Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1876-12-05
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 05 décembre 1876 05 décembre 1876
Description : 1876/12/05 (A6,N1820). 1876/12/05 (A6,N1820).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
gixième Année — Ne 1820 Prix du Numéro à Paris : Iii Centimes — Départements 1 20 Centimet Mardi 5 Décembre 1876
*t~ ~Mt ~~<~ ~H~ ~!)f~1E ~!B T~t i~)Pr*N f~M'! T Tf ~N~N'
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Six mois. - - - - 32 »
Un an. 62 »
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
-'V'm-
AMORCES-: Chez MM. LAGRANGE, CERFJt.
0f place de la Beuriej a
AMORCES : Chez MM. LAGRANGE, CERF et Cie
9t place de la JUourte, a
., BULLETIN
Paris, 4 décembre 1876.
Les premiers ministres des grands Etats
semblent vouloir mettre à la mode de faire
à la fin d'un grand dîner d'importantes dé-
clarations sur la politique extérieure. Il y a
un mois environ, le comte Beaconsfield met-
tait l'Europe en émoi par le discours qu'il
prononçait au banquet du lord-maire. Le
prince de Bismarck, jaloux, sans doute, de
cuivré un si bel exemple, a réuni hier un
grand nombre de députés à sa table et leur
à expliqué ses vues sur la question d'O-
rient.
Nous recevons plusieurs versions de ce
discours. Celle de la Gazette nationale de
Berlin et celle de la Gazette de Cologne
sbnt identiques. D'après ces deux feuilles,,
le prince de Bismarck aurait déclaré qu'on
ne devait pas encore désespérer de voir la
paix maintenue. « Mais, a ajouté le chance-
lier de l'empire allemand, si la guerre avait
lieu, comme on peut, il est vrai, s'y atten-
dre, la Russie et la Turquie s'en lasseraient
au bout de quelque temps, et l'Allemagne
pourrait alors offrir sa médiation avec plus
de chatnces de succès qu'à présent. Il ne
serait pas bon de donner en ce moment des
nseils à la Russie.
Le prince de Bismarck a ensuite exposé les
motifs qui lui inspirent cette opinion et a dit
en outre que les conseils donnés à la Russie
actuellement n'auraient pas d'autre résul-
tat que d'indisposer la nation russe, et que
eÙl serait plus fâcheux qu'un différend pas-
sager avec le gouvernement du czar. LJB
grince de Bismarck a aussi parlé de l'An-
gleterre, et l'on a cru comprendre que le
chancelier de l'empire espérait que cette
puiss ance ne ferait pas la guerre à la Rus-
sie ouvertement; mais tout au plus officieu-
sement, comme !pL Russie a combattu la
Turquie en Serbie.
Le prince de Bismarck s'èst exprimé
d'une façon très-sympathique à l'Autriche.
, « L'Autriche, a-t-il dit, peut se voir forcée
de prendre part à la guerre; si quelque dan-
ger menace son existence, mais l'Allema-
gne a pour mission de garantir l'existence
de l'Autriche et en général la carte actuelle
d§. l'Europe. L'Allemagne montrera un dé-
sintéressement complet. Elle est la garni-
ture de plomb, grâce à laquelle la figurine
se met toujours sur pied. L'Autriche a, du
reste, une grande force vitale, une plus
grande que bien des gens ne pensent. Je
l'ai fait remarquer au marquis de Salisbu-
-ry, et on en aurait la preuve si les circons-
tances forçaient l'empereur François-Jo-
seph à faire appel au dévouement de ses
peuples. » Le prince de Bismarck a déclaré
on outre qu'il n'avait pas parlé de l'occupa-
tion de la Bulgarie au marquis de Salisbu-
yy de la façon qui a été indiquée par les
journaux.
Nous donnons cette analyse officieuse du
diseurs du chancelier de l'empire d'Alle-
magne pour ce qu'elle vaut. Elle est incom-
plète, nous disent certaines dépêches. Nous
le croyons sans peine. Appelons toutefois
l'attention sur le passage relatif à l'Autriche.
A-t-il été inspiré par un désir réel d'écarter
toutes les complications qui pourraient me-
nacer l'existence de l'empire austro-hon-
grois? Nous ne le croyons guère. Nous
pensons plutôt que l'Allemagne et la Russie
pensent qu'il est encore de leur intérêt d'en-
dormir l'empereur François-Joseph en con-
tinuant la comédie de l'alliance des trois
empires.
Ce n'est pas non plus sans un profond
,,, i - ~,
-' .! : -- -"~ - -
étW?isiDà«fit que nous avons lu le passage
- --
relatif à l'Angleterre. Notre époque est f-
conde en grandes découvertes, mais nous
croyons que l'idée de la « guerre officieuse »
les surpasse toutes. Ainsi, il est désormais
admis qu'il y a deux sortes de guerre : la
guerre ouverte et la guerre officieuse. C'est
là un principe qui peut mener loin.
La situation générale reste la même, et,
pour employer l'expression du Nord, l'ou-
verture seule de la conférence peut amener
une « péripétie nouvelle. »
En Angleterre, le bruit de la retraite de
lord Beaconsfield du cabinet commence à
prendre de la consistance; on ne considère
toutefois pas sa démission comme devant
être immédiate. Le Daily News dit en effet :
« Les rumeurs qui circulent au sujet de
la retraite de lord Beaconsfield de son
poste ne se vérifieront probablement pas,
du moins avant que la prochaine session
parlementaire ne soit vieille de quelques
semaines. Il se sentira probablement obligé
de faire au moins son entrée à la Chambre
des lords comme un comte anglais chef du
parti conservateur. Sa retraite immédiate,
bien qu'elle fût de nature à faciliter Içs dé-
libérations de la Conférence, n'est pas à
prévoir. »
Malgré les assertions du Daily News,
nous doutons fort de la retraite du comte
Beaconsfield.
♦" —
Petite Bourse du Dimanche
Boulevard ctesIUt,lien$nô :r «
Trois heures
3 0/0, 69 fr. 65, 75.
à 0/0, 103 fr. 90, 97 1/2.
5 0/0 turc, 10 fr. 60; -. ,"
Egypte, 253 fr. 12.
1
« La seule République qu'on sup-
porte, et l'on voit comment, c'est la Ré-
publique-Buffet gouvernée par M. Du-
faUre. » Ainsi parlait la Gazette de
France dans son numéro du 21 octo-
bre dernier; et ce fut, dans toute la
presse réactionnaire, le signal d'une
campagne ayant pour but de démon-
trer que les républicains eux-mêmes
reconnaissaient que, pour permettre à
la République de vivre et de s'acclima-
ter en France, ils devaient laisser à
d'autres la direction des affaires publi-
ques.
Hier encore, le Constitutionnel, fai-
sant allusion aux derniers votes des
républicains de la Chambre, écrivait ;
« Qu'on mette ces hommes au pied du
mur ; qu'on les somme d'avoir à pren-
dre pour leur compte ce pouyoir dont
ils rendent l'exercice impossible en
d'autres mains., »
Eh bien, le jour est venu; et nous
espérons que la Gazette de France, le
Constitutionnel, et en général tous ceux
qui, depuis deux mois, menaient la
campagne que nous venons de dire, se
joindront à nous pour mettre les répu-
blicains « au pied du mur », et abor-
der enfin l'entière et rigide pratique du
régime parlementaire. Qu'on prenne
pour base, si l'on veut, la dernière ma-
nifestation de la majorité républicaine.
Trois cent axante voix se sont pro-
nonèées en faveur de l'ordre du jour
Laussedat. Ces 360 voix se décompo-
sent à peu prés de la façon suivante :
25 intransigeants, 90 membres de l'U-
nion républicaine, 125 de la gauche, 95
du centre gau.che. 25 COllstÍtuüonneJ,s.
Si l'on tient autant qu'on le dit à mettre
les républicains au pied du mur, à pra-
tiquer sincèrement et sans réserve le
régime parlementaire, rien n'est plus
simple. Il suffit d'attribuer à chacun
des groupes de la majorité républicaine
un nombre de portefeuilles proportion-
nel à son importance numérique. Al-
lons, messieurs de la bonne presse,
c'est le moment de prouver que vous
pensez quelquefois ce que vous dites !
