Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1876-08-28
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 28 août 1876 28 août 1876
Description : 1876/08/28 (A6,N1722). 1876/08/28 (A6,N1722).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
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4 centimes par jour, soit 1 1r.20 ., par
mois.
BULLETIN"
Paris, le 27 août 1876,
Les nouvelles d'Orient «ont plus confa-
ses quejamait.On affirme que, le 24 au soir,
le prince Milan a réuni les consuls des six
grandes puissances, présents à Belgrade,
pour invoquer leur intercession en faveur
de la paix. Cette nouvella nous a été don-
née d'abord par un télégramme de Vienne.
On peut s'étonner à juste titre qu'un fait
aussi important n'ait pas été télégraphié
officiellement de Belgrade même. Députa
nouvelle a été confirmée par une dépêcha
particulière de Belgrade et par un télé-
gramme de Constantinople annonçant qu'à
la suite de la demande de médiation faite
par le prince Milan, les ambassadeurs se
«ont réunis pour délibérer sur les condi-
tions de la paix. N'est-il pas aussi très-sin-
gulier que le gouvernement turc, si em-
pressé d'ordinaire à signaler le moindre
succès des armées turques ait passé sous
silence une demande d'armistice faite par
la Serbie, demande qui équivaut en somme
à un aveu de défaite, et n'ait pas immédia-
tement communiqué cette demande à ses
agents diplomatiques ?
En outre, les dépêches sont muettes sur
un point fort important. Quelles sont les
bases sur lesquelles le prince Milan s'est
déclaré prêt à accepter une médiation ?.
N'a-t-il indiqué aucune condition, s'en rap
porte-t-il absolument à la sagesse des puis-
sances ? Cela tout au moins serait très-sin-
gulier, alors qu'il y a à peine quelques
jours il déclarait ne vouloir jamais traiter
que sur la base du statu quo ante bellttm.
Enfin, si les Serbes n'ont pas défait les
Tares devant Alexinatz, et à ce sujet les
dépêches sont plus confuses que jamais, il
n'en est pas moins démontré qu'ils ont ré-
sistâ pendant six jours à des attaques vio-
lentes, que, pendant six jours, ils ont con-
servé leurs positions et qu'ils les conser-
vent sans doute encore.
En effet, Alexinatz n'est pas pris malgré
les forces écrasantes qui l'attaquent depuis
six jours. D'autre part, les généraux turcs
ont été obligés d'abandonner leur plan pri-
mitif, qui consistait à marcher directement
sur Belgrade, et cet abandon constitue,
tout au moins, un notable succès moral
pour les Serbes. En outre, la prise d'Ale-
xinatz, si elle venait à s'effectuer, place-
rait les Turcs en face de Deligrad, où
se trouve le véritable point de résistance
de l'armée de Tchernaïeff. Pour prendre
Deligrad, les armées ottomanes auraient
à vaincre des obstacles beaucoup plus
redoutables que ceux qui les arrêtent sur
le chemin d'Alexinatz. La vigoureuse ré-
sistance opérée par les Serbes depuis sa-
medi dernier, en dépit de leur infériorité
numérique, témoigne des progrès militaires
qu'ils ont faits depuis le commencement de
la campagne.
Leur organisation, quoique meilleure,
laisse encore beaucoup à désirer; mais
cette organisation s'améliore de jour en
jour, et un des côtés les plus faibles de
l'armée de la principauté, le manque d'of-
ficiers, disparaît de plus en plus grâce à
l'arrivée de nombreux oftlcierl russes. En-
fin, la mauvaiie saison s'avance à grand
pas, et elle ne peut que favoriser les
Serbes.
Voilà, on en conviendra, de nombreuses
raisons pour engager la Serbie à continuer
la guerre. Est-il donc vrai que le prince
Milan ait ti subitement éprouvé le besoin de
demander la paix, avant même que la for-
tune des armes ait prononcé devant Alexi-
natz ?
Malgré l'absence de nouvelles otncielIes,
malgré la contradiction qu'implique la dé-
marche du prince Milan, les nombreux dé-
tails que nous recevons sur son entrevue
avec les consuls ne peuvent guère nous
laisser de doute sur l'authenticité de la de-
mande d'intervention. Aussi sommes-nous
en droit de nous demander d'où provient ce
revirement subit et à quels conseils le
prince a cédé ?
A-t il pensé qu'en demandant la paix au
moment où les troupes serbes sont tout
au moins à demi victorieuses, il obtiendrait
des conditions plus douces pour la Serbie !
Mais le prince Milan n'a jamais dû être
bien inquiet, quelle que pùt être l'issue de
la guerre. Il savait à n'en pouvoir douter
que l'Eurepe ne consentirait pas à l'amoin-
drissement de la Serbie. A-t-il cédé à des
considérations d'humanité? Mais alors, la
démarche qu'il tente aujourd'hui aurait dû
être faite au lendemain de la prise de
Zaitchar par les Turcs.
i. L'opinion publique en Serbie s'est-elle
tout à coup déclarée de façon formelle, in-
déniable, en faveur de la paix ? Au con-
traire, toutes les correspondances témoi-
gnent de l'enthousiasme belliqueux qui
règne à Belgrade, et le correspondant du
Times, écrivant de cette ville au lende-
main de l'entrevue du prince avec les con-
suls,dit que le gouvernement n'a pas encore
osé annoncer à la population qu'il avait
demandé la paix.
Quelle est donc, nous le répétons, la vé-
ritable cause du revirement subit du prince
Milan ? Pour noul,il n'est qu'une seule ex-
plication plausible : le prince Milan est un
instrument passif dans les mains de la
Russie. Il a plu à la Russie de pousser les
Serbes en avant et la guerre a été décla-
rée. Il importe, sans doute, à la diplomatie
russe, pour des raisons que nous ne con-
naissons pas encore, de mettre fin à la
guerre et de faire rentrer la question
d'Orient dans le domaine de la diplomatie.
Le prince Milan, toujours docile, a exé-
cuté les ordres qu'il a reçus et il s'est hu-
milié jusqu'à demander la paix, alors que
non-seulement rien n'est désespéré, mais
qu'il semble posséder de nombreux avan-
tages. Est-ce parce que la Russie n'est pas
prête à faire la guerre ! Est-ce parce
qu'après avoir proclamé si hautement
ses intentions pacifiques, elle veut met.
tre toutes les apparences de son côté,
en arrivant à démontrer que toute
solution de la question d'Orient est impos-
sible autrement que par l'anéantissement
de la Turquie ! Les lignes suivantes du
Nord nous disposeraient à pencher pour
cette dernière hypothèse : « Par malheur,
dit la feuille officieuse russe, l'anarchie
gouvernementale qui règne à Constantino-
ple est un obstacle sérieux à toute solution.
Nul ne sait qui est le maître et de qui dé-
pendent les décisions souveraines. Il parait
positif que le sultan e*t incapable de s'oc-
cuper des affaires de rEtat, et qu'aucun
ministre n'exerce sur le gouvernement une
autorité imcontestée. »
La question d'Orient a toujours été
pleine de surprises. La démarche du prince
Milan a certes li £ U de nous étonner. Nous
ne sommes pas au bout. Attendons-nous à
d'autres étonnements.
————— +.
BOURSE DE PARIS
CL A tare le 25 août, le 26 août. Hausse Baluae
3 O/O
Comptant 71 80 72 05 25 !
Fin cour. 71 80 72 05 %&.!.1-2
4 ft/2 0/0
domptant 183 80 104 .1. 20
S 0/0
Comptant 108 30 10625 .f.f. 05
Fin cour. 106 45 106 43 1 05 ,/ <
PETITE BOURSE DU SOIR
Emprunt 5 0/0. • 106 fr. 37 1/2.
Egyptien. 243 fr. 12 1/2, 243 75.
Nominal.
Marché sans affaires.
-———— 4,
LA PAIX EN ORIENT
Depuis que le mauvais gouvernement
des Turcs, en soulevant la Bosnie et
l'Herzégovine, a réveillé la question
d'Orient, nous prévoyons une guerre
européenne. Nous ne la souhaitons pas,
tant s'en faut, car nous sommes Fran-
çais avant tout, et les politiques les
moins clairvoyants savent que notre
pays, tel que l'empire l'a fait ou dé-
fait, ne peut rien entreprendre, et par-
tant rien gagner au jeu des batailles.
