Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1876-11-05
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 68249 Nombre total de vues : 68249
Description : 05 novembre 1876 05 novembre 1876
Description : 1876/11/05 (A6,N1790). 1876/11/05 (A6,N1790).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7557349f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
Sixième Année — No 1790 £ rix du Numéro à Paris ; 15 Centimes V- Départements: 20 Centimes
-- 1 -..
Dimanche 5 Novembre 1876
'"1 "'l'; : -".
JuJyj JULA ijIIIIIIIJIJ
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
Mme rxiLEb cie 3L>afayette
Les Lettres non affranchies seront refusées.
1 - ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois 13 fr.
six mois 25 »
Un:an. So »
DEPARTEMENTS
Trois mois iejr
Six mois. ÙjCc-,
Un an. f3.:'-';
ÀBHOWCES : Chez MM. LAGRANGE, CE Cii
0, place de la noefrsee --\ ; X ■
:.. -- : ; , :.
ADMINISTRATION
Adresser les Lettres et Mandats à l'Administrateur
rue de Lafayette, 53
Les Manuscrits non insérés rte seront pas renduE.
, -- ABONNEMENTS ; ','f
PARIS
Trois mois 13 fr.
Six me:s, , îîo «
Un an. «"»<> »
CSPARTEHENTS
Trois inois 16 fr.
Six - -. 33 »
Un an 62 »
- ,---',":.:--"-";"-
ANNONCES : Chez MM. LAGRANGE. CERF et C"
0, place tle la Bourse, a
Les abonnements pour la France
et l'étranger partent du lei et du 15
de chaque mois.
Par suite du nouveau traité
postal, les prix d'abonnement pour
tous les pays d'Europe, la FRANCE
EXCEPTÉE, ont été fixés comme
suit : ,.
3 mois. 17 francs/
6 mois. 34 —
21 mois. 66 —
BULLETIN
,: - Paris, le 4 novembre 1876.
Hier, à la Chambre des députés, M. le mi-
nistre des affaires étrangères a fait, relati-
vement à la politique que la France a sui-
vie, pendant les complications récentes, une
- importants déclaration que nous reprodui-
sons et que nous apprécions plus loin. La
Chambre a ensuite déclaré l'urgence sur le
projet Gatineau et a abordé la discussion
de cette proposition.
On discute à perte de vue pour savoir si
la Porte a accepté l'armistice de deux mois
avant ou après la remise de Vultimatum de
la Russie. On soutient que le grand-vizir
avait, dès lundi dernier, déclaré au général
Ignatieff que le sultan consentait à accepter
les propositions que lui avait faites le cabinet
de Saint-Pétersbourg, et que la Russie en
envoyant, son .ultimatum, suConstantinople
n'a fait qu'enfoncer une porte ouverte. Cela
est fort possible et peut-être le gouvernement
Tusse en. a-t-il agi ainsi pour donner quel-
que satisfaction à l'opinion publique exaspé-
rée par la défaite de l'armée de Tchernaleff
et par la mort d'un si grand nombre de vo-
lontaires russes. Quoiqu'il en soit, cette ques-
tion n'offre qu'un intérêt rétrospectif. L'ar-
mistice de deux mois est conclu, c'est là le
point principal. Il commence à partir du
lflr novembre pour se terminer le 1er janvier
1877. Mieux vaut donc se demander quel
usage les puissances vont faire de ce répit
dé deux mois et si nous pouvons espérer une
issue favorable aux négociations qui com-
mencent.
Une grosse question se présent tout d'a-
bord : l'établissement d'une ligne de dé-
marcation entre les deux armées. Nous
nous demandions il y a quelques jours si
on adopterait les conditions ordinaires de
tout armistice, c'est-à-dire l'uti possidetis,
ou si la Russie insisterait sur l'évacuation
complète de la Serbie par les troupes otto-
manes pour en revenir au statu quo ante
hélium. La question ne laisse pas que de
présenter de nombreuses difficultés et de
soulever quelques inquiétudes. La Russie,
qui s'est déclarée la protectrice de la Serbie,
bien plus, qui a véritablement fait la guerre
à la Turquie sous le nom des Serbes, ne
ttéut sans doute pas rester sous le coup
de la défaite que lui ont infligée ces jours
derniers les troupes ottomanes et demande
une évacuation complète. D'autre part,
la Porte, arrêtée court au milieu de ses vic-
toires, au moment où elle allait porter le
dernier coup à ses ennemis, à ceux qu'elle
considère comme de simples vassaux ré-
voltés, se soumettra-t-elle à cette nouvelle
humiliation? On en doute quelque peu à
Berlin. Espérons toutefois que la Russie,
satisfaite du triomphe diplomatique qu'elle
vient de remporter, ne voudra pas pousser
les choses à l'extrême, et qu'on arrivera à
s'entendre sur cette question de la ligne de
démarcation.
Nous voudrions pouvoir en dire autant
pour la pacification de la presqu'île des Bal-
khans, mais nous prévoyons là des difficul-
tés considérables.
Il est inutile, d'ailleurs, d'aborder la dis-
cussion de cette question jusqu'à ce que
nous sachions positivement ce que deman-
de la Russie. En tout cas, le premier acte
du drame est joué et la Sèrbie a fini son
rôle. Quoi qu'il arrive, quels que soient les
développements futurs que prendra la ques-
tion d'Orient, il est plus que probable que
la guerre, si guerre il y a, se portera d'un
autre côté. Dans quelques jours, dit-on, vont
s'ouvrir les travaux de la conférence. Puis-
sent-ils ramener la paix, et une paix dura-
ble ! c'est ce que nous souhaitons sincère-
ment sans oser trop l'espérer. Nous enten-
dons dire à chaque instant autour de nous
depuis la conclusion de l'armistice : Tout est
fini, la paix est faite !
Nous ne saurions trop le répéter : rien
n'est fini; et c'est aujourd'hui seulement que
commencent les véritables difficultés. L'opi-
nion publique en Russie et en Turquie est
portée au suprême degré d'excitation ; on a
fait luire aux yeux de toutes les populations
slaves de la presqu'île l'espoir de l'indépen-
dance, la Roumanie et la Grèce s'agitent. De
Pétersbourg à Athènes, de Belgrade à Cal-
cutta, tout est en ébullition. Ce n'est pas
d'un trait de plume que l'on arrêtera cet
immense mouvement. Sans doute, les gran-
des puissances peuvent beaucoup, mais à
condition que toutes elles entreprennent
l'oeuvre de la pacification sans aucune ar-
rière-pensée. Or, rien ne nous autorise à
croire qu'elles soient toutes complètement
d'accord.
——————. -—————
Bourse de Paris
Q
Clôture le 2 nov. le 3 nov. Hausse Balose
8 O/O
Comptant.. 71 71 80 «0
Pin cour 70 75 71 77 1/2 lfr.02
41 1/2 0/0
Comptant.. 99 25 101 1 fiy 75
«5 O/O
Comptant. 105 10 105 25 15 0/.
I Fin cour 104 &5 1G5 25 30
PETITE BOURSE DU SOIR
Emprunt 3 0/0. 71 fr. 5% 50, 57 1/2, 65,60.
Emprunt 5 0/0. 105 fr. 20, 121/2, 16 1/4.
5 0/0 turc » il fr. 60.
Banque Ottomane.. 379 fr. 37, 377 50.
Extérieure. 13 fr. 1/2.
Egyptien..- 222 fr. 50, 224 37.
♦ —
Nous avons peu de goût et encore
moins d'aptitude à déchiffrer les rébus ;
aussi dirons-nous peu de chose de la
séance, car nous n'y comprenons
absolument rien. Tout ce que nous
pouvons constater, c'est que M. le gar-
de des sceaux est, en vérité, bien
ondoyant et divers. La veille, J dans
une conversation avec les délégués des
groupes de la majorité républicaine,
M. Dufaure s'était montré trés-disposé,
sinon à accepter tel quel le projet de la
commission sur la cessation des pour-
suites, du moins à l'amender dans un
sens qu'il s'était donné la peine d'indi-
quer. Hier, volte-face. M. le garde des
sceaux est venu tenir à la tribune un lan-
gage tout différent. Il a repoussé en bloc
tout le projet ; et quand M. Gambetta l'a
invité à faire connaître la pensée du gou-
vernement. à substituer son propre pro-
jet à celui de la commission, M. Dufaure
n'a pas bougé.
Cependant les droites demeuraient
immobiles, silencieuses, s'interdisant
toute marque d'approbation ou d'impro-
bation. On eût dit que c'était un mot
d'ordre et qu'on ne voulait pas compro-
mettre l'orateur du gouvernement. C'est
le cas de dire qu'on se perd en conjec-
tures.
