Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-02-17
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 17 février 1873 17 février 1873
Description : 1873/02/17 (A3,N459). 1873/02/17 (A3,N459).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 19/03/2013
3° Année. - IN0 459.
PUll DU NUMÉRO : PARIS 45 CENTIMES — DÉr£\RTEfEN'fS 20 (Intimes,
Lundi 17 Févner 1873.
LE SIX ; SIÈCLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
"adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
3. rue Drouot. S
Les manuscrits non insérés seront rendus
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Six mois. 25
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Six mois 32
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Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et G*
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JOURNÉE POLITIQUE
ParM, le 16 février 1873.
L'Assemblée nationale a clos hier sa
première délibération sur la loi des sucres;
presque toute la séance a été prise par un
grand discours de M. Pouyer-Quertier,
ainsi qu'on le verra plus loin. Quelques
réunions parlementaires ont été tenues ces
deux derniers jours, mais elles n'ont que
peu d'importance. On assure que, lundi,
M. le duc de Broglie fera une première
lecture de son rapport à la - commission des
trente. Du reste, la fusion semble bien
finie. Le nouveau document que nous avons
publié hier est accueilli par Y Union avec
peu d'étonnement et beaucoup de tristesse,
et par le Journal de Paris avec une explo-
sion de mauvaise humeur. Quelques jour-
naux parlent aussi d'une lettre que M. le
comte de Paris aurait écrite au comte de
Chambord sur la question du drapeau. Le
petit-fils de Louis-Philippe déclarerait,
toute réflexion faite, qu'il ne renonce
pas au drapeau tricolore; il s'excuserait
aussi .de ne pouvoir' se rendre à Vienne,
où il devait avoir avec M. de Chamboi d
une entrevue. Comme on s'occupe beau-
coup de cette lettre, nous devons la men-
tionner ; mais nous ne savons pas si réel-
lement elle existe. Il est bien sûr du moins
qu'on ne fusionne pas ; cela suffit.
La République espagnole est digne d'un
très-vif intérêt, et l'on fait ici des vœux pour
Son succès, qui dépendra en grande partie
de sa sagesse. C'est précisément pour cela
que nous ne sommes satisfaits qu'à demi
des nouvelles que nous avons reçues hier.
Il en est venu de Barcelone, par Mar-
seille, où sont arrivés les journaux impri-
més le 13 dans le chef-lieu de la Catalogne.
Il en est aussi venu de Madrid, datées du
14, parle télégraphe. A Paris, cependant,
le courrier d'Espagne manque toujours,
et l'on attribue ces retards à l'amoncèle-
ment des neiges sur les routes et voies
ferrées du Nord plutôt qu'aux carlistes,
dont il n'est point, d'ailleurs, question de-
puis quelques jours.
- On ne peut dire qu'il y ait des troubles
à Barcelone ; mais il faut bien y signaler
une certaine agitation, une effervescence
qui, pour être très-naturelle, n'en paraîtra
pas moins fâcheuse. La foule a envahi
« pacifiquement » l'hôtel-de-ville, en de-
mandant des armes. Elle a couvert le balcon
d'écriteaux en l'honneur de la municipalité
autonome, de la République démocratique
fédérale, etc. Un membre du conseil de la
province a promis au peuple, au nom du
conseil, qu'on allait faire réparer des ar-
mes et les distribuer aux citoyens. Ce
même orateur a dit aussi que le conseil
télégraphierait au gouvernement pour lui
promettre de maintenir l'ordre sous la Ré-
publique démocratique fédérale. La Cata-
logne aurait déjà, d'après le Diario, de
Barcelone, choisi et arboré son drapeau
fédéral. Hâtons-nous d ajouter que Bar-
celone n'a été le théâtre d'aucune sorte de
conflit, bien que l'autorité militaire ait
déployé, à un certain moment, les forces
dont elle disposait. Le capitaine-général
Gaminde, qui commande en Catalogne, a
fait une proclamation énergique et sage :
« Livrez-vous, dit-il, à la joie, mais main-
tenez l'ordre, et de la sorte vous assurerez
le régime de la liberté. » Tout le monde
approuvera ce langage.
Voici maintenant en bloc ce que l'on
sait des actes du gouvernement de Madrid:
on a gracié, disent les dépêches, plusieurs
condamnés politiques qui devaient être
exécutés le 13 ; on annonce l'intention de
« donner une grande impulsion à l'arme-
ment du peuple ; » on prépare un décret
qui supprimera les titres nobiliaires et les
décorations civiles; on parle d'adopter,
pour drapeau de la République, un éten-
dard violet, blanc et rouge ; on va déposer
un projet de loi pour l'abolition de la peine
de mort ; et les dernières nouvelles portent
enfin que la Gazette officielle a dû publier,
dans son numéro du 15, un décret réor-
ganisant les milices républicaines. N'a t-on
pas profité aussi de la circonstance pour
changer les noms de quelques douzaines
de rues ? Cela pressait également. Et n'a
t-on pas inscrit en toute hâte au fronton
des monuments publics quelque devise ré-
publicaine pour l'édification des âmes et le
plaisir des yeux ? Rien de fait, si l'on a
oublié cette importante cérémonie, qui de-
vait au moins aller de pair avec l'organi-
sation de la garde nationale espagnole. Ces
graves devoirs accomplis, le gouvernement
pourra commencer à songer aux carlistes,
à l'état des finances, etc., en un mot aux
questions secondaires et aux problèmes
inférieurs.
On est véritablement désolé qu'un gou-
vernement qui a pour lui la légalité la
plus pure, qui est né, comme on dit, des
entrailles mêmes de la situation, et qui a
charge de parer enfin à mille dangers si pres-
sants, ne semble apercevoir encore que le
côté théâtral et vulgaire d'un rôle qui
pourrait être si beau. Est-ce que ces noms
de Figueras, de Castelar, de Pi y Margall,
ne cacheraient que des Glais-Bizoin ? et de
toutes nos révolutions de France, nos voi-
sins n'auraient retenu que les parties ridi-
cules et vides ? On ne fonde point les ré-
publiques avec du sentimentalisme, de
l'ostentation et de la faiblesse; on ne
produit avec tout cela que du gâchis. Nous
connaissons trop les périls où la Républi-
que espagnole semble malheureusement
prête à courir, pour ne point les lui signa-
ler avec une amitié sincère-
Sans doute on doit faire la part de l'é-
motion populaire et des agitations de la
première heure ; mais le devoir d'un gou-
vernement, surtout s'il a la chance heu-
reuse de n'avoir point été révolutionnaire-
ment institué, c'est de contenir la passion
démocratique, et non de l'exalter. Soyez
hommes de froide raison dès le premier
jour, ou la réaction ne se fera point at-
tendre et sera terrible. Si ceux à qui échoit
le pouvoir en Espagne ne comprennent
pas ces choses et n'envisagent pas leur
devoir avec le sérieux qu'il comporte, ils
seront sans excuse et auront achevé de
perdre leur patrie.
EUG. LIÉBRT.
+ ————————
Un sous-Veuillot de l'Univers, M. Au-
guste Roussel, pour que le monde ap-
prenne enfin son nom, nous reproche
dans son journal d'hier de l'avoir appelé
confrère. Révérend père eût peut-être été
mieux, mais, eu bon fils, nous respec-
tons trop le nom de père pour le gal-
vauder au hasard. Ledit sire Roussel
n'est pas notre fils, grâce à Dieu, et nous
nous honorons de n'avoir dans notre
famille aucun produit qui puisse entrer
en parallèle avec lui.
Nous ne sommes ni son collaborateur,
ni par conséquent son complice, encore
moins son camarade, étant sorti d'une
autre école, et tout à fait étranger à l'idée
de lui serrer la main, même avec des
pincettes. Nous n'avons pas même le
droit de nous dire son contemporain,
car il date de quelques siècles avant
nous. Elre son ennemi ne nous semble
pas digne, car nos vrais ennemis, les
seuls dont nous fassions quelque comp-
te, sans les considérer autrement, sont
ses maîtres. Qu'il nous appelle donc du
titre qu'il lui plaira. Quant à nous, nous
nous soucions peu des titres et nous
attendons les raisons. Si l'Univers en a
de bonnes à faire valoir contre nous,
nous les réfuterons en temps et lieu,
sans trop regarder à la source :
Il ne faut pas touj ouri être si délicat.
