Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1876-01-19
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 19 janvier 1876 19 janvier 1876
Description : 1876/01/19 (A6,N1503). 1876/01/19 (A6,N1503).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7557423j
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/03/2013
simiame Annê. — N' 1503
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Prix au Numéro A Paris : 15 OentlMen — DépartemcntA : SO OentlmM -
MerÓredl 19 Janvier 180re
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RÉDACTION -
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
S3, rue oie tLes lettres non affranchies seront refusées
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PARIS
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JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et C
6, place de la Bourse, 6 ((:
k,
Rédacteur en chef'Gérant : E. ABoUT r
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et Q*
6, place de la Bonrse, 6
Imp. A. CJLUX ET C", rue Bergère, 90, à Paris
BULLETIN
- Hit) ,
» Paris, 18 janvier 1876.
Les renseignements sur les élections .des
délégués municipaux sont plus nombreux
qu'ils ne tout clair, et de tous côtés, les
différents partis s'empressent de les inter-
préter à leur avantage. Nous ne pou-
vons nous aventurer sur ce terrain, où l'on
marche encore dans les ténèbres. On com-
prend combien il est difficile de se recon-
naitre au milieu de cette multitude de
noms dont la plupart sont inconnus ; et
personne ne pourra se flatter d'ici à quel-
ques jours d'avoir même une demi-certi-
tude sur le caractère du nouveau collége
électoral. Constatons seulement, et encore
tous réserves, que, d'après des informa-
tions qui semblent puisées à bonne iOttrCe,
les maires sont loin d'être en majorité
jusqu'à présent dans les colléges sénato-
riaux.
La session du Landtag prussien a été
ouverte le 16 janvier. Nous avons sous
les yeux un résumé du discours de « l'em-
pereur-rúi ». L'état peu satisfaisant du
commerce et de l'industrie en Prusse y
est constaté sans détour, et sur un ton non
équivoque de tristesse patriotique. Inutile
d'ajouter que l'espoir d'un retour de pros-
périté suit immédiatement cet aveu.
On attend avec impatience la résolution
que doit prendre aujourd'hui même le mi-
nistère anglais relativement à la réponse
à faire à la note de M. Andrassy. Il semble
qu'il y ait dans un assez grand nombre de
journaux anglais une vive tendance de
réaction contre la politique défavorable à
la Turquie que l'on attribue généralement
au gouvernement anglais et dont le Times
est supposé èLre l'écho. Ces journaux con-
seillent franchement au ministère anglais
de repousser la note du ministre autri-
chien, et de n'accepter en aucune façon
l'idée d'une intervention des puissances
européennes dans les affaires turques. Ce-
pendant il paraît difficile que le gouver-
nement anglais s'écarte ainsi d'une ques-
tion où toutes les grandes puissances euro-
péennes ont tenu à s'engager, et quand
même il aurait désiré que l'affaire &e pré-
sentât autrément, il voudra sans doute
avoir, comme les autres, sa voix au cha-
pit/e. * t.
.-.- 4-
C'est dimanche, 10 janvier, à dix
heures, qu'a commencé dans les mai-
ries la révision des listes électorales.
Cette révision durera jusqu'au 4 fé-
vrier.
Nous engageons les électeurs à s'as-
surer dès maintenant de leur inscrip-
tion
*
— Je vous dis que si ! — Je vous dis
que non ! — Je le sais mieux que vous !
- Je le tiens de M. Dufaure ! — Et moi
de M. Denfert. — Voilà un spécimen
abrégé de la polémique engagée depuis
quelques jours entre les journaux de
diverses nuances. Il s'agit de savoir si
M. le garde des sceaux est porté comme
candidat SU-F la liste sénatoriale de la
Charente Inférieure avec M. Denfert-
Rochereau, et s'il a donné ou non son
adhésion à la circulaire de ce dernier.
On risque fort de discuter ainsi jusqu'a-
près le 30 janvier sans arriver à une
solution, car nous ne voyons guère que
les deux principaux intéressés qui aient
qualité pour trancher le débat, et d'au-
tre part il nous semble que ni l'un ni
l'autre n'ont à intervenir.
H
Il a plu aux républicains, aux con-
stitutionnels de la Charente-Inférieure
de choisir pour candidats MM. Dufaure
et Denfert-Rochereau. Naturellement ils
ont écrit leurs noms sur la même liste.
Cela veut-il dire que M. Dufaure par-
tage sur tous les points l'opinion de M.
Denfert? En aucune façon. Cela signi-
fie que les électeurs sénatoriaux de la
Charente-Inférieure croient, et suivant
nous très-justement, trouver dans ces
deux noms les garanties dont ils ont
besoin. Est-ce au même titre et dans la
même mesure chez tous les deux? C'est
leur affaire et non la nôtre. Reste la
circulaire. M. Dufaure a jugé inutile,
au moins jusqu'à présent, d'en adres-
ser une au corps électoral. Au contraire,
le colonel Denfert a signé une profes-
sion de foi, et l'on discute à perte de
vue sur la question de savoir si M. Du-
faure y adhéré ou la réprouve. Le
Français, tout particulièrement, affir-
me par ce qu'il a de plus cher au
monde, — M. Buffet sans doute, — que
l'honorable garde des seeaux s'est vu
porter malgré lui sur la liste où figure
le nom du colonel Denfert, et que dans
tous les cas, il proteste contre sa cir-
culaire. *
Le Français a beau jeu, car il sait
bien que M. Dufaure ne répondra pas,
et cela par l'excellente raison qu'il n'a
pas à répondre. Les faits parlent a&^ez
haut. S'il lui avait déplu d'être porté
sur la même liste que le colonel Den-
fert, il ne se fut point gêné pour le
dire et exiger une satisfaction immé-
diate. IL n'a rien dit, donc il consent.
Qaant à la circulaire, elle n'engage
que son auteur, et M. Dufaure n'a point
a sa .juger. Il n'en, est pas moiI1 ab-
surde ue prétendre qu'il ia bhLuo, car
nous n'hésitons pas à affirmer qu'elle
'-::"
^e pas un seul mot en désac-
cor avec ce a ne M. le garde des
sceaux n'a jamais cessé de répéter, au
risque de déplaire à son excellent col-
lègue M. Buffet.
M. Denfert se déclare partisan réso-
lu de la constitution : de même M. Du-
faure. M. Denfert en veut la sincère et
loyale application ; M. Dufaure égale-
ment. M. Denfert estime que la révi-
sion, si elle avait lieu avant 1880, sur
la demande du président de la Répu-
blique, devrait avoir pour but d'amé-
liorer et non de renverser le gouver-
nement républicain ; M. Dufaure pense
exactement de même. Sur quoi donc
s'appuient le Français et tous les au-
tres pour déclarer que M. le garde des
sceaux proteste contre la circulaire du
colonel Denfert ? Sur le désir qu'ils au-
raient de faire croire que M. Dufaure
ne prend pas la constitution plus au
sérieux que M. Buffet ? Ils perdent leur
temps ; on sait à quoi s'en tenir. Mais
si, par hasard, car il faut tout prévoir,
ils ne visent qu'à se rendre agréables
au parti bonapartiste dans la Charente-
Inférieure, oh! alors, ils prennent le
bon moyen.
,', E. SCHNERB.
K
Une réunion privée de députés, conseil-
lers généraux, d'arrondissement de la
Seine et des délégués nommés hier par les
communes suburbaines, a eu lieu aujour-
d'hui au boulevard des Capucines. Les élec-
teurs sénatoriaux présents étaient au nom-
bre de 179. M. L'aurent Pichat a été élu
président de la réunion, et la commission
tout entière a été réunie au bureau pour
les convocations ultérieures et les travaux
préparatoires. Six délégués des communes
ont été adjoints au bureau. M. Laurent
Pichat a lu un discours fort applaudi dans
lequel était tracé le programme que la
réunion considère comme devant être ac-
cepté par les candidats. Ce programme
mentionne, entre autres dispositions qui
devraient être miles à l'étude par les as-
semblées futures :
L'enseignement gratuit obligatoire et
laïqué, la révision des impôts, le service
militaire obligatoire pour tous et sans, pri-
vilèges d'aucune sorte, la subordination
de l'Eglise à l'Etat, puis la séparation de
l'Eglise est de l'Etat. Puis la discussion s'est
étendue sur l'opportunité de convoquer
des réunions spéciales des délégués des
communes.