Peut-être, en cherchant bien, serait-
il possible de découvrir le mot de l'é-
nigme. C'est ainsi, par exemple, qu'au
moment même où M. Dufaure était à la
tribune, paraissait dans le Français cer-
taine note qui pourrait bien en dire plus
long qu'elle n'en a l'air. Il y est question
de ce qui se dit « dans le monde politi-
que », de la proposition Gatineau, et le
Français, toujours bien informé, nous
apprend qu'on l'y considère comme
« une offense au maréchal ». Or, notez
que c'est la première fois qu'on s'avise
de cet argument. Il est donç permis de
supposer que tous les autres ayant
échoué, on a eu recours, en désespoir de
cause, à celui-là, et qu'on a réussi.
« Les feuilles radicales, ajoute le
Français, ne se gênent pas pour mon-
trer dans le vote de cette proposition
une réparation attendue et exigée pour
ce qu'auraient eu d'illusoire et d'insuf-
fisant les mesures de clémence consen-
ties par le président de la République. »
Comprenne qui pourra. Le fait est
qu'hier on était, de part et d'autre, à peu
près d'accord, car il ne s'agissait plus
que de parer à certaines difficultés de
rédaction, tandis qu'aujourd'hui, on se
tourne le dos.
Tant pis pour M. Dufaure ! mais s'il a
eu la faiblesse de prêter l'oreille à ceux
qui depuis six mois travaillent patrioti-
quement à faire naître un conflit entre
le ministère et la majorité républicaine,
il en sera pour ses frais de continuelle
flirtation avec les adversaires de la Ré-
publique. Le projet de la commission
sera revu, corrigé, amendé. On tiendra
compte autant que possible des objec-
tions juridiques soulevées par M. le
garde des sceaux au sujet de la rédac-
tion première ; mais le fond même de la
proposition subsistera, et la majorité
prouvera par son vote qu'elle ne change
point d'avis aussi lestement que l'hono-
rable M. Dufaure.
E. SCHNERB.
DÉCLARATION
DU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
M. le duc Decazes, ministre des affaires
étrangères, a fait au nom du gouvernement la
déclaration suivante à la Chambre des dé-
putés :
Messieurs,
Un grand nombre de nos collègues se
sont montrés désireux de recevoir des éclair-
cissements sur la politique suivie pendant
votre absence, au sujet des événements dont
l'Orient est le théâtre.
Je suis chargé de vous apporter ces ex-
plications. Nous étions nous-mêmes impa-
tients de vous les fournir et de vous décla-
rer qu'au milieu des circonstances délicates
que nous avons traversées, le gouverne-
ment ne s'est pas écarté un seul instant de
la ligne de conduite qui lui était dictée par
le sentiment formel des Chambres et du
pays. ,
Notre politique dans les affaires exté-
rieures nous était commandée par l'intérêt
suprême et dominant dont nous retrouvions
partout l'éclatante manifestation; nous sa-
vions qu'à vos yeux comme aux nôtres la
paix est le premier, le plus essentiel de nos
besoins. (Applaudissements.)
Nous sommes restés invariablement fi-
dèles à cette conviction.
C'est la paix qui permet à la France de se
consacrer à sa réorganisation intérieure et
de réparer peu à peu les désastres d'un pas-
sé récent
Elle ne correspond pas seulement à ces
nécessités dont l'évidence apparaît aux yeux
de tous, elle est aussi et reste l'aspiration
réfléchie et libre de la nation française (Ap-
plaudissements), et nous pouvons constater
que pendant qu'une partie de l'Europe est
livrée à des inquiétudes dont le contre-
coup se fait sentir partout, notre pays ne
veut évoquer et n'appelle que les luttes fé-
condes de l'industrie et du commerce (Trés-
Jbienl. très-bien i) ; ••
Toutefois, nous avions compris avec vous,
messieurs, que ce repos doit s'étendre à
l'Europe entière pour porter les fruits que
nous en attendons.
C'est cette pensée qui nous a déterminés,
dès le premier jour, à ne pas refuser aux
efforts et aux combinaisons qui ont eu pour
but de rétablir la paix, là où elle était at-
teinte, et de la protéger, là où elle était me-
nacée, l'appui qui nous était demandé. Lais-
sant à d'autres les initiatives, nous avons
agi uniquement dans le sens de la concilia-
tion, nous réservant seulement de conseil-
ler et de faciliter l'entente entre toutes les
puissances.
Aussi aucune incertitude n'a pu se pro-
duire sur la sincérité de nos sentiments pa-
cifiques non plus que sur notre résolution
de rester étrangers aux conflits que nous
aurions pu appréhender si nous avions eu
moins de confiance dans la sagesse des,,
gouvernements européens (Très-bien ! très-
bien!)
Mais cette politique aurait trahi vos in-
tentions les plus nobles si elle n'avait pas
saisi toutes les occasions de plaider, dans
ce qu'elle a de juste, la cause des chrétiens
de l'Orient. Les traditions les plus ancien-
nes de la France étaient étroitement d'ac-
cord avec les besoins généraux de notre
situation pour nous le recommander.
Nous ne pouvions, d'ailleurs, méconnaî-
tre qu'en intervenant par nos conseils en
faveur de populations qui ont toujours eu
foi dans l'assistance morale de notre pays
et en maintenant notre action dans les justes
bornes qui nous étaient tracées par le res-
pect des droits de tous, nous servions en-
core efficacement les grands intérêts de la
paix, inséparables de ceux de l'humanité et
de la civilisation. (Très-bien ! Très-bien!)
L'armistice qui vient d'être conclu nous
permet de marquer une première étape dans
ces voies de l'apaisement et de constater
un premier succès pour la politique de con-
ciliation.
Aussitôt que les circonstances le permet-
tront, le gouvernement s'empressera de
placer sous vos yeux les pièces les plus
importantes de la correspondance diploma-
tique qu'il a entretenue, depuis près de dix-
huit mois, sur ces graves questions, avec
ses agents à l'étranger
Vous y trouverez la preuve que le gou-
vernement de la République a pris une place
estimée dans le concert européen et qu'il y
a tenu en toute circonstance un langage
conforme à la dignité et à l'intérêt du pays,
tout en lui réservant pour l'avenir l'entière
liberté de ses résolutions. (Très-bien ! très-
bien ! à gauche.) Nous devons ajouter qu'il
n'a rien été réclamé de nous au-delà de no-
tre concours loyal pour atténuer les diffi-
cultés du présent et prévenir en Orient des
complications également redoutées par tou-
tes les puissances.
Que si, contrairement à notre attente, ces
complications devaient se produire, vous
pouvez être certains que nous ne nous dé-
partirons pas de la neutralité qui nous est
commandée et que nous ne vous demande-
rons jamais de compromettre, dans une lutte
où ses intérêts esssentiels ne seront pas en-
gagés, l'honneur et la sécurité de la France.
(Très-bien ! très-bien 1)
C'est ainsi qu'après avoir associé nos
efforts à ceux des autres cabinets pour con-
server la paix à l'Europe, nous serons du
moins assurés de pouvoir la garder pour
nous-mêmes. (Vifs applaudissements.)
:
Devant l'Europe
Il serait superflu, pour ne pas dire
puéril, de commenter le discours que
M. le duc Decazes, ministre des affaires
étrangères, a fait entendre hier à la
Chambre des députés. Jusqu'au jour où
la diplomatie occulte fit place à ce sys-
tème de communications publiques que
la Grande-Bretagne, pays d'opinion, a
inauguré dans une assez large mesure,
les chancelleries cultiveront le bel art
de parler sans rien dire. M. le duc De-
cazes, s'il n'y excelle pas, y est suffi-
samment expert, et la Chambre n'a pu
que s'incliner devant une déclaration
correcte. Il eût été contraire à la tradition
de provoquer des explications plus détail-
lées et plus précises. Le député qui eût
pris la parole pour demander comment
l'Angleterre et l'Autriche se sont tar-
guées de notre sympathie, tandis que la
Russie se plaignait de notre froideur;
l'indiscret qui aurait voulu savoir si
nous avons tenu la balance égale entre
les champions et les ennemis de l'em-
pire ottoman, n'eût obtenu qu'un succès
de scandale; aussi la diversité des juge-
ments s'est-elle confondue dans un ap-
plaudissement de bon goût.
Personne n'a poussé l'indiscrétion
jusqu'à demander au ministre pour-
quoi les agents de la France à l'étranger
avaient brillé surtout par leur absence
au milieu d'une crise européenne. Il est
de notoriété publique que dans la pério-
de la plus aiguë, nous avons été repré-
sentés à Pétersbourg par un troisième
secrétaire et un attaché libre ; mais ce
sont là questions de ménage, où les par-
lements n'interviennent que dans le cas
d'absolue nécessité. Le chef éloquent et
sensé de la majorité législative, au sein
de la commission du budget qu'il pré-
side avec un incontestable talent, a jugé
notre personnel diplomatique; et le mi-
nistre cherche encore une réfutation
bonne ou mauvaise des arguments de
M- Gambetta.
Donc, tout est bien jusqu'à nouvel
ordre, je veux dire jusqu'au moment où
la Chambre se sentira assez maîtresse
d'elle-même, assez sûre de son autorité
et de sa volonté collective pour prendre
en main la direction de .notre politique
étrangère. 1
En attendant, nous n'avons rien de
mieux à faire que d'emprunter au docu-
ment officiel un aveu dont la gravité
frappera tous les républicains de France.