ABOUT.
, ; 4 ——————————
LES GENS DE TRONE ET D'AUTEL
L'association internationale des res-
taurateurs de monarchies ne peut se
consoler du départ d'Amédée. Pendant
les vingt-six mois qu'a duré son règne,
les affiliés de l'association n'ont 0 pas
manqué un seul jour de l'insulter; ils
l'appelaient forban, détrousseur de grand
chemin, voleur de trônes. Aujourd'hui
ils l'outragent encore ; ils l'injurient tou-
jours. Pourquoi? Serait-ce, par hasard,
qu'ils lui reprochent lafaçon un peu brus-
que dont il est parti? Peut-être bien.
On ne peut se le dissimuler ; les
choses auraient sans doute pris une
tout autre tournure si Amédée avait
envoyé à don Carlos sa carte de visite
p. p. c., avant d'avertir les Cortès de sa
résolution. Le jeune duc d'Aoste, il est
vrai, a le droit de plaider les circon-
stances atténuantes; car don Carlos
ne possède ni feux ni lieux connus ;
c'est un général Benoiton, on ne le voit
jamais. Est-il en Espagne ? Est-il en
France ? Est-il à la fois dans les deux
pays ? C'est probable. A cheval sur la
frontière, il se tient prêt, selon les évé-
nements, à sauter en Espagne, où à se
laisser glisser en France. Mais ce n'est
point là avoir un domicile, et Amédée
ne pouvait raisonnablement faire afficher
une récompense honnête
A qui retrouverait un don Carlos perdu !
Et puis, il faut bien reconnaître que
don Amédée n'avait pas lieu de regarder
Carlos comme un frère ; il avait même
dû, plus d'une fois, voir en rêve un ta-
bleau fort peu gai représentant unhomme
qu'on fusille, et comme songe est men-
songe, il avait certainement vu dans le
fusillé un homme qui lui ressemblait
comme un frère, et dans le fusilleur le
portrait frappant de don Carlos.
On a beau savoir qu'on a rêvé, que
Madrid n'est pas Queretaro, que don
Carlos n'est pas Juarez ; l'imagination
se frappe, et quand, par là-dessus,
on fait au coin d'une rue la ren-
contre désagréable d'un homme qui
vous attendait là pour vous tuer,
avouez qu'on est bien pardonnable de se
débarrasser un beau matin, sans crier
gare à personne, des visions mexicaines
et des réalités espagnoles.
Quoi qu'il en soit, les monarchistes
internationaux en veulent presque autant
à Amédée de son départ subit qu'ils lui
en voulaient de son séjour prolongé. Ils
ont été pris au dépourvu ; la République
leur a brûlé la politesse; ils enragent. Et
il y a vraiment de quoi, car cette abdica-
tion, qui pouvait leur faciliter si bien la
besogne, pourrait avoir et aura, nous
le croyons, le résultat tout opposé.
On a beau dire, voyez-vous, la Républi-
que, c'est le gouvernement de tout le
monde, et des milliers de braves gens,
qui ne se seraient point souciés beaucoup
de défendre le trône d'Amédée, seront
les premiers à demander de la poudre et
des balles pour lutter contre l'ennemi
commun. -.
Les monarchistes le comprennent bien.
Aussi la nouvelle de la proclamation de
la République en Espagne n'étaif p^s aj-j
rivée en France depuis deux heures que
déjà on annonçait de Londres pour Ma-
drid le départ de plusieurs wagons de pé-
trôleurs. C'est tout simple. On a renon-
cé depuis longtemps à combattre la Ré-
publique, cela ne servait à rien ; le mot
d'ordre actuel est de la déshonorer. Il
faut, de gré ou de force, persuader aux
nations que la République amène fatale-
ment à sa suite tous les désordres, toutes
les horreurs de la guerre civile. On n'y
est pas arrivé en France, mais on espère
que ce sera plus facile en Espagne. Dans
tous les cas, on ne risque rien d'annon-
cer que la Péninsule vient d'être envahie
par des incendiaires et que d'un moment
à l'autre toutes les Espagnes flamberont
somme ont flambé les Finances à Paris.
Le moindre résultat qu'il soit permis
d'espérer, c'est de donner à réfléchir à
bon nombre de gens qui se seraient peut-
être ralliés à la République. Mais si, par
aventure, on avait dit vrai ! Si le bon-
heur voulait que l'Espagne eût sa Com-
mune, elle aussi ! Quel triomphe pour le
parti blanc ! Vous voyez, dirait-il ; Répu-
blique et guerre civile sont synonymes.
Nous vous avions prévenus !
L'Espagne serait bien ingrate si elle
ne faisait point son profit de ces excel-
lents conseils. A la vérité, peut-être se-
ra-t elle surprise d'apprendre que Ma-
drid, c'est l'Union qui l'affirme, « est
devenu le rendez-vous des anarchistes
et des bandits cosmopolites, depuis que
la proclamation de la Républiquea donné
le signal du désordre. » C'est peut-être
vrai, bien que depuis trois ou quatre
jours aucune lettre d'Espagne ne soit
arrivée en France; mais Y Union est au
mieux avec le Saint-Esprit et c'est bien
certainement par sa grâce qu'elle est si
soigneusement informée.
On nous accordera, du moins, qu'il
ne faut pas avoir le sens moral très-fort
développé pour s'indigner depuis trois
jours, comme le font tous les journaux
monarchistes, de ce que des fauteurs de
guerre civile sont soi-disant partis pour
l'Espagne, quand ces mêmes journaux
trouvent on ne peut plus naturel et an-
noncent même, dans le style le plus res-
pectueux, que Sa Majesté don Carlos-a
daigné se mettre lui-même, ni plus ni
moins qu'un Bergeret, en marche sur la
capitale de l'Espagne.
Savez-vous, messieurs les royalistes,
que c'est tout simplement abominable,
cela ! Quelle différence faites-vous donc
entre des gens de sac et de corde et des
gens de trône et d'autel qui font couler
le sang dans les rues ? Vous vous indi-
gnez à l'idée que l'Espagne pourrait
avoir le malheur d'être un jour, comme
le fut la France, en proie aux calamités
de l'insurrection. C'est fort bien. Mais
vous applaudissez aux incendies, aux
pillages, aux massacres, quand c'est
vous qui les ordonnez. C'est indigne. Les
imbéciles et les fourbes qui tentent de
ramasser dans le sang pouvoir et fortu-
ne nous font horreur et pitié ; mais pour
les juger, point n'est besoin de voir s'ils
sont peuple ou s'ils sont princes. Leur
crime est le même.
La République espagnole échappera,
nous l'espérons, aux haineuses prédic-
tions qui la représentent déjà comme
obligée de faire fice à l'émeute popu-
laire en même temps qu'à l'insurrection
royaliste. On la voudrait voir prise entre
deux feux, cela se conçoit ; mais les
bonnes âmes vont trop vite en besogne.
Pour l'instant, les bandes carlistes font
seules échec au nouveau gouvernement ;
à lui de prouver que la République sait
être un pouvoir fort quand on l'y oblige,
et que le sang qui va se répandre re-
tomba sur la tête de ceux qui, pour rele-
ver un trône, croient juste, patriotique,
et agréable à Dieu de l'asseoir sur un
lit de cadavres.
E. SCHNEM.
—————— »—
L'ITALIE NOUVELLE
LA QUESTION RELIGIEUSE
(TROISIÈME ARTICLE. (1)
Les Italiens avaient accompli, sinon
en fait, du moins en principe, la sépara-
tion de l'Eglise et de l'Etat; ils venaient
d'affranchir par les plus sages lois la
société religieuse et la société civile,
longtemps enchaînées l'une à l'autre, et
paralysées l'une par l'autre ; ils s'occu-
paient à laver en famille le linge sale
des ordres religieux lorsqu'un événe-
ment heureux, inespéré et peut-être pré-
maturé, vint tout à coup compliquer les
affaires.
