Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1876-02-02
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 02 février 1876 02 février 1876
Description : 1876/02/02 (A6,N1517). 1876/02/02 (A6,N1517).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/03/2013
Sixième Axinée - N° 1517
1
Prix du Numéro à Paris : 15 Centimes — Départements : 20 Centimes
Mercredi 2 février 1876
- - - -
E
1 ✓'- À JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
.-' RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
63, rue de Lafayeite* 53
Les lettres non affranchies seront refusées
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 13 fr.
Six mois. 25
Un an 50
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 16 fr
Six mois. 32
Un an 62
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Rédacteur en chef-Gérant : E. ABOOT 1 -
ADMINISTRATION -'
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
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les - manuscrits non insérés ne seront pas rendus
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Un an ii i. 62
Annonaetl, chez MM. LAGRANGB. CERF et C"
0, place de la Bonne, a
Imp. A. CHAIX ET C", rue BerGers. M. à Paris
BULLETIN
Paris, 2 février 1876.
L'opinion publique, en France, est en-
core sous le coup de l'événement de di-
manche. Les résultats de l'élection sont
commentés avec passion, mais plus com.
mentéi que discutés. Sauf quelques excen-
tricités arithmétiques, les journaux rac-
cordent en lomme à reconnaître que, si les
élus républicains ont été en minorité au
scrutin de dimanche, le parti, grâce aux
sénateurs inamovibles, est incontestable-
ment en majorité dans la nouvelle Àu-em-
blée. Aussi les regards en arrière et les
doléances rétrospectives ne manquent point
dans la presse réactionnaire de toutes
nuances. Nous n'avons aucune consolation
à offrir aux amis mal consolés de M. de
Broglie et aux amis désolés de M. Buffet.
Ce n'e&t pas la gauche qui a mis en avant
l'idée d'une partie du Sénat nommée par
l'Ai-semblée nationale. Le centre droit a
eu encore une fois une conception qui s'est
tournée contre lui. L'habitude qu'il a de
cette sorte d'aventures eit la seule chose
qui puisse la lui faire supporter avec phi-
losophie.
Quant aux bonapartistes, qui sont,
quoiqu'ils en disent, les vaincus d'avant-
hier les plus vaincus, nous ne songeons
pas à dissimuler la joie que nous cau-
sent et leur défaite, et la mélancolie
qui perce à travers lés félicitations qu'ils
s'adressent. Nos lecteurs trouveront plus
loin un résumé des jugements de la presse
française sur le grand acte national du 30
janvier 1870.
Les nouvelles d'Espagne sont de plus en
plus importantes, et de jour en jour le
cercle ie resserve davantage autour des
derniers défenseurs de la cause carliste.
La note Andrauy n'a pas encore été pré-
sentée au gouvernement turc. La remise en
est, bien entendu, indiquée par toutes les
informations comme imminente.
+
161 républicains constitutionnels
contre 139 monarchistes de toutes
nuances ; telle sera la composition de
la Chambre haute. Sur ce point tout le
monde est d'accord, et cette fois, du
moins, les statisticiens les plus fantai-
sistes de la réaction ont renoncé à tra-
vestir la vérité. Ils avouent que peut-
être ils avaient chanté trop tôt victoire
après l'élection des délégués, et ils re-
connaissent que les républicains n'ont
pas tort de se réjouir. Mais ils se hâ-
tent d'ajouter que les conservateurs,
eux aussi, ont lieu d'être satisfaits,
car la majorité du Sénat, pour républi-
caine qu'elle soit, est également con-
servatrice. C'est se tirer galamment
d'embarras ; et nous ne contredirons
certes pas à cette appréciation. On re-
connaît enfin que sous le gouvernement
de la République, conservateur et ré
publicain sont deux termes synonymes.
Nous n'avons jamais dit autre chose et
tout est pour le mieux.
Dans ces 161 voix que nous portons
à notre actif figurent environ 15 voix
d'anciens monarchistes, devenus de sin-
cères constitutionnels. Si l'on ne veut
tenir compte que des voix purement
républicaines, on arrive encore à 2 voix
de majorité contre les monarchistes
réunis.
On dira que deux voix de majorité,
c'est bien peu. Soit ; on ne nous croi-
rait pas, d'ailleurs, si nous prétendions
que nos désirs n'allaient point au-delà.
Mais c'est assez, quand cette majo-
rité est compacte, homogène, animée
des mêmes intentions, fermement ré-
solue à marcher vers le même but ;
c'est assez pour anéantir les espéran-
ces de ceux qui voyaient surtout dans
le Sénat un instrument dont le pouvoir
exécutif pourrait user à sa guise con-
tre la seconde Chambre ; c'est assez
pour empêcher une dissolution qui au-
rait pour unique motif l'impossibilité
de trouver dans la Chambre des dépu-
tés les éléments d'une majorité du 24
mai ; c'est assez pour que si le chef de
l'Etat venait à user -de sa prérogative
en demandant la révision constitution-
nelle, cette révision eût lieu dans le
sens républicain. Il fut un temps, en-
core peu éloigné, où les républicains
bornaient leurs désirs à la formation
d'une majorité assez considérable dans
la seconde Chambre pour qu'elle an-
nihilât la majorité monarchique, dont
on avait lieu de craindre l'entrée au
Sénat. Aujourd'hui, non seulement cette
crainte est écartée, mais il est évi-
dent que le Sénat réuni à la Cham-
bre des déput,és grossira sa majorité
républicaine au lieu de l'amoindrir.
Une autre appréhension dominait les
esprits. Les bonapartistes avaient tant
et si bien répété sur tous les tons qu'eux
seuls étaient de force à lutter contre les
républicains, on les savait, en outre,
si avant dans les bonnes grâces de
l'administration qu'on pouvait craindre
de leur voir obtenir une imposante mi-
norité. Il n'en est rien. Leurs comités
de comptabilité ont eu beau continuer
leur besogne d'embauchage et de cor-
ruption sous l'œil bienveillant de M.
Buffet, ils ont éehoué piteusement. Si
bien que la minorité monarchiste du
Sénat est calquée sur celle de l'Assem-
blée df"ne, Toutes les nuances s'y
(ft.eprésentées sans que l'une
puisse prétendre absorber l'autre; elles
se paralysent réciproquement.
Il n'en est pas moins certain que les
conservateurs vraiment dignes de ce
nom, ceux qui ont cru ou croient en-
core sincèrement au péril social, doi-
vent être rassurés. Le Sénat, acquis à
la République, l'est en même temps à
la politique qui l'a fondée. Ni révolu-
tion, ni réaction, voilà ce que signi-
fient très-nettement les élections du 30
janvier, et ce que signifiait aussi le
vote du 25 février. C'est pour ne l'a-
voir pas compris que M. Buffet et ses
amis sè sont fait battre dans les élec-
tions sénatoriales, dans l'Assemblée et
dans le pays.
Cette savante machine de guerre in-
ventée par les orléanistes contre les
républicains a tourné à l'avantage des
républicains contre les orléanistes. A
peine si 25 des leurs ont obtenu un
siège dans ce Sénat qu'ils avaient
Si bien préparé à leur intention. Sic
vos non vobis ! Et encore combien d'or-
léanistes, comme M. de Broglie et M.
Lambert Sainte-Croix, ne doivent leur
succès qu'à l'appui des bonapartistes !
Cette constatation suffirait à mettre en
relief la victoire considérable des ré-
publicains, surtout si l'on tient compte
des obstacles réputés insurmontables,
des difficultés de tout genre, naturelles
ou suscitées à dessein, qu'ils avaient
à combattre.
Tout d'abord, le mécanisme électoral
inventé tout exprès par les orléanistes
pour ce qu'ils croyaient les besoins de
la cause. Il n'est pas besoin de revenir
sur les inégalités choquantes inscrites
dans cette loi des élections sénato-
riales, où le vote de la plus humble
commune compense celui de la plus
populeuse cité. Qu'est cela en compa-
raison de la lutte que les républicains
ont eu à soutenir contre M. Buffet et
ses innombrables agents, Contre M.
Buffet, qu'on a vu combattre ouverte-
ment les hommes les plus modérés,
mais partisans de la constitution ré-
publicaine, en faveur des hommes les
plus violents, mais ennemis déclarés de
nos institutions ! Et nous ne parlons ni de
l'abus scandaleux qu'on a fait du nom du
chef de l'Etat, ni des manœuvres des
préfets à poigne, devenus, pour la cir-
constance, des préfets à rastels, lunchs,
banquets et agapes. Entre deux tours
de scrutin, les préfets « sablaient le
Champagne » avec une partie des élec-
teurs, tandis que les républicains fai-
saient appel au patriotisme des autres.
