'hui.
Or, les prescriptions religieuses ne
peuvent s'imposer qu'à çeux qui profes-
sent la religion d'où elles émanent. Du
moment que le mariage religieux n'est
pas obligatoire, on ne peut pas exiger
que ceux qui n'y ont pas recours soient
enchaînés par les nécessités qu'il im-
pose. Les conditions d'existence de la
société civile ne sauraient être subor-
données atix prescriptions ecclésiasti-
ques, et, si vous dites que la restaura-
tion du divorce dans le code serait un
encouragement à l'iudifférence reli-
gieuse, on peut dire aussi que le di-
vorce, exclu de nos lois au nom d'un
dogme religieux, est une atteinte di-
recte à la liberté de conscience. ,-
Est-il raisonnable et juste qu'un peu-
ple libre subisse des lois faites pour la
satisfaction particulière d'une religion
qu'un grand nombre de citoyens ne
professent point ? 'un
Si le mariage légal est obligatoire b
pour tous les Français, le mariage re- 4
ligieax ne l'est pas, et les gens mariés
civilement n'ont rien à démêler avec *
les obligations qui découlent d'un sa-
crement qu'ils n'ont ni demandé, ni
reçu.
",.
Libre aux catholiques de se marier à *
leur église, après avoir satisfait à la
loi civile, et de ne point user du béné-
fice du divorce, si leur religion leur 4
ordonne d'y renoncer ; mais ils ne peu-
vent pas imposer au reste de leurs
compatriotes une autorité dont ceux-ci
ne. dépendent pas.
Je n'irai pas plus loin : il y en a trop
à dire, et ce n'est pas ici le lieu de par-
ler de ces choses graves. Mon collabo-
rateur Francisque Sarcey a, d'ailleurs,
consacré à cette intéressante question
sa plutiie experte et autorisée : je n'ai
pas la prétention de chasser sur ses
terres.
Donc, M. et Mme Caverlet habitent,
depuis quinze ans une charmante villa -
au bord du Léman, près de Lausanne
Divorcée en Angleterre d'un premier 1
mari, sir Edward Merson, Mme Caver-
let a pu unir sa destinee à celle d'un J
galant homme, auquel elle a apporté f
en dot deux charmants enfants. M. Ca- 1
verlet a adopté Henri et Fanny comme 1
siens et les a élevés, protégés, aimés 1
comme s'il en eût été le véritable père.'
Entourés de li considération S'éné- ;
raie, M. et Mme Caverlet vivent d'une
façon assez retirée et n'oat guère pour
Sixième Année - N- 1533 : - Prix du Numéro à Paris : 15 aentlines - Départements : 20 Centimes
Mardi 8 Février 1STO -,
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", leu
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S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
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., "t '.-J"
Imp. A. CHAIX EX, O, rue Bergère, VI 4 Parit *
BULLETIN
Paris, 7 février 1876.
L'Union conservatrice aura dans l'his-
toire cette ressemblance avec l'empire
d'Alexandre qu'elle n'a duré que quelques
années et qu'elle s'est très-vite divisée
en fractions multiples hostiles les unes
aux autres. Après le Comité central con-
servateur, qu'il ne faut pas confondre
et qui n'aime pas à être confondu avec le
Comité national conservateur, nous at-
tendions le Comité catholique. Il est arrivé,
et son manifeste avec lui.
Il a pris le nom d'Union électorale ca.
tholique. Le manifeste qu'il a publié ne
vise qu'indirectement les questions poli-
queg. Il insiste surtout sur cette grande
question de l'enseignement supérieur que
le parti clérical considère depuis plus de
trente ans comme l'affaire où doit porter
tout son effort. « Maintenir et développer
les conquêtes de la chambre, » voilà pour
le Comité catholique l'objectif principal,
sinon unique, où doivent tendre les élec-
teurs à qui il s'adresse.
Ajoutons-y celui-ci : « Assurer à VEglise
l'indépendance que la Révolution lui con.
testé. » Cette formule, encore que vague,
ne laisgerait pas d'être inquiétante si le
Comité catholique était l'état-major de
gros batailloas. On sait en effet ce que le
parti clérical entend par l'indépendance de
l'Eglise. D'abord, il se garde bien de dire
les Eglises, ou, ce qui serait plus rationnel,
l'indépendance des doctrines et leur libre
manifestation. Ensuite, on sait que par
indépendance de l'Eglise catholique, le
parti dont Y Univers se charge tous les
jours de nous traduire la pensée intime
n'entend nullement la séparation de l'E-
glise et de l'Etat, mais une situation toute
particulière où l'Eglise, tout en continuant
à être rémunérée par l'Etat, ne serait point
tenue d'observer les lois de l'Etat.