La garnison française, unique fonde-
ment du pouvoir temporel des papes,
quitta Rome; une armée italienne, ap-
puyée par les sentiments unanimes de
la nation, marcha sur Rome et la prit
d'assaut après quatre ou cinq heures de
siège ; le gouvernement national, un
beau matin, s'éveilla maître et responsa-
ble de Rome. Un plébiscite, voté à l'una-
nimité moins quelques voix par tous les
sujets du Saint-Père, légitima cette vic-
toire aisée en prouvant que Victor-Em-
manuel n'avait pas affranchi les Romains
malgré eux.
Je le sais, je l'avoue et je le procla-
(l) Yoir le '!Xè Siècle des 7 et 12 février. 1
merai si l'on veut, ce n'est ni aujourd'hui
ni demain que les cléricaux de la France
et de l'univers ratifieront l'annexion de
Rome. Mais si les hommes qui se van-
tent d'avoir la foi pouvaient avoir aussi
ce que le monde appelle, par une anti-
thèse malheureusement trop fondée, la
bonne foi, ils reconnaîtraient avec nous
que les Romains n'ont pas été créés pour
être éternellement les ilotes de la catho-
licité; que cette population, comme tant
d'autres, avait le droit de se fondre dans
la nation italienne dont elle fait partie
intégrante, et d'échanger un détestable
gouveinement contre un bon.
Supposez que demain, par un hasard
assez invraisemblable, l'archevêque de
Paris se manifeste au monde catholique
comme un saint; que 139 millions de
Français, de Belges, d'Irlandais, de Ba-
varois, d'Autrichiens, d'Italiens, d'Es-
pagnols, de Mexicains, de Péruviens et
de Chiliens, sans compter les Bulgares,
s'accordent unanimement à saluer en
lui, dans cette décadence de l'Eglise, le
vrai vicaire de Jésus-Christ, l'homme
provwUutiôl-par Dieu lui même
pour restaurer le dogme et la;' morale de
r Evangile et réconcilier le ciel avec la
terre : s'ensuivrait-il logiquement que Ja
France dût livrer sa capitale avec tout le
département de Seine-et-Oise à l'arche-
vêque de Paris?
Nos cléricaux diraient, et non sans
quelque vraisemblance, que la suprématie
du hon M. Guibert sur tous les évêques
du monde fait le plus grand honneur au
pays ; il n'auraient garde d'en conclure
qu'il faut décapiter le pays, soumettre les
Parisiens et les habitants de la banlieue
au régime théocralique, transformer en
couvents les magasins et les manufac-
tures de la capitale, abolir le code civil
et promulguer les lois du moyen âge
dans l'enceinte du domaine sacré, en-
fermer les Rothschild au Ghetto, et con-
vertir en désert pestilentiel le départe-
ment de Seine-et-Oise.
Voilà pourtant le sort que nos honnê-
tes cléricaux ont infligé durant plus de
vingt ans au malheureux peuple romain :
leur conscience, paraît-il, leur permet
de faire à autrui ce qu'ils ne voudraient
point qu'on nous fît à nous-mêmes.
Je me flatte de connaître un peu le
caractère de mes concitoyens,et j'affirme
que si Paris et sa banlieue avaient été
érigés en fief par le monde catholique
au profit de Guibert Ier; si nous avions
souffert ici, ne fût-ce que six mois, le
traitement que les Romains ont subi
durant plusieurs siècles, le jour de la
délivrance eut été un jour de destruc-
tion vengeresse et d'abominable carnage.
Les plus sages et les plus modérés en-
tre nous seraient devenus fous furieux ;
ils auraient brûlé les églises, mis à mal
tous les prêtres et les religieux, em-
brassé l'islamisme ou l'athéisme et juré
une haine éternelle à tout l'élément ca-
tholique.
Ah ! que les Italiens, si sottement ca-
lomniés par nos dévots, sont d'une
pâte plus clémente!
Deux fois maîtres de Rome, après
qu'ils l'eurent prise et qu'elle se fut
donnée, ils s'avisèrent, dans l'ivresse de
la victoire, que cette ville n'appartenait
pas à eux seuls. Il n'y en a peut-être
pas un qui ne se soit dit : Nous voici les
dépositaires d'une grande et gènante
institution ; il s'agit de garder, d'entou-
rer, de ménager et d'honorer le chef de
la religion catholique. Aussi longtemps
qu'une autre nation ne nous enviera pas
l'honneur de posséder le pape, et tant
que le pape lui-même ne prendra pas
spontanément congé de nous,nous serons
responsables de sa vie, de sa liberté et de
sa grandeur même.
»Il plaît au monde catholique de savoir
que son grand-prêtre est logé dans un
palais, qu'il porte une couronne et qu'il
jouit des prérogatives royales ; ce serait
donc manquer aux convenances que de
ne point le traiter en roi. Le pape ne
règne plus sur nous, grâce à Dieu, puis-
que nous avons eu raison des volontai-
res et des mercenaires qui nous tenaient
pliés sous son vieux sceptre; mais nous
le traiterons en roi pour ne pas désobli-
ger certains peuples qui ne le conçoivent
pas autrement. Un roi ne tiendrait pas
son rang s'il n'avait une liste civile :
nous prendrons donc à notre charge la
liste civile de ce monarque honoraire.
» Si, malgré tant d'égards, il persiste à
voir en nous 27 millions d'usurpa-
teurs, s'il anathématise nos droits et nos
idées, nos sciences, nos codes, nos ins-
titutions politiques, non-seulement nous
le laisserons dire, mais nous lui fourni-
rons les moyens de faire entendre sa
voix jusqu'aux derniers confins du
monde catholique. Il restera maître
absolu, tout-puissant, incontesté, infail-
lible même, si tel est son bon plaisir,
dans le vaste domaine des choses spiri-
tuelles. Quelques énormilés qu'il lui
plaise d'ériger en dogme, il les publiera
librement, non-seulement à l'étranger,
mais chez nous.
Xoilà çlans quel esprit de tolérce:
philosophique, je dirai même héroïque,
ces scélérats d'Italiens, députés et séna-
teurs, peuple et roi, ont rédigé la loi des
garanties.
Nous la connaissons peu ou mal; les
gens de bien ne me sauront donc pas
mauvais gré d'en faire une analyse suc-
cincte.
« La personne du souverain-pontife
est sacrée et inviolable. Les attentats
commis contre le pape et la provocation
à les commettre sont passibles des mê-
mes peines que s'ils étaient tournés con-
tre la personne du roi. Les offenses et
les injures publiques contre le pape sont
poursuivies d'office devant la cour d as-
sises. La discussion sur les matières re-
ligieuses est absolument libI'e. il (Art. 1
et 2.)
Je ne sais pas si l'on rencontrera
dans notre vieille Europe beaucoup de
princes assez généreux pour partager
ainsi leur inviolabilité personnelle avec
un prêtre qui les maudit.
« Le gouvernement italien rend au
pape les honneurs souverains; il lui
ujusei'vw-les préséances reconnues par
les princes catholiques. Le souverain-
pontife est libre d'entretenir pour la
sécurité de sa personne et la conserva-
tion de ses palais autant de gardes qu'il
en avait autrefois. La liste civile du pape
est maintenue au chiffre de 3,225,000 li-
vres; elle est inscrite au grand-livre de
la dette publique en rente perpétuelle et
inaliénable; elle sera payée à l'Eglise
en cas de vacance du Saint-Siège; elle
est exempte de tout impôt, et ne sera
jamais réduite quand même le gouver-
nement prendrait à sa charge quelques-
unes des dépenses de la Papauté. (Art.
3 et 4.)
» Le pape, outre la dotation ci-des-
sus établie, jouira des palais du Vatican
et de Saiat-Jean-de-Latran, et du château
de Castel-Gandolfo, avec leurs attenan-
ces et dépendances ; le tout exempt
d'impôt et garanti contre l'expropriation
pour cause d'utilité publique. Les mu-
sées, la bibliothèque, les collections d'art
et d'archéologie qui existent dans ces
palais restent à la disposition du pape,
sans qu'il puisse, bien entendu, les
aliéner.