Combien d'estomacs les préfets ont-ils
réussi à conquérir de la sorte ? Nous ne
savons ; ét qu'importe, puisque les ré-
publicains ont eu assez d'influence sur
le cœur des vrais patriotes pour obte-
nir d'eux qu'ils missent à néant les pro-
jets des factieux, les espérances des
fourbes, les intrigues de tous les en-
nemis de l'ordre et de la liberté, de la
paix et de la République ?
Vienne maintenant le 20 février ; la
France montrera une fois de plus
qu'elle n'est pas moins conservatrice
que républicaine ; et les plus audacieux
comprendront peut-être enfin que ce
ne serait plus une folie seulement,
mais un crime, de persévérer da-
vantage dans une politique de com-
bat deux fois jugée, deux fois condam-
née solennellement devant les deux
degrés de la juridiction nationale.
E. SCHNERB.
♦ •' •
On comprend aisément la mine allongée
que font les bonapartistes quand on jette
un rapide coup d'œil sur le salon des
Refusés. Les revenants de l'impérialisme
ont piteusement échoué, pour la plupart,
comme le démontre la rapide nomencla-
ture suivante :
Parmi les anciens députés officiels, habi-
tués à rencontrer plus d'obéissance dans la
population : MM. Bournat, de Colbert-
Chabannais, Chagot, Jérôme de Champa-
gny, Charlemagne, de Corberon, Darblay,
Delavau, Dollfus, Justin Durand, Frémy,
de Foùrment, Guillaumin, Joliot, Jour-
daio, Lacroix Saint-Pierre, Morin, Nouai -
hier, de Plancy, Peyrusse, Rouxin, Terme.
Le bonapartisme avait convoqué les an-
ciens préfets à poigne pour ramener à lui
l'enthousiasme, et MM. Cornuau, Le Pro-
vost de Launay, Levert, baron Servatius,
même de Saint-Paul, sont restés sur le car-
reau.
Il a tué sous lui :
Trois vieux sénateurs, MM. d'Albuféra,
Boinvilliers, général Mellipet.
Ciaq généraux : Allard, ancien conseil-
ler d'Etat, Ameil, Clapier, de Gondrecourt,
Pajol, aide de camp de Napoléon III.
Des anciens diplomates, MM. de Mos-
bourg et de Malaret ; des anciens conseil-
lers d'Etat, MM. Cornudet et Vernier ; M.
Assezat de Bouteyre, ancien procureur im-
périal ; M. de Clermont-Tonnerre, ex-offl -
cier d'ordonnance de Napoléon III ; M. Le-
vainviUe, ex-précepteur du petit prince ;
maître- Lachaud, l'avocat officiel du parti.
Enfin, sept anciens miniitres: MM. Bus-
son-Billault, H. Chevreau, Duruy, Grand-
perret, Gressier, Louvet, et. Buffet.
On serait navré à moins !
- —
On lit dans un organe de la droite, l'U-
nion : ..,
M. Thiers aura été encore une fois bon
prophète en sa vie : le 24 mai, il prédit à M.
le due de Broglie que lui, fils de son père le
Libéral, il serait bientôt le protégé de l'em-
pire.
M. le due de Broglie a été élu hier séna-
teur dans l'Eure avec la permission et le con-
coura des bonapartistes.
On lit dans un autre organe de la droite,
le Français :
La déroute des bonapartistes a dépassé no-
tre attente; ce parti vient le dernier, bien
loin derrière le centre droit et la droite.
C'est un résultat heureux, d'autant nlus
heureux que presque partout, dans l'Eure
etc., ils oat été battus non par des candidats
de gauche, mais par dqs conservateurs et des
constitutionnels.
Quand on songe que la France entière
connaît, à l'heure présente, le succès de la
liste « la Roacière le Noury - de Broglie, »
on ne peut se défendre d'une certaine ad-
miration pour le cynisme du Français.
Le succès du parti constitutionnel et
épublicain est confessé par tous nos
adversaires. Aussi bien il aura suffi à
nos lecteurs du classement que nous
avons donné hier pour le constater. Si
nous avons péché, on a pu se convain-
cre que c'est plutôt par scrupule ex-
cessif. Quoi qu'il en soit, des trois cents
membres du Sénat, plus de Ja moitié
nous sont acquis; dès à présent, 160
voix, au bas mot, repousseraient
tout essai de révision monarchiste, et
l'on peut vraiment dire que la majorité
du Sénat est conservatrice, puisqu'elle
est opposée à tout changement du ré-
gime établi. En face de cette majorité
républicaine les anciens partis comptent
environ 135 ou 140 représentants, dont
une trentaine de légitimistes purs, une
soixantaine de ces monarchistes sans
but qui, dans l'ancienne Assemblée,peu-
pi aient les bancs de la droite modérée
et du centre droit, et trente-cinq bona-
partistes au plus, car ce dernier parti,
qui d'avance criait ses victoires, porte
aujourd'hui le poids de multiples dé-
faites.
A n'apprécier le nouveau Sénat que
pour sa valeur intrinsèque, il est donc
certain que nous avons grandement
sujet de nous réjouir. On l'a comparé
bien des fois à une forteresse dominant
toute la situation politique. Forteresse,
en effet; or, nous l'occupons, nous en
sommes maîtres, et la citadelle d'où les
aneiens partis prétendaient nous bom-
barder bientôt nous appartient. Si no-
tre majorité dans le Sénat n'est pas
aussi nombreuse que nous l'aurions
voulu, du moins elle est solide; et nous
ajouterons qu'elle peut s'accroître aux
dépens d'une minorité divisée, à qui
manqueront la direction et le courage.
Ce ne sont ni les bonapartistes ni les lé-
gitimistes purs que nous espérons rame-
ner à nous ; mais est-il impossible que
nous fassions quelques recrues parmi
ces monarchistes attiédis pour qui cha-
que jour une espérance, une illusion se
dissipe, et qui seront enfin forcés de
reconnaître que la France n'a plus de
salut que dans le gouvernement répu-
blicain ? Le souvenir du récent passé
nous doit entretenir dans cette espé-
rance. Le parti républicain ne formait,
à Bordeaux, dans l'Assemblée de 1871,
qu'une minorité bien faible en face de
la majorité monarchiste, qui n'était
point alors divisée comme on l'a vue
depuis. C'est cette même Assemblée
cependant qui a fondé, en 1875, la
République ; et c'est elle encore dont
le testament politique, pour ainsi dire,
a été l'abandon du premier quart du
Sénat aux républicains. Si l'Assemblée
de 1871, où les républicains étaient en
minorité, a fait ces choses, que ne
pouvons-nous pas attendre du Sénat
de 1876, où, dès aujourd'hui, la majo-
rité est manifestement à nous ?
Qu'on tourne les yeux maintenant
sur le pays et qu'on examine le scrutin
d'avant-hier, on ne pourra point ne
pas être frappé des progrès décisifs,
immenses, que la cause de la Républi-
que a faits dans les esprits. Il ne faut
pas oublier un instant que les séna-
teurs sont avant tout les élus des cam-
pagnes. La loi sur l'élection du Sénat,
dont certes nous n'aurions jamais eu
l'idée, mais que nous avons acceptée,
n'a eu d'autre but que de faire prédo-
-miner dans des proportions inouïes l'é-
lément rural, réputé par certains le
plus conservateur, parce qu'il est en
réalité le moins éclairé. Le premier
jour où cette loi fut proposée, elle excita
une stupéfaction générale, tant les pro-
portions ordinaires de toute représen-
tation élective étaient renversées. En
ce temps-là, l'on prononça le mot d'à
ristocratie de l'ignorance. Si le terme
était dur, il faut bien reconnaître
que, dans l'état de notre pays, il était
en partie justifié. Un suffrage à chaque
commune! Les villes, incomparable-
ment plus instruites que les campagnes,
sont comme noyées parmi les communes
rurales. Ouvrez une géographie de la
France, au hasard, et prenez le pre-
mier arrondissement du premier des
départements daus l'ordre alphabé-
tique. C'est l'Ain. L'arrolidisement de
Bourg compte 124,000 habitants et 120
communes. Mettez- à part le chef-lieu
d'arrondissement, les chefs-lieux de
canton et deux petites villes ou gros
bourgs, en tout les 12 communes les
plus considérables de l'arrondissement :
elles donnent une population de 32,000
habitants et 12 électeurs. Restent 108
eommunes rurales, qui, pour 82,000 ha-
bitants, ont 108 électeurs. Les villes
disposent de 1 voix par2,666 habitants;
les campagnes de 1 voix par 760. Et
que serait-ce si, au lieu de l'arrondis-
sement pe Bourg, nous avions pris quel-
qu'un de ces départements où quatre
ou cinq villes populeuses sont entou-
rées de centaines de petits villages ? Pa-
ris, Lyon, Marseille, Lille, Rouen, le
Havre, Reims, etc., etc., n'ont qu'un
délégué; c'est d'un délégué que dispo-
sent également des communes de
quinze ou vingt feux. Le vote d'avant-
hier est donc essentiellement rural ;
c'est aux campagnes qu'était attribuée
la suprématie. Les campagnes, en un
mot, ont fait du scrutin ce qu'elles ont
voulu ; et quelle a été la signification
de ce scrutin, où les villes n'ont pris
qu'une part disproportionnée, presque
dérisoire ? Affermissement de la Répu-
blique !