En somme, pourvu qu'on se donne
la peine d'examiner les choses d'un peu
prés, on est obligé de reconnaître que
le cabinet démissionnaire représentait
assez exactement la majorité. Ce qu'on
pouvait surtout lui reprocher, c'était
d'avoir a sa tête un homme qui, à pro-
prement parler, n'appartenait à aucun
des groupes de gauche. On a sou-
vent dit que M. Dufaure appartenait au
centre gauche. C'est une erreur ; pas
plus dans l'ancienne Assemblée que
dans celle-ci, il n'a fait partie d'un grou-
pe, et si son origine, ses tendances et
les habitudes de son esprit le rappro-
chaient du centre gauche, son tem-
pérament un peu fantasque et ses obsti-
nations invincibles le tenaient forcément
en dehors de cette règle, de cette
discipline, sans lesquelles il n'est point
de parti ni de groupe politique.
Si le cabinet Dufaure n'a point trouvé
dans la Chambre toute la sympathie
qu'il y pouvait chercher, et s'il n'a pas
su triompher des mauvaises dispositions
du Sénat, c'est qu'il n'avait pas de di-
rection, pas de plan, pas de politique
nette et déterminée. C'est enfin qu'il
était dirigé par M. Dufaure, qui ne le di-
rigeait pas ; c'est qu'il n'était ni un ca-
binet de gauche, ni un cabinet de droite ;
c'est qu'il vivait au jour le jour, prenant
ses inspirations tantôt ici, tantôt là, trop
souvent en dehors de la Chambre. C'est
ainsi qu'on l'a vu, dans cette irritante
questions des enterrements civils, ne
réussir qu'à exaspérer le groupe ré-
puté le plus sage, le plus modéré de la
majorité, le centre gauche.
Ce qu'il faut donc avant tout au ca-
binet, c'est un chef, et si l'on veut se
reporter aux chiffres cités plus haut et
dont on ne saurait contester l'exacti-
tude, on reconnaîtra que c'est à la gau-
che républicaine qu'il convient de le de-
mander, comme tenant la place la plus
importante dans la majorité. Or, quand
on parle de la gauche républicaine, il
est un nom qui vient tout naturelle-
ment sur les lèvres ; c'est celui de M. Ju-
les Simon. En lui se personnifie de la
façon la plus complète et la plus écla-
tante « cette phalange de républicains
énergiques non moins que modérés,
patients non moins que fidèles, dont la
situation entre le centre gauche et l'ex-
trême gauche a fait dans l'ancienne As-
semblée et fera encore dans celles-ci le
trait d'union de tous les groupes répu-
blicains. »
M. Jules Simon a le talent et l'auto-
rité ; si l'on veut sincèrement faire l'ex-
périence non pas seulement d'un cabi-
net républicain, — celle-là est faite, —
mais d'une politique républicaine, —
celle-là reste à faire, — il ne nous sem-
ble pas qu'il soit possible de chqisir un
nom plus satisfaisant et plus significatif,
D'autres noms ont été prononcés, nous
le savons, et nous sommes les pre-
miers à en reconnaître la parfaite hono-
rabilité; mais nous ne croyons pas
qu'ils répondent aux nécessités présen-
tes. Ou l'on veut un homme de'la gau-
che, et dans ce cas il faut s'adresser à
celui qui, aux yeux du pays, aux yeux
de la Chambre, aux yeux du Sénat, aux
yeux du maréchal, en est l'expression la
plus haute : ou l'on entend louvoyer en-
core, et s'adresser à un homme qui re-
présente la gauche à peu près comme
M. Dufaure représentait le centre gau-
che. Dans ce cas il ne fallait pas mettre
l'honorable garde des sceaux dans le
cas de se retirer, car on ne trouvera pas
mieux dans son genre.
E. SCHNERB.
♦
LA CRISE MINISTÉRIELLE
La correspondance Havas publie la note
suivante :
Après le vote du Sénat sur le projet de ces-
sation des poursuites, M. le garde des sceaux a
remis à M. le président de la République sa
démission, qui entraînait celle de ses collègnes.
Cette démission pressentie hier a été con-
nue officiellement aujourd'hui dimanche à la
suite de la réunion des ministres tenue chez
M. Dufaure à Paris.
Dans l'audience qu'il a accordée sur-le-champ
à M. I/xftiure, M. le président de la République
a prié M. le garde des sceaux d'inviter, en son
nom, MM. les ministres à conserver leurs
fonctions jusqu'à ce qu'il ait statué sur leur
démission, que le Journal officiel annoncera
demain lundi.
,
RÉUNIONS PARLEMENTAIRES
La gauche républicaine de la Chambre des
députés s'est réunie hier à Paris, dans le local
ordinaire de ses séances, sous la présidence
de M. Albert Grévy.
La réunion comptait plus de 120 membres.
La discussion a porté exclusivement sur la si-
tuation politique créée par les derniers événe-
ments et sur les obligations que cette situation
impose à la majorité républicaine. Sur la pro-
position de son président, la réunion a arrêté
les bases d'une ligne de conduite que son bu-
reau est chargé de soumettre à l'acceptation
des autres groupes républicains.
L'Union républicaine de la Chambre s'est
réunie hier à Paris sous la présidence de
M. Laussedat.
Elle a examiné la situation créée par la
démission du cabinet. Plusieurs orateurs, no-
tamment MM. Laussedat, Noirot, Gambetta,
Codet, Millaud, Escarguel, Lemonnier, Gati-
neau, Lelièvre, Spuller, Brisson, de Mahy,
Turquet, Allain-Targé, etc., ont pris successi-
vement la parole.
La discussion s'est terminée par l'adoption
de la résolution suivante, qui a été soumise au
vote de le réunion. « L'Union républicaine,
ayant pris connaissance des opinions des au-
tres groupes sur la crise actuelle et en ayant
délibéré, émet l'avis qu'il serait bon, afin de
donner aux sentiments communs des trois
groupes une autorité et une consécration ef-
fectives, d'amener une réunion complète de
tous les membres de la majorité. Cette réunion
lui paraît n'engager en rien l'individualité des
trois groupes, mais elle lui semble légitimée par
la gravité des circonstances et la nécessité
qu'il y a pour les pouvoirs publics comme pour
le pays de voir affirmer par la majorité parle-
mentaire les véritables principes du régime
parlementaire, l'indépendance et la responsa-
bilité des ministres, et l'application sincère des
lois par un personnel véritablement pénétré
de l'esprit de la constitution et des vœux du
suffrage universel. »
Le centre gauche de la Chambre s'est réuni
hier soir, à huit heures, sous la présidence de
M. Germain.
,,' La réunion était trèSIlQmhreuse.
La discussion a porté exclusivement sur la
situation politique créée par les derniers évé-
ments, et sur les obligations que cette situation
impose.
Le centre gauche, à l'unanimité, a décidé
qtt indépendamment de toutes questions de per-
sonnes, son concours ne serait assuré qu'à un
Cabinet résolu à mettre le personnel judiciaire cjt
administratif eji harmonie avec l'esprit de ta rna-
joritè sortie 4c§ élections du 2 Q février,
Le bureau a reçu mandat de s'entendrefà ce
sujet avec les autres groupes de la gauche.
» ———————————
Et pourquoi M. le président du con-
seil a-t-il donné sa démission ? — Parce
qu'il n'a trouvé, répond l'agence Havas,
parce qu'il n'a trouvé de majorité pour
appuyer ses demandes ni dans l'une ni
dans l'autre Chambre.
Heureusement !. Car enfin où M.
Dufaure a-t-il cherché cette majorité qui
s'est dérobée à ses espérances ? Est-ce
dans la Chambre des députés? Non,
mais dans le Sénat ; et s'il l'avait trou-
vée dans le Sénat, qu'aurait-il pu en ad-
venir d'heureux soit pour le pays, soit
même pour le gouverment ?
Dire que M. le garde des sceaux ait
cherché sciemment à préparer un con-
flit des pouvoirs publics, ce serait al-
ler trop loin sans doute, et l'on peut
admettre cette hypothèse qu'il a voulu
seulement effaroucher la Chambre en
la menaçant du Sénat. Mais comme on
l'a vu s'engeigner lui-même ! Et quel
avertissement donné, pour l'avenir, aux
ministres qui seraient tentés d'user de
la même tactique !