Isolés par notre malheur, affranchis
de toute alliance par l'ingratitude una-
nime des peuples que nous avons ser-
vis, revenus des erreurs d'une longue
jeunesse chevaleresque, nous ne pour-
rions assister à 'un carnage européen
qu'à la façon des Espagnols bons ca-
tholique. qui boivent du regard le sang
des chevaux et des bœufs : or, le tem-
pérament français répugne à cas nobles
débauches. - '-,
C'est donc avec une sincère et pro-
fonde tristesse que le XIX. Siècle, au
début de l'insurrection des rayas dans
Turquie d'Europe, a prédit l'interven-
tion de la Serbie et du Monténégro, le
ooulèvement des Bulgares et des autres
sujets du sultan. Il nous semblait logi-
que et presque inévitable que l'auguste
patron de tous les Slaves, le chef reli-
gieux et politique de tout le christia-
nisme grec, Alexandre II, maître ab-
solu de soixante dix millions d'hommes,
intervint tôt ou tard dans un conflit
où ses devoirs, ses intérêts et les
plans légendaires de sa race sont éga-
lement engagés. Le cas échéant, nous
pensions, nous croyons encore que
la Grande-Bretagne, empire musulman
dont la vraie métropole est aux Indes
et la colonie au nord-ouest de l'Eu-
rope, engagerait contre les Moscovites
une sorte de struggle for lifç, et
que tous les Etats, nos voisins, pren-
draient parti pour l'un ou l'autre
des combattants.
L'événement nous a donné raison
jusqu'hier et nos prévisions mélanco-
liques n'ont été que trop vérifiées. Mais
il semble depuis vingt-quatre heures
qu'une sorte de providence ait arrêté le
cours rapide et violent des choses.
Quoique la petite Serbie continue à
lutter sans trop sensible désavantage
contre des forces neuf ou dix fois supé-
rieures ; quoiqu'une héroïque poignée
de Monténégrins tienne en échec autour
de Trébigne une grande armée d Oa-
manlis, le télégraphe nous assure que
le prince Milan et son allié Nikita sont
sur le point de signer un armistice.
Si les dépêches de demain confirment
cette nouvelle inespérée et si les Turcs
ne sont pas absolument fous, la diplo-
matie aura beau jeu pour plâtrer une
paix de quelques années. Les Serbes et
les Monténégrins pourront rentrer chez
eux, panser leurs plaies, pleurer leurs
morts et méditer longtemps avec profit
sur le péril des ambitions hâtives et des
aventures héroïques. Les conditions de
la paix ne peuvent ni entamer le ter-
ritoire de ces deux vaillants petits
peuples, ni menacer leur-indépendance,
ni humilier leur orgueil, car l'empereur
de Russie est un loyal et puissant pro-
tecteur qui parle haut dans les congrès
diplomatiques. Les Turcs devront s'es-
timer fort heureux si la diplomatie
leur accorde en fin de compte le
statu quo ante bellum. Car s'ils ont
remporté quelques victoires et mis
en lumière les noms de deux ou trois
bons généraux, ils ont plus perdu que
gagné dans l'estime et la sympathie
du genre humain. Depuis les lâches et
stupides assassinats de Salonique jus-
qu'à l'incendie systématique des villages
serbes, en passant par les hécatombes de
femmes et d'enfants en Bulgarie, les su-
jets d'Abdul-Aziz le suicidé, et de Mou-
rad V l'annulé, se sont étrangement re-
commandés à l'opinion de l'Europe. Vous
me direz que dans l'intervalle ils ont fait
une banqueroute abominable ; mais c'est
un exploit que l'histoire et même la
cour d'assises jugent toujours sévère-
ment.
N'importe : nous admettons le statu
quo ; chacun rentre dans ses frontières.
Le Monténégrin fera le mort, et le
Serbe retournera à ses moissons, s'il
en reste. Mais après? L'empire ottoman,
préservé d'un danger pressant et mor-
tel, sera-t-il plus viable demain qu'il ne
l'était avant la guerre ?
Les rayas de Bosnie et d'Herzégovi-
ne, ces malheureux que l'exaction, et la
violence ona. poussés à l'insurrection,
vont-ils, par une grâce d'en haut, se ré-
signer à leur triste sort 1 Et les autres
chrétiens de la Turquie d'Europe, ceux
de l'Epire, de l'Albanie, de la Thessa-
lie, de la Roumélie et des îles de l'archi-
pel trouveront-ils que tout est pour le
mieux dans le meilleur des mondes ?
Je passe sous silence les Bulgares de
Philippopoli et autres lieux déserts:
ceux-là n'ont rien à réclamer : ils sont
morts avec leurs femmes et leurs en-
fants, et s'ils protestent contre la
férocité des Bachi - BouzouksJ, c'est
par l'odeur séditieuse de leurs cada-
vres. Mais les autres ? Dix millions
d'autres rayas qu'on n'a pas eu le temps
ou l'occasion d'égorger ? Croyez-vous
qu'une paix bâclée entre la Porte,
d'une part, la Serbie et le Monté-
négro, d'autre part, suffise à con-
tenter dix millions d'opprimés qu'on
vole et qu'on assomme au jour le jour
pour la plus grande gloire d'un cer-
veau malade, abandonné par tous les
médecins et par l'aliéniste Leidersdorff
lui même ?
Lorsque les Serbes et les Monténé-
grins auront mis bas les armes, le
trésor ottoman sera-t-il moins vide,
l'empire des Osmanlis moins insolvable,
et son crédit moins désespéré ? Y aura-
t-il plus d'harmonie dans ce triumvi-
rat ministériel qui appelle et repousse
une constitution libérale avec un achar-
nement égal de part et d'autre? Les
ulémas seront-ils moins intolérants et
les softas moins fanatiques? La sécu-
rité sera-t-elle plus grande, je ne dis
pas à Smyrne, où les Européens vivent
sous le couteau, mais à Péra, où les
ambassadeurs des grandes puissances
se gardent nuit et jour comme en pays
ennemi ?
La paix est fort bonne de loi,
dit La Fontaine. Nous serons donc
heureux d'enregistrer la paix de l'O-
rient le jour où elle sera signée par la
diplomatie. Mais nous attendrons pour
y croire que les Turcs soient devenus
des hommes comme nous ou qu'ils aient
fait de nous des hommes comme eux.
ABOUT.
——————— ———————
CE N'EST PAS UN PARADOXE!
Les lecteufS qui poussent la dépravation
d'esprit, comme dirait le Français, jus-
qu'à suivre assidûment la polémique de ce
journal, ont pu remarquer notre abstention
dans la grande mêlée à laquelle vient de
donner lieu l'élection de Pontivy. Notre
silence ne pouvait guère être pris pour un
appui tacite donné au cléricalisme, — le
XIX. Siècle ne redoute pas cette accusa-
tion,— et nos exhortations aux républi-
cains, nous devons le confesser, eussent
été amollies par une arrière-pensée dont
M. de Mun n'aurait pas eu lieu sans doute
de triompher, mais dont le candidat répu-
blicain, l'honorable docteur Le Maguet,
aurait été en droit de se plaindre, ai elle
etlt été hâtivement divulguée. Hier, nous
ne pouvions dire sans inconvénient toute
notre pensée ; à l'heure où cet article arri-
vera en Bretagne, les bulletins xeront tom-
bé. dans l'urne.
Eh bien ! oui,nou8 nous sentions en' dis-
sentiment d'idée avec tout nos confrère.
de la preue républicaine, nous n'envisa-
gions pas l'élection de Pontivy du même
œil qu'eux, et notre polémique aurait eu
un désavantage énorme sur la leur : les
horions que nous aurions pu administrer
n'auraient jamais surpassé, n'auraient pas
même égalé la violence de ceux qui ont été
échangés de part et d'autre : reproches
d'excitation à la guerre civile portés tour à
tour contre l'un ou l'autre candidat ; contre
celui-ci, parce qu'il suscite la lutte entre
la Bretagne vendéenne et la France ac-
tuelle, contre celui-là, parce qu'il la cir-
conscrit entre un membre de la noblesse et
le fill d'un cultivateur. Et, là-bas, sur les
lieux mêmes, les colères étaient bien au-
tres encore, les moyens de pression en-
core plus vigoureux 1 Ce qui n'étonnera
d'ailleurs nul de ceux qui ont lu le rap-
port de M. Turquet. Aux dernières nou-
velles, un curé fonçait sur une procession
et « bousculait > une vieille femme, parce
que son fils était un chaud partisan du
candidat républicain.