Le public a cru lire la note Andrassy.
Si nous en croyons là Gazette de Vienne,
il n'en est rien. Ce jourmal nous prévient
que le texte donné par la Gazette de Co-
logne n'est pas exact, que l'Autriche vou-
lait tenir. secret le texte authentique
jusqu'à la réponse du gouvernement turc,
enfla que, en présence de la publication
faite par la Gazette de Cologne, le gou-
vernement autrichien va se décider à ré-
véler à l'Europe la note célèbre dans sa
teneur officielle. Nous saurons donc bien-
tôt au juste ce que se sont proposé les
puissances, et les commentaires recom-
menceront à nouveau.
La lutte en Espagne semble très-près
de prendre fin, et les bruits de convenio,
qui sont l'indice ordinaire du décourage-
ment des carlistes, ont recommencé à cou-
rir avec une certaine insistance.
■
Le comité national conservateur a
ses raisons pour craindre et détester
M. le préfet de police. Aussi ne som-
mes-nous pas surpris du grand émoi
où le jette la candidature de l'honora-
ble M. Léon Renault dans l'arrondisse-
ment de Corbeil.
Voici ce qui se passe :
Les bonapartistes ont pour candidat
dans ce même arrondissement M. le
prince Alexandre dex Wagram, qui ne
se recommande que par sa parfaite obs-
curité. D'autre part, se posaient les
candidatures de M. Edmond Valentin,
député sortant, dont on connaît les
opinions républicaines, et du préfet de
police, M. Léon Renault.
Or, M. Valentin, nommé sénateur
dans le Rhône, vient d'annoncer aux
électeurs de Corbeil qu'il se désiste en
faveur de M. Léon Renault. M. Léon
Renault est devenu le seul candidat ré-
publicain de la circonscription, et c'est
sur son nom que se doivent réunir les
suffrages, non-seulement des électeurs
républicains de M. Valentin, mais de
tous les conservateurs patriotes par qui
le candidat bonapartiste sera rejeté.
De là l'indignation, voire la fureur
du comité national conservateur et de
ses journaux, qui crient, du plus haut
de leur tête, à l'énormité. Cet appui
donné par M. Edmond Valentin à M.
le préfet de police mettrait le comble,
d'après eux, à l'immoralité républi-
caine.
Le parti de l'appel au peuple a tou-
jours, comme on voit, le mot pour rire.
Nous ne saurions trop louer, quant à
nous, M. Valentin, d'avoir recommandé
aux électeurs républicains M. Léon Re-
nault : 1° parcé que l'honorable préfet
de police est un des adversaires les
plus redoutés de la faction bonapar-
tiste, et l'homme de France qui connaît
le mieux le secret de ses conspirations;
20 parce que M. Léon Renault, dès -le
premier jour où il a posé sa candida-
ture, a pris publiquement des engage-
ments aussi nets que le parti républi-
cain les pouvait souhaiter. Il les a con-
firmés depuis dans des écrits et des dis-
cours dont la fermeté ne s'est nulle
part démentie. - -
- C'est cette attitude qui a autorisé
M. Edmond Valentin à écrire aux élec-
teurs de l'arrondissement de Corbeil :
< Vous pouvez, j'en ai la conviction,
accepter avec une entière sécurité les
déclarations si fermas et si nettes de
l'honorable M. Léon Renault et les
engagements irrévocables (sa parole
d'honnête homme en est un sûr garant)
qu'il contracte envers tous les républi-
cains dont le vote m'eût été acquis. »
Ces déclarations, les voici ; nous les
empruntons à la profession de foi que
M. Renault vient de faire afficher :
Etranger à l'esprit de parti, soucieux au
môme degré des intérêts de l'ordre et de la
liberté, que je n'ai jamais séparés, regardant
la dictature comme également haïssable, sous
quelque nom qu'elle se déguise, qu'elle s'ap-
pelle césarienne ou révolutionnaire, passion-
né seulement pour le bien et l'honneur de
notre patrie, j'ai accepté et je soutiendrais
sans arrière-pensée les institutions républi-
caines que l'Assemblée nationale a fondées, et
dont elle a fait le régime légal du pays,
La France vent l'ordre, la liberté et la paix.