Son plan s'explique et se comprend
assez ; le mal, c'est qu'il ne valait rien. Il
s'agissait de faire adopter par le Sénat son
amendement à la loi Gatineau, de faire
un peu plus tard rétablir de même cer-
tains articles rayés du budget des cultes,
et de reparaître ensuite devant la Cham-
bre des députés, en lui disant : « Voyez!
voici le maximum des concessions que
le Sénat peut faire ! A vous de céder
maintenant, puisque vous êtes sûrs
qu'il n'ira pas plus loin ! » Tel était le
but; mais il aurait fallu que le Sénat
consentît d'abord à accepter les vues
particulières de M. Dufaure sur la pro-
position Gatineau, ce dont s'est bien
gardée la majorité formée et menée par
deux ennemis personnels de M. Dufau-
re, à savoir MM. de Broglie et Buffet.
Le président du conseil a dû cruelle-
ment ressentir ce coup, qu'il n'avait pas
prévu. Toute la presse réactionnaire s' é-
tait montrée, d'ailleurs, à le tromper,
assez habile. A dater de ses altercations
avec les républicains de la Chambre,
il n'est point d'éloges que le Flançais,
la Patrie, Y Univers, Y Ordre, etc., ne
lui aient décernés. Assaut de caresses et
de flatteries. Rarement, sous un nez
ministériel, tant d'encens avait été brûlé.
Les promesses de concours étaient ce
qui manquait le moins, comme on
pense. Rien ne sert d'être un vieuxpar-
lementaire quand on est aveuglé. M. Du-
faure tabla sur les déclarations des
journaux pour escompter les votes.
Bref, il donna dans le piège lüiu. ce
ne fut qu'après le dépouillement du
scrutin qu'il se vit tombé dans un tra-
quenard. Pendant trois semaines et
plus, on n'avait cessé de lui répéter :
« Comptez sur nous, nous sommes tout
à vous, comme vous êtes tout nôtre, »
et, le jour décisif arrivé, quand est venu
le quart d'heure des urnes, les sénateurs
du parti de l'ordre moral, sur qui comp-
tait M. Dufaure, l'ont bel et bien mis en
minorité.
C'est ici qu'on voit clairement où ten-
dent les meneurs actuels du Sénat. S'il
ne s'était agi que de faire de la politique
conservatrice, à la façon dont le garde
des sceaux l'entend, c'est-à-dire de la po-
litique réactionnaire, il est évident qu'ils
notaient qu'une ÇOûdijLitê à suivre ;
appuyer et Voter l'amendement 13er-
tauld, que M. Dufaure avait patronné.
Ils s'en sont bien gardés ! Pourquoi ?
Parce qu'ils ont d'autres visées ! Se fi-
gure-t-on que M. de Broglie et M. Buf-
fet et leurs alliés royalistes et bonapar-
tistes pensent bonnement à faire de la
politique constitutionnelle de droite ou
de gauche, et que la lutte soit engagée,
pour eux, entre l'esprit de libéralisma
et l'esprit de conservation ? A d'autres!
Le but est unique et toujours le même :
il s'agit de détruire la République. De-
lendam esse Carthaginem, dirait le gé-
néral Changarnier, qui sait ses auteurs.
C'est pourquoi les réactionnaires du
Sénat refusent de s'associer à. la poli-,
tique de réaction de M. Dufaure, et ren-
versent M. Dufaure, ministre réaction-
naire, mais théoriquement républicaine
Le voilà tombé ! Quel homme politi-
que, désormais, sera tenté de l'imiter
De ce que nous venons de voir, uns
vérité ressort avec éclat : c'est qu'il est
impossible à un ministre qui ne veut
ruiner ni la constitution ni la Républi-
que de s'appuyer sur le Sénat contre
la Chambre des députés. Pour la droite
du Sénat, un ministre réactionnaire ne
compte point s'il n'est pas monarchiste;
elle se fera toujours un plaisir de le ren-
verser, en haine de la République.
Mais alors ? Mais alors la seule politique
qui reste possible consiste à essayer dq
reconstituer, si l'on peut, dans la Cham-
bre haute, une majorité qui consente à
marcher à peu près d'accord avec la
Chambre des députés. Besogne délicate;
il faudrait toute l'habileté de main d'uii
homme d'Etat accompli pour y réus-
sir. Supposez qu il échoue cette fois, a
ne lui restera plus qu'à exprimer son
regret de la nécessité où on l'aura mis
de se passer de l'approbation du Sénat.
La promulgation de quelques bonnes
lois sera sans doute ainsi retardée;
mais du moins il n'en passera pas de
mauvaises, et, d'autre part, ce ne sont
pas les interpellations de M. de Belcas-
tel et consorts qui pourront apporter
aucun qbstacle au fonctionnement d'un
gouvernement libéral.
Ce n'est pas l'idéal ; mais du moins
on gagnerait ainsi assez paisiblement
l'époque du premier renouvellement
triennal. Et puis, connaissez-vous une
autre politique ? Un ministère constitua
tionnel n'obtiendra jamais dans le Sénat
qu'une majorité de gauche. Par cela
seul qu'il sera constitutionnel, s'il se
forme dans le Sénat une majorité dë
droite, ce ne sera que pour le rea-
verser.
RUG. LIÉBERT.
— ♦ ———————————-
La question des honneurs funèbres est herch
reusement finie et le doenment que noufi
publions n'a plus qu'un intérêt rétrospec-
tif. C'est une circulaire de M. de Cissey,
ministre de la guerre en 1872, qui a été
communiquée à la commission des hon-
neurs funèbres. En voici le texte : J".
MINISTÈRE Versailles, 21 décembre)..
DE LA GUERRE
CABINET
DU MINISTRE
Circulaire confi-
dentielle
Général, ÏQ décret du 13 octobre 1863 a dé-
terminé (chap. 43) les honneurs funèbres mi-
litaires qui doivent être rendus aux membres
de l'armée, décédés en possession d'un gradé,
aux membres de la Légion d'honneur et aux
déoorés de la médaille militaire. >
A la suite d'assez nombreuses inhumations
faites depuis quelque temps dans certaines lo-
Feuilleton du XIX6 SIÈCLE
Du 5 décembre 1876.
CAUSERIE
;',!;t., åAIQV.
SoMsrtUBjE,. — La Mort d'Edouard Plouvter. -
Le Prince, comédie de MM. Meilhac et Ha-
, lévy» - UAffaire Fauconnier, drame de
Mi:Gearges Petit. - Les livres.
- Si les lecteurs du feuilleton drama-
tique hebdomadaire du XIXe Siècle
n'ont rien perdu à l'absence de leur
chroniqueur ordinaire, grâce à la plumej
d'un très - obligeant collaborateur, il
n:ell a pas été de môme pour moi ; car
y y ai perdu deux grandes satistac-
tions. dont la privation m'est sefisible.
L'une, toute, aune, joie sans mélange,
éut été d'applaudir la Deïdamia de mon,
vieil et illustre ami Théodore de Ban-
ville ; l'autre, hélas ! toute de tristesse;
et 4 regret, eût été de vous parler,
sous le coup même de sa perte, d'unj
autre et bien cher ami qui fut le com-
pagnon de ma jeunesse, d'Edouard;
plouvier, dont je n'ai pas même pu voir
les funérailles !
Si jamais homme a été digne de la
sympathie publique, si jamais littéra-
teur a mérité l'estime de ses confrères,
,c'est assurément celui-là.
La famille de Plouvier ©et originaire
d'Arras. Son père était conducteur de
diligence, au temps où il y avait des di-
ligences, et lui-même, comme on l'a
(Ut, avait été apprenti corroyeur.
plcîy vier n'avait pas fait d'études : il
a eu cette g*??ire de ne devoir rien qu'à
lui-même. Il s'était feit tout seul ce qu'il
était : un littérateur distingué, un poète
élégant et harmonieux.
