Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1876-11-14
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 68249 Nombre total de vues : 68249
Description : 14 novembre 1876 14 novembre 1876
Description : 1876/11/14 (A6,N1799). 1876/11/14 (A6,N1799).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7557358d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
Sixième Année - No 1799 Prix du Numérc , Paris : 15 Centimes - Départemeuta : 20 Centimes Mardi 14 Novemhre 1876
LE XIX1 SIÎGLI
t
JOURNAL R ÉPIJBLICAINa CONSERVATEUR
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
1S 3 rao cie af¥,ye"tt;e
Les Lettres non affranchies seront refusées.
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois 13 fr.
"Six mois 25 »
Un :an, .: 50 »
DEPARTEMENTS
Trois mois 10 fr.
Six mois. ass »
-Ui" an. , , , ., Cn2 a~
MMUGES : Ckaz MM. LAGRANGE, CERF et/ £
m, ftow df lef IToiiri^ a
ADMINISTRATION
Adresser les Lettres et Mandats à l'Administrateur
rixe d.e Lafayette, SJS
r -
Les Manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois 13 fr.
Six mo;s.. , îîs »
Un an. so »
DEPARTEMENTS
Trois mois SOfr.
Six mois 32 »
Un an. , , .., us »
ANNONCES : Chez MM. LAGRANGE, CERF et Cie
•j plnee de in Ratf rge, a
Election d'un Député
ARRONDISSEMENT DE MARENNES
Résult-ais connus à deux heures dit matin
MESTREAU, républicain, 4,742 voix.
Orner CHARLET, bonapar. 3,116 -
Manquent deux cantons; l'élection de M.
Mestreau est assurée.
MM.. lell Sooseriptears dont
l'AiH,üliemlIt expire le 15 No-
vendn-e ttt-sui priés du le renou-
'ëhJ" l^âiifeédiiiiëiaieM^ s'ils ne
l'dftlî&ihl point éprouver de re-
faril dzïü. la rëêepllou «Ifi Jiwr-
uat
Bl:.JLLETIN'
Paris, 13 novembre 1876.
Il-est, inutile d'insister sur la gravité du
disèours prononcé vendredi à Moscou par
l'empereur de Russie, discours dont nous
reproduisons plus loin le texte officiel
d'après le Journal officiel de Saint-Péters-
bourg. Ce discours, prononcé alors que les
négociations pour la réunion d'une confé-
rence sont encore pendantes, augmente les
difficultés que la diplomatie avait déjà à
surmonter et constitue un véritable dan-
geiyear il équivaut à une mise en. demeure
adressée à l'Europe d'avoir à accepter les
conditions de la Russie. Il sera intéressant
de voir de quelle façon là presse anglaise
accueillera cette déclaration.
La Turquie élève, paraît-il, de nombreuses
objections contre le projet de conférence.
Elle a chargé son ambassadeur à Londres
de présenter ses observations à cet égard
au cabinet de Saint-James.
On pense à Vienne que l'on finira par
s'entendre, car les négociations ne sem-
blent pas aussi avancées que l'a assuré le
comte Beaconsfield, sur le fait même de la
réunion d'une conférence ; mais on ne se
dissimule pas que l'on se trouvera, seule-
ment alors, en présence des véritables diffi-'
cultés. C'est alors, en effet, qu'il s'agira de
'entendre au sujet de l'autonomie à accor-
der aux trois provinces turques, et l'on
ije saurait méconnaître qu'à cet égard les
vues des cabinets sont loin d'être concor-
dantes.
.On fera bien, dit à ce propos le Frem-
denblatty de ne pas perdre de vue que, bien
que la situation se soit améliorée, nous ne
sommes encore qu'au début des véritables
difficultés, que la conférence n'assure pas
encore la paix, dont le rétablissement dé-
pend de l'extension et de la portée qu'on
veut donner au mot « autonomie »; qu'en un
mot nous nous trouvons encore au « moment
ioîprème » de la question d'Orient. Toute
l'action actuelle des puissances n'est au fond
qu'une dernière tentative faite en vue de
résoudre cette question à l'amiable et si
cette tentative échoue, le continent peut
s'attendre à tout. »
Les feuilles viennoises éprouvent aussi
de vagues inquiétudes sur le rôle que l'Au-
ti-iche-Hongrie peut être appelée à jouer
dans les complications probables que ré-
serve à l'Europe un avenir rapproché. La
îJazette allemande dit à ce sujet que « dans
tes complications actuelles de la politique
extérieure, il n'y a pour l'Autriche-Hongrie
de salut possible que si elle se renferme
dans l'attitude expectante qu'observent l'Al-
lemagne et la France. Telle est, en dernière
analyse, la direction indiquée à notre poli-
tique étrangère par la grande majorité de
la Chambre des députés. » « s.
Petite Bourse du Dimanche
Boulevard des Italiens
Trois heures
S©/©, 71 fr.25, 40, 45.
& 0/0, 104 fr. 65, 82 1/2.
5 0/0 turc, 11 fr. 25, 40, 30.
Banque Ottomane, 372 fr. 50, 373 75.
Egypte, 238 fr. 75, 240.
—
Beaucoup de bruit pour rien; telle
nous paraît devoir être la conclusion
des polémiques engagées depuis trois
mois et reprises avec plus d'ardeur que
jamais depuis quinze jours au sujet des
droits du Sénat en matière de finances.
Il est clair qu'on est tout près de s'en-
tendre, ou plutôt qu'on a toujours été
d'accord ; car si nos adversaires avaient
tenu, dés le premier jour, le langa-
ge qu'ils tiennent aujourd'liui; nous
croyons pouvoir affirmer que le débat
n'eût point continué si longtemps.
En somme, de quoi s'agit-il ? Est-ce,
comme le Français feint de le croire ?
est-ce de refuser au Sénat un droit
«sans lequel son utilité constitutionnelle
ne serait qu'un vain mot et qu'une dé-
risoire apparence, un droit sans lequel
le Sénat ne peut plus faire équilibre à
l'autre Chambre. etc,, etc.?» Nulle-
ment. Il s'agit de savoir si l'Assemblée
nationale, en introduisant dans la con-
stitution un article spécial aux lois de
finances, a entendu faire œuvre vaine.
En effet, sur quoi s'appuient principa-
lement nos contradicteurs? Sur l'article-
1er et l'article 3 de la loi organique où
il est dit :
Article ler.- Le p.ouvoir législatif
s'exerce par deux Assemblées, la Cham-
bre des députés et le Sénat.
Article 3. — Le président de la Ré-
publique a l'initiative des lois, concur-
remment avec les membres des deux
Chambres.
- Donc, nous dit-on, si l'on retuse au
Sénat le droit d'initiative en matière de
finances, on viole les articles 1 et 3 de
la constitution. ;
A quoi nous répondons : Oui ; mais si,
même en matière de finances, lesdits
articles sont observés, que devient l'ar-
ticle 8, qui est précisément une déro-
gation voulue, préméditée, nécessaire
aux deux articles précités ? Si le Sénat
avait dû dans l'intention des constituants
jouir des mêmes droits en matière de
finances qu'en toute autre matière, il
tombe sous le sens qu'ils n'eussent point
songé à cet article 8.
On dit encore : Ce que l'article 8 con-
fère à la Chambre, c'est purement et
simplement un droit de Qriorité. Nous
soutenons, nous, que c'est en même
temps une prérogative, un privilège
destine a contrebalancer la prérogative
considérable attribuée au Sénat de dis-
soudre la Chambre des députés, d'ac-
cord avec le président de la République.
Et nous constatons avec plaisir que
cette interprétation, si conforme aux tra-
ditions comme au bon sens, s'impose
peu à peu àtausjios contradicteurs. Ils
se contentent de dire, comme hier le
Journal cles Débats, que le Sénat peut
s'offrir la satisfaction toute platonique
de rétablir des crédits supprimés par
les députés, mais qu'en définitive le
dernier mot doit rester à la Chambre.
A la bonne heure ! Nous ne demandons
pas autre chose, et ce n'est certes pas
nous qui refuserons jamais au Sénat
l'innocent plaisir qu'il entend se réser-
ver. Non pas, nous tenons à le bien pré-
ciser, que la constitution nous paraisse
attribuer au Sénat même ce semblant
de satisfaction ; mais parce que nous
croyons que s'il est possible, à ce prix,
d'éviter un conflit, il ne faut pas hésiter.