» Aucun agent ou o fficier de l'autorité
publique, dans l'exercice de ses fonc-
tions, ne pourra s'introduire ni dans les
résidences du saint-père ni dans les
réunions du Conclave ou des conciles
œcuméniques. Quand le siége pontifi-
cal sera vacant, la liberté personnelle
des cardinaux est garantie contre toutes
les autorités judiciaires ou politiques.
» Il est défendu d'opérer aucune visite
perquisition ou saisie de papiers dans
les congrégations pontificales, revêtues
d'attributions purement spirituelles. Le
souverain pontife est absolument libre
d'accomplir toutes les fonctions do son
ministère spirituel et d'en afficher tous
les actes aux portes des basiliques ou
églises de Rome. Les ecclésiastiques qui,
en vertu de leurs fonctions, prennent part
à la publication des actes du Saint-Siège
à Rome, ne peuvent être recherchés de ce
fait. Les ecclésiastiques étrangers au ser-
vice du pape à Rome jouissent des mê-
mes garanties personnelles que les ci-
toyens italiens. Les envoyés des gou-
vernements étrangers auprès du Saint-
Siège sont assimilés en tout aux diplo-
mates accrédités auprès du roi. Les re-
présentants du pape à l'étranger, soit
qu'ils se rendent à leur poste, soit qu'ils
en reviennent, jouissent des privilèges
et immunités diplomatiques sur le terri-
toire italien. (Art. 4 à 11.)
Il Le souverain-pontife correspond li-
brement avec l'épiscopat et avec tout le
monde catholique sans aucune ingéren-
ce du gouvernement italien. A cette fin,
il a le droit d'établir au Vatican ou dans
ses autres résidences des bureaux de
poste et de télégraphe desservis par des
employés de son choix. La poste ponti-
ficale pourra correspondre directement
en paquet clos avec les bureaux étran-
gers, ou remettre ses dépêches aux bu-
reaux italiens. Dans les deux cas, le trans-
port sera gratuit jusqu'à la frontière'
Les courriers pontificaux sont assimilés,
dans le royaume , aux courriers de
cabinet des gouvernements étrangers.
Le télégraphe pontifical sera relié au
réseau télégraphique du royaume, et
cela aux frais de l'Etat. Les dépèches
pontificales seront reçues et expédiées
d'urgence et gratis ; les dépêches à des-
tination du pape seront exemptes des
taxes à la charge des destinataires »
(Art. 12.)
A ce propos, le chevalier Artom, se-
crétaire général des affaires étrangères,
et l'un des plus éminents disciples de
Gavour, me disait : « Nous payons tou-
tes les dépêches que le pape écrit contre
nous. »
« Dans la ville de Rome et dans les
sièges suburbicaires (1. Ostie et Velle-
tri. 2. Porto et Santa Rufina. 3. Pales-
trina. 4. Frascati. 5. Albano. 6. Sabina.)
les séminaires, les académies, leseolle-
ges et les autres instituts catholiques
fondés pour l'enseignement des ecclé-
siastiques, dépendront uniquement du
saint-siége, et les autorités scolaires de
l'Etat n'auront rien à y voir.»
Les derniers articles de loi, réunis en
un titre à part, règlent les rapports de
PElat avec l'Eglise dans l'esprit le plus
large et le plus libéral. Les membres du
clergé catholique se réunissent où, quand
et comme il leur plaît ; le roi renonce
à son droit de nomination ou de propo-
sition pour les bénéfices majeurs ; le
pape les contère à qui bon lui semble, il
pourra même choisir des prélats étran-
gers à Rome et dans les sièges suburbi-
caires. Les évêques sont dispensés du
serment ; la publication et l'exécution
des actes des autorités ecclésiastiques se
passent de l'eæeqnalur ou du placet royal;
le gouvernement se réserve seulement
jusqu'à nouvel ordre de donner son pla-
cet ou son exequatur à la collation des
bénéfices majeurs et mineurs hors de
Rome ; encore les prélats s'insurgenl-ils
parfois contre cette formalité.
L'archevêque de Bologne, par exem-
ple, ce pasteur que son troupeau lY8
salue pas volontiers dans les rues, s'obs-
tine depuis assez longtemps à cacher le
bref pontifical qui i'a nommé. L'autorité
civile n'est pourtant pas trop exigeante;
elle lui dit : S'il vous répugne de nous
livrer ce parchemin, montrez-le à votre
chapitre, dont la déclaration fera foi.
Monseigneur fait la sourde oreille, il ne
veut pas céder, même sur une question
de forme, à cet affreux pouvoir civil.
Mais alors, lui dit-on, nous garderons
les clés du palais archiépiscopal, qui est
à nous. « Comme il vous plaira, répond-
il, je me logerai en garni. »
Et il s'est logé en garni, plutôt que de
montrer aux hommes du gouvernement
un chiffon signé par le pape. Plus le pou-
voir civil est doux, conciliant, généreux
même, plus ce malheureux parti clérical
affecte de pousser les choses à l'extrême,
comme s'il enrageait de n'être pas mar-
tyrisé.
Il ne le sera point, et l'étonnante bon-
homie du gouvernement italien va se
montrer une fois de plus dans l'affaire
des maisons généralices, que je vous
conterai au premier jour.
ABOUT.
(A suivre.)
—————.—— + ————————
COURRIER PARLEMENTAIRE
Versailles, 15 février 4875.
Bien qu'on ne discute guère plus les pé-
titions, le samedi n'en reste pas moins
une journée bigarrée, uae sorte de pot-
pourri de diverses questions.
Il est peu probable; que la durée de la
séance nous permette de voir le général
Chaugarnier aux prises avec l'appel du gé-
néral Carré de Belleniare contre les déci-
sions de la commission de révision des
grades ; imiis or, nous annonce un Murât
Sisîrièiv contre M. de Foul'tou, un Raoul Du-
val contre M. de Guulard, et un d'Ab a-
die de Barrau contre M. de Cissev. Rude
journée puur les ministres.
M. Murat-Sisttiere demande qu'on
mette à l'ordre du jour le ptojet de la re-
construction de !a colonne Vendôme.
M. le ministre des travaux publics, sans
s'opposer absolument au désir du député
du Cantal, fait observer que le projet en
question est englobé dans un ensemble de
projets (monuments à réédifier) qui va être
soumis à la Chambre. M. Ernoul, rappor-
teur de la commission, parle dans le même
sens que le ministre.
La droite n'est pas contente de ses deux
amis, elle murmure. Et M. Murat-Sis-
trière insLte, au grand plaisir de la droite.
« Ah! qu'on est fier d'être Français quand
on regarde la colonne! » Ainsi peut se
résumer l'allocntion du député du Cantal.
Ces choses-là font toujours de l'effet — et
nous ne nous en plaignons pas; — la co-
lonne est mise à l'ordre du jour.
M. Raoul Duval pose une question à M.
le ministre des finances, à propos du Jour-
nal officiel. M. de Goulard donne des expli-
cations , — qui n'expliquent pas grand
chose. Qu'est-ce que cela peut vous faire ?
La question n'intéresse que M Witters-
heim. ou son successeur.
D'Abbadie de Darrau contre Cissey!
commue on dit au Palais. Pas de d'Anbadie
de Barrau; le plaignant fait défaut, ce dé-
puté a oublié son interpellation comme un
électeur oublie son parapluie.
Il est à peine trois heures. Vous voyez
si les choses ont été menées bon train; il
est vrai que le tout ne présente par le
moindre intérêt.
Et nous nous replongeons dans la mé-
lasse.
Vous savez? trop de sucre, cela écœure
à la fin ; au:-si nous attendions-nous à voir
la salle faire la moue. Nos prévisions
malveillantes étaient fausses : l'auditoire
a écouté avec une attention d'autant plus
méritoire que la cause est entendue et que
les discours varient pt:u.
Il s'agit maintenant de sauver le fond par
la sauce et l'assaisonnement. M. Pouyer-
Q-ertier s\t. reçut-vaujourd'hui cuisinier
eiiiérite ; il a trouve moyen de relever lia
plot doux !
Les sucriers d'hier sont là, les mêmes.
On n'aperçoit pas de raffineurs; ils n'osent
plus se montrer, les témoins à charge se
succédant contre eux.