Il n'a pas d'autre sens, et nos adver-
saires de tous les partis sont bien obli-
gés de le reconnaître. A ce point de vue,
la victoire de dimanche est la plus
grande que nous ayons jamais rempo-
tée. Nous avons vaincu, et vaincu par
le concours de ces paysans que l'igno-
rance et l'erreur, aidées d'une secrète
antipathie contre les villes, devaient,
on l'espérait du moins, ameuter contre
nous. Les délégués ruraux ont voulu
faire des choix conservateurs, mais ils
ont presque toujours voulu que cette
élection -du Sénat tournât à l'avantage
du gouvernement établi, de la Républi-
que. Certes, nous avons subi des échecs
que nous ne pensons pas à dissimuler
et qui nous ont été sensibles ; mais, à
vingt exceptions près, — et c'est trop
accorder peut-être, — ceux qui ont été
nommés contre nous n'ont dû leur succès
qu'à leurs protestations de dévouement
à la constitution républicaine. Les dé-
légués ruraux les ont crus sur parole,
et pensant voir en eux des conserva-
teurs, mais des conservateurs jaloux
d'affermir les institutions, non de les
ébranler, ils les ont élus. Si nous nous
trompons, que l'on nous démente! Nous
nous engageons à publier les lettres
des sénateurs monarchistes qui nous
diraient qu'ils ont été nommés, après
leurs explications ou sur le vu de leurs
professions de foi, pour renouveler les
tentatives de 1873, pour faire échec au
gouvernement établi, à la République.
Et nous les mettons au défi de produire
une circulaire où S a trou v a e leoaentune
allusion au rétablissement possible de la
monarchie. Nous verrons bientôt en
quelle posture ils figureront au Sénat ;
mais les trois quarts d'entre eux, nous
le répétons, ne doivent leur victoire
qu'à des déclarations interprétées, à
tort ou à raison, dans un sens favora-
ble aux institutions, c'est-à-dire au gou-
vernement républicain.
Les bonapartistes n'ont pas dédaigné,
eux aussi, de recourir à ces indispen-
sables subterfuges. Ils n'ont pas publié,
et bien leur en a pris, beaucoup de
professions de foi aussi éclatantes- que
celle de M. Peyrusse, qui, dans l'Aude,
est resté, d'ailleurs, sur le carreau.
Eux aussi ont été constitutionnels,
avant le scrutin, pour redevenir ensuite
impérialistes, car ils n'auraient pas,
autrement, conquis, dans le Sénat, 35
sièges. Pour nous, si nous sommes sur-
pris, c'est qu'ils n'en aient pas obtenu
le double, quand les hommes qui se
sont succédé depuis trois années au
ministère de l'intérieur semblent n'avoir
tendu qu'à relever et à fortifier l'impé-
rialisme. Après M. de Broglie, M. de
Fourtou, M. de Chabaud Latour et M.
Buffet, c'était sur cent élus que pou-
vait compter le bonapartisme, et sans
se montrer trop présomptueux. Par un
rare bonheur, les politiciens de l'ordre
moral ont moins réussi qu'ils n'avaient
espéré à démoraliser la France. Sur
ces 35 élections bonapartistes, il n'y
en a pas quinze qui puissent être
considérées comme des protestations
contre la constitution actuelle. Et
pourtant, dans quelles communes le
comité de comptabilité n'a-t-il pas
exercé paisiblement sa propagande?
Disons plus : dans quelles communes les
insinuations passionnées du Bulletin,
français, organo officiel, n'ont-elles
pas pénétré ? Nous ne saurions expri-
mer trop de reconnaissance à ces mil-
liers de délégués ruraux qui ont infligé
au bonapartisme un échec écrasant
dans les conditions où le bonapartisme
l'a subi. Le vote de dimanche a prouvé
que si l'on manque souvent, dans nos
campagnes, et c'est un grand malheur,
d'instruction et de lumières, du moins
les vieux instincts d'honneur et de pa-
triotisme n'y manquent point : ils ont
tout réparé.
Eue. LIÉBERT.
——————— ♦—
On lit dans le Paris-Journal:
Dans notre tableau général des résultats
du scrutin, nous avons désigné sous la men-
tion générale de conservateurs les conserva-
teurs légitimistes, orléanistes, bonapartistes.
D'après un pointage fait avec ua grand soin,
nous croyons que sur les 224 élus du 30 jan-
vier, on peut distinguer :
87 républicains,
48 conservateurs bonapartistes,
31 — légitimistes, „
32 — orléanistes, -
23 gouvernementaux purs.
Total : 224
Manque 1 sénateur pour l'Inde.
De telle sorte qu'à la suite « d'un poin-
tage fait avec un grand soin, » le Paris-
Journal est arrivé à trouver 224 sénateurs
élus, quand la Guadeloupe, l'Inde, la Mar-
L.
tinique et la Réunion n'ont pas encore
nommé les leurs. Ce résultat, aussi remar-
quable qu'inconstitutionnel, nous a donné
l'idée de nous livrer au repointage du
pointage « qu'ont fait avec un grand soin »
tous les divers organes du « grand parti
conservateur. »
Es nous sommes arrivés au résultat
vraiment surprenant que voici :
Candidats de l'appel au peuple : 63, af-
firme le Gaulois.
Républicains radicaux, 10, et républi-
cains modérés, 100, dit le Journal des Dé-
bats.
Orléanistes, 32, avoue le Paris-Journal.
Légitimistes, 34, affirme l'Ordre.
Total : 239 sénateurs. Attendez, ce n'est
pas flni 1 - -
Ajoutez à cela de 30 à 60 constitution-
nels ou « gouvernementaux purs, » que
tout organe bien pensant ne saurait dé-
cemment omettre, et vous arrivez facile-
ment, pour le scrutin de dimanche, à une
moyenne de 275 élus, — sans compter les
colonies ! Résultat invraisemblable, féeri-
que et de plus en plus inconstitutionnel.
Mais alors, ça ne compte pas! comme
disait M. de Rainneville après le scrutin
sénatorial de l'Assemblée.
L'ÉLECTION DE BELFORT
Belfort, 30 janvier 1876.
Monsieur le rédacteur,
Voulez-vous la vérité sur l'histoire de
notre élection, que certains de vos jour-
naux parisiens arrangent au mieux pour
les besoins de leur illustre cause ? Je crois
pouvoir vous la dire, pour l'avoir vue face
à face, et la voici :
M. Viellard-Migeon était candidat séna-
torial. Cela depuis très-longtemps. Depuis
que le Sénat de Ja Répufftiqua avait été
inventé, M. Visllard-Migeon n'avait fait
aucun doute que sa vocation ne fût d'en
faire partie. N'avaitn pas à telle dignité
tous les titres ? Conservateur, clérical, an-
cien député de Belfort sous l'empire.
Bref, le Sénat était son affaire; il avait été
fait pour la Chambre haute, et elle pour
lui.
Là dessus la candidature de M. Thiers
fait explosion.
C'est le mot. Proposée par le conseil mu-
nicipal de Belfort tout entier, acceptée par
un grand nombre de maires du territoire
belfortain. cette candidature fit l'effet
d'une traînée de poudre. Et chacun se de
manda : « Que fora M. Viel lard - 1 »
M. Vieilard-Migeon, par lettre du 2 jan-
vier adressée au maire de Balfort, se dé-
sista. Nous, naïfs, nous admirâmes fort
M. Vieliard Migeon, louâmes son désinté-
ressement, proclamâmes son patriotisme.
D'aucuns nous disaient bien : « Faites at-
tention. Il y a candidatures et candidatu-
res. Officiellement, la candidature Migeon
n'exuty plus. Mais elle peut très-bien
exister comme candidature latente. La-
tente, vous entendez bien. Sarveillez l'é-
lection des délégués. - »
Que vous dirai-je î- Nous ne sommes pas
raffinés. Nous ne crûmes point à la candi-
dature latente. On ne surveilla point
l'élection des délégués. Ils ne furent point
nommés en vue de telle ou telle candida-
ture, puisqu'il n'y en avait qu'une, et, sans
distinction d opinion, on nomma de bra-
ves gens, dont bon nombre, il est vrai,
n'étaient pas des républicains à tous crins.
Qu'importait, puisqu'il n'y avait point
compétitioa ?