Quant aux doctrinaires, libéraux hé-
rétiques et parlementaires repentis, qui
haussent les épaules quend on soutient
que l'influence prépondérante, le der-
nier mot en cas de conflit doit apparte-
nir à la Chambre et non au Sénat, nous
nous contenterons de leur rappeler, à
ce sujet, la théorie d'un de leurs écri-
vains les plus autorisés. Il n'est pas un
Buffet, pas un Broglie, pas un des pali-
nodistes du centre droit actuel qui n'ait
applaudi, en un temps, le beau livre de
Prévost-Paradol sur la France nouvelle
et en particulier la page que voici :
« Quelle doit être l'étendue et la nature
» de l'influence exercée par la seconde
» Chambre sur la conduite générale des
» affaires publiques,et quels sont les moyens
» de lui assurer cette influence ? RECON-
» NAISSONS AVANT TOUT QUE CETTE INFLUENCE
» DOIT ÊTRE PRÉPONDÉRANTE. Ce n'est pas
» qu'une influence prépondérante déposée
» aux mains de cette Assemblée ne puisse
» avoir des inconvénients ; ceux qui s'épui-
» sent à le prouver perdent leur temps à
». démontrer l'évidence,; mais. les institu-
» tions humaines ne peuvent que choisir
» entre des périls inégaux, et cette pré-
» pondérance, qui doit nécessairement exis-
» ter quelque part, a des inconvénients
» plus considérables encore, si elle est con-
» centrée partout ailleurs que dans les
» mains de cette Assemblée. Il est, en effet,
» indispensable qu'en cas de dissentiment
» entre ces pouvoirs publics, le dernier mot
» reste à l'un d'eux. Si le dernier mot
» reste à l'Assemblée populaire, c'est la na-
» tion même qui prononce sur son sort par
» ses représentants, avec cet avantage que
» la nation peut toujours modifier son juge-
» ment en renouvelant ses représentants
» au moyen d'élections générales. »
Nous voilà loin de la théorie ducale
qui prétend faire du Sénat une vérita-
ble Chambre des conflits destinée à
faire perpétuellement échec à la repré-
sentation nationale, une sorte de con-
seil judiciaire chargé de mettre la na-
tion en interdit !
E. SCHNERB.
Discours de l'empereur de Russie
Saint-Pétersbourg, Il novembre.
Le Journal officiel de Saint-Pétersbourg
public le texte de l'allocution que l'empe-
reur Alexandre a adressée hier à Moscou
aux représentants de la noblesse et aux
membres du conseil municipal. L'empereur
Alexandre s'est exprimé en ces termes :
Je vous remercie des sentiments que vous
avez bien voulu m'exprimer à l'occasion de la
politique actuelle, qui s'est maintenant éclair-
cie. J'accepte avec plaisir l'adresse que vous
me présentez. Vous savez déjà que la Turquie
a cédé à ma demande ayant pour objet la con-
clusion immédiste d'un armistice en vue de
mettre un terme aux inutiles tueries dont la
Serbie et le Monténégro étaient le théâtre. -
Dans cette lutte inégale, les Monténégrins
se sont montrés comme toujours de véritables
héros. On ne peut malheureusement en dire
autant des Serbes, malgré la présence dans
nos rangs de nos volontaires, dont beaucoup
ont versé leur sang pour la cause slave. Je
sais qu'avec moi la Russie tout entière prend
la plus vive part aux souffrances de ceux qui
sont nos frères par la foi et par la race. Mais
les véritables intérêts de la Russie sont ceux qui
me tiennent le plus au cœur et je voudrais, jus-
qu'à ladernière limite, épargner le sang russe.
C'est la raison pour laquelle je me suis efforcé
et je m'efforcerai encore d'obtenir par lesvoies
pacifiques l'amélioration positive de la situa-
tion des chrétiens en Orient.
Dans quelques jours, des négociations s'ou-
vriront, à Constantinople, entre les représen-
tants des six grandes puissances, en vue de ré-
gler les conditions de la paix. Mon vœu le plus
ardent est que nous arrivions à un accord com-
mun. Mais si ce vœu ne se réalise point et si
je vois que nous ne pouvons obtenir des ga-
ranties qui nous assurent l'exécution de ce que
nous exigeons à bon droit de la Porte, j'ai le
ferme dessein de procéder de ma seule initia-
tive (Selbststaendtg), et j'ai la conviction que,
dans ce cas, la Russie tout entière répondra à
| mon appel, si je le juge nécessaire et si l'hon-
neur de la Russie l'exige. J'ai aussi la convic-
tion que Moscou, comme toujours, donnera
l'exemple.
Que Dieu nous aide à accomplir notre sainte
mission.
:
Le Cas de M. Benoist d'Azy lils
M. Benoit d'Azy fils peut se vanter
d'avoir complété l'instruction géogra-
phique de bon nombre de ses conci-
toyens. Beaucoup avaient vécu jusque-
là sans connaître, même de nom, la pe-
tite île de Mayotte : Mayotte est un nom
célèbre désormais et que l'on n'oubliera
pas. i' 't d l, d. d, d
Les faits de la séance de jeudi dernier
ont été racontés à nos lecteurs; à la fin
de cette séance, tout le monde comp-
tait apprendre le lendemain matin que
M. le directeur des colonies au minis-
tère de la marine avait donné sa démis-
sion. Il n'en fut rien cependant, et voici
trois jours déjà que les gens nés curieux
ouvrit chaque matin le Journal offi-
ciel sans y trouver jamais ce qu'ils y
cherchent. Hier soir même le Français
qui, dès la première heure, a pris la
défense de M. Benoit d'Azy fils; publiait
la note suivante, à laquelle nous nous en
voudrions de rien changer.
C'est absolument sans raison qu'un cer-
tain nombre de journaux parlent de la re-
traite de M. Benoist daïy. C'est la suite
d'un système de diffamation et d'injurieuses
allégations auxquels ces journaux se li-
vrent contre l'honorable directeur des co-
lonies. - :,:'
Comme nous tenons à montrer au
Français, une fois de plus, que sa mau-
vaise foî habituelle n'a nullement été
surprise, et qu'il ne s'agit ici en aucune
façon de « système de diffamation »
et « d'injurieuses allégations provenant
des « journaux », nous allons laisser la
parole au seul accusateur qu'ait ren-
contré M. Benoist d'Azy, au rapporteur
du budget de la marine, à M. Raoul
Duval, lequel n'est pas des nôtres, et
pour qui le Français a eu dans d'autres
temps quelques tendresses.
Voici comment s'exprimait, d'après
la sténographie du Journal officiel,
M. Raoul Duval, jeudi dernier, à l'occa-
sion de cette île Mayotte, où est l'exploi-
tation de la société' des Comores, dont
M. Benoist d'Azy père est le président
et M. Benoist d'Azy fils obligataire.
Il est résulté, messieurs, de la suppression
de la compagnie indigène la disponibilité d'un
solde de crédit qui dépassait 60,000 fr. La di-
rection des colonies a décidé que l'on devrait
l'employer à des travaux d'assainissement et
de construction de routes.
Rien de mieux. Mais voici comment on a
procédé : M. le commandant supérieur de
Mayotte a reçu l'ordre de former une commis-
sion locale chargée de porter cette décision à
la connaissance des propriétaires de la colonie
en leur faisant connaître que l'argent serait
dépensé sur les terrains de ceux qui contribue-
rait pour les deux tiers à la dépense des tra-
vaux à faire, l'Etat devant contribuer pour l'au-
tre tiers.
Cette commission s'est réunie le 20 juin :
elle a donné aux intéressés pour se décider un
délai de six semaines. Ce délai expiré, la com-
mission s'est réunie de nouveau. Le président
a fait connaître que sur dix-neuf lettres reçues,
un seul propriétaire avait accepté ; les autres
réponses étaient négatives ou subordonnaient
la solution aux ordres des propriétaires ab-
sents.
Effectivement la plupart de ces plantations
sont gérées pour le compte des propriétaires
qui habitent l'île de la Réunion ou la France.
Or, comme il faut au moins trois mois pour
que la réponse à une lettre expédiée de Mayotte
puisse arriver dans la colonie, le délai de six
semaines était absolument dérisoire.
Il s'est cependant trouvé un gérant qui,
mieux informé, a pu accepter la proposition
qui lui était faite ; seulement, comme i n'avait
pas de concurrent, il était maître du marché,
et au lieu d'accepter la proposition de paver
les deux tiers, il a offert de ne payer que la
moitié; ce gérant était celui de la société dite
des Comores.
Un membre. — Quel est le nom du président
de cette société?
M. le ralillortelll-,- On vous a fait con-
naître ce nom tout à l'heure, et vous me per-
mettrez de ne pas y insister. Par l'effet de
cette trop grande célérité, la totalité des tra-
vaux a été faite sur les deux concessions nom-
mées Koëni et Debony, qui appartiennent à la
société des Comores.