Et M. Pouyer Quertier, développant, dans
PUll DU NUMÉRO : PARIS 45 CENTIMES — DÉr£\RTEfEN'fS 20 (Intimes,
Lundi 17 Févner 1873.
LE SIX ; SIÈCLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
"adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
3. rue Drouot. S
Les manuscrits non insérés seront rendus
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DÉPARTEMENTS
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Les lettres non affranchies sera:ti refusées
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6, place de la Bourse, 8
JOURNÉE POLITIQUE
ParM, le 16 février 1873.
L'Assemblée nationale a clos hier sa
première délibération sur la loi des sucres;
presque toute la séance a été prise par un
grand discours de M. Pouyer-Quertier,
ainsi qu'on le verra plus loin. Quelques
réunions parlementaires ont été tenues ces
deux derniers jours, mais elles n'ont que
peu d'importance. On assure que, lundi,
M. le duc de Broglie fera une première
lecture de son rapport à la - commission des
trente. Du reste, la fusion semble bien
finie. Le nouveau document que nous avons
publié hier est accueilli par Y Union avec
peu d'étonnement et beaucoup de tristesse,
et par le Journal de Paris avec une explo-
sion de mauvaise humeur. Quelques jour-
naux parlent aussi d'une lettre que M. le
comte de Paris aurait écrite au comte de
Chambord sur la question du drapeau. Le
petit-fils de Louis-Philippe déclarerait,
toute réflexion faite, qu'il ne renonce
pas au drapeau tricolore; il s'excuserait
aussi .de ne pouvoir' se rendre à Vienne,
où il devait avoir avec M. de Chamboi d
une entrevue. Comme on s'occupe beau-
coup de cette lettre, nous devons la men-
tionner ; mais nous ne savons pas si réel-
lement elle existe. Il est bien sûr du moins
qu'on ne fusionne pas ; cela suffit.
La République espagnole est digne d'un
très-vif intérêt, et l'on fait ici des vœux pour
Son succès, qui dépendra en grande partie
de sa sagesse. C'est précisément pour cela
que nous ne sommes satisfaits qu'à demi
des nouvelles que nous avons reçues hier.
Il en est venu de Barcelone, par Mar-
seille, où sont arrivés les journaux impri-
més le 13 dans le chef-lieu de la Catalogne.
Il en est aussi venu de Madrid, datées du
14, parle télégraphe. A Paris, cependant,
le courrier d'Espagne manque toujours,
et l'on attribue ces retards à l'amoncèle-
ment des neiges sur les routes et voies
ferrées du Nord plutôt qu'aux carlistes,
dont il n'est point, d'ailleurs, question de-
puis quelques jours.
- On ne peut dire qu'il y ait des troubles
à Barcelone ; mais il faut bien y signaler
une certaine agitation, une effervescence
qui, pour être très-naturelle, n'en paraîtra
pas moins fâcheuse. La foule a envahi
« pacifiquement » l'hôtel-de-ville, en de-
mandant des armes. Elle a couvert le balcon
d'écriteaux en l'honneur de la municipalité
autonome, de la République démocratique
fédérale, etc. Un membre du conseil de la
province a promis au peuple, au nom du
conseil, qu'on allait faire réparer des ar-
mes et les distribuer aux citoyens. Ce
même orateur a dit aussi que le conseil
télégraphierait au gouvernement pour lui
promettre de maintenir l'ordre sous la Ré-
publique démocratique fédérale. La Cata-
logne aurait déjà, d'après le Diario, de
Barcelone, choisi et arboré son drapeau
fédéral. Hâtons-nous d ajouter que Bar-
celone n'a été le théâtre d'aucune sorte de
conflit, bien que l'autorité militaire ait
déployé, à un certain moment, les forces
dont elle disposait. Le capitaine-général
Gaminde, qui commande en Catalogne, a
fait une proclamation énergique et sage :
« Livrez-vous, dit-il, à la joie, mais main-
tenez l'ordre, et de la sorte vous assurerez
le régime de la liberté. » Tout le monde
approuvera ce langage.
Voici maintenant en bloc ce que l'on
sait des actes du gouvernement de Madrid:
on a gracié, disent les dépêches, plusieurs
condamnés politiques qui devaient être
exécutés le 13 ; on annonce l'intention de
« donner une grande impulsion à l'arme-
ment du peuple ; » on prépare un décret
qui supprimera les titres nobiliaires et les
décorations civiles; on parle d'adopter,
pour drapeau de la République, un éten-
dard violet, blanc et rouge ; on va déposer
un projet de loi pour l'abolition de la peine
de mort ; et les dernières nouvelles portent
enfin que la Gazette officielle a dû publier,
dans son numéro du 15, un décret réor-
ganisant les milices républicaines. N'a t-on
pas profité aussi de la circonstance pour
changer les noms de quelques douzaines
de rues ? Cela pressait également. Et n'a
t-on pas inscrit en toute hâte au fronton
des monuments publics quelque devise ré-
publicaine pour l'édification des âmes et le
plaisir des yeux ? Rien de fait, si l'on a
oublié cette importante cérémonie, qui de-
vait au moins aller de pair avec l'organi-
sation de la garde nationale espagnole. Ces
graves devoirs accomplis, le gouvernement
pourra commencer à songer aux carlistes,
à l'état des finances, etc., en un mot aux
questions secondaires et aux problèmes
inférieurs.
On est véritablement désolé qu'un gou-
vernement qui a pour lui la légalité la
plus pure, qui est né, comme on dit, des
entrailles mêmes de la situation, et qui a
charge de parer enfin à mille dangers si pres-
sants, ne semble apercevoir encore que le
côté théâtral et vulgaire d'un rôle qui
pourrait être si beau. Est-ce que ces noms
de Figueras, de Castelar, de Pi y Margall,
ne cacheraient que des Glais-Bizoin ? et de
toutes nos révolutions de France, nos voi-
sins n'auraient retenu que les parties ridi-
cules et vides ? On ne fonde point les ré-
publiques avec du sentimentalisme, de
l'ostentation et de la faiblesse; on ne
produit avec tout cela que du gâchis. Nous
connaissons trop les périls où la Républi-
que espagnole semble malheureusement
prête à courir, pour ne point les lui signa-
ler avec une amitié sincère-
Sans doute on doit faire la part de l'é-
motion populaire et des agitations de la
première heure ; mais le devoir d'un gou-
vernement, surtout s'il a la chance heu-
reuse de n'avoir point été révolutionnaire-
ment institué, c'est de contenir la passion
démocratique, et non de l'exalter. Soyez
hommes de froide raison dès le premier
jour, ou la réaction ne se fera point at-
tendre et sera terrible. Si ceux à qui échoit
le pouvoir en Espagne ne comprennent
pas ces choses et n'envisagent pas leur
devoir avec le sérieux qu'il comporte, ils
seront sans excuse et auront achevé de
perdre leur patrie.
EUG. LIÉBRT.
+ ————————
Un sous-Veuillot de l'Univers, M. Au-
guste Roussel, pour que le monde ap-
prenne enfin son nom, nous reproche
dans son journal d'hier de l'avoir appelé
confrère. Révérend père eût peut-être été
mieux, mais, eu bon fils, nous respec-
tons trop le nom de père pour le gal-
vauder au hasard. Ledit sire Roussel
n'est pas notre fils, grâce à Dieu, et nous
nous honorons de n'avoir dans notre
famille aucun produit qui puisse entrer
en parallèle avec lui.
Nous ne sommes ni son collaborateur,
ni par conséquent son complice, encore
moins son camarade, étant sorti d'une
autre école, et tout à fait étranger à l'idée
de lui serrer la main, même avec des
pincettes. Nous n'avons pas même le
droit de nous dire son contemporain,
car il date de quelques siècles avant
nous. Elre son ennemi ne nous semble
pas digne, car nos vrais ennemis, les
seuls dont nous fassions quelque comp-
te, sans les considérer autrement, sont
ses maîtres. Qu'il nous appelle donc du
titre qu'il lui plaira. Quant à nous, nous
nous soucions peu des titres et nous
attendons les raisons. Si l'Univers en a
de bonnes à faire valoir contre nous,
nous les réfuterons en temps et lieu,
sans trop regarder à la source :
Il ne faut pas touj ouri être si délicat.
