Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1876-01-23
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 23 janvier 1876 23 janvier 1876
Description : 1876/01/23 (A6,N1507). 1876/01/23 (A6,N1507).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75574276
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/03/2013
Sixième Annte - No ÎSOÏ
Pris 4a Numéro A PirM : 115 C3MktlM«« - X>*»artent«mt« : 80 OfntimM
DimflttôHd 83 .I.. 1879
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T BaBsstTt! t_ tt m B M !tN*!N
- RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction --::.
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53, rué de "fayetteo 93
- Les lettres non affranchies seront refusées
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PARIS
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1 Trois mois.;.. » 16 tt..
Six mois.< 32
Unan. 62
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF .'--- I..
i
6, place de la Bourse, 6 >
Rédacteur en chef-Gérant : E. AboutI I
« l'
AnDonce., chez MM. LAGRANGE, CERF et Ctl
6, place de la Bourse, 0
Imp. A. CHAIÏ ET C", rue Bergère, iO, à Paris ¡
L'abondance des matières nous
contraint de renvoyer le feuilleton
d'ANGE BENIGNE à demain matin*
BULLETIN
Paris, 22 janvier 1876.
L'événement intérieur le plus impor-
tant, et qui est, certes, d'une gravité ex-
ceptionnelle, c'est la publication dans le
Journal officiel du soir d'un factum con-
tre le gouvernement de la Défense natio-
nale et les réflexions dont il est accompa-
gné.
A l'heure où elle paraît, cette publica-
tion constitue une manœuvre électorale
qui nous ramène aux époques les plus
tristes de l'histoire contemporaine. Nous
apprécions plus loin cet acte inqualifia-
ble qui étonnera l'opinion , quelque ha-
bituée qu'elle soit à ne plus s'étonner de
rien.
Nous publions le magnifique discours que
M. Gambetta a prononcé à Aix dans une
réunion privée.
Les hostilités ont repris avec une vi-
gueur inattendue en HerzégoviRe,et toutes
les informations, depuis deux jours, signa-
lent une série de combats qui durent peut-
être encore et dont l'issue n'est pas connue.
On voit que l'intervention des puissances
européennes arrive avec un certain carac-
tère d'à-propos, ce qui est une façon de
dire qu'elle viendra un peu tard. Le grand
malheur, en cette affaire, est la nécessité
même de l'intervention. Plût à Dieu, pour
la Turquie, qu'elle fût comme l'Espagne,
et que sa situation géographique lui per-
mit de se livrer, sans crainte de la protec-
tion étrangère, à ses discordes accoutumées
et à ses dissensions traditionnelles ?
L'Espagne a pourtant aussi un voisin
gênant. C'est l'Amérique. On sait que les
Etats-Unis sont pleins de sollicitude pour
l'île de Cuba. Il semble que le projet de
médiation soumis par l'Union américaine
aux puissances européennes n'ait pas eu
l'agrément de celles-ci. Car on annonce de
Berlin qu'aucune représentation n'a été
faite, de ce chef, à l'Espagne, et que les
Etats-Unis n'ont obttnu qu'un simple
accusé de réception. Ce n'est sans doute
pas assez pour les encourager dans leurs
projets philanthropiques. De fait, deux
interventions à soutenir en même temps,
aux deux extrémités du monde, ne fût-ce
que d'un appui moral, c'était un peu trop
pour les forces et la bonne volonté de la
diplomatie européenne.
— —————————
Une note de l'agence Havas dément les
bruits de préparatifs militaires de la
France répandu. par un journal de Berlin.
L'agence télégraphique russe nous com-
munique la dépêche suivante :
De Saint-Pétersbourg, 21 janvier, 5 h.
Le Francfurter Zeitung et d'autres feuilles
allemandes annoncent que la Russie ferait de
grands préparatifs pour concentrer au prin-
temps prochain des troupes vers l'Ouest : ce
brait calomnieux cache une spéculation de
Bourse.
Voyez comme on a tort de ne pas
tourner sept fois sa plume dans ses
doigts avant d'exprimer une opinion !
Il y a quarante-huit heures on recevait
à Paris la nouvelle que le général Le-
wal, sur l'ordre de l'administration,
venait d'interdire à Marseille un ban-
quet organisé en l'honneur de M. Gam-
betta. Et les officieux ajoutaient que
l'état de siége s'apprêtait à en faire
autant à Aix, à Arles, partout enfin où
M. Gambetta voudrait réunir ses amis.
Dame ! il nous semblait humiliant pour
notre pays qu'un citoyen fût privé de
droits qui ne lui sont contestés dans
aucun autre pays libre, et nous l'avons
dit. Aujourd'hui que nous avons sous
les yeux le texte du discours que M.
Gambetta devait prononcer à Aix de-
vant trois mille personnesàenous faut
faire amende honorable et reconnaître
que M. Buffet a sagement agi en es-
sayant de fermer la bouche à l'éloquent
orateur. C'est même, à notre avis, la
première et unique preuve de perspica-
cité réelle que cet éminent et hargneux
homme d'Etat ait donnée depuis son
entrée aux affaires.
Le malheur est que sa tentative a
échoué. Il a privé trois mille person-
nes du plaisir d'entendre un magnifi-
que discours, mais il n'empêchera pas
les millions de bons citoyens que préoc-
cupe la chose publique de le lire et
d'en faire leur profit ; il n'empêchera
pas surtout les 36,000 délégués des
communes de s'inspirer de ces conseils
si sages et si patriotiques. Oui, il ne
servirait à rien de le nier, cette fois M.
le vice-président du conseil avait vu
juste et deviné que le discours de M.
Gambetta porterait le plus rude coup
à sa politique et compromettrait gra-
vement le succès des petites manœu-
vres sur lesquelles il comptait pour
endormir la vigilance et surprendre la
bonne foi du nouveau corps électoral.
Nous aussi, nous avions bien prévu
que le discours de M. Gambetta aurait
une haute portée politique, mais M.
Buffet seul était capable de pousser la
faculté de divination à ce point de sa-
voir qu'il ne s'agirait pas d'une de ces
^^»fes improvisations où l'exposé
ces doctrines républicaines tient la plus
grande place, mais d'un manifeste spé-
cialement destiné aux électeurs char-
gés de compléter le Sénat de la Répu-
blique.
On lira ce discours, et après l'avoir
lu avec tout le soin qu'il mérite, on
dira ce qu'il reste de toutes les profes-
sions de foi, discours et circulaires, ou,
ce qui revient au même, de tous les
artifices de langage, de toutes les su-
percheries, de tous les mensonges et
de toutes les calomnies de la gent
conservatrice. Le voilà, ce grand pour-
fendeur de l'ordre, cet ennemi de la fa-
mille et de la propriété, ce révolution-
naire qui ne feint la modération que
pour travailler plus sûrement à la
démolition de la société ! Il faut
avouer qu'il cache bien son jeu, car
jamais conservateur vraiment digne de
ce nom, si odieusement prostitué de-
puis quelques années, n'a parlé un lan-
gage plus rassurant. Quand ses adver-
saires ont constamment à la bouche
les mots de combat, de vengeance et
de haine, il leur répond par un appel
à la conciliation, à la tolérance, au
patriotisme. Etonnez-vous donc que M.
Buffet veuille lui imposer silence !
Il serait trop long d'analyser le dis-
cours de M. Gambetta, et nous ne pour-
rions, d'ailleurs, que l'affaiblir. Demain
il sera dans toutes les mains, et la
France républicaine, mieux encore, la
France honnête, laborieuse, étrangère
aux ambitions malsaines, aux mesqui-
nes rivalités de partis, comparera cette
politique loyale à la politique tortueuse
dont on se fiatte de nous imposer plus
longtemps l'humiliation. Que les 36,000
délégués des communes se pénètrent
bien de l'importance du vote qu'ils vont
émettre; qu'ils consentent seulement à
comparer les suggestions que leur glis-
sent furtivement à l'oreille les innom-
brables agents de M. Buffet et les géné-
reux conseils que M. Gambetta leur
donne ouvertement au nom du parti ré-
publicain tout entier ; qu'ils fassent cela,
et de longtemps la France n'entendra
plus parler ni de révolutions ni de coups
d'Etat ; elle aura conquis enfin la paix
avec la République, l'ordre avec la li-
berté.
E. SCHNERB.
Une importante réunion électorale a eu
lieu, hier après-midi, dans la salle des
conférences du boulevard des Capucines.
MM. Victor Hugo et Spuller assistaient
à la séance. Etaient présents également,
plusieurs députés,MM. Gambetta, Brisson,
Laurent Pichat, Peyrat, Langlois, Baro
det, etc., les conseillers généraux de Paris,
les délégués et les suppléants du départe-
ment de la Seine.