Il aimait le beau, le bien, le vrai, le
juste. C'était un brave cœur, un esprit
honnête et doux. Son imagination était
vive, étendue, abondante ; sa facilité
très-grande. Il concevait un peu confu-
sément peut-être, parce qu'il voyait trop
de choses à la fois et que trop de détails
lui apparaissaient simultanément. 11 em-
brassait d'un seul coup, dans son cer-
veau fécond, l'œuvre réalisée par an-
ticipation avec toute la* fantaisie et
tout l'arbitraire d'une création illimi-
tée ; mais il lui fallait lutter ensuite
contre son idéal, quand il se trouvait
aux prises avec les rigueurs de l'exé-
cution. Si bien que ses idées drues et
pressées, son imagination foisonnante
et touffue, ayant quelque peine à sè;
restreindre et à se coordonner, lë con-
*
damnaient, malgré toute safacilité, à
un labeur dur t"opiniâtre dés qu'il
s'agissait de rentrer dans les nécessités
de l'art.
C'était la conséquence naturelle d'une,
éducation commencée trop tard et sans!
méthode, et pour laquelle l'esprit,
n'avait pas été préparé. Il confiait la
plus pure semence et la grain le plus
sain à une terre mal ameublie et mal
purgée : il n'y a donc pas à s'étonner si
.parifti ses plus belles moissons on trou-
vait quelques.herbes folles.,
1 Nous étions unis d'une étroite amitié,
et nos coeurs se comprenaient sans peine ;
mais nos esprits n'ont jamais pu s'ac.
commoder l'un à l'autre jusqu'à la col-
laboration.
Vers la fin de 1848 nous habitions
en commun un petit appartement rue
Mazagran. Nous étions fort pauvres :
nous faisions notre déjeuner nous-
mêmes, chacun avait sa semaine de
cuisine et nous dînions pour seize sous
aux Cuisiniers réunis, établissement
fraternel, fondé par tous les gâte-sau-
ces en disponibilité, prés de la Porte-
Saint-Denis.
Nous restâmes ainsi un an tout juste,
sans que rien vînt jamais troubler la
bonne harmonie de notre petit ménage.
Nous vivions en paix. Une femme sur-
vint qui n'alluma point la guerre ; mais
qui pourtant nous sépara. C'était une
artiste distinguée qui venait de jouer la
femme Tison dans les Girondins, Mme
Lucie-Mabire, que Plouvier épousa.
Pendant notre séjour, rue Mazagran"
nous essayâmes résolùment une fois de
travailler ensemble. Nous entreprîmes
d'écrire à nous deux la petite comédie
intitulée : Une Discrétion, qui fut jouée
au Théâtre-Français. Nous en causions
beaucoup, mais nous ne pouvions nous 1
entendre ; ma précision s'accommodait
mal des choses indécises dont mon
pauvre ami remettait toujours l'éclair-
cissement à l'exécution. Enfin, malgré
tout, j'entamai la besogne ; mais, après
avoir écrit trois ou quatre scènes, je re-
nonçai à l'entreprise et rendis à Plou-
vier sa complète liberté, ne pouvant pas
me décider à cheminer dans le vague
et dans la brume.
Cela n'altéra en rien l'aménité de nos
rapports et ne jeta pas entre nous l'om-
bre d'un nuage. Plouvier garda mon
',p.it travail, et je puis dire que s'il ne
uui a pas servi à grands chose, au moins
ne lui a-t-il pas porté malheur. Il fut con-
veflu que, comme indemnité, mon ami
stipulerait pour moi mes entrées à la Co-
médie-Française, ce qui fut fait.
Plouvier ne garda pas longtemps sa
femme: elle mourut d'une maladie
cruelle.
On se console de tout, c'est la loi.
Plouvier était jeune, il avait besoin d'af-
fection, le goût du foyer et de la vie in-
time s'était développé en lui, il se re-
maria avec la brave et courageuse
femme qui l'a servi de toute son affec-
tion et de tout son dévouement jusqu'à
sa dernière heure, et qu'il laisse aujour-
d'hui, hélas ! sans ressources, avec ses
trois entants.
Atteint depuis plusieurs années par
une paralysie faciale, le pauvre Plouvier
ne tarda pas à comprendre que, pour
ne l'avoir pas arrêté tout net, le coup
qui le frappait était profondément porté.
Tous les traitements furent inutiles, le
mal fit de jour en jour de lents, mais
sûrs progrès, et le malheureux as-
sista heure par heure à la destruction
graduelle de toutes les facultés de cet
esprit auquel il avait tant demandé et
qui ne devait plus rien 'lui donner dé-
sormais.
Hélas ! le pauvre poète, quelques mois
avant sa mort, alors qu'il ne pouvait
déjà plus assembler les idées les plus
simples et trouver les mots pour les ex-
primer, sa préoccupation constante était
d'avoir près de fui son crayon et son
calepin, dont les pages devaient rester
éternellement blanches !
Je n'ai pas eu la triste consolation de
Je revoir, de lui serrer une dernière fois
la main, je n'ai pas pu le conduire, ce
:vreuX compagnon de ma jeunesse, à
cette tombe où il dort : qu'il me soit
permis de lui adresser publiquement
ici mon suprême adieu ! j
Plouvier a écrit un certain nombre
de drames importants, qui tous ont eu
du succès, sans qu'aucun ait jamais pu
rencontrer une de ces fortunes hors li-
gne. qui l'eussent d'un seul coup mis à
l'abri des embarras sans fin qui entra-
vaient son travail et sa vie. Il semblait
que ce fût pour lui que La Fontaine
a écrit :
Point de franche lippée,
Tout à la pointe de l'épée !
Malgré une production incessante,
Plouvier combattait pied à pied contre
la pauvreté qui l'opprima toujours.
Un succès apportait à peine de quoi
combler quelques-uns des fossés en-
tr'ouverts, et il fallait constamment es-
compter les ressources attendues :
« Cela coûte cher d'être pauvre, » di-
sait une femme d'esprit, qui était ma
mère.
Plouvier a fait des drames pleins
d'intérêt, des comédies ingénieuses,
des vaudevilles, des opéras, des pièces
même pour les théâtres Comte et Séra-
phin ; il a écrit des nouvelles sentimen-
tales, élégantes, délicates, charmantes,
de très-jolis contes pour les enfants ; il
a rimé des multitudes de romances,
dont un grand nombre sont devenues
populaires; comme travail littéraire, il
a tout fait; mais, toujours pressé par
les impérieuses nécessités de la vie, il
n'a jamais pu tirer de ses efforts leur
produit légitime dans son intégrité.
Plouvier était une nature droite et
tendre à laquelle le sort n'a pas fait sa
part.
Et maintenant que mon cœur est un
peu soulagé, je reviens aux choses de
la vie et je rentre dans l'actualité.
Lejdernier feuilleton dramatique cons*
tatait en post-scriptum le succès du
Prince au Palais-Royal.
La première représentation, que je
n'ai pas vue, fut, me dit-on, très-favora-
blement accueillie, le premier acte sur-
tout parut fort amusant et la chose prit
toutes les apparences d'un succès* Îvfaî-
heureusement ce succès ne semble pas
s'être soutenu. J'ai vu la représenta-
tion de vendredi, c'est-à-dire la septième.
et je dois avouer qu'elle n'a pas donne
ce que j'attendais. Je ne m'inscris pas
en faux contre le « succès, » mais la
pièce est de Meilhac etHalévy. cela donna
le droit d'être exigeant, et ce succés-là
n'est pas de ceux auxquels ils sont ha-
bitués et dont ils puissent se contenter.
M. Cardmet, riche rentier habitant
Saint-Malo, possède une femme qui fait
la loi à la maison : impérieuse, autori-
taire, sèche, prude et collet-monté, elle
fait faire au pauvre Cardinet son purga-
toire en son logis. Et pourtant MmeCar-
dinet est jeune et jolie, et serait la pluk
charmante femme du monde si. si
elle n'était pas absolument insuppor*
table.
Cardinet en a assez, Cardinet n'y tient <
plus, il faut que cela finisse, et Mme
Cardinet, en tendant la corde outre me- 1
sure, en arrive à la faire rompre.