Il est certain que cette élection, qui a
un caractère éminemment religieux et ca-
tholique, comme disent nos adversaires,
n'a pas précisément amené dans le Morbi-
han la paix du Seigneur. Nous comprenons
ces colères, nous comprenons cet acharne?
ment. Les jésuites remarquent un homme,
ils vont le prendre par la main et lai di-
sent : < Ta. étais cuirassier, nous te ferons
député ; tu n'as pas de collége électoral,
nous t'en fournirons un,— et même, par la
grâce de notre toute-puissance, ta candi-
dature exotique deviendra le type de la
candidature locale. Te baptiso carpam ;
nous avons reçu du ciel des pouvoirs tout
particuliers pour ce faire. » Il s'agissait :
pour le parti ciérical, de planter son dra-
peau dans un coin de terre à lui, bien à
lui ; pour le parti national, de déloger i'ul-
tramontanisme d'un petit fief de France.
La lutte était même plus haute : elle s'en-
gageait entre deux tendancts qui se dis-
putent le siècle. - Elle était - tentante, et ce-
pendant elle ne nous a pas tentés. Pour-
quoi! Parce que, pour nous, le résultat
mauvais était peut-être le bon. Dans une
telle latte, il vaut mieux frapper avec des
exemples qu'avec des paroles.
Lorsque l'élection de M. de Mun se pré-
senta à la barre de la Chambre, nous étions
partisans de l'enquête, nullement de l'in-
validation. Il était bon de bien mettre en
lumière les agissements du clergé en ma-
tière électorale dans les contrées où il pou-
vait se supposer le maitre. Le malheur en
cette affaire est qu'une fois l'enquête faite,
il n'y avait plus moyen de pencher pour la
validation. La politique devait céder le p as
à la logique. Mais ce n'est pas une raison
pour que nous n'ayons pas éprouvé un sin-
cère regret de voir M. de Man évincé du
groupe des représentants du pays.
Ii n'est pas mauvais que le cléricalisme
ait son Naquet à la Chambre.
Peu nous importe qu'il nous le fournisse
sous les traits de saint Michel archange,
brandissant un modsrne sabre de cuiras-
sier, ou sous celle d'un Judas M&chabée
en redingote noire. Nous dirons même que
l'apparence charnelle de M. le comte de
Mun nous agrée plus que toate autre :
homme de bonne compagnie, orateur de
bon ton, lutteur de bonnes manières, mieux
vaut lui qu'un autre pour l'usage que nous
voulons en faire.
M. Le Maguet est un excellent républi-
cain, nous en sommes convaincus, un hom-
me qui rendrait peut-être de grands servi-
ces. Nous en rendrait-il jamais autant que
M. de Mun? La Chambre républicaine,
grosse de majorité, peut se paiser d'un Le
Maguet de plus ou de moins. M. de Mun,
au contraire est une force unique en son
genre, puissante, si l'on en sait tirer parti ;
rejftée dans la vie privée, elle est perdue
comme ces cascades qui dégringolent obs-
curément dans la montagne en chanton-
nant pour elles-mêmes dans les anfractuo.
eités du roc ; ramenée à la vie publique,
elle est utilisée au profit de tous et fait
tourner la meule du moulin, la meule avec
laquelle on broie les idées.
On sait depuis combien de temps ce
journal, recueillant pieusement les lam-
beaux de, diJcour. «catholique. qui par-
viennent jusqu'à lui, s'efforce de montrer
à quel point notre code civil est réduit à
l'état d'écumoire par l'éloquence cléricale.
Cent autres font de même. Et toujours ils
se buttent à la pire espèce d'incrédules,
aux incrédule. qui veulent faire semblant
de croire : « Le mariage civil est représenté
comme un simple accouplement de fauves ?
— Quelle baliverne ! — Le partage égal des
successions est attaqué comme inique ? —
Plaisanterie 1 — L'ordre de Rome prime la
loi du pays t — Chansons t » Il est néces-
saire, pour forcer ceux-là à s'avouer con-
vaincus, qu'une voix retentisse à la tribune,
voix puissante, autorisée, hostile à nos
idées — et capable de nous donner raison.
Il ne sera plus possible de mettre en
doute notre parole lorsque la leur s'élè-
vera officiellement pour corroborer nos
assertions. Et déjà, une fois, nous avons
vu, de nos yeux vu, ce fait se produire, si
rapide qu'ait été l'incident. Un jour, un dé-
puté républicain, qui répétait à la tribune
une religieuse hérésie — en matière civile,
— échappée à l'éloquence de M. de Mun,
fut bruyamment démenti par M. de Cas-
tellane. Le député républicain ne s'arrêta
pas pour si peu; mais M. de Castellane se
retourna brusquement,car derrière lui deux
voix venaient d'opposer une dénégation
polie à son démenti. Ces voix étaient celles
de MM. de Mun et Keller. Il nous semble
tout à fait opportun que les Cattellanes
du centre droit, ces libres-penseurs sans
le savoir, essuient publiquement, de temps
à autre, de ces démentis officiels.
Et nous ne redoutons pas la propagan-
de, celle qui se fait au grand jour. Quand
l'Italie, longtemps encapucinée, reprend
possession d'elle-même; quand l'Espagne,en-
froquée, secoue la domination du froc ;
quand la Turquie seule est assez arriérée
pour en être encore aux guerres de reli-
gion, nous ne craignons pas l'influence que
peuvent avoir les prédications des Pierre
l'Ermite moiernel sur le vieux bon sens
français. Au contraire, nous en espérons
les meilleurs effets.
Et c'est pourquoi nous sommes de l'avis
d'Henri IV. « Paris vaut bien une messe, >
disait ce bon roi, qui, comme chacun sait,
avait beaucoup de religions. La France
vaut bien un prône de M. de Mun - et un
siège à Pontivy.
PAUL LAFARGUB,
MONITA pcbiica
Je citais hier, avec un léger change-
ment, les deux vers célèbres de Ra-
cine :
Voilà comme, infectant cette simple jeunesle,
Les jésuites emploient le calme où l'on les laisse !
Ne nous lassons point de mettre au
jour les enseignements donnés à nos
enfants chez les bons pères; nous ne
pouvons savoir par le détail ce qui se
dit dans leurs classes, du professeur à
l'élève ; il n'en reste nulle trace au-
thentique. Mais il nous est facile de
présumer quelles doivent être les le-
çons particulières et privées en lisant
les harangues publiques, celles qui sont
faites pour être prononcées devant un
grand auditoire, pour être recueillies
par l'impression et courir de mains en
mains.
Je reçois aujourd'hui le discours pro-
noncé à la distribution solennelle des
prix de l'institution Saint Stanislas, à
Nîmes, par M. l'abbé Lévêque, le pro-
fesseur d'histoire de la maison.
Ce discours n'est qu'une longue dia-
tribe contre la révolution.
L'abbé ne prend même pas le temps
de faire aux collégiens les compliments
d'usage ; il est trop pressé pour s'arrê.
ter à ces bagatelles de la porte. Il entre
tout de suite en matière.
« A côté de l'Eglise, une autre puis-
sance s'est levée pour la combattre et
l'anéantir. Synthèse de toutes les aspi-
rations basses et criminelles du cœur
humain, de toutes les haines de l'enfer
contre Dieu et son Christ, cette puis-
sance, aussi ancienne que le monde,
prit à la fin du dernier siècle le nom qui
lui convient, parce qu'il exprime son
origine sataniqua, son but qui est de
détrôner Dieu, ses moyens qui sont la
destruction ; elle s'appelle : la Révolu-
tion. »
Ce qui m'étonne, ce n'est pas préci-
sément que M. l'abbé ait ces opinions,
ni même qu'il les professe dans ses
cours. Mais voyons ! en bonne cons-
cience, est-ce que vous ne trouvez pas
un peu bien impertinent que dans une
solennité pareille, en présence d'un pu-
blic considérable, on vienne tenir de
semblables propos à des enfants qui at-
tendent leurs prix?
Iriom-nous, je vous prie, nous autres,
libres-penseurs, profiter de l'occasion
d'une de ces cérémonies scolaires pour
nous élever contre le cléricalisme et le
Syllabusl Et à supposer même que l'un
de nous commît cette imprudence de
mauvais goût, il se croirait obligé à
faire des distinctions, à dire qu'il ne
confond pas le cléricalisme avec l'es-
prit religieux, que l'on peut avoir la
foi et rester un honnête chrétien sans
donner créance à toutes les doctrines
de Syllabus. Il ne laisserait pas tout de
même, après toutes ces restrictions,
d'avoir tort, parce qu'une estrade de
distribution de prix n'est pas une arène
politique, et qu'on deit, comme disait
le poète latin, un absolu respect à l'en-
fance.