ABOUT.
, ; 4 ——————————
LES GENS DE TRONE ET D'AUTEL
L'association internationale des res-
taurateurs de monarchies ne peut se
consoler du départ d'Amédée. Pendant
les vingt-six mois qu'a duré son règne,
les affiliés de l'association n'ont 0 pas
manqué un seul jour de l'insulter; ils
l'appelaient forban, détrousseur de grand
chemin, voleur de trônes. Aujourd'hui
ils l'outragent encore ; ils l'injurient tou-
jours. Pourquoi? Serait-ce, par hasard,
qu'ils lui reprochent lafaçon un peu brus-
que dont il est parti? Peut-être bien.
On ne peut se le dissimuler ; les
choses auraient sans doute pris une
tout autre tournure si Amédée avait
envoyé à don Carlos sa carte de visite
p. p. c., avant d'avertir les Cortès de sa
résolution. Le jeune duc d'Aoste, il est
vrai, a le droit de plaider les circon-
stances atténuantes; car don Carlos
ne possède ni feux ni lieux connus ;
c'est un général Benoiton, on ne le voit
jamais. Est-il en Espagne ? Est-il en
France ? Est-il à la fois dans les deux
pays ? C'est probable. A cheval sur la
frontière, il se tient prêt, selon les évé-
nements, à sauter en Espagne, où à se
laisser glisser en France. Mais ce n'est
point là avoir un domicile, et Amédée
ne pouvait raisonnablement faire afficher
une récompense honnête
A qui retrouverait un don Carlos perdu !
Et puis, il faut bien reconnaître que
don Amédée n'avait pas lieu de regarder
Carlos comme un frère ; il avait même
dû, plus d'une fois, voir en rêve un ta-
bleau fort peu gai représentant unhomme
qu'on fusille, et comme songe est men-
songe, il avait certainement vu dans le
fusillé un homme qui lui ressemblait
comme un frère, et dans le fusilleur le
portrait frappant de don Carlos.
On a beau savoir qu'on a rêvé, que
Madrid n'est pas Queretaro, que don
Carlos n'est pas Juarez ; l'imagination
se frappe, et quand, par là-dessus,
on fait au coin d'une rue la ren-
contre désagréable d'un homme qui
vous attendait là pour vous tuer,
avouez qu'on est bien pardonnable de se
débarrasser un beau matin, sans crier
gare à personne, des visions mexicaines
et des réalités espagnoles.
Quoi qu'il en soit, les monarchistes
internationaux en veulent presque autant
à Amédée de son départ subit qu'ils lui
en voulaient de son séjour prolongé. Ils
ont été pris au dépourvu ; la République
leur a brûlé la politesse; ils enragent. Et
il y a vraiment de quoi, car cette abdica-
tion, qui pouvait leur faciliter si bien la
besogne, pourrait avoir et aura, nous
le croyons, le résultat tout opposé.
On a beau dire, voyez-vous, la Républi-
que, c'est le gouvernement de tout le
monde, et des milliers de braves gens,
qui ne se seraient point souciés beaucoup
de défendre le trône d'Amédée, seront
les premiers à demander de la poudre et
des balles pour lutter contre l'ennemi
commun. -.
Les monarchistes le comprennent bien.
Aussi la nouvelle de la proclamation de
la République en Espagne n'étaif p^s aj-j
rivée en France depuis deux heures que
déjà on annonçait de Londres pour Ma-
drid le départ de plusieurs wagons de pé-
trôleurs. C'est tout simple. On a renon-
cé depuis longtemps à combattre la Ré-
publique, cela ne servait à rien ; le mot
d'ordre actuel est de la déshonorer. Il
faut, de gré ou de force, persuader aux
nations que la République amène fatale-
ment à sa suite tous les désordres, toutes
les horreurs de la guerre civile. On n'y
est pas arrivé en France, mais on espère
que ce sera plus facile en Espagne. Dans
tous les cas, on ne risque rien d'annon-
cer que la Péninsule vient d'être envahie
par des incendiaires et que d'un moment
à l'autre toutes les Espagnes flamberont
somme ont flambé les Finances à Paris.
Le moindre résultat qu'il soit permis
d'espérer, c'est de donner à réfléchir à
bon nombre de gens qui se seraient peut-
être ralliés à la République. Mais si, par
aventure, on avait dit vrai ! Si le bon-
heur voulait que l'Espagne eût sa Com-
mune, elle aussi ! Quel triomphe pour le
parti blanc ! Vous voyez, dirait-il ; Répu-
blique et guerre civile sont synonymes.
Nous vous avions prévenus !
L'Espagne serait bien ingrate si elle
ne faisait point son profit de ces excel-
lents conseils. A la vérité, peut-être se-
ra-t elle surprise d'apprendre que Ma-
drid, c'est l'Union qui l'affirme, « est
devenu le rendez-vous des anarchistes
et des bandits cosmopolites, depuis que
la proclamation de la Républiquea donné
le signal du désordre. » C'est peut-être
vrai, bien que depuis trois ou quatre
jours aucune lettre d'Espagne ne soit
arrivée en France; mais Y Union est au
mieux avec le Saint-Esprit et c'est bien
certainement par sa grâce qu'elle est si
soigneusement informée.
On nous accordera, du moins, qu'il
ne faut pas avoir le sens moral très-fort
développé pour s'indigner depuis trois
jours, comme le font tous les journaux
monarchistes, de ce que des fauteurs de
guerre civile sont soi-disant partis pour
l'Espagne, quand ces mêmes journaux
trouvent on ne peut plus naturel et an-
noncent même, dans le style le plus res-
pectueux, que Sa Majesté don Carlos-a
daigné se mettre lui-même, ni plus ni
moins qu'un Bergeret, en marche sur la
capitale de l'Espagne.
Savez-vous, messieurs les royalistes,
que c'est tout simplement abominable,
cela ! Quelle différence faites-vous donc
entre des gens de sac et de corde et des
gens de trône et d'autel qui font couler
le sang dans les rues ? Vous vous indi-
gnez à l'idée que l'Espagne pourrait
avoir le malheur d'être un jour, comme
le fut la France, en proie aux calamités
de l'insurrection. C'est fort bien. Mais
vous applaudissez aux incendies, aux
pillages, aux massacres, quand c'est
vous qui les ordonnez. C'est indigne. Les
imbéciles et les fourbes qui tentent de
ramasser dans le sang pouvoir et fortu-
ne nous font horreur et pitié ; mais pour
les juger, point n'est besoin de voir s'ils
sont peuple ou s'ils sont princes. Leur
crime est le même.
La République espagnole échappera,
nous l'espérons, aux haineuses prédic-
tions qui la représentent déjà comme
obligée de faire fice à l'émeute popu-
laire en même temps qu'à l'insurrection
royaliste. On la voudrait voir prise entre
deux feux, cela se conçoit ; mais les
bonnes âmes vont trop vite en besogne.
Pour l'instant, les bandes carlistes font
seules échec au nouveau gouvernement ;
à lui de prouver que la République sait
être un pouvoir fort quand on l'y oblige,
et que le sang qui va se répandre re-
tomba sur la tête de ceux qui, pour rele-
ver un trône, croient juste, patriotique,
et agréable à Dieu de l'asseoir sur un
lit de cadavres.
E. SCHNEM.
—————— »—
L'ITALIE NOUVELLE
LA QUESTION RELIGIEUSE
(TROISIÈME ARTICLE. (1)
Les Italiens avaient accompli, sinon
en fait, du moins en principe, la sépara-
tion de l'Eglise et de l'Etat; ils venaient
d'affranchir par les plus sages lois la
société religieuse et la société civile,
longtemps enchaînées l'une à l'autre, et
paralysées l'une par l'autre ; ils s'occu-
paient à laver en famille le linge sale
des ordres religieux lorsqu'un événe-
ment heureux, inespéré et peut-être pré-
maturé, vint tout à coup compliquer les
affaires.