Des comédiens de Paris en représen-
tations à Saint-Malo envoient par là
ville de séduisantes ambassades pour
colliger les souscriptions des bonç, bour-
geois; Mlle Simonne, dent le talent, la
beauté et les bas gris-perle ont fait sen-
sation dans la ville, se présente chèz
Cardinet en l'absence de madame, ao
compagnée t'le son camarade Escoulou-
bine. V irrésistible Escouloubine, pour,
lui offrir la plus belle loge du théâtre, une
loge de huit places, dont deux sur la
devant, au modeste prix de cent huit
francs, i
*t~ ~Mt ~~<~ ~H~ ~!)f~1E ~!B T~t i~)Pr*N f~M'! T Tf ~N~N'
ADMINISTRATION
Adresser les Lettres et Mandats à l'Administrateur
jpuo d.e Lafayette, 53
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Un an. 62 »
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
-'V'm-
AMORCES-: Chez MM. LAGRANGE, CERFJt.
0f place de la Beuriej a
AMORCES : Chez MM. LAGRANGE, CERF et Cie
9t place de la JUourte, a
., BULLETIN
Paris, 4 décembre 1876.
Les premiers ministres des grands Etats
semblent vouloir mettre à la mode de faire
à la fin d'un grand dîner d'importantes dé-
clarations sur la politique extérieure. Il y a
un mois environ, le comte Beaconsfield met-
tait l'Europe en émoi par le discours qu'il
prononçait au banquet du lord-maire. Le
prince de Bismarck, jaloux, sans doute, de
cuivré un si bel exemple, a réuni hier un
grand nombre de députés à sa table et leur
à expliqué ses vues sur la question d'O-
rient.
Nous recevons plusieurs versions de ce
discours. Celle de la Gazette nationale de
Berlin et celle de la Gazette de Cologne
sbnt identiques. D'après ces deux feuilles,,
le prince de Bismarck aurait déclaré qu'on
ne devait pas encore désespérer de voir la
paix maintenue. « Mais, a ajouté le chance-
lier de l'empire allemand, si la guerre avait
lieu, comme on peut, il est vrai, s'y atten-
dre, la Russie et la Turquie s'en lasseraient
au bout de quelque temps, et l'Allemagne
pourrait alors offrir sa médiation avec plus
de chatnces de succès qu'à présent. Il ne
serait pas bon de donner en ce moment des
nseils à la Russie.
Le prince de Bismarck a ensuite exposé les
motifs qui lui inspirent cette opinion et a dit
en outre que les conseils donnés à la Russie
actuellement n'auraient pas d'autre résul-
tat que d'indisposer la nation russe, et que
eÙl serait plus fâcheux qu'un différend pas-
sager avec le gouvernement du czar. LJB
grince de Bismarck a aussi parlé de l'An-
gleterre, et l'on a cru comprendre que le
chancelier de l'empire espérait que cette
puiss ance ne ferait pas la guerre à la Rus-
sie ouvertement; mais tout au plus officieu-
sement, comme !pL Russie a combattu la
Turquie en Serbie.
Le prince de Bismarck s'èst exprimé
d'une façon très-sympathique à l'Autriche.
, « L'Autriche, a-t-il dit, peut se voir forcée
de prendre part à la guerre; si quelque dan-
ger menace son existence, mais l'Allema-
gne a pour mission de garantir l'existence
de l'Autriche et en général la carte actuelle
d§. l'Europe. L'Allemagne montrera un dé-
sintéressement complet. Elle est la garni-
ture de plomb, grâce à laquelle la figurine
se met toujours sur pied. L'Autriche a, du
reste, une grande force vitale, une plus
grande que bien des gens ne pensent. Je
l'ai fait remarquer au marquis de Salisbu-
-ry, et on en aurait la preuve si les circons-
tances forçaient l'empereur François-Jo-
seph à faire appel au dévouement de ses
peuples. » Le prince de Bismarck a déclaré
on outre qu'il n'avait pas parlé de l'occupa-
tion de la Bulgarie au marquis de Salisbu-
yy de la façon qui a été indiquée par les
journaux.
Nous donnons cette analyse officieuse du
diseurs du chancelier de l'empire d'Alle-
magne pour ce qu'elle vaut. Elle est incom-
plète, nous disent certaines dépêches. Nous
le croyons sans peine. Appelons toutefois
l'attention sur le passage relatif à l'Autriche.
A-t-il été inspiré par un désir réel d'écarter
toutes les complications qui pourraient me-
nacer l'existence de l'empire austro-hon-
grois? Nous ne le croyons guère. Nous
pensons plutôt que l'Allemagne et la Russie
pensent qu'il est encore de leur intérêt d'en-
dormir l'empereur François-Joseph en con-
tinuant la comédie de l'alliance des trois
empires.
Ce n'est pas non plus sans un profond
,,, i - ~,
-' .! : -- -"~ - -
étW?isiDà«fit que nous avons lu le passage
- --
relatif à l'Angleterre. Notre époque est f-
conde en grandes découvertes, mais nous
croyons que l'idée de la « guerre officieuse »
les surpasse toutes. Ainsi, il est désormais
admis qu'il y a deux sortes de guerre : la
guerre ouverte et la guerre officieuse. C'est
là un principe qui peut mener loin.
La situation générale reste la même, et,
pour employer l'expression du Nord, l'ou-
verture seule de la conférence peut amener
une « péripétie nouvelle. »
En Angleterre, le bruit de la retraite de
lord Beaconsfield du cabinet commence à
prendre de la consistance; on ne considère
toutefois pas sa démission comme devant
être immédiate. Le Daily News dit en effet :
« Les rumeurs qui circulent au sujet de
la retraite de lord Beaconsfield de son
poste ne se vérifieront probablement pas,
du moins avant que la prochaine session
parlementaire ne soit vieille de quelques
semaines. Il se sentira probablement obligé
de faire au moins son entrée à la Chambre
des lords comme un comte anglais chef du
parti conservateur. Sa retraite immédiate,
bien qu'elle fût de nature à faciliter Içs dé-
libérations de la Conférence, n'est pas à
prévoir. »
Malgré les assertions du Daily News,
nous doutons fort de la retraite du comte
Beaconsfield.
♦" —
Petite Bourse du Dimanche
Boulevard ctesIUt,lien$nô :r «
Trois heures
3 0/0, 69 fr. 65, 75.
à 0/0, 103 fr. 90, 97 1/2.
5 0/0 turc, 10 fr. 60; -. ,"
Egypte, 253 fr. 12.
1
« La seule République qu'on sup-
porte, et l'on voit comment, c'est la Ré-
publique-Buffet gouvernée par M. Du-
faUre. » Ainsi parlait la Gazette de
France dans son numéro du 21 octo-
bre dernier; et ce fut, dans toute la
presse réactionnaire, le signal d'une
campagne ayant pour but de démon-
trer que les républicains eux-mêmes
reconnaissaient que, pour permettre à
la République de vivre et de s'acclima-
ter en France, ils devaient laisser à
d'autres la direction des affaires publi-
ques.
Hier encore, le Constitutionnel, fai-
sant allusion aux derniers votes des
républicains de la Chambre, écrivait ;
« Qu'on mette ces hommes au pied du
mur ; qu'on les somme d'avoir à pren-
dre pour leur compte ce pouyoir dont
ils rendent l'exercice impossible en
d'autres mains., »
Eh bien, le jour est venu; et nous
espérons que la Gazette de France, le
Constitutionnel, et en général tous ceux
qui, depuis deux mois, menaient la
campagne que nous venons de dire, se
joindront à nous pour mettre les répu-
blicains « au pied du mur », et abor-
der enfin l'entière et rigide pratique du
régime parlementaire. Qu'on prenne
pour base, si l'on veut, la dernière ma-
nifestation de la majorité républicaine.
Trois cent axante voix se sont pro-
nonèées en faveur de l'ordre du jour
Laussedat. Ces 360 voix se décompo-
sent à peu prés de la façon suivante :
25 intransigeants, 90 membres de l'U-
nion républicaine, 125 de la gauche, 95
du centre gau.che. 25 COllstÍtuüonneJ,s.
Si l'on tient autant qu'on le dit à mettre
les républicains au pied du mur, à pra-
tiquer sincèrement et sans réserve le
régime parlementaire, rien n'est plus
simple. Il suffit d'attribuer à chacun
des groupes de la majorité républicaine
un nombre de portefeuilles proportion-
nel à son importance numérique. Al-
lons, messieurs de la bonne presse,
c'est le moment de prouver que vous
pensez quelquefois ce que vous dites !