C'est là que nous attendait M. Yiellard-
Migeon. Dès que les délégués furent con-
nlU, on la vit émargor de son ombre, et la
candidature lateate redevenir peu à peu vi-
sible à l'œil nu. Non pas que M. Viellard-
Migeôn espérât être élu. Il savait bien
qu'au bout du compte, et malgré son arti-
fice, et malgré notre confiance, la majo-
rité du collége n'était pas pour lui. Mais,
profiter de la manière trop naïve, trop
indifférente, dont le collége électoral avait
été composé, pour réunir autour de son
nom une minorité respectable et pour di-
minuer le nombre des suffrage du libéra-
teur du territoire, cela semblait œuvre pie
à ce bon M. Viellard. Donc, il posa à nou-
veau sa candidature et nous nous aperçû-
mes trop tard que la méfiance est mère de
la sûreté.
Alors, ma foi ! nous fûmes un peu étour-
dis du coap. Quoi ! à Belfort, sur ce sol qui
doit à M. Thiers d'être resté français, M.
Tniers n'aura qu'une majorité faible, pré-
caire ! La France apprendra que M. Thiers
l'emporte de vingt voix sur Viellarà-Mi
geon ! Et tout cela pour n'avoir pas sur-
veillé d'assez près nos élections de délé-
gués, abusés que nous étions par une con-
fiance mal placée ! Allons donc ! Ce serait
plus que honteux, ce serait ridicule.
Mais que faire pourtant? Voyons! Il
faut aviser. Quelle raison M. Viellaràj
donne-t-il de sa résolution nouvelle; -
Notez que le temps presMait, que vingt-
quatre heures nous séparaient du scrutin
— M. Migeon ! noutf répondit-on, il donne
pour raison qu'il veut tout simplement
empêcher M. Kœchlin Schwartz de pren-
dre date ; que le succès unanime de M.
Thiers désignerait M. Kœchlin, ion meil-
leur ami, aux sutfrages dts électeurs pour
les élections de députés, que c'est ce ré-
sultat qu'il veut conjurer.
« Ce n'est que cela 1 » s'écria M. Kœch-
lin-Schwarfz. Et le galant homme, faisant
bon marché de lui-même, dès qu'il s'agissait
de l'honneur de Belfort, écrit à M. Yieilard-
Migeon : « Assurez l'unai imité à M, Th ers
et je m'engage à ne pas me présenter aux
élections du 20 février. »
Quand M. Yiellard-Migeon eut reçu cette
j a -.
lettre, il dut s'écrier : « Etifln ! » âver, un
sourire de triomphe. Il était venu à ses
fins. En s'engageant à faire réussir l'élecà
tion Thiers, qu'il n'aurait jamais pu faire
échouer, il obtenait que la candidature
Kœchlin fût supprimée. Il ne donnait rien,
il obtenait quelque chose en rétour. M.
Viellard Migeon aime fort ce genre (ie
marché.
Aussi comme il s'empressa! Vite, arrivez,
ami Keller, vous qui songez à solliciter
les luffrages des Belfortains au 20 février.
,¡
Allons ensemble trouver M. Kœchlin. O.
tenon* de lui un désistement préventif, dû-
ment signé et paraphé. Moi, je lui donne.
rai en échange mon désistement, qui ne
me coûtera guère, et pour cause ;'et vous.
vous ne donnerez rien ; mais vous signerez
tout de même.
Ce qui fut fait. Singulier traité qui fait
un bien grand henneurau déaintérea"
ment de M. Kœchlin et à la rouerie diplo-
matique de M. Viellard. 1
Veilà l'histoire, monsieur le rédacteur,
l'histoire vraie. Nous avions vu daçs l'élec-
tion de M. Thiers une affaire nationale, oti
point n'était besoin de s'inquiéter de. l'o-
pinion de tel délégué ou de tel autre. Loya-
lement convaincus de la loyauté de M. Mi-
geon, nous avens été droit devant hou*, à la
bonne franquette, ne nous défiant de rien.
Il nous en a cuit. Je me trompe ; nous y
avons gagné. M. Thiers n'en a paa eu
moins la presque unanimité des suffrages,
et nous avons l'avantage desavoir désor-
mais jusqu'à quel point il convient de se
fier à M. Viellard-Migeon et à ses dévotl
alliés, M. Keller en tête !
UN ÉLECTEUR SÉNATORIAL DE BELFORT.
-+
Les Journaux
Tou& contents 1 quelques-uns cependant
ont la joie mélancolique. A tout seig&eUiv
tout honneur 1 L'organe de M. le vice-
président du conseil, le Français, après
avoir jeté hier feu et flammes sous l'ira.
pression de la douleur cuisante que lui
causait l'échec de son patron, revient à
de meilleurs sentiments. M. Beslay et ses
collaborateurs ont eu le temps de repren-
dre leurs esprits, et ils en arrivent à dire.
en manière de consolation, qu'après teut
le résultat n'est pas si mauvais qu'on au
rait pu le croire d'abord. Pourquoi ? Le
Français ne le dit pas; mais çn revanche
il avoue que les élections sénatoriales nèt
sont pas conformes aux espérances qu'on,
avait conçues. Nous ne nous chargeant
pas de prouver que le Français a de la
suite dans les idées. Où il est très claiîy
par exemple, c'est lorsqu'il se livre à des
récriminations. A qui la faute, si l'on a
un Sénat incertain et médiocre (il pa.
rait décidément que ce n'est nas bon Vf
A ceux qui ont nommé les 75 sénateurs,
inamovibles. Le Français leur dit carré-
ment leur fait et constate avec joie la dé-
faite des bonapartistes. Ah ! si ceux-tj5
avaient voulu nommer des orléanistes ! ! t
Le Français étant le seul journalmi
nhtériel, nous n'avons pu ehercher ail-
leurs la pensée de M. le ministre de l'inté-
rieur. Mais en lisant les organes bonapar-
tistes et monarchistes, nous avons eu un
moment de douce gaîié. Tandis que l'O
dre, la Gaulois, le Pays et la Liberté
crient ensemble que les bonapartistes sont
les plus nombreux dani la minorité, l'cft;
nion et la Gazette de France soutiennent
avec un acharnement au moins égal que
les légitimistes sont les seuls qui soient
capables de lutter contre les républicaine
Le Gaulois '6crie : * Hors des bonapar-
tistes, pas de salut. » -
VUnion répète : « Hors du parti monar-
chique, tous les programmes de défense so-
ciale sont des rêveries et des chimères »
Mais, au milieu de tous ces cris, deux
faits se dégagent, reconnus par tous, - il U.
nion et 1 Ordre., c'est-à-dire les deux jour-
naux les plus autorisés de la légitimité et
du bonapartisme, en conviennent
l'échec du gouvernement, la supériorité
des républicains. Mais naturellement noua
avons là encore le chapitre des récrimina-
tions. Le Pays déclare aue c'est la fün-t.
- - -- - -- "*'u.
du gouvernement, « qui ne sait pas ce qu'il
veut ». La Liberté reproche au ministre *?e
l'intérieur de n'avoir pas pris lescaodilat#
bonapartistes par la. main pour les fai
entrer au Sénat. La Patrie pleure sur les
fautes commises; la Gazette cle,r anm
te toute la responsabilité sur ceux qui
ont nommé les 15 senateurs inàmo vibîesw
et Spécialement sur les bonapartistes. Bref,
tous se livrent à des dissertations plu. ont
moins longues sur ce qui aurait pu être
fait, sur les inconvénients du sUffrage.
deux ou plutôt à trois degrés, et prouvent
surabondamment que la journée du 30 jan-
vier est bonne pour la Rpublique.
Quant au Journal de Paris, il a pris
bravement son parti. C'ea est fait: il e8t
républicain. Il est heureux de voir au* il
pays vient de témoigner une fois de plus
son aversion pour les l'évolutionl t pour
les changements de Gouvernement. >
« Le résultat des élections, selon lm, doit
être accueilli avec "atisfatioJl,f)&r touglu
conservateurs véritables, par tous ceux qui
souhaitent le maintien du gouvernement.
constitué le 25 février dernier,
Nous ne saurions mieux* dire.
RAYMOND.
PIE IX THAUMATURGE
Pardon si ce titre vous semble un
peu bizarre et légèrement indiscret
mais ce n'est pas moi qui me serais
permis de -- te - prendre, 9i lp. fI17 'II"
, -- 'Û J ,
été autorisé par les feuilles religieuses
elles-mêmes de qui je l'emprunte. :
C'est en effet sous cette rubrique que
"Echo tlqs Vallées, un journal des
plus dévots qui soient en France, et
pa.S plus niais que les autras. ÎA trnna
assure, consacre un long article à dé-
montrer que le pape Pie IX possède .le
don des miracles.
Et pourquoi ne le posséderait-il pas.
s'il vous plaît ? -
Le premier de tous les miracles le
plus étrange, le plus dificile à admettre,
c'est qu'un homme soit infaillible. C'est
que toute parole, émanée de sa bou-
che, soit tenue pour vérité, même alors
qu'elle est contraire aux faits. S'il y a
un miracle, c'est celui-là, n'est-ce pas!
Tous les autres ne sont plus rien à côtê;
Ce ne sont plus que de petits miracles,
des miracles à la douzaine. ,.