La réunion ayant un caractère rigou-
reusement privé, on n'y est admis que sur
la présentation de cartes personnelles.
La séance est ouverte à deux heures et
demie par M. Laurent Pichat, qui occupe
le fauteuil de la présidence.
L'honorable député de la Seine fait con-
naître qu'il a reçu une lettre de M. Drouet,
délégué de Puteaux, proposant de Toter
des remerciements à Victor Hugo pour les
excellents conseils qu'il vient de donner
aux délégués sénatoriaux du pays.
Cette proposition est adoptée à l'unani-
mité. M. Genevoix, délégué de Romain-
ville, a la parole. Il demande que le col-
lége électoral nomme une demi-douzaine
de ses membres, qui seront chargés de
former une liste de conciliation.
M. Cantagrel n'est pas de cet avis. Ce
serait créer un nouveau degré d'électeurs.
Une liste de conciliation n'est pas néces-
saire, car une majorité considérable est
déjà acquise à la liste actuelle, et il n'y a
point besoin d'intermédiaires pour faire
triompher l'idée républicaine. Du reste,
dans la réunion précédente, on a statué
sur la motion de M. Genève: x, qui a été:
écartée.
M. Lefèvre, délégué de Montreuil, suc-
cède à M. Cantagrel et proteste contre les
insinuations des journaux officieux taxant
de « conservateurs » les délégués des com
munes suburbaines. Ceux-ci sont entiè-
rement dévoués à la République.
Un nouveau débat s'engage entre MM.
Genevoix et Cantagrel. Le conseiller mu-
nicipal de Paris veut que le candidat
choisi par l'assemblée accepte le program-
me rédigé et approuvé précédemment. Ce;
même candidat doit accepter encore un.
mandat impératif et s'engager à donner ta*
démission s'il n'y reste pas fidèle.
Le président interrompt l'orateur, qui,
s'écarte de la question.
La discussion des candidatures sénato-
riales est à l'ordre du jour. M. Laurent-
Pichat donne les noms de ces candidats :
MM. Victor Hugo, Louis Blanc, Floquet,
Malarmet, Godfrin, de Freycinet, Béclard,
Hérold, Monestier.
L'un des assistants annonce qu'un grou-
pe d'électeurs du 126 arrondissement met
en avant le nom de M. Nadaud pour le S4-
nat, la même réclamation est faite en fa-
veur de M. Raspail père.
M. Asseline demande que l'assemblée;
vote par acclamations la candidature de
Victor Hugo.
* M. Bonnet-Duverdier appuie cette propo-
sition et engage l'assemblée à passer aux:
noms qui peuvent être sérieusement dis-
cutés.
Le délégué de Paris se lève et prononce
les paroles luivanteJ:
« Je serai bref, mais ce que je dirai sera
significatif. Le mandat que vous voulez
m'imposer ext au-dessous du mandat que
je m'imposerai, en entrant au Sénat.
» Vous me demandez ce que je ferai :
j'ai beaucoup de passé et peu d'avenir.
Mais ce qui me reste d'avenir sera au ser-
vice des vérités absolues pour lesquelles
j'ai toujours combattu. Je lutterai 1^ o
j'aurai la parole et là où j 9 na l'aurai pas.
Je ferai mon devoir au Sénat, je le ferai
ailleurs.
» Pour défendre cette cause de la Répu-
blique, qui est celle du monde entier, j'irais
au devant de l'exil, comme autrefois, ou
sur les barricades, jusqu'à la mort. »
L'éloquente improvisation de Victor
Hugo est saluée par des bravos et des ap-
plaudissements prolongés.
La candidature de M. Louis Blanc est
aussi adoptée par acclamations.
M. Laurent Pichat donne la parole à M.
Gambetta.
« Vous avez acclamé, dit l'orateur, la
candidature de deux illustrations, et vous
avez sagement agi en ne les discutant
pas.
» Maintenant, ce que je crois correct et
pratique, c'est de discuter les autres can-
didatures, de les rapprocher, de juger les
plus dignes. Sinon, vous manœuvrerez
dans les ténèbres et de votre réunion ne
sortira rien de profitable. » (Approbations.)
Le président prie M. Floquet de venir
s'expliquer.
L'honorable conseiller municipal fait
une profession de foi en ces termes :
« Je n'ai pas posé ma candidature. Mes
collègues du conseil l'ont produite. Ils ont
pensé avec raison que la municipalité pa-
risienne devait être vengée des outrages et
des calomnies que la réaction lui a prodi-
gués depuis cinq ans. J'ai été choisi pour
personnifier au Sénat cette éclatante et
juste revanche. » (Très-bien f)
M. Peyrat succède à M. Floquet.
Comme le candidat précédent, il déclare
n'avoir pas sollicité l'honneur d'une can-
didature. Ses principes sont ceux de l'as-
semblée. Repoussant toute équivoque, il
défendra la République sans arrière-pen-
sée, et, fier des suffrages des électeurs sé-
natoriaux, il s'efforcera de les justifier.
(Applaudissements.)
Le président appelle M. Tolain, qui se
présente devant l'assemblée.
L'honorable candidat est énergiquement
dévoué à la forme républicaine. Quant à la
signification que doit avoir sa candidature,
le collége électoral décidera sur ce point.
En attendant, il est et restera le cham-
pion de la classe ouvrière. Il s'efforcera de
tenir ouverte à tous les ouvriers la porte
de nos assemblées délibérantes.
Ces déclarations produisent parmi l'as-
sistance la plus heureuse impression.
Le cinquième candidat est entendu.
M. Malarmet s'offre comme un républi-
cain de vieille date. Il n'est partisan ni
d'une présidence, ni d'un Sénat. Il rappelle
qu'il était aux côtés de Ledru Rollin, dans
l'affaire des Arts et-Métiers, en 1849. Plus
tard, proscrit de Décembre, il a payé de
quatorze ans d'exil son attachement à la
République.
La parole est donnée à M. Godfrin.
Ce candidat croit que la classe ou-
vrière doit être représentée au Sénat par
un ouvrier. De la sorte, les intérêts des
travailleurs seront mieux sauvegardés
qu'aujourd'hui. L'orateur discute longue-
ment sur ce point. Il est interrompu par
l'un des assistants, qui l'accuse d'être spi-
rite.
Le candidat ouvrier explique qu'ami
des sciences, il a voulu toutes les étudier,
- et voilà pourquoi il s'est oscupé du spiri-
tisme comme du communisme et du pha-
lanstèrisme ; mais il n'est pas spirite dans
la véritable acception du mot.
Plusieurs des membres présents se pro-
noncent vivement contre la candidature
de M. Godfrin.
Le septième candidat, M. de Freycinet,
fait la profession de foi suivante :
« Je n'ai pas d'états de service anciens.
Je date de 1870. Sous l'empire, je me suis
occupé d'administration, de finances, d'é-
tudes sur les classes ouvrières, j'ai voyagé.
Mais quand je suis entré dans la démocra-
tie militante, j'y suis entré par la grande
porte. D'autres ont eu le baptême de l'eau;
moi, j'ai eu le baptême du feu. Mon ami
et mon maître, M. Gambetta, m'avait as-
socié à la Défense nationale. Je crois avoir
rempli ma tâche avec patriotisme. En
m'envoyant au Sénat, vous répondrez aux
insultes dont la Défense nationale a été
l'objet de la part de la réaction. Ce que
j'ai fait à Tours et à Bordeaux, je le ferai
au Sénat.
» Il ne faut pas que des génies dans une
République ; il faut encore des travail-,
leurs patients, des administrateurs éclai-
rés ; j'appartiendrai à la phalange scienti-
fique républicaine. »
Vifs applaudissements.
Ce discours, que je gâte en le résumant,
a été Je grand succès de la journée.
M. Bonnet-Duverdier croit devoir faire
des réserves au sujet de cette candidature.
Les réserves sont combattues par M. Gam-
betta, qui déclare que « partout où l'objec-
tion se produira, il ira au devant d'elle. »
Le président appelle M. Béclard. Le hui-
tième candidat s'annonca comme le dé-
fenseur de la libre-pensée et l'adversaire
résolu de l'ultramontanisme.
M. Béclard ajoute qu'il est partisan de
la politique suivie à la Chambre par la
gauche républicaine.
Deux membres de la réunion posent des
questions à l'honorable candidat, qui s'ex-
plique à la satisfaction des modérés, qui ,
sont en nombre dans l'assemblée.
M. Hérold succède à M. Béclard.
Comma le précédent orateur, il est pour
la constitution républicaine et il l'aurait
votée s'il avait siégé à la Chambre. Cette
neuvième candidature est très-bien ac-
cueillie par les électeurs sénatoriaux pré-
sents.