Cette proposition a été vivement com-
battue, et un certain nombre de délégués
ont déclaré qu'ils avaient reçu mandat
de n'agir et ne délibérer que dans les
réunions générales ; qu'en préseace des
élections sénatoriales de la Seine, toute
influence locale devait être sacrifiée à l'en-
tente commune entre la majorité des élec-
teurs. ,
:
M. BUFFET ET LES ANNEXÉS
On lit dans le Vosgien, journal de la
candidature que chacun sait :
Nous devons aupsi dire un mot de l'enva-
hissement de la liste radicale par certains
éléments alsaeieos. N JUS n'avons pas besoin
de rappeler avec qeelle soUieitudenoas avons
accueilli, et toute la France a fait de même,
les enfants de l'Alsace qui, placés entre l'é-
migration et l'acceptation de la nationalité
allemande, ont cherché un refuge sur notre
territoire. Malheureusement, un certain nom-
bre d'entre eux, des industriels, tout parti-
culièrement, imbus d'idées presque ignorées
dans ce pays, n'ont paq cru devoir conserver
la retenue que leur imposait une hospitalité
généreuse.
La liste du Mémorial nous en donne un té-
moignage frappant et à la fois attristant.
Il reste à savoir dans quelle mesure le
pays consentira à abdiquer, et l'élément an-
tique et conservateur à perdre ses droits in-
contestés.
Ainsi donc, ce n'est plus oblique-
ment, à l'abri de périphrases savam-
ment entortillées, que le journal de
M. le vice-président du conseil combat,
les émigrés d'Alsace. Il attaque de
front ces prétendus étrangers; il les
appelle de leur vrai nom et il ose .leur
contester le droit d'agir en hommes qui
sont chez eux dans le département des
Vosges.
IL faut croire que le sol officieux est
un pays unique en son genre, une
sixième partie du monde. Les quelques
Alsaciens qui ont passé l'Atlantique
après le traité de Francfort et adopté
la nationalité américaine sont depuis
longtemps citoyens des Etats-Unis; ils
jouissent de tous leurs droits, et Dieu
sait si l'homme a des droits sur cette
terre de liberté ! Us s'apprêtent à voter
aux prochaines. électious, et, en atten-
daut l'ouverture du scrutin, ils disent,
écrivent et impriment leur façon de
penser sur les choses et les gens, sans
qu'un adversaire mal inspiré songe à
leur demander depuis combien de temps
ils ont pris pied en Amérique ?
Et cependant,ils sont nouveaux, bien
nouveaux, dans cette patrie ; ils y sont
venus en étrangers, on les y a reçus
comme des hôtes, ils ont dû demander
*et attendre leur acte de naturalisation.
Là-bas comme chez nous, il y a des
partis ; mais jamais les partis les plus
effarés n'y POU.$Soot la folie jusqu'à dé-
nier à l'immigrant les droits qu'il tient
de la constitution et de la loi. Il faut
venir en France et dans le petit coin
de la France où le chef de l'ordre mo-
ral se construit une place de sûreté, il
faut grimper l'escalier de service de la
préfecture d'pjnal pour voir ces én,or-
m tés politi'lues.
Eh quoi ! mi. Français de naissance,
qui n'a jamais rien fait pour perdre la
*
qualité da Français et ({ui s'9:st imJl;{'
les plus douloureux sacrifices pour la
conserver, ne serait pas chez lui dans
tous les départements de la France?
Les douanes intérieures, renversées par
Colbert il y a deux cents ans, seraient
relevées expressément contre nos conci-
toyens les meilleurs, les plus dévoués,
les plus malheureux, les plus dignes ?
On contesterait à eux seuls le droit
d'aller, de venir et de fixer leur do-
micile selon leurs goûts, leurs intérêts
et leurs besoins ?
Les Alsaciens chassés du sol natal
par la guerre de 1870 sont les victimes
expiatoires de l'empire. Ils ne mérite-
raient pas le nom d'hommes s'ils ne
haïssaient pas cordialement et la fatale
dynastie qui leur coûte si cher, et les
affamés sans pudeur qui conspirent à
la restaurer, et les politiques marrons,
tantôt bonapartistes et tantôt royalis-
tes, qui saluent dans ces batteurs d'es-
trade l'avant-garde du parti conserva-
teur. Nos émigrés sont unanimes; vous
n'en trouverez pas un qui n'abhorre et
le bonapartisme effronté des Rouher et
le bonapartisme. honteux du duc de
Brogfie et de ses successeurs. Faudra-
t-il, je vous le demande, qu'ils laissent
leurs ressentiment en Alsace, comme
ils y ont laissé les trois quarts de leur
patrimoine? Les astreindrez-vous à l'é-
trauge obligation de rentrer dans leur
propre pays sans opinions, sans idées,
sans passion pour le bien, sans hor-
reur du mal ?
Je connais quelques-uns de ceux qui,
ne pouvant demeurer en Alsace, sont
allés au plus près et ont fait un nouvel
établissement dans les Vosges. Ils y
ont trouvé un accueil cordial, de bra-
ves cœurs et des visages sympathiques.
Mais ils ont bel et bien payé le eoin de
terre où ils gagnent leur pain à tour
de bras. Qu'est-ce que le Vosgien nous
chante avec cette « généreuse hospita-
lité qui impose la retenue ? »
Les Alsaciens transplantés dans les
Vosges n'y sont pas, Dieu merci, des
pensionnaires à l'hospice, soumis au
règlement de la maison. Ils sont chez
eux, ils ont de bons voisins, et jamais
les rapports de bon voisinage n'ont im-
pliqué le sacrifice du bon sens - et du
bon «troit. D'ailleurs, vous qui parlez
si haut dans l'antichambre du préfet,
êtes-vous sûrs que les Vosgiens, les
vrais, soient personnellement offeusés
par l cri de : Vive la République £
Nous avons lieu de eroire, au con-
traire, qu'ils font chorus, et gaillarde-
ment. En votant avec les émigrés d'Al-
sace pour des sénateurs et des députés
républicains, ils n'abdiquent pas, tant
s'en faut. Ils continuent ce qu'ils ont
très-bien - commencé lorsqu'ils ont élu
Claude, Gorge, Méline et Ferry. Ce
n'est pas seulement aux annexés que
vous faites injure en les accusant d'a-
buser de l'hospitalité vosgienne ; c'est
encore et surtout aux Vosgiens, qui
sont trop braves gens, trop honnêtes et
trop libéraux pour imposer des condi-
tions à leurs amis d'Alsace et les faire
passer sous les fourches caudines !
Prenez garde que le département,
dans sa loyauté rude et quelque peu
montagnarde, ne vous donne une sé-
vère leçon. Je sais bien ce que je fe-
rais, quant à moi, si j'avais l'honneur
d'exercer quelque influence dans les
Vosges. Après avoir battu M. Buffet
sur le terrain du Sénat, je lui oppose-
rais, à Mirecourt, dans son propre ar-
rondissement, la candidature d'un de
ces annexés qui n'ont plus de collége
dans le territoire conquis, et qui méri-
tent pourtant de rester députés de la
France.
Nous avons, par exemple, le brave
Bamberger, représentant de Metz à
l'Assemblée nationale, excellent répu-
blicain, esprit aussi sage que droit,
conservateur solida, patriote ardent,
promoteur du fameux décret qui con-
sacra la déchéance de l'empire. Ah ! la
belle réponse aux détestables articles
du Vosgien, si le département dss Vos-
ges élisait Bamberger contre M. Buffet!
ABOUT.
--
LE COMITÉ CENTRAL
Le Soir nous apprend qu'un grand co
mité électoral constitué sous le nom de
comité central de l'union conservatrice
vient de se former à Paris sous la prési.
dence eu général Chaagarnier. Ce comité
se propose « de faire appel, dans toute la
France, au concours énergique des élec-
leurs qui adhèrent sans réserve au mani-
feste du maréchal président de la Répu-
blique. » *
Voilà un comité qui aura du fil à retor-
dre. Il y a tant de manières d'adhérer,
mêmergatts réserve, au manifeste présiden-
tiel ! Ainsi, pour ne citer qu'un exemple,
M. Buffet et M. Léon Say y adhèrent tous
deux, et sans réserve; mais le général
Changarnier est-il bien sùr que tous deux
et lui-même l'interprètent de ia mêmte fa-
çon ?