Monsieur l'abbé n'a aucun de ces mé-
nagements. Il ne distingue pas dans
cette révolution de 89, dont est sorti le
monde moderne, et dont nous sommes
les fils respectueux ; il la condamne en
bloc, c'est le génie du mal; c'est Satan
en personne.
« Plus de Dieu, s'écria-t-il, plus de
Christ, plus de religion, plus d'âme
immortelle, plus de conscience, plus de
devoir; indépendance absolue de l'hom-
me vis-à-vis de Dieu, jouissance aussi
complète et aussi universelle que pos-
sible en ce monde ; car au-delà il n'y a
rien à espérer ni à craindre : voilà
l'horrible programme de la révolu-
tion. >
Est-il permis de parler ainsi à de
jeunes Françsdsde la Révolution de 89,
alors même que l'on en haïrait les con-
séquences? Ce langage d'énergumène,
ces violentes et gratuites injures, ces
calomnies sans preuves sont-elles d'un
homme bien élevé s'adressant à de
jeunes élèves? Ne peut-il craindre qu'en
sortant de cette cérémonie, l'enfant ne
trouve, arrivé chez son père, dans la
bibliothèque des vacances, une histoire
de la Révolution, la première venue,
celle de M. Thiers ou de M. Mignet, ou
de Théophile Lavalléet Elles se trouvent
partout ; ce sont des livres d'usage cou-
rant, et qu'il est devenu impossible de
proscrire, tant ils sont répandus.
Quel désarroi, quel chaos dans cette
jeune cervelle, quand il aura seulement
lu le premier volume! Quoi! c'est là cette
révolution qu'on lui a peinte sous les
traits d'une bête immonde et mons-
trueuse, dont on lui a inspiré l'hor-
reur ! Il faut que les maîtres qui se per-
mettent ces abominables diatribes comp-
tent bien sur la paresse et l'ignorance
des jeunes gens qu'ils ont élevés. Ils
s'imaginent sans doute qu'aucun de leurs
élèves n'aura jamais l'idée de mettre le
nez dans un livre ni dans un jeurnal, et
peut-être, après, cela, n'ont-ils pas tort.
11 est tout naturel que des hommes fa-
çonnés de leur main ferment volontai-
rement les yeux à la lumière et repous-
sent toute occasion de s'instruire. Il est
tout naturel qu'ils croient l'abbé sur pa-
role et s'en tiennent sur la révolution
aux invectives de leur professeur.
Il est bien perfide, cet abbé ! Savez-
vous le tour qu'il prend pour inspirer
à ces jeunes âmes la haine et l'effroi de
la révolution ? Ecoutez-moi ce passage :
« Il n'est pas assurément hors de
propos de se demander ce que devien-
drait la France si, l'Eglise disparais-
sant, la révolution venait à triompher.
Pour savoir la réponse, il n'est pas
nécessaire de remonter à quatre-vingts
ans en arrière et d'interroger les écha-
fauds partout dressés, les autels dé-
truits , les églises fermées et Dieu
même proscrit. Ne recourons qu'à nos
propres souvenirs, et interrogeons les
ruines encore gisantes de nos plus
beaux monuments, les rayons calcinés
de nos bibliothèques, les crucifix chas-
sés de nos écoles, les croix qui protè-
gent, au pied des hautes murailles d'une
prison fameuse, la place solitaire où le
pontife et les prêtres du Christ tombè-
rent sous des balles françaises. Voilà
les souvenirs et les œuvres qu'a laissés
la Révolution aux jours heureusement
rapides de son triomphes. >
Y a-t-il une assimilation plus fausse
et plus abominable ? Quoi ! les horreurs
de la Commune ont été le triomphe de
la révolution de 89! Qui ne voit que
l'abbé profite des divers sens qu'a ce
mot de révolution pour attacher dans
l'esprit des enfants de sanglantes ima-
ges à cette grande ère de 89, d'où date
la nouvelle France ?
J'en appelle à tous les esprits im-
partiaux. Sont-ce là des enseignements
dont il soit bon d'emplir la cervelle de
nos enfants? Est-il utile, est-il juste,
est-il sensé d'ajouter après cette allu-
sion directe à nos récents malheurs :
« Ces jours peu éloignés peuvent re-
venir; c'est l'espérance que nourrit la
révolution. »
Eh quoi ! nous nourrissons l'espoir de
ramener les abominations de la Com-
mune ! Où l'abbé a-t il vu cela? Quel
rapport y a-t-il de certaines conquêtes
de la révolution que nous prétendons
garder, et dont la plus importante est
l'indépendance civile de la société laï-
que vis à-vis de la religion, aux extra-
vagances et aux infamies de la Com-
mune? M. l'abbé croit-il sérieusement
ce qu'il dit là ? S'il ne le croit pas, il a
tort de le dire, surtout à des enfants ;
s'il le croit, c'est un maître sot.
M. l'abbé a trouvé moyen de mettre
dans le même sac et le catholicisme li-
béral et la révolution. C'est là un thème
cher aux cléricaux modernes :
« Bien des catholiques, dit-il, n'ont
pas su se soustraire à la* délétère in-
fluence des idées fausses répandues
dans l'air que nous respirons, et ils ont
cru sage de faire des concessions, à
l'esprit de la société contemporaine, aux
dépens de la rigueur des" principes. Dé-
fiez-vous de cette prétendue sagesse,
complice de la RÉVOLUTION, dont elle
hâte les progrès, en dissolvant les élé-
ments de résistance que l'Eglise lui op-
pose. >
Voilà les Montalembert, les Lacor-
daire et les Falloux joliment arrangés !
Qui leur eût jamais dit qu'on les accu-
serait un jour d'être les complices de
la révolution ? qu'on apprendrait aux
enfants à se signer à leur nom : Vade
retro, Satanas !
Et voilà l'éducation qu'une bonne
partie de la bourgeoisie contemporaine,
par boa ton ét par mode, fait donner
à ses fils !
FRANCISQUE SARCBY.
————— —————
Lettre de Serbie
Deligrad, 18 août, 2 heures,
J'avais appris hier soir à Alexinatz que
le général Tchernaïeff devait passer en
revue ici, ce matin, un bataillon de volon-
taires. A six heures du matin, je me suis
mis en route. Je croise,à la sortie d'Alexi-
natz, un convoi de 75 chariots, traînés par
des bœufs; ce sont des munitions d'artil-
lerie. Point d'autre incident. La route est
a,uez animée; mais ce sont toujours des
bergers balgares escortant leurs troupeaux
avec de longs fusila en guiie de houlettetr;
ou des femme. du district d'Alexinatz,
qui ont arrangé leur" cheveux en groa
rouleaux de chaque côté de leurs oreilles,
comme des cornes de bélier; ou quelques
paysans, exemptés du service, qui se sont
coiffés, pour aller aux champs, d'une ser-
viette à rayures, dis;?olée à la mode égypâ
tienne; du moins, voit-on ces. coiffures là
sur les monuments contemporains de Sé-
sostris.
A & heures, je saluais, au camp de Deli..
grad, la commandant du camp, M. le colo-
nel Nicolich. Le colonel russe Komaroff,
chef d'état-major de Tcherriaïeff, qui m'a-
vait reçu si gracieusement, il y a trois
jours, à mon premier passage, était parti
depuis avant hier avec le général Pour une
destination que l'on ne dit pas. PArti
également, le correspondant du Rushy
ilir, M. de Montevlrde, qui suit le géné-
ral Tchernaïeff comme son maître.
Le colonel Nicolich, dont je n'avai. pas
encore fait la connaissance, n'est pas seule-
ment un des plus vaillants soldats delà Sel"
bie ; c'est un officier instruit et qui a voya-
gé. Son éducation militaire s'est faite en
France. Il est ancien élève de notre Esole
polytechnique. En outre, il a passé trois
ans à l'école des ponts et-chaussées. Il con-
nait almirablement la France, qu'il a,
me dit-il, visitée jusque dans ses moindres
recoins. Il est Français de cœur.