On les a réunies par une route superbe et
on a commencé le dessèchement du marais de
Koëni. Ces travaux se poursuivraient dans les
mêmes conditions si nous continuions à allouer
le crédit.
Et après la réponse de M. Benoist
d'Azy, M. Raoul Duval remontait à la
tribune, il revenait à la charge d'une
façon plus explicite encore :
Messieurs, vous venez d'entendre M. le di-
recteur des colonies : dans le sentiment de la
commission, il n'a rien répondu aux faits qui
ont été précisés.
J'ai dans les mains les procès-verbaux d'as-
semblées générales de la compagnie des Co-
mores. Les plus gros actionnaires touchent de
près à M. le directeur des colonies : lui-même
y fi gure comme obligataire.
Je répète à la Chambre que la commission se
réunit une première fois le 20 juin 1873, une
seconde le 5 août, et que dix-neuf lettres ont
été adressées en réponse à la proposition faite;
que pas une d'elles ne contenait l'acceptation,
faute d'autorisation possible. Une seule de-
mande a été faite, et par qui ? par le gérant de
la compagnie des Comores ! Votre commission
s'étonne encore que M. le directeur des colo-
nies n'ait pas expliqué par quelle opération du
Saint-Esprit le gérant de la compagnie des Co-
mores a pu être autorisé en temps utile.
Le gérant de la compagnie des Comores avait
donc eu connaissance des propositions qui de-
vaient être faites et de l'avantage qu'il y a li-
rait à les accepter? Comment donc avait-il ac-
quis cette connaissance ? Nous nous le somm es
demandé dans le sein de la commission du
budget ; et puisque nous sommes arrivés à ce
point-la, il faut des explications catégoriques
et sans équivoque.
Nous avons pensé que le même paquebot qui
avait apporté de France l'ordre de procéder
comme je viens de vous le dire portait en
même temps aux représentants de la société.
des Comores l'avis d'accepter et l'autorisation
de commencer les travaux.
J'ajouterai, messieurs, que dans ces pays
tropicaux, où la fièvre est 'meurtrière, où elle
est la pire ennemie des hommes, il est plus
important de la combattre que de conquérir
des terrains, et que les travaux coûteux qui se
sont faits dans les marais de Koeny ont eu
pour objet d'assainir les 3,000 hectares concé-
dés à la compagnie des Comores.
Voilà ce qui nous a paru la vérité. Je ne dis
pas qu'elle soit telle, mais je dis ce que nous
avons pensé.
Les travaux faits aux routes ont été exécu-
tés presque exclusivement entre les deux con-
cessions accordées à la même compagnie.
M. le ministre. — C'est une erreur !
M. le rapporteur. — Cela n'a pas paru
une erreur à la commission, qui a demandé la
carte de l'île et le tracé des routes : la majeure
partie de celles qui sont exécutées va d'une
concession à l'autre.
M. le directeur des colonies disait tout à
l'heure qu'il était bien étonnant que, depuis,
aucune réclamation n'eût été faite parles pro-
priétaires intéressés. Eh bien, j'ai eu l'hon-
neur de recevoir hier matin la visite d'un des
propriétaires de Mayotte : et mon dossier con-
tient une lettre dont il m'a autorisé à faire l'u-
sage que je voudrais.-
C'est par moi qu'il a appris que pareille of-
fre avait été faite et il m'a donné sa parole
d'honneur que jamais, au grand jamais, il n'a-
vait connu l'existence de la commission et ses
offres.
Voilà les accusations nettes, précises,
qui ont été formulées à la tribune contre
M. Benoist d'Azy fils. Il n'y en a pas eu
d'autres, et l'on peut dire qu'elles suffi-
sent. C'est en conséquence de ces faits
que la commission du budget deman-
dait la réduction du crédit de l'île
Mayotte, pour empêcher, selon l'expres-
sion de M. Raoul Duval, que les travaux
fussent poursuivis dans les mêmes cdn-
ditions. M. le ministre de la marine, en
acceptant les réductions que la Cham-
bre a votées, s'est associé aux conclu-
rions-du rapporteur.
M. Raoul Duval a dit que les faits
avaient besoin d'une explication : c'est
1 avis de la France entière. Il ne saurait
y avoir de choix pour M. Benoist d'Azy
fils qu'entre ces explications et sa re-
traite: et il nous semble qu'il est plus
que personne intéressé à les donner
complètes, avant qu'il ait plu à quelque
impatient de la Chambre de les ré-
clamer.
CHARLES BIGOT.
—
On lit dans VEstafette :
Il s'agirait d'une question délicate que se pro-
pose de soulever M. Antonin Proust, au sujet
de l enlèvement des archives nationales de cer-
tains documents diplomatiques.
Le coupable serait un certain fonctionnaire
de 1 ordre moral, un préfet qui publierait dans
une revue, sous forme de souvenirs privés, le
contenu de ces papiers importants, considérés
par M. Proust comme propriété de l'État. Ces
pièces appartiendraient à la période de la nll)
narchie de Juillet.
Le Petit Parisien commente ainsi cetta
curieuse nouvelle :
Ce «certain préfet, » c'est M. le comte Henri
a Ideville, qui fut préfet d'Alger sous l'ordre
moral et subit cette aventure extraordinaire
de ne pas pouvoir rester en fonctions.
M. le comte d'Ideville est un esprit brouil-
lon et indiscret qui est coutumier du fait qu'on
lui reproche de nouveau. Une première foi*,
ayant été secrétaire d'ambassade à Rome, M-
d'Ideville publia sous le litre « Souvenirs d'u&
diplomate », un volume qui étonna. Ce livre
parfaitement vide et prétentieux, où l'auteur
admirait son propre personnage avec une va-
nité ridicule, empruntait un certain intérêt à
des récits de cancans diplomatiques et à des
publications de pièces que le respect du se-
cret professionnel eût dû interdire it M. d'Ida-
ville de mettre au jour.
Cette publication était de nature à éloigner
à jamais son auteur des fonctions publiques.
Un fonctionnaire en disponibilité on démis-
sionnaire peut tout dire, sauf ce qu'il n'a su
que comme employé de l'Etat.
Mais comme ce livre était clérical M de
Broghe, qui aime à se faire appeler homme
d Mat et ne se doute guère de ce que ce mot
comporte de mérites et impose de devoirs
(voir son ambassade à Loruh*es, sous M
Thiers), nomma M. d'Ideville préfet.
Gageons que s'il revenait au pouvoir il le
nommerait archiviste !
à
Nous ne - relèverons dans la note trés-
judicieuse de notre confrère qu'une erreur
de détail. M. Lelorgne d'Ideville, ancien
préfet de l'ordre moral, n'est pas titré. Le
pape l'a fait comte, comme tant d'autres se-
crétaires d'ambassade qui, par leurs com-
plaisances, ontacheté cette faveur; mais pour
qu'un comte romain devienne comte fran-
çais, il faut un décret que M. Lelorgne d'l-
deville a sollicité sans l'obtenir.
LES FRUITS DE SERRE fHltDE
- - TH
Les journaux religieux font grand
bruit d'un petit succès que viennent
de remporter les congréganistes, et ils
1 exploitent de leur mieux contre l'en-
seignement que donnent les écoles mu-
nicipales de Paris. ,
La Ville a fondé une cinquantaine de
bourses aux écoles Turgot et Chap-
tal. Ces bourses sont mises au concours
chaque année. Il paraît que tous lès
ans le plus grand nombre de ces bour-
ses, attribuées au concours, est enlevé
par des élèves sortis de l'enseignement
clérical, et que cette année la proportion
a été plus forte qu'elle n'avait jamais été
jusqu'à ce jour : que sur cinquante bour-
ses proposées aux concurrents, quatre
seulement avaient été été gagnées,por
des enfants élevés dans les écoles mu-
nicipales laïques.
Là-dessus, r*7/irw>rs, Y Union, la
Gazette, le Monde et toutes les feuilles
de ce parti nous raillent amèrement sur
cet échec et nous défient de l'annoncer
a nos lecteurs.
Nous n'y sentons aucune répugnance
A supposer que nous vissions dans
Feuilleton du XIXe SIÈCLE
Du 14 novembre 1876.
LEslHÉA TRE
-qïeëmile Auzier
Je commence par annoncer une mau-
vaise nouvelle, aux lecteurs. Ils ne trou-
veront pas au bas de ce feuilleton du
lundi matin la signature habituelle qui
leur est chère. Notre collaborateur M.
Charles de la Rounat est absent, et c'est
une-causerie littéraire qui vient rem-
placer aujourd'hui la causerie drama-
tique. Elle fera son possible du moins
pour ne pas trop s'éloigner du sujet or-
dinaire de ces entretiens, et je viens par-
ler brièvement du Théâtre complet
d'Emile Augier, dont les deux premiers
volumes ont paru cette semaine à la
librairie Calmann-Lévy.