Quoi qu'il en soit, bonne chance au co-
mité centraH Nous nous permettrons pour-
tant de lui soumettre une observation :
Etait il bien nécessaire, est il bien politi-
que, est il même bien conforme à l'esprit
da la consdtutioa de jeter ainsi dans la
•«èl^e électo aie le nom du chef de l'Etat?
Et serait-il indiscret de demander au co-
mité central si c'est avec l'agrément du
* ..;.- i i
!::..&.< .,
marécliaï dA Maa-kfahori qu'il te propose de
le mettre ainsi aux voix dans toute la
France !
La candidature de M. Tirard. à la
Chambre des députés, après avoir quel-
que temps oscillé entre le 2e et le 3e
arrondissement de Paris, a été ré-
clamée par le 1er. A l'inverse de beau-
coup d'autres candidats, notre hono-
rable collaborateur et ami n'a pas eu
à chercher un collège, mais plutôt à
se défendre contre la multiplicité des
collèges. Et ce fait n'a rien d'éton-
nant : par sa belle conduite au temps
du siège, M. Tirard avait mérité la
sympathie da toute la population pari-
sienne. L'activité qu'il déploie depuis
cinq ans à Versailles dans la défense
des intérêts économiques de la capitale
lui a pour ainsi dire inféodé tout le
commerce de Paris. Le 1er arrondisse-
ment, si républicain et si laborieux, ne
saurait être mieux représenté que par
ce républicain éprouvé et cet infati-
gable travailleur.
+ ————————
Les journaux ministériels et les
feuilles bonapartistes s'accordent à dire
que, si les villes ont choisi pour délé-
gués des républicains, les campagnes
ont nommé en masse des délégués con-
servateurs. On éprouve quelque envie
de demander d'abord aux feuilles bo-
napartistes et aux journaux ministé-
riels où'de si rapides informations ont
été puisées. Les trente mille délégués
ruraux et leurs trente mille suppléants
sont des « conservateurs, » s'il en faut
croira le Français, Y Ordre et la Pa-
trie. S'il nous venait en tête de soute-
nir d'inspiration qu'ils forment une ar-
mée de soixante mille républicains, ços
appréciations seraient aussi sûres. En
effet, sur l'opinion de CAS délégués des
campagnes, le Français, l'Ordre, la
Patrie ou nous, nous en savons juste-
ment aujourd'hui tout autant les uns,
que les autres; au total, nous ne sa-
vons rien. Les délégués urbains, dont
la couleur politique est connue, pour-
raient seuls fournir des éléments à peu
près certains à la statistique; jusqu'à
plus ample imformé, il n'y a que ties
politiques de fantaisie qui puissent s'a-
viser d'escompter au profit d'un parti
quelconque la nomination des délégués
ruraux.
Mais ce n'est pas sur ce détail que
nous voulons chicaner à présent les or-
ganes très-divers de l'opinion « conser-
vatrice. » Chacun fait ce qu'il peut;
c'est affaire à eux de chanter victoire
avant l'heure, s'ils jugent que c'est de
la sorte que leur pubiic désire être ren-
seigné. Ce qui nous surprend, c'est l'an-
tagonisme établi, en vertu d'un accord
tacite, par les feuilles ministérielles et
les journaux bonapartistes, entre les
délégués « conservateurs » et les délé-
gués républicains. Nous ne pouvons sans
quelque étonnement entendre à la fois,
les ministériels d'un côté, les bonapar-
tistes de l'autre, tenir à l'uoisson ce
discours : « Les villes ont élu des dé-
légués qui voteront certainement le 30
pour les listes républicaines, où tous les
groupes du parti constitutionnel, jus-
ques et y compris M. Bocher, ont des
représentants. Nous nous attendions
bien à ces déplorables effets du radica-
lisme des villes. Mais le vote des cam-
pagnes est venu corriger, heureuse-
ment, le vote des villes ! Les campa-
gnes ont nommé des délégués conser-
vateurs, qui disposeront d'une majorité
imposante et qui n'enverront siéger au
Sénat que des conservateurs !. »
Arrêtons-nous. Car c'est ici qu'on
éprouverait le besoin de s'entendre, et
qu'on ne s'entend plus. Quels conserva-
teurs ? Car, enfin, il ne suffit pas que
les journaux bonapartistes crient :
« Bravo 1 nous sommes sûrs désormais
du succès des conservateurs, » et que
les journaux ministériels fassent cho-
rus. Cela mérite explication. Jusqu'ici,
les journaux ministériels nous don-
naient à croire que leurs candidats con-
servateurs étaient tous, plus ou moins,
hommes de la droite et du centre droit
ou dignes d'en être, et que sur leurs lis-
tel conservatrices on n'admettrait, par
grâce et par exception, qu'un petit
nombre de bonapartistes très-adoucis.
Los journaux impérialistes, cependant,
déclaraient, avec toute la netteté dési-
rable, que leurs candidats conserva-
teurs, à eux, faisaient partie de l'im-
périalisme militant, et ne seraient ja-
mais des hommes de la droite modérée
et du centre droit ; il n'est point, no-
tamment, d'inj ures et de railleries que
Y Ordre, le Pays, etc., aient épargnées
aux orléanistes. Rappelons-nous les
candidatures de l'Aude, si l'on veut un
exemple. ,
Par quel nom y est représenté l'élé-
ment conservateur impérialiste? Par le
nom de M. Peyrusse. Et l'élément con-
servateur ministéri'el'? Par celui de M.
Lambert Sainte-Croix. Les épiàodes du
grand combat de M" Peyrusse et de M.
Lambert Sainte-Croix deviennent qua-
siment épiques. Or, voici V Ordre et le
Pays, journaux de M. Peyrusse, qui se
félicitent de l'élection des délégués con-
$ervateurs, qui feront triompher les
candidats conservateurs. Et le Fran-
(ds, journal de M. Lambert Sainte-
Croix, s'en félicite aussi. Que devons-
i -
r nous croire? Admettons que le choix
des délégués conservateurs de l'Aude
comble de joie du même coup l'Ordre
et le Français. Mais, en fin de compte,
est-ce M. Peyrusse Ott-M. Lambert
Sainte-Croix, suivant eux, dont la vic-
toire est assurée ? Si les chances sont
pour celui-ci, nous ne comprenons plus
la satisfaction de Y Ordre; et si elles
sont pour celui-Jà, c'est le Français qui
nous fait l'effet de déraisonner. A
moins que le Français, qui doit savoir
à peu près à quoi s'en tenir sur les
chances des candidats de la droite mo-
dérée et du centre droit, ne soutienne
leurs candidatures aue Dour la galerie.
et ne souhaite, au fond, que les candi-
dats de l'appel au peuple soient nommés.
Mais ce serait bien gros, quoique l'at-
titude des journaux ministériels ne
puisse guère autrement s'expliquer. La
tactique des bonapartistes se comprend :
ils baptisent du nom de conservateurs
tous les délégués qu'ils supposent hos-
tiles aux institutions républicaines, et,
naturellement, ils ajoutent que ces
conservateurs-là leur sont acquIs. Cela
est vrai, cela est faux, pour notre rai-
sonnement il n'importe guère; le fait
certain, c'est que, au point de vue bo-
napartiste, ce langage se justifie et se
comprend admirablement. Au point de
vue ministériel, en est-il de même ?
Comment! nous savons que dans la
plupart des départements il n'y a en
présence (avec des chances sérieuses,
bien entende) que des listes impéria-
listes et des listes républicaines, et
vous, organes officieux du gouverne-
ment, vous venez écrire qu'il faut sa-
luer avec joie les délégués choisis par
les campagnes, parce que, dites-vous,
grâce à eux, les listes républicaines se-
ront écartées !
Qu'est-ce donc qu'un pareil langage ?
Il équivaut, aux yeux du vrai parti
conservateur, c'est-à dire du parti con-
stitutionnel, à une trahison. Nous ne
dirons pas une trahison de M. le minis-
tre de l'intérieur, vice-président du
conseil (Dieu nous en garde !) mais, de
son truchement officieux,mis du Fran-
çais. Elle éclate encore davantage
quand on lit, d'une part, les circulai-
res des prétendus conservateurs, qui
n'aspirent qu'à réviser les institutions
actuelk?, et que, d'autre part, on leur
oppose lès- professions de foi des répu-
blicains, si constitutionnelles, si rem-
plies de témoignages de déférence pour
le président de la République et de res-
pect pour les lois ! D'un côté, tout est
louche, ou même hardiment factieux ;
tout est irréprochable de l'autre. Et
c'est vers le côté louche ou factieux
que vont les vœux d'un journal minis-
tériel! Voilà, en vérité, qui paraît re-
grettable pour le bon renom de M.