C'est un homme de quarante-deux ans,
LW E W1 XWIWX 1 SIÈCLE1®1
JOURNAL 1ÊPBBHGMN CONgERVATEW
RÉDACTION
1. S'adresser au Secrétaire de la Hédacttos
de 2 heures à. minuit
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frais de poste, calculés à raison de
4 centimes par jour, soit 1 1r.20 ., par
mois.
BULLETIN"
Paris, le 27 août 1876,
Les nouvelles d'Orient «ont plus confa-
ses quejamait.On affirme que, le 24 au soir,
le prince Milan a réuni les consuls des six
grandes puissances, présents à Belgrade,
pour invoquer leur intercession en faveur
de la paix. Cette nouvella nous a été don-
née d'abord par un télégramme de Vienne.
On peut s'étonner à juste titre qu'un fait
aussi important n'ait pas été télégraphié
officiellement de Belgrade même. Députa
nouvelle a été confirmée par une dépêcha
particulière de Belgrade et par un télé-
gramme de Constantinople annonçant qu'à
la suite de la demande de médiation faite
par le prince Milan, les ambassadeurs se
«ont réunis pour délibérer sur les condi-
tions de la paix. N'est-il pas aussi très-sin-
gulier que le gouvernement turc, si em-
pressé d'ordinaire à signaler le moindre
succès des armées turques ait passé sous
silence une demande d'armistice faite par
la Serbie, demande qui équivaut en somme
à un aveu de défaite, et n'ait pas immédia-
tement communiqué cette demande à ses
agents diplomatiques ?
En outre, les dépêches sont muettes sur
un point fort important. Quelles sont les
bases sur lesquelles le prince Milan s'est
déclaré prêt à accepter une médiation ?.
N'a-t-il indiqué aucune condition, s'en rap
porte-t-il absolument à la sagesse des puis-
sances ? Cela tout au moins serait très-sin-
gulier, alors qu'il y a à peine quelques
jours il déclarait ne vouloir jamais traiter
que sur la base du statu quo ante bellttm.
Enfin, si les Serbes n'ont pas défait les
Tares devant Alexinatz, et à ce sujet les
dépêches sont plus confuses que jamais, il
n'en est pas moins démontré qu'ils ont ré-
sistâ pendant six jours à des attaques vio-
lentes, que, pendant six jours, ils ont con-
servé leurs positions et qu'ils les conser-
vent sans doute encore.
En effet, Alexinatz n'est pas pris malgré
les forces écrasantes qui l'attaquent depuis
six jours. D'autre part, les généraux turcs
ont été obligés d'abandonner leur plan pri-
mitif, qui consistait à marcher directement
sur Belgrade, et cet abandon constitue,
tout au moins, un notable succès moral
pour les Serbes. En outre, la prise d'Ale-
xinatz, si elle venait à s'effectuer, place-
rait les Turcs en face de Deligrad, où
se trouve le véritable point de résistance
de l'armée de Tchernaïeff. Pour prendre
Deligrad, les armées ottomanes auraient
à vaincre des obstacles beaucoup plus
redoutables que ceux qui les arrêtent sur
le chemin d'Alexinatz. La vigoureuse ré-
sistance opérée par les Serbes depuis sa-
medi dernier, en dépit de leur infériorité
numérique, témoigne des progrès militaires
qu'ils ont faits depuis le commencement de
la campagne.
Leur organisation, quoique meilleure,
laisse encore beaucoup à désirer; mais
cette organisation s'améliore de jour en
jour, et un des côtés les plus faibles de
l'armée de la principauté, le manque d'of-
ficiers, disparaît de plus en plus grâce à
l'arrivée de nombreux oftlcierl russes. En-
fin, la mauvaiie saison s'avance à grand
pas, et elle ne peut que favoriser les
Serbes.
Voilà, on en conviendra, de nombreuses
raisons pour engager la Serbie à continuer
la guerre. Est-il donc vrai que le prince
Milan ait ti subitement éprouvé le besoin de
demander la paix, avant même que la for-
tune des armes ait prononcé devant Alexi-
natz ?
Malgré l'absence de nouvelles otncielIes,
malgré la contradiction qu'implique la dé-
marche du prince Milan, les nombreux dé-
tails que nous recevons sur son entrevue
avec les consuls ne peuvent guère nous
laisser de doute sur l'authenticité de la de-
mande d'intervention. Aussi sommes-nous
en droit de nous demander d'où provient ce
revirement subit et à quels conseils le
prince a cédé ?
A-t il pensé qu'en demandant la paix au
moment où les troupes serbes sont tout
au moins à demi victorieuses, il obtiendrait
des conditions plus douces pour la Serbie !
Mais le prince Milan n'a jamais dû être
bien inquiet, quelle que pùt être l'issue de
la guerre. Il savait à n'en pouvoir douter
que l'Eurepe ne consentirait pas à l'amoin-
drissement de la Serbie. A-t-il cédé à des
considérations d'humanité? Mais alors, la
démarche qu'il tente aujourd'hui aurait dû
être faite au lendemain de la prise de
Zaitchar par les Turcs.
i. L'opinion publique en Serbie s'est-elle
tout à coup déclarée de façon formelle, in-
déniable, en faveur de la paix ? Au con-
traire, toutes les correspondances témoi-
gnent de l'enthousiasme belliqueux qui
règne à Belgrade, et le correspondant du
Times, écrivant de cette ville au lende-
main de l'entrevue du prince avec les con-
suls,dit que le gouvernement n'a pas encore
osé annoncer à la population qu'il avait
demandé la paix.
Quelle est donc, nous le répétons, la vé-
ritable cause du revirement subit du prince
Milan ? Pour noul,il n'est qu'une seule ex-
plication plausible : le prince Milan est un
instrument passif dans les mains de la
Russie. Il a plu à la Russie de pousser les
Serbes en avant et la guerre a été décla-
rée. Il importe, sans doute, à la diplomatie
russe, pour des raisons que nous ne con-
naissons pas encore, de mettre fin à la
guerre et de faire rentrer la question
d'Orient dans le domaine de la diplomatie.
Le prince Milan, toujours docile, a exé-
cuté les ordres qu'il a reçus et il s'est hu-
milié jusqu'à demander la paix, alors que
non-seulement rien n'est désespéré, mais
qu'il semble posséder de nombreux avan-
tages. Est-ce parce que la Russie n'est pas
prête à faire la guerre ! Est-ce parce
qu'après avoir proclamé si hautement
ses intentions pacifiques, elle veut met.
tre toutes les apparences de son côté,
en arrivant à démontrer que toute
solution de la question d'Orient est impos-
sible autrement que par l'anéantissement
de la Turquie ! Les lignes suivantes du
Nord nous disposeraient à pencher pour
cette dernière hypothèse : « Par malheur,
dit la feuille officieuse russe, l'anarchie
gouvernementale qui règne à Constantino-
ple est un obstacle sérieux à toute solution.
Nul ne sait qui est le maître et de qui dé-
pendent les décisions souveraines. Il parait
positif que le sultan e*t incapable de s'oc-
cuper des affaires de rEtat, et qu'aucun
ministre n'exerce sur le gouvernement une
autorité imcontestée. »
La question d'Orient a toujours été
pleine de surprises. La démarche du prince
Milan a certes li £ U de nous étonner. Nous
ne sommes pas au bout. Attendons-nous à
d'autres étonnements.
————— +.
BOURSE DE PARIS
CL A tare le 25 août, le 26 août. Hausse Baluae
3 O/O
Comptant 71 80 72 05 25 !
Fin cour. 71 80 72 05 %&.!.1-2
4 ft/2 0/0
domptant 183 80 104 .1. 20
S 0/0
Comptant 108 30 10625 .f.f. 05
Fin cour. 106 45 106 43 1 05 ,/ <
PETITE BOURSE DU SOIR
Emprunt 5 0/0. • 106 fr. 37 1/2.
Egyptien. 243 fr. 12 1/2, 243 75.
Nominal.
Marché sans affaires.
-———— 4,
LA PAIX EN ORIENT
Depuis que le mauvais gouvernement
des Turcs, en soulevant la Bosnie et
l'Herzégovine, a réveillé la question
d'Orient, nous prévoyons une guerre
européenne. Nous ne la souhaitons pas,
tant s'en faut, car nous sommes Fran-
çais avant tout, et les politiques les
moins clairvoyants savent que notre
pays, tel que l'empire l'a fait ou dé-
fait, ne peut rien entreprendre, et par-
tant rien gagner au jeu des batailles.