Cette édition du Théâtre de M. Emile
Augier n'est pas la i première. Je me
souviens d'une petite édition que l'on
rencontrait parfois, il y a quelques an-
nées, en quatre ou cinq petits etgracieux
volumes; mais elle avait plusieurs dé-
fauts : elle était fort incomplète, remon-
tant à une époque où l'auteur n'avait pas
encore donné ses plus importants ou-
vrages; et avec le temps elle était deve-
nue à peu près introuvable. C'est un
vrai service que M. Emile Augier a ren-
du à ses amis — et il en a beaucoup par-
mi les amis de la bonne et saine littéra-
ture — que de leur offrir une nouvelle
édition -de ses œuvres. Ses pièces sont
aussi bonnes à lire qu'à écouter. Je vou-
drais bien, pendant qu'il est en train de
se faire réimprimer, qu'il n'oubliât pas
le volume de poésiesde sa jeunesse, qui
est trop peu connu et où se trouvent
bien des jolis vers et bien des inspira-
tions délicates.
Des deux volumes qui ont paru, le
premier contient : la Ciguë, un flomme
de bien, VAventurière, l'Habit vert,
Gabrielle, le Joueur de Flûte ; le second
volume : Diane, Philiberte, le Gendre de
M. Poirier, et Ceinture dorée. Nousn'a-
vons encore ni le Mariage d'Olympe, ni
la Pierre de touche, ni les Lionnes pau-
vres, ni les Effrontés, ni le Fils de Gi-
boyer, ni Maître Guérin, ni la Conta-
gion, ni Madame Caverlet, sans parler
du reste. On voit que la matière et l'in-
térêt ne manqueront pas aux volumes
suivants. L'auteur a naturellement com-
mencé par le commencement.
Il ne s'est pas attaché cependant à un
ordre chronologique bien régulier. 11 a
tenu à ce que chaque volume eût son
œuvre saillante et comme son morceau
de résistance : c'est ainsi qu'il a placé
dès le premier volume Y Aventurière,
qui, sous sa forme définitive et superbe,
date de 1860 seulement, de l'époque de
la pleine vigueur et de la pleine posses-
sion de son talent. Je vois bien l'impor-
tance de la raison qui l'a déterminé. J'au-
rais préféré cependant qu'il n'y cédât
pas. Il y a un vrai plaisir pour le lec-
teur sérieux à suivre d'œuvre en œu-
vre l'évolution d'un talent, son progrès
continu de la jeunesse à la maturité;
etquand, de cette Aventurière par exem-
ple, on retombe ensuite au Joueur de
Flûte ou à Diane, le saut paraît un
peu rude.
- Il ne m'aurait pas déplu non plus, et
surtout dans une édition des œuvres com-
plètes, de voir à côté de la pièce ache-
vée et parfaite la première tentative de
l'artiste. Il y eût eu là matière à de bien
intéressantes comparaisons, et les jeu-
nes écrivains en eussent pu tirer d'uti-
les leçons. Pourquoi ne pas mettre cette
première version tout au moins en
appendice à la fin du volume, pour ceux
qu'une telle étude pourrait tenter ?
Et puisque je parle de Y Aventurière,
je me permettrai encore une remarque.
Que l'on devine à qui la pièce est dé-
diée ? A M. le duc d'Aumale ! C'est là
certes un don royal fait à un prince de
sang royal. J'avouerai pourtant que
l'on n'attendait pas en tête de cette œuvre
si forte, si libre, et qui par endroits en-
fonce si avant dans la nature humaine,
le nom d'un membre de cette famille de
royauté bourgeoise, à laquelle sous.
toutes ses formes le juste milieu fut si
cher, et dont le poète favori s'appelait
Casimir Delà vigne,
Si l'on excepte le Gendre cle M. Poi-
riel, l'Aventllnere. et cette aimable
Philiberte qu'a ranimée la grâce de Mlle
Emilie Broisat, les pièces contenues
dans ces deux volumes ne sont pas celles
que la génération jeune encore connaît
le mieux de M. Emile Augier. L'Emile
Augier avec lequel nous sommes sur-
tout familiers, c'est l'Emile Augier de la
seconde manière; celui qui prit le fouet
d'Aristophane dans les Effrontés et le
Fils de Giboyer, dans Lions et Renq-rds,
pour cingler la bourgeoisie ventrue et
le cléricalisme intrigant; celui qui, dans
le Mariage d'Olympe, la Pierre cle Tou-
che, les. Lionnes pauvres, avait vengé la
vertu du triomphe des courtisanes ; ce-
lui qui, dans la Contagion avait flétri les
tripoteurs d'affaires véreuses, les escrocs
de bourse et de cercles, ou, dans Maître
Guérin, avait présenté l'étude forte et
concentrée d'un de ces personnages de
Balzac, un notaire de canton chez le-
quel la conscience s'est dépravée parmi
les subtilités du Code, et qui en est venu
à concilier ce qu'il appelle la probité
avec l'avidité la moins scrupuleuse.
Aussi l'étonnement fut-il grand pour
plusieurs lorsque l'on vit M. Emile Au-
gier, quittant la comédie de mœurs et
la peinture du vice contenlporaio; ap-
porter à la scène française cette pièce
en vers, toute consacrée à la peinture
de la passion, qui s'appelle Paul Fores-
tier, et dont la semaine dernière préci-
sément on parlait si bien à nos lecteurs.
Et cependant, en prenant la langue
du vers, en racontant un de ces éter-
nels drames du cœur qui troublent au-
tant qu'ils émeuvent, M. Emile Augier
ne s'abandonnait pas lui-même, il ne
faisait que se reprendre. Il retournait
boire à la source où il s'était abreuvé
d'abord, où il avait puisé ses premières
et ses plus fraîches inspirations. Il a eu
beau faire, se transformer à mesure
que venait l'âge en observateur attentif
et curieux de son époque, il était poète,
et non de ces poètes morts jeunes, dont
parlait Sainte-Beuve, auxquels l'homme
survit. C'est dans la langue de la poésie
qu'il a songé d'abord à s'exprimer et
c'est en maniant le vers qu'il s'est ap-
pris à bien manier la prose. Il a gardé
de ses premières amours une flamme
secrète qui ne s'est, jamais bien amor-
tie et qui souvent s'est réveillée en de
superbes éclats. Il a conservé le culte
des sentiments généreux et enthousias-
tes ; il n'a pu se résigner à dire adieu,
même quand est venue l'heure de la
froide raison, ni aux illusions, ni aux
belles et nobles folies. Il les a célébrées
et serait bien capable de les célébrer
encore.
Le po(H&, il est vrai, n'est pas de
l'héroïque génération de l'époque ro-
mantique; il est né à la vie quand la
réaction déjà se faisait contre la passion
échevelée, importée de l'Allemagne et
de l'Angleterre. Il n'y a ni brumes dans
son intelligence, ni rêveries maladives
dans son cerveau : il veut se comprendre
autant qu'être compris des autres- il a
l'horreur des déclamations et du va-
gue à 1 âme. Il est bien français, et. c'est
à l'école des Français de bonne race,
des Gaulois même, qu'il s'est formé •
mais il n'entend donner à personne sa
part ni des affections humaines ni des
besoins sincères du cœur. Le mesquin
idéal bourgeois n'est pas fait pour le
contenter. Ah ! qu'il y a loin de lui à un
Ponsard, par exemple, et que l'on s'est
étrangement trompé sur son compte
lorsque l'on n'a voulu voir en lui que
le coryphée de l'école si singulièrement
appelée 1 Ecole du bon sens!
Il se méfie de ces soi-disant passions
qui n ont le plus souvent d'autre causa,
que la faiblesse même, et qui, après
avoir dégradé les ames, brisé la vie,
ne laissent après elles que le dégoût, le
désenchantement, l'habitude de la dé-
bauche; mais il demande que l'hlla
humaine vive de la vraie et sainte pa-
sion, et ce n'est pas lui qui mettra la
vertu dans 1 egoïsme étroit, dans l'épi-
curisme vulgaire qui fait tenir l'amour
dans un sac d écus, le sentiment de la
famille dans une béatitude douce et.
endormante, pour s'épargner l'émotion
profonde qui fait vivre et l'effort moral
qui mérite que l'on vive ! •
Il est dans les pièces d'Emile Augier
un t y pe par ticul iéremen t cher à l'auteme,
un type où il s'est plu 6 Vel'ser ce qui
était en lui de poésie. C'est le type de la
jeune fille. C'est là, on le sent, letypevers
lequel l'artiste s'est senti attiré entra
tous ses personnages. SesjWDesfilles
LE XIX1 SIÎGLI
t
JOURNAL R ÉPIJBLICAINa CONSERVATEUR
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
1S 3 rao cie af¥,ye"tt;e
Les Lettres non affranchies seront refusées.