La garnison française, unique fonde-
ment du pouvoir temporel des papes,
quitta Rome; une armée italienne, ap-
puyée par les sentiments unanimes de
la nation, marcha sur Rome et la prit
d'assaut après quatre ou cinq heures de
siège ; le gouvernement national, un
beau matin, s'éveilla maître et responsa-
ble de Rome. Un plébiscite, voté à l'una-
nimité moins quelques voix par tous les
sujets du Saint-Père, légitima cette vic-
toire aisée en prouvant que Victor-Em-
manuel n'avait pas affranchi les Romains
malgré eux.
Je le sais, je l'avoue et je le procla-
(l) Yoir le '!Xè Siècle des 7 et 12 février. 1
merai si l'on veut, ce n'est ni aujourd'hui
ni demain que les cléricaux de la France
et de l'univers ratifieront l'annexion de
Rome. Mais si les hommes qui se van-
tent d'avoir la foi pouvaient avoir aussi
ce que le monde appelle, par une anti-
thèse malheureusement trop fondée, la
bonne foi, ils reconnaîtraient avec nous
que les Romains n'ont pas été créés pour
être éternellement les ilotes de la catho-
licité; que cette population, comme tant
d'autres, avait le droit de se fondre dans
la nation italienne dont elle fait partie
intégrante, et d'échanger un détestable
gouveinement contre un bon.
Supposez que demain, par un hasard
assez invraisemblable, l'archevêque de
Paris se manifeste au monde catholique
comme un saint; que 139 millions de
Français, de Belges, d'Irlandais, de Ba-
varois, d'Autrichiens, d'Italiens, d'Es-
pagnols, de Mexicains, de Péruviens et
de Chiliens, sans compter les Bulgares,
s'accordent unanimement à saluer en
lui, dans cette décadence de l'Eglise, le
vrai vicaire de Jésus-Christ, l'homme
provwUutiôl-par Dieu lui même
pour restaurer le dogme et la;' morale de
r Evangile et réconcilier le ciel avec la
terre : s'ensuivrait-il logiquement que Ja
France dût livrer sa capitale avec tout le
département de Seine-et-Oise à l'arche-
vêque de Paris?
Nos cléricaux diraient, et non sans
quelque vraisemblance, que la suprématie
du hon M. Guibert sur tous les évêques
du monde fait le plus grand honneur au
pays ; il n'auraient garde d'en conclure
qu'il faut décapiter le pays, soumettre les
Parisiens et les habitants de la banlieue
au régime théocralique, transformer en
couvents les magasins et les manufac-
tures de la capitale, abolir le code civil
et promulguer les lois du moyen âge
dans l'enceinte du domaine sacré, en-
fermer les Rothschild au Ghetto, et con-
vertir en désert pestilentiel le départe-
ment de Seine-et-Oise.
Voilà pourtant le sort que nos honnê-
tes cléricaux ont infligé durant plus de
vingt ans au malheureux peuple romain :
leur conscience, paraît-il, leur permet
de faire à autrui ce qu'ils ne voudraient
point qu'on nous fît à nous-mêmes.
Je me flatte de connaître un peu le
caractère de mes concitoyens,et j'affirme
que si Paris et sa banlieue avaient été
érigés en fief par le monde catholique
au profit de Guibert Ier; si nous avions
souffert ici, ne fût-ce que six mois, le
traitement que les Romains ont subi
durant plusieurs siècles, le jour de la
délivrance eut été un jour de destruc-
tion vengeresse et d'abominable carnage.
Les plus sages et les plus modérés en-
tre nous seraient devenus fous furieux ;
ils auraient brûlé les églises, mis à mal
tous les prêtres et les religieux, em-
brassé l'islamisme ou l'athéisme et juré
une haine éternelle à tout l'élément ca-
tholique.
Ah ! que les Italiens, si sottement ca-
lomniés par nos dévots, sont d'une
pâte plus clémente!
Deux fois maîtres de Rome, après
qu'ils l'eurent prise et qu'elle se fut
donnée, ils s'avisèrent, dans l'ivresse de
la victoire, que cette ville n'appartenait
pas à eux seuls. Il n'y en a peut-être
pas un qui ne se soit dit : Nous voici les
dépositaires d'une grande et gènante
institution ; il s'agit de garder, d'entou-
rer, de ménager et d'honorer le chef de
la religion catholique. Aussi longtemps
qu'une autre nation ne nous enviera pas
l'honneur de posséder le pape, et tant
que le pape lui-même ne prendra pas
spontanément congé de nous,nous serons
responsables de sa vie, de sa liberté et de
sa grandeur même.
»Il plaît au monde catholique de savoir
que son grand-prêtre est logé dans un
palais, qu'il porte une couronne et qu'il
jouit des prérogatives royales ; ce serait
donc manquer aux convenances que de
ne point le traiter en roi. Le pape ne
règne plus sur nous, grâce à Dieu, puis-
que nous avons eu raison des volontai-
res et des mercenaires qui nous tenaient
pliés sous son vieux sceptre; mais nous
le traiterons en roi pour ne pas désobli-
ger certains peuples qui ne le conçoivent
pas autrement. Un roi ne tiendrait pas
son rang s'il n'avait une liste civile :
nous prendrons donc à notre charge la
liste civile de ce monarque honoraire.
» Si, malgré tant d'égards, il persiste à
voir en nous 27 millions d'usurpa-
teurs, s'il anathématise nos droits et nos
idées, nos sciences, nos codes, nos ins-
titutions politiques, non-seulement nous
le laisserons dire, mais nous lui fourni-
rons les moyens de faire entendre sa
voix jusqu'aux derniers confins du
monde catholique. Il restera maître
absolu, tout-puissant, incontesté, infail-
lible même, si tel est son bon plaisir,
dans le vaste domaine des choses spiri-
tuelles. Quelques énormilés qu'il lui
plaise d'ériger en dogme, il les publiera
librement, non-seulement à l'étranger,
mais chez nous.
Xoilà çlans quel esprit de tolérce:
philosophique, je dirai même héroïque,
ces scélérats d'Italiens, députés et séna-
teurs, peuple et roi, ont rédigé la loi des
garanties.
Nous la connaissons peu ou mal; les
gens de bien ne me sauront donc pas
mauvais gré d'en faire une analyse suc-
cincte.
« La personne du souverain-pontife
est sacrée et inviolable. Les attentats
commis contre le pape et la provocation
à les commettre sont passibles des mê-
mes peines que s'ils étaient tournés con-
tre la personne du roi. Les offenses et
les injures publiques contre le pape sont
poursuivies d'office devant la cour d as-
sises. La discussion sur les matières re-
ligieuses est absolument libI'e. il (Art. 1
et 2.)
Je ne sais pas si l'on rencontrera
dans notre vieille Europe beaucoup de
princes assez généreux pour partager
ainsi leur inviolabilité personnelle avec
un prêtre qui les maudit.
« Le gouvernement italien rend au
pape les honneurs souverains; il lui
ujusei'vw-les préséances reconnues par
les princes catholiques. Le souverain-
pontife est libre d'entretenir pour la
sécurité de sa personne et la conserva-
tion de ses palais autant de gardes qu'il
en avait autrefois. La liste civile du pape
est maintenue au chiffre de 3,225,000 li-
vres; elle est inscrite au grand-livre de
la dette publique en rente perpétuelle et
inaliénable; elle sera payée à l'Eglise
en cas de vacance du Saint-Siège; elle
est exempte de tout impôt, et ne sera
jamais réduite quand même le gouver-
nement prendrait à sa charge quelques-
unes des dépenses de la Papauté. (Art.
3 et 4.)
» Le pape, outre la dotation ci-des-
sus établie, jouira des palais du Vatican
et de Saiat-Jean-de-Latran, et du château
de Castel-Gandolfo, avec leurs attenan-
ces et dépendances ; le tout exempt
d'impôt et garanti contre l'expropriation
pour cause d'utilité publique. Les mu-
sées, la bibliothèque, les collections d'art
et d'archéologie qui existent dans ces
palais restent à la disposition du pape,
sans qu'il puisse, bien entendu, les
aliéner.