La constitution du 25 février est éminem-
ment propre à lui garantir ces biens pré-
cieux, qui sont indispensables à sa prospé-
rité, à sa dignité, à son existence même.
La clause de révision est, à mes yeux, un
moyen d'améliorer et non de détruire le gou-
vernement de la République. L'interpréter
autrement, c'est se mettre en contradiction
avec l'esprit même de la constitution ; c'est
oublier qu'elle a eu pour but de mettre fin
aux divisions et aux agitations stériles que
l'incertitude sur le principe et la nature du
gouvernement entretenait dans le pays; c'est
affaiblir la France dans le monde, car rien
n'isole davantage un nation que le défaut de
stabilité dans ses institutions polttiquep.
Si vos suffrages me portaient à la Cham-
bre des députés, je travaillerais de toutes
mes forces à établir, sur le terrain de la Ré-
publique, l'alliance étroite de tous ceux qni
veuleai sincèrement restituer à la patrie sa
grandeur et sa force par la pratique de la
discipline dans la liberté.
L'auteur de ces déclarations est
donc devenu nôtre, et nous voyons en
lui un candidat que tout le parti répu-
blicain peut revendiquer. Ce ne sont
pas les voix da nos amis qui lui man-
queront. M. Renault étant soutenu par
les journaux du centre droit, nous sup
posons aussi que les voix dites « con-
servatrices » ne menacent pas de l'a-
bandonner.
Nous supposons. Car, sans remon-
ter jusqu'à l'histoire de ces conserva-
teurs des Hautes-Pyrénées qui préférè-
rent M. Cazeaux à M. Alicot, nous
nous rappelons où les affinités « con-
servatrices » ont entraîné dans les ré-
centes élections sénatoriales le parti
à qui le Soleil et le Journal de Paris
servent d'organes. 1
Dans tous les cas, nous, les républi-
cains, les révolutionnaires, les radi-
caux, comme les publioistes du défunt
centre droit nous appellent, nous au-
rons fait notre devoir, en prouvant une
fois de plus que nos suffrages sont ac-
quis et nos rangs ouverts à tout homme,
fût-il notre adversaire d'hier, qui, en se
ralliant sans ambiguïtés à la Républi-
que, aura fait preuve de bonne vo-
lonté et de bonne foi.
EUQ, LIÉBBRT.
, - •
Il a paru dans les journaux cléricaux et
royalistes un manifeste d'une Union élec-
torale catholique, présidée par un certain
baron de l'Ellpée. Ce masjifefcte n'est que
le développement d'un programme que
M. Louis Veuiliot a souvent formulé. Mail
le piquant de l'affaire, c'est que l'Union
électorale catholique, après cette belle
déclaration de paincipes, s'empresse d'an-
noncer qu'elle ne dressera point de liste de
candidats. Ce qui se comprend de reste ;
les candidats qu'un tel comité pourrait
agréer sont des oiseaux rares, qui se doi-
vent pas foisonner. Seulement, on voudrait
savoir à quoi servira ledit comité ? Sans
candidats ! Voilà la besogne électorale
bien simplifiée.
————————-
Un des Quinze
Hier dimanche, à 2 heures, une réunion
privée à eu lieu chaussée de la Muette,
n° 8, à Passy, 16e arrondhsement.
Les promoteurs principaux de cette réu-
nion étaient MM. Alphand, ingénieur en
chef, directeur des travaux de Paris, ayant
pour coadjuteur M. Bûcheron, dit Saint-
Genest, rédacteur du Figaro.
Après un débat auquel ont pris part
plusieurs notabilités du parti bonapartiste,
la réunion a résolu, à l'unanimité, d'offrir
la candidature à M. Buffet, vice-président
du conseil, ministre de l'intérieur.
M. Buffet acceptera-t ii ? C'est son de-
voir. Ce serait mal à lui de résister aux
instances de M. de Saint-Qenest, qui a
rendu et peut rendre encore tant de servi-
ces au parti « conservateur ». En outre,
M. Buffet comprendra certainement qu'il
ferait une grave injure aux bonapartistes
en n'acceptant point les offres si honora-
bles de M. Alphand, un des organisateurs
du comité plébiscitaire de 1870.