Il n'est donc pas bien étonnant que
1
Prix du Numéro à Paris : 15 Centimes — Départements : 20 Centimes
Mercredi 2 février 1876
- - - -
E
1 ✓'- À JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
.-' RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
63, rue de Lafayeite* 53
Les lettres non affranchies seront refusées
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 13 fr.
Six mois. 25
Un an 50
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 16 fr
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Un an 62
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et O!
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Rédacteur en chef-Gérant : E. ABOOT 1 -
ADMINISTRATION -'
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
bap rue de Lalftyette. lia - j
r è
les - manuscrits non insérés ne seront pas rendus
! - 1
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Un an ii i. 62
Annonaetl, chez MM. LAGRANGB. CERF et C"
0, place de la Bonne, a
Imp. A. CHAIX ET C", rue BerGers. M. à Paris
BULLETIN
Paris, 2 février 1876.
L'opinion publique, en France, est en-
core sous le coup de l'événement de di-
manche. Les résultats de l'élection sont
commentés avec passion, mais plus com.
mentéi que discutés. Sauf quelques excen-
tricités arithmétiques, les journaux rac-
cordent en lomme à reconnaître que, si les
élus républicains ont été en minorité au
scrutin de dimanche, le parti, grâce aux
sénateurs inamovibles, est incontestable-
ment en majorité dans la nouvelle Àu-em-
blée. Aussi les regards en arrière et les
doléances rétrospectives ne manquent point
dans la presse réactionnaire de toutes
nuances. Nous n'avons aucune consolation
à offrir aux amis mal consolés de M. de
Broglie et aux amis désolés de M. Buffet.
Ce n'e&t pas la gauche qui a mis en avant
l'idée d'une partie du Sénat nommée par
l'Ai-semblée nationale. Le centre droit a
eu encore une fois une conception qui s'est
tournée contre lui. L'habitude qu'il a de
cette sorte d'aventures eit la seule chose
qui puisse la lui faire supporter avec phi-
losophie.
Quant aux bonapartistes, qui sont,
quoiqu'ils en disent, les vaincus d'avant-
hier les plus vaincus, nous ne songeons
pas à dissimuler la joie que nous cau-
sent et leur défaite, et la mélancolie
qui perce à travers lés félicitations qu'ils
s'adressent. Nos lecteurs trouveront plus
loin un résumé des jugements de la presse
française sur le grand acte national du 30
janvier 1870.
Les nouvelles d'Espagne sont de plus en
plus importantes, et de jour en jour le
cercle ie resserve davantage autour des
derniers défenseurs de la cause carliste.
La note Andrauy n'a pas encore été pré-
sentée au gouvernement turc. La remise en
est, bien entendu, indiquée par toutes les
informations comme imminente.
+
161 républicains constitutionnels
contre 139 monarchistes de toutes
nuances ; telle sera la composition de
la Chambre haute. Sur ce point tout le
monde est d'accord, et cette fois, du
moins, les statisticiens les plus fantai-
sistes de la réaction ont renoncé à tra-
vestir la vérité. Ils avouent que peut-
être ils avaient chanté trop tôt victoire
après l'élection des délégués, et ils re-
connaissent que les républicains n'ont
pas tort de se réjouir. Mais ils se hâ-
tent d'ajouter que les conservateurs,
eux aussi, ont lieu d'être satisfaits,
car la majorité du Sénat, pour républi-
caine qu'elle soit, est également con-
servatrice. C'est se tirer galamment
d'embarras ; et nous ne contredirons
certes pas à cette appréciation. On re-
connaît enfin que sous le gouvernement
de la République, conservateur et ré
publicain sont deux termes synonymes.
Nous n'avons jamais dit autre chose et
tout est pour le mieux.
Dans ces 161 voix que nous portons
à notre actif figurent environ 15 voix
d'anciens monarchistes, devenus de sin-
cères constitutionnels. Si l'on ne veut
tenir compte que des voix purement
républicaines, on arrive encore à 2 voix
de majorité contre les monarchistes
réunis.
On dira que deux voix de majorité,
c'est bien peu. Soit ; on ne nous croi-
rait pas, d'ailleurs, si nous prétendions
que nos désirs n'allaient point au-delà.
Mais c'est assez, quand cette majo-
rité est compacte, homogène, animée
des mêmes intentions, fermement ré-
solue à marcher vers le même but ;
c'est assez pour anéantir les espéran-
ces de ceux qui voyaient surtout dans
le Sénat un instrument dont le pouvoir
exécutif pourrait user à sa guise con-
tre la seconde Chambre ; c'est assez
pour empêcher une dissolution qui au-
rait pour unique motif l'impossibilité
de trouver dans la Chambre des dépu-
tés les éléments d'une majorité du 24
mai ; c'est assez pour que si le chef de
l'Etat venait à user -de sa prérogative
en demandant la révision constitution-
nelle, cette révision eût lieu dans le
sens républicain. Il fut un temps, en-
core peu éloigné, où les républicains
bornaient leurs désirs à la formation
d'une majorité assez considérable dans
la seconde Chambre pour qu'elle an-
nihilât la majorité monarchique, dont
on avait lieu de craindre l'entrée au
Sénat. Aujourd'hui, non seulement cette
crainte est écartée, mais il est évi-
dent que le Sénat réuni à la Cham-
bre des déput,és grossira sa majorité
républicaine au lieu de l'amoindrir.
Une autre appréhension dominait les
esprits. Les bonapartistes avaient tant
et si bien répété sur tous les tons qu'eux
seuls étaient de force à lutter contre les
républicains, on les savait, en outre,
si avant dans les bonnes grâces de
l'administration qu'on pouvait craindre
de leur voir obtenir une imposante mi-
norité. Il n'en est rien. Leurs comités
de comptabilité ont eu beau continuer
leur besogne d'embauchage et de cor-
ruption sous l'œil bienveillant de M.
Buffet, ils ont éehoué piteusement. Si
bien que la minorité monarchiste du
Sénat est calquée sur celle de l'Assem-
blée df"ne, Toutes les nuances s'y
(ft.eprésentées sans que l'une
puisse prétendre absorber l'autre; elles
se paralysent réciproquement.
Il n'en est pas moins certain que les
conservateurs vraiment dignes de ce
nom, ceux qui ont cru ou croient en-
core sincèrement au péril social, doi-
vent être rassurés. Le Sénat, acquis à
la République, l'est en même temps à
la politique qui l'a fondée. Ni révolu-
tion, ni réaction, voilà ce que signi-
fient très-nettement les élections du 30
janvier, et ce que signifiait aussi le
vote du 25 février. C'est pour ne l'a-
voir pas compris que M. Buffet et ses
amis sè sont fait battre dans les élec-
tions sénatoriales, dans l'Assemblée et
dans le pays.
Cette savante machine de guerre in-
ventée par les orléanistes contre les
républicains a tourné à l'avantage des
républicains contre les orléanistes. A
peine si 25 des leurs ont obtenu un
siège dans ce Sénat qu'ils avaient
Si bien préparé à leur intention. Sic
vos non vobis ! Et encore combien d'or-
léanistes, comme M. de Broglie et M.
Lambert Sainte-Croix, ne doivent leur
succès qu'à l'appui des bonapartistes !
Cette constatation suffirait à mettre en
relief la victoire considérable des ré-
publicains, surtout si l'on tient compte
des obstacles réputés insurmontables,
des difficultés de tout genre, naturelles
ou suscitées à dessein, qu'ils avaient
à combattre.
Tout d'abord, le mécanisme électoral
inventé tout exprès par les orléanistes
pour ce qu'ils croyaient les besoins de
la cause. Il n'est pas besoin de revenir
sur les inégalités choquantes inscrites
dans cette loi des élections sénato-
riales, où le vote de la plus humble
commune compense celui de la plus
populeuse cité. Qu'est cela en compa-
raison de la lutte que les républicains
ont eu à soutenir contre M. Buffet et
ses innombrables agents, Contre M.
Buffet, qu'on a vu combattre ouverte-
ment les hommes les plus modérés,
mais partisans de la constitution ré-
publicaine, en faveur des hommes les
plus violents, mais ennemis déclarés de
nos institutions ! Et nous ne parlons ni de
l'abus scandaleux qu'on a fait du nom du
chef de l'Etat, ni des manœuvres des
préfets à poigne, devenus, pour la cir-
constance, des préfets à rastels, lunchs,
banquets et agapes. Entre deux tours
de scrutin, les préfets « sablaient le
Champagne » avec une partie des élec-
teurs, tandis que les républicains fai-
saient appel au patriotisme des autres.
Combien d'estomacs les préfets ont-ils
réussi à conquérir de la sorte ? Nous ne
savons ; ét qu'importe, puisque les ré-
publicains ont eu assez d'influence sur
le cœur des vrais patriotes pour obte-
nir d'eux qu'ils missent à néant les pro-
jets des factieux, les espérances des
fourbes, les intrigues de tous les en-
nemis de l'ordre et de la liberté, de la
paix et de la République ?