Isolés par notre malheur, affranchis
de toute alliance par l'ingratitude una-
nime des peuples que nous avons ser-
vis, revenus des erreurs d'une longue
jeunesse chevaleresque, nous ne pour-
rions assister à 'un carnage européen
qu'à la façon des Espagnols bons ca-
tholique. qui boivent du regard le sang
des chevaux et des bœufs : or, le tem-
pérament français répugne à cas nobles
débauches. - '-,
C'est donc avec une sincère et pro-
fonde tristesse que le XIX. Siècle, au
début de l'insurrection des rayas dans
Turquie d'Europe, a prédit l'interven-
tion de la Serbie et du Monténégro, le
ooulèvement des Bulgares et des autres
sujets du sultan. Il nous semblait logi-
que et presque inévitable que l'auguste
patron de tous les Slaves, le chef reli-
gieux et politique de tout le christia-
nisme grec, Alexandre II, maître ab-
solu de soixante dix millions d'hommes,
intervint tôt ou tard dans un conflit
où ses devoirs, ses intérêts et les
plans légendaires de sa race sont éga-
lement engagés. Le cas échéant, nous
pensions, nous croyons encore que
la Grande-Bretagne, empire musulman
dont la vraie métropole est aux Indes
et la colonie au nord-ouest de l'Eu-
rope, engagerait contre les Moscovites
une sorte de struggle for lifç, et
que tous les Etats, nos voisins, pren-
draient parti pour l'un ou l'autre
des combattants.
L'événement nous a donné raison
jusqu'hier et nos prévisions mélanco-
liques n'ont été que trop vérifiées. Mais
il semble depuis vingt-quatre heures
qu'une sorte de providence ait arrêté le
cours rapide et violent des choses.
Quoique la petite Serbie continue à
lutter sans trop sensible désavantage
contre des forces neuf ou dix fois supé-
rieures ; quoiqu'une héroïque poignée
de Monténégrins tienne en échec autour
de Trébigne une grande armée d Oa-
manlis, le télégraphe nous assure que
le prince Milan et son allié Nikita sont
sur le point de signer un armistice.
Si les dépêches de demain confirment
cette nouvelle inespérée et si les Turcs
ne sont pas absolument fous, la diplo-
matie aura beau jeu pour plâtrer une
paix de quelques années. Les Serbes et
les Monténégrins pourront rentrer chez
eux, panser leurs plaies, pleurer leurs
morts et méditer longtemps avec profit
sur le péril des ambitions hâtives et des
aventures héroïques. Les conditions de
la paix ne peuvent ni entamer le ter-
ritoire de ces deux vaillants petits
peuples, ni menacer leur-indépendance,
ni humilier leur orgueil, car l'empereur
de Russie est un loyal et puissant pro-
tecteur qui parle haut dans les congrès
diplomatiques. Les Turcs devront s'es-
timer fort heureux si la diplomatie
leur accorde en fin de compte le
statu quo ante bellum. Car s'ils ont
remporté quelques victoires et mis
en lumière les noms de deux ou trois
bons généraux, ils ont plus perdu que
gagné dans l'estime et la sympathie
du genre humain. Depuis les lâches et
stupides assassinats de Salonique jus-
qu'à l'incendie systématique des villages
serbes, en passant par les hécatombes de
femmes et d'enfants en Bulgarie, les su-
jets d'Abdul-Aziz le suicidé, et de Mou-
rad V l'annulé, se sont étrangement re-
commandés à l'opinion de l'Europe. Vous
me direz que dans l'intervalle ils ont fait
une banqueroute abominable ; mais c'est
un exploit que l'histoire et même la
cour d'assises jugent toujours sévère-
ment.
N'importe : nous admettons le statu
quo ; chacun rentre dans ses frontières.
Le Monténégrin fera le mort, et le
Serbe retournera à ses moissons, s'il
en reste. Mais après? L'empire ottoman,
préservé d'un danger pressant et mor-
tel, sera-t-il plus viable demain qu'il ne
l'était avant la guerre ?
Les rayas de Bosnie et d'Herzégovi-
ne, ces malheureux que l'exaction, et la
violence ona. poussés à l'insurrection,
vont-ils, par une grâce d'en haut, se ré-
signer à leur triste sort 1 Et les autres
chrétiens de la Turquie d'Europe, ceux
de l'Epire, de l'Albanie, de la Thessa-
lie, de la Roumélie et des îles de l'archi-
pel trouveront-ils que tout est pour le
mieux dans le meilleur des mondes ?
Je passe sous silence les Bulgares de
Philippopoli et autres lieux déserts:
ceux-là n'ont rien à réclamer : ils sont
morts avec leurs femmes et leurs en-
fants, et s'ils protestent contre la
férocité des Bachi - BouzouksJ, c'est
par l'odeur séditieuse de leurs cada-
vres. Mais les autres ? Dix millions
d'autres rayas qu'on n'a pas eu le temps
ou l'occasion d'égorger ? Croyez-vous
qu'une paix bâclée entre la Porte,
d'une part, la Serbie et le Monté-
négro, d'autre part, suffise à con-
tenter dix millions d'opprimés qu'on
vole et qu'on assomme au jour le jour
pour la plus grande gloire d'un cer-
veau malade, abandonné par tous les
médecins et par l'aliéniste Leidersdorff
lui même ?
Lorsque les Serbes et les Monténé-
grins auront mis bas les armes, le
trésor ottoman sera-t-il moins vide,
l'empire des Osmanlis moins insolvable,
et son crédit moins désespéré ? Y aura-
t-il plus d'harmonie dans ce triumvi-
rat ministériel qui appelle et repousse
une constitution libérale avec un achar-
nement égal de part et d'autre? Les
ulémas seront-ils moins intolérants et
les softas moins fanatiques? La sécu-
rité sera-t-elle plus grande, je ne dis
pas à Smyrne, où les Européens vivent
sous le couteau, mais à Péra, où les
ambassadeurs des grandes puissances
se gardent nuit et jour comme en pays
ennemi ?
La paix est fort bonne de loi,
dit La Fontaine. Nous serons donc
heureux d'enregistrer la paix de l'O-
rient le jour où elle sera signée par la
diplomatie. Mais nous attendrons pour
y croire que les Turcs soient devenus
des hommes comme nous ou qu'ils aient
fait de nous des hommes comme eux.
ABOUT.
——————— ———————
CE N'EST PAS UN PARADOXE!
Les lecteufS qui poussent la dépravation
d'esprit, comme dirait le Français, jus-
qu'à suivre assidûment la polémique de ce
journal, ont pu remarquer notre abstention
dans la grande mêlée à laquelle vient de
donner lieu l'élection de Pontivy. Notre
silence ne pouvait guère être pris pour un
appui tacite donné au cléricalisme, — le
XIX. Siècle ne redoute pas cette accusa-
tion,— et nos exhortations aux républi-
cains, nous devons le confesser, eussent
été amollies par une arrière-pensée dont
M. de Mun n'aurait pas eu lieu sans doute
de triompher, mais dont le candidat répu-
blicain, l'honorable docteur Le Maguet,
aurait été en droit de se plaindre, ai elle
etlt été hâtivement divulguée. Hier, nous
ne pouvions dire sans inconvénient toute
notre pensée ; à l'heure où cet article arri-
vera en Bretagne, les bulletins xeront tom-
bé. dans l'urne.
Eh bien ! oui,nou8 nous sentions en' dis-
sentiment d'idée avec tout nos confrère.
de la preue républicaine, nous n'envisa-
gions pas l'élection de Pontivy du même
œil qu'eux, et notre polémique aurait eu
un désavantage énorme sur la leur : les
horions que nous aurions pu administrer
n'auraient jamais surpassé, n'auraient pas
même égalé la violence de ceux qui ont été
échangés de part et d'autre : reproches
d'excitation à la guerre civile portés tour à
tour contre l'un ou l'autre candidat ; contre
celui-ci, parce qu'il suscite la lutte entre
la Bretagne vendéenne et la France ac-
tuelle, contre celui-là, parce qu'il la cir-
conscrit entre un membre de la noblesse et
le fill d'un cultivateur. Et, là-bas, sur les
lieux mêmes, les colères étaient bien au-
tres encore, les moyens de pression en-
core plus vigoureux 1 Ce qui n'étonnera
d'ailleurs nul de ceux qui ont lu le rap-
port de M. Turquet. Aux dernières nou-
velles, un curé fonçait sur une procession
et « bousculait > une vieille femme, parce
que son fils était un chaud partisan du
candidat républicain.