C'est aujourd'hui, croyons-neui, qu'une
démarche doit être faite auprès de M. le
vice-président du conseil pour lui prope-
ser la candidature dans le 16" arrondisse-
ment. Nous espérons avoir dès demain le
plaisir d'annoncer aux républicains la
bonne nouvelle de l'acceptation de M. Buf-
fet. Avoir à combattre du même coup les
bonapartistes, leur protecteur et leur pro-
tégé, quelle aubaine!
:—- + —————————
C'est assez malencontreusement que le
gouvernement a soulevé la question des
fausses nouvelles, et il y a un proverbe
sur les cordes et les pendus dont il eût été
à propos qu'il se souvînt en, cette occur-
rence. Voici, en effet, une nouvelle offi
cielle qui ne date que de quelques jours et
que l'on saura grand gré au Siècle d'aveir
déterrée. Le lundi matin 31 janvier, les
bureaux du ministère de l'intérieur com-
muniquaient aux journaux étrangers les
renseignements suivants : .,
* * Paris, lundi matin.
Le résultat de l'élection d'hier est mainte-
nant à peu près connu. Sur 219 .élus, il se
trouvé 130 candidats fiont le gouvernement a
déclare accepter la candidature, 8 bonapar-
tistes à la candidature, desquel8 le gouverne-
ment ne s'est point intéressé, 63 radicaux ou
républicains, et 15 membres qui doivent être
classés dans le centre gauche.
Il faut avouer que si leM journaux étran-
gers n'ont pas eu d'autre source d'infor-
mation que celle-là, ils ont dû donner à
leurs lecteurs une idée quelque peu fantas-
tique de la composition du Sénat français.
Mais si le renseignement est contestable,
les appréciations sont dignes du plus vif
intérêt. « Huit bonapartistes à la candida-
ture desquels le gouvernement se s'est
point intéressé. » N'est-ce pas curieux et
propre à inspirer des réflexions intéres-
santes ? Il est constant, en effet, malgré l'é-
chec général des bonapartistes, que le
parti de l'appel au peuple a ramassé quel-
ques. trente-cinq sièges. Mettons trente, si
vous voulez. Or, le gouvernement; déclare
que sur ces trente, il y en avait jusqu'à
huit « au succès desquels il ne s'intéres-
sait pas. » Il est donc acquis à l'histoire
que 22 candidats bonapartistes avaient su
conquérir les bonnes grâces du gouverne-
ment, et que le gouvernement « s'intéres-
sait à leur candidature. »
Et remarquez que le gouvernement ne
fait mention iei que deg candidats bonapar-
tistes qui ont réussi. Si l'on considère l'en-
semble des candidatures bonapartistes, qui
allaient bien à 150, on est autorisé à penser
que la proportion est la même, et que sur
150 par exemple,il n'y en avait guère qu'une
quarantaine de bonapartistes auxquels le
gouvernement ne s'intéresïât point. Ceci
est une notion dont personne ne se dissimu-
lera l'importance. On tI'est demandé bien
des fois dans quelle mesure M. Buffet était
constitutionnel, et jusqu'à quel point il
était bonapartiste. Pour s'éc'airer sur ce
point on a consulté ses discours, qui ont le
tort de n'être pas toujours clairs, et le
Français qui a l'adresse de n'être pas tou-
jours franc.
Désormais nous avons un document d'une
netteté suprême qui permet d'établir avec
une rigueur mathématique de quels élé-
ments se compose M. le vice-président du
conseil et dans quelles proportions cha-
cun de ces éléments contribue à former sa
précieuse personnalité. M. Buffet se com-
pose de trois parties de bonapartisme tt
d'une partie de. Ah ! ceci et plus difficile
à définir. Car je vois, toujours dans la
note en question, que 130' élus sont consi-
dérés comme ministériels et 15 comme
centre gauche. Il appert de ceci que tout
C3 qui est centre gauche est anti ministé-
riel, ainsi que la célèbre réplique de M.
Buffet à M. Christophle l'avait déjà nette-
ment indiqué.
Il devient très-diffiiile de savoir de quel
élément est formé la quatrième partie de
M. Buffet. Jusqu'à plus ample informé,
tout ce qu'on sait de M. Buffet, c'est qu'on
peut le considérer comme un trois-quarts
de bonapartiste. C'est donc avec raison
qu'il s'est insurgé quelquefois contre ceux
qui l'accusaient d'être un bonapartiste
complet. Nous ne manquerons pas désor-
mais d'observer cette nuance, et si l'on af-
fecte devant nous de confondre M. Buffet
avec M. Rouher, nous nous empresserons
de faire remarquer que M. Rouher est
l'unité, mais que M. Buffet n'est tout au
plus que 0,75. À
: FABRICE.