Buffet."
- -- a - a
Quant aux délégués ruraux, en dé-
pit des pronostics du Français et de
l'Ordre, ils ne nous causent point l'in-
quiétude où l'on voudrait bien nous je-
ter. Ce qu'ils sont, nous le saurons plus
tard; mais nous pouvons affirmer par
avance qu'ils ne sont point si mauvais
citoyens oa si niais que Y Ordre et le
Français se les figurent. Que les can-
didats républicains et les autres s'ex-
pliquent seulement devant eux, et les
délégués ruraux n'auront sans doute
point de peine à voir où est la saine
politique. Nous nous en remettons à
leur patriotisme et à leur bon sens pour
la discerner. -
EUG. LIÉBERT.
4
Le Bulletin français, organe officiel
du gouvernement, a reproduit au long la
circulaire adressée par M. de Broglie aux
électeurs sénatoriaux de l'Eure.
Sur quoi les bonapartistes réclament.
— Pourquoi, s'écrient leurs journaux,
cette exception? Si le Bulletin français
publie la circulaire de M. de Broglie, la jus-
tice A.xige qu'il reproduise aussi celles de
MM. dAlbuféra, la Roncièrele Noury, etc.
Il est bien certain que ceux-ci ne sont
pas moins « conservateurs » que celui-là.
Dans tous les cas, l'ineertion de leurs cir-
culaires au Bulletin français ne cause-
rait guère plus de scandale que la fa-
veur accordée par M. Buffet au chef déchu
de la coalition du 24 mai.
—*
r
LA TOLÉRANCE
Me voici passé collaborateur du Fran-
çais. Tous les jours, ce brave journal
réimprime un des vieux articles que
j'ai publiés jadis dans les vingt jour-
naux où j'ai écrit tour à tour. Vraiment
je lui sais bon gré de cette attention
lélicate : j'ai plaisir à relire ces ex-
traits, que j'avais à peu près oubliés,
et qu'il m'eût été impossible de retrou-
ver dans l'horrible fouillis de mes pa-
perasses. J'ai la vanité de croire que
ce n'est pas non plus une mauvaise
affaire pour le Français. C'est là de la
copie (pour me servir du mot usité en-
tre nous) qui ne fait pas déjà si mau-
vaise figure chez lui, en première page. '1
J'engage lé Français à continuer, pour
mon plaisir d'abord, et puis, j'ose le
dire, pour l'instruction do ses lecteurs.
Ils trouveront dans ces dissertations
mêlées de philosophie et de morale
d'utiles sujets de réflexion, que ne leur
fournit pas toujours la prose attitrée de
ses rédacteurs ordinaires. ,
Ce que le Français s'efforce de prou-
l ver, en remettant sous les yeux de ses
[ abonnés mes anciens articles du Gau-
lois et du Soleil, c'est que j'étais en
ce temps-là animé d'un esprit de tolé-
rance avec lequel j'ai rompu; c'est qu'il
avait raison de m'accuser de change.
ment : car je Sûiè devenu un fanati-
que, et je ne l'étais point, ainsi qu'il
le prouve, en rejetant dans la circula-
tion les polémiques que j'ai soutenues
autrefois en faveur du clergé.
Le Français me permettra-t-il, bien
qu'il se pique de savoir sa langue, de
lui en donner une leçon que je crois
nécessaire ? <>
Il ne me paraît pas savoir au juste
ce que l'on entend par le beau mot de
tolérance. Peut-être est-ce que, pratiç
quant assez peu la chose, il n'est pas
bien familier avec le sens du terme qui
l'exprime.
Ea quoi consiste la tolérancel
La tolérance n'est point, comme beau*
coup de personnes le croient, un scepti-
cisme aimable, qui se résout en indiffé-
rence pour toutes les opinions. Il est
certain que les gens qui ne croient à
rien sont tolérants ; ils devraient l'être
tout au moins. Mais cette tolérancé ne
compte pas ; elle n'est point active ;
elle n'est que l'impuissance de penser
et le sentir. Elle n'a jamais poussé
personne à l'action. Elle est passive, et
c'est par un abus du mot qu'elle usurpe
ce nom, qu'il faudrait réserver à une
autre tolérance, qui est la seule vraie et
digne de la sympathie des honnêtës
gens.
On peut à la fois être très-passionné
pour une opinioa ou pour une sérié d'i-
dées soit philosophiques, soit politiques,
soit religieuses ou moralés, et restet
néanmoins très-tolérant pour lés opi-
nions et les idées contraires.
Mais on n'est tolérant qu'à troié êÕn.
ditions :
La première, c'est de croire, ou tout
au moins d'admettre dans la discussion
que l'adversaire est lui-même de bonne
foi. C'est de ne pas lui répondre par
cette péremptoire et absurde fin de
non-recevoir : Monsieur, vous ne pen-
sez pas un mot de ce que vous dites,
vous êtes un malhonnête homme et un
menteur.
La seconde, e'est de ne point donner
non plus à l'homme qui pense autres
meut que vous d'autre raison que celle
qui est si commune, hélas : Monsieur,
vous êtes un imbécile et un nigaud: Il
est parfaitement inutile de discuter
avec un âne qui n'a pas le sens com-
mun et ne sait ce qu'il dit.
Ces deux conditions peuvent se ra-
mener à une seule, c'est de ne point se
croire quitte avec un adversaire eti
l'accablant d'injures. Il n'y a point de
discussion sérieuse si l'on ne com-
mence par bien se pénétrer de cette
pensée, que eelui qui est d'un autre avis
que vous pourrait bien après tout avoir
raison, qu'il est sincère et intelligent,
et qu'on ne peut venir à bout de sa ré-
sistance qu'en s'efforçant de le con-.
vaincre par de bonnes et valables rai-
sons.
La troisième condition, c'est de ne
jamais user de la force pour contrain-
dre un homme à prendre ou à feindre
une opinion qui n'est pas la sienne,
c'est de n'employer d'autres armes que
celles qui sont fournies par la vérité
des faits et par la logique.
Un homme est tolérant qui s'astreint
à ces règles, quelles que puissent être,
d'ailleurs, l'inflexible raideur de ses
opinions et la vivacité de sa polémique.
Il ne lui est pas défendu de soutenir
ses idées ; il serait même, s'il ne les
soutenait pas avec passion, nu de ces
tièdes que le Seigneur vomit de sa bou-
che. Il lui est permis d'employer dans
la discussion tout l'arsenal des figu-
res que lui fournit la rhétorique, tan-
tôt l'argumentation serrée et - précise,
d'autres fois l'ironie fine, souvent la
joyeuse raillerie, et d'aller même, s'il le
faut, jusqu'à l'invective.
Tout ce qu'on exige de lui, c'est que
ces diverses formes de langage ne soient
pour lui qu'une façon de démontrer ce-
qu'il croit être le vrai, de le rendre
plus sensible aux gens qu'il a la pré-
tention de persuader.
C'est qu'il ne se contente pas de crier
à son contradicteur : Vous êtes de mau-
vaise foi; ou : Vous êtes un imbécile! ;
C'est que surtout, s'il a en main le
pouvoir de mettre en mouvement soit ;
les juges, soit les gendarmes, il ne se !
serve pas d'eux pour lui mettre la main
sur la bouche et l'empêcher de répon-
dre.
J'irai plus loin encore.
La vraie tolérance, la tolérance- ac-
tive veut que l'on ouvre à ses adversai-
res les moyens d'exposer leurs opinions
et de se défendre. C'est bien quel$|ie
chose de ne pas leur imposer silencEt.
elle commande de faire plus. Elle
exige que, prenant par la pensée la
place de son contradicteur, on fasse
pour lui ce l'on voudrait qu'il fît peur
vous ; on lui délie la langue ou on donne
toute liberté à sa plume.
L'intolérance, monsieur du Français,
ne consiste donc pas, comme vous pa-
raissez le croire, à poursuivre âpre-
ment et sans relâche, par tous les *
moyens et sous toutes les formes, lei
abus et les préjugés que l'on exècre; ce
qui la constitue, c'est uniquement lef
recours aux autres armes que celles
du raisonnement; c'est avant tout et*
burtout l'appel au bras séculier.
Eh bien! je vous dirai que j'al ton-
i .s
f ,J
Prix au Numéro A Paris : 15 OentlMen — DépartemcntA : SO OentlmM -
MerÓredl 19 Janvier 180re
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JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et C
6, place de la Bourse, 6 ((:
k,
Rédacteur en chef'Gérant : E. ABoUT r
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et Q*
6, place de la Bonrse, 6
Imp. A. CJLUX ET C", rue Bergère, 90, à Paris
BULLETIN
- Hit) ,
» Paris, 18 janvier 1876.
Les renseignements sur les élections .des
délégués municipaux sont plus nombreux
qu'ils ne tout clair, et de tous côtés, les
différents partis s'empressent de les inter-
préter à leur avantage. Nous ne pou-
vons nous aventurer sur ce terrain, où l'on
marche encore dans les ténèbres. On com-
prend combien il est difficile de se recon-
naitre au milieu de cette multitude de
noms dont la plupart sont inconnus ; et
personne ne pourra se flatter d'ici à quel-
ques jours d'avoir même une demi-certi-
tude sur le caractère du nouveau collége
électoral. Constatons seulement, et encore
tous réserves, que, d'après des informa-
tions qui semblent puisées à bonne iOttrCe,
les maires sont loin d'être en majorité
jusqu'à présent dans les colléges sénato-
riaux.
La session du Landtag prussien a été
ouverte le 16 janvier. Nous avons sous
les yeux un résumé du discours de « l'em-
pereur-rúi ». L'état peu satisfaisant du
commerce et de l'industrie en Prusse y
est constaté sans détour, et sur un ton non
équivoque de tristesse patriotique. Inutile
d'ajouter que l'espoir d'un retour de pros-
périté suit immédiatement cet aveu.
On attend avec impatience la résolution
que doit prendre aujourd'hui même le mi-
nistère anglais relativement à la réponse
à faire à la note de M. Andrassy. Il semble
qu'il y ait dans un assez grand nombre de
journaux anglais une vive tendance de
réaction contre la politique défavorable à
la Turquie que l'on attribue généralement
au gouvernement anglais et dont le Times
est supposé èLre l'écho. Ces journaux con-
seillent franchement au ministère anglais
de repousser la note du ministre autri-
chien, et de n'accepter en aucune façon
l'idée d'une intervention des puissances
européennes dans les affaires turques. Ce-
pendant il paraît difficile que le gouver-
nement anglais s'écarte ainsi d'une ques-
tion où toutes les grandes puissances euro-
péennes ont tenu à s'engager, et quand
même il aurait désiré que l'affaire &e pré-
sentât autrément, il voudra sans doute
avoir, comme les autres, sa voix au cha-
pit/e. * t.
.-.- 4-
C'est dimanche, 10 janvier, à dix
heures, qu'a commencé dans les mai-
ries la révision des listes électorales.
Cette révision durera jusqu'au 4 fé-
vrier.
Nous engageons les électeurs à s'as-
surer dès maintenant de leur inscrip-
tion
*
— Je vous dis que si ! — Je vous dis
que non ! — Je le sais mieux que vous !
- Je le tiens de M. Dufaure ! — Et moi
de M. Denfert. — Voilà un spécimen
abrégé de la polémique engagée depuis
quelques jours entre les journaux de
diverses nuances. Il s'agit de savoir si
M. le garde des sceaux est porté comme
candidat SU-F la liste sénatoriale de la
Charente Inférieure avec M. Denfert-
Rochereau, et s'il a donné ou non son
adhésion à la circulaire de ce dernier.
On risque fort de discuter ainsi jusqu'a-
près le 30 janvier sans arriver à une
solution, car nous ne voyons guère que
les deux principaux intéressés qui aient
qualité pour trancher le débat, et d'au-
tre part il nous semble que ni l'un ni
l'autre n'ont à intervenir.
H
Il a plu aux républicains, aux con-
stitutionnels de la Charente-Inférieure
de choisir pour candidats MM. Dufaure
et Denfert-Rochereau. Naturellement ils
ont écrit leurs noms sur la même liste.
Cela veut-il dire que M. Dufaure par-
tage sur tous les points l'opinion de M.
Denfert? En aucune façon. Cela signi-
fie que les électeurs sénatoriaux de la
Charente-Inférieure croient, et suivant
nous très-justement, trouver dans ces
deux noms les garanties dont ils ont
besoin. Est-ce au même titre et dans la
même mesure chez tous les deux? C'est
leur affaire et non la nôtre. Reste la
circulaire. M. Dufaure a jugé inutile,
au moins jusqu'à présent, d'en adres-
ser une au corps électoral. Au contraire,
le colonel Denfert a signé une profes-
sion de foi, et l'on discute à perte de
vue sur la question de savoir si M. Du-
faure y adhéré ou la réprouve. Le
Français, tout particulièrement, affir-
me par ce qu'il a de plus cher au
monde, — M. Buffet sans doute, — que
l'honorable garde des seeaux s'est vu
porter malgré lui sur la liste où figure
le nom du colonel Denfert, et que dans
tous les cas, il proteste contre sa cir-
culaire. *
Le Français a beau jeu, car il sait
bien que M. Dufaure ne répondra pas,
et cela par l'excellente raison qu'il n'a
pas à répondre. Les faits parlent a&^ez
haut. S'il lui avait déplu d'être porté
sur la même liste que le colonel Den-
fert, il ne se fut point gêné pour le
dire et exiger une satisfaction immé-
diate. IL n'a rien dit, donc il consent.
Qaant à la circulaire, elle n'engage
que son auteur, et M. Dufaure n'a point
a sa .juger. Il n'en, est pas moiI1 ab-
surde ue prétendre qu'il ia bhLuo, car
nous n'hésitons pas à affirmer qu'elle
'-::"
^e pas un seul mot en désac-
cor avec ce a ne M. le garde des
sceaux n'a jamais cessé de répéter, au
risque de déplaire à son excellent col-
lègue M. Buffet.
M. Denfert se déclare partisan réso-
lu de la constitution : de même M. Du-
faure. M. Denfert en veut la sincère et
loyale application ; M. Dufaure égale-
ment. M. Denfert estime que la révi-
sion, si elle avait lieu avant 1880, sur
la demande du président de la Répu-
blique, devrait avoir pour but d'amé-
liorer et non de renverser le gouver-
nement républicain ; M. Dufaure pense
exactement de même. Sur quoi donc
s'appuient le Français et tous les au-
tres pour déclarer que M. le garde des
sceaux proteste contre la circulaire du
colonel Denfert ? Sur le désir qu'ils au-
raient de faire croire que M. Dufaure
ne prend pas la constitution plus au
sérieux que M. Buffet ? Ils perdent leur
temps ; on sait à quoi s'en tenir. Mais
si, par hasard, car il faut tout prévoir,
ils ne visent qu'à se rendre agréables
au parti bonapartiste dans la Charente-
Inférieure, oh! alors, ils prennent le
bon moyen.
,', E. SCHNERB.
K
Une réunion privée de députés, conseil-
lers généraux, d'arrondissement de la
Seine et des délégués nommés hier par les
communes suburbaines, a eu lieu aujour-
d'hui au boulevard des Capucines. Les élec-
teurs sénatoriaux présents étaient au nom-
bre de 179. M. L'aurent Pichat a été élu
président de la réunion, et la commission
tout entière a été réunie au bureau pour
les convocations ultérieures et les travaux
préparatoires. Six délégués des communes
ont été adjoints au bureau. M. Laurent
Pichat a lu un discours fort applaudi dans
lequel était tracé le programme que la
réunion considère comme devant être ac-
cepté par les candidats. Ce programme
mentionne, entre autres dispositions qui
devraient être miles à l'étude par les as-
semblées futures :
L'enseignement gratuit obligatoire et
laïqué, la révision des impôts, le service
militaire obligatoire pour tous et sans, pri-
vilèges d'aucune sorte, la subordination
de l'Eglise à l'Etat, puis la séparation de
l'Eglise est de l'Etat. Puis la discussion s'est
étendue sur l'opportunité de convoquer
des réunions spéciales des délégués des
communes.