Il est certain que cette élection, qui a
un caractère éminemment religieux et ca-
tholique, comme disent nos adversaires,
n'a pas précisément amené dans le Morbi-
han la paix du Seigneur. Nous comprenons
ces colères, nous comprenons cet acharne?
ment. Les jésuites remarquent un homme,
ils vont le prendre par la main et lai di-
sent : < Ta. étais cuirassier, nous te ferons
député ; tu n'as pas de collége électoral,
nous t'en fournirons un,— et même, par la
grâce de notre toute-puissance, ta candi-
dature exotique deviendra le type de la
candidature locale. Te baptiso carpam ;
nous avons reçu du ciel des pouvoirs tout
particuliers pour ce faire. » Il s'agissait :
pour le parti ciérical, de planter son dra-
peau dans un coin de terre à lui, bien à
lui ; pour le parti national, de déloger i'ul-
tramontanisme d'un petit fief de France.
La lutte était même plus haute : elle s'en-
gageait entre deux tendancts qui se dis-
putent le siècle. - Elle était - tentante, et ce-
pendant elle ne nous a pas tentés. Pour-
quoi! Parce que, pour nous, le résultat
mauvais était peut-être le bon. Dans une
telle latte, il vaut mieux frapper avec des
exemples qu'avec des paroles.
Lorsque l'élection de M. de Mun se pré-
senta à la barre de la Chambre, nous étions
partisans de l'enquête, nullement de l'in-
validation. Il était bon de bien mettre en
lumière les agissements du clergé en ma-
tière électorale dans les contrées où il pou-
vait se supposer le maitre. Le malheur en
cette affaire est qu'une fois l'enquête faite,
il n'y avait plus moyen de pencher pour la
validation. La politique devait céder le p as
à la logique. Mais ce n'est pas une raison
pour que nous n'ayons pas éprouvé un sin-
cère regret de voir M. de Man évincé du
groupe des représentants du pays.
Ii n'est pas mauvais que le cléricalisme
ait son Naquet à la Chambre.
Peu nous importe qu'il nous le fournisse
sous les traits de saint Michel archange,
brandissant un modsrne sabre de cuiras-
sier, ou sous celle d'un Judas M&chabée
en redingote noire. Nous dirons même que
l'apparence charnelle de M. le comte de
Mun nous agrée plus que toate autre :
homme de bonne compagnie, orateur de
bon ton, lutteur de bonnes manières, mieux
vaut lui qu'un autre pour l'usage que nous
voulons en faire.
M. Le Maguet est un excellent républi-
cain, nous en sommes convaincus, un hom-
me qui rendrait peut-être de grands servi-
ces. Nous en rendrait-il jamais autant que
M. de Mun? La Chambre républicaine,
grosse de majorité, peut se paiser d'un Le
Maguet de plus ou de moins. M. de Mun,
au contraire est une force unique en son
genre, puissante, si l'on en sait tirer parti ;
rejftée dans la vie privée, elle est perdue
comme ces cascades qui dégringolent obs-
curément dans la montagne en chanton-
nant pour elles-mêmes dans les anfractuo.
eités du roc ; ramenée à la vie publique,
elle est utilisée au profit de tous et fait
tourner la meule du moulin, la meule avec
laquelle on broie les idées.
On sait depuis combien de temps ce
journal, recueillant pieusement les lam-
beaux de, diJcour. «catholique. qui par-
viennent jusqu'à lui, s'efforce de montrer
à quel point notre code civil est réduit à
l'état d'écumoire par l'éloquence cléricale.
Cent autres font de même. Et toujours ils
se buttent à la pire espèce d'incrédules,
aux incrédule. qui veulent faire semblant
de croire : « Le mariage civil est représenté
comme un simple accouplement de fauves ?
— Quelle baliverne ! — Le partage égal des
successions est attaqué comme inique ? —
Plaisanterie 1 — L'ordre de Rome prime la
loi du pays t — Chansons t » Il est néces-
saire, pour forcer ceux-là à s'avouer con-
vaincus, qu'une voix retentisse à la tribune,
voix puissante, autorisée, hostile à nos
idées — et capable de nous donner raison.
Il ne sera plus possible de mettre en
doute notre parole lorsque la leur s'élè-
vera officiellement pour corroborer nos
assertions. Et déjà, une fois, nous avons
vu, de nos yeux vu, ce fait se produire, si
rapide qu'ait été l'incident. Un jour, un dé-
puté républicain, qui répétait à la tribune
une religieuse hérésie — en matière civile,
— échappée à l'éloquence de M. de Mun,
fut bruyamment démenti par M. de Cas-
tellane. Le député républicain ne s'arrêta
pas pour si peu; mais M. de Castellane se
retourna brusquement,car derrière lui deux
voix venaient d'opposer une dénégation
polie à son démenti. Ces voix étaient celles
de MM. de Mun et Keller. Il nous semble
tout à fait opportun que les Cattellanes
du centre droit, ces libres-penseurs sans
le savoir, essuient publiquement, de temps
à autre, de ces démentis officiels.
Et nous ne redoutons pas la propagan-
de, celle qui se fait au grand jour. Quand
l'Italie, longtemps encapucinée, reprend
possession d'elle-même; quand l'Espagne,en-
froquée, secoue la domination du froc ;
quand la Turquie seule est assez arriérée
pour en être encore aux guerres de reli-
gion, nous ne craignons pas l'influence que
peuvent avoir les prédications des Pierre
l'Ermite moiernel sur le vieux bon sens
français. Au contraire, nous en espérons
les meilleurs effets.
Et c'est pourquoi nous sommes de l'avis
d'Henri IV. « Paris vaut bien une messe, >
disait ce bon roi, qui, comme chacun sait,
avait beaucoup de religions. La France
vaut bien un prône de M. de Mun - et un
siège à Pontivy.
PAUL LAFARGUB,
MONITA pcbiica
Je citais hier, avec un léger change-
ment, les deux vers célèbres de Ra-
cine :
Voilà comme, infectant cette simple jeunesle,
Les jésuites emploient le calme où l'on les laisse !
Ne nous lassons point de mettre au
jour les enseignements donnés à nos
enfants chez les bons pères; nous ne
pouvons savoir par le détail ce qui se
dit dans leurs classes, du professeur à
l'élève ; il n'en reste nulle trace au-
thentique. Mais il nous est facile de
présumer quelles doivent être les le-
çons particulières et privées en lisant
les harangues publiques, celles qui sont
faites pour être prononcées devant un
grand auditoire, pour être recueillies
par l'impression et courir de mains en
mains.
Je reçois aujourd'hui le discours pro-
noncé à la distribution solennelle des
prix de l'institution Saint Stanislas, à
Nîmes, par M. l'abbé Lévêque, le pro-
fesseur d'histoire de la maison.
Ce discours n'est qu'une longue dia-
tribe contre la révolution.
L'abbé ne prend même pas le temps
de faire aux collégiens les compliments
d'usage ; il est trop pressé pour s'arrê.
ter à ces bagatelles de la porte. Il entre
tout de suite en matière.
« A côté de l'Eglise, une autre puis-
sance s'est levée pour la combattre et
l'anéantir. Synthèse de toutes les aspi-
rations basses et criminelles du cœur
humain, de toutes les haines de l'enfer
contre Dieu et son Christ, cette puis-
sance, aussi ancienne que le monde,
prit à la fin du dernier siècle le nom qui
lui convient, parce qu'il exprime son
origine sataniqua, son but qui est de
détrôner Dieu, ses moyens qui sont la
destruction ; elle s'appelle : la Révolu-
tion. »
Ce qui m'étonne, ce n'est pas préci-
sément que M. l'abbé ait ces opinions,
ni même qu'il les professe dans ses
cours. Mais voyons ! en bonne cons-
cience, est-ce que vous ne trouvez pas
un peu bien impertinent que dans une
solennité pareille, en présence d'un pu-
blic considérable, on vienne tenir de
semblables propos à des enfants qui at-
tendent leurs prix?