—
Voici le procès-verbal de la réunion publi-
que qui a eu lieu hier à l'Isle-Adam (lre cir-
conscription de l'arrondissement de Pantoise
(Seine-et-Oise), où se présente notre collabo-
rateur M. Schnerb.
Une réunion publique électorale, compo-
sée de quatre à cinq cents personnes, a eu
lieu hier dimanche à l'Isle-Adam. Elle avait
pour but de donner au^: candidats à la dé-
putation dans la pe circonscription électo-
rale de l'arrondissement de Pontoise le
moyen d'exposer leurs idées politiques. —
A cette réunion, avaient été convoqués M.
Delacour, conseiller général du canton de
Mannes, M. S ;hoerb, l'un des rédacteurs
du XIXe Siècle, et M. Eugène Rendu, con-
seiller général du canton 3e Pootoi c, dont
les candidatures avaient été annoncées.
M. Rendu, qui avait promis d'assister à
plusieurs réunions organisées pour aujour-
d'hui même, dans le canton de Marines, a
fait excuser ton absence par une lettre
dont lecture a été donnée à l'assemblée.
M. Delacour a donné connaissance de sa
profession de foi républicaine, dont l'assem-
blée a accueilli les conclusions. Et M.
Schnerb, après avoir fait une franche dé-
claration des principes républicains sur
lesquels il foc de sa candidature, a répondu
avec une netteté que les électeuis présents
ont vivement appréciée aux diverses ques-
tions qui lui ont été posées. Il a rappelé
cette liquidation du deuxième empire, qui
s'est terminée par hi perte de nos mil
liards et de deux de nos provinces. Il
a été surtout viv?n- ant applaudi quand,
faisant allusion, u. ± sombres journées de
décembre 1851, il a rappelé l'origine de
cette période gouvernementale qui n'a
paru se préoccuper que de la prospérité
matérielle du pays, sans songer à l'affaisse-
ment moral qu'elle produisait de jeur en
jour pour aboutir aux désastres de 1870.
En somme, la candidature de M. Schnerb
a été favorablement accueillie.
MM. Delacour et Schnerb ont ensuite
pris rengagement mutuel, — en cas de bat-
lottage, — de se désister en laveur de celui
d'entre eux qui aurait le plus grand nom-
bre de voix, pour assurer, abstraction
faite de leurs personnes, le succès de la
candidature républicaine.
Pour le bureau :
Le président,
L. Buy.
Dans la réunion dont ou vient de lire le
compte rendu, M. Schnerb a donné lecture de
la profession de foi qu'il adrdsse aux élec-
teurs. En voici le texte : * Il
Mes chers concitoyens, 1
La France a nommé un Sénat républi-
cain; elle va élire une seconde Chambre
décidée à m&inteair la République issue
de la constitution du 25 février, à l'amé- ,
liorer s'il est possible, à la défendre, s'il en
était besoin. j
Comme publiciste, je sers depuis six ans
la cause républicaine, et je sollicite de vos
suffrages l'honneur de la servir plus acti-
vement encore, comme député, par ma •
parole et par mes votes.
Mon programme n'est point de ceux que
fait surgir la période électorale : improvi-
sés la veille, oubliés le lendemain. Il ré-
sulte de mes écrits de chaque jour et se ré-
sume en quelques mots : ----. j
Ni révolutioBs, ni réaction. » *»r
La paix au dedans, la paix au dehors.
Sur le terrain des principes, une fer-
meté inébranlable; sur le terrain de la
pratique, un esprit de conciliation aussi
largo que possible, pourvu que 4e8 inté-
rêts du pays n'en faMsent point les
frais. r- ■ « r ( - ,¡
-
En financés :. l'économie, par un con-
trôle sévère et incessant; la recherche
d'un système d'impôts qui ne fasse pas pe-
ser les trois quarts des charges publiques
sur la production, la circulation et la con-
sommation. ;n ft'r,
En religion: la tolérance envers chacun, *
la liberté pour tous ; l'Etat protecteur de
toutes les croyances; toutes les Eg liael
subordonnées à l'Etat. -., ,
Faut-il ajouter que je n'ai jamais cessé,
que je ne cesserai jamais de réclamer
l'instruction obligatoire, gratuite et laï-
que ?