Enfin, deux ou trois noms ouvriers sont
encore proposés et discutés sommairement.
M. Laurent Pichat, qui a remarquable-
ment bien présidé, annonce pour dimanche
prochain une troisième réunion où assiste-
ront, cette fois, tous les délégués du dé-
partement de la Seine.
La séance est levée à 5 heures 112.
-♦ :
L'Avenir de Loir-et-Cher nous repro-
cha : 1° d'avoir publié sur l'élection des
délégués des renseignements inexacts;
2,1 de l'avoir qualifié, lui, Avenir de Loir-
et-Cher, de journal impérialiste.
Quant à l'exactitude de nos renaeillle-
Or
ments, l'Avenir est le seul journal qui
l'ait contestée. Beaucoup de nos confrères
de province les reproduisent tous les
jours, et chacun d'eux les accepte, non-
seulement en bloc, mais pour son propre
département en particulier. Il serait dif-
ficile qu'il n'en fût pas ainsi, puisque nous
recourons toujours aux sources et que
nous apportons à notre travail un soin
scrupuleux et une entière bonne foi.
Sur le second point, nous ferons volon-
tiers la rectification que l'Avenir nous
demande. L'Avenir est « constitutionnel,
» partisan dévoué du gouvernement du
» maréchal de Mac-Mahon et de la consti-
» tution du 25 février », — c'est entendu.
Mais notre erreur peut s'expliquer : 1° parce
que nous nous souvenons d'avoir lu naguère
dans l'Avenir des articles bonapartistes
extraits de l'Ordre, de la Patrie et autres
feuilles que nous n'avions point l'habitude
de tenir pour constitutionnelles; 2° parce
que, dans un état d'allocations à la presse
bonapartiste, saisi en 1874chez le sieur Man-
tart (Second rapport Savary, p. 120), l'A-
venirngurait pour une allocation mensuelle
de 666 francs. Il est constaté dans cette
même pièce que le sieur Mansart proposait
de réduire à 500 francs l'allocation de 4'4-
venir. Est-ce depuis ce temps-là que notre
confrère a cessé d'être impérialiste? Nous
ne savons ; il lui appartient de nous
éclairer.
E. L.
4,
LE DERNIER SCANDALE
Ce n'est pas des réponses de M. Buf-
fet à la commission de permanence que
nous parlons. Nous ne les avons, hier,
affaiblies par aucun commentaire. Nous
devions en parler aujourd'hui. Les ex-
ploits de M. le vice-président du con-
seil nous débordent. Il faut signaler à
l'opinion le dernier numéro du journal
officiel du soir, le Bulletin français.
Donc le Bulletin français du 22 jan-
vier 1876 a paru avec un supplément
de quatre pages. Qu'y lisons-nous ? Un
acte d'accusation contre la révolution
de 1870 et le gouvernement de la Dé-
fense, qui précédait, en forme de pré-
face, le dernier volume de cette com-
mission du 4 Septembre où se sont il-
lustrés MM. Daru, Chaper, de Rainne-
ville, Boreau-Lajanadie, etc.
Et pourquoi le Bulletin français a-t-
il exhumé un document qui ne peut
avoir d'autre effet, ainsi reproduit et
dans les circonstances où nous som-
mes, que de réveiller les passions, d'a-
viver les discordes? Ecoutez là-dessus
le rédacteur de la feuille officielle; en
tête de son « courrier politique » il a
pris soin d'expliquer la portée du do-
cument qu'il reproduit et la façon de
s'en servir.
Il s'exprime ainsi : -
Nous empruntons aujourd'hui aux docu-
ments parlementaires distribués aux mem-
bres de l'Assemblée nationale et publiés
dans les annexes du Journal officiel — et
nous donnons en supplément — un très-im-
portant document, émané de la commission
d'enquête sar les actes du gouvernement de
la Défense nationale, qu'ont présidée succès
sivement le regretté M. Saint-Marc Girardin
et M. le comte Daru.
Ce document, d'une origine si haute et
dont l'autorité ne saurait être contestée, est
moins un résumé de l'enquête elle-même
que l'éloquente et péremptoire réfutation
des attaques et des arguments a l'aide des-
quels les hommes dont la commission avait
exposé les actes et blâmé la conduite ont
essayé d'affaiblir devant l'opinion publique
le résultat de ses investigations patientes et
la sagesse de ses conclusions.
On ne saurait trop s'appliquer à propager
ces investigations et ces conclusioDs, surtout
au moment où, par la libre manifestation du
scrutin, le pays va prononcer lui-même sur
ses destinées.
Nulle part, il n'appréciera mieux que dans
cette enquête ce que valent, pour la cause
des libertés publiques, les révolutions et les
promesses de ceux qui les désirent et les pro-
voquent, et il y puisera la conviction qu'il
ne doit accorder sa confiance qu'à des hom-
mes résolus à les combattre sous toutes
leurs formes.
Nous ne soulignons rien; ne fau-
drait-il pas souligner tout ? Ce morceau
est de ceux qu'il convient de relire, à
partir surtout du troisième paragra-
phe : On ne saurait trop s'appliquer,
au moment du scrutin, etc.
En tête du supplément figure cette
note, en gros caractères :
L'imprimeur-gérant tient à la disposition
du public ce supplément, qui peut être livré
en paquet à raison de 30 francs le 1,000
rendu franco en France.
Adresser les demandes, à Paris, quai Vol-
taire, 31, avec un chèque ou un manuat-
poste, à l'ordre de M. Wittersheim.
Un peu moins cher que les brochures
de M. Dugué de la Fauconnerie.
Ainsi, « au moment du scrutin, »
voilà ce que « s'applique à propager »
M. le vice-président du conseil, pour
combattre les candidatures des hom-
mes qui ont « désiré et provoqué » la
chute du régime impérial, après Wis-
sembourg, Wœrth, Forbach et Sedan!
Pour nous, nous ne savons, en vé-
rité, ce que M. Buffet « désire. » Mais
nous savons bien ce qu'il « provoque; »
c'est un mouvement des conspirateurs
impérialistes contre la constitution du
25 février.
« Voici les hommes d'ordre ! » dit-il
en montrant les auteurs de notre ruine ;
et, désignant tous ceux qui se sont en-
rôlés sous le drapeau de la défense :
« Les hommes de désordre, les voilà ! >
Eh bien, nous le demandons froide-
ment à M. le ministre de l'intérieur :
Sait-il ce qu'il fait? Est-il sûr d'en avoir
conscience ?
Qu'il daigne regarder seulement à
côté de lui, dans le ministère qu'il
préside : il y trouvera deux ministres qui
ont été, dans les conseils de M. Thiers,
les collègues de quelques-uns de ces
démagogues, et qui sont restés leurs
amis ! Jusqu'à quel point peut-on ou-
trager MM. Favre et Picard sans que
l'injure rejaillisse sur M. Léon Say et
M. Dtifaure? M. le duc Decazes aussi a
droit de réclamer; car, en ce moment
même, c'est un homme de Septembre,
c'est un ministre de la Défense natio-
nale qui représente le gouvernement
français à Saint-Pétersbourg !
Mais ce ne sont pas là les seuls ou-
blis que nous reprochions à M. Buffet;
il en est de plus graves.
M. le vice-président du conseil a ou-
blié que ces républicains qu'il dé-
nonce officiellement à l'exécration de
la France siège niant, au nombre de
plus de trois cents, dans une Assem-
blée qui existe encore et qui a droit à
ses respects, au moins jusqu'à la réu-'
nion des Chambres nouvelles!
Il a oublié que, dès à présent, il
existe, en vertu d'une élection de cette
Assemblée, 75 sénateurs inamovibles,
dont il offense gravement et la dignité
et le caractère, car la plupart d'entre
eux,-^et non les moins illustres, appar-
tiennent à ce parti républicain, à ces
survivants de la Défense, contre qui le
Bulletin français engage les « hommes
d'ordre » à se ruer !
Il a oublié que cette révolution du
4 Septembre eut pour complice la Fran-
ce entière, et qu'il n'y a pas aujourd'hui
un candidat républicain, qu'il n'y a pas
même une un candidat royaliste ou or-
léaniste qui, le 4 Septembre 1870, n'ait
salué d'un cri d'espérance et de joie la
révolution que M. Buffet prétend au-
jourd'hui traîner dans la boue aux ac-
clamations du bonapartisme factieux
qui lui tend les bras !
Et le voilà, le ministre conservateur!
Il fait du Bulletin français, journal
officiel de la République, une sorte
d'annexe de son journal particulier, le
Vosgien. A celui-ci, la polémique
contre les émigrés républicains d'Al-
sace; à celui-là, la diffamation du parti
républicain de France. Et celui-là com-
plète celui-ci. On reconnaît, du pre-
mier coup, que le même esprit les in-
spire. Et tout cela contre qui ? et pour
qui!. Mais arrêtons-nous. Ce n'est
plus, heureusement, un vain mot, quand
nous disons : Le pays sera juge !