» Aucun agent ou o fficier de l'autorité
publique, dans l'exercice de ses fonc-
tions, ne pourra s'introduire ni dans les
résidences du saint-père ni dans les
réunions du Conclave ou des conciles
œcuméniques. Quand le siége pontifi-
cal sera vacant, la liberté personnelle
des cardinaux est garantie contre toutes
les autorités judiciaires ou politiques.
» Il est défendu d'opérer aucune visite
perquisition ou saisie de papiers dans
les congrégations pontificales, revêtues
d'attributions purement spirituelles. Le
souverain pontife est absolument libre
d'accomplir toutes les fonctions do son
ministère spirituel et d'en afficher tous
les actes aux portes des basiliques ou
églises de Rome. Les ecclésiastiques qui,
en vertu de leurs fonctions, prennent part
à la publication des actes du Saint-Siège
à Rome, ne peuvent être recherchés de ce
fait. Les ecclésiastiques étrangers au ser-
vice du pape à Rome jouissent des mê-
mes garanties personnelles que les ci-
toyens italiens. Les envoyés des gou-
vernements étrangers auprès du Saint-
Siège sont assimilés en tout aux diplo-
mates accrédités auprès du roi. Les re-
présentants du pape à l'étranger, soit
qu'ils se rendent à leur poste, soit qu'ils
en reviennent, jouissent des privilèges
et immunités diplomatiques sur le terri-
toire italien. (Art. 4 à 11.)
Il Le souverain-pontife correspond li-
brement avec l'épiscopat et avec tout le
monde catholique sans aucune ingéren-
ce du gouvernement italien. A cette fin,
il a le droit d'établir au Vatican ou dans
ses autres résidences des bureaux de
poste et de télégraphe desservis par des
employés de son choix. La poste ponti-
ficale pourra correspondre directement
en paquet clos avec les bureaux étran-
gers, ou remettre ses dépêches aux bu-
reaux italiens. Dans les deux cas, le trans-
port sera gratuit jusqu'à la frontière'
Les courriers pontificaux sont assimilés,
dans le royaume , aux courriers de
cabinet des gouvernements étrangers.
Le télégraphe pontifical sera relié au
réseau télégraphique du royaume, et
cela aux frais de l'Etat. Les dépèches
pontificales seront reçues et expédiées
d'urgence et gratis ; les dépêches à des-
tination du pape seront exemptes des
taxes à la charge des destinataires »
(Art. 12.)
A ce propos, le chevalier Artom, se-
crétaire général des affaires étrangères,
et l'un des plus éminents disciples de
Gavour, me disait : « Nous payons tou-
tes les dépêches que le pape écrit contre
nous. »
« Dans la ville de Rome et dans les
sièges suburbicaires (1. Ostie et Velle-
tri. 2. Porto et Santa Rufina. 3. Pales-
trina. 4. Frascati. 5. Albano. 6. Sabina.)
les séminaires, les académies, leseolle-
ges et les autres instituts catholiques
fondés pour l'enseignement des ecclé-
siastiques, dépendront uniquement du
saint-siége, et les autorités scolaires de
l'Etat n'auront rien à y voir.»
Les derniers articles de loi, réunis en
un titre à part, règlent les rapports de
PElat avec l'Eglise dans l'esprit le plus
large et le plus libéral. Les membres du
clergé catholique se réunissent où, quand
et comme il leur plaît ; le roi renonce
à son droit de nomination ou de propo-
sition pour les bénéfices majeurs ; le
pape les contère à qui bon lui semble, il
pourra même choisir des prélats étran-
gers à Rome et dans les sièges suburbi-
caires. Les évêques sont dispensés du
serment ; la publication et l'exécution
des actes des autorités ecclésiastiques se
passent de l'eæeqnalur ou du placet royal;
le gouvernement se réserve seulement
jusqu'à nouvel ordre de donner son pla-
cet ou son exequatur à la collation des
bénéfices majeurs et mineurs hors de
Rome ; encore les prélats s'insurgenl-ils
parfois contre cette formalité.
L'archevêque de Bologne, par exem-
ple, ce pasteur que son troupeau lY8
salue pas volontiers dans les rues, s'obs-
tine depuis assez longtemps à cacher le
bref pontifical qui i'a nommé. L'autorité
civile n'est pourtant pas trop exigeante;
elle lui dit : S'il vous répugne de nous
livrer ce parchemin, montrez-le à votre
chapitre, dont la déclaration fera foi.
Monseigneur fait la sourde oreille, il ne
veut pas céder, même sur une question
de forme, à cet affreux pouvoir civil.
Mais alors, lui dit-on, nous garderons
les clés du palais archiépiscopal, qui est
à nous. « Comme il vous plaira, répond-
il, je me logerai en garni. »
Et il s'est logé en garni, plutôt que de
montrer aux hommes du gouvernement
un chiffon signé par le pape. Plus le pou-
voir civil est doux, conciliant, généreux
même, plus ce malheureux parti clérical
affecte de pousser les choses à l'extrême,
comme s'il enrageait de n'être pas mar-
tyrisé.
Il ne le sera point, et l'étonnante bon-
homie du gouvernement italien va se
montrer une fois de plus dans l'affaire
des maisons généralices, que je vous
conterai au premier jour.
ABOUT.
(A suivre.)
—————.—— + ————————
COURRIER PARLEMENTAIRE
Versailles, 15 février 4875.
Bien qu'on ne discute guère plus les pé-
titions, le samedi n'en reste pas moins
une journée bigarrée, uae sorte de pot-
pourri de diverses questions.
Il est peu probable; que la durée de la
séance nous permette de voir le général
Chaugarnier aux prises avec l'appel du gé-
néral Carré de Belleniare contre les déci-
sions de la commission de révision des
grades ; imiis or, nous annonce un Murât
Sisîrièiv contre M. de Foul'tou, un Raoul Du-
val contre M. de Guulard, et un d'Ab a-
die de Barrau contre M. de Cissev. Rude
journée puur les ministres.
M. Murat-Sisttiere demande qu'on
mette à l'ordre du jour le ptojet de la re-
construction de !a colonne Vendôme.
M. le ministre des travaux publics, sans
s'opposer absolument au désir du député
du Cantal, fait observer que le projet en
question est englobé dans un ensemble de
projets (monuments à réédifier) qui va être
soumis à la Chambre. M. Ernoul, rappor-
teur de la commission, parle dans le même
sens que le ministre.
La droite n'est pas contente de ses deux
amis, elle murmure. Et M. Murat-Sis-
trière insLte, au grand plaisir de la droite.
« Ah! qu'on est fier d'être Français quand
on regarde la colonne! » Ainsi peut se
résumer l'allocntion du député du Cantal.
Ces choses-là font toujours de l'effet — et
nous ne nous en plaignons pas; — la co-
lonne est mise à l'ordre du jour.
M. Raoul Duval pose une question à M.
le ministre des finances, à propos du Jour-
nal officiel. M. de Goulard donne des expli-
cations , — qui n'expliquent pas grand
chose. Qu'est-ce que cela peut vous faire ?
La question n'intéresse que M Witters-
heim. ou son successeur.
D'Abbadie de Darrau contre Cissey!
commue on dit au Palais. Pas de d'Anbadie
de Barrau; le plaignant fait défaut, ce dé-
puté a oublié son interpellation comme un
électeur oublie son parapluie.
Il est à peine trois heures. Vous voyez
si les choses ont été menées bon train; il
est vrai que le tout ne présente par le
moindre intérêt.
Et nous nous replongeons dans la mé-
lasse.
Vous savez? trop de sucre, cela écœure
à la fin ; au:-si nous attendions-nous à voir
la salle faire la moue. Nos prévisions
malveillantes étaient fausses : l'auditoire
a écouté avec une attention d'autant plus
méritoire que la cause est entendue et que
les discours varient pt:u.
Il s'agit maintenant de sauver le fond par
la sauce et l'assaisonnement. M. Pouyer-
Q-ertier s\t. reçut-vaujourd'hui cuisinier
eiiiérite ; il a trouve moyen de relever lia
plot doux !
Les sucriers d'hier sont là, les mêmes.
On n'aperçoit pas de raffineurs; ils n'osent
plus se montrer, les témoins à charge se
succédant contre eux.
Et M. Pouyer Quertier, développant, dans
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