Vienne maintenant le 20 février ; la
France montrera une fois de plus
qu'elle n'est pas moins conservatrice
que républicaine ; et les plus audacieux
comprendront peut-être enfin que ce
ne serait plus une folie seulement,
mais un crime, de persévérer da-
vantage dans une politique de com-
bat deux fois jugée, deux fois condam-
née solennellement devant les deux
degrés de la juridiction nationale.
E. SCHNERB.
♦ •' •
On comprend aisément la mine allongée
que font les bonapartistes quand on jette
un rapide coup d'œil sur le salon des
Refusés. Les revenants de l'impérialisme
ont piteusement échoué, pour la plupart,
comme le démontre la rapide nomencla-
ture suivante :
Parmi les anciens députés officiels, habi-
tués à rencontrer plus d'obéissance dans la
population : MM. Bournat, de Colbert-
Chabannais, Chagot, Jérôme de Champa-
gny, Charlemagne, de Corberon, Darblay,
Delavau, Dollfus, Justin Durand, Frémy,
de Foùrment, Guillaumin, Joliot, Jour-
daio, Lacroix Saint-Pierre, Morin, Nouai -
hier, de Plancy, Peyrusse, Rouxin, Terme.
Le bonapartisme avait convoqué les an-
ciens préfets à poigne pour ramener à lui
l'enthousiasme, et MM. Cornuau, Le Pro-
vost de Launay, Levert, baron Servatius,
même de Saint-Paul, sont restés sur le car-
reau.
Il a tué sous lui :
Trois vieux sénateurs, MM. d'Albuféra,
Boinvilliers, général Mellipet.
Ciaq généraux : Allard, ancien conseil-
ler d'Etat, Ameil, Clapier, de Gondrecourt,
Pajol, aide de camp de Napoléon III.
Des anciens diplomates, MM. de Mos-
bourg et de Malaret ; des anciens conseil-
lers d'Etat, MM. Cornudet et Vernier ; M.
Assezat de Bouteyre, ancien procureur im-
périal ; M. de Clermont-Tonnerre, ex-offl -
cier d'ordonnance de Napoléon III ; M. Le-
vainviUe, ex-précepteur du petit prince ;
maître- Lachaud, l'avocat officiel du parti.
Enfin, sept anciens miniitres: MM. Bus-
son-Billault, H. Chevreau, Duruy, Grand-
perret, Gressier, Louvet, et. Buffet.
On serait navré à moins !
- —
On lit dans un organe de la droite, l'U-
nion : ..,
M. Thiers aura été encore une fois bon
prophète en sa vie : le 24 mai, il prédit à M.
le due de Broglie que lui, fils de son père le
Libéral, il serait bientôt le protégé de l'em-
pire.
M. le due de Broglie a été élu hier séna-
teur dans l'Eure avec la permission et le con-
coura des bonapartistes.
On lit dans un autre organe de la droite,
le Français :
La déroute des bonapartistes a dépassé no-
tre attente; ce parti vient le dernier, bien
loin derrière le centre droit et la droite.
C'est un résultat heureux, d'autant nlus
heureux que presque partout, dans l'Eure
etc., ils oat été battus non par des candidats
de gauche, mais par dqs conservateurs et des
constitutionnels.
Quand on songe que la France entière
connaît, à l'heure présente, le succès de la
liste « la Roacière le Noury - de Broglie, »
on ne peut se défendre d'une certaine ad-
miration pour le cynisme du Français.
Le succès du parti constitutionnel et
épublicain est confessé par tous nos
adversaires. Aussi bien il aura suffi à
nos lecteurs du classement que nous
avons donné hier pour le constater. Si
nous avons péché, on a pu se convain-
cre que c'est plutôt par scrupule ex-
cessif. Quoi qu'il en soit, des trois cents
membres du Sénat, plus de Ja moitié
nous sont acquis; dès à présent, 160
voix, au bas mot, repousseraient
tout essai de révision monarchiste, et
l'on peut vraiment dire que la majorité
du Sénat est conservatrice, puisqu'elle
est opposée à tout changement du ré-
gime établi. En face de cette majorité
républicaine les anciens partis comptent
environ 135 ou 140 représentants, dont
une trentaine de légitimistes purs, une
soixantaine de ces monarchistes sans
but qui, dans l'ancienne Assemblée,peu-
pi aient les bancs de la droite modérée
et du centre droit, et trente-cinq bona-
partistes au plus, car ce dernier parti,
qui d'avance criait ses victoires, porte
aujourd'hui le poids de multiples dé-
faites.
A n'apprécier le nouveau Sénat que
pour sa valeur intrinsèque, il est donc
certain que nous avons grandement
sujet de nous réjouir. On l'a comparé
bien des fois à une forteresse dominant
toute la situation politique. Forteresse,
en effet; or, nous l'occupons, nous en
sommes maîtres, et la citadelle d'où les
aneiens partis prétendaient nous bom-
barder bientôt nous appartient. Si no-
tre majorité dans le Sénat n'est pas
aussi nombreuse que nous l'aurions
voulu, du moins elle est solide; et nous
ajouterons qu'elle peut s'accroître aux
dépens d'une minorité divisée, à qui
manqueront la direction et le courage.
Ce ne sont ni les bonapartistes ni les lé-
gitimistes purs que nous espérons rame-
ner à nous ; mais est-il impossible que
nous fassions quelques recrues parmi
ces monarchistes attiédis pour qui cha-
que jour une espérance, une illusion se
dissipe, et qui seront enfin forcés de
reconnaître que la France n'a plus de
salut que dans le gouvernement répu-
blicain ? Le souvenir du récent passé
nous doit entretenir dans cette espé-
rance. Le parti républicain ne formait,
à Bordeaux, dans l'Assemblée de 1871,
qu'une minorité bien faible en face de
la majorité monarchiste, qui n'était
point alors divisée comme on l'a vue
depuis. C'est cette même Assemblée
cependant qui a fondé, en 1875, la
République ; et c'est elle encore dont
le testament politique, pour ainsi dire,
a été l'abandon du premier quart du
Sénat aux républicains. Si l'Assemblée
de 1871, où les républicains étaient en
minorité, a fait ces choses, que ne
pouvons-nous pas attendre du Sénat
de 1876, où, dès aujourd'hui, la majo-
rité est manifestement à nous ?
Qu'on tourne les yeux maintenant
sur le pays et qu'on examine le scrutin
d'avant-hier, on ne pourra point ne
pas être frappé des progrès décisifs,
immenses, que la cause de la Républi-
que a faits dans les esprits. Il ne faut
pas oublier un instant que les séna-
teurs sont avant tout les élus des cam-
pagnes. La loi sur l'élection du Sénat,
dont certes nous n'aurions jamais eu
l'idée, mais que nous avons acceptée,
n'a eu d'autre but que de faire prédo-
-miner dans des proportions inouïes l'é-
lément rural, réputé par certains le
plus conservateur, parce qu'il est en
réalité le moins éclairé. Le premier
jour où cette loi fut proposée, elle excita
une stupéfaction générale, tant les pro-
portions ordinaires de toute représen-
tation élective étaient renversées. En
ce temps-là, l'on prononça le mot d'à
ristocratie de l'ignorance. Si le terme
était dur, il faut bien reconnaître
que, dans l'état de notre pays, il était
en partie justifié. Un suffrage à chaque
commune! Les villes, incomparable-
ment plus instruites que les campagnes,
sont comme noyées parmi les communes
rurales. Ouvrez une géographie de la
France, au hasard, et prenez le pre-
mier arrondissement du premier des
départements daus l'ordre alphabé-
tique. C'est l'Ain. L'arrolidisement de
Bourg compte 124,000 habitants et 120
communes. Mettez- à part le chef-lieu
d'arrondissement, les chefs-lieux de
canton et deux petites villes ou gros
bourgs, en tout les 12 communes les
plus considérables de l'arrondissement :
elles donnent une population de 32,000
habitants et 12 électeurs. Restent 108
eommunes rurales, qui, pour 82,000 ha-
bitants, ont 108 électeurs. Les villes
disposent de 1 voix par2,666 habitants;
les campagnes de 1 voix par 760. Et
que serait-ce si, au lieu de l'arrondis-
sement pe Bourg, nous avions pris quel-
qu'un de ces départements où quatre
ou cinq villes populeuses sont entou-
rées de centaines de petits villages ? Pa-
ris, Lyon, Marseille, Lille, Rouen, le
Havre, Reims, etc., etc., n'ont qu'un
délégué; c'est d'un délégué que dispo-
sent également des communes de
quinze ou vingt feux. Le vote d'avant-
hier est donc essentiellement rural ;
c'est aux campagnes qu'était attribuée
la suprématie. Les campagnes, en un
mot, ont fait du scrutin ce qu'elles ont
voulu ; et quelle a été la signification
de ce scrutin, où les villes n'ont pris
qu'une part disproportionnée, presque
dérisoire ? Affermissement de la Répu-
blique !