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois 13 fr.
"Six mois 25 »
Un :an, .: 50 »
DEPARTEMENTS
Trois mois 10 fr.
Six mois. ass »
-Ui" an. , , , ., Cn2 a~
MMUGES : Ckaz MM. LAGRANGE, CERF et/ £
m, ftow df lef IToiiri^ a
ADMINISTRATION
Adresser les Lettres et Mandats à l'Administrateur
rixe d.e Lafayette, SJS
r -
Les Manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois 13 fr.
Six mo;s.. , îîs »
Un an. so »
DEPARTEMENTS
Trois mois SOfr.
Six mois 32 »
Un an. , , .., us »
ANNONCES : Chez MM. LAGRANGE, CERF et Cie
•j plnee de in Ratf rge, a
Election d'un Député
ARRONDISSEMENT DE MARENNES
Résult-ais connus à deux heures dit matin
MESTREAU, républicain, 4,742 voix.
Orner CHARLET, bonapar. 3,116 -
Manquent deux cantons; l'élection de M.
Mestreau est assurée.
MM.. lell Sooseriptears dont
l'AiH,üliemlIt expire le 15 No-
vendn-e ttt-sui priés du le renou-
'ëhJ" l^âiifeédiiiiëiaieM^ s'ils ne
l'dftlî&ihl point éprouver de re-
faril dzïü. la rëêepllou «Ifi Jiwr-
uat
Bl:.JLLETIN'
Paris, 13 novembre 1876.
Il-est, inutile d'insister sur la gravité du
disèours prononcé vendredi à Moscou par
l'empereur de Russie, discours dont nous
reproduisons plus loin le texte officiel
d'après le Journal officiel de Saint-Péters-
bourg. Ce discours, prononcé alors que les
négociations pour la réunion d'une confé-
rence sont encore pendantes, augmente les
difficultés que la diplomatie avait déjà à
surmonter et constitue un véritable dan-
geiyear il équivaut à une mise en. demeure
adressée à l'Europe d'avoir à accepter les
conditions de la Russie. Il sera intéressant
de voir de quelle façon là presse anglaise
accueillera cette déclaration.
La Turquie élève, paraît-il, de nombreuses
objections contre le projet de conférence.
Elle a chargé son ambassadeur à Londres
de présenter ses observations à cet égard
au cabinet de Saint-James.
On pense à Vienne que l'on finira par
s'entendre, car les négociations ne sem-
blent pas aussi avancées que l'a assuré le
comte Beaconsfield, sur le fait même de la
réunion d'une conférence ; mais on ne se
dissimule pas que l'on se trouvera, seule-
ment alors, en présence des véritables diffi-'
cultés. C'est alors, en effet, qu'il s'agira de
'entendre au sujet de l'autonomie à accor-
der aux trois provinces turques, et l'on
ije saurait méconnaître qu'à cet égard les
vues des cabinets sont loin d'être concor-
dantes.
.On fera bien, dit à ce propos le Frem-
denblatty de ne pas perdre de vue que, bien
que la situation se soit améliorée, nous ne
sommes encore qu'au début des véritables
difficultés, que la conférence n'assure pas
encore la paix, dont le rétablissement dé-
pend de l'extension et de la portée qu'on
veut donner au mot « autonomie »; qu'en un
mot nous nous trouvons encore au « moment
ioîprème » de la question d'Orient. Toute
l'action actuelle des puissances n'est au fond
qu'une dernière tentative faite en vue de
résoudre cette question à l'amiable et si
cette tentative échoue, le continent peut
s'attendre à tout. »
Les feuilles viennoises éprouvent aussi
de vagues inquiétudes sur le rôle que l'Au-
ti-iche-Hongrie peut être appelée à jouer
dans les complications probables que ré-
serve à l'Europe un avenir rapproché. La
îJazette allemande dit à ce sujet que « dans
tes complications actuelles de la politique
extérieure, il n'y a pour l'Autriche-Hongrie
de salut possible que si elle se renferme
dans l'attitude expectante qu'observent l'Al-
lemagne et la France. Telle est, en dernière
analyse, la direction indiquée à notre poli-
tique étrangère par la grande majorité de
la Chambre des députés. » « s.
Petite Bourse du Dimanche
Boulevard des Italiens
Trois heures
S©/©, 71 fr.25, 40, 45.
& 0/0, 104 fr. 65, 82 1/2.
5 0/0 turc, 11 fr. 25, 40, 30.
Banque Ottomane, 372 fr. 50, 373 75.
Egypte, 238 fr. 75, 240.
—
Beaucoup de bruit pour rien; telle
nous paraît devoir être la conclusion
des polémiques engagées depuis trois
mois et reprises avec plus d'ardeur que
jamais depuis quinze jours au sujet des
droits du Sénat en matière de finances.
Il est clair qu'on est tout près de s'en-
tendre, ou plutôt qu'on a toujours été
d'accord ; car si nos adversaires avaient
tenu, dés le premier jour, le langa-
ge qu'ils tiennent aujourd'liui; nous
croyons pouvoir affirmer que le débat
n'eût point continué si longtemps.
En somme, de quoi s'agit-il ? Est-ce,
comme le Français feint de le croire ?
est-ce de refuser au Sénat un droit
«sans lequel son utilité constitutionnelle
ne serait qu'un vain mot et qu'une dé-
risoire apparence, un droit sans lequel
le Sénat ne peut plus faire équilibre à
l'autre Chambre. etc,, etc.?» Nulle-
ment. Il s'agit de savoir si l'Assemblée
nationale, en introduisant dans la con-
stitution un article spécial aux lois de
finances, a entendu faire œuvre vaine.
En effet, sur quoi s'appuient principa-
lement nos contradicteurs? Sur l'article-
1er et l'article 3 de la loi organique où
il est dit :
Article ler.- Le p.ouvoir législatif
s'exerce par deux Assemblées, la Cham-
bre des députés et le Sénat.
Article 3. — Le président de la Ré-
publique a l'initiative des lois, concur-
remment avec les membres des deux
Chambres.
- Donc, nous dit-on, si l'on retuse au
Sénat le droit d'initiative en matière de
finances, on viole les articles 1 et 3 de
la constitution. ;
A quoi nous répondons : Oui ; mais si,
même en matière de finances, lesdits
articles sont observés, que devient l'ar-
ticle 8, qui est précisément une déro-
gation voulue, préméditée, nécessaire
aux deux articles précités ? Si le Sénat
avait dû dans l'intention des constituants
jouir des mêmes droits en matière de
finances qu'en toute autre matière, il
tombe sous le sens qu'ils n'eussent point
songé à cet article 8.
On dit encore : Ce que l'article 8 con-
fère à la Chambre, c'est purement et
simplement un droit de Qriorité. Nous
soutenons, nous, que c'est en même
temps une prérogative, un privilège
destine a contrebalancer la prérogative
considérable attribuée au Sénat de dis-
soudre la Chambre des députés, d'ac-
cord avec le président de la République.
Et nous constatons avec plaisir que
cette interprétation, si conforme aux tra-
ditions comme au bon sens, s'impose
peu à peu àtausjios contradicteurs. Ils
se contentent de dire, comme hier le
Journal cles Débats, que le Sénat peut
s'offrir la satisfaction toute platonique
de rétablir des crédits supprimés par
les députés, mais qu'en définitive le
dernier mot doit rester à la Chambre.
A la bonne heure ! Nous ne demandons
pas autre chose, et ce n'est certes pas
nous qui refuserons jamais au Sénat
l'innocent plaisir qu'il entend se réser-
ver. Non pas, nous tenons à le bien pré-
ciser, que la constitution nous paraisse
attribuer au Sénat même ce semblant
de satisfaction ; mais parce que nous
croyons que s'il est possible, à ce prix,
d'éviter un conflit, il ne faut pas hésiter.