En somme, pourvu qu'on se donne
la peine d'examiner les choses d'un peu
prés, on est obligé de reconnaître que
le cabinet démissionnaire représentait
assez exactement la majorité. Ce qu'on
pouvait surtout lui reprocher, c'était
d'avoir a sa tête un homme qui, à pro-
prement parler, n'appartenait à aucun
des groupes de gauche. On a sou-
vent dit que M. Dufaure appartenait au
centre gauche. C'est une erreur ; pas
plus dans l'ancienne Assemblée que
dans celle-ci, il n'a fait partie d'un grou-
pe, et si son origine, ses tendances et
les habitudes de son esprit le rappro-
chaient du centre gauche, son tem-
pérament un peu fantasque et ses obsti-
nations invincibles le tenaient forcément
en dehors de cette règle, de cette
discipline, sans lesquelles il n'est point
de parti ni de groupe politique.
Si le cabinet Dufaure n'a point trouvé
dans la Chambre toute la sympathie
qu'il y pouvait chercher, et s'il n'a pas
su triompher des mauvaises dispositions
du Sénat, c'est qu'il n'avait pas de di-
rection, pas de plan, pas de politique
nette et déterminée. C'est enfin qu'il
était dirigé par M. Dufaure, qui ne le di-
rigeait pas ; c'est qu'il n'était ni un ca-
binet de gauche, ni un cabinet de droite ;
c'est qu'il vivait au jour le jour, prenant
ses inspirations tantôt ici, tantôt là, trop
souvent en dehors de la Chambre. C'est
ainsi qu'on l'a vu, dans cette irritante
questions des enterrements civils, ne
réussir qu'à exaspérer le groupe ré-
puté le plus sage, le plus modéré de la
majorité, le centre gauche.
Ce qu'il faut donc avant tout au ca-
binet, c'est un chef, et si l'on veut se
reporter aux chiffres cités plus haut et
dont on ne saurait contester l'exacti-
tude, on reconnaîtra que c'est à la gau-
che républicaine qu'il convient de le de-
mander, comme tenant la place la plus
importante dans la majorité. Or, quand
on parle de la gauche républicaine, il
est un nom qui vient tout naturelle-
ment sur les lèvres ; c'est celui de M. Ju-
les Simon. En lui se personnifie de la
façon la plus complète et la plus écla-
tante « cette phalange de républicains
énergiques non moins que modérés,
patients non moins que fidèles, dont la
situation entre le centre gauche et l'ex-
trême gauche a fait dans l'ancienne As-
semblée et fera encore dans celles-ci le
trait d'union de tous les groupes répu-
blicains. »
M. Jules Simon a le talent et l'auto-
rité ; si l'on veut sincèrement faire l'ex-
périence non pas seulement d'un cabi-
net républicain, — celle-là est faite, —
mais d'une politique républicaine, —
celle-là reste à faire, — il ne nous sem-
ble pas qu'il soit possible de chqisir un
nom plus satisfaisant et plus significatif,
D'autres noms ont été prononcés, nous
le savons, et nous sommes les pre-
miers à en reconnaître la parfaite hono-
rabilité; mais nous ne croyons pas
qu'ils répondent aux nécessités présen-
tes. Ou l'on veut un homme de'la gau-
che, et dans ce cas il faut s'adresser à
celui qui, aux yeux du pays, aux yeux
de la Chambre, aux yeux du Sénat, aux
yeux du maréchal, en est l'expression la
plus haute : ou l'on entend louvoyer en-
core, et s'adresser à un homme qui re-
présente la gauche à peu près comme
M. Dufaure représentait le centre gau-
che. Dans ce cas il ne fallait pas mettre
l'honorable garde des sceaux dans le
cas de se retirer, car on ne trouvera pas
mieux dans son genre.
E. SCHNERB.
♦
LA CRISE MINISTÉRIELLE
La correspondance Havas publie la note
suivante :
Après le vote du Sénat sur le projet de ces-
sation des poursuites, M. le garde des sceaux a
remis à M. le président de la République sa
démission, qui entraînait celle de ses collègnes.
Cette démission pressentie hier a été con-
nue officiellement aujourd'hui dimanche à la
suite de la réunion des ministres tenue chez
M. Dufaure à Paris.
Dans l'audience qu'il a accordée sur-le-champ
à M. I/xftiure, M. le président de la République
a prié M. le garde des sceaux d'inviter, en son
nom, MM. les ministres à conserver leurs
fonctions jusqu'à ce qu'il ait statué sur leur
démission, que le Journal officiel annoncera
demain lundi.
,
RÉUNIONS PARLEMENTAIRES
La gauche républicaine de la Chambre des
députés s'est réunie hier à Paris, dans le local
ordinaire de ses séances, sous la présidence
de M. Albert Grévy.
La réunion comptait plus de 120 membres.
La discussion a porté exclusivement sur la si-
tuation politique créée par les derniers événe-
ments et sur les obligations que cette situation
impose à la majorité républicaine. Sur la pro-
position de son président, la réunion a arrêté
les bases d'une ligne de conduite que son bu-
reau est chargé de soumettre à l'acceptation
des autres groupes républicains.
L'Union républicaine de la Chambre s'est
réunie hier à Paris sous la présidence de
M. Laussedat.
Elle a examiné la situation créée par la
démission du cabinet. Plusieurs orateurs, no-
tamment MM. Laussedat, Noirot, Gambetta,
Codet, Millaud, Escarguel, Lemonnier, Gati-
neau, Lelièvre, Spuller, Brisson, de Mahy,
Turquet, Allain-Targé, etc., ont pris successi-
vement la parole.
La discussion s'est terminée par l'adoption
de la résolution suivante, qui a été soumise au
vote de le réunion. « L'Union républicaine,
ayant pris connaissance des opinions des au-
tres groupes sur la crise actuelle et en ayant
délibéré, émet l'avis qu'il serait bon, afin de
donner aux sentiments communs des trois
groupes une autorité et une consécration ef-
fectives, d'amener une réunion complète de
tous les membres de la majorité. Cette réunion
lui paraît n'engager en rien l'individualité des
trois groupes, mais elle lui semble légitimée par
la gravité des circonstances et la nécessité
qu'il y a pour les pouvoirs publics comme pour
le pays de voir affirmer par la majorité parle-
mentaire les véritables principes du régime
parlementaire, l'indépendance et la responsa-
bilité des ministres, et l'application sincère des
lois par un personnel véritablement pénétré
de l'esprit de la constitution et des vœux du
suffrage universel. »
Le centre gauche de la Chambre s'est réuni
hier soir, à huit heures, sous la présidence de
M. Germain.
,,' La réunion était trèSIlQmhreuse.
La discussion a porté exclusivement sur la
situation politique créée par les derniers évé-
ments, et sur les obligations que cette situation
impose.
Le centre gauche, à l'unanimité, a décidé
qtt indépendamment de toutes questions de per-
sonnes, son concours ne serait assuré qu'à un
Cabinet résolu à mettre le personnel judiciaire cjt
administratif eji harmonie avec l'esprit de ta rna-
joritè sortie 4c§ élections du 2 Q février,
Le bureau a reçu mandat de s'entendrefà ce
sujet avec les autres groupes de la gauche.
» ———————————
Et pourquoi M. le président du con-
seil a-t-il donné sa démission ? — Parce
qu'il n'a trouvé, répond l'agence Havas,
parce qu'il n'a trouvé de majorité pour
appuyer ses demandes ni dans l'une ni
dans l'autre Chambre.
Heureusement !. Car enfin où M.
Dufaure a-t-il cherché cette majorité qui
s'est dérobée à ses espérances ? Est-ce
dans la Chambre des députés? Non,
mais dans le Sénat ; et s'il l'avait trou-
vée dans le Sénat, qu'aurait-il pu en ad-
venir d'heureux soit pour le pays, soit
même pour le gouverment ?
Dire que M. le garde des sceaux ait
cherché sciemment à préparer un con-
flit des pouvoirs publics, ce serait al-
ler trop loin sans doute, et l'on peut
admettre cette hypothèse qu'il a voulu
seulement effaroucher la Chambre en
la menaçant du Sénat. Mais comme on
l'a vu s'engeigner lui-même ! Et quel
avertissement donné, pour l'avenir, aux
ministres qui seraient tentés d'user de
la même tactique !