Iriom-nous, je vous prie, nous autres,
libres-penseurs, profiter de l'occasion
d'une de ces cérémonies scolaires pour
nous élever contre le cléricalisme et le
Syllabusl Et à supposer même que l'un
de nous commît cette imprudence de
mauvais goût, il se croirait obligé à
faire des distinctions, à dire qu'il ne
confond pas le cléricalisme avec l'es-
prit religieux, que l'on peut avoir la
foi et rester un honnête chrétien sans
donner créance à toutes les doctrines
de Syllabus. Il ne laisserait pas tout de
même, après toutes ces restrictions,
d'avoir tort, parce qu'une estrade de
distribution de prix n'est pas une arène
politique, et qu'on deit, comme disait
le poète latin, un absolu respect à l'en-
fance.
Monsieur l'abbé n'a aucun de ces mé-
nagements. Il ne distingue pas dans
cette révolution de 89, dont est sorti le
monde moderne, et dont nous sommes
les fils respectueux ; il la condamne en
bloc, c'est le génie du mal; c'est Satan
en personne.
« Plus de Dieu, s'écria-t-il, plus de
Christ, plus de religion, plus d'âme
immortelle, plus de conscience, plus de
devoir; indépendance absolue de l'hom-
me vis-à-vis de Dieu, jouissance aussi
complète et aussi universelle que pos-
sible en ce monde ; car au-delà il n'y a
rien à espérer ni à craindre : voilà
l'horrible programme de la révolu-
tion. >
Est-il permis de parler ainsi à de
jeunes Françsdsde la Révolution de 89,
alors même que l'on en haïrait les con-
séquences? Ce langage d'énergumène,
ces violentes et gratuites injures, ces
calomnies sans preuves sont-elles d'un
homme bien élevé s'adressant à de
jeunes élèves? Ne peut-il craindre qu'en
sortant de cette cérémonie, l'enfant ne
trouve, arrivé chez son père, dans la
bibliothèque des vacances, une histoire
de la Révolution, la première venue,
celle de M. Thiers ou de M. Mignet, ou
de Théophile Lavalléet Elles se trouvent
partout ; ce sont des livres d'usage cou-
rant, et qu'il est devenu impossible de
proscrire, tant ils sont répandus.
Quel désarroi, quel chaos dans cette
jeune cervelle, quand il aura seulement
lu le premier volume! Quoi! c'est là cette
révolution qu'on lui a peinte sous les
traits d'une bête immonde et mons-
trueuse, dont on lui a inspiré l'hor-
reur ! Il faut que les maîtres qui se per-
mettent ces abominables diatribes comp-
tent bien sur la paresse et l'ignorance
des jeunes gens qu'ils ont élevés. Ils
s'imaginent sans doute qu'aucun de leurs
élèves n'aura jamais l'idée de mettre le
nez dans un livre ni dans un jeurnal, et
peut-être, après, cela, n'ont-ils pas tort.
11 est tout naturel que des hommes fa-
çonnés de leur main ferment volontai-
rement les yeux à la lumière et repous-
sent toute occasion de s'instruire. Il est
tout naturel qu'ils croient l'abbé sur pa-
role et s'en tiennent sur la révolution
aux invectives de leur professeur.
Il est bien perfide, cet abbé ! Savez-
vous le tour qu'il prend pour inspirer
à ces jeunes âmes la haine et l'effroi de
la révolution ? Ecoutez-moi ce passage :
« Il n'est pas assurément hors de
propos de se demander ce que devien-
drait la France si, l'Eglise disparais-
sant, la révolution venait à triompher.
Pour savoir la réponse, il n'est pas
nécessaire de remonter à quatre-vingts
ans en arrière et d'interroger les écha-
fauds partout dressés, les autels dé-
truits , les églises fermées et Dieu
même proscrit. Ne recourons qu'à nos
propres souvenirs, et interrogeons les
ruines encore gisantes de nos plus
beaux monuments, les rayons calcinés
de nos bibliothèques, les crucifix chas-
sés de nos écoles, les croix qui protè-
gent, au pied des hautes murailles d'une
prison fameuse, la place solitaire où le
pontife et les prêtres du Christ tombè-
rent sous des balles françaises. Voilà
les souvenirs et les œuvres qu'a laissés
la Révolution aux jours heureusement
rapides de son triomphes. >
Y a-t-il une assimilation plus fausse
et plus abominable ? Quoi ! les horreurs
de la Commune ont été le triomphe de
la révolution de 89! Qui ne voit que
l'abbé profite des divers sens qu'a ce
mot de révolution pour attacher dans
l'esprit des enfants de sanglantes ima-
ges à cette grande ère de 89, d'où date
la nouvelle France ?
J'en appelle à tous les esprits im-
partiaux. Sont-ce là des enseignements
dont il soit bon d'emplir la cervelle de
nos enfants? Est-il utile, est-il juste,
est-il sensé d'ajouter après cette allu-
sion directe à nos récents malheurs :
« Ces jours peu éloignés peuvent re-
venir; c'est l'espérance que nourrit la
révolution. »
Eh quoi ! nous nourrissons l'espoir de
ramener les abominations de la Com-
mune ! Où l'abbé a-t il vu cela? Quel
rapport y a-t-il de certaines conquêtes
de la révolution que nous prétendons
garder, et dont la plus importante est
l'indépendance civile de la société laï-
que vis à-vis de la religion, aux extra-
vagances et aux infamies de la Com-
mune? M. l'abbé croit-il sérieusement
ce qu'il dit là ? S'il ne le croit pas, il a
tort de le dire, surtout à des enfants ;
s'il le croit, c'est un maître sot.
M. l'abbé a trouvé moyen de mettre
dans le même sac et le catholicisme li-
béral et la révolution. C'est là un thème
cher aux cléricaux modernes :
« Bien des catholiques, dit-il, n'ont
pas su se soustraire à la* délétère in-
fluence des idées fausses répandues
dans l'air que nous respirons, et ils ont
cru sage de faire des concessions, à
l'esprit de la société contemporaine, aux
dépens de la rigueur des" principes. Dé-
fiez-vous de cette prétendue sagesse,
complice de la RÉVOLUTION, dont elle
hâte les progrès, en dissolvant les élé-
ments de résistance que l'Eglise lui op-
pose. >
Voilà les Montalembert, les Lacor-
daire et les Falloux joliment arrangés !
Qui leur eût jamais dit qu'on les accu-
serait un jour d'être les complices de
la révolution ? qu'on apprendrait aux
enfants à se signer à leur nom : Vade
retro, Satanas !
Et voilà l'éducation qu'une bonne
partie de la bourgeoisie contemporaine,
par boa ton ét par mode, fait donner
à ses fils !
FRANCISQUE SARCBY.
————— —————
Lettre de Serbie
Deligrad, 18 août, 2 heures,
J'avais appris hier soir à Alexinatz que
le général Tchernaïeff devait passer en
revue ici, ce matin, un bataillon de volon-
taires. A six heures du matin, je me suis
mis en route. Je croise,à la sortie d'Alexi-
natz, un convoi de 75 chariots, traînés par
des bœufs; ce sont des munitions d'artil-
lerie. Point d'autre incident. La route est
a,uez animée; mais ce sont toujours des
bergers balgares escortant leurs troupeaux
avec de longs fusila en guiie de houlettetr;
ou des femme. du district d'Alexinatz,
qui ont arrangé leur" cheveux en groa
rouleaux de chaque côté de leurs oreilles,
comme des cornes de bélier; ou quelques
paysans, exemptés du service, qui se sont
coiffés, pour aller aux champs, d'une ser-
viette à rayures, dis;?olée à la mode égypâ
tienne; du moins, voit-on ces. coiffures là
sur les monuments contemporains de Sé-
sostris.
A & heures, je saluais, au camp de Deli..
grad, la commandant du camp, M. le colo-
nel Nicolich. Le colonel russe Komaroff,
chef d'état-major de Tcherriaïeff, qui m'a-
vait reçu si gracieusement, il y a trois
jours, à mon premier passage, était parti
depuis avant hier avec le général Pour une
destination que l'on ne dit pas. PArti
également, le correspondant du Rushy
ilir, M. de Montevlrde, qui suit le géné-
ral Tchernaïeff comme son maître.
Le colonel Nicolich, dont je n'avai. pas
encore fait la connaissance, n'est pas seule-
ment un des plus vaillants soldats delà Sel"
bie ; c'est un officier instruit et qui a voya-
gé. Son éducation militaire s'est faite en
France. Il est ancien élève de notre Esole
polytechnique. En outre, il a passé trois
ans à l'école des ponts et-chaussées. Il con-
nait almirablement la France, qu'il a,
me dit-il, visitée jusque dans ses moindres
recoins. Il est Français de cœur.
C'est un homme de quarante-deux ans,
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