M. le duc Decazes, ancien ministre dé
l'prdre moral, maintenu au pouvoir par
une élection parisienne ou nous avons
tous lutté contre la coalition monarchi-
que, affirme que « le gouvernement de
la République a pris une place estimée
dans le concert européen. » Ce petit
bout de phrase en dit plus qu'il n'est
gros. C'est un démenti sanglant infligé
aux bonapartistes, aux royalistes, aux
orléanistes et à tous ces contempteurs
du suffrage universel qui depuis le 24 mai
1873 ont prétendu que la. monarchie
seule pouvait replacer la patrie à son
rang. Qu'en pensent les .ennemis jurés
de la constitution ? Qu'en dit M. le duc de
Broglie, cet estimable homme d'Etat, qui
n'a pas craint de dénoncer la République
à toutes les chancelleries de l'Europe ?
Ombre sanglante de Beulé, qu'en dis-tu?
Et vous, ombre d'une ombre, petit
monsieur de Castellane, qui vous hissiez
à la tribune, comme un lansquenet fati-
gué de sa nuit, pour insulter la France
républicaine? C'est un des vôtres, un
ambassadeur du 24 mai, un ministre du
22 novembre 1873 qui vous jette ces
mots au visage : « La République a pris
une place estimée dans le concert euro-
péen ! »
ABOUT.
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
Versailles. 5 nombre 1876.
A vrai dire, le temps s'est assombri de-
puis lundi dernier; il y a, sur la situation,
comme une brume à travers laquelle on
erre un peu à l'aventure, sans distinguer
nettement ce que'devient le projet de cessa-
tion de poursuites. Lundi, les bureaux
des gauches s'entendaient sur l'ensemble
entre eux et même avec M. le garde des
sceaux; aujourd'hui qu'il s'agit de tomber
d'accord sur la rédaction des détails - et ils
ne manquent pas d'importance! — lamajorité
a l'air moins sûre de son fait. M. Dufaure,
qu'on cherche depuis hier soir, est introu-
vable; une partie du centre gauche, qui sait
sans doute à quoi s'en tenir touchant cette
éclipse du garde des sceaux, chancelle;
quant à la gauche et à l'Union républicaine,
elles se raidissent contre l'inquiétude.
En attendant, M. le ministre des affaires
étrangères lit une pacifique déclaration de
neutralité, conforme aux vœux du pays.
Elle n'est interrompue que par des marques
d'approbation discrètes, mais non équivo-
ques.
Et M. Gatineau parait.
La Fortune, qu'on représente comme une
aimable personne continuellement occupée
à tourner une roue, avec un bandeau sur
les yeux, à l'instar du cheval qui fait tour-
ner le manège, est privée du plaisir de voir
ceux à qui elle sourit. M. Gatineau lui eût
réjoui le cœur.
Gros, gras, rubicond, l'avocat Gatineau a
la mine d'un bon vivant. Il n'en a pas que
la mine ; il en a aussi la réputation. Egale-
ment il en a le ventre. La Fortune, à qui est
refusé le sens de la vue, possède le sens du
toucher; elle aura peut-être effleuré ce ven-
tre et se sera dit immédiatement : « Tiens !
mais voilà un homme en qui il y a de l'é-
toffe! » Et tout d'un coup, M. Gatineau est
devenu célèbre, illustre. On dit : « La pro-
position Gatineau va venir en discussion.
Que va faire le gouvernement en présence
de la proposition Gatineau ?. Gatineau, par
ci; Gatineau, par là. » C'est un homme
comblé. [Dans l'intimité, la Fortune doit
l'appeler Ferdinand.
Il est certain que M. Gatineau ne manque
pas d'habileté. Naviguant avec circonspec-
tion et adresse au milieu de tous les récifs
à fleur d'eau dont il se sait entouré, il fait
atterrir à la tribune sa proposition de ces-
sation de poursuites, « en douceur, » comme
disent les matelots.
Néanmoins, il est à remarquer que le li-
bellé de la proposition de M. Gatineau diffère
notamment de la rédaction du projet de la
commission. Pour s'entendre, il faut une
formule. Et elle est délicate à trouver.
M. le garde des sceaux va-t-il l'apporter.
On savait déjà que M. Dufaure repoussait
l'article 3 du projet ; on craignait qu'il ne
fût pas grand partisan de l'article 2; mais
on ne doutait pas de son acquiescement à
l'article 1er. M. le garde des sceaux parle :
il établit le compte détaillé des demandes
de grâces et des décisions qui s'en sont sui-
vies; il mêle ceci et cela, fait une olla po-
drida des trois articles, tourne vivement
le tout et déclare qu'il est impossible au
gouvernement d'accepter un pareil arlequin.
La stupéfaction est grande: M. Dufaure
marche dans la voie des concessions à la
façon des écrevisses.
La formule devient très-simple; elle se
réduit à un mot : Rien !
C'est M. Gambetta qui riposte. Autant M.
Dufaure nous avait paru gêné, embarrassé,
empêtré dans la thèse qu'il cherchait à dé-
fendre, autant M. Gambetta, allégé par son
récent discours de Belleville, semble à l'aise
et marche droit au but d'un pas vigoureux.
Bousculant les arguties de M. le garde des
sceaux, non point à l'aide de bourrades sa-
vamment combinées, simplement par l'élan
rectiligne qu'imprime à sa pensée le sujet,
il pousse le gouvernement au pied du mur :
Qu'au lieu de médire de telle ou telle ré-
daction, le gouvernement apporte sa propo-
sition, aussi modérée que possible, et dis-
cutons-en les termes.
Apportez la formule !
Il est clair que la lutte qui s'est établie
entre M. Dufaure et M. Gambetta a pour
prix le centre gauche. Le ministre a cher-
ché à le capter par un déploiement d'argu-
mentation un peu spécieuse; M. Gambetta
s'efforce de l'entraîner par l'exposition bru-
tale de la réalité.
L'avantage est loin de se déclarer du côté
du ministre. Qui veut trop prouver ne
prouve rien; M. Dufaure a passé la mesure
et c'est à peine si vingt-cinq paires de
mams appartenant au centre droit peu répu-
blicain l'ont appuyé. Au contraire, M. Gam-
betta a enlevé les applaudissements d'une
bonne moitié de la salle. Si petite que soit
la majorité, elle est contre le ministre.
Du reste on ne s'est pas gourmé. La discus-
sion est restée d'un calme admirable; M.Du-
faure a retenu sa langue, M. Gambetta n'a
pas laissé tomber son poing; et la droite,
qui semble s'être donné pour mot d'ordre
de ne pas intervenir, n'a pas bronché. j
Quoi qu'il en soit, la situation est tendue ;
M. Dufaure est un trop vieux parlemen-
taire pour ne pas le sentir.
La Providence s'entremet sous la forme
un peu longue de M. Houy vet, un ancien ma-
gistrat de Caen, membre du centre gauche.
Ce juriste n'est pas partisan des classifica-
tions fort défectueuses qu'a établies la com-
mission, et il apporte à la minute un système
nouveau basé sur la prescription. Il le pré-
sente modestement, en le déclarant suscep-
tible de retouches. Et chacun l'accueille
avec un sourire et la commission en accepte
le renvoi avec transport.
Peut-être demain trouvera-t-on la for-
mule.
PAUL LAFARGUH.
: 4».
Éclios de la Chambre
Les couloirs de la Chambre étaient hier U ès
négligés, l'intérêt se portant uniquement sur
la déclaration de M. le duc Deeazes, qui était
annoncée pour le début de la séance, et la dis-
cussion de la proposition Gatineau, qui figurait,
on le sait, en tête de l'ordre du jour. Il ne s'est
rien produit en dehors de la séance que la no-
mination par les bureaux de leurs présidents
et secrétaires, ainsi que de plusieurs commis-
sions, les unes mensuelles, les autres chargées
d'examiner différents projets de loi.
Voici d'abord les noms des présidents et
secrétaires qui ont été élus : <
JCl'bureau. —Président, M, Albert G'révy.
- Secrétaire, M. Lelièvre.
2e bureau. —Trident, M. Cochery.
Secrétaire, 1. Liouville.
36 bureau, - Président, M. LanC,
Secrétaire, M. Camille Sée-,
4e bureau. - Prc-sideiit, M. Robert de Massv.
Secrétaire, M. Bousquet (Gard).
5e bureau. - Illrésidoi-it, M. Lisbonne.
Secrétaire, M. Louis Legrand.
6e bureau. — Président, M. Lalrade.
Se c ré taire, M. Fra nck-C h au vea u
7" bureau. — Président, M. Guichard.
Secrétaire, M. Marcellin Pellet.
8" burcau. - Président, M. Bardoux.
Secrétaire, M. Drumel
9e bureau. — Président, M. Paul Breton.
Secrétaire, M. Louis Hémon.
10e bureau. - Pi-C-sident, M. Jules Ferry.
'Secrétaire, M.Crozet-Fourneron
IIe bureau. — Président, M. Desseaux.