Son plan s'explique et se comprend
assez ; le mal, c'est qu'il ne valait rien. Il
s'agissait de faire adopter par le Sénat son
amendement à la loi Gatineau, de faire
un peu plus tard rétablir de même cer-
tains articles rayés du budget des cultes,
et de reparaître ensuite devant la Cham-
bre des députés, en lui disant : « Voyez!
voici le maximum des concessions que
le Sénat peut faire ! A vous de céder
maintenant, puisque vous êtes sûrs
qu'il n'ira pas plus loin ! » Tel était le
but; mais il aurait fallu que le Sénat
consentît d'abord à accepter les vues
particulières de M. Dufaure sur la pro-
position Gatineau, ce dont s'est bien
gardée la majorité formée et menée par
deux ennemis personnels de M. Dufau-
re, à savoir MM. de Broglie et Buffet.
Le président du conseil a dû cruelle-
ment ressentir ce coup, qu'il n'avait pas
prévu. Toute la presse réactionnaire s' é-
tait montrée, d'ailleurs, à le tromper,
assez habile. A dater de ses altercations
avec les républicains de la Chambre,
il n'est point d'éloges que le Flançais,
la Patrie, Y Univers, Y Ordre, etc., ne
lui aient décernés. Assaut de caresses et
de flatteries. Rarement, sous un nez
ministériel, tant d'encens avait été brûlé.
Les promesses de concours étaient ce
qui manquait le moins, comme on
pense. Rien ne sert d'être un vieuxpar-
lementaire quand on est aveuglé. M. Du-
faure tabla sur les déclarations des
journaux pour escompter les votes.
Bref, il donna dans le piège lüiu. ce
ne fut qu'après le dépouillement du
scrutin qu'il se vit tombé dans un tra-
quenard. Pendant trois semaines et
plus, on n'avait cessé de lui répéter :
« Comptez sur nous, nous sommes tout
à vous, comme vous êtes tout nôtre, »
et, le jour décisif arrivé, quand est venu
le quart d'heure des urnes, les sénateurs
du parti de l'ordre moral, sur qui comp-
tait M. Dufaure, l'ont bel et bien mis en
minorité.
C'est ici qu'on voit clairement où ten-
dent les meneurs actuels du Sénat. S'il
ne s'était agi que de faire de la politique
conservatrice, à la façon dont le garde
des sceaux l'entend, c'est-à-dire de la po-
litique réactionnaire, il est évident qu'ils
notaient qu'une ÇOûdijLitê à suivre ;
appuyer et Voter l'amendement 13er-
tauld, que M. Dufaure avait patronné.
Ils s'en sont bien gardés ! Pourquoi ?
Parce qu'ils ont d'autres visées ! Se fi-
gure-t-on que M. de Broglie et M. Buf-
fet et leurs alliés royalistes et bonapar-
tistes pensent bonnement à faire de la
politique constitutionnelle de droite ou
de gauche, et que la lutte soit engagée,
pour eux, entre l'esprit de libéralisma
et l'esprit de conservation ? A d'autres!
Le but est unique et toujours le même :
il s'agit de détruire la République. De-
lendam esse Carthaginem, dirait le gé-
néral Changarnier, qui sait ses auteurs.
C'est pourquoi les réactionnaires du
Sénat refusent de s'associer à. la poli-,
tique de réaction de M. Dufaure, et ren-
versent M. Dufaure, ministre réaction-
naire, mais théoriquement républicaine
Le voilà tombé ! Quel homme politi-
que, désormais, sera tenté de l'imiter
De ce que nous venons de voir, uns
vérité ressort avec éclat : c'est qu'il est
impossible à un ministre qui ne veut
ruiner ni la constitution ni la Républi-
que de s'appuyer sur le Sénat contre
la Chambre des députés. Pour la droite
du Sénat, un ministre réactionnaire ne
compte point s'il n'est pas monarchiste;
elle se fera toujours un plaisir de le ren-
verser, en haine de la République.
Mais alors ? Mais alors la seule politique
qui reste possible consiste à essayer dq
reconstituer, si l'on peut, dans la Cham-
bre haute, une majorité qui consente à
marcher à peu près d'accord avec la
Chambre des députés. Besogne délicate;
il faudrait toute l'habileté de main d'uii
homme d'Etat accompli pour y réus-
sir. Supposez qu il échoue cette fois, a
ne lui restera plus qu'à exprimer son
regret de la nécessité où on l'aura mis
de se passer de l'approbation du Sénat.
La promulgation de quelques bonnes
lois sera sans doute ainsi retardée;
mais du moins il n'en passera pas de
mauvaises, et, d'autre part, ce ne sont
pas les interpellations de M. de Belcas-
tel et consorts qui pourront apporter
aucun qbstacle au fonctionnement d'un
gouvernement libéral.
Ce n'est pas l'idéal ; mais du moins
on gagnerait ainsi assez paisiblement
l'époque du premier renouvellement
triennal. Et puis, connaissez-vous une
autre politique ? Un ministère constitua
tionnel n'obtiendra jamais dans le Sénat
qu'une majorité de gauche. Par cela
seul qu'il sera constitutionnel, s'il se
forme dans le Sénat une majorité dë
droite, ce ne sera que pour le rea-
verser.
RUG. LIÉBERT.
— ♦ ———————————-
La question des honneurs funèbres est herch
reusement finie et le doenment que noufi
publions n'a plus qu'un intérêt rétrospec-
tif. C'est une circulaire de M. de Cissey,
ministre de la guerre en 1872, qui a été
communiquée à la commission des hon-
neurs funèbres. En voici le texte : J".
MINISTÈRE Versailles, 21 décembre)..
DE LA GUERRE
CABINET
DU MINISTRE
Circulaire confi-
dentielle
Général, ÏQ décret du 13 octobre 1863 a dé-
terminé (chap. 43) les honneurs funèbres mi-
litaires qui doivent être rendus aux membres
de l'armée, décédés en possession d'un gradé,
aux membres de la Légion d'honneur et aux
déoorés de la médaille militaire. >
A la suite d'assez nombreuses inhumations
faites depuis quelque temps dans certaines lo-
Feuilleton du XIX6 SIÈCLE
Du 5 décembre 1876.
CAUSERIE
;',!;t., åAIQV.
SoMsrtUBjE,. — La Mort d'Edouard Plouvter. -
Le Prince, comédie de MM. Meilhac et Ha-
, lévy» - UAffaire Fauconnier, drame de
Mi:Gearges Petit. - Les livres.
- Si les lecteurs du feuilleton drama-
tique hebdomadaire du XIXe Siècle
n'ont rien perdu à l'absence de leur
chroniqueur ordinaire, grâce à la plumej
d'un très - obligeant collaborateur, il
n:ell a pas été de môme pour moi ; car
y y ai perdu deux grandes satistac-
tions. dont la privation m'est sefisible.
L'une, toute, aune, joie sans mélange,
éut été d'applaudir la Deïdamia de mon,
vieil et illustre ami Théodore de Ban-
ville ; l'autre, hélas ! toute de tristesse;
et 4 regret, eût été de vous parler,
sous le coup même de sa perte, d'unj
autre et bien cher ami qui fut le com-
pagnon de ma jeunesse, d'Edouard;
plouvier, dont je n'ai pas même pu voir
les funérailles !
Si jamais homme a été digne de la
sympathie publique, si jamais littéra-
teur a mérité l'estime de ses confrères,
,c'est assurément celui-là.
La famille de Plouvier ©et originaire
d'Arras. Son père était conducteur de
diligence, au temps où il y avait des di-
ligences, et lui-même, comme on l'a
(Ut, avait été apprenti corroyeur.
plcîy vier n'avait pas fait d'études : il
a eu cette g*??ire de ne devoir rien qu'à
lui-même. Il s'était feit tout seul ce qu'il
était : un littérateur distingué, un poète
élégant et harmonieux.