EUG. LIÉBERT.
— -o-—
La Sentinelle du Midi a reçu la lettre
suivante:
La Garde, le 19 janvier 1876.
Monsieur le rédacteur,
C'est avea étonnement que je vois dans la
lifete des délégués que vous avez publiée hier
l'épithète de conservateur aocolée à mon nom.
Nous n'attachoias probablement pas le même
sens à cette qualification, et nous ne sommes
pas conservateurs de la même manière. Oni,
je suis conservateur, mais de la République
et pas d'autre chose.
Veuillez, je vous prie, insérer cette recti-
fication dans votre prochain numéro.
Agréez, monsieur le rédacteur, l'assurance
de ma considération la plus distinguée,
TURREL,
Délégué du conseil municipal de
La Garde.
L'honorable correspondant de la Senti.
nelle du Midi ne fait qu'exprimer ici les
sentiments que tout vrai conservateur
éprouve. Nous l'avons dit souvent, il fau-
dra faire un nouveau glossaire politique,
tant l'ordre moral a perverti le sens des
mots !
—+
Le Progrès de l'Est reçoit d'un de ses
amis, qui habite l'arrondissement de Lu-
né ville, la lettre suivante, qu'on ne Jira
pas sans intérêt; :
J'ai été élu délégué par les conseillers mu-
nicipaux de ma commune. Je fuis maire et
républicain. J'ai déclaré que je voterais pour
MM. Varroy et Bernard. Ma situation poli-
tique est donc très-nette.
J'ai éprouvé cependant un moment d'em-
barras. J'ai dû remplir un petit tableau qui
m'avait été envoyé par la sous-préfecture. On
me demandait de désigner l'opinion da délé-
gué et de le désigner soit comme conserva-
teur, soit comme opposant, soit comme dou-
teux. Je devais donc révéler moi-même à la
préfecture le secret de mon vote.
Je me trouvais en présence d'un double
danger.
Déclarer à M. le préfet que je suis conser-
vateur, c'était lui l'oarair un nom de plus à
inscrire sur la liste des délégués qui selon
lui voteront pour MM. Michaut et Cournault,
c'était lui prêter un argument pour dénatu-
rer le caractère général du vote.
D'autre part,.déclarer à M. le préfet que je
ne suis pas conservateur, je ne le puis. Je
suis en effet aussi conservateur que lui,
sinon plus. Car je ne suis pas bien persuadé
que M. de Chambon veuille conserver la Ré-
publique, tandis que je suis bien résolu a la
défendre.
Pais avouer à l'administrateur du dépar-
tement, à celui qui peut me révoquer de-
main, que je suis opposant, je ne le pouvais
pas davantage. Les intérêts de la commune
me sont confiés : je ne me seacie pas de les
compromettra en l'exposant aux rancunes
réactionnaires auxquelles les communes con-
sidérées comme mal pensantes auraient pu
être en butte.
J'ai cru plus sage de me ranger moi-même
parmi les conservateurs. J'ai la satisfaction
d'avoir dit la vérité stricte et puis d'avoir
procuré à M. le préfet an moment de joie.
La vie des préfets est semée d'ennuis trop
nombreux, de déceptions trop amères pour
qu'on ne cherche pas à leur procurer de ci,
de là, quelques menus plaisirs. M. de Cham-
bon m'a placé sur sa liste avec le signe : —
bon. Il est satisfait, moi aussi, tout va bien.
Presque tous mes collègues sont dans la môme
situation que mei. L'administration est la
dupe d'un trompe-l'œil; elle s'est empêtrée
dans ses propres filets. Gare la désillusion du
30! Je crains bien pour M. le préfet qu'elle ne
soit terrible et qu'elle ne lui coûte sa préfec-
ture comme la note de M. le sous-préfet lui
coûte dès maintenant sa sous-préfecture.
Agréez, monsieur le rédacteur, l'assurance
de ma considération la plus distinguée.
X.,
Maire et délégué conservateur,
qui votera pour MM. Bernard
et Varroy.
+ ——————
LA LOGIQUE UL TRAIONTAINE
Le XIX8 Siècle a reproduit le beau
discours que M. Jules Simon vient de
prononcer à l'inauguration d'un cercle
d'ouvriers, tout récemment ouvert ail
Havre.
A cette manifestation, il fallait bien
que l'œuvre des cercles catholiques en
opposât une autre, et il a chargé son
héros, M. de Mun, d'aller à son tour
au Havre pour détruire, par une ha-
rangue orthodoxe, le déplorable effet
produit par l'éloquence d'un philosophe
républicain.
Je ne connais le discours de M. da
Mun que par les comptes-rendus qui en
ont été publiés dans les journaux. Je
n'en saurais donc rien dire : mais il pa-
raît qu'à cette solennité cléricale, il
s'est passé un petit incident bien cu.
rieux, et qui vaut la peine d'être mis
sous les yeux du lecteur.
M. de Mun, parlant du dévouement
du clergé français, a cru devoir, en
preuve, raconter une anecdote, qu'il a
donnée pour authentique.
« C'était, a-t-il dit, au lendemain de
la Commune. On se battait encore.
Vermorel agonisait sur un grabat. Sur-
vient un prêtre, qui se penche sur la
couche du moribond : « Je suis, lui dit-
il, le frère d'un des martyrs que vos
amis ont fusillés hier. Cette nait, pen-
sant à tous les mourants, j'évoquais ce
martyr, et il m'a semblé qu'une force
surnaturelle me poussait vers vous ! Je
viens de la part de cet homme que
vous avez fusillé. » A ces paroles, les
yeux du moribond brillèrent d'un der-
nier éclat, son visage reprit une expres-
sion nouvelle, et, se rapprochant, il
vint saisir le crucifix et l'embrassa. Il
était mort. »
M. de Mun avait à peine achevé de
conter cette anecdote qu'un des assis-
tants, élevant la voix, l'interrompit
pour lui dire :
« Pardon ! monsieur, le fait est faux;
Vermorel est mort trois semaines
après. »
Ce monsieur avait parfaitement rai.
son. Il est avéré que Vermorel, blessé
à la barricade du Château-d'Eau, le
vendredi 26 mai, fut transporté à la
mairie du onzième arrondissement, où
un chirurgien le pansa. Il resta ensuite
caché quelques jours, puis fut dénoncé,
arrêté, et transporté à l'hôpital mili-
taire de Versailles, où il expira entre
les bras de sa mère, le 20 juin, des
suites de sa blessure.
Ajoutons que le récit de M. de Man
donnait clairement à entendre que Ver-
morel aurait pris part au meurtre des
otages. Cette perfide insinuation est
encore démentie par les faits. Vermoret
protesta contre le décret d'exécution;
et c'est depuis ce jour qu'il refusa d'as-
sister aux séances de la Commune.
Ce malheureux jeune homme a com-
mis assez de fautes pour que l'on ne
charge pas encore sa mémoire d'impu-
tations odieuses, qui sont de pures ca»
lomnies. -
L'interrupteur était donc absolument
dans son droit lorsqu'il démolissait
par avance toute l'argumentation de
M. de Mun, en ,, lui criant : « Mais
non, vous vous trompez; le fait est
faux. »
Vous croyez que l'orateur catholique
s'est ému de ce démenti ? Non pas son
siège était fait. Il est parti de cette
anecdote pour exalter chez les prêtres
français l'abnégation, le courage, l'es-
prit de pardon, toutes sortes de vertus
que personne d'ailleurs ne leur con-
teste.
C'est là la logique des ultramontains.
Ils inventent un fait quelconque,
qu'ils supposent propre à frapper l'i-
magination des hommes et surtout des
femmes; ils en tirent une foule de
conséquences favorables à leur cause,
et quand on leur crie : Mais non ; votr»
point de départ est faux! ou ils font
semblant de ne pas entendre, ou ils
vous accusent de diffamation et voiis
demandent, pour la peine, mille .francs
de dommages-intérêts.
Une autre façon de raisonner qui est
encore bien amusante, et que notre
confrère du Havre, M. Santallier, met
en son jour avec une ironie bien plat..
santé :
M. de Mun a prétendu que l'athéis-
me était le fond des opinions que pro-
fesse la Ligue de l'enseignement pu*
blic, et voici comment il a argumenté :
La Ligue de l'enseignement a eu pour
promoteur M. Jean Macé. A-t-elle eu
pour promoteur M. Jean Macé?
Et l'Assemblée toute entière a été
forcée de convenir que M. Jean Macé
est, en effet, le promoteur de la Ligue
de l'enseignement public.