Quant aux doctrinaires, libéraux hé-
rétiques et parlementaires repentis, qui
haussent les épaules quend on soutient
que l'influence prépondérante, le der-
nier mot en cas de conflit doit apparte-
nir à la Chambre et non au Sénat, nous
nous contenterons de leur rappeler, à
ce sujet, la théorie d'un de leurs écri-
vains les plus autorisés. Il n'est pas un
Buffet, pas un Broglie, pas un des pali-
nodistes du centre droit actuel qui n'ait
applaudi, en un temps, le beau livre de
Prévost-Paradol sur la France nouvelle
et en particulier la page que voici :
« Quelle doit être l'étendue et la nature
» de l'influence exercée par la seconde
» Chambre sur la conduite générale des
» affaires publiques,et quels sont les moyens
» de lui assurer cette influence ? RECON-
» NAISSONS AVANT TOUT QUE CETTE INFLUENCE
» DOIT ÊTRE PRÉPONDÉRANTE. Ce n'est pas
» qu'une influence prépondérante déposée
» aux mains de cette Assemblée ne puisse
» avoir des inconvénients ; ceux qui s'épui-
» sent à le prouver perdent leur temps à
». démontrer l'évidence,; mais. les institu-
» tions humaines ne peuvent que choisir
» entre des périls inégaux, et cette pré-
» pondérance, qui doit nécessairement exis-
» ter quelque part, a des inconvénients
» plus considérables encore, si elle est con-
» centrée partout ailleurs que dans les
» mains de cette Assemblée. Il est, en effet,
» indispensable qu'en cas de dissentiment
» entre ces pouvoirs publics, le dernier mot
» reste à l'un d'eux. Si le dernier mot
» reste à l'Assemblée populaire, c'est la na-
» tion même qui prononce sur son sort par
» ses représentants, avec cet avantage que
» la nation peut toujours modifier son juge-
» ment en renouvelant ses représentants
» au moyen d'élections générales. »
Nous voilà loin de la théorie ducale
qui prétend faire du Sénat une vérita-
ble Chambre des conflits destinée à
faire perpétuellement échec à la repré-
sentation nationale, une sorte de con-
seil judiciaire chargé de mettre la na-
tion en interdit !
E. SCHNERB.
Discours de l'empereur de Russie
Saint-Pétersbourg, Il novembre.
Le Journal officiel de Saint-Pétersbourg
public le texte de l'allocution que l'empe-
reur Alexandre a adressée hier à Moscou
aux représentants de la noblesse et aux
membres du conseil municipal. L'empereur
Alexandre s'est exprimé en ces termes :
Je vous remercie des sentiments que vous
avez bien voulu m'exprimer à l'occasion de la
politique actuelle, qui s'est maintenant éclair-
cie. J'accepte avec plaisir l'adresse que vous
me présentez. Vous savez déjà que la Turquie
a cédé à ma demande ayant pour objet la con-
clusion immédiste d'un armistice en vue de
mettre un terme aux inutiles tueries dont la
Serbie et le Monténégro étaient le théâtre. -
Dans cette lutte inégale, les Monténégrins
se sont montrés comme toujours de véritables
héros. On ne peut malheureusement en dire
autant des Serbes, malgré la présence dans
nos rangs de nos volontaires, dont beaucoup
ont versé leur sang pour la cause slave. Je
sais qu'avec moi la Russie tout entière prend
la plus vive part aux souffrances de ceux qui
sont nos frères par la foi et par la race. Mais
les véritables intérêts de la Russie sont ceux qui
me tiennent le plus au cœur et je voudrais, jus-
qu'à ladernière limite, épargner le sang russe.
C'est la raison pour laquelle je me suis efforcé
et je m'efforcerai encore d'obtenir par lesvoies
pacifiques l'amélioration positive de la situa-
tion des chrétiens en Orient.
Dans quelques jours, des négociations s'ou-
vriront, à Constantinople, entre les représen-
tants des six grandes puissances, en vue de ré-
gler les conditions de la paix. Mon vœu le plus
ardent est que nous arrivions à un accord com-
mun. Mais si ce vœu ne se réalise point et si
je vois que nous ne pouvons obtenir des ga-
ranties qui nous assurent l'exécution de ce que
nous exigeons à bon droit de la Porte, j'ai le
ferme dessein de procéder de ma seule initia-
tive (Selbststaendtg), et j'ai la conviction que,
dans ce cas, la Russie tout entière répondra à
| mon appel, si je le juge nécessaire et si l'hon-
neur de la Russie l'exige. J'ai aussi la convic-
tion que Moscou, comme toujours, donnera
l'exemple.
Que Dieu nous aide à accomplir notre sainte
mission.
:
Le Cas de M. Benoist d'Azy lils
M. Benoit d'Azy fils peut se vanter
d'avoir complété l'instruction géogra-
phique de bon nombre de ses conci-
toyens. Beaucoup avaient vécu jusque-
là sans connaître, même de nom, la pe-
tite île de Mayotte : Mayotte est un nom
célèbre désormais et que l'on n'oubliera
pas. i' 't d l, d. d, d
Les faits de la séance de jeudi dernier
ont été racontés à nos lecteurs; à la fin
de cette séance, tout le monde comp-
tait apprendre le lendemain matin que
M. le directeur des colonies au minis-
tère de la marine avait donné sa démis-
sion. Il n'en fut rien cependant, et voici
trois jours déjà que les gens nés curieux
ouvrit chaque matin le Journal offi-
ciel sans y trouver jamais ce qu'ils y
cherchent. Hier soir même le Français
qui, dès la première heure, a pris la
défense de M. Benoit d'Azy fils; publiait
la note suivante, à laquelle nous nous en
voudrions de rien changer.
C'est absolument sans raison qu'un cer-
tain nombre de journaux parlent de la re-
traite de M. Benoist daïy. C'est la suite
d'un système de diffamation et d'injurieuses
allégations auxquels ces journaux se li-
vrent contre l'honorable directeur des co-
lonies. - :,:'
Comme nous tenons à montrer au
Français, une fois de plus, que sa mau-
vaise foî habituelle n'a nullement été
surprise, et qu'il ne s'agit ici en aucune
façon de « système de diffamation »
et « d'injurieuses allégations provenant
des « journaux », nous allons laisser la
parole au seul accusateur qu'ait ren-
contré M. Benoist d'Azy, au rapporteur
du budget de la marine, à M. Raoul
Duval, lequel n'est pas des nôtres, et
pour qui le Français a eu dans d'autres
temps quelques tendresses.
Voici comment s'exprimait, d'après
la sténographie du Journal officiel,
M. Raoul Duval, jeudi dernier, à l'occa-
sion de cette île Mayotte, où est l'exploi-
tation de la société' des Comores, dont
M. Benoist d'Azy père est le président
et M. Benoist d'Azy fils obligataire.
Il est résulté, messieurs, de la suppression
de la compagnie indigène la disponibilité d'un
solde de crédit qui dépassait 60,000 fr. La di-
rection des colonies a décidé que l'on devrait
l'employer à des travaux d'assainissement et
de construction de routes.
Rien de mieux. Mais voici comment on a
procédé : M. le commandant supérieur de
Mayotte a reçu l'ordre de former une commis-
sion locale chargée de porter cette décision à
la connaissance des propriétaires de la colonie
en leur faisant connaître que l'argent serait
dépensé sur les terrains de ceux qui contribue-
rait pour les deux tiers à la dépense des tra-
vaux à faire, l'Etat devant contribuer pour l'au-
tre tiers.
Cette commission s'est réunie le 20 juin :
elle a donné aux intéressés pour se décider un
délai de six semaines. Ce délai expiré, la com-
mission s'est réunie de nouveau. Le président
a fait connaître que sur dix-neuf lettres reçues,
un seul propriétaire avait accepté ; les autres
réponses étaient négatives ou subordonnaient
la solution aux ordres des propriétaires ab-
sents.
Effectivement la plupart de ces plantations
sont gérées pour le compte des propriétaires
qui habitent l'île de la Réunion ou la France.
Or, comme il faut au moins trois mois pour
que la réponse à une lettre expédiée de Mayotte
puisse arriver dans la colonie, le délai de six
semaines était absolument dérisoire.
Il s'est cependant trouvé un gérant qui,
mieux informé, a pu accepter la proposition
qui lui était faite ; seulement, comme i n'avait
pas de concurrent, il était maître du marché,
et au lieu d'accepter la proposition de paver
les deux tiers, il a offert de ne payer que la
moitié; ce gérant était celui de la société dite
des Comores.
Un membre. — Quel est le nom du président
de cette société?
M. le ralillortelll-,- On vous a fait con-
naître ce nom tout à l'heure, et vous me per-
mettrez de ne pas y insister. Par l'effet de
cette trop grande célérité, la totalité des tra-
vaux a été faite sur les deux concessions nom-
mées Koëni et Debony, qui appartiennent à la
société des Comores.
On les a réunies par une route superbe et
on a commencé le dessèchement du marais de
Koëni. Ces travaux se poursuivraient dans les
mêmes conditions si nous continuions à allouer
le crédit.
Et après la réponse de M. Benoist
d'Azy, M. Raoul Duval remontait à la
tribune, il revenait à la charge d'une
façon plus explicite encore :
Messieurs, vous venez d'entendre M. le di-
recteur des colonies : dans le sentiment de la
commission, il n'a rien répondu aux faits qui
ont été précisés.