Secrétaire, M. Morel.
*
¥ *
Les diverses commissions nommées hier se
trouvent composées ainsi qu'il suit :
Commission d'initiative parlementaire : MM.
Varambon, Dupauv, Maunoury, Berlet, Joi-
gncaux, Albert Joly, Patissier. Loustalot. An-
drieux, Viette, Folliet, François Brasme, Ho-
race de Choiseul, Petitbien, Henri Lefèvre,
Cosson, René Brice, Odoul, Chaley, Edouard
Millaud, Ninard, Lévèque.
*
* *.
Commission d'intérêt local : MM. Bigot, de
Fontenay, Lockroy, Constant. Allemand. La-
bitte, Desloye, Bertrand Milcent, Laussédat,
Truelle, Escarguel, Noël Parfait.
*
¥ *
Commission pour l'examen du projet de loi
relatif à l'extension du gouvernement mili-
taire à Paris : MM. Journault, Flocjuet, Laisant,
Carrey, Ménier, Tassin, Brelay, îarcy, Jenty,
Horace de Choiseul, colonel Denfert, Roche-
reau.
*
* *
Commission pour l'examen du projet de loi
portant application aux colonies de celles des
dispositions des décrets du 2 février 1852 qui
sont relatives à la confection et à la révision
des listes électorales : MM, Lacascade, Lebour-
geois, Riotteau, de Mahy, Escanyé, Bethmont,
Alexis Lambert, Jacques, Roudier, Langlois,
Godin.
EMMANUEL ARÈNE,
Otez votre habit !
M. le général Espivent vient d'être
nommé commandant du onzième corps
à Nantes, en remplacement du général
Lallemand.
Il arrive au lieu de sa résidence, qui
est Nantes, le samedi 28. Il fixe au lundi
30 le jour où il doit, aux termes des lois et
décrets sur les préséances, recevoir les
corps constitués, qui sont tenus de lui
présenter leurs hommages.
Naturellement on convoque le per-
sonnel enseignant du lycée.
Comme on était pris de court, et que
le dimanche les professeurs ne viennent
pas au lycée, M. le proviseur envoie
chez tous les fonctionnaires qui relè-
vent de son administration un exprès
chargé de les avertir.
La circulaire, que l'on fait signer à
chacun d'eux, selon l'usage, porte avis
qu'ils devront, le lundi matin, venir en
habit noir et en cravate blanche faire
leur classe ; qu'à dix heures sonnant, la
classe achevée, M. le proviseur se met-
tra à la tête du personnel, et que tous
ensemble, ils iront directement du lycée
à l'hôtel de la division militaire.
Je n'assurerais pas que les profes-
seurs furent charmés de l'honneur
qu'on leur faisait. De mon temps, le
corps enseignant montrait peu d'enthou-
siasme à revêtir l'habit noir, et ces fêtes
officielles avaient le privilège de le lais-
ser froid. Je ne pense pas que ses sen-
timents aient beaucoup changé.
Mais que voulez-vous ? c'est l'habi-
tude.
On enrage parfois d'être convié à
quelque ennuyeuse cérémonie ; on n'en
serait pas moins trés-dépité si l'on avait
été, par oubli ou dédain, mis de côté et
que l'on n'y eût pas sa place.
Il n'y eut point oubli de la part.du gé-
néral Espivent-. £ Ce fut. bien, pis encî^^v
Comme les professeurs étaient en Iraih
de revêtir l'habit de gala, une nouvelle
ciVctiJaire leur arriva qui les prévenait
qu'il eurent à le remettre dans Tar-
moire.
Le général Espivent dispensait le per-
sonnel du lycée de toute visite officielle.
Etait-ce chez lui excès de prévenance
ou témoignage de dédain ?
S'était-il dit : Ces pauvres gens ! ils
m'intéressent; ils ont autre chose à laire
que de me venir rendre visite, et ma vue
ne peut avoir rien de trés-régalant poiu*
eux ? ,
Ou bien avait-il pensé que de simples
professeurs, les maîtres de la jeunesse,
étaient des pleutres indignes de compa-
raître et de prendre rang dans une il-
lustre assemblée de notables, et de con-
templer. face à face, un général en
uniforme ?
Chacune de ces deux raisons se pou-
vait soutenir. Il faut ajouter tout de suite
que le commandant du onzième corps
n'allégua ni l'une ni l'autre. ,
11 se contenta de donner pour rnotif de,
son refus que les professseurs n'ont
légalement aucune place dans les céré-
monies publiques ; que le corps acadé-
mique seul est nommé dans le décret sur
les préséances, que le corps académique
ne comprend que l'inspecteur d'acadé-
mie et le proviseur, et qu'il entendait.
lui, commandant du onzième corps, ne
recevoir que ces deux fonctionnaires.
La raison est valable. Elle aurait été
accueillie de meilleure grâce si l'on se
fût tenu aussi strictement, pour les au-
tres ordres de fonctionnaires, aux ter-
mes exprés de la loi. Mais tout le monde
sait que la coutume, tout autant que là loi.
régit les préséances officielles, et le corps
enseignant ne s'est pas vu, sans quelque
chagrin, infliger par le représentant de
Xautorité militaire l'injure toute gratuite
aé C?Ue exclusion.
Le mâi^U1* de ces histoires, c'est
qu'elles rappeiiblît d'autres petits faits
auxquels on n'avait prêté jusqu'alors
qu'une attention médioon?,; c est qu'on
les rapproche, et que malgré soi on en
tire des conséquences qui ne sont peut-
être pas justes.
Quelques professeurs n'ont pu s'em-
pêcher à "ce propos de penser à l'esprit
de méfiance dont les cléricaux semblent
animés contre le lycée dans la ville de
Nantes.
Ainsi l'on a remarqué qu'aux distri-
butions des prix le clergé s'abstient d'en-
voyer aucun représentant, non pasmême
l'aumônier du lycée, qui, étant fonction-
naire de l'établissement, aurait le devoir
d'y paraître sur l'estrade, ou tout au
moins mêlé à l'assistance.
On assure que cette abstention, qui
est rigoureuse, se produit annuellement
depuis tantôt quinze ou dix-huit années.
Elle date du jour où le 1 ycées'avisàM'at-
tribuer au cours de religion protestante
les mêmes récompenses que celles dont
le cours de religion catholique avait été
seul favorisé jusqu'alors. Est-ce une rai-
son suffisante à 1 aumônier pour refuser
à ses élèves la joie d'être couronnés de-
vant lui ?
Vous me direz qu'entre cette absten-
tion systématique du clergé nantais et
le refus du général Espivent, il n'y a pas
le moindre rapport.
Je suis bien de votre avis : çajn'a) pas
le moindre rapport. 1
FRANCISQUE SARCEIT Î
—————————— ——————————
Nouvelles d'Orient
Berlin, 3 novembre.
D'après dea avis de Saint-Pétersbourg, le
czar Alexandre, avançant son retour dans sa
capitale, partirait de Livadia à la fin de cette
semaine pour arriver à Saint-Pétersbourg 1$
11 novembre.
Raguse. 2 novembre.
La Turquie ayant accepté un armistice, l'an-
cienne commission de pacification composés
de consuls étrangers et délégués turcs réunis
à Mostar, s'est dissoute aujourd'hui.
St-Pétersbourg. 2 novembre.
Vultimatum de la Russie a été provoqué par
l'état de l'armée serbe.
L'armistice accordé par la Turquie est de
deux mois sans condition aucune.
Les Turcs occupent Deligrad,
L'ambassadeur de Turquie à St-Pétersbourg
est parti aujourd'hui en congé pour deux mois,
pour cause de maladie. Il se rend à Vienne.
Il est probable qu'il ne reviendra pas ici.
Sain t-Pélersbourg, 2 novembre.
Un supplément du Messager du gomewgment,
publié ce soir à une heure avancée^contient
une dépêche du général Ignatieff annonçant
que la Porte s'est déclarée prête a conclure uu
armistice de deux mois à partir d'hier èt que
les commandants en chef des troupes turques
ont reçu l'ordre de suspendre immédiatement
les hostilités sur toute 1 étendue du théâtre de
la guerre. ;
Londres, 3 novembre.
Le Moming-Posl croit savoir que .le gouver-
nement russe, après l'acceptation de Tarmis-
tice par la Turquie, a pris sur-le-champ des
mesures pour presser la solution des autres
questions pendantes, sur la base-des proposi-
tions anglaises.
Le Morninfi Post fait aussi connaitré que
l'enquête officielle réduit à 3,100 le, nombre
des habitants massacrés par les Turcs en - But-
garie.
Le Daily Telegraph publie la dépêche ui.
vante de Berlin (que nous reproduisons sou*
toutes réserves) :
« Dans les cercles politiques«rt- »e croit pa<
que l'acceptation d« J'al'rnisLice empêche la
guerre d éclater entre la Russie et la Turqu.
On craint que la Russie ne demande que les
troupes ottomanes évacuent entièrement la
Serbie : la Porte n'accepterait jamais des ter-
-- 1 -..