Cette proposition a été vivement com-
battue, et un certain nombre de délégués
ont déclaré qu'ils avaient reçu mandat
de n'agir et ne délibérer que dans les
réunions générales ; qu'en préseace des
élections sénatoriales de la Seine, toute
influence locale devait être sacrifiée à l'en-
tente commune entre la majorité des élec-
teurs. ,
:
M. BUFFET ET LES ANNEXÉS
On lit dans le Vosgien, journal de la
candidature que chacun sait :
Nous devons aupsi dire un mot de l'enva-
hissement de la liste radicale par certains
éléments alsaeieos. N JUS n'avons pas besoin
de rappeler avec qeelle soUieitudenoas avons
accueilli, et toute la France a fait de même,
les enfants de l'Alsace qui, placés entre l'é-
migration et l'acceptation de la nationalité
allemande, ont cherché un refuge sur notre
territoire. Malheureusement, un certain nom-
bre d'entre eux, des industriels, tout parti-
culièrement, imbus d'idées presque ignorées
dans ce pays, n'ont paq cru devoir conserver
la retenue que leur imposait une hospitalité
généreuse.
La liste du Mémorial nous en donne un té-
moignage frappant et à la fois attristant.
Il reste à savoir dans quelle mesure le
pays consentira à abdiquer, et l'élément an-
tique et conservateur à perdre ses droits in-
contestés.
Ainsi donc, ce n'est plus oblique-
ment, à l'abri de périphrases savam-
ment entortillées, que le journal de
M. le vice-président du conseil combat,
les émigrés d'Alsace. Il attaque de
front ces prétendus étrangers; il les
appelle de leur vrai nom et il ose .leur
contester le droit d'agir en hommes qui
sont chez eux dans le département des
Vosges.
IL faut croire que le sol officieux est
un pays unique en son genre, une
sixième partie du monde. Les quelques
Alsaciens qui ont passé l'Atlantique
après le traité de Francfort et adopté
la nationalité américaine sont depuis
longtemps citoyens des Etats-Unis; ils
jouissent de tous leurs droits, et Dieu
sait si l'homme a des droits sur cette
terre de liberté ! Us s'apprêtent à voter
aux prochaines. électious, et, en atten-
daut l'ouverture du scrutin, ils disent,
écrivent et impriment leur façon de
penser sur les choses et les gens, sans
qu'un adversaire mal inspiré songe à
leur demander depuis combien de temps
ils ont pris pied en Amérique ?
Et cependant,ils sont nouveaux, bien
nouveaux, dans cette patrie ; ils y sont
venus en étrangers, on les y a reçus
comme des hôtes, ils ont dû demander
*et attendre leur acte de naturalisation.
Là-bas comme chez nous, il y a des
partis ; mais jamais les partis les plus
effarés n'y POU.$Soot la folie jusqu'à dé-
nier à l'immigrant les droits qu'il tient
de la constitution et de la loi. Il faut
venir en France et dans le petit coin
de la France où le chef de l'ordre mo-
ral se construit une place de sûreté, il
faut grimper l'escalier de service de la
préfecture d'pjnal pour voir ces én,or-
m tés politi'lues.
Eh quoi ! mi. Français de naissance,
qui n'a jamais rien fait pour perdre la
*
qualité da Français et ({ui s'9:st imJl;{'
les plus douloureux sacrifices pour la
conserver, ne serait pas chez lui dans
tous les départements de la France?
Les douanes intérieures, renversées par
Colbert il y a deux cents ans, seraient
relevées expressément contre nos conci-
toyens les meilleurs, les plus dévoués,
les plus malheureux, les plus dignes ?
On contesterait à eux seuls le droit
d'aller, de venir et de fixer leur do-
micile selon leurs goûts, leurs intérêts
et leurs besoins ?
Les Alsaciens chassés du sol natal
par la guerre de 1870 sont les victimes
expiatoires de l'empire. Ils ne mérite-
raient pas le nom d'hommes s'ils ne
haïssaient pas cordialement et la fatale
dynastie qui leur coûte si cher, et les
affamés sans pudeur qui conspirent à
la restaurer, et les politiques marrons,
tantôt bonapartistes et tantôt royalis-
tes, qui saluent dans ces batteurs d'es-
trade l'avant-garde du parti conserva-
teur. Nos émigrés sont unanimes; vous
n'en trouverez pas un qui n'abhorre et
le bonapartisme effronté des Rouher et
le bonapartisme. honteux du duc de
Brogfie et de ses successeurs. Faudra-
t-il, je vous le demande, qu'ils laissent
leurs ressentiment en Alsace, comme
ils y ont laissé les trois quarts de leur
patrimoine? Les astreindrez-vous à l'é-
trauge obligation de rentrer dans leur
propre pays sans opinions, sans idées,
sans passion pour le bien, sans hor-
reur du mal ?
Je connais quelques-uns de ceux qui,
ne pouvant demeurer en Alsace, sont
allés au plus près et ont fait un nouvel
établissement dans les Vosges. Ils y
ont trouvé un accueil cordial, de bra-
ves cœurs et des visages sympathiques.
Mais ils ont bel et bien payé le eoin de
terre où ils gagnent leur pain à tour
de bras. Qu'est-ce que le Vosgien nous
chante avec cette « généreuse hospita-
lité qui impose la retenue ? »
Les Alsaciens transplantés dans les
Vosges n'y sont pas, Dieu merci, des
pensionnaires à l'hospice, soumis au
règlement de la maison. Ils sont chez
eux, ils ont de bons voisins, et jamais
les rapports de bon voisinage n'ont im-
pliqué le sacrifice du bon sens - et du
bon «troit. D'ailleurs, vous qui parlez
si haut dans l'antichambre du préfet,
êtes-vous sûrs que les Vosgiens, les
vrais, soient personnellement offeusés
par l cri de : Vive la République £
Nous avons lieu de eroire, au con-
traire, qu'ils font chorus, et gaillarde-
ment. En votant avec les émigrés d'Al-
sace pour des sénateurs et des députés
républicains, ils n'abdiquent pas, tant
s'en faut. Ils continuent ce qu'ils ont
très-bien - commencé lorsqu'ils ont élu
Claude, Gorge, Méline et Ferry. Ce
n'est pas seulement aux annexés que
vous faites injure en les accusant d'a-
buser de l'hospitalité vosgienne ; c'est
encore et surtout aux Vosgiens, qui
sont trop braves gens, trop honnêtes et
trop libéraux pour imposer des condi-
tions à leurs amis d'Alsace et les faire
passer sous les fourches caudines !
Prenez garde que le département,
dans sa loyauté rude et quelque peu
montagnarde, ne vous donne une sé-
vère leçon. Je sais bien ce que je fe-
rais, quant à moi, si j'avais l'honneur
d'exercer quelque influence dans les
Vosges. Après avoir battu M. Buffet
sur le terrain du Sénat, je lui oppose-
rais, à Mirecourt, dans son propre ar-
rondissement, la candidature d'un de
ces annexés qui n'ont plus de collége
dans le territoire conquis, et qui méri-
tent pourtant de rester députés de la
France.
Nous avons, par exemple, le brave
Bamberger, représentant de Metz à
l'Assemblée nationale, excellent répu-
blicain, esprit aussi sage que droit,
conservateur solida, patriote ardent,
promoteur du fameux décret qui con-
sacra la déchéance de l'empire. Ah ! la
belle réponse aux détestables articles
du Vosgien, si le département dss Vos-
ges élisait Bamberger contre M. Buffet!
ABOUT.
--
LE COMITÉ CENTRAL
Le Soir nous apprend qu'un grand co
mité électoral constitué sous le nom de
comité central de l'union conservatrice
vient de se former à Paris sous la prési.
dence eu général Chaagarnier. Ce comité
se propose « de faire appel, dans toute la
France, au concours énergique des élec-
leurs qui adhèrent sans réserve au mani-
feste du maréchal président de la Répu-
blique. » *
Voilà un comité qui aura du fil à retor-
dre. Il y a tant de manières d'adhérer,
mêmergatts réserve, au manifeste présiden-
tiel ! Ainsi, pour ne citer qu'un exemple,
M. Buffet et M. Léon Say y adhèrent tous
deux, et sans réserve; mais le général
Changarnier est-il bien sùr que tous deux
et lui-même l'interprètent de ia mêmte fa-
çon ?