Il n'a pas d'autre sens, et nos adver-
saires de tous les partis sont bien obli-
gés de le reconnaître. A ce point de vue,
la victoire de dimanche est la plus
grande que nous ayons jamais rempo-
tée. Nous avons vaincu, et vaincu par
le concours de ces paysans que l'igno-
rance et l'erreur, aidées d'une secrète
antipathie contre les villes, devaient,
on l'espérait du moins, ameuter contre
nous. Les délégués ruraux ont voulu
faire des choix conservateurs, mais ils
ont presque toujours voulu que cette
élection -du Sénat tournât à l'avantage
du gouvernement établi, de la Républi-
que. Certes, nous avons subi des échecs
que nous ne pensons pas à dissimuler
et qui nous ont été sensibles ; mais, à
vingt exceptions près, — et c'est trop
accorder peut-être, — ceux qui ont été
nommés contre nous n'ont dû leur succès
qu'à leurs protestations de dévouement
à la constitution républicaine. Les dé-
légués ruraux les ont crus sur parole,
et pensant voir en eux des conserva-
teurs, mais des conservateurs jaloux
d'affermir les institutions, non de les
ébranler, ils les ont élus. Si nous nous
trompons, que l'on nous démente! Nous
nous engageons à publier les lettres
des sénateurs monarchistes qui nous
diraient qu'ils ont été nommés, après
leurs explications ou sur le vu de leurs
professions de foi, pour renouveler les
tentatives de 1873, pour faire échec au
gouvernement établi, à la République.
Et nous les mettons au défi de produire
une circulaire où S a trou v a e leoaentune
allusion au rétablissement possible de la
monarchie. Nous verrons bientôt en
quelle posture ils figureront au Sénat ;
mais les trois quarts d'entre eux, nous
le répétons, ne doivent leur victoire
qu'à des déclarations interprétées, à
tort ou à raison, dans un sens favora-
ble aux institutions, c'est-à-dire au gou-
vernement républicain.
Les bonapartistes n'ont pas dédaigné,
eux aussi, de recourir à ces indispen-
sables subterfuges. Ils n'ont pas publié,
et bien leur en a pris, beaucoup de
professions de foi aussi éclatantes- que
celle de M. Peyrusse, qui, dans l'Aude,
est resté, d'ailleurs, sur le carreau.
Eux aussi ont été constitutionnels,
avant le scrutin, pour redevenir ensuite
impérialistes, car ils n'auraient pas,
autrement, conquis, dans le Sénat, 35
sièges. Pour nous, si nous sommes sur-
pris, c'est qu'ils n'en aient pas obtenu
le double, quand les hommes qui se
sont succédé depuis trois années au
ministère de l'intérieur semblent n'avoir
tendu qu'à relever et à fortifier l'impé-
rialisme. Après M. de Broglie, M. de
Fourtou, M. de Chabaud Latour et M.
Buffet, c'était sur cent élus que pou-
vait compter le bonapartisme, et sans
se montrer trop présomptueux. Par un
rare bonheur, les politiciens de l'ordre
moral ont moins réussi qu'ils n'avaient
espéré à démoraliser la France. Sur
ces 35 élections bonapartistes, il n'y
en a pas quinze qui puissent être
considérées comme des protestations
contre la constitution actuelle. Et
pourtant, dans quelles communes le
comité de comptabilité n'a-t-il pas
exercé paisiblement sa propagande?
Disons plus : dans quelles communes les
insinuations passionnées du Bulletin,
français, organo officiel, n'ont-elles
pas pénétré ? Nous ne saurions expri-
mer trop de reconnaissance à ces mil-
liers de délégués ruraux qui ont infligé
au bonapartisme un échec écrasant
dans les conditions où le bonapartisme
l'a subi. Le vote de dimanche a prouvé
que si l'on manque souvent, dans nos
campagnes, et c'est un grand malheur,
d'instruction et de lumières, du moins
les vieux instincts d'honneur et de pa-
triotisme n'y manquent point : ils ont
tout réparé.
Eue. LIÉBERT.
——————— ♦—
On lit dans le Paris-Journal:
Dans notre tableau général des résultats
du scrutin, nous avons désigné sous la men-
tion générale de conservateurs les conserva-
teurs légitimistes, orléanistes, bonapartistes.
D'après un pointage fait avec ua grand soin,
nous croyons que sur les 224 élus du 30 jan-
vier, on peut distinguer :
87 républicains,
48 conservateurs bonapartistes,
31 — légitimistes, „
32 — orléanistes, -
23 gouvernementaux purs.
Total : 224
Manque 1 sénateur pour l'Inde.
De telle sorte qu'à la suite « d'un poin-
tage fait avec un grand soin, » le Paris-
Journal est arrivé à trouver 224 sénateurs
élus, quand la Guadeloupe, l'Inde, la Mar-
L.
tinique et la Réunion n'ont pas encore
nommé les leurs. Ce résultat, aussi remar-
quable qu'inconstitutionnel, nous a donné
l'idée de nous livrer au repointage du
pointage « qu'ont fait avec un grand soin »
tous les divers organes du « grand parti
conservateur. »
Es nous sommes arrivés au résultat
vraiment surprenant que voici :
Candidats de l'appel au peuple : 63, af-
firme le Gaulois.
Républicains radicaux, 10, et républi-
cains modérés, 100, dit le Journal des Dé-
bats.
Orléanistes, 32, avoue le Paris-Journal.
Légitimistes, 34, affirme l'Ordre.
Total : 239 sénateurs. Attendez, ce n'est
pas flni 1 - -
Ajoutez à cela de 30 à 60 constitution-
nels ou « gouvernementaux purs, » que
tout organe bien pensant ne saurait dé-
cemment omettre, et vous arrivez facile-
ment, pour le scrutin de dimanche, à une
moyenne de 275 élus, — sans compter les
colonies ! Résultat invraisemblable, féeri-
que et de plus en plus inconstitutionnel.
Mais alors, ça ne compte pas! comme
disait M. de Rainneville après le scrutin
sénatorial de l'Assemblée.
L'ÉLECTION DE BELFORT
Belfort, 30 janvier 1876.
Monsieur le rédacteur,
Voulez-vous la vérité sur l'histoire de
notre élection, que certains de vos jour-
naux parisiens arrangent au mieux pour
les besoins de leur illustre cause ? Je crois
pouvoir vous la dire, pour l'avoir vue face
à face, et la voici :
M. Viellard-Migeon était candidat séna-
torial. Cela depuis très-longtemps. Depuis
que le Sénat de Ja Répufftiqua avait été
inventé, M. Visllard-Migeon n'avait fait
aucun doute que sa vocation ne fût d'en
faire partie. N'avaitn pas à telle dignité
tous les titres ? Conservateur, clérical, an-
cien député de Belfort sous l'empire.
Bref, le Sénat était son affaire; il avait été
fait pour la Chambre haute, et elle pour
lui.
Là dessus la candidature de M. Thiers
fait explosion.
C'est le mot. Proposée par le conseil mu-
nicipal de Belfort tout entier, acceptée par
un grand nombre de maires du territoire
belfortain. cette candidature fit l'effet
d'une traînée de poudre. Et chacun se de
manda : « Que fora M. Viel lard - 1 »
M. Vieilard-Migeon, par lettre du 2 jan-
vier adressée au maire de Balfort, se dé-
sista. Nous, naïfs, nous admirâmes fort
M. Vieliard Migeon, louâmes son désinté-
ressement, proclamâmes son patriotisme.
D'aucuns nous disaient bien : « Faites at-
tention. Il y a candidatures et candidatu-
res. Officiellement, la candidature Migeon
n'exuty plus. Mais elle peut très-bien
exister comme candidature latente. La-
tente, vous entendez bien. Sarveillez l'é-
lection des délégués. - »
Que vous dirai-je î- Nous ne sommes pas
raffinés. Nous ne crûmes point à la candi-
dature latente. On ne surveilla point
l'élection des délégués. Ils ne furent point
nommés en vue de telle ou telle candida-
ture, puisqu'il n'y en avait qu'une, et, sans
distinction d opinion, on nomma de bra-
ves gens, dont bon nombre, il est vrai,
n'étaient pas des républicains à tous crins.
Qu'importait, puisqu'il n'y avait point
compétitioa ?