M. Jean Macé est franc-maçon; I.
Jean Macé est-il franc-maçon?
Il l'est, sans contredit.
Les francs-maçons sont-ils des
athées ?
Comment- le nier, puisque le pape
Pris 4a Numéro A PirM : 115 C3MktlM«« - X>*»artent«mt« : 80 OfntimM
DimflttôHd 83 .I.. 1879
- ! -
T BaBsstTt! t_ tt m B M !tN*!N
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S'adresser au Secrétaire de la Rédaction --::.
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JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF .'--- I..
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6, place de la Bourse, 6 >
Rédacteur en chef-Gérant : E. AboutI I
« l'
AnDonce., chez MM. LAGRANGE, CERF et Ctl
6, place de la Bourse, 0
Imp. A. CHAIÏ ET C", rue Bergère, iO, à Paris ¡
L'abondance des matières nous
contraint de renvoyer le feuilleton
d'ANGE BENIGNE à demain matin*
BULLETIN
Paris, 22 janvier 1876.
L'événement intérieur le plus impor-
tant, et qui est, certes, d'une gravité ex-
ceptionnelle, c'est la publication dans le
Journal officiel du soir d'un factum con-
tre le gouvernement de la Défense natio-
nale et les réflexions dont il est accompa-
gné.
A l'heure où elle paraît, cette publica-
tion constitue une manœuvre électorale
qui nous ramène aux époques les plus
tristes de l'histoire contemporaine. Nous
apprécions plus loin cet acte inqualifia-
ble qui étonnera l'opinion , quelque ha-
bituée qu'elle soit à ne plus s'étonner de
rien.
Nous publions le magnifique discours que
M. Gambetta a prononcé à Aix dans une
réunion privée.
Les hostilités ont repris avec une vi-
gueur inattendue en HerzégoviRe,et toutes
les informations, depuis deux jours, signa-
lent une série de combats qui durent peut-
être encore et dont l'issue n'est pas connue.
On voit que l'intervention des puissances
européennes arrive avec un certain carac-
tère d'à-propos, ce qui est une façon de
dire qu'elle viendra un peu tard. Le grand
malheur, en cette affaire, est la nécessité
même de l'intervention. Plût à Dieu, pour
la Turquie, qu'elle fût comme l'Espagne,
et que sa situation géographique lui per-
mit de se livrer, sans crainte de la protec-
tion étrangère, à ses discordes accoutumées
et à ses dissensions traditionnelles ?
L'Espagne a pourtant aussi un voisin
gênant. C'est l'Amérique. On sait que les
Etats-Unis sont pleins de sollicitude pour
l'île de Cuba. Il semble que le projet de
médiation soumis par l'Union américaine
aux puissances européennes n'ait pas eu
l'agrément de celles-ci. Car on annonce de
Berlin qu'aucune représentation n'a été
faite, de ce chef, à l'Espagne, et que les
Etats-Unis n'ont obttnu qu'un simple
accusé de réception. Ce n'est sans doute
pas assez pour les encourager dans leurs
projets philanthropiques. De fait, deux
interventions à soutenir en même temps,
aux deux extrémités du monde, ne fût-ce
que d'un appui moral, c'était un peu trop
pour les forces et la bonne volonté de la
diplomatie européenne.
— —————————
Une note de l'agence Havas dément les
bruits de préparatifs militaires de la
France répandu. par un journal de Berlin.
L'agence télégraphique russe nous com-
munique la dépêche suivante :
De Saint-Pétersbourg, 21 janvier, 5 h.
Le Francfurter Zeitung et d'autres feuilles
allemandes annoncent que la Russie ferait de
grands préparatifs pour concentrer au prin-
temps prochain des troupes vers l'Ouest : ce
brait calomnieux cache une spéculation de
Bourse.
Voyez comme on a tort de ne pas
tourner sept fois sa plume dans ses
doigts avant d'exprimer une opinion !
Il y a quarante-huit heures on recevait
à Paris la nouvelle que le général Le-
wal, sur l'ordre de l'administration,
venait d'interdire à Marseille un ban-
quet organisé en l'honneur de M. Gam-
betta. Et les officieux ajoutaient que
l'état de siége s'apprêtait à en faire
autant à Aix, à Arles, partout enfin où
M. Gambetta voudrait réunir ses amis.
Dame ! il nous semblait humiliant pour
notre pays qu'un citoyen fût privé de
droits qui ne lui sont contestés dans
aucun autre pays libre, et nous l'avons
dit. Aujourd'hui que nous avons sous
les yeux le texte du discours que M.
Gambetta devait prononcer à Aix de-
vant trois mille personnesàenous faut
faire amende honorable et reconnaître
que M. Buffet a sagement agi en es-
sayant de fermer la bouche à l'éloquent
orateur. C'est même, à notre avis, la
première et unique preuve de perspica-
cité réelle que cet éminent et hargneux
homme d'Etat ait donnée depuis son
entrée aux affaires.
Le malheur est que sa tentative a
échoué. Il a privé trois mille person-
nes du plaisir d'entendre un magnifi-
que discours, mais il n'empêchera pas
les millions de bons citoyens que préoc-
cupe la chose publique de le lire et
d'en faire leur profit ; il n'empêchera
pas surtout les 36,000 délégués des
communes de s'inspirer de ces conseils
si sages et si patriotiques. Oui, il ne
servirait à rien de le nier, cette fois M.
le vice-président du conseil avait vu
juste et deviné que le discours de M.
Gambetta porterait le plus rude coup
à sa politique et compromettrait gra-
vement le succès des petites manœu-
vres sur lesquelles il comptait pour
endormir la vigilance et surprendre la
bonne foi du nouveau corps électoral.
Nous aussi, nous avions bien prévu
que le discours de M. Gambetta aurait
une haute portée politique, mais M.
Buffet seul était capable de pousser la
faculté de divination à ce point de sa-
voir qu'il ne s'agirait pas d'une de ces
^^»fes improvisations où l'exposé
ces doctrines républicaines tient la plus
grande place, mais d'un manifeste spé-
cialement destiné aux électeurs char-
gés de compléter le Sénat de la Répu-
blique.
On lira ce discours, et après l'avoir
lu avec tout le soin qu'il mérite, on
dira ce qu'il reste de toutes les profes-
sions de foi, discours et circulaires, ou,
ce qui revient au même, de tous les
artifices de langage, de toutes les su-
percheries, de tous les mensonges et
de toutes les calomnies de la gent
conservatrice. Le voilà, ce grand pour-
fendeur de l'ordre, cet ennemi de la fa-
mille et de la propriété, ce révolution-
naire qui ne feint la modération que
pour travailler plus sûrement à la
démolition de la société ! Il faut
avouer qu'il cache bien son jeu, car
jamais conservateur vraiment digne de
ce nom, si odieusement prostitué de-
puis quelques années, n'a parlé un lan-
gage plus rassurant. Quand ses adver-
saires ont constamment à la bouche
les mots de combat, de vengeance et
de haine, il leur répond par un appel
à la conciliation, à la tolérance, au
patriotisme. Etonnez-vous donc que M.
Buffet veuille lui imposer silence !
Il serait trop long d'analyser le dis-
cours de M. Gambetta, et nous ne pour-
rions, d'ailleurs, que l'affaiblir. Demain
il sera dans toutes les mains, et la
France républicaine, mieux encore, la
France honnête, laborieuse, étrangère
aux ambitions malsaines, aux mesqui-
nes rivalités de partis, comparera cette
politique loyale à la politique tortueuse
dont on se fiatte de nous imposer plus
longtemps l'humiliation. Que les 36,000
délégués des communes se pénètrent
bien de l'importance du vote qu'ils vont
émettre; qu'ils consentent seulement à
comparer les suggestions que leur glis-
sent furtivement à l'oreille les innom-
brables agents de M. Buffet et les géné-
reux conseils que M. Gambetta leur
donne ouvertement au nom du parti ré-
publicain tout entier ; qu'ils fassent cela,
et de longtemps la France n'entendra
plus parler ni de révolutions ni de coups
d'Etat ; elle aura conquis enfin la paix
avec la République, l'ordre avec la li-
berté.
E. SCHNERB.
Une importante réunion électorale a eu
lieu, hier après-midi, dans la salle des
conférences du boulevard des Capucines.
MM. Victor Hugo et Spuller assistaient
à la séance. Etaient présents également,
plusieurs députés,MM. Gambetta, Brisson,
Laurent Pichat, Peyrat, Langlois, Baro
det, etc., les conseillers généraux de Paris,
les délégués et les suppléants du départe-
ment de la Seine.
La réunion ayant un caractère rigou-
reusement privé, on n'y est admis que sur
la présentation de cartes personnelles.
La séance est ouverte à deux heures et
demie par M. Laurent Pichat, qui occupe
le fauteuil de la présidence.
L'honorable député de la Seine fait con-
naître qu'il a reçu une lettre de M. Drouet,
délégué de Puteaux, proposant de Toter
des remerciements à Victor Hugo pour les
excellents conseils qu'il vient de donner
aux délégués sénatoriaux du pays.
Cette proposition est adoptée à l'unani-
mité. M. Genevoix, délégué de Romain-
ville, a la parole. Il demande que le col-
lége électoral nomme une demi-douzaine
de ses membres, qui seront chargés de
former une liste de conciliation.
M. Cantagrel n'est pas de cet avis. Ce
serait créer un nouveau degré d'électeurs.
Une liste de conciliation n'est pas néces-
saire, car une majorité considérable est
déjà acquise à la liste actuelle, et il n'y a
point besoin d'intermédiaires pour faire
triompher l'idée républicaine. Du reste,
dans la réunion précédente, on a statué
sur la motion de M. Genève: x, qui a été:
écartée.
M. Lefèvre, délégué de Montreuil, suc-
cède à M. Cantagrel et proteste contre les
insinuations des journaux officieux taxant
de « conservateurs » les délégués des com
munes suburbaines. Ceux-ci sont entiè-
rement dévoués à la République.
Un nouveau débat s'engage entre MM.
Genevoix et Cantagrel. Le conseiller mu-
nicipal de Paris veut que le candidat
choisi par l'assemblée accepte le program-
me rédigé et approuvé précédemment. Ce;
même candidat doit accepter encore un.
mandat impératif et s'engager à donner ta*
démission s'il n'y reste pas fidèle.
Le président interrompt l'orateur, qui,
s'écarte de la question.
La discussion des candidatures sénato-
riales est à l'ordre du jour. M. Laurent-
Pichat donne les noms de ces candidats :
MM. Victor Hugo, Louis Blanc, Floquet,
Malarmet, Godfrin, de Freycinet, Béclard,
Hérold, Monestier.
L'un des assistants annonce qu'un grou-
pe d'électeurs du 126 arrondissement met
en avant le nom de M. Nadaud pour le S4-
nat, la même réclamation est faite en fa-
veur de M. Raspail père.
M. Asseline demande que l'assemblée;
vote par acclamations la candidature de
Victor Hugo.
* M. Bonnet-Duverdier appuie cette propo-
sition et engage l'assemblée à passer aux:
noms qui peuvent être sérieusement dis-
cutés.
Le délégué de Paris se lève et prononce
les paroles luivanteJ:
« Je serai bref, mais ce que je dirai sera
significatif. Le mandat que vous voulez
m'imposer ext au-dessous du mandat que
je m'imposerai, en entrant au Sénat.
» Vous me demandez ce que je ferai :
j'ai beaucoup de passé et peu d'avenir.
Mais ce qui me reste d'avenir sera au ser-
vice des vérités absolues pour lesquelles
j'ai toujours combattu. Je lutterai 1^ o
j'aurai la parole et là où j 9 na l'aurai pas.
Je ferai mon devoir au Sénat, je le ferai
ailleurs.
» Pour défendre cette cause de la Répu-
blique, qui est celle du monde entier, j'irais
au devant de l'exil, comme autrefois, ou
sur les barricades, jusqu'à la mort. »
L'éloquente improvisation de Victor
Hugo est saluée par des bravos et des ap-
plaudissements prolongés.
La candidature de M. Louis Blanc est
aussi adoptée par acclamations.
M. Laurent Pichat donne la parole à M.
Gambetta.
« Vous avez acclamé, dit l'orateur, la
candidature de deux illustrations, et vous
avez sagement agi en ne les discutant
pas.
» Maintenant, ce que je crois correct et
pratique, c'est de discuter les autres can-
didatures, de les rapprocher, de juger les
plus dignes. Sinon, vous manœuvrerez
dans les ténèbres et de votre réunion ne
sortira rien de profitable. » (Approbations.)
Le président prie M. Floquet de venir
s'expliquer.
L'honorable conseiller municipal fait
une profession de foi en ces termes :
« Je n'ai pas posé ma candidature. Mes
collègues du conseil l'ont produite. Ils ont
pensé avec raison que la municipalité pa-
risienne devait être vengée des outrages et
des calomnies que la réaction lui a prodi-
gués depuis cinq ans. J'ai été choisi pour
personnifier au Sénat cette éclatante et
juste revanche. » (Très-bien f)
M. Peyrat succède à M. Floquet.
Comme le candidat précédent, il déclare
n'avoir pas sollicité l'honneur d'une can-
didature. Ses principes sont ceux de l'as-
semblée. Repoussant toute équivoque, il
défendra la République sans arrière-pen-
sée, et, fier des suffrages des électeurs sé-
natoriaux, il s'efforcera de les justifier.
(Applaudissements.)
Le président appelle M. Tolain, qui se
présente devant l'assemblée.
L'honorable candidat est énergiquement
dévoué à la forme républicaine. Quant à la
signification que doit avoir sa candidature,
le collége électoral décidera sur ce point.
En attendant, il est et restera le cham-
pion de la classe ouvrière. Il s'efforcera de
tenir ouverte à tous les ouvriers la porte
de nos assemblées délibérantes.
Ces déclarations produisent parmi l'as-
sistance la plus heureuse impression.
Le cinquième candidat est entendu.
M. Malarmet s'offre comme un républi-
cain de vieille date. Il n'est partisan ni
d'une présidence, ni d'un Sénat. Il rappelle
qu'il était aux côtés de Ledru Rollin, dans
l'affaire des Arts et-Métiers, en 1849. Plus
tard, proscrit de Décembre, il a payé de
quatorze ans d'exil son attachement à la
République.
La parole est donnée à M. Godfrin.
Ce candidat croit que la classe ou-
vrière doit être représentée au Sénat par
un ouvrier. De la sorte, les intérêts des
travailleurs seront mieux sauvegardés
qu'aujourd'hui. L'orateur discute longue-
ment sur ce point. Il est interrompu par
l'un des assistants, qui l'accuse d'être spi-
rite.
Le candidat ouvrier explique qu'ami
des sciences, il a voulu toutes les étudier,
- et voilà pourquoi il s'est oscupé du spiri-
tisme comme du communisme et du pha-
lanstèrisme ; mais il n'est pas spirite dans
la véritable acception du mot.
Plusieurs des membres présents se pro-
noncent vivement contre la candidature
de M. Godfrin.
Le septième candidat, M. de Freycinet,
fait la profession de foi suivante :
« Je n'ai pas d'états de service anciens.
Je date de 1870. Sous l'empire, je me suis
occupé d'administration, de finances, d'é-
tudes sur les classes ouvrières, j'ai voyagé.
Mais quand je suis entré dans la démocra-
tie militante, j'y suis entré par la grande
porte. D'autres ont eu le baptême de l'eau;
moi, j'ai eu le baptême du feu. Mon ami
et mon maître, M. Gambetta, m'avait as-
socié à la Défense nationale. Je crois avoir
rempli ma tâche avec patriotisme. En
m'envoyant au Sénat, vous répondrez aux
insultes dont la Défense nationale a été
l'objet de la part de la réaction. Ce que
j'ai fait à Tours et à Bordeaux, je le ferai
au Sénat.
» Il ne faut pas que des génies dans une
République ; il faut encore des travail-,
leurs patients, des administrateurs éclai-
rés ; j'appartiendrai à la phalange scienti-
fique républicaine. »
Vifs applaudissements.
Ce discours, que je gâte en le résumant,
a été Je grand succès de la journée.
M. Bonnet-Duverdier croit devoir faire
des réserves au sujet de cette candidature.
Les réserves sont combattues par M. Gam-
betta, qui déclare que « partout où l'objec-
tion se produira, il ira au devant d'elle. »
Le président appelle M. Béclard. Le hui-
tième candidat s'annonca comme le dé-
fenseur de la libre-pensée et l'adversaire
résolu de l'ultramontanisme.
M. Béclard ajoute qu'il est partisan de
la politique suivie à la Chambre par la
gauche républicaine.
Deux membres de la réunion posent des
questions à l'honorable candidat, qui s'ex-
plique à la satisfaction des modérés, qui ,
sont en nombre dans l'assemblée.
M. Hérold succède à M. Béclard.
Comma le précédent orateur, il est pour
la constitution républicaine et il l'aurait
votée s'il avait siégé à la Chambre. Cette
neuvième candidature est très-bien ac-
cueillie par les électeurs sénatoriaux pré-
sents.
Enfin, deux ou trois noms ouvriers sont
encore proposés et discutés sommairement.
M. Laurent Pichat, qui a remarquable-
ment bien présidé, annonce pour dimanche
prochain une troisième réunion où assiste-
ront, cette fois, tous les délégués du dé-
partement de la Seine.
La séance est levée à 5 heures 112.
-♦ :
L'Avenir de Loir-et-Cher nous repro-
cha : 1° d'avoir publié sur l'élection des
délégués des renseignements inexacts;
2,1 de l'avoir qualifié, lui, Avenir de Loir-
et-Cher, de journal impérialiste.
Quant à l'exactitude de nos renaeillle-
Or
ments, l'Avenir est le seul journal qui
l'ait contestée. Beaucoup de nos confrères
de province les reproduisent tous les
jours, et chacun d'eux les accepte, non-
seulement en bloc, mais pour son propre
département en particulier. Il serait dif-
ficile qu'il n'en fût pas ainsi, puisque nous
recourons toujours aux sources et que
nous apportons à notre travail un soin
scrupuleux et une entière bonne foi.
Sur le second point, nous ferons volon-
tiers la rectification que l'Avenir nous
demande. L'Avenir est « constitutionnel,
» partisan dévoué du gouvernement du
» maréchal de Mac-Mahon et de la consti-
» tution du 25 février », — c'est entendu.
Mais notre erreur peut s'expliquer : 1° parce
que nous nous souvenons d'avoir lu naguère
dans l'Avenir des articles bonapartistes
extraits de l'Ordre, de la Patrie et autres
feuilles que nous n'avions point l'habitude
de tenir pour constitutionnelles; 2° parce
que, dans un état d'allocations à la presse
bonapartiste, saisi en 1874chez le sieur Man-
tart (Second rapport Savary, p. 120), l'A-
venirngurait pour une allocation mensuelle
de 666 francs. Il est constaté dans cette
même pièce que le sieur Mansart proposait
de réduire à 500 francs l'allocation de 4'4-
venir. Est-ce depuis ce temps-là que notre
confrère a cessé d'être impérialiste? Nous
ne savons ; il lui appartient de nous
éclairer.
E. L.
4,
LE DERNIER SCANDALE
Ce n'est pas des réponses de M. Buf-
fet à la commission de permanence que
nous parlons. Nous ne les avons, hier,
affaiblies par aucun commentaire. Nous
devions en parler aujourd'hui. Les ex-
ploits de M. le vice-président du con-
seil nous débordent. Il faut signaler à
l'opinion le dernier numéro du journal
officiel du soir, le Bulletin français.
Donc le Bulletin français du 22 jan-
vier 1876 a paru avec un supplément
de quatre pages. Qu'y lisons-nous ? Un
acte d'accusation contre la révolution
de 1870 et le gouvernement de la Dé-
fense, qui précédait, en forme de pré-
face, le dernier volume de cette com-
mission du 4 Septembre où se sont il-
lustrés MM. Daru, Chaper, de Rainne-
ville, Boreau-Lajanadie, etc.
Et pourquoi le Bulletin français a-t-
il exhumé un document qui ne peut
avoir d'autre effet, ainsi reproduit et
dans les circonstances où nous som-
mes, que de réveiller les passions, d'a-
viver les discordes? Ecoutez là-dessus
le rédacteur de la feuille officielle; en
tête de son « courrier politique » il a
pris soin d'expliquer la portée du do-
cument qu'il reproduit et la façon de
s'en servir.
Il s'exprime ainsi : -
Nous empruntons aujourd'hui aux docu-
ments parlementaires distribués aux mem-
bres de l'Assemblée nationale et publiés
dans les annexes du Journal officiel — et
nous donnons en supplément — un très-im-
portant document, émané de la commission
d'enquête sar les actes du gouvernement de
la Défense nationale, qu'ont présidée succès
sivement le regretté M. Saint-Marc Girardin
et M. le comte Daru.
Ce document, d'une origine si haute et
dont l'autorité ne saurait être contestée, est
moins un résumé de l'enquête elle-même
que l'éloquente et péremptoire réfutation
des attaques et des arguments a l'aide des-
quels les hommes dont la commission avait
exposé les actes et blâmé la conduite ont
essayé d'affaiblir devant l'opinion publique
le résultat de ses investigations patientes et
la sagesse de ses conclusions.
On ne saurait trop s'appliquer à propager
ces investigations et ces conclusioDs, surtout
au moment où, par la libre manifestation du
scrutin, le pays va prononcer lui-même sur
ses destinées.
Nulle part, il n'appréciera mieux que dans
cette enquête ce que valent, pour la cause
des libertés publiques, les révolutions et les
promesses de ceux qui les désirent et les pro-
voquent, et il y puisera la conviction qu'il
ne doit accorder sa confiance qu'à des hom-
mes résolus à les combattre sous toutes
leurs formes.
Nous ne soulignons rien; ne fau-
drait-il pas souligner tout ? Ce morceau
est de ceux qu'il convient de relire, à
partir surtout du troisième paragra-
phe : On ne saurait trop s'appliquer,
au moment du scrutin, etc.
En tête du supplément figure cette
note, en gros caractères :
L'imprimeur-gérant tient à la disposition
du public ce supplément, qui peut être livré
en paquet à raison de 30 francs le 1,000
rendu franco en France.
Adresser les demandes, à Paris, quai Vol-
taire, 31, avec un chèque ou un manuat-
poste, à l'ordre de M. Wittersheim.
Un peu moins cher que les brochures
de M. Dugué de la Fauconnerie.
Ainsi, « au moment du scrutin, »
voilà ce que « s'applique à propager »
M. le vice-président du conseil, pour
combattre les candidatures des hom-
mes qui ont « désiré et provoqué » la
chute du régime impérial, après Wis-
sembourg, Wœrth, Forbach et Sedan!
Pour nous, nous ne savons, en vé-
rité, ce que M. Buffet « désire. » Mais
nous savons bien ce qu'il « provoque; »
c'est un mouvement des conspirateurs
impérialistes contre la constitution du
25 février.
« Voici les hommes d'ordre ! » dit-il
en montrant les auteurs de notre ruine ;
et, désignant tous ceux qui se sont en-
rôlés sous le drapeau de la défense :
« Les hommes de désordre, les voilà ! >
Eh bien, nous le demandons froide-
ment à M. le ministre de l'intérieur :
Sait-il ce qu'il fait? Est-il sûr d'en avoir
conscience ?
Qu'il daigne regarder seulement à
côté de lui, dans le ministère qu'il
préside : il y trouvera deux ministres qui
ont été, dans les conseils de M. Thiers,
les collègues de quelques-uns de ces
démagogues, et qui sont restés leurs
amis ! Jusqu'à quel point peut-on ou-
trager MM. Favre et Picard sans que
l'injure rejaillisse sur M. Léon Say et
M. Dtifaure? M. le duc Decazes aussi a
droit de réclamer; car, en ce moment
même, c'est un homme de Septembre,
c'est un ministre de la Défense natio-
nale qui représente le gouvernement
français à Saint-Pétersbourg !
Mais ce ne sont pas là les seuls ou-
blis que nous reprochions à M. Buffet;
il en est de plus graves.
M. le vice-président du conseil a ou-
blié que ces républicains qu'il dé-
nonce officiellement à l'exécration de
la France siège niant, au nombre de
plus de trois cents, dans une Assem-
blée qui existe encore et qui a droit à
ses respects, au moins jusqu'à la réu-'
nion des Chambres nouvelles!
Il a oublié que, dès à présent, il
existe, en vertu d'une élection de cette
Assemblée, 75 sénateurs inamovibles,
dont il offense gravement et la dignité
et le caractère, car la plupart d'entre
eux,-^et non les moins illustres, appar-
tiennent à ce parti républicain, à ces
survivants de la Défense, contre qui le
Bulletin français engage les « hommes
d'ordre » à se ruer !
Il a oublié que cette révolution du
4 Septembre eut pour complice la Fran-
ce entière, et qu'il n'y a pas aujourd'hui
un candidat républicain, qu'il n'y a pas
même une un candidat royaliste ou or-
léaniste qui, le 4 Septembre 1870, n'ait
salué d'un cri d'espérance et de joie la
révolution que M. Buffet prétend au-
jourd'hui traîner dans la boue aux ac-
clamations du bonapartisme factieux
qui lui tend les bras !
Et le voilà, le ministre conservateur!
Il fait du Bulletin français, journal
officiel de la République, une sorte
d'annexe de son journal particulier, le
Vosgien. A celui-ci, la polémique
contre les émigrés républicains d'Al-
sace; à celui-là, la diffamation du parti
républicain de France. Et celui-là com-
plète celui-ci. On reconnaît, du pre-
mier coup, que le même esprit les in-
spire. Et tout cela contre qui ? et pour
qui!. Mais arrêtons-nous. Ce n'est
plus, heureusement, un vain mot, quand
nous disons : Le pays sera juge !
EUG. LIÉBERT.
— -o-—
La Sentinelle du Midi a reçu la lettre
suivante:
La Garde, le 19 janvier 1876.
Monsieur le rédacteur,
C'est avea étonnement que je vois dans la
lifete des délégués que vous avez publiée hier
l'épithète de conservateur aocolée à mon nom.
Nous n'attachoias probablement pas le même
sens à cette qualification, et nous ne sommes
pas conservateurs de la même manière. Oni,
je suis conservateur, mais de la République
et pas d'autre chose.
Veuillez, je vous prie, insérer cette recti-
fication dans votre prochain numéro.
Agréez, monsieur le rédacteur, l'assurance
de ma considération la plus distinguée,
TURREL,
Délégué du conseil municipal de
La Garde.
L'honorable correspondant de la Senti.
nelle du Midi ne fait qu'exprimer ici les
sentiments que tout vrai conservateur
éprouve. Nous l'avons dit souvent, il fau-
dra faire un nouveau glossaire politique,
tant l'ordre moral a perverti le sens des
mots !
—+
Le Progrès de l'Est reçoit d'un de ses
amis, qui habite l'arrondissement de Lu-
né ville, la lettre suivante, qu'on ne Jira
pas sans intérêt; :
J'ai été élu délégué par les conseillers mu-
nicipaux de ma commune. Je fuis maire et
républicain. J'ai déclaré que je voterais pour
MM. Varroy et Bernard. Ma situation poli-
tique est donc très-nette.
J'ai éprouvé cependant un moment d'em-
barras. J'ai dû remplir un petit tableau qui
m'avait été envoyé par la sous-préfecture. On
me demandait de désigner l'opinion da délé-
gué et de le désigner soit comme conserva-
teur, soit comme opposant, soit comme dou-
teux. Je devais donc révéler moi-même à la
préfecture le secret de mon vote.
Je me trouvais en présence d'un double
danger.
Déclarer à M. le préfet que je suis conser-
vateur, c'était lui l'oarair un nom de plus à
inscrire sur la liste des délégués qui selon
lui voteront pour MM. Michaut et Cournault,
c'était lui prêter un argument pour dénatu-
rer le caractère général du vote.
D'autre part,.déclarer à M. le préfet que je
ne suis pas conservateur, je ne le puis. Je
suis en effet aussi conservateur que lui,
sinon plus. Car je ne suis pas bien persuadé
que M. de Chambon veuille conserver la Ré-
publique, tandis que je suis bien résolu a la
défendre.
Pais avouer à l'administrateur du dépar-
tement, à celui qui peut me révoquer de-
main, que je suis opposant, je ne le pouvais
pas davantage. Les intérêts de la commune
me sont confiés : je ne me seacie pas de les
compromettra en l'exposant aux rancunes
réactionnaires auxquelles les communes con-
sidérées comme mal pensantes auraient pu
être en butte.
J'ai cru plus sage de me ranger moi-même
parmi les conservateurs. J'ai la satisfaction
d'avoir dit la vérité stricte et puis d'avoir
procuré à M. le préfet an moment de joie.
La vie des préfets est semée d'ennuis trop
nombreux, de déceptions trop amères pour
qu'on ne cherche pas à leur procurer de ci,
de là, quelques menus plaisirs. M. de Cham-
bon m'a placé sur sa liste avec le signe : —
bon. Il est satisfait, moi aussi, tout va bien.
Presque tous mes collègues sont dans la môme
situation que mei. L'administration est la
dupe d'un trompe-l'œil; elle s'est empêtrée
dans ses propres filets. Gare la désillusion du
30! Je crains bien pour M. le préfet qu'elle ne
soit terrible et qu'elle ne lui coûte sa préfec-
ture comme la note de M. le sous-préfet lui
coûte dès maintenant sa sous-préfecture.
Agréez, monsieur le rédacteur, l'assurance
de ma considération la plus distinguée.
X.,
Maire et délégué conservateur,
qui votera pour MM. Bernard
et Varroy.
+ ——————
LA LOGIQUE UL TRAIONTAINE
Le XIX8 Siècle a reproduit le beau
discours que M. Jules Simon vient de
prononcer à l'inauguration d'un cercle
d'ouvriers, tout récemment ouvert ail
Havre.
A cette manifestation, il fallait bien
que l'œuvre des cercles catholiques en
opposât une autre, et il a chargé son
héros, M. de Mun, d'aller à son tour
au Havre pour détruire, par une ha-
rangue orthodoxe, le déplorable effet
produit par l'éloquence d'un philosophe
républicain.
Je ne connais le discours de M. da
Mun que par les comptes-rendus qui en
ont été publiés dans les journaux. Je
n'en saurais donc rien dire : mais il pa-
raît qu'à cette solennité cléricale, il
s'est passé un petit incident bien cu.
rieux, et qui vaut la peine d'être mis
sous les yeux du lecteur.
M. de Mun, parlant du dévouement
du clergé français, a cru devoir, en
preuve, raconter une anecdote, qu'il a
donnée pour authentique.
« C'était, a-t-il dit, au lendemain de
la Commune. On se battait encore.
Vermorel agonisait sur un grabat. Sur-
vient un prêtre, qui se penche sur la
couche du moribond : « Je suis, lui dit-
il, le frère d'un des martyrs que vos
amis ont fusillés hier. Cette nait, pen-
sant à tous les mourants, j'évoquais ce
martyr, et il m'a semblé qu'une force
surnaturelle me poussait vers vous ! Je
viens de la part de cet homme que
vous avez fusillé. » A ces paroles, les
yeux du moribond brillèrent d'un der-
nier éclat, son visage reprit une expres-
sion nouvelle, et, se rapprochant, il
vint saisir le crucifix et l'embrassa. Il
était mort. »
M. de Mun avait à peine achevé de
conter cette anecdote qu'un des assis-
tants, élevant la voix, l'interrompit
pour lui dire :
« Pardon ! monsieur, le fait est faux;
Vermorel est mort trois semaines
après. »
Ce monsieur avait parfaitement rai.
son. Il est avéré que Vermorel, blessé
à la barricade du Château-d'Eau, le
vendredi 26 mai, fut transporté à la
mairie du onzième arrondissement, où
un chirurgien le pansa. Il resta ensuite
caché quelques jours, puis fut dénoncé,
arrêté, et transporté à l'hôpital mili-
taire de Versailles, où il expira entre
les bras de sa mère, le 20 juin, des
suites de sa blessure.
Ajoutons que le récit de M. de Man
donnait clairement à entendre que Ver-
morel aurait pris part au meurtre des
otages. Cette perfide insinuation est
encore démentie par les faits. Vermoret
protesta contre le décret d'exécution;
et c'est depuis ce jour qu'il refusa d'as-
sister aux séances de la Commune.
Ce malheureux jeune homme a com-
mis assez de fautes pour que l'on ne
charge pas encore sa mémoire d'impu-
tations odieuses, qui sont de pures ca»
lomnies. -
L'interrupteur était donc absolument
dans son droit lorsqu'il démolissait
par avance toute l'argumentation de
M. de Mun, en ,, lui criant : « Mais
non, vous vous trompez; le fait est
faux. »
Vous croyez que l'orateur catholique
s'est ému de ce démenti ? Non pas son
siège était fait. Il est parti de cette
anecdote pour exalter chez les prêtres
français l'abnégation, le courage, l'es-
prit de pardon, toutes sortes de vertus
que personne d'ailleurs ne leur con-
teste.
C'est là la logique des ultramontains.
Ils inventent un fait quelconque,
qu'ils supposent propre à frapper l'i-
magination des hommes et surtout des
femmes; ils en tirent une foule de
conséquences favorables à leur cause,
et quand on leur crie : Mais non ; votr»
point de départ est faux! ou ils font
semblant de ne pas entendre, ou ils
vous accusent de diffamation et voiis
demandent, pour la peine, mille .francs
de dommages-intérêts.
Une autre façon de raisonner qui est
encore bien amusante, et que notre
confrère du Havre, M. Santallier, met
en son jour avec une ironie bien plat..
santé :
M. de Mun a prétendu que l'athéis-
me était le fond des opinions que pro-
fesse la Ligue de l'enseignement pu*
blic, et voici comment il a argumenté :
La Ligue de l'enseignement a eu pour
promoteur M. Jean Macé. A-t-elle eu
pour promoteur M. Jean Macé?
Et l'Assemblée toute entière a été
forcée de convenir que M. Jean Macé
est, en effet, le promoteur de la Ligue
de l'enseignement public.
M. Jean Macé est franc-maçon; I.
Jean Macé est-il franc-maçon?
Il l'est, sans contredit.
Les francs-maçons sont-ils des
athées ?
Comment- le nier, puisque le pape
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