Quoi qu'il en soit, bonne chance au co-
mité centraH Nous nous permettrons pour-
tant de lui soumettre une observation :
Etait il bien nécessaire, est il bien politi-
que, est il même bien conforme à l'esprit
da la consdtutioa de jeter ainsi dans la
•«èl^e électo aie le nom du chef de l'Etat?
Et serait-il indiscret de demander au co-
mité central si c'est avec l'agrément du
* ..;.- i i
!::..&.< .,
marécliaï dA Maa-kfahori qu'il te propose de
le mettre ainsi aux voix dans toute la
France !
La candidature de M. Tirard. à la
Chambre des députés, après avoir quel-
que temps oscillé entre le 2e et le 3e
arrondissement de Paris, a été ré-
clamée par le 1er. A l'inverse de beau-
coup d'autres candidats, notre hono-
rable collaborateur et ami n'a pas eu
à chercher un collège, mais plutôt à
se défendre contre la multiplicité des
collèges. Et ce fait n'a rien d'éton-
nant : par sa belle conduite au temps
du siège, M. Tirard avait mérité la
sympathie da toute la population pari-
sienne. L'activité qu'il déploie depuis
cinq ans à Versailles dans la défense
des intérêts économiques de la capitale
lui a pour ainsi dire inféodé tout le
commerce de Paris. Le 1er arrondisse-
ment, si républicain et si laborieux, ne
saurait être mieux représenté que par
ce républicain éprouvé et cet infati-
gable travailleur.
+ ————————
Les journaux ministériels et les
feuilles bonapartistes s'accordent à dire
que, si les villes ont choisi pour délé-
gués des républicains, les campagnes
ont nommé en masse des délégués con-
servateurs. On éprouve quelque envie
de demander d'abord aux feuilles bo-
napartistes et aux journaux ministé-
riels où'de si rapides informations ont
été puisées. Les trente mille délégués
ruraux et leurs trente mille suppléants
sont des « conservateurs, » s'il en faut
croira le Français, Y Ordre et la Pa-
trie. S'il nous venait en tête de soute-
nir d'inspiration qu'ils forment une ar-
mée de soixante mille républicains, ços
appréciations seraient aussi sûres. En
effet, sur l'opinion de CAS délégués des
campagnes, le Français, l'Ordre, la
Patrie ou nous, nous en savons juste-
ment aujourd'hui tout autant les uns,
que les autres; au total, nous ne sa-
vons rien. Les délégués urbains, dont
la couleur politique est connue, pour-
raient seuls fournir des éléments à peu
près certains à la statistique; jusqu'à
plus ample imformé, il n'y a que ties
politiques de fantaisie qui puissent s'a-
viser d'escompter au profit d'un parti
quelconque la nomination des délégués
ruraux.
Mais ce n'est pas sur ce détail que
nous voulons chicaner à présent les or-
ganes très-divers de l'opinion « conser-
vatrice. » Chacun fait ce qu'il peut;
c'est affaire à eux de chanter victoire
avant l'heure, s'ils jugent que c'est de
la sorte que leur pubiic désire être ren-
seigné. Ce qui nous surprend, c'est l'an-
tagonisme établi, en vertu d'un accord
tacite, par les feuilles ministérielles et
les journaux bonapartistes, entre les
délégués « conservateurs » et les délé-
gués républicains. Nous ne pouvons sans
quelque étonnement entendre à la fois,
les ministériels d'un côté, les bonapar-
tistes de l'autre, tenir à l'uoisson ce
discours : « Les villes ont élu des dé-
légués qui voteront certainement le 30
pour les listes républicaines, où tous les
groupes du parti constitutionnel, jus-
ques et y compris M. Bocher, ont des
représentants. Nous nous attendions
bien à ces déplorables effets du radica-
lisme des villes. Mais le vote des cam-
pagnes est venu corriger, heureuse-
ment, le vote des villes ! Les campa-
gnes ont nommé des délégués conser-
vateurs, qui disposeront d'une majorité
imposante et qui n'enverront siéger au
Sénat que des conservateurs !. »
Arrêtons-nous. Car c'est ici qu'on
éprouverait le besoin de s'entendre, et
qu'on ne s'entend plus. Quels conserva-
teurs ? Car, enfin, il ne suffit pas que
les journaux bonapartistes crient :
« Bravo 1 nous sommes sûrs désormais
du succès des conservateurs, » et que
les journaux ministériels fassent cho-
rus. Cela mérite explication. Jusqu'ici,
les journaux ministériels nous don-
naient à croire que leurs candidats con-
servateurs étaient tous, plus ou moins,
hommes de la droite et du centre droit
ou dignes d'en être, et que sur leurs lis-
tel conservatrices on n'admettrait, par
grâce et par exception, qu'un petit
nombre de bonapartistes très-adoucis.
Los journaux impérialistes, cependant,
déclaraient, avec toute la netteté dési-
rable, que leurs candidats conserva-
teurs, à eux, faisaient partie de l'im-
périalisme militant, et ne seraient ja-
mais des hommes de la droite modérée
et du centre droit ; il n'est point, no-
tamment, d'inj ures et de railleries que
Y Ordre, le Pays, etc., aient épargnées
aux orléanistes. Rappelons-nous les
candidatures de l'Aude, si l'on veut un
exemple. ,
Par quel nom y est représenté l'élé-
ment conservateur impérialiste? Par le
nom de M. Peyrusse. Et l'élément con-
servateur ministéri'el'? Par celui de M.
Lambert Sainte-Croix. Les épiàodes du
grand combat de M" Peyrusse et de M.
Lambert Sainte-Croix deviennent qua-
siment épiques. Or, voici V Ordre et le
Pays, journaux de M. Peyrusse, qui se
félicitent de l'élection des délégués con-
$ervateurs, qui feront triompher les
candidats conservateurs. Et le Fran-
(ds, journal de M. Lambert Sainte-
Croix, s'en félicite aussi. Que devons-
i -
r nous croire? Admettons que le choix
des délégués conservateurs de l'Aude
comble de joie du même coup l'Ordre
et le Français. Mais, en fin de compte,
est-ce M. Peyrusse Ott-M. Lambert
Sainte-Croix, suivant eux, dont la vic-
toire est assurée ? Si les chances sont
pour celui-ci, nous ne comprenons plus
la satisfaction de Y Ordre; et si elles
sont pour celui-Jà, c'est le Français qui
nous fait l'effet de déraisonner. A
moins que le Français, qui doit savoir
à peu près à quoi s'en tenir sur les
chances des candidats de la droite mo-
dérée et du centre droit, ne soutienne
leurs candidatures aue Dour la galerie.
et ne souhaite, au fond, que les candi-
dats de l'appel au peuple soient nommés.
Mais ce serait bien gros, quoique l'at-
titude des journaux ministériels ne
puisse guère autrement s'expliquer. La
tactique des bonapartistes se comprend :
ils baptisent du nom de conservateurs
tous les délégués qu'ils supposent hos-
tiles aux institutions républicaines, et,
naturellement, ils ajoutent que ces
conservateurs-là leur sont acquIs. Cela
est vrai, cela est faux, pour notre rai-
sonnement il n'importe guère; le fait
certain, c'est que, au point de vue bo-
napartiste, ce langage se justifie et se
comprend admirablement. Au point de
vue ministériel, en est-il de même ?
Comment! nous savons que dans la
plupart des départements il n'y a en
présence (avec des chances sérieuses,
bien entende) que des listes impéria-
listes et des listes républicaines, et
vous, organes officieux du gouverne-
ment, vous venez écrire qu'il faut sa-
luer avec joie les délégués choisis par
les campagnes, parce que, dites-vous,
grâce à eux, les listes républicaines se-
ront écartées !
Qu'est-ce donc qu'un pareil langage ?
Il équivaut, aux yeux du vrai parti
conservateur, c'est-à dire du parti con-
stitutionnel, à une trahison. Nous ne
dirons pas une trahison de M. le minis-
tre de l'intérieur, vice-président du
conseil (Dieu nous en garde !) mais, de
son truchement officieux,mis du Fran-
çais. Elle éclate encore davantage
quand on lit, d'une part, les circulai-
res des prétendus conservateurs, qui
n'aspirent qu'à réviser les institutions
actuelk?, et que, d'autre part, on leur
oppose lès- professions de foi des répu-
blicains, si constitutionnelles, si rem-
plies de témoignages de déférence pour
le président de la République et de res-
pect pour les lois ! D'un côté, tout est
louche, ou même hardiment factieux ;
tout est irréprochable de l'autre. Et
c'est vers le côté louche ou factieux
que vont les vœux d'un journal minis-
tériel! Voilà, en vérité, qui paraît re-
grettable pour le bon renom de M.
Buffet."
- -- a - a
Quant aux délégués ruraux, en dé-
pit des pronostics du Français et de
l'Ordre, ils ne nous causent point l'in-
quiétude où l'on voudrait bien nous je-
ter. Ce qu'ils sont, nous le saurons plus
tard; mais nous pouvons affirmer par
avance qu'ils ne sont point si mauvais
citoyens oa si niais que Y Ordre et le
Français se les figurent. Que les can-
didats républicains et les autres s'ex-
pliquent seulement devant eux, et les
délégués ruraux n'auront sans doute
point de peine à voir où est la saine
politique. Nous nous en remettons à
leur patriotisme et à leur bon sens pour
la discerner. -
EUG. LIÉBERT.
4
Le Bulletin français, organe officiel
du gouvernement, a reproduit au long la
circulaire adressée par M. de Broglie aux
électeurs sénatoriaux de l'Eure.
Sur quoi les bonapartistes réclament.
— Pourquoi, s'écrient leurs journaux,
cette exception? Si le Bulletin français
publie la circulaire de M. de Broglie, la jus-
tice A.xige qu'il reproduise aussi celles de
MM. dAlbuféra, la Roncièrele Noury, etc.
Il est bien certain que ceux-ci ne sont
pas moins « conservateurs » que celui-là.
Dans tous les cas, l'ineertion de leurs cir-
culaires au Bulletin français ne cause-
rait guère plus de scandale que la fa-
veur accordée par M. Buffet au chef déchu
de la coalition du 24 mai.
—*
r
LA TOLÉRANCE
Me voici passé collaborateur du Fran-
çais. Tous les jours, ce brave journal
réimprime un des vieux articles que
j'ai publiés jadis dans les vingt jour-
naux où j'ai écrit tour à tour. Vraiment
je lui sais bon gré de cette attention
lélicate : j'ai plaisir à relire ces ex-
traits, que j'avais à peu près oubliés,
et qu'il m'eût été impossible de retrou-
ver dans l'horrible fouillis de mes pa-
perasses. J'ai la vanité de croire que
ce n'est pas non plus une mauvaise
affaire pour le Français. C'est là de la
copie (pour me servir du mot usité en-
tre nous) qui ne fait pas déjà si mau-
vaise figure chez lui, en première page. '1
J'engage lé Français à continuer, pour
mon plaisir d'abord, et puis, j'ose le
dire, pour l'instruction do ses lecteurs.
Ils trouveront dans ces dissertations
mêlées de philosophie et de morale
d'utiles sujets de réflexion, que ne leur
fournit pas toujours la prose attitrée de
ses rédacteurs ordinaires. ,
Ce que le Français s'efforce de prou-
l ver, en remettant sous les yeux de ses
[ abonnés mes anciens articles du Gau-
lois et du Soleil, c'est que j'étais en
ce temps-là animé d'un esprit de tolé-
rance avec lequel j'ai rompu; c'est qu'il
avait raison de m'accuser de change.
ment : car je Sûiè devenu un fanati-
que, et je ne l'étais point, ainsi qu'il
le prouve, en rejetant dans la circula-
tion les polémiques que j'ai soutenues
autrefois en faveur du clergé.
Le Français me permettra-t-il, bien
qu'il se pique de savoir sa langue, de
lui en donner une leçon que je crois
nécessaire ? <>
Il ne me paraît pas savoir au juste
ce que l'on entend par le beau mot de
tolérance. Peut-être est-ce que, pratiç
quant assez peu la chose, il n'est pas
bien familier avec le sens du terme qui
l'exprime.
Ea quoi consiste la tolérancel
La tolérance n'est point, comme beau*
coup de personnes le croient, un scepti-
cisme aimable, qui se résout en indiffé-
rence pour toutes les opinions. Il est
certain que les gens qui ne croient à
rien sont tolérants ; ils devraient l'être
tout au moins. Mais cette tolérancé ne
compte pas ; elle n'est point active ;
elle n'est que l'impuissance de penser
et le sentir. Elle n'a jamais poussé
personne à l'action. Elle est passive, et
c'est par un abus du mot qu'elle usurpe
ce nom, qu'il faudrait réserver à une
autre tolérance, qui est la seule vraie et
digne de la sympathie des honnêtës
gens.
On peut à la fois être très-passionné
pour une opinioa ou pour une sérié d'i-
dées soit philosophiques, soit politiques,
soit religieuses ou moralés, et restet
néanmoins très-tolérant pour lés opi-
nions et les idées contraires.
Mais on n'est tolérant qu'à troié êÕn.
ditions :
La première, c'est de croire, ou tout
au moins d'admettre dans la discussion
que l'adversaire est lui-même de bonne
foi. C'est de ne pas lui répondre par
cette péremptoire et absurde fin de
non-recevoir : Monsieur, vous ne pen-
sez pas un mot de ce que vous dites,
vous êtes un malhonnête homme et un
menteur.
La seconde, e'est de ne point donner
non plus à l'homme qui pense autres
meut que vous d'autre raison que celle
qui est si commune, hélas : Monsieur,
vous êtes un imbécile et un nigaud: Il
est parfaitement inutile de discuter
avec un âne qui n'a pas le sens com-
mun et ne sait ce qu'il dit.
Ces deux conditions peuvent se ra-
mener à une seule, c'est de ne point se
croire quitte avec un adversaire eti
l'accablant d'injures. Il n'y a point de
discussion sérieuse si l'on ne com-
mence par bien se pénétrer de cette
pensée, que eelui qui est d'un autre avis
que vous pourrait bien après tout avoir
raison, qu'il est sincère et intelligent,
et qu'on ne peut venir à bout de sa ré-
sistance qu'en s'efforçant de le con-.
vaincre par de bonnes et valables rai-
sons.
La troisième condition, c'est de ne
jamais user de la force pour contrain-
dre un homme à prendre ou à feindre
une opinion qui n'est pas la sienne,
c'est de n'employer d'autres armes que
celles qui sont fournies par la vérité
des faits et par la logique.
Un homme est tolérant qui s'astreint
à ces règles, quelles que puissent être,
d'ailleurs, l'inflexible raideur de ses
opinions et la vivacité de sa polémique.
Il ne lui est pas défendu de soutenir
ses idées ; il serait même, s'il ne les
soutenait pas avec passion, nu de ces
tièdes que le Seigneur vomit de sa bou-
che. Il lui est permis d'employer dans
la discussion tout l'arsenal des figu-
res que lui fournit la rhétorique, tan-
tôt l'argumentation serrée et - précise,
d'autres fois l'ironie fine, souvent la
joyeuse raillerie, et d'aller même, s'il le
faut, jusqu'à l'invective.
Tout ce qu'on exige de lui, c'est que
ces diverses formes de langage ne soient
pour lui qu'une façon de démontrer ce-
qu'il croit être le vrai, de le rendre
plus sensible aux gens qu'il a la pré-
tention de persuader.
C'est qu'il ne se contente pas de crier
à son contradicteur : Vous êtes de mau-
vaise foi; ou : Vous êtes un imbécile! ;
C'est que surtout, s'il a en main le
pouvoir de mettre en mouvement soit ;
les juges, soit les gendarmes, il ne se !
serve pas d'eux pour lui mettre la main
sur la bouche et l'empêcher de répon-
dre.
J'irai plus loin encore.
La vraie tolérance, la tolérance- ac-
tive veut que l'on ouvre à ses adversai-
res les moyens d'exposer leurs opinions
et de se défendre. C'est bien quel$|ie
chose de ne pas leur imposer silencEt.
elle commande de faire plus. Elle
exige que, prenant par la pensée la
place de son contradicteur, on fasse
pour lui ce l'on voudrait qu'il fît peur
vous ; on lui délie la langue ou on donne
toute liberté à sa plume.
L'intolérance, monsieur du Français,
ne consiste donc pas, comme vous pa-
raissez le croire, à poursuivre âpre-
ment et sans relâche, par tous les *
moyens et sous toutes les formes, lei
abus et les préjugés que l'on exècre; ce
qui la constitue, c'est uniquement lef
recours aux autres armes que celles
du raisonnement; c'est avant tout et*
burtout l'appel au bras séculier.
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