Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1876-08-29
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 29 août 1876 29 août 1876
Description : 1876/08/29 (A6,N1723). 1876/08/29 (A6,N1723).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7557282q
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
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JOURNAL lÊPUlMCAM CONSSRVATKCE
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la 1t'dactiu
de 2 heures à minuit
BSc lfUe de JL&aïîyett®» B@
la kara non affranchies seront refusé#
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PARIS
Trois mois. Six moi3..*.»*».*.><. 25
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Annonces, chez MM. LAGRANGB, GBRF et V,
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MM. les Souscrlptears dont
l'aboonement expire le 31 août
sont priés de le renouveler
Immédiatement, s'ils ne veulent
point éprouver de retard dans
la réception du Journal.
Toute demande de changement d'a-
dresse doit être accompagnée de l'une
des dernières bandes imprimées, et de
60 centimes pour frais de nouvelles
bandes.
Toute demande de changement d'a-
dresse de Paris pour les départements
doit être accompagnée, en outre des
60 centimes ci-dessus, du montant des
frais de poste, calculés à raison de
4 centimes par jour, soit 1 fr. 20 par
mois.
BULLETIN
Paris, le 28 août i876.
Le Journal officiel d'hier matin publie
un décret en vertu duquel il sera procédé,
avant l'expiration de Tannée 1876, au re-
censement de la population. i
Le Journal officiel publie aussi une cir-
culaire de M. le garde dei sceaux, relative
à l'institution d'un comité chargé de signa-
er au ministre les travaux et les mérites
les plus saillants dans la jeune magistra
ture.
Nous appelons tout particulièrement l'ai
tention de nos lecteurs sur une dépêche da-
tée de Paratchin, que nous adresse notre
collaborateur Liébert. Il nous annonce une
grande victoire des Serbes sur les Turcs,
qui ont été repoussés jusqu'à Nisch. ,
Le général Tchernaïeff avait promis la
victoire ; il a tenu parole. Aussi nous éton-
nons-nous d'autant plus que le prince Mi-
lan ait choisi ce moment pour demander
la paix. L'a-t-il réellement demandée ! Nous
n'avons pas encore reçu la confirmation
officielle de cette nouvelle.
Pour le Nord la question ne fait pas de
doute, et nous croyons devoir reproduire
les commentaires dont il accompagne la
démarche du prince Milan.
« Si les Serbes, ., dit la feuille officieuse
russe, ont pris l'initiative de la paix, ce
n'est point qu'ils se sentent incapables de
continuer la lutte avec des chances de suc-
cès ; c'est parce qu'ils savent que la conti-
nuation de la guerre n'aurait pas de raison
d'être et n'aboutirait qu'à une stérile effu-
sion de sang. La Serbie avait la conviction
— et nous croyons que cette conviction
était fondée, — que la Porte voulait cher-
cher dans la principauté un dérivatif à l'in-
surrection de la Bosnie et de l'Herzégovine,
écraser la nation serbe et rétablir la tran-
quillité dans les provinces insurgées par la
terreur résultant de cet écrasement, qui
eût été le complément des épouvantables
massacres de Bulgarie. La Serbie a prouvé
qu'elle n'est pas aussi facile à écraser que
* le gouvernement turc se l'imaginait. Que
voudrait-elle de plus? Qu'obtiendrait elle
par une prolongation de la guerre, alors
même que celie-ci ne dût être pour elle
qu'une succession de victoires éclatantes ?
Elle sait que l'Europe opposerait son veto
à une guerre de conquêtes, et que les vic-
toires mêmes lui coûteraient des sacrifices
considérables en hommes et en argent, et
ne lui rapporteraient qu'un profit problé-
matique. Ces considérations expliquent
amplement la détermination prise à Bel-
grade; avec moins de sagesse, et s'il s'était
laissé aller à caresser des utopiu que les
derniers événements militaires pouvaient
permettre dans une certaine mesure, le
gouvernement serbe se serait peut-être
abstenu da faire les premières démarches
pour la cessation des hostilités. Il a re-
pous é cette idée ; il n'a pas voulu créer
de nouvelles difficultés à l'Europe. »
C'est là, il faut l'avouer, un plaidoyer
assez embarrassé et qui suffirait à confir-
mer les doutes que nous exprimions hier.
La démarche du prince Milan est sans
contredit le résultat d'une intrigue diplo-
matique,ou plutôt un acte d'obéissance à des
ordres qu'il ne pouvait pas enfreindre. Par
une singulière coïncidence, en même temps
que le prince Milan demandait la paix, le
prince de Bismarck appelait auprès de lui
à Berlin les ambassadeurs allemands près
les cabinets de Rome, de Londres et de
St-Pétersbourg.
Le chancelier de l'empire d'Allemagne
serait-il sur le point de décider s'il fera
pencher la balance du côté de l'Angleterre
ou de la Russie pour le règlement de la
question d'Orient ?
- .4>-
PETITE BOURSE DU DIMANCHE
Boulevard des Italienl.
Trois heures.
5 0/0, 106 fr. 37 1/2.
5 0/0 Turc, 13 fr. 40.
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—— ——— ——————
VICTOIRE DES SERBES
à Alexlnatz
Notre collaborateur M. E. Liébert nous
adresse la dépêche suivante : -. s
Paratchin, 26 août, 2 heures.
La victoire des Serbes à Alexinatz
est complète.
Les Tares ont été rejetés en déroute
dans Nisch.
Tout le sud-est de la Serbie est éva-
cué jusqu'à Mali-Yvor.
La bataille a été sanglante surtout
pour les Tares.
Plus de mille cadavres turcs, ramas-
sés sur le terrain, sont brûlés aujour-
d'hui à Supoyatz. E. LIÉBERT.
E. LIEBERT.
Les informations de notre collaborateur et
ami sont confirmées par les dépêches sui-
vantes de l'agence rosse :
St-Pétersbourg, 26 août, 12 h. soir.
Le Monde russe avait raison. Des télé-
grammes sérieusement autorisés annoncent
que jeudi, sixième jour de combat, les
Turcs, croyant lei Serbes épuisés, ont pré-
senté une ligne de bataille en rase campa-
gne. Tchernaïeff et les officiers russes pro-
fitèrent de l'occasion pour rallier les Sar-
bes, commander en avant et se jeter sur
l'ennemi à l'arme blanche.
Les Turci surpris furent battus, Hor-
vatovich, arrivant de Tresibaba, les prit
en flanc et changea leur défaite en déroute.
L'ennemi a été rejeté sur le territoire turc.
Les télégrammes 1er bel déclarent que
les volontaires russes se sont conduits en
héros.
La victoire des Serbes cause une grande
satisfaction à St-Pétersbourg.
Saint-Pétersbonrg, 27 août 1876, 8 h. m.
Le gouvernement serbe mande officiel-
lement les nouvelles suivantes :
« Le sixième jour de combat a été cou
ronné par une victoire importante obtenue
sur un ennemi plus nombreux du double.
» Les Turcs avaient essayé de fortifier
leurs lignes, mais ils en furent empêchés
par les nôtres, et durent accepter le com-
bat en rase campagne.
» Ils ont été complètement défaits, et se
sont enfuis en arrière de Katoun, évacuant
tout le terrain compris entre Saint Etienne
et la Morava, abandonnant une quantité
considérable de munitions et d'artillerie.Le
champ de bataille est couvert de morts et
de blessés.
» La fatigue de ces six jours de lutte a
seule empêché les vainqueurs de poursui-
vre plus loin l'ennemi, qui avait construit
quelques retranchements sur la rive gau-
cha de la Morava.
» L'armée serbe est dans l'enthou-
siasme. »
Nous l'avons dit et répété souvent
depuis le premier jour de cette guerre
orientale : il faut s'attendre à tout, et
particulièrement à l'imprévu. Rien de
plus imprévu que la demande d'armis-
tice soumise aux consuls étrangers par
le prince Milan, sinon la victoire écla-
tante de ce général russe que l'étran-
ger et peut-être la Serbie elle-même
commençaient à tenir - en suspicion
comme un nouveau Bazaine. Tchernaïeff
enveloppé depuis tantôt un mois dans
un nuage impénétrable, en sort avec le
bruit et l'éclat de la foudre. Les Serbes,
ses soldats, révèlent, dans une grande
action en rase campagne, des qualités
militaires de premier ordre. Mal prépa-
rés, on ne le sait que trop, mal équipés,
mal armés, ils luttent victorieusement
contre des forces supérieures à tous les
points de vue. Ainsi la fortune tardive
couronne les efforts d'un petit peupla de
1300,000 âmes qui amis 200,000soldats
oumilicïens sur pied. Si nous en avions
fait autant, proportion gardée, dans la
guerre de 1870, c'est une armée de huit
millions d'hommes que l'Allemagne au-
rait trouvée chez nous ! Il est au
moins probable que la victoire d'Alexi-
uatz interrompra le cours des négocia-
tions, si tant est qu'un armistice ait été
demandé par la Serbie. On commençait à
dire hier soir que la paix n'avait
pas été proposée aux consuls par le
prince Milan, mais bien par les consuls
à ce jeune homme, qui avait demandé
du temps pour y penser. Dans tous les
cas, il est certain, d'après les télégram-
mes de Constantinople, que la Porte n'a-
vait rien accordé, qu'elle imposait
comme première condition de l'armis-
tice une démarche humiliante au prince
de Serbie, et que par conséquent rien
n'était fait.
Si la Serbie maintient ses avantages
une quinzaine de jours, l'effet moral
des massacres de Bulgarie sera perdu
pour les Omanlis. Les rayas, un mo-
ment paralysés par la terreur, renaî-
tront au courage; l'élément grec, qui
n'a pas dit son dernier mot, soulèvera
la Crète, l'Epire et la Thessalie.
N'oublions pas que dans cette crise
formidable , le gouvernement turc ,
sans argent, sans crédit, réduit au
triste expédient du papier-monnaie,
se compose d'un sultan malade d'es-
prit, d'une femme , la sultane va-
lidé, et d'un grand-vizir rétrograde et
têtu, MehemedRuchdi Pacha, que ses
deux ou trois collègues libéraux nom-
ment entre euxiieillard sinistre. Une
révolution à Constantinople est prévue,
annoncée deux ou trois fois par se-
maine par tous les hommes qui ont des
yeux pour voir. Nous aurons peut-être
à compter avec le fanatisme musul-
man, qui est capable de nous éton-
ner, lui aussi, par quelque convulsion
héroïque. Mais si la guerre sainte est
proclamée, si le sabre d'Osman sort du
fourreau, toutes les nations de l'Europe
et l'Angleterre elle-même seront fata-
lement entraînées à venger le sang
chrétien.
Nous ne touchons donc pas, comme
les optimistes le déclaraient hier, à la
fin d'une petite guerre, mais plutôt, j'en
ai peur, au commencement d'une grande
et terrible liquidation.
ABOUT.
+ —————
UN PRONUNCIAMIENTO
Jeudi soir, 24 août, M. l'évêque d'Arras
recevait à sa table le conseil général du
Pas-de Calais, dont plusieurs membres sont
députés siégeant à gauche ou au centre
gauebe de la Chambre.
Il y avait ausu les autorités de la ville.
Les toasts d'ulage avaient été portés
dans les termes les plus corrects et les plus
acceptables pour toutes les opinion., lors-
que tout-à-coup le général Maurice, com-
mandant la subdivision d'Arras, prit la
parole :
« Je ferais peut être mieux de me taire,
» dit le général, mais je ne veux pas quit-
» ter cette table sans porter un toast à la
» résurrection des aumôniers militaires
» supprimés par la Chambre. J'exprime
» donc le vœu que le Sénat défende une
» institution utile au développement des
» sentiments catholiques de l'armée.
Les invités s'étant répandus dans les sa-
lons, M. Florent-Lefebvre, député républi-
cain J» l'arrondissement d Arras, prenant
à part le général Maurice, lui fit observer
qu'un officier chargé de maintenir l'ordre
au nom du gouvernement, obligé comme
tel de défendre les institutions constitution-
nelles, ne pouvait dans une réunion offi-
cielle lancer une protestation contré un
vote de la Chambre des députés et faire ap-
pel à un conflit entre les pouvoirs public..
« Cela, dit il, constitue une grave in-
» convenance. »
Le général prétendit qu'on l'insultait !
— Non pas, répondit le député, mais j'ai
le droit de m'exprimer à votre tfgard avec
autant de franchise que vous en avez pu
montrer vous même ; votre manifesta-
tion cléricale n'était pas convenable dans
une réunion où vous vous rencontriez avec
des membres de la Chambre.
Voilà le fait dans toute sa sincérité.
Sera-t-il permis à un s gant .supérieur du
pouvoir de blâmer les résolutions de la
Chambre en public et dans des réunions
officielles !
Que signifient cu pronunciamientos t
Sommes-nous en Espagne ou en France Y
:—
L'ARSENAL DE LA DÉVOTION
M. Paul Parfait vient de publier sous
ce titre un livre où se trouve ramassé
et mis dans son jour tout un côté de la
polémique que nous soutenons ici même
depuis deux ans. Il a rassemblé dans un
assez court volume toutes les pratiques
superstitieuses qu'a inventées en ce der-
nier quart de siècle l'ingénieuse dévo-
tion des jésuites, et il a dit, en citant
à chaque pas ses auteurs, l'efficacité
que l'on attachait à chacune d'elles.
C'est à ces messieurs qu'il a emprun-
té son titre, qui est significatif. Le
père de Boylewe a composé une ma-
nière de petit pamphlet, le Mois du
Sacrè-Coeur de Jésus, qui en est au-
jourd'hui à sa soixante-et-onzième édi-
tion, ce qui ne fait guère moins de six
cent mille exemplaires vendus. Dans
cet opuscule, qui est un cri de guerre
contre la société moderne, le révérend
père présente l'œuvre du Sacré-Cœur
comme une croisade, et de sa grâce,
il arme tous ceux qui s'y affilient : che-
valiers du Sacré-Cœur.
« Les armes du Sacré-Cœur sont,
dit-il, le crucifix, l'image du cœur de
Jésus, le scapulaire, la médaille de la
Sainte-Vierge et le chapelet.
» Le crucifix, c'est l'étendard; re-
gardez le souvent, et baisez le avec
respect.
» L'image, du cœur de Jésus, c'est le
bouclier ; inscrivez-y votre devise, et en
face de l'ennemi répétez avec une sainte
audace : Arrête ! le cœur de Jésus est
avec moi.
» Le scapulaire y c'est la cuirasse.
Soyez fidèle à porter cette glorieuse li-
vrée (une cuirasse qui est une livrée!).
Marie ne permettra pas que la mort
vous surprenne dans le péché mortel,
et vous serez préservé de l'enfer.
» La médaille de VImmaculée-Con
ception, c'est la décoration. Soyez-en
fier et dites souvent : 0 Marie, conçue
sans péché, priez pour nous qui avons
recours à vous !
» Le chapelet, c'est l'artillerie. Par le
chapelet, les chrétiens ont exterminé
les plus formidables ennemis de l'Eglise
et de la société. »
Cette série d'images est poursuivie
avec complaisance par les pieux au-
teurs de ces opuscules. Telle médaille
joue le rôle d'un pistolet, telle prière
passe à l'usage de casse-tête.MgrGaume
qui voit dans le signe de la croix une
arme de précision, et qui compare l'eau
bénite à une armure, va jusqu'à nom-
mer Dieu « le divin armurier. »
C'est à travers ce singulier arsenal de
la dévotion, ce magasin d'accessoires
tout plein de mystère pour la masse du
public, qu'il a paru curieux à notre spi-
rituel confrère de porter la lumière.
Tel qui connaît ces amulettes, pour les
avoir aperçues, pendantes ou étalées à
quelque pieuse vitrine, en ignore le plus
souvent le but et l'histoire. Tel qui s'en
laisse affubler n'en sait guère mieux
l'usage.
Les lecteurs de ce journal sont plus
familiarisés que bien d'autres avec ce
ramas de superstitions ridicules; nous
avons si souvent pris à partie toutes les
brochures ineptes dont la propagande
cléricale inonde la France, et qui ne
sont la plupart du temps que des pros-
pectus destinés à achalander les bouti-
ques d'amulettes ! Nous avons tant de
fois signalé ces fétiches du néo-paga-
nisme clérical, pour en montrer le pro-
digieux ridicule !
Et cependant, même pour vous qui
n'avez plus grand chose à apprendre
sur le prodigieux fourmillement de ces
superstitions et de ces niaiseries, ce
livre aura un vif intérêt.
Vous verrez-là, dans un résumé très-
substantiel, tout ce que le génie du jé-
suitisme a pu imaginer pour soutirer
leur argent aux fidèles. Quand on par-
court ce volume, on reste confondu de
la bêtise du troupeau humain ; on ne
sait ce qu'il faut le plus admirer ou
de la crédulité des uns ou du charlata-
nisme des autres. *
Paul Parfait consacre un chapitre à
chacune de ces inventions, dont on
pourrait dire avec vérité ce que Béran-
ger chantait jadis des saints, qui font
pleuvoir l'argent dans les troncs :
C'est leur plus grand miracle.
Il commence par les eaux pieuses,
qui sont en si grande vogue à cette
heure, et dont le débit est immense.
Vous remarquerez que la Sainte-Vierge
a l'attention délicate de ne jamais se
montrer qu'au bord d'une source ou
d'une rivière, dont l'eau se puisse met-
tre en bouteilles. Après les eaux pieuses,
les images ; puis les chapelets ; les sca-
pulaires ; les médailles ; les cordons ;
les statuettes ; les chaînes de sûreté;
les amulettes locales; les défroques
miraculeuses ; les cierges et les lampes ;
les prières spéciales ; les neuvaines ;
les vœux ; les correspondances avec les
saints ; les agnus Dei, et enfin, pêle-
mêle, une foule de pratiques qui n'ont
pas trouve leur place sous toutes ces
rubriques, et qui sont entassées toutes
ensemble dans un chapitre dernier in-
titulé : Olla podrida.
Ai-je besoin de dire que l'eaicaciié
de chacune de ces pratiques est attestée
par un nombre infini de miracles? On
pourrait, en lisant les citations du livre
de Paul Parfait, le soupçonner d'avoir
à dessein choisi les plus grotesques. Il
n'en est rien. J'en sais quelque chose,
moi, qui, depuis deux ans, suis enfoncé
dans la lecture de ces dévots opuscules :
Semaines religieuses, Annales de
piété, traités de toutes sortes. Vies des
Saints, sans parler des journaux soi
disant religieux. Les auteurs de ces fa*
daises ont perdu le sentiment du ri-
dicule.
Que ce soit par bêtise naïve ou de
dessein formé, ils content avec une in-
génuité sans paieille les extravagances
les plus idiotes, et ils le font dans un
style d'une navrante platitude. C'est
un de mes étonnements que des femmes
du monde, qui ne manquent point d'es-
prit souvent, puissent lire ces inepties
sans que leur cœur se soulève de dé-
goût, ou tout au moins sans que le sou-
rire leur vienne aux lèvres. Après
cela, peut être ne les lisent elles point.
Les brochures traînent sur leur table,
comme une enseigne de dévotion. Elles
se gardent bien d'y mettre le nez.
Je pencherais à croire qu'il en est
ainsi ; car il n'y a pas un de ces petits
ouvrages où l'on ne voie sans cesse la
prétendue science des médecins décon-
certée par le miracle. C'est à tout bout
de champ un malade abandonné du doc-
teur, qui guérit instantanément par
l'application d'un morceau d'étoffe sa-
crée, par l'intervention d'un saint ou de
la Vierge. Eh bien ! les mères n'en con-
tinuent pas moins, quand leur enfant a
la fièvre, d'envoyer chercher le méde-
cin, dont les remèdes sont toujours si
parfaitement inutiles. Il est vrai que
Louis Veuillot va tous les ans à Plom-
bières, et que les villes d'eaux sont en-
combrées d'estimables ecclésiastiques
qui préfèrent les sources sulfureuses
d'Uriage ou d'Enghien aux fontaines
miraculeuses de Lourdes ou de la Sa.
lette.
Je vous en prie, vous qui ne soup-
çonnez pas à quel degré de sottise et
d'extravagance peut traîner la croyance
au surnaturel, achetez et lisez le livre
de Paul Partait. Si vous n'êtes pas guéri
de votre superstition, c'est que vous
êtes incurable, et nous n'avons pas d'eau,
nous, pour opérer un miracle.
FRANCISQUE SAROBY.
Lettre de Turquie
Constantinople, 21 août.
Abstraction faite des faits de guerrequi
sent sans douta mieux connus à Paris
qu'ici, les choies saillantes du moment se
réduisant à trois ou quatre points :
, La maladie du sultan ;
L'émission du papier-monnaie (caïmé);
La réorganisation du conseil d'Etat ;
L'institution d'une commission de ré-
formes.
La maladie du sultan semble prendre
une tournure un peu plus favorable. Sous
j'influence du traitement recommanda par
Feuilleton du XIX. S 1 ACLB
:
Du 29 août 1876.
CAUSERIE
DRAMATIQUE
Tout le mouvement dramatique de la
semaine se borne à la reprise du -Pa.
nache au Palais-Royal. Cependant la
température s'est considérablement
abaissée, et si la population de Pa-
ris ne s'est pas encore sensiblement
accrue, ceux de ses habitants qui ne
s'en sont point éloignés ou qui y sont
revenus après une courte absence
doivent éprouver le besoin d'un plaisir
cher aux Parisiens, celui du théâtre.
Ils en ont été assez privés pendant
toute la durée, - et elle a été longue,
— de ces terribles chaleurs, qui ren-
daient la fréquentation des salles de
spectacle à peu près impossible.
Mais nous sommes ainsi; quand il
fait froid, on se figure qu'on ne cessera
jamais de grelotter ; quand il fait
chaud, on s'imagine qu'on rôtira tou-
jours.
Les directeurs se sont laissé prendre
au dépourvu. Rien n'est prêt encore
pour faire au public les honneurs des
soirées attrayantes; -- • 'l. ;
D'ièl à huit jours, presque tous les
théâtres, aujourd'hui fermés, aaront
fait leur réouverture. ,.-'
L'Opéra-Comique, l'Odéon,le Théâtre-
Lyrique, le Vaudeville, les Bouffes, la
Renaissance, les Folies-Dramatiques, le
Château d'Eau, etc., annoncent leur ré-
surrection prochaine. La lumière, le
bruit, l'activité, la vie vont revenir
dans ces sombres édifioes. La parole hu-
maine, le son des instruments, le brou-
haha des foules vont résonner de
nouveau sous ces voûtes silencieuses,
noyées dans une obscurité où trem-
blote la lueur rougeâtre du quinquet de
la servante au pied de laquelle médite
le pompier de garde.
Le temps n'a pas manqué, les entre-
prises dramatiques ont pu préparer à
l'aise leurs moyens de combat, la cani-
cule leur a fait des loisirs, aussi vont-
elles se signaler sur toute la ligne.
par des reprises !
C'est vraiment extraordinaire à quel
point les théâtres sont devenus chiches
de pièces nouvelles! Je ne puis vraiment
pas croire qu'ils en chôment si terrible-
ment.
l. Les directeurs se plaignent de la pé-
nurie d'auteurs et d'artistes,qui rendra
dans un avenir prochain l'exploitation
de leur industrie extrêmement difficile.
Mais il me semble qu'ils pourraient bien
s'ingénier un peu et tenter quelques ef-
forts pour conjurer le péril.
Je sais bien que le mauvais pli vient
dé plus haut et qu'ils ne font que suivre
les exemples d'imprévoyance et d'indif-
férence dont l'Etat lui-même fait preuve
dans les questions qui intéressent l'art
dramatique. Il donne gratuitement une
salle vaste et magnifique et subven-
tionne Un théâtre qui s'appelle second
Théâtre-Français i précisément pour que
ce théâtre soit une pépinière d'auteurs
et d'artistes, pour que les essais de
toute sorte, pour que toutes les tentati-
ves s'y produisent : à force d'essayer
et d'expérimenter, que diable ! il sorti-
rait bien de temps en temps quelque
chose : Qui s totam diern jdculans non
aliquando collineet ? Quand on tire dans.
la plaque du matin au soir, il arrive
bien quelquefois que l'on met dans le
mille.
Eh bien! ce théâtre est un théâtre
comme tous les autres et n'agit pas au-
trement que les autres : il se soucie de
son institution comme un poisson d'une
pomme,et l'Etat de son côté oublie com-
plètement que l'entreprise n'a pas d'au-
tre titre à ses faveurki et à l'argent des
contribuables que cette mission dont elle
ne tient absolument aucun compte.
Mais généralement les intérêts parti-
culiers sont de composition moins fa-
cile que ces bons intérêts généraux, ha-
bitués à se laisser, sans sourciller, mar-
cher sur le ventre.
Les directeurs des théâtres libres
pourraient se faire eux-même leurs pro-
pres recruteurs et se transformer, pen-
dant les b-ois mois de l'année où ils
doivent renoncer à l'espoir de balancer
leurs frais par leurs recettes, en Odéons
volontaires et d'autant plus zélés dans
leurs efforts que chacun s'escrimerait
pro domo sud. - * - ••••• •
Je voudrais donc qu'une fois juin
venu, lesr théâtres déclarassent la sai-
son d'été ouverte, que le prix des pla-
ces fût fortement diminué, que les
spectacles plus courts ne commençassent
plus qu'à huit heures, et que la carrière
fût ouverte aux auteurs nouveaux, aux
pièces douteuses et aux débuts d'artistes.
Je comprendrais parfaitement, — et
il faudrait en effet que cela fût,— que
les théâtres réduisissent leurs frais
autant que possible et que les auteurs
dussent -se contenter des ressources
offertes par les magasins; mais tout
le monde serait prévenu des conditions
du nouveau régime et personne n'aurait
le droit de se plaindre. Même avec ces
ressources limitées, il est bien certain
que les théâtres feraient de leur mieux
pour oontenter les auteurs et le public.
On ne ferait là d'ailleurs que le ser-
vice que l'on fait en province et en
Russie : on jouerait une pièce tous les
quinze jours, à moins qull ne s'en trou-
vât une dont le succès particulier valût
une prolongation de durée.
Cela ne prendrait pas plus de temps
et ne donnerait pas plus de peine que
le système des reprises, qui regarde
vers le passé au lieu de regarder vers
l'avenir, et dont la stérilité est abso
lue, puisqu'on n'y court jamais l'heu-
reuse chance d'une révélation.
Je me répète, je le sais bien, mais si
je dis toujours la même chose, c'est que
c'est toujours la même chose, et si ce
n'était pas toujours la même chose, je
ne dirais pas toujours la même chose.
Je suis convaincu que les directeurs
pourraient exercer une influence effec-
tive et heureuse sur la production dra-
matique, et je regrette qu'ils ne fas-
sent rien pour cela.
Il y a diverses catégories d'auteurs
qui pourraient travailler utilement pour
le théâtre : les auteurs nouveaux, dont
l'éducation est à faire et pour lesquels
la représentation d'une pièce est le
meilleur enseignement ; ceux que j'ap-
pellerai les irréguliers dont la compo-
sition dramatique n'est pas l'occupation
exclusive, qu'un succès peut pousser au
travail, que des refus éloignent pour
longtemps ou pour toujours, et, enfin,
les découragés, c'est-à-dire des auteurs
de profession, qui peuvent se tromper,
sans doute, mais qui, victimes d'ure
appréciation trop rigoureuse ou même
d'une méprise, perdent confiance à
leur tour, demandent parfois à un autre
travail une compensation ou une con
solation, et, dans tous les cas, renon-
cent à de nouvelles tentatives.
Il y a là des éléments très-divers dont
il serait certainement possible de tirer
parti, ai l'on voulait bien s'en donner la
peine, et surtout ne pas s'aheur-
ter à l'idée fixe d'avoir un succès égal
à celui dont un hasard heureux ou un
concours de circonstances fortuites aura
favorisé le voisin.
La plupart des directeurs passent
leur temps à mettre en action la fable
du Héron : ils dédaignent les tanches
et les goujons et finissent par être for-
cés de se contenter des limaçons, qui,
ne leur remplissent guère la panse:
On hasarda de perdre en voulant trop çagnar :
- Gardez-vous de rien dédaigner.
Rien, c'est trop dire; mais en atten-
dant le quine fortuné d'une Fille Angot
ou d'un Tour du Monde, et même en
le cherchant, - ce qui est assurément
très-légitime, - je * creis qu'il serait
sage de jouer la moyenne, et, sans
perdre de vue la grosse affaire, de ne
laisser point de se préoccuper un peu
du pain quotidien et du blé de l'ave-
nir.
Car remarquez bien que ce ne sont
pas précisément des chefs-d'œuvre que
les directeurs demandent, — les plus
grands succès, les plus productifs du
moins, sont loin de répondre à ce signa.
lement; — non, ce qu'ils veulent ; c'est
la pièce chanceuse. C'est-à-dire quelque
chose dont l'appréciation devient extrê-
mement incertaine et arbitraire.
Pourquoi la Fille de Madame Angot
a-t-elle fourni ces représentations in-
nombrables ? Et pourquoi le Touv du
Monde ? N'y avait-il jamais rien eu de
si merveilleux, de si original, de si spi-
rituel, de si absolument réussi! Si,
vraiment; il existe nombre de choses
qui ne le cèdent en rien à ces deux types
du succès phénoménal ; car il n'y a en
vérité de phénoménal dans tout cela
que le succès lui-même.
Les auteurs dont le crédit est sûr
et qui, s'ils n'apportent pas absolu-
1 ment avec eux la garantie des succès
surnaturels, peuvent du moins affirmer
Mardi M ÂiOlii tifl
E
JOURNAL lÊPUlMCAM CONSSRVATKCE
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la 1t'dactiu
de 2 heures à minuit
BSc lfUe de JL&aïîyett®» B@
la kara non affranchies seront refusé#
mMIMMTi
PARIS
Trois mois.
Un an.«..<.<. W
DÉPARTEMENTS
Trois mois 1
Six mois.4. 3vv
Un an • ei*ea«4«at* £ 4^
ÀLmmomomt chez MM. LAGRANGE, CERFW],
®„ pplaca <&? R& MOmoM it
ADMINISTRATION
àdresser lettres et mandats à l'Administras®»?
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&s* manuscrit! non insérés III sermt pu, fflft
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Trois mois..,. 13 fr.
Six MOÏsié 25
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Trois mois.,.. 16 iFSix mois 12
Un ajQu«é«49..S'>*eàc4*& a
-
Annonces, chez MM. LAGRANGB, GBRF et V,
<8, fltlaM de la Memrmm, œ
MM. les Souscrlptears dont
l'aboonement expire le 31 août
sont priés de le renouveler
Immédiatement, s'ils ne veulent
point éprouver de retard dans
la réception du Journal.
Toute demande de changement d'a-
dresse doit être accompagnée de l'une
des dernières bandes imprimées, et de
60 centimes pour frais de nouvelles
bandes.
Toute demande de changement d'a-
dresse de Paris pour les départements
doit être accompagnée, en outre des
60 centimes ci-dessus, du montant des
frais de poste, calculés à raison de
4 centimes par jour, soit 1 fr. 20 par
mois.
BULLETIN
Paris, le 28 août i876.
Le Journal officiel d'hier matin publie
un décret en vertu duquel il sera procédé,
avant l'expiration de Tannée 1876, au re-
censement de la population. i
Le Journal officiel publie aussi une cir-
culaire de M. le garde dei sceaux, relative
à l'institution d'un comité chargé de signa-
er au ministre les travaux et les mérites
les plus saillants dans la jeune magistra
ture.
Nous appelons tout particulièrement l'ai
tention de nos lecteurs sur une dépêche da-
tée de Paratchin, que nous adresse notre
collaborateur Liébert. Il nous annonce une
grande victoire des Serbes sur les Turcs,
qui ont été repoussés jusqu'à Nisch. ,
Le général Tchernaïeff avait promis la
victoire ; il a tenu parole. Aussi nous éton-
nons-nous d'autant plus que le prince Mi-
lan ait choisi ce moment pour demander
la paix. L'a-t-il réellement demandée ! Nous
n'avons pas encore reçu la confirmation
officielle de cette nouvelle.
Pour le Nord la question ne fait pas de
doute, et nous croyons devoir reproduire
les commentaires dont il accompagne la
démarche du prince Milan.
« Si les Serbes, ., dit la feuille officieuse
russe, ont pris l'initiative de la paix, ce
n'est point qu'ils se sentent incapables de
continuer la lutte avec des chances de suc-
cès ; c'est parce qu'ils savent que la conti-
nuation de la guerre n'aurait pas de raison
d'être et n'aboutirait qu'à une stérile effu-
sion de sang. La Serbie avait la conviction
— et nous croyons que cette conviction
était fondée, — que la Porte voulait cher-
cher dans la principauté un dérivatif à l'in-
surrection de la Bosnie et de l'Herzégovine,
écraser la nation serbe et rétablir la tran-
quillité dans les provinces insurgées par la
terreur résultant de cet écrasement, qui
eût été le complément des épouvantables
massacres de Bulgarie. La Serbie a prouvé
qu'elle n'est pas aussi facile à écraser que
* le gouvernement turc se l'imaginait. Que
voudrait-elle de plus? Qu'obtiendrait elle
par une prolongation de la guerre, alors
même que celie-ci ne dût être pour elle
qu'une succession de victoires éclatantes ?
Elle sait que l'Europe opposerait son veto
à une guerre de conquêtes, et que les vic-
toires mêmes lui coûteraient des sacrifices
considérables en hommes et en argent, et
ne lui rapporteraient qu'un profit problé-
matique. Ces considérations expliquent
amplement la détermination prise à Bel-
grade; avec moins de sagesse, et s'il s'était
laissé aller à caresser des utopiu que les
derniers événements militaires pouvaient
permettre dans une certaine mesure, le
gouvernement serbe se serait peut-être
abstenu da faire les premières démarches
pour la cessation des hostilités. Il a re-
pous é cette idée ; il n'a pas voulu créer
de nouvelles difficultés à l'Europe. »
C'est là, il faut l'avouer, un plaidoyer
assez embarrassé et qui suffirait à confir-
mer les doutes que nous exprimions hier.
La démarche du prince Milan est sans
contredit le résultat d'une intrigue diplo-
matique,ou plutôt un acte d'obéissance à des
ordres qu'il ne pouvait pas enfreindre. Par
une singulière coïncidence, en même temps
que le prince Milan demandait la paix, le
prince de Bismarck appelait auprès de lui
à Berlin les ambassadeurs allemands près
les cabinets de Rome, de Londres et de
St-Pétersbourg.
Le chancelier de l'empire d'Allemagne
serait-il sur le point de décider s'il fera
pencher la balance du côté de l'Angleterre
ou de la Russie pour le règlement de la
question d'Orient ?
- .4>-
PETITE BOURSE DU DIMANCHE
Boulevard des Italienl.
Trois heures.
5 0/0, 106 fr. 37 1/2.
5 0/0 Turc, 13 fr. 40.
Egyptien, 245 fr.
—— ——— ——————
VICTOIRE DES SERBES
à Alexlnatz
Notre collaborateur M. E. Liébert nous
adresse la dépêche suivante : -. s
Paratchin, 26 août, 2 heures.
La victoire des Serbes à Alexinatz
est complète.
Les Tares ont été rejetés en déroute
dans Nisch.
Tout le sud-est de la Serbie est éva-
cué jusqu'à Mali-Yvor.
La bataille a été sanglante surtout
pour les Tares.
Plus de mille cadavres turcs, ramas-
sés sur le terrain, sont brûlés aujour-
d'hui à Supoyatz. E. LIÉBERT.
E. LIEBERT.
Les informations de notre collaborateur et
ami sont confirmées par les dépêches sui-
vantes de l'agence rosse :
St-Pétersbourg, 26 août, 12 h. soir.
Le Monde russe avait raison. Des télé-
grammes sérieusement autorisés annoncent
que jeudi, sixième jour de combat, les
Turcs, croyant lei Serbes épuisés, ont pré-
senté une ligne de bataille en rase campa-
gne. Tchernaïeff et les officiers russes pro-
fitèrent de l'occasion pour rallier les Sar-
bes, commander en avant et se jeter sur
l'ennemi à l'arme blanche.
Les Turci surpris furent battus, Hor-
vatovich, arrivant de Tresibaba, les prit
en flanc et changea leur défaite en déroute.
L'ennemi a été rejeté sur le territoire turc.
Les télégrammes 1er bel déclarent que
les volontaires russes se sont conduits en
héros.
La victoire des Serbes cause une grande
satisfaction à St-Pétersbourg.
Saint-Pétersbonrg, 27 août 1876, 8 h. m.
Le gouvernement serbe mande officiel-
lement les nouvelles suivantes :
« Le sixième jour de combat a été cou
ronné par une victoire importante obtenue
sur un ennemi plus nombreux du double.
» Les Turcs avaient essayé de fortifier
leurs lignes, mais ils en furent empêchés
par les nôtres, et durent accepter le com-
bat en rase campagne.
» Ils ont été complètement défaits, et se
sont enfuis en arrière de Katoun, évacuant
tout le terrain compris entre Saint Etienne
et la Morava, abandonnant une quantité
considérable de munitions et d'artillerie.Le
champ de bataille est couvert de morts et
de blessés.
» La fatigue de ces six jours de lutte a
seule empêché les vainqueurs de poursui-
vre plus loin l'ennemi, qui avait construit
quelques retranchements sur la rive gau-
cha de la Morava.
» L'armée serbe est dans l'enthou-
siasme. »
Nous l'avons dit et répété souvent
depuis le premier jour de cette guerre
orientale : il faut s'attendre à tout, et
particulièrement à l'imprévu. Rien de
plus imprévu que la demande d'armis-
tice soumise aux consuls étrangers par
le prince Milan, sinon la victoire écla-
tante de ce général russe que l'étran-
ger et peut-être la Serbie elle-même
commençaient à tenir - en suspicion
comme un nouveau Bazaine. Tchernaïeff
enveloppé depuis tantôt un mois dans
un nuage impénétrable, en sort avec le
bruit et l'éclat de la foudre. Les Serbes,
ses soldats, révèlent, dans une grande
action en rase campagne, des qualités
militaires de premier ordre. Mal prépa-
rés, on ne le sait que trop, mal équipés,
mal armés, ils luttent victorieusement
contre des forces supérieures à tous les
points de vue. Ainsi la fortune tardive
couronne les efforts d'un petit peupla de
1300,000 âmes qui amis 200,000soldats
oumilicïens sur pied. Si nous en avions
fait autant, proportion gardée, dans la
guerre de 1870, c'est une armée de huit
millions d'hommes que l'Allemagne au-
rait trouvée chez nous ! Il est au
moins probable que la victoire d'Alexi-
uatz interrompra le cours des négocia-
tions, si tant est qu'un armistice ait été
demandé par la Serbie. On commençait à
dire hier soir que la paix n'avait
pas été proposée aux consuls par le
prince Milan, mais bien par les consuls
à ce jeune homme, qui avait demandé
du temps pour y penser. Dans tous les
cas, il est certain, d'après les télégram-
mes de Constantinople, que la Porte n'a-
vait rien accordé, qu'elle imposait
comme première condition de l'armis-
tice une démarche humiliante au prince
de Serbie, et que par conséquent rien
n'était fait.
Si la Serbie maintient ses avantages
une quinzaine de jours, l'effet moral
des massacres de Bulgarie sera perdu
pour les Omanlis. Les rayas, un mo-
ment paralysés par la terreur, renaî-
tront au courage; l'élément grec, qui
n'a pas dit son dernier mot, soulèvera
la Crète, l'Epire et la Thessalie.
N'oublions pas que dans cette crise
formidable , le gouvernement turc ,
sans argent, sans crédit, réduit au
triste expédient du papier-monnaie,
se compose d'un sultan malade d'es-
prit, d'une femme , la sultane va-
lidé, et d'un grand-vizir rétrograde et
têtu, MehemedRuchdi Pacha, que ses
deux ou trois collègues libéraux nom-
ment entre euxiieillard sinistre. Une
révolution à Constantinople est prévue,
annoncée deux ou trois fois par se-
maine par tous les hommes qui ont des
yeux pour voir. Nous aurons peut-être
à compter avec le fanatisme musul-
man, qui est capable de nous éton-
ner, lui aussi, par quelque convulsion
héroïque. Mais si la guerre sainte est
proclamée, si le sabre d'Osman sort du
fourreau, toutes les nations de l'Europe
et l'Angleterre elle-même seront fata-
lement entraînées à venger le sang
chrétien.
Nous ne touchons donc pas, comme
les optimistes le déclaraient hier, à la
fin d'une petite guerre, mais plutôt, j'en
ai peur, au commencement d'une grande
et terrible liquidation.
ABOUT.
+ —————
UN PRONUNCIAMIENTO
Jeudi soir, 24 août, M. l'évêque d'Arras
recevait à sa table le conseil général du
Pas-de Calais, dont plusieurs membres sont
députés siégeant à gauche ou au centre
gauebe de la Chambre.
Il y avait ausu les autorités de la ville.
Les toasts d'ulage avaient été portés
dans les termes les plus corrects et les plus
acceptables pour toutes les opinion., lors-
que tout-à-coup le général Maurice, com-
mandant la subdivision d'Arras, prit la
parole :
« Je ferais peut être mieux de me taire,
» dit le général, mais je ne veux pas quit-
» ter cette table sans porter un toast à la
» résurrection des aumôniers militaires
» supprimés par la Chambre. J'exprime
» donc le vœu que le Sénat défende une
» institution utile au développement des
» sentiments catholiques de l'armée.
Les invités s'étant répandus dans les sa-
lons, M. Florent-Lefebvre, député républi-
cain J» l'arrondissement d Arras, prenant
à part le général Maurice, lui fit observer
qu'un officier chargé de maintenir l'ordre
au nom du gouvernement, obligé comme
tel de défendre les institutions constitution-
nelles, ne pouvait dans une réunion offi-
cielle lancer une protestation contré un
vote de la Chambre des députés et faire ap-
pel à un conflit entre les pouvoirs public..
« Cela, dit il, constitue une grave in-
» convenance. »
Le général prétendit qu'on l'insultait !
— Non pas, répondit le député, mais j'ai
le droit de m'exprimer à votre tfgard avec
autant de franchise que vous en avez pu
montrer vous même ; votre manifesta-
tion cléricale n'était pas convenable dans
une réunion où vous vous rencontriez avec
des membres de la Chambre.
Voilà le fait dans toute sa sincérité.
Sera-t-il permis à un s gant .supérieur du
pouvoir de blâmer les résolutions de la
Chambre en public et dans des réunions
officielles !
Que signifient cu pronunciamientos t
Sommes-nous en Espagne ou en France Y
:—
L'ARSENAL DE LA DÉVOTION
M. Paul Parfait vient de publier sous
ce titre un livre où se trouve ramassé
et mis dans son jour tout un côté de la
polémique que nous soutenons ici même
depuis deux ans. Il a rassemblé dans un
assez court volume toutes les pratiques
superstitieuses qu'a inventées en ce der-
nier quart de siècle l'ingénieuse dévo-
tion des jésuites, et il a dit, en citant
à chaque pas ses auteurs, l'efficacité
que l'on attachait à chacune d'elles.
C'est à ces messieurs qu'il a emprun-
té son titre, qui est significatif. Le
père de Boylewe a composé une ma-
nière de petit pamphlet, le Mois du
Sacrè-Coeur de Jésus, qui en est au-
jourd'hui à sa soixante-et-onzième édi-
tion, ce qui ne fait guère moins de six
cent mille exemplaires vendus. Dans
cet opuscule, qui est un cri de guerre
contre la société moderne, le révérend
père présente l'œuvre du Sacré-Cœur
comme une croisade, et de sa grâce,
il arme tous ceux qui s'y affilient : che-
valiers du Sacré-Cœur.
« Les armes du Sacré-Cœur sont,
dit-il, le crucifix, l'image du cœur de
Jésus, le scapulaire, la médaille de la
Sainte-Vierge et le chapelet.
» Le crucifix, c'est l'étendard; re-
gardez le souvent, et baisez le avec
respect.
» L'image, du cœur de Jésus, c'est le
bouclier ; inscrivez-y votre devise, et en
face de l'ennemi répétez avec une sainte
audace : Arrête ! le cœur de Jésus est
avec moi.
» Le scapulaire y c'est la cuirasse.
Soyez fidèle à porter cette glorieuse li-
vrée (une cuirasse qui est une livrée!).
Marie ne permettra pas que la mort
vous surprenne dans le péché mortel,
et vous serez préservé de l'enfer.
» La médaille de VImmaculée-Con
ception, c'est la décoration. Soyez-en
fier et dites souvent : 0 Marie, conçue
sans péché, priez pour nous qui avons
recours à vous !
» Le chapelet, c'est l'artillerie. Par le
chapelet, les chrétiens ont exterminé
les plus formidables ennemis de l'Eglise
et de la société. »
Cette série d'images est poursuivie
avec complaisance par les pieux au-
teurs de ces opuscules. Telle médaille
joue le rôle d'un pistolet, telle prière
passe à l'usage de casse-tête.MgrGaume
qui voit dans le signe de la croix une
arme de précision, et qui compare l'eau
bénite à une armure, va jusqu'à nom-
mer Dieu « le divin armurier. »
C'est à travers ce singulier arsenal de
la dévotion, ce magasin d'accessoires
tout plein de mystère pour la masse du
public, qu'il a paru curieux à notre spi-
rituel confrère de porter la lumière.
Tel qui connaît ces amulettes, pour les
avoir aperçues, pendantes ou étalées à
quelque pieuse vitrine, en ignore le plus
souvent le but et l'histoire. Tel qui s'en
laisse affubler n'en sait guère mieux
l'usage.
Les lecteurs de ce journal sont plus
familiarisés que bien d'autres avec ce
ramas de superstitions ridicules; nous
avons si souvent pris à partie toutes les
brochures ineptes dont la propagande
cléricale inonde la France, et qui ne
sont la plupart du temps que des pros-
pectus destinés à achalander les bouti-
ques d'amulettes ! Nous avons tant de
fois signalé ces fétiches du néo-paga-
nisme clérical, pour en montrer le pro-
digieux ridicule !
Et cependant, même pour vous qui
n'avez plus grand chose à apprendre
sur le prodigieux fourmillement de ces
superstitions et de ces niaiseries, ce
livre aura un vif intérêt.
Vous verrez-là, dans un résumé très-
substantiel, tout ce que le génie du jé-
suitisme a pu imaginer pour soutirer
leur argent aux fidèles. Quand on par-
court ce volume, on reste confondu de
la bêtise du troupeau humain ; on ne
sait ce qu'il faut le plus admirer ou
de la crédulité des uns ou du charlata-
nisme des autres. *
Paul Parfait consacre un chapitre à
chacune de ces inventions, dont on
pourrait dire avec vérité ce que Béran-
ger chantait jadis des saints, qui font
pleuvoir l'argent dans les troncs :
C'est leur plus grand miracle.
Il commence par les eaux pieuses,
qui sont en si grande vogue à cette
heure, et dont le débit est immense.
Vous remarquerez que la Sainte-Vierge
a l'attention délicate de ne jamais se
montrer qu'au bord d'une source ou
d'une rivière, dont l'eau se puisse met-
tre en bouteilles. Après les eaux pieuses,
les images ; puis les chapelets ; les sca-
pulaires ; les médailles ; les cordons ;
les statuettes ; les chaînes de sûreté;
les amulettes locales; les défroques
miraculeuses ; les cierges et les lampes ;
les prières spéciales ; les neuvaines ;
les vœux ; les correspondances avec les
saints ; les agnus Dei, et enfin, pêle-
mêle, une foule de pratiques qui n'ont
pas trouve leur place sous toutes ces
rubriques, et qui sont entassées toutes
ensemble dans un chapitre dernier in-
titulé : Olla podrida.
Ai-je besoin de dire que l'eaicaciié
de chacune de ces pratiques est attestée
par un nombre infini de miracles? On
pourrait, en lisant les citations du livre
de Paul Parfait, le soupçonner d'avoir
à dessein choisi les plus grotesques. Il
n'en est rien. J'en sais quelque chose,
moi, qui, depuis deux ans, suis enfoncé
dans la lecture de ces dévots opuscules :
Semaines religieuses, Annales de
piété, traités de toutes sortes. Vies des
Saints, sans parler des journaux soi
disant religieux. Les auteurs de ces fa*
daises ont perdu le sentiment du ri-
dicule.
Que ce soit par bêtise naïve ou de
dessein formé, ils content avec une in-
génuité sans paieille les extravagances
les plus idiotes, et ils le font dans un
style d'une navrante platitude. C'est
un de mes étonnements que des femmes
du monde, qui ne manquent point d'es-
prit souvent, puissent lire ces inepties
sans que leur cœur se soulève de dé-
goût, ou tout au moins sans que le sou-
rire leur vienne aux lèvres. Après
cela, peut être ne les lisent elles point.
Les brochures traînent sur leur table,
comme une enseigne de dévotion. Elles
se gardent bien d'y mettre le nez.
Je pencherais à croire qu'il en est
ainsi ; car il n'y a pas un de ces petits
ouvrages où l'on ne voie sans cesse la
prétendue science des médecins décon-
certée par le miracle. C'est à tout bout
de champ un malade abandonné du doc-
teur, qui guérit instantanément par
l'application d'un morceau d'étoffe sa-
crée, par l'intervention d'un saint ou de
la Vierge. Eh bien ! les mères n'en con-
tinuent pas moins, quand leur enfant a
la fièvre, d'envoyer chercher le méde-
cin, dont les remèdes sont toujours si
parfaitement inutiles. Il est vrai que
Louis Veuillot va tous les ans à Plom-
bières, et que les villes d'eaux sont en-
combrées d'estimables ecclésiastiques
qui préfèrent les sources sulfureuses
d'Uriage ou d'Enghien aux fontaines
miraculeuses de Lourdes ou de la Sa.
lette.
Je vous en prie, vous qui ne soup-
çonnez pas à quel degré de sottise et
d'extravagance peut traîner la croyance
au surnaturel, achetez et lisez le livre
de Paul Partait. Si vous n'êtes pas guéri
de votre superstition, c'est que vous
êtes incurable, et nous n'avons pas d'eau,
nous, pour opérer un miracle.
FRANCISQUE SAROBY.
Lettre de Turquie
Constantinople, 21 août.
Abstraction faite des faits de guerrequi
sent sans douta mieux connus à Paris
qu'ici, les choies saillantes du moment se
réduisant à trois ou quatre points :
, La maladie du sultan ;
L'émission du papier-monnaie (caïmé);
La réorganisation du conseil d'Etat ;
L'institution d'une commission de ré-
formes.
La maladie du sultan semble prendre
une tournure un peu plus favorable. Sous
j'influence du traitement recommanda par
Feuilleton du XIX. S 1 ACLB
:
Du 29 août 1876.
CAUSERIE
DRAMATIQUE
Tout le mouvement dramatique de la
semaine se borne à la reprise du -Pa.
nache au Palais-Royal. Cependant la
température s'est considérablement
abaissée, et si la population de Pa-
ris ne s'est pas encore sensiblement
accrue, ceux de ses habitants qui ne
s'en sont point éloignés ou qui y sont
revenus après une courte absence
doivent éprouver le besoin d'un plaisir
cher aux Parisiens, celui du théâtre.
Ils en ont été assez privés pendant
toute la durée, - et elle a été longue,
— de ces terribles chaleurs, qui ren-
daient la fréquentation des salles de
spectacle à peu près impossible.
Mais nous sommes ainsi; quand il
fait froid, on se figure qu'on ne cessera
jamais de grelotter ; quand il fait
chaud, on s'imagine qu'on rôtira tou-
jours.
Les directeurs se sont laissé prendre
au dépourvu. Rien n'est prêt encore
pour faire au public les honneurs des
soirées attrayantes; -- • 'l. ;
D'ièl à huit jours, presque tous les
théâtres, aujourd'hui fermés, aaront
fait leur réouverture. ,.-'
L'Opéra-Comique, l'Odéon,le Théâtre-
Lyrique, le Vaudeville, les Bouffes, la
Renaissance, les Folies-Dramatiques, le
Château d'Eau, etc., annoncent leur ré-
surrection prochaine. La lumière, le
bruit, l'activité, la vie vont revenir
dans ces sombres édifioes. La parole hu-
maine, le son des instruments, le brou-
haha des foules vont résonner de
nouveau sous ces voûtes silencieuses,
noyées dans une obscurité où trem-
blote la lueur rougeâtre du quinquet de
la servante au pied de laquelle médite
le pompier de garde.
Le temps n'a pas manqué, les entre-
prises dramatiques ont pu préparer à
l'aise leurs moyens de combat, la cani-
cule leur a fait des loisirs, aussi vont-
elles se signaler sur toute la ligne.
par des reprises !
C'est vraiment extraordinaire à quel
point les théâtres sont devenus chiches
de pièces nouvelles! Je ne puis vraiment
pas croire qu'ils en chôment si terrible-
ment.
l. Les directeurs se plaignent de la pé-
nurie d'auteurs et d'artistes,qui rendra
dans un avenir prochain l'exploitation
de leur industrie extrêmement difficile.
Mais il me semble qu'ils pourraient bien
s'ingénier un peu et tenter quelques ef-
forts pour conjurer le péril.
Je sais bien que le mauvais pli vient
dé plus haut et qu'ils ne font que suivre
les exemples d'imprévoyance et d'indif-
férence dont l'Etat lui-même fait preuve
dans les questions qui intéressent l'art
dramatique. Il donne gratuitement une
salle vaste et magnifique et subven-
tionne Un théâtre qui s'appelle second
Théâtre-Français i précisément pour que
ce théâtre soit une pépinière d'auteurs
et d'artistes, pour que les essais de
toute sorte, pour que toutes les tentati-
ves s'y produisent : à force d'essayer
et d'expérimenter, que diable ! il sorti-
rait bien de temps en temps quelque
chose : Qui s totam diern jdculans non
aliquando collineet ? Quand on tire dans.
la plaque du matin au soir, il arrive
bien quelquefois que l'on met dans le
mille.
Eh bien! ce théâtre est un théâtre
comme tous les autres et n'agit pas au-
trement que les autres : il se soucie de
son institution comme un poisson d'une
pomme,et l'Etat de son côté oublie com-
plètement que l'entreprise n'a pas d'au-
tre titre à ses faveurki et à l'argent des
contribuables que cette mission dont elle
ne tient absolument aucun compte.
Mais généralement les intérêts parti-
culiers sont de composition moins fa-
cile que ces bons intérêts généraux, ha-
bitués à se laisser, sans sourciller, mar-
cher sur le ventre.
Les directeurs des théâtres libres
pourraient se faire eux-même leurs pro-
pres recruteurs et se transformer, pen-
dant les b-ois mois de l'année où ils
doivent renoncer à l'espoir de balancer
leurs frais par leurs recettes, en Odéons
volontaires et d'autant plus zélés dans
leurs efforts que chacun s'escrimerait
pro domo sud. - * - ••••• •
Je voudrais donc qu'une fois juin
venu, lesr théâtres déclarassent la sai-
son d'été ouverte, que le prix des pla-
ces fût fortement diminué, que les
spectacles plus courts ne commençassent
plus qu'à huit heures, et que la carrière
fût ouverte aux auteurs nouveaux, aux
pièces douteuses et aux débuts d'artistes.
Je comprendrais parfaitement, — et
il faudrait en effet que cela fût,— que
les théâtres réduisissent leurs frais
autant que possible et que les auteurs
dussent -se contenter des ressources
offertes par les magasins; mais tout
le monde serait prévenu des conditions
du nouveau régime et personne n'aurait
le droit de se plaindre. Même avec ces
ressources limitées, il est bien certain
que les théâtres feraient de leur mieux
pour oontenter les auteurs et le public.
On ne ferait là d'ailleurs que le ser-
vice que l'on fait en province et en
Russie : on jouerait une pièce tous les
quinze jours, à moins qull ne s'en trou-
vât une dont le succès particulier valût
une prolongation de durée.
Cela ne prendrait pas plus de temps
et ne donnerait pas plus de peine que
le système des reprises, qui regarde
vers le passé au lieu de regarder vers
l'avenir, et dont la stérilité est abso
lue, puisqu'on n'y court jamais l'heu-
reuse chance d'une révélation.
Je me répète, je le sais bien, mais si
je dis toujours la même chose, c'est que
c'est toujours la même chose, et si ce
n'était pas toujours la même chose, je
ne dirais pas toujours la même chose.
Je suis convaincu que les directeurs
pourraient exercer une influence effec-
tive et heureuse sur la production dra-
matique, et je regrette qu'ils ne fas-
sent rien pour cela.
Il y a diverses catégories d'auteurs
qui pourraient travailler utilement pour
le théâtre : les auteurs nouveaux, dont
l'éducation est à faire et pour lesquels
la représentation d'une pièce est le
meilleur enseignement ; ceux que j'ap-
pellerai les irréguliers dont la compo-
sition dramatique n'est pas l'occupation
exclusive, qu'un succès peut pousser au
travail, que des refus éloignent pour
longtemps ou pour toujours, et, enfin,
les découragés, c'est-à-dire des auteurs
de profession, qui peuvent se tromper,
sans doute, mais qui, victimes d'ure
appréciation trop rigoureuse ou même
d'une méprise, perdent confiance à
leur tour, demandent parfois à un autre
travail une compensation ou une con
solation, et, dans tous les cas, renon-
cent à de nouvelles tentatives.
Il y a là des éléments très-divers dont
il serait certainement possible de tirer
parti, ai l'on voulait bien s'en donner la
peine, et surtout ne pas s'aheur-
ter à l'idée fixe d'avoir un succès égal
à celui dont un hasard heureux ou un
concours de circonstances fortuites aura
favorisé le voisin.
La plupart des directeurs passent
leur temps à mettre en action la fable
du Héron : ils dédaignent les tanches
et les goujons et finissent par être for-
cés de se contenter des limaçons, qui,
ne leur remplissent guère la panse:
On hasarda de perdre en voulant trop çagnar :
- Gardez-vous de rien dédaigner.
Rien, c'est trop dire; mais en atten-
dant le quine fortuné d'une Fille Angot
ou d'un Tour du Monde, et même en
le cherchant, - ce qui est assurément
très-légitime, - je * creis qu'il serait
sage de jouer la moyenne, et, sans
perdre de vue la grosse affaire, de ne
laisser point de se préoccuper un peu
du pain quotidien et du blé de l'ave-
nir.
Car remarquez bien que ce ne sont
pas précisément des chefs-d'œuvre que
les directeurs demandent, — les plus
grands succès, les plus productifs du
moins, sont loin de répondre à ce signa.
lement; — non, ce qu'ils veulent ; c'est
la pièce chanceuse. C'est-à-dire quelque
chose dont l'appréciation devient extrê-
mement incertaine et arbitraire.
Pourquoi la Fille de Madame Angot
a-t-elle fourni ces représentations in-
nombrables ? Et pourquoi le Touv du
Monde ? N'y avait-il jamais rien eu de
si merveilleux, de si original, de si spi-
rituel, de si absolument réussi! Si,
vraiment; il existe nombre de choses
qui ne le cèdent en rien à ces deux types
du succès phénoménal ; car il n'y a en
vérité de phénoménal dans tout cela
que le succès lui-même.
Les auteurs dont le crédit est sûr
et qui, s'ils n'apportent pas absolu-
1 ment avec eux la garantie des succès
surnaturels, peuvent du moins affirmer
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