Il aimait le beau, le bien, le vrai, le
juste. C'était un brave cœur, un esprit
honnête et doux. Son imagination était
vive, étendue, abondante ; sa facilité
très-grande. Il concevait un peu confu-
sément peut-être, parce qu'il voyait trop
de choses à la fois et que trop de détails
lui apparaissaient simultanément. 11 em-
brassait d'un seul coup, dans son cer-
veau fécond, l'œuvre réalisée par an-
ticipation avec toute la* fantaisie et
tout l'arbitraire d'une création illimi-
tée ; mais il lui fallait lutter ensuite
contre son idéal, quand il se trouvait
aux prises avec les rigueurs de l'exé-
cution. Si bien que ses idées drues et
pressées, son imagination foisonnante
et touffue, ayant quelque peine à sè;
restreindre et à se coordonner, lë con-
*
damnaient, malgré toute safacilité, à
un labeur dur t"opiniâtre dés qu'il
s'agissait de rentrer dans les nécessités
de l'art.
C'était la conséquence naturelle d'une,
éducation commencée trop tard et sans!
méthode, et pour laquelle l'esprit,
n'avait pas été préparé. Il confiait la
plus pure semence et la grain le plus
sain à une terre mal ameublie et mal
purgée : il n'y a donc pas à s'étonner si
.parifti ses plus belles moissons on trou-
vait quelques.herbes folles.,
1 Nous étions unis d'une étroite amitié,
et nos coeurs se comprenaient sans peine ;
mais nos esprits n'ont jamais pu s'ac.
commoder l'un à l'autre jusqu'à la col-
laboration.
Vers la fin de 1848 nous habitions
en commun un petit appartement rue
Mazagran. Nous étions fort pauvres :
nous faisions notre déjeuner nous-
mêmes, chacun avait sa semaine de
cuisine et nous dînions pour seize sous
aux Cuisiniers réunis, établissement
fraternel, fondé par tous les gâte-sau-
ces en disponibilité, prés de la Porte-
Saint-Denis.
Nous restâmes ainsi un an tout juste,
sans que rien vînt jamais troubler la
bonne harmonie de notre petit ménage.
Nous vivions en paix. Une femme sur-
vint qui n'alluma point la guerre ; mais
qui pourtant nous sépara. C'était une
artiste distinguée qui venait de jouer la
femme Tison dans les Girondins, Mme
Lucie-Mabire, que Plouvier épousa.
Pendant notre séjour, rue Mazagran"
nous essayâmes résolùment une fois de
travailler ensemble. Nous entreprîmes
d'écrire à nous deux la petite comédie
intitulée : Une Discrétion, qui fut jouée
au Théâtre-Français. Nous en causions
beaucoup, mais nous ne pouvions nous 1
entendre ; ma précision s'accommodait
mal des choses indécises dont mon
pauvre ami remettait toujours l'éclair-
cissement à l'exécution. Enfin, malgré
tout, j'entamai la besogne ; mais, après
avoir écrit trois ou quatre scènes, je re-
nonçai à l'entreprise et rendis à Plou-
vier sa complète liberté, ne pouvant pas
me décider à cheminer dans le vague
et dans la brume.
Cela n'altéra en rien l'aménité de nos
rapports et ne jeta pas entre nous l'om-
bre d'un nuage. Plouvier garda mon
',p.it travail, et je puis dire que s'il ne
uui a pas servi à grands chose, au moins
ne lui a-t-il pas porté malheur. Il fut con-
veflu que, comme indemnité, mon ami
stipulerait pour moi mes entrées à la Co-
médie-Française, ce qui fut fait.
Plouvier ne garda pas longtemps sa
femme: elle mourut d'une maladie
cruelle.
On se console de tout, c'est la loi.
Plouvier était jeune, il avait besoin d'af-
fection, le goût du foyer et de la vie in-
time s'était développé en lui, il se re-
maria avec la brave et courageuse
femme qui l'a servi de toute son affec-
tion et de tout son dévouement jusqu'à
sa dernière heure, et qu'il laisse aujour-
d'hui, hélas ! sans ressources, avec ses
trois entants.
Atteint depuis plusieurs années par
une paralysie faciale, le pauvre Plouvier
ne tarda pas à comprendre que, pour
ne l'avoir pas arrêté tout net, le coup
qui le frappait était profondément porté.
Tous les traitements furent inutiles, le
mal fit de jour en jour de lents, mais
sûrs progrès, et le malheureux as-
sista heure par heure à la destruction
graduelle de toutes les facultés de cet
esprit auquel il avait tant demandé et
qui ne devait plus rien 'lui donner dé-
sormais.
Hélas ! le pauvre poète, quelques mois
avant sa mort, alors qu'il ne pouvait
déjà plus assembler les idées les plus
simples et trouver les mots pour les ex-
primer, sa préoccupation constante était
d'avoir près de fui son crayon et son
calepin, dont les pages devaient rester
éternellement blanches !
Je n'ai pas eu la triste consolation de
Je revoir, de lui serrer une dernière fois
la main, je n'ai pas pu le conduire, ce
:vreuX compagnon de ma jeunesse, à
cette tombe où il dort : qu'il me soit
permis de lui adresser publiquement
ici mon suprême adieu ! j
Plouvier a écrit un certain nombre
de drames importants, qui tous ont eu
du succès, sans qu'aucun ait jamais pu
rencontrer une de ces fortunes hors li-
gne. qui l'eussent d'un seul coup mis à
l'abri des embarras sans fin qui entra-
vaient son travail et sa vie. Il semblait
que ce fût pour lui que La Fontaine
a écrit :
Point de franche lippée,
Tout à la pointe de l'épée !
Malgré une production incessante,
Plouvier combattait pied à pied contre
la pauvreté qui l'opprima toujours.
Un succès apportait à peine de quoi
combler quelques-uns des fossés en-
tr'ouverts, et il fallait constamment es-
compter les ressources attendues :
« Cela coûte cher d'être pauvre, » di-
sait une femme d'esprit, qui était ma
mère.
Plouvier a fait des drames pleins
d'intérêt, des comédies ingénieuses,
des vaudevilles, des opéras, des pièces
même pour les théâtres Comte et Séra-
phin ; il a écrit des nouvelles sentimen-
tales, élégantes, délicates, charmantes,
de très-jolis contes pour les enfants ; il
a rimé des multitudes de romances,
dont un grand nombre sont devenues
populaires; comme travail littéraire, il
a tout fait; mais, toujours pressé par
les impérieuses nécessités de la vie, il
n'a jamais pu tirer de ses efforts leur
produit légitime dans son intégrité.
Plouvier était une nature droite et
tendre à laquelle le sort n'a pas fait sa
part.
Et maintenant que mon cœur est un
peu soulagé, je reviens aux choses de
la vie et je rentre dans l'actualité.
Lejdernier feuilleton dramatique cons*
tatait en post-scriptum le succès du
Prince au Palais-Royal.
La première représentation, que je
n'ai pas vue, fut, me dit-on, très-favora-
blement accueillie, le premier acte sur-
tout parut fort amusant et la chose prit
toutes les apparences d'un succès* Îvfaî-
heureusement ce succès ne semble pas
s'être soutenu. J'ai vu la représenta-
tion de vendredi, c'est-à-dire la septième.
et je dois avouer qu'elle n'a pas donne
ce que j'attendais. Je ne m'inscris pas
en faux contre le « succès, » mais la
pièce est de Meilhac etHalévy. cela donna
le droit d'être exigeant, et ce succés-là
n'est pas de ceux auxquels ils sont ha-
bitués et dont ils puissent se contenter.
M. Cardmet, riche rentier habitant
Saint-Malo, possède une femme qui fait
la loi à la maison : impérieuse, autori-
taire, sèche, prude et collet-monté, elle
fait faire au pauvre Cardinet son purga-
toire en son logis. Et pourtant MmeCar-
dinet est jeune et jolie, et serait la pluk
charmante femme du monde si. si
elle n'était pas absolument insuppor*
table.
Cardinet en a assez, Cardinet n'y tient <
plus, il faut que cela finisse, et Mme
Cardinet, en tendant la corde outre me- 1
sure, en arrive à la faire rompre.
Des comédiens de Paris en représen-
tations à Saint-Malo envoient par là
ville de séduisantes ambassades pour
colliger les souscriptions des bonç, bour-
geois; Mlle Simonne, dent le talent, la
beauté et les bas gris-perle ont fait sen-
sation dans la ville, se présente chèz
Cardinet en l'absence de madame, ao
compagnée t'le son camarade Escoulou-
bine. V irrésistible Escouloubine, pour,
lui offrir la plus belle loge du théâtre, une
loge de huit places, dont deux sur la
devant, au modeste prix de cent huit
francs, i
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