Dimanche 5 Novembre 1876
'"1 "'l'; : -".
JuJyj JULA ijIIIIIIIJIJ
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
Mme rxiLEb cie 3L>afayette
Les Lettres non affranchies seront refusées.
1 - ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois 13 fr.
six mois 25 »
Un:an. So »
DEPARTEMENTS
Trois mois iejr
Six mois. ÙjCc-,
Un an. f3.:'-';
ÀBHOWCES : Chez MM. LAGRANGE, CE Cii
0, place de la noefrsee --\ ; X ■
:.. -- : ; , :.
ADMINISTRATION
Adresser les Lettres et Mandats à l'Administrateur
rue de Lafayette, 53
Les Manuscrits non insérés rte seront pas renduE.
, -- ABONNEMENTS ; ','f
PARIS
Trois mois 13 fr.
Six me:s, , îîo «
Un an. «"»<> »
CSPARTEHENTS
Trois inois 16 fr.
Six - -. 33 »
Un an 62 »
- ,---',":.:--"-";"-
ANNONCES : Chez MM. LAGRANGE. CERF et C"
0, place tle la Bourse, a
Les abonnements pour la France
et l'étranger partent du lei et du 15
de chaque mois.
Par suite du nouveau traité
postal, les prix d'abonnement pour
tous les pays d'Europe, la FRANCE
EXCEPTÉE, ont été fixés comme
suit : ,.
3 mois. 17 francs/
6 mois. 34 —
21 mois. 66 —
BULLETIN
,: - Paris, le 4 novembre 1876.
Hier, à la Chambre des députés, M. le mi-
nistre des affaires étrangères a fait, relati-
vement à la politique que la France a sui-
vie, pendant les complications récentes, une
- importants déclaration que nous reprodui-
sons et que nous apprécions plus loin. La
Chambre a ensuite déclaré l'urgence sur le
projet Gatineau et a abordé la discussion
de cette proposition.
On discute à perte de vue pour savoir si
la Porte a accepté l'armistice de deux mois
avant ou après la remise de Vultimatum de
la Russie. On soutient que le grand-vizir
avait, dès lundi dernier, déclaré au général
Ignatieff que le sultan consentait à accepter
les propositions que lui avait faites le cabinet
de Saint-Pétersbourg, et que la Russie en
envoyant, son .ultimatum, suConstantinople
n'a fait qu'enfoncer une porte ouverte. Cela
est fort possible et peut-être le gouvernement
Tusse en. a-t-il agi ainsi pour donner quel-
que satisfaction à l'opinion publique exaspé-
rée par la défaite de l'armée de Tchernaleff
et par la mort d'un si grand nombre de vo-
lontaires russes. Quoiqu'il en soit, cette ques-
tion n'offre qu'un intérêt rétrospectif. L'ar-
mistice de deux mois est conclu, c'est là le
point principal. Il commence à partir du
lflr novembre pour se terminer le 1er janvier
1877. Mieux vaut donc se demander quel
usage les puissances vont faire de ce répit
dé deux mois et si nous pouvons espérer une
issue favorable aux négociations qui com-
mencent.
Une grosse question se présent tout d'a-
bord : l'établissement d'une ligne de dé-
marcation entre les deux armées. Nous
nous demandions il y a quelques jours si
on adopterait les conditions ordinaires de
tout armistice, c'est-à-dire l'uti possidetis,
ou si la Russie insisterait sur l'évacuation
complète de la Serbie par les troupes otto-
manes pour en revenir au statu quo ante
hélium. La question ne laisse pas que de
présenter de nombreuses difficultés et de
soulever quelques inquiétudes. La Russie,
qui s'est déclarée la protectrice de la Serbie,
bien plus, qui a véritablement fait la guerre
à la Turquie sous le nom des Serbes, ne
ttéut sans doute pas rester sous le coup
de la défaite que lui ont infligée ces jours
derniers les troupes ottomanes et demande
une évacuation complète. D'autre part,
la Porte, arrêtée court au milieu de ses vic-
toires, au moment où elle allait porter le
dernier coup à ses ennemis, à ceux qu'elle
considère comme de simples vassaux ré-
voltés, se soumettra-t-elle à cette nouvelle
humiliation? On en doute quelque peu à
Berlin. Espérons toutefois que la Russie,
satisfaite du triomphe diplomatique qu'elle
vient de remporter, ne voudra pas pousser
les choses à l'extrême, et qu'on arrivera à
s'entendre sur cette question de la ligne de
démarcation.
Nous voudrions pouvoir en dire autant
pour la pacification de la presqu'île des Bal-
khans, mais nous prévoyons là des difficul-
tés considérables.
Il est inutile, d'ailleurs, d'aborder la dis-
cussion de cette question jusqu'à ce que
nous sachions positivement ce que deman-
de la Russie. En tout cas, le premier acte
du drame est joué et la Sèrbie a fini son
rôle. Quoi qu'il arrive, quels que soient les
développements futurs que prendra la ques-
tion d'Orient, il est plus que probable que
la guerre, si guerre il y a, se portera d'un
autre côté. Dans quelques jours, dit-on, vont
s'ouvrir les travaux de la conférence. Puis-
sent-ils ramener la paix, et une paix dura-
ble ! c'est ce que nous souhaitons sincère-
ment sans oser trop l'espérer. Nous enten-
dons dire à chaque instant autour de nous
depuis la conclusion de l'armistice : Tout est
fini, la paix est faite !
Nous ne saurions trop le répéter : rien
n'est fini; et c'est aujourd'hui seulement que
commencent les véritables difficultés. L'opi-
nion publique en Russie et en Turquie est
portée au suprême degré d'excitation ; on a
fait luire aux yeux de toutes les populations
slaves de la presqu'île l'espoir de l'indépen-
dance, la Roumanie et la Grèce s'agitent. De
Pétersbourg à Athènes, de Belgrade à Cal-
cutta, tout est en ébullition. Ce n'est pas
d'un trait de plume que l'on arrêtera cet
immense mouvement. Sans doute, les gran-
des puissances peuvent beaucoup, mais à
condition que toutes elles entreprennent
l'oeuvre de la pacification sans aucune ar-
rière-pensée. Or, rien ne nous autorise à
croire qu'elles soient toutes complètement
d'accord.
——————. -—————
Bourse de Paris
Q
Clôture le 2 nov. le 3 nov. Hausse Balose
8 O/O
Comptant.. 71 71 80 «0
Pin cour 70 75 71 77 1/2 lfr.02
41 1/2 0/0
Comptant.. 99 25 101 1 fiy 75
«5 O/O
Comptant. 105 10 105 25 15 0/.
I Fin cour 104 &5 1G5 25 30
PETITE BOURSE DU SOIR
Emprunt 3 0/0. 71 fr. 5% 50, 57 1/2, 65,60.
Emprunt 5 0/0. 105 fr. 20, 121/2, 16 1/4.
5 0/0 turc » il fr. 60.
Banque Ottomane.. 379 fr. 37, 377 50.
Extérieure. 13 fr. 1/2.
Egyptien..- 222 fr. 50, 224 37.
♦ —
Nous avons peu de goût et encore
moins d'aptitude à déchiffrer les rébus ;
aussi dirons-nous peu de chose de la
séance, car nous n'y comprenons
absolument rien. Tout ce que nous
pouvons constater, c'est que M. le gar-
de des sceaux est, en vérité, bien
ondoyant et divers. La veille, J dans
une conversation avec les délégués des
groupes de la majorité républicaine,
M. Dufaure s'était montré trés-disposé,
sinon à accepter tel quel le projet de la
commission sur la cessation des pour-
suites, du moins à l'amender dans un
sens qu'il s'était donné la peine d'indi-
quer. Hier, volte-face. M. le garde des
sceaux est venu tenir à la tribune un lan-
gage tout différent. Il a repoussé en bloc
tout le projet ; et quand M. Gambetta l'a
invité à faire connaître la pensée du gou-
vernement. à substituer son propre pro-
jet à celui de la commission, M. Dufaure
n'a pas bougé.
Cependant les droites demeuraient
immobiles, silencieuses, s'interdisant
toute marque d'approbation ou d'impro-
bation. On eût dit que c'était un mot
d'ordre et qu'on ne voulait pas compro-
mettre l'orateur du gouvernement. C'est
le cas de dire qu'on se perd en conjec-
tures.
Peut-être, en cherchant bien, serait-
il possible de découvrir le mot de l'é-
nigme. C'est ainsi, par exemple, qu'au
moment même où M. Dufaure était à la
tribune, paraissait dans le Français cer-
taine note qui pourrait bien en dire plus
long qu'elle n'en a l'air. Il y est question
de ce qui se dit « dans le monde politi-
que », de la proposition Gatineau, et le
Français, toujours bien informé, nous
apprend qu'on l'y considère comme
« une offense au maréchal ». Or, notez
que c'est la première fois qu'on s'avise
de cet argument. Il est donç permis de
supposer que tous les autres ayant
échoué, on a eu recours, en désespoir de
cause, à celui-là, et qu'on a réussi.
« Les feuilles radicales, ajoute le
Français, ne se gênent pas pour mon-
trer dans le vote de cette proposition
une réparation attendue et exigée pour
ce qu'auraient eu d'illusoire et d'insuf-
fisant les mesures de clémence consen-
ties par le président de la République. »
Comprenne qui pourra. Le fait est
qu'hier on était, de part et d'autre, à peu
près d'accord, car il ne s'agissait plus
que de parer à certaines difficultés de
rédaction, tandis qu'aujourd'hui, on se
tourne le dos.
Tant pis pour M. Dufaure ! mais s'il a
eu la faiblesse de prêter l'oreille à ceux
qui depuis six mois travaillent patrioti-
quement à faire naître un conflit entre
le ministère et la majorité républicaine,
il en sera pour ses frais de continuelle
flirtation avec les adversaires de la Ré-
publique. Le projet de la commission
sera revu, corrigé, amendé. On tiendra
compte autant que possible des objec-
tions juridiques soulevées par M. le
garde des sceaux au sujet de la rédac-
tion première ; mais le fond même de la
proposition subsistera, et la majorité
prouvera par son vote qu'elle ne change
point d'avis aussi lestement que l'hono-
rable M. Dufaure.
E. SCHNERB.
DÉCLARATION
DU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
M. le duc Decazes, ministre des affaires
étrangères, a fait au nom du gouvernement la
déclaration suivante à la Chambre des dé-
putés :
Messieurs,
Un grand nombre de nos collègues se
sont montrés désireux de recevoir des éclair-
cissements sur la politique suivie pendant
votre absence, au sujet des événements dont
l'Orient est le théâtre.
Je suis chargé de vous apporter ces ex-
plications. Nous étions nous-mêmes impa-
tients de vous les fournir et de vous décla-
rer qu'au milieu des circonstances délicates
que nous avons traversées, le gouverne-
ment ne s'est pas écarté un seul instant de
la ligne de conduite qui lui était dictée par
le sentiment formel des Chambres et du
pays. ,
Notre politique dans les affaires exté-
rieures nous était commandée par l'intérêt
suprême et dominant dont nous retrouvions
partout l'éclatante manifestation; nous sa-
vions qu'à vos yeux comme aux nôtres la
paix est le premier, le plus essentiel de nos
besoins. (Applaudissements.)
Nous sommes restés invariablement fi-
dèles à cette conviction.
C'est la paix qui permet à la France de se
consacrer à sa réorganisation intérieure et
de réparer peu à peu les désastres d'un pas-
sé récent
Elle ne correspond pas seulement à ces
nécessités dont l'évidence apparaît aux yeux
de tous, elle est aussi et reste l'aspiration
réfléchie et libre de la nation française (Ap-
plaudissements), et nous pouvons constater
que pendant qu'une partie de l'Europe est
livrée à des inquiétudes dont le contre-
coup se fait sentir partout, notre pays ne
veut évoquer et n'appelle que les luttes fé-
condes de l'industrie et du commerce (Trés-
Jbienl. très-bien i) ; ••
Toutefois, nous avions compris avec vous,
messieurs, que ce repos doit s'étendre à
l'Europe entière pour porter les fruits que
nous en attendons.
C'est cette pensée qui nous a déterminés,
dès le premier jour, à ne pas refuser aux
efforts et aux combinaisons qui ont eu pour
but de rétablir la paix, là où elle était at-
teinte, et de la protéger, là où elle était me-
nacée, l'appui qui nous était demandé. Lais-
sant à d'autres les initiatives, nous avons
agi uniquement dans le sens de la concilia-
tion, nous réservant seulement de conseil-
ler et de faciliter l'entente entre toutes les
puissances.
Aussi aucune incertitude n'a pu se pro-
duire sur la sincérité de nos sentiments pa-
cifiques non plus que sur notre résolution
de rester étrangers aux conflits que nous
aurions pu appréhender si nous avions eu
moins de confiance dans la sagesse des,,
gouvernements européens (Très-bien ! très-
bien!)
Mais cette politique aurait trahi vos in-
tentions les plus nobles si elle n'avait pas
saisi toutes les occasions de plaider, dans
ce qu'elle a de juste, la cause des chrétiens
de l'Orient. Les traditions les plus ancien-
nes de la France étaient étroitement d'ac-
cord avec les besoins généraux de notre
situation pour nous le recommander.
Nous ne pouvions, d'ailleurs, méconnaî-
tre qu'en intervenant par nos conseils en
faveur de populations qui ont toujours eu
foi dans l'assistance morale de notre pays
et en maintenant notre action dans les justes
bornes qui nous étaient tracées par le res-
pect des droits de tous, nous servions en-
core efficacement les grands intérêts de la
paix, inséparables de ceux de l'humanité et
de la civilisation. (Très-bien ! Très-bien!)
L'armistice qui vient d'être conclu nous
permet de marquer une première étape dans
ces voies de l'apaisement et de constater
un premier succès pour la politique de con-
ciliation.
Aussitôt que les circonstances le permet-
tront, le gouvernement s'empressera de
placer sous vos yeux les pièces les plus
importantes de la correspondance diploma-
tique qu'il a entretenue, depuis près de dix-
huit mois, sur ces graves questions, avec
ses agents à l'étranger
Vous y trouverez la preuve que le gou-
vernement de la République a pris une place
estimée dans le concert européen et qu'il y
a tenu en toute circonstance un langage
conforme à la dignité et à l'intérêt du pays,
tout en lui réservant pour l'avenir l'entière
liberté de ses résolutions. (Très-bien ! très-
bien ! à gauche.) Nous devons ajouter qu'il
n'a rien été réclamé de nous au-delà de no-
tre concours loyal pour atténuer les diffi-
cultés du présent et prévenir en Orient des
complications également redoutées par tou-
tes les puissances.
Que si, contrairement à notre attente, ces
complications devaient se produire, vous
pouvez être certains que nous ne nous dé-
partirons pas de la neutralité qui nous est
commandée et que nous ne vous demande-
rons jamais de compromettre, dans une lutte
où ses intérêts esssentiels ne seront pas en-
gagés, l'honneur et la sécurité de la France.
(Très-bien ! très-bien 1)
C'est ainsi qu'après avoir associé nos
efforts à ceux des autres cabinets pour con-
server la paix à l'Europe, nous serons du
moins assurés de pouvoir la garder pour
nous-mêmes. (Vifs applaudissements.)
:
Devant l'Europe
Il serait superflu, pour ne pas dire
puéril, de commenter le discours que
M. le duc Decazes, ministre des affaires
étrangères, a fait entendre hier à la
Chambre des députés. Jusqu'au jour où
la diplomatie occulte fit place à ce sys-
tème de communications publiques que
la Grande-Bretagne, pays d'opinion, a
inauguré dans une assez large mesure,
les chancelleries cultiveront le bel art
de parler sans rien dire. M. le duc De-
cazes, s'il n'y excelle pas, y est suffi-
samment expert, et la Chambre n'a pu
que s'incliner devant une déclaration
correcte. Il eût été contraire à la tradition
de provoquer des explications plus détail-
lées et plus précises. Le député qui eût
pris la parole pour demander comment
l'Angleterre et l'Autriche se sont tar-
guées de notre sympathie, tandis que la
Russie se plaignait de notre froideur;
l'indiscret qui aurait voulu savoir si
nous avons tenu la balance égale entre
les champions et les ennemis de l'em-
pire ottoman, n'eût obtenu qu'un succès
de scandale; aussi la diversité des juge-
ments s'est-elle confondue dans un ap-
plaudissement de bon goût.
Personne n'a poussé l'indiscrétion
jusqu'à demander au ministre pour-
quoi les agents de la France à l'étranger
avaient brillé surtout par leur absence
au milieu d'une crise européenne. Il est
de notoriété publique que dans la pério-
de la plus aiguë, nous avons été repré-
sentés à Pétersbourg par un troisième
secrétaire et un attaché libre ; mais ce
sont là questions de ménage, où les par-
lements n'interviennent que dans le cas
d'absolue nécessité. Le chef éloquent et
sensé de la majorité législative, au sein
de la commission du budget qu'il pré-
side avec un incontestable talent, a jugé
notre personnel diplomatique; et le mi-
nistre cherche encore une réfutation
bonne ou mauvaise des arguments de
M- Gambetta.
Donc, tout est bien jusqu'à nouvel
ordre, je veux dire jusqu'au moment où
la Chambre se sentira assez maîtresse
d'elle-même, assez sûre de son autorité
et de sa volonté collective pour prendre
en main la direction de .notre politique
étrangère. 1
En attendant, nous n'avons rien de
mieux à faire que d'emprunter au docu-
ment officiel un aveu dont la gravité
frappera tous les républicains de France.
M. le duc Decazes, ancien ministre dé
l'prdre moral, maintenu au pouvoir par
une élection parisienne ou nous avons
tous lutté contre la coalition monarchi-
que, affirme que « le gouvernement de
la République a pris une place estimée
dans le concert européen. » Ce petit
bout de phrase en dit plus qu'il n'est
gros. C'est un démenti sanglant infligé
aux bonapartistes, aux royalistes, aux
orléanistes et à tous ces contempteurs
du suffrage universel qui depuis le 24 mai
1873 ont prétendu que la. monarchie
seule pouvait replacer la patrie à son
rang. Qu'en pensent les .ennemis jurés
de la constitution ? Qu'en dit M. le duc de
Broglie, cet estimable homme d'Etat, qui
n'a pas craint de dénoncer la République
à toutes les chancelleries de l'Europe ?
Ombre sanglante de Beulé, qu'en dis-tu?
Et vous, ombre d'une ombre, petit
monsieur de Castellane, qui vous hissiez
à la tribune, comme un lansquenet fati-
gué de sa nuit, pour insulter la France
républicaine? C'est un des vôtres, un
ambassadeur du 24 mai, un ministre du
22 novembre 1873 qui vous jette ces
mots au visage : « La République a pris
une place estimée dans le concert euro-
péen ! »
ABOUT.
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
Versailles. 5 nombre 1876.
A vrai dire, le temps s'est assombri de-
puis lundi dernier; il y a, sur la situation,
comme une brume à travers laquelle on
erre un peu à l'aventure, sans distinguer
nettement ce que'devient le projet de cessa-
tion de poursuites. Lundi, les bureaux
des gauches s'entendaient sur l'ensemble
entre eux et même avec M. le garde des
sceaux; aujourd'hui qu'il s'agit de tomber
d'accord sur la rédaction des détails - et ils
ne manquent pas d'importance! — lamajorité
a l'air moins sûre de son fait. M. Dufaure,
qu'on cherche depuis hier soir, est introu-
vable; une partie du centre gauche, qui sait
sans doute à quoi s'en tenir touchant cette
éclipse du garde des sceaux, chancelle;
quant à la gauche et à l'Union républicaine,
elles se raidissent contre l'inquiétude.
En attendant, M. le ministre des affaires
étrangères lit une pacifique déclaration de
neutralité, conforme aux vœux du pays.
Elle n'est interrompue que par des marques
d'approbation discrètes, mais non équivo-
ques.
Et M. Gatineau parait.
La Fortune, qu'on représente comme une
aimable personne continuellement occupée
à tourner une roue, avec un bandeau sur
les yeux, à l'instar du cheval qui fait tour-
ner le manège, est privée du plaisir de voir
ceux à qui elle sourit. M. Gatineau lui eût
réjoui le cœur.
Gros, gras, rubicond, l'avocat Gatineau a
la mine d'un bon vivant. Il n'en a pas que
la mine ; il en a aussi la réputation. Egale-
ment il en a le ventre. La Fortune, à qui est
refusé le sens de la vue, possède le sens du
toucher; elle aura peut-être effleuré ce ven-
tre et se sera dit immédiatement : « Tiens !
mais voilà un homme en qui il y a de l'é-
toffe! » Et tout d'un coup, M. Gatineau est
devenu célèbre, illustre. On dit : « La pro-
position Gatineau va venir en discussion.
Que va faire le gouvernement en présence
de la proposition Gatineau ?. Gatineau, par
ci; Gatineau, par là. » C'est un homme
comblé. [Dans l'intimité, la Fortune doit
l'appeler Ferdinand.
Il est certain que M. Gatineau ne manque
pas d'habileté. Naviguant avec circonspec-
tion et adresse au milieu de tous les récifs
à fleur d'eau dont il se sait entouré, il fait
atterrir à la tribune sa proposition de ces-
sation de poursuites, « en douceur, » comme
disent les matelots.
Néanmoins, il est à remarquer que le li-
bellé de la proposition de M. Gatineau diffère
notamment de la rédaction du projet de la
commission. Pour s'entendre, il faut une
formule. Et elle est délicate à trouver.
M. le garde des sceaux va-t-il l'apporter.
On savait déjà que M. Dufaure repoussait
l'article 3 du projet ; on craignait qu'il ne
fût pas grand partisan de l'article 2; mais
on ne doutait pas de son acquiescement à
l'article 1er. M. le garde des sceaux parle :
il établit le compte détaillé des demandes
de grâces et des décisions qui s'en sont sui-
vies; il mêle ceci et cela, fait une olla po-
drida des trois articles, tourne vivement
le tout et déclare qu'il est impossible au
gouvernement d'accepter un pareil arlequin.
La stupéfaction est grande: M. Dufaure
marche dans la voie des concessions à la
façon des écrevisses.
La formule devient très-simple; elle se
réduit à un mot : Rien !
C'est M. Gambetta qui riposte. Autant M.
Dufaure nous avait paru gêné, embarrassé,
empêtré dans la thèse qu'il cherchait à dé-
fendre, autant M. Gambetta, allégé par son
récent discours de Belleville, semble à l'aise
et marche droit au but d'un pas vigoureux.
Bousculant les arguties de M. le garde des
sceaux, non point à l'aide de bourrades sa-
vamment combinées, simplement par l'élan
rectiligne qu'imprime à sa pensée le sujet,
il pousse le gouvernement au pied du mur :
Qu'au lieu de médire de telle ou telle ré-
daction, le gouvernement apporte sa propo-
sition, aussi modérée que possible, et dis-
cutons-en les termes.
Apportez la formule !
Il est clair que la lutte qui s'est établie
entre M. Dufaure et M. Gambetta a pour
prix le centre gauche. Le ministre a cher-
ché à le capter par un déploiement d'argu-
mentation un peu spécieuse; M. Gambetta
s'efforce de l'entraîner par l'exposition bru-
tale de la réalité.
L'avantage est loin de se déclarer du côté
du ministre. Qui veut trop prouver ne
prouve rien; M. Dufaure a passé la mesure
et c'est à peine si vingt-cinq paires de
mams appartenant au centre droit peu répu-
blicain l'ont appuyé. Au contraire, M. Gam-
betta a enlevé les applaudissements d'une
bonne moitié de la salle. Si petite que soit
la majorité, elle est contre le ministre.
Du reste on ne s'est pas gourmé. La discus-
sion est restée d'un calme admirable; M.Du-
faure a retenu sa langue, M. Gambetta n'a
pas laissé tomber son poing; et la droite,
qui semble s'être donné pour mot d'ordre
de ne pas intervenir, n'a pas bronché. j
Quoi qu'il en soit, la situation est tendue ;
M. Dufaure est un trop vieux parlemen-
taire pour ne pas le sentir.
La Providence s'entremet sous la forme
un peu longue de M. Houy vet, un ancien ma-
gistrat de Caen, membre du centre gauche.
Ce juriste n'est pas partisan des classifica-
tions fort défectueuses qu'a établies la com-
mission, et il apporte à la minute un système
nouveau basé sur la prescription. Il le pré-
sente modestement, en le déclarant suscep-
tible de retouches. Et chacun l'accueille
avec un sourire et la commission en accepte
le renvoi avec transport.
Peut-être demain trouvera-t-on la for-
mule.
PAUL LAFARGUH.
: 4».
Éclios de la Chambre
Les couloirs de la Chambre étaient hier U ès
négligés, l'intérêt se portant uniquement sur
la déclaration de M. le duc Deeazes, qui était
annoncée pour le début de la séance, et la dis-
cussion de la proposition Gatineau, qui figurait,
on le sait, en tête de l'ordre du jour. Il ne s'est
rien produit en dehors de la séance que la no-
mination par les bureaux de leurs présidents
et secrétaires, ainsi que de plusieurs commis-
sions, les unes mensuelles, les autres chargées
d'examiner différents projets de loi.
Voici d'abord les noms des présidents et
secrétaires qui ont été élus : <
JCl'bureau. —Président, M, Albert G'révy.
- Secrétaire, M. Lelièvre.
2e bureau. —Trident, M. Cochery.
Secrétaire, 1. Liouville.
36 bureau, - Président, M. LanC,
Secrétaire, M. Camille Sée-,
4e bureau. - Prc-sideiit, M. Robert de Massv.
Secrétaire, M. Bousquet (Gard).
5e bureau. - Illrésidoi-it, M. Lisbonne.
Secrétaire, M. Louis Legrand.
6e bureau. — Président, M. Lalrade.
Se c ré taire, M. Fra nck-C h au vea u
7" bureau. — Président, M. Guichard.
Secrétaire, M. Marcellin Pellet.
8" burcau. - Président, M. Bardoux.
Secrétaire, M. Drumel
9e bureau. — Président, M. Paul Breton.
Secrétaire, M. Louis Hémon.
10e bureau. - Pi-C-sident, M. Jules Ferry.
'Secrétaire, M.Crozet-Fourneron
IIe bureau. — Président, M. Desseaux.
Secrétaire, M. Morel.
*
¥ *
Les diverses commissions nommées hier se
trouvent composées ainsi qu'il suit :
Commission d'initiative parlementaire : MM.
Varambon, Dupauv, Maunoury, Berlet, Joi-
gncaux, Albert Joly, Patissier. Loustalot. An-
drieux, Viette, Folliet, François Brasme, Ho-
race de Choiseul, Petitbien, Henri Lefèvre,
Cosson, René Brice, Odoul, Chaley, Edouard
Millaud, Ninard, Lévèque.
*
* *.
Commission d'intérêt local : MM. Bigot, de
Fontenay, Lockroy, Constant. Allemand. La-
bitte, Desloye, Bertrand Milcent, Laussédat,
Truelle, Escarguel, Noël Parfait.
*
¥ *
Commission pour l'examen du projet de loi
relatif à l'extension du gouvernement mili-
taire à Paris : MM. Journault, Flocjuet, Laisant,
Carrey, Ménier, Tassin, Brelay, îarcy, Jenty,
Horace de Choiseul, colonel Denfert, Roche-
reau.
*
* *
Commission pour l'examen du projet de loi
portant application aux colonies de celles des
dispositions des décrets du 2 février 1852 qui
sont relatives à la confection et à la révision
des listes électorales : MM, Lacascade, Lebour-
geois, Riotteau, de Mahy, Escanyé, Bethmont,
Alexis Lambert, Jacques, Roudier, Langlois,
Godin.
EMMANUEL ARÈNE,
Otez votre habit !
M. le général Espivent vient d'être
nommé commandant du onzième corps
à Nantes, en remplacement du général
Lallemand.
Il arrive au lieu de sa résidence, qui
est Nantes, le samedi 28. Il fixe au lundi
30 le jour où il doit, aux termes des lois et
décrets sur les préséances, recevoir les
corps constitués, qui sont tenus de lui
présenter leurs hommages.
Naturellement on convoque le per-
sonnel enseignant du lycée.
Comme on était pris de court, et que
le dimanche les professeurs ne viennent
pas au lycée, M. le proviseur envoie
chez tous les fonctionnaires qui relè-
vent de son administration un exprès
chargé de les avertir.
La circulaire, que l'on fait signer à
chacun d'eux, selon l'usage, porte avis
qu'ils devront, le lundi matin, venir en
habit noir et en cravate blanche faire
leur classe ; qu'à dix heures sonnant, la
classe achevée, M. le proviseur se met-
tra à la tête du personnel, et que tous
ensemble, ils iront directement du lycée
à l'hôtel de la division militaire.
Je n'assurerais pas que les profes-
seurs furent charmés de l'honneur
qu'on leur faisait. De mon temps, le
corps enseignant montrait peu d'enthou-
siasme à revêtir l'habit noir, et ces fêtes
officielles avaient le privilège de le lais-
ser froid. Je ne pense pas que ses sen-
timents aient beaucoup changé.
Mais que voulez-vous ? c'est l'habi-
tude.
On enrage parfois d'être convié à
quelque ennuyeuse cérémonie ; on n'en
serait pas moins trés-dépité si l'on avait
été, par oubli ou dédain, mis de côté et
que l'on n'y eût pas sa place.
Il n'y eut point oubli de la part.du gé-
néral Espivent-. £ Ce fut. bien, pis encî^^v
Comme les professeurs étaient en Iraih
de revêtir l'habit de gala, une nouvelle
ciVctiJaire leur arriva qui les prévenait
qu'il eurent à le remettre dans Tar-
moire.
Le général Espivent dispensait le per-
sonnel du lycée de toute visite officielle.
Etait-ce chez lui excès de prévenance
ou témoignage de dédain ?
S'était-il dit : Ces pauvres gens ! ils
m'intéressent; ils ont autre chose à laire
que de me venir rendre visite, et ma vue
ne peut avoir rien de trés-régalant poiu*
eux ? ,
Ou bien avait-il pensé que de simples
professeurs, les maîtres de la jeunesse,
étaient des pleutres indignes de compa-
raître et de prendre rang dans une il-
lustre assemblée de notables, et de con-
templer. face à face, un général en
uniforme ?
Chacune de ces deux raisons se pou-
vait soutenir. Il faut ajouter tout de suite
que le commandant du onzième corps
n'allégua ni l'une ni l'autre. ,
11 se contenta de donner pour rnotif de,
son refus que les professseurs n'ont
légalement aucune place dans les céré-
monies publiques ; que le corps acadé-
mique seul est nommé dans le décret sur
les préséances, que le corps académique
ne comprend que l'inspecteur d'acadé-
mie et le proviseur, et qu'il entendait.
lui, commandant du onzième corps, ne
recevoir que ces deux fonctionnaires.
La raison est valable. Elle aurait été
accueillie de meilleure grâce si l'on se
fût tenu aussi strictement, pour les au-
tres ordres de fonctionnaires, aux ter-
mes exprés de la loi. Mais tout le monde
sait que la coutume, tout autant que là loi.
régit les préséances officielles, et le corps
enseignant ne s'est pas vu, sans quelque
chagrin, infliger par le représentant de
Xautorité militaire l'injure toute gratuite
aé C?Ue exclusion.
Le mâi^U1* de ces histoires, c'est
qu'elles rappeiiblît d'autres petits faits
auxquels on n'avait prêté jusqu'alors
qu'une attention médioon?,; c est qu'on
les rapproche, et que malgré soi on en
tire des conséquences qui ne sont peut-
être pas justes.
Quelques professeurs n'ont pu s'em-
pêcher à "ce propos de penser à l'esprit
de méfiance dont les cléricaux semblent
animés contre le lycée dans la ville de
Nantes.
Ainsi l'on a remarqué qu'aux distri-
butions des prix le clergé s'abstient d'en-
voyer aucun représentant, non pasmême
l'aumônier du lycée, qui, étant fonction-
naire de l'établissement, aurait le devoir
d'y paraître sur l'estrade, ou tout au
moins mêlé à l'assistance.
On assure que cette abstention, qui
est rigoureuse, se produit annuellement
depuis tantôt quinze ou dix-huit années.
Elle date du jour où le 1 ycées'avisàM'at-
tribuer au cours de religion protestante
les mêmes récompenses que celles dont
le cours de religion catholique avait été
seul favorisé jusqu'alors. Est-ce une rai-
son suffisante à 1 aumônier pour refuser
à ses élèves la joie d'être couronnés de-
vant lui ?
Vous me direz qu'entre cette absten-
tion systématique du clergé nantais et
le refus du général Espivent, il n'y a pas
le moindre rapport.
Je suis bien de votre avis : çajn'a) pas
le moindre rapport. 1
FRANCISQUE SARCEIT Î
—————————— ——————————
Nouvelles d'Orient
Berlin, 3 novembre.
D'après dea avis de Saint-Pétersbourg, le
czar Alexandre, avançant son retour dans sa
capitale, partirait de Livadia à la fin de cette
semaine pour arriver à Saint-Pétersbourg 1$
11 novembre.
Raguse. 2 novembre.
La Turquie ayant accepté un armistice, l'an-
cienne commission de pacification composés
de consuls étrangers et délégués turcs réunis
à Mostar, s'est dissoute aujourd'hui.
St-Pétersbourg. 2 novembre.
Vultimatum de la Russie a été provoqué par
l'état de l'armée serbe.
L'armistice accordé par la Turquie est de
deux mois sans condition aucune.
Les Turcs occupent Deligrad,
L'ambassadeur de Turquie à St-Pétersbourg
est parti aujourd'hui en congé pour deux mois,
pour cause de maladie. Il se rend à Vienne.
Il est probable qu'il ne reviendra pas ici.
Sain t-Pélersbourg, 2 novembre.
Un supplément du Messager du gomewgment,
publié ce soir à une heure avancée^contient
une dépêche du général Ignatieff annonçant
que la Porte s'est déclarée prête a conclure uu
armistice de deux mois à partir d'hier èt que
les commandants en chef des troupes turques
ont reçu l'ordre de suspendre immédiatement
les hostilités sur toute 1 étendue du théâtre de
la guerre. ;
Londres, 3 novembre.
Le Moming-Posl croit savoir que .le gouver-
nement russe, après l'acceptation de Tarmis-
tice par la Turquie, a pris sur-le-champ des
mesures pour presser la solution des autres
questions pendantes, sur la base-des proposi-
tions anglaises.
Le Morninfi Post fait aussi connaitré que
l'enquête officielle réduit à 3,100 le, nombre
des habitants massacrés par les Turcs en - But-
garie.
Le Daily Telegraph publie la dépêche ui.
vante de Berlin (que nous reproduisons sou*
toutes réserves) :
« Dans les cercles politiques«rt- »e croit pa<
que l'acceptation d« J'al'rnisLice empêche la
guerre d éclater entre la Russie et la Turqu.
On craint que la Russie ne demande que les
troupes ottomanes évacuent entièrement la
Serbie : la Porte n'accepterait jamais des ter-
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.25%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.25%.
- Auteurs similaires Chadeuil Gustave Chadeuil Gustave /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Chadeuil Gustave" or dc.contributor adj "Chadeuil Gustave")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k7557349f/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k7557349f/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k7557349f/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k7557349f/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k7557349f
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k7557349f
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k7557349f/f1.image × Aide