J'ai dans les mains les procès-verbaux d'as-
semblées générales de la compagnie des Co-
mores. Les plus gros actionnaires touchent de
près à M. le directeur des colonies : lui-même
y fi gure comme obligataire.
Je répète à la Chambre que la commission se
réunit une première fois le 20 juin 1873, une
seconde le 5 août, et que dix-neuf lettres ont
été adressées en réponse à la proposition faite;
que pas une d'elles ne contenait l'acceptation,
faute d'autorisation possible. Une seule de-
mande a été faite, et par qui ? par le gérant de
la compagnie des Comores ! Votre commission
s'étonne encore que M. le directeur des colo-
nies n'ait pas expliqué par quelle opération du
Saint-Esprit le gérant de la compagnie des Co-
mores a pu être autorisé en temps utile.
Le gérant de la compagnie des Comores avait
donc eu connaissance des propositions qui de-
vaient être faites et de l'avantage qu'il y a li-
rait à les accepter? Comment donc avait-il ac-
quis cette connaissance ? Nous nous le somm es
demandé dans le sein de la commission du
budget ; et puisque nous sommes arrivés à ce
point-la, il faut des explications catégoriques
et sans équivoque.
Nous avons pensé que le même paquebot qui
avait apporté de France l'ordre de procéder
comme je viens de vous le dire portait en
même temps aux représentants de la société.
des Comores l'avis d'accepter et l'autorisation
de commencer les travaux.
J'ajouterai, messieurs, que dans ces pays
tropicaux, où la fièvre est 'meurtrière, où elle
est la pire ennemie des hommes, il est plus
important de la combattre que de conquérir
des terrains, et que les travaux coûteux qui se
sont faits dans les marais de Koeny ont eu
pour objet d'assainir les 3,000 hectares concé-
dés à la compagnie des Comores.
Voilà ce qui nous a paru la vérité. Je ne dis
pas qu'elle soit telle, mais je dis ce que nous
avons pensé.
Les travaux faits aux routes ont été exécu-
tés presque exclusivement entre les deux con-
cessions accordées à la même compagnie.
M. le ministre. — C'est une erreur !
M. le rapporteur. — Cela n'a pas paru
une erreur à la commission, qui a demandé la
carte de l'île et le tracé des routes : la majeure
partie de celles qui sont exécutées va d'une
concession à l'autre.
M. le directeur des colonies disait tout à
l'heure qu'il était bien étonnant que, depuis,
aucune réclamation n'eût été faite parles pro-
priétaires intéressés. Eh bien, j'ai eu l'hon-
neur de recevoir hier matin la visite d'un des
propriétaires de Mayotte : et mon dossier con-
tient une lettre dont il m'a autorisé à faire l'u-
sage que je voudrais.-
C'est par moi qu'il a appris que pareille of-
fre avait été faite et il m'a donné sa parole
d'honneur que jamais, au grand jamais, il n'a-
vait connu l'existence de la commission et ses
offres.
Voilà les accusations nettes, précises,
qui ont été formulées à la tribune contre
M. Benoist d'Azy fils. Il n'y en a pas eu
d'autres, et l'on peut dire qu'elles suffi-
sent. C'est en conséquence de ces faits
que la commission du budget deman-
dait la réduction du crédit de l'île
Mayotte, pour empêcher, selon l'expres-
sion de M. Raoul Duval, que les travaux
fussent poursuivis dans les mêmes cdn-
ditions. M. le ministre de la marine, en
acceptant les réductions que la Cham-
bre a votées, s'est associé aux conclu-
rions-du rapporteur.
M. Raoul Duval a dit que les faits
avaient besoin d'une explication : c'est
1 avis de la France entière. Il ne saurait
y avoir de choix pour M. Benoist d'Azy
fils qu'entre ces explications et sa re-
traite: et il nous semble qu'il est plus
que personne intéressé à les donner
complètes, avant qu'il ait plu à quelque
impatient de la Chambre de les ré-
clamer.
CHARLES BIGOT.
—
On lit dans VEstafette :
Il s'agirait d'une question délicate que se pro-
pose de soulever M. Antonin Proust, au sujet
de l enlèvement des archives nationales de cer-
tains documents diplomatiques.
Le coupable serait un certain fonctionnaire
de 1 ordre moral, un préfet qui publierait dans
une revue, sous forme de souvenirs privés, le
contenu de ces papiers importants, considérés
par M. Proust comme propriété de l'État. Ces
pièces appartiendraient à la période de la nll)
narchie de Juillet.
Le Petit Parisien commente ainsi cetta
curieuse nouvelle :
Ce «certain préfet, » c'est M. le comte Henri
a Ideville, qui fut préfet d'Alger sous l'ordre
moral et subit cette aventure extraordinaire
de ne pas pouvoir rester en fonctions.
M. le comte d'Ideville est un esprit brouil-
lon et indiscret qui est coutumier du fait qu'on
lui reproche de nouveau. Une première foi*,
ayant été secrétaire d'ambassade à Rome, M-
d'Ideville publia sous le litre « Souvenirs d'u&
diplomate », un volume qui étonna. Ce livre
parfaitement vide et prétentieux, où l'auteur
admirait son propre personnage avec une va-
nité ridicule, empruntait un certain intérêt à
des récits de cancans diplomatiques et à des
publications de pièces que le respect du se-
cret professionnel eût dû interdire it M. d'Ida-
ville de mettre au jour.
Cette publication était de nature à éloigner
à jamais son auteur des fonctions publiques.
Un fonctionnaire en disponibilité on démis-
sionnaire peut tout dire, sauf ce qu'il n'a su
que comme employé de l'Etat.
Mais comme ce livre était clérical M de
Broghe, qui aime à se faire appeler homme
d Mat et ne se doute guère de ce que ce mot
comporte de mérites et impose de devoirs
(voir son ambassade à Loruh*es, sous M
Thiers), nomma M. d'Ideville préfet.
Gageons que s'il revenait au pouvoir il le
nommerait archiviste !
à
Nous ne - relèverons dans la note trés-
judicieuse de notre confrère qu'une erreur
de détail. M. Lelorgne d'Ideville, ancien
préfet de l'ordre moral, n'est pas titré. Le
pape l'a fait comte, comme tant d'autres se-
crétaires d'ambassade qui, par leurs com-
plaisances, ontacheté cette faveur; mais pour
qu'un comte romain devienne comte fran-
çais, il faut un décret que M. Lelorgne d'l-
deville a sollicité sans l'obtenir.
LES FRUITS DE SERRE fHltDE
- - TH
Les journaux religieux font grand
bruit d'un petit succès que viennent
de remporter les congréganistes, et ils
1 exploitent de leur mieux contre l'en-
seignement que donnent les écoles mu-
nicipales de Paris. ,
La Ville a fondé une cinquantaine de
bourses aux écoles Turgot et Chap-
tal. Ces bourses sont mises au concours
chaque année. Il paraît que tous lès
ans le plus grand nombre de ces bour-
ses, attribuées au concours, est enlevé
par des élèves sortis de l'enseignement
clérical, et que cette année la proportion
a été plus forte qu'elle n'avait jamais été
jusqu'à ce jour : que sur cinquante bour-
ses proposées aux concurrents, quatre
seulement avaient été été gagnées,por
des enfants élevés dans les écoles mu-
nicipales laïques.
Là-dessus, r*7/irw>rs, Y Union, la
Gazette, le Monde et toutes les feuilles
de ce parti nous raillent amèrement sur
cet échec et nous défient de l'annoncer
a nos lecteurs.
Nous n'y sentons aucune répugnance
A supposer que nous vissions dans
Feuilleton du XIXe SIÈCLE
Du 14 novembre 1876.
LEslHÉA TRE
-qïeëmile Auzier
Je commence par annoncer une mau-
vaise nouvelle, aux lecteurs. Ils ne trou-
veront pas au bas de ce feuilleton du
lundi matin la signature habituelle qui
leur est chère. Notre collaborateur M.
Charles de la Rounat est absent, et c'est
une-causerie littéraire qui vient rem-
placer aujourd'hui la causerie drama-
tique. Elle fera son possible du moins
pour ne pas trop s'éloigner du sujet or-
dinaire de ces entretiens, et je viens par-
ler brièvement du Théâtre complet
d'Emile Augier, dont les deux premiers
volumes ont paru cette semaine à la
librairie Calmann-Lévy.