Enfin je ne saurais oublier les intérêts
de l'agriculture, qui est la fortune et L'hon-
neur de cet arrondissement. Ils trouveront;"
en moi un défenseur attentif et persévé- *
rant. '-'r'
Voilà mon programme. La RépubliqueT
seule peut le réaliser.
Au surplus, quelle autre forme de gou- J
vernement serait désormais possible en ?
France ?
La monarchie légitime est morte. Sa
résurrection serait ua retour au régrim8-
qui a enfanté les Révolutions de 1789 et
de 1830.
La monarchie constitutionnelle n'a pas
encore tout à fait abdiqué aBoIS foiles espé-
rances. Elle rêve de ressaisir le pouvoir
afin de le partager entre une poignée
d'hommes qui deviendraient en quelque
sorts les fermiers généraux de la France.
Ils seraient les classes dirigeantes ; nous
serions les classes dirigées. Combien de
temps se passerait-il avant de voir éclater
une nouvelle révolution de 1848 ?
L'empire, enfin, se flatte de faire une
fois encore main basse sur la France. n
invoque la prospérité dont eu a joui pen- i
daiit dix-huit ans de son règne. Or, cette
prospérité se traduit par 15 milliards de
dettes, le budget grossi d'un milliard, et la
perte de deux provinces. Je ne parle pas
de la perte de nos libertés.
L'empire, c'est la guerre et l'invasion,
c est la ruine, c'est la honte.
Electeurs,
Voilà 80 ans que vous servez aux expé-
riences d. monarchistes. N'est il pas
temps d'en finir? Voulez-vous courir as-
core à de nouvelles aventures, en vous
prêtant,. comme on vous y invite, à des
essais nouveaux?
La République est fondée ; le pays s'ap-
partient ; yous ne voudrez pas livrer ses .1
N
Feuilleton du XIXe SIECLE du 8 Février 1876
CAUSERIE DRAMATIQUE
Je suis vraiment étonné que, depuis
tantôt cinq ans qu'il a quitté les en-
treprises de spectacles de province et
qu'il vit parmi nous, l'honorable direc-
teur de notre Académie nationale de
musique n'ait pas encore compris que
la question des débuts doit être envi-
sagée tout autrement ici qu'on ne le
fait dans les départements.
Dans une ville de province, si grande,
si importante qu'elle soit, le public,
qui se renouvelle peu, s'intéresse for-
cément aux débuts. Les débuts en effet
viennent seuls jeter un peu de variété
dans des représentations qui ne peu-
vent pas souvent renouveler leur pro-
gramme. En province, ont est habitué
aux exécutions incomplètes : on sait
qu'il n'en peut guère être autrement et
l'on s'en accommode. Mais à Paris,
c'est une autre affairé ; on veut des ar-
tistes tout faits, et l'on préfère la per-
manence d'une troupe supérieure à
toutes ces exhibitions empiriques d'un
intérêt si nul et d'une valeur si incer-
taine.
Il ne faut pas que le directeur de
l'Opéra s'abuse sur la valeur de ce
mot « académie » qui décore le fronton
de ce monument splendide auquel il
doit le plus clair de sa réussite.
Il ne faut pas qu'il croie que cela
puisse signifier un endroit où l'on se
livre à des exercices d'art, où l'on ap-
prend, où l'on s'essaie, en public. Tout
cela doit se faire au dehors, dans les
cours, dans les classes ; mais on ne doit
offrir que des talents éprouvés à des
gens qui ne sauraient se contenter,
pour le prix qu'ils payent, de véritables
exercices de Conservatoire.
C'est pourtant ce qui est arrivé l'au-
tre soir, où l'on nous a produit, dans la
Juive, deux jeunes débutantes : Mlle
Baux n'a jamais mis le pied sur aucun
théâtre et se trouvait pour la première
fois en face du public ; Mlle Vergin sort
de classe.
* Mlle Baux n'est pas sans qualités :
sa voix est agréable, insuffisante dans
les notes élevées, mais sympathique et
fraîche tant qu'elle évite les extrémi-
tés de son registre; Elle a chanté avec
beaucoup de sentiment les couplets in-
tercalés dans le trio qui termine le
deuxième acte :
Pour lui, pour moi, mon père,
J'invoque votre amour.
Mlle Baux est une espérance, je le
veux bien, même je le crois ; mais qu'elle
apprenne d'abord son art en l'exerçant,
en Italie, en province, dans un théâtre
lyrique quelconque, excepté à l'Opéra,
et cela sans préjudice des leçons d'un
professeur choisi et d'un travail person-
nel actif et persévérant, et dans deux
ou trois ans elle nous reviendra en état
d'affronter les grandeurs et les respon-
sabilités redoutables do notre première
scène.
Quant à Mlle Vergin, son début était
absolument inutile à l'Opéra, pour le-
.quel elle n'est point faite : l'exiguïté
de ses moyens devait faire juger tout
de suite que sa place était à l'Opéra-
Comique.
L'opéra de la Juive offre aux yeux
un magnifique spectacle, et l'on ne sau-
rait trop applaudir aux magnificences
de sa mise en scène ; mais, Dieux im-
mortels ! quelle exécution ! La main
sur la conscience, je n'ai jamais rien
entendu de pareil.
J'ai quelques observations microsco-
piques à faire, dont l'objet ne devrait pas
échapper à messieurs les chefs de ser-
vice de l'Opéra, en supposant que celp.
ne soit pas aperçu du directeur, qui, il
est vrai, n'y regarde généralement pas
de très-près. D'abord j'ai été très éton-
né, vu le perfectionnement où l'on est
arrivé pour les choses dé la scène,
d'apercevoir au deuxième acte de la
Juive, à travers le vitrage qui forme
le fond du théâtre, un machiniste souf-
flant dans une pipe à lycopode pour si-
muler des éclairs. On voyait l'homme à
la lueur des innombrables étincelles
qui montaient comme une fumée lumi-
neuse, et ce procédé enfàntin apparais-
sait dans toute sa simplicité. J'ai re-
marqué aussi que les décors ne joi-
gnent pas à leurs angles et que, la
scène étant obscure, les lumières de la
coulisse se voient par les interstices
des châssis.
Et pourquoi la scène est-elle obscùre?
Deux candélabres éclairent la table où
se fait la pâque juive, et il en reste tou-
jours un pendant toute la durée de
l'acte. Pourquoi ne pas profiter de cela
pour monter la rampe, sinon à plein
feu, au moins de façon à éviter au pu-
blic cette impression pénible que cause
toujours la nuit prolongée au théâtre?
Et puis est-il vraisemblable qu'Eiéazar
reçoive la nièce de l'empereur, — qui
circule à ce qu'il paraît la nuit, sans
qu'une seule de ses femmes l'accompa-
gne, — qu'il la reçoive, dis-je dans une
obscurité presque complète, et lui fasse
admirer ses bijoux à l'aveuglette?
Mlle Vergin avait jugé à propos, du
reste, de coiffer cette pauvre princesse
Eudoxie d'une façon que je ne saurais
approuver, et je ne comprends pas que
quelque personne de goût, — il doit y
en avoir à l'Opéra, — ne la lui ait pas
signalée comme défectueuse et inad-
missible.
Mlle Vergin avait eu l'idée de faire
sortir sous son bonnet à la Hennin
une multitude de petites boucles de
cheveux qui foisonnaient sur son front
selon l'usage, peu louable d'ailleurs,
qu'ont adopté les femmes d'aujour-
d'hui.
Les Hennins et les Escoflîons des
quatorzième et quinzième siècles ne
laissaient pas passer la plus petite mè-
che. Les cheveux étaient relevés à la
chinoise sous la coiffure et ne parais-
saient pas plus qu'on ne les voit sous
les cornettes de nos religieuses.
Ne désespérons pas, à la reprise de
Robert-le-Diable, de voir l'abhesse faire
passer sous son bandeau une collection
de frisons désordonnés qui viendront
folâtrer jusque sur ses yeux.
Et puisque nous en sommes aux peti-
tes observations, j'oserai en faire encore
une. Tout le monde a vu avec infiniment
de surprise, pour ne rien dire de plus,
aux obsèques de Frédérick-Lemaître,
le directeur de l'Opéra tenir un des
cordons du poêle et prendre une sorte
de rang officiel dans une cérémonie où
il n'avait que faire, puisque les théâ-
tres lyriques n'y étaient intéressés en
rien. Il en est résulté que ni l'honora-
ble membre de l'Académie-Française,
M. Camilla Doucet, président de la So-
ciété des auteurs dramatiques, ni M.
l'administrateur général de la Comé-
die-Française, fonctionnaire public et
représentant naturel du gouvernement,
n'ont pu, ni dû, réclamer, dans cette cir-
constance, le privilége qui leur appar-
tenait. On a déjà remarqué du reate cet
empressement abusif et peu justifié de
M. le directeur de l'Opéra à se tailler
un rôle dans des solennités publiques
où son titre ne lui attribuerait qu'une
place plus modeste.
Hiérarchiquement, la Comédie-Fran-
çaise prime 1 Opéra, et les présidents
des sociétés artistiques et littéraires
doivent avoir, avant tout, leur place
marquée au premier rang dans les cé-
rémonies qui intéressent l'art et la lit-
térature.
Je n'ai pas l'intention, au sujet de la
pièce d'Emile Augier, que vient de re-
présenter avec tant d'éclat le théâtre
du Vaudeville, de discuter la question
du divorce ; mais aucun critique n'a pu,
en parlant du dernier ouvrage de l'il-
lustre auteur de Gabrielle, se défendre
d'effleurer au moins ce sujet brûlant.
Il n'est même pas, en cette occasion, un
lion catholique qui, à l'encontre de tout
droit et de toute raison, n'ait cru de-
voir mettre en avant le plus mauvais
de tous les arguments qu'on oppose au
rétablissement de l'institution profon-
dément morale et tutélaire du divorce,
je veux parler de l'argument tiré de
la consécration religieuse du mariage
et de l'indissolubilité absolue du lien
imposée par le sacrement.
Il y a là confusion volontaire et ty-
rannique de deux choses parfaitement
distinctes, le temporel et le spirituel,
et c'est une, prétention tout à fait ini-
que que de vouloir opposer une loi re-
ligieuse à un droit purement social.
Le divorce est le corollaire naturel
du mariage civil, comme l'indissolubi-
lité du lien est le corollaire fatal du
mariage religieux, tel qu'il existe au-
jourd'hui.
Or, les prescriptions religieuses ne
peuvent s'imposer qu'à çeux qui profes-
sent la religion d'où elles émanent. Du
moment que le mariage religieux n'est
pas obligatoire, on ne peut pas exiger
que ceux qui n'y ont pas recours soient
enchaînés par les nécessités qu'il im-
pose. Les conditions d'existence de la
société civile ne sauraient être subor-
données atix prescriptions ecclésiasti-
ques, et, si vous dites que la restaura-
tion du divorce dans le code serait un
encouragement à l'iudifférence reli-
gieuse, on peut dire aussi que le di-
vorce, exclu de nos lois au nom d'un
dogme religieux, est une atteinte di-
recte à la liberté de conscience. ,-
Est-il raisonnable et juste qu'un peu-
ple libre subisse des lois faites pour la
satisfaction particulière d'une religion
qu'un grand nombre de citoyens ne
professent point ? 'un
Si le mariage légal est obligatoire b
pour tous les Français, le mariage re- 4
ligieax ne l'est pas, et les gens mariés
civilement n'ont rien à démêler avec *
les obligations qui découlent d'un sa-
crement qu'ils n'ont ni demandé, ni
reçu.
",.
Libre aux catholiques de se marier à *
leur église, après avoir satisfait à la
loi civile, et de ne point user du béné-
fice du divorce, si leur religion leur 4
ordonne d'y renoncer ; mais ils ne peu-
vent pas imposer au reste de leurs
compatriotes une autorité dont ceux-ci
ne. dépendent pas.
Je n'irai pas plus loin : il y en a trop
à dire, et ce n'est pas ici le lieu de par-
ler de ces choses graves. Mon collabo-
rateur Francisque Sarcey a, d'ailleurs,
consacré à cette intéressante question
sa plutiie experte et autorisée : je n'ai
pas la prétention de chasser sur ses
terres.
Donc, M. et Mme Caverlet habitent,
depuis quinze ans une charmante villa -
au bord du Léman, près de Lausanne
Divorcée en Angleterre d'un premier 1
mari, sir Edward Merson, Mme Caver-
let a pu unir sa destinee à celle d'un J
galant homme, auquel elle a apporté f
en dot deux charmants enfants. M. Ca- 1
verlet a adopté Henri et Fanny comme 1
siens et les a élevés, protégés, aimés 1
comme s'il en eût été le véritable père.'
Entourés de li considération S'éné- ;
raie, M. et Mme Caverlet vivent d'une
façon assez retirée et n'oat guère pour
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