C'est là que nous attendait M. Yiellard-
Migeon. Dès que les délégués furent con-
nlU, on la vit émargor de son ombre, et la
candidature lateate redevenir peu à peu vi-
sible à l'œil nu. Non pas que M. Viellard-
Migeôn espérât être élu. Il savait bien
qu'au bout du compte, et malgré son arti-
fice, et malgré notre confiance, la majo-
rité du collége n'était pas pour lui. Mais,
profiter de la manière trop naïve, trop
indifférente, dont le collége électoral avait
été composé, pour réunir autour de son
nom une minorité respectable et pour di-
minuer le nombre des suffrage du libéra-
teur du territoire, cela semblait œuvre pie
à ce bon M. Viellard. Donc, il posa à nou-
veau sa candidature et nous nous aperçû-
mes trop tard que la méfiance est mère de
la sûreté.
Alors, ma foi ! nous fûmes un peu étour-
dis du coap. Quoi ! à Belfort, sur ce sol qui
doit à M. Thiers d'être resté français, M.
Tniers n'aura qu'une majorité faible, pré-
caire ! La France apprendra que M. Thiers
l'emporte de vingt voix sur Viellarà-Mi
geon ! Et tout cela pour n'avoir pas sur-
veillé d'assez près nos élections de délé-
gués, abusés que nous étions par une con-
fiance mal placée ! Allons donc ! Ce serait
plus que honteux, ce serait ridicule.
Mais que faire pourtant? Voyons! Il
faut aviser. Quelle raison M. Viellaràj
donne-t-il de sa résolution nouvelle; -
Notez que le temps presMait, que vingt-
quatre heures nous séparaient du scrutin
— M. Migeon ! noutf répondit-on, il donne
pour raison qu'il veut tout simplement
empêcher M. Kœchlin Schwartz de pren-
dre date ; que le succès unanime de M.
Thiers désignerait M. Kœchlin, ion meil-
leur ami, aux sutfrages dts électeurs pour
les élections de députés, que c'est ce ré-
sultat qu'il veut conjurer.
« Ce n'est que cela 1 » s'écria M. Kœch-
lin-Schwarfz. Et le galant homme, faisant
bon marché de lui-même, dès qu'il s'agissait
de l'honneur de Belfort, écrit à M. Yieilard-
Migeon : « Assurez l'unai imité à M, Th ers
et je m'engage à ne pas me présenter aux
élections du 20 février. »
Quand M. Yiellard-Migeon eut reçu cette
j a -.
lettre, il dut s'écrier : « Etifln ! » âver, un
sourire de triomphe. Il était venu à ses
fins. En s'engageant à faire réussir l'élecà
tion Thiers, qu'il n'aurait jamais pu faire
échouer, il obtenait que la candidature
Kœchlin fût supprimée. Il ne donnait rien,
il obtenait quelque chose en rétour. M.
Viellard Migeon aime fort ce genre (ie
marché.
Aussi comme il s'empressa! Vite, arrivez,
ami Keller, vous qui songez à solliciter
les luffrages des Belfortains au 20 février.
,¡
Allons ensemble trouver M. Kœchlin. O.
tenon* de lui un désistement préventif, dû-
ment signé et paraphé. Moi, je lui donne.
rai en échange mon désistement, qui ne
me coûtera guère, et pour cause ;'et vous.
vous ne donnerez rien ; mais vous signerez
tout de même.
Ce qui fut fait. Singulier traité qui fait
un bien grand henneurau déaintérea"
ment de M. Kœchlin et à la rouerie diplo-
matique de M. Viellard. 1
Veilà l'histoire, monsieur le rédacteur,
l'histoire vraie. Nous avions vu daçs l'élec-
tion de M. Thiers une affaire nationale, oti
point n'était besoin de s'inquiéter de. l'o-
pinion de tel délégué ou de tel autre. Loya-
lement convaincus de la loyauté de M. Mi-
geon, nous avens été droit devant hou*, à la
bonne franquette, ne nous défiant de rien.
Il nous en a cuit. Je me trompe ; nous y
avons gagné. M. Thiers n'en a paa eu
moins la presque unanimité des suffrages,
et nous avons l'avantage desavoir désor-
mais jusqu'à quel point il convient de se
fier à M. Viellard-Migeon et à ses dévotl
alliés, M. Keller en tête !
UN ÉLECTEUR SÉNATORIAL DE BELFORT.
-+
Les Journaux
Tou& contents 1 quelques-uns cependant
ont la joie mélancolique. A tout seig&eUiv
tout honneur 1 L'organe de M. le vice-
président du conseil, le Français, après
avoir jeté hier feu et flammes sous l'ira.
pression de la douleur cuisante que lui
causait l'échec de son patron, revient à
de meilleurs sentiments. M. Beslay et ses
collaborateurs ont eu le temps de repren-
dre leurs esprits, et ils en arrivent à dire.
en manière de consolation, qu'après teut
le résultat n'est pas si mauvais qu'on au
rait pu le croire d'abord. Pourquoi ? Le
Français ne le dit pas; mais çn revanche
il avoue que les élections sénatoriales nèt
sont pas conformes aux espérances qu'on,
avait conçues. Nous ne nous chargeant
pas de prouver que le Français a de la
suite dans les idées. Où il est très claiîy
par exemple, c'est lorsqu'il se livre à des
récriminations. A qui la faute, si l'on a
un Sénat incertain et médiocre (il pa.
rait décidément que ce n'est nas bon Vf
A ceux qui ont nommé les 75 sénateurs,
inamovibles. Le Français leur dit carré-
ment leur fait et constate avec joie la dé-
faite des bonapartistes. Ah ! si ceux-tj5
avaient voulu nommer des orléanistes ! ! t
Le Français étant le seul journalmi
nhtériel, nous n'avons pu ehercher ail-
leurs la pensée de M. le ministre de l'inté-
rieur. Mais en lisant les organes bonapar-
tistes et monarchistes, nous avons eu un
moment de douce gaîié. Tandis que l'O
dre, la Gaulois, le Pays et la Liberté
crient ensemble que les bonapartistes sont
les plus nombreux dani la minorité, l'cft;
nion et la Gazette de France soutiennent
avec un acharnement au moins égal que
les légitimistes sont les seuls qui soient
capables de lutter contre les républicaine
Le Gaulois '6crie : * Hors des bonapar-
tistes, pas de salut. » -
VUnion répète : « Hors du parti monar-
chique, tous les programmes de défense so-
ciale sont des rêveries et des chimères »
Mais, au milieu de tous ces cris, deux
faits se dégagent, reconnus par tous, - il U.
nion et 1 Ordre., c'est-à-dire les deux jour-
naux les plus autorisés de la légitimité et
du bonapartisme, en conviennent
l'échec du gouvernement, la supériorité
des républicains. Mais naturellement noua
avons là encore le chapitre des récrimina-
tions. Le Pays déclare aue c'est la fün-t.
- - -- - -- "*'u.
du gouvernement, « qui ne sait pas ce qu'il
veut ». La Liberté reproche au ministre *?e
l'intérieur de n'avoir pas pris lescaodilat#
bonapartistes par la. main pour les fai
entrer au Sénat. La Patrie pleure sur les
fautes commises; la Gazette cle,r anm
te toute la responsabilité sur ceux qui
ont nommé les 15 senateurs inàmo vibîesw
et Spécialement sur les bonapartistes. Bref,
tous se livrent à des dissertations plu. ont
moins longues sur ce qui aurait pu être
fait, sur les inconvénients du sUffrage.
deux ou plutôt à trois degrés, et prouvent
surabondamment que la journée du 30 jan-
vier est bonne pour la Rpublique.
Quant au Journal de Paris, il a pris
bravement son parti. C'ea est fait: il e8t
républicain. Il est heureux de voir au* il
pays vient de témoigner une fois de plus
son aversion pour les l'évolutionl t pour
les changements de Gouvernement. >
« Le résultat des élections, selon lm, doit
être accueilli avec "atisfatioJl,f)&r touglu
conservateurs véritables, par tous ceux qui
souhaitent le maintien du gouvernement.
constitué le 25 février dernier,
Nous ne saurions mieux* dire.
RAYMOND.
PIE IX THAUMATURGE
Pardon si ce titre vous semble un
peu bizarre et légèrement indiscret
mais ce n'est pas moi qui me serais
permis de -- te - prendre, 9i lp. fI17 'II"
, -- 'Û J ,
été autorisé par les feuilles religieuses
elles-mêmes de qui je l'emprunte. :
C'est en effet sous cette rubrique que
"Echo tlqs Vallées, un journal des
plus dévots qui soient en France, et
pa.S plus niais que les autras. ÎA trnna
assure, consacre un long article à dé-
montrer que le pape Pie IX possède .le
don des miracles.
Et pourquoi ne le posséderait-il pas.
s'il vous plaît ? -
Le premier de tous les miracles le
plus étrange, le plus dificile à admettre,
c'est qu'un homme soit infaillible. C'est
que toute parole, émanée de sa bou-
che, soit tenue pour vérité, même alors
qu'elle est contraire aux faits. S'il y a
un miracle, c'est celui-là, n'est-ce pas!
Tous les autres ne sont plus rien à côtê;
Ce ne sont plus que de petits miracles,
des miracles à la douzaine. ,.
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