Cette édition du Théâtre de M. Emile
Augier n'est pas la i première. Je me
souviens d'une petite édition que l'on
rencontrait parfois, il y a quelques an-
nées, en quatre ou cinq petits etgracieux
volumes; mais elle avait plusieurs dé-
fauts : elle était fort incomplète, remon-
tant à une époque où l'auteur n'avait pas
encore donné ses plus importants ou-
vrages; et avec le temps elle était deve-
nue à peu près introuvable. C'est un
vrai service que M. Emile Augier a ren-
du à ses amis — et il en a beaucoup par-
mi les amis de la bonne et saine littéra-
ture — que de leur offrir une nouvelle
édition -de ses œuvres. Ses pièces sont
aussi bonnes à lire qu'à écouter. Je vou-
drais bien, pendant qu'il est en train de
se faire réimprimer, qu'il n'oubliât pas
le volume de poésiesde sa jeunesse, qui
est trop peu connu et où se trouvent
bien des jolis vers et bien des inspira-
tions délicates.
Des deux volumes qui ont paru, le
premier contient : la Ciguë, un flomme
de bien, VAventurière, l'Habit vert,
Gabrielle, le Joueur de Flûte ; le second
volume : Diane, Philiberte, le Gendre de
M. Poirier, et Ceinture dorée. Nousn'a-
vons encore ni le Mariage d'Olympe, ni
la Pierre de touche, ni les Lionnes pau-
vres, ni les Effrontés, ni le Fils de Gi-
boyer, ni Maître Guérin, ni la Conta-
gion, ni Madame Caverlet, sans parler
du reste. On voit que la matière et l'in-
térêt ne manqueront pas aux volumes
suivants. L'auteur a naturellement com-
mencé par le commencement.
Il ne s'est pas attaché cependant à un
ordre chronologique bien régulier. 11 a
tenu à ce que chaque volume eût son
œuvre saillante et comme son morceau
de résistance : c'est ainsi qu'il a placé
dès le premier volume Y Aventurière,
qui, sous sa forme définitive et superbe,
date de 1860 seulement, de l'époque de
la pleine vigueur et de la pleine posses-
sion de son talent. Je vois bien l'impor-
tance de la raison qui l'a déterminé. J'au-
rais préféré cependant qu'il n'y cédât
pas. Il y a un vrai plaisir pour le lec-
teur sérieux à suivre d'œuvre en œu-
vre l'évolution d'un talent, son progrès
continu de la jeunesse à la maturité;
etquand, de cette Aventurière par exem-
ple, on retombe ensuite au Joueur de
Flûte ou à Diane, le saut paraît un
peu rude.
- Il ne m'aurait pas déplu non plus, et
surtout dans une édition des œuvres com-
plètes, de voir à côté de la pièce ache-
vée et parfaite la première tentative de
l'artiste. Il y eût eu là matière à de bien
intéressantes comparaisons, et les jeu-
nes écrivains en eussent pu tirer d'uti-
les leçons. Pourquoi ne pas mettre cette
première version tout au moins en
appendice à la fin du volume, pour ceux
qu'une telle étude pourrait tenter ?
Et puisque je parle de Y Aventurière,
je me permettrai encore une remarque.
Que l'on devine à qui la pièce est dé-
diée ? A M. le duc d'Aumale ! C'est là
certes un don royal fait à un prince de
sang royal. J'avouerai pourtant que
l'on n'attendait pas en tête de cette œuvre
si forte, si libre, et qui par endroits en-
fonce si avant dans la nature humaine,
le nom d'un membre de cette famille de
royauté bourgeoise, à laquelle sous.
toutes ses formes le juste milieu fut si
cher, et dont le poète favori s'appelait
Casimir Delà vigne,
Si l'on excepte le Gendre cle M. Poi-
riel, l'Aventllnere. et cette aimable
Philiberte qu'a ranimée la grâce de Mlle
Emilie Broisat, les pièces contenues
dans ces deux volumes ne sont pas celles
que la génération jeune encore connaît
le mieux de M. Emile Augier. L'Emile
Augier avec lequel nous sommes sur-
tout familiers, c'est l'Emile Augier de la
seconde manière; celui qui prit le fouet
d'Aristophane dans les Effrontés et le
Fils de Giboyer, dans Lions et Renq-rds,
pour cingler la bourgeoisie ventrue et
le cléricalisme intrigant; celui qui, dans
le Mariage d'Olympe, la Pierre cle Tou-
che, les. Lionnes pauvres, avait vengé la
vertu du triomphe des courtisanes ; ce-
lui qui, dans la Contagion avait flétri les
tripoteurs d'affaires véreuses, les escrocs
de bourse et de cercles, ou, dans Maître
Guérin, avait présenté l'étude forte et
concentrée d'un de ces personnages de
Balzac, un notaire de canton chez le-
quel la conscience s'est dépravée parmi
les subtilités du Code, et qui en est venu
à concilier ce qu'il appelle la probité
avec l'avidité la moins scrupuleuse.
Aussi l'étonnement fut-il grand pour
plusieurs lorsque l'on vit M. Emile Au-
gier, quittant la comédie de mœurs et
la peinture du vice contenlporaio; ap-
porter à la scène française cette pièce
en vers, toute consacrée à la peinture
de la passion, qui s'appelle Paul Fores-
tier, et dont la semaine dernière préci-
sément on parlait si bien à nos lecteurs.
Et cependant, en prenant la langue
du vers, en racontant un de ces éter-
nels drames du cœur qui troublent au-
tant qu'ils émeuvent, M. Emile Augier
ne s'abandonnait pas lui-même, il ne
faisait que se reprendre. Il retournait
boire à la source où il s'était abreuvé
d'abord, où il avait puisé ses premières
et ses plus fraîches inspirations. Il a eu
beau faire, se transformer à mesure
que venait l'âge en observateur attentif
et curieux de son époque, il était poète,
et non de ces poètes morts jeunes, dont
parlait Sainte-Beuve, auxquels l'homme
survit. C'est dans la langue de la poésie
qu'il a songé d'abord à s'exprimer et
c'est en maniant le vers qu'il s'est ap-
pris à bien manier la prose. Il a gardé
de ses premières amours une flamme
secrète qui ne s'est, jamais bien amor-
tie et qui souvent s'est réveillée en de
superbes éclats. Il a conservé le culte
des sentiments généreux et enthousias-
tes ; il n'a pu se résigner à dire adieu,
même quand est venue l'heure de la
froide raison, ni aux illusions, ni aux
belles et nobles folies. Il les a célébrées
et serait bien capable de les célébrer
encore.
Le po(H&, il est vrai, n'est pas de
l'héroïque génération de l'époque ro-
mantique; il est né à la vie quand la
réaction déjà se faisait contre la passion
échevelée, importée de l'Allemagne et
de l'Angleterre. Il n'y a ni brumes dans
son intelligence, ni rêveries maladives
dans son cerveau : il veut se comprendre
autant qu'être compris des autres- il a
l'horreur des déclamations et du va-
gue à 1 âme. Il est bien français, et. c'est
à l'école des Français de bonne race,
des Gaulois même, qu'il s'est formé •
mais il n'entend donner à personne sa
part ni des affections humaines ni des
besoins sincères du cœur. Le mesquin
idéal bourgeois n'est pas fait pour le
contenter. Ah ! qu'il y a loin de lui à un
Ponsard, par exemple, et que l'on s'est
étrangement trompé sur son compte
lorsque l'on n'a voulu voir en lui que
le coryphée de l'école si singulièrement
appelée 1 Ecole du bon sens!
Il se méfie de ces soi-disant passions
qui n ont le plus souvent d'autre causa,
que la faiblesse même, et qui, après
avoir dégradé les ames, brisé la vie,
ne laissent après elles que le dégoût, le
désenchantement, l'habitude de la dé-
bauche; mais il demande que l'hlla
humaine vive de la vraie et sainte pa-
sion, et ce n'est pas lui qui mettra la
vertu dans 1 egoïsme étroit, dans l'épi-
curisme vulgaire qui fait tenir l'amour
dans un sac d écus, le sentiment de la
famille dans une béatitude douce et.
endormante, pour s'épargner l'émotion
profonde qui fait vivre et l'effort moral
qui mérite que l'on vive ! •
Il est dans les pièces d'Emile Augier
un t y pe par ticul iéremen t cher à l'auteme,
un type où il s'est plu 6 Vel'ser ce qui
était en lui de poésie. C'est le type de la
jeune fille. C'est là, on le sent, letypevers
lequel l'artiste s'est senti attiré entra
tous ses personnages. SesjWDesfilles
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.76%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.76%.
- Auteurs similaires Chadeuil Gustave Chadeuil Gustave /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Chadeuil Gustave" or dc.contributor adj "Chadeuil Gustave")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k7557358d/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k7557358d/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k7557358d/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k7557358d/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k7557358d
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k7557358d
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